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									| La Grande guerre. La Vie en Lorraine
							René Mercier
 Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
 Date d'édition : 1914-1915
 La Grande GuerreLA VIE EN LORRAINE
 AVRIL 1915
 L'Est Républicain NANCY
 |  LUTTE 
							ARDENTE en ARGONNEAu Bois Le Prêtre et vers Parroy
 Paris, 31 mars, 15 heures.Aucune modification n'a été signalée dans la 
							situation depuis le communiqué de ce matin.
 
 Paris, 1er avril, 0 h. 55.
 Voici le communiqué officiel du 31 mars23 heures : 
							En Champagne, actions d'artillerie dans la région de 
							Beauséjour-Ville-sur-Tourbe.
 En Argonne, activité incessante, particulièrement 
							entre le Four-de-Paris et Bagatelle. Les combats se 
							livrent parfois à une si courte distance qu'un 
							lance-bombes, atteint par une de nos grosses bombes, 
							a été projeté dans nos lignes.
 Dans la nuit du 30 au 31 mars nous avons enlevé cent 
							cinquante mètres de tranchées en faisant des 
							prisonniers et en prenant deux lance-bombes.
 Pendant la nuit du 30 au 31 également, l'ennemi a 
							bombardé une tranchée qu'il avait perdue le 30 au 
							Bois-le-Prêtre. Il a contre-attaqué au petit jour 
							avec plusieurs bataillons et a réussi à reprendre 
							pied dans la partie ouest de la position, mais dès 8 
							heures, il en était de nouveau délogé.
 Le gain réalisé le 30 mars est donc intégralement 
							maintenu. Nous avons fait des prisonniers, dont un 
							officier.
 Dans la région de Parroy, des combats d'avant-postes 
							ont tourné à notre avantage.
 LES MARRAINES DE LORRAINE Nancy, 1er avril.J'ai écrit dimanche que j'expliquerais comment on 
							peut devenir marraine d'un soldat. Les lettres que 
							j'ai reçues montrent que l'idée a été comprise avant 
							même que d'être exprimée. Mieux. Sous une autre 
							forme elle a été réalisée.
 Une institutrice me fait passer ce mot :
 «  Je voudrais que vous sachiez que nous n'avons pas 
							attendu l'invitation de votre journal. Depuis le 
							début de la guerre, à l'école d'Alsace-Lorraine, 
							nous avons «  adopté » des soldats et nous leur 
							envoyons lettres et paquets. Nous avons reçu et 
							continuons à recevoir des lettres pleines de naïfs 
							remerciements, des lettres plus touchantes dans leur 
							tournure un peu maladroite que les plus savantes 
							épitres.
 «  Je suppose que dans bien des familles on a agi 
							ainsi, mais il n'est pas besoin de publicité aux 
							actes qu'on croit justes.
 «  On ne pourra jamais mesurer toute l'étendue des 
							sacrifices que les familles françaises font pour le 
							soldat. J'ai été à même de m'en rendre compte. 
							Toutes ces initiatives sont charmantes et poétiques.
 «  Nous attendons nos «  filleuls soldats » et nous 
							leur ferons le même accueil que nous avons fait à 
							toutes les bonnes idées. »
 Je n'ai pas besoin de remercier notre généreuse amie 
							de ses sentiments délicats. Ils sont au coeur de 
							toute Lorraine, de toute Française. Mais pas de 
							publicité ? Non, si on entend par publicité la 
							recherche d'une popularité de mauvais aloi. Au 
							contraire, beaucoup, beaucoup de publicité pour les 
							actes généreux. Jamais assez de publicité autour de 
							la vaillance de nos soldats, autour du dévouement 
							des femmes françaises. Il est bon que partout on 
							sache avec quelle foi notre armée se bat, de quel 
							souffle ardent est inspirée la France entière en ces 
							jours de deuil et d'espérance. Et nous craignons au 
							contraire de n'avoir pas assez fait de publicité, 
							pour l'édification des neutres hésitants, quand les 
							Allemands inondaient l'Europe et les autres parties 
							du monde de papiers exaltant, la gloire, la vertu, 
							la pitié germaniques.
 Mais il faut revenir aux «  Marraines de Lorraine ».
 On a lu hier des lettres que nos troupiers du 20e 
							corps écrivent aux fillettes de l'école supérieure, 
							aux apprenties de l'école ménagère de la rue Glodion, 
							aux enfants de l'école Raugraff. Ce sont autant de 
							filleuls, autant de marraines. Il est relativement 
							facile à des organisations comme nos écoles 
							d'instituer un mouvement aussi touchant. Les 
							maîtresses ont vite fait d'y entraîner tous les 
							petits coeurs, - si tendres.
 Pourtant il reste dans les familles bien des âmes 
							qui palpitent vers la bonté, et ne trouvent point la 
							façon de réaliser leurs désirs.
 C'est à celles-là que je veux m'adresser pour 
							l'oeuvre des Marraines de Lorraine.
 Des deux côtés même élan les uns vers les autres. 
							Mais comment se rencontrer ? Comment les femmes et 
							les jeunes filles lorraines, les petites ouvrières, 
							les fillettes qui ne vont plus à l'école 
							trouveront-elles le moyen de répandre les trésors de 
							leur dévouement, de les distribuer d'une façon 
							directe, qui laisse un souvenir ému et précis, de 
							les donner enfin non point seulement à la foule 
							glorieuse des combattants, mais, à quelqu'un, à l'un 
							de ces combattants qu'on aura choisi parmi tous et 
							auquel on apportera le réconfort moral et la douceur 
							affectueuse des petits présents ?
 Je reçois fréquemment, et je recevrai de plus en 
							plus souvent des lettres de soldats sans famille ou 
							dont la famille est pauvre, ou encore dont les 
							parents sont aux pays annexés. Ceux-là, plus 
							spécialement, ont besoin d'encouragement, et de 
							savoir qu'ils ne sont pas abandonnés de tous, mais 
							qu'ils peuvent avoir en France, des femmes, des 
							enfants qui pensent à eux, et les consolent, et les 
							aident, et leur font oublier les heures mauvaises.
 Ces lettres, je les mets à la disposition des 
							Marraines de Lorraine. Quand une marraine aura 
							adopté son filleul, elle correspondra avec lui 
							directement, et fera pour lui ce que sa générosité 
							affectueuse lui ordonnera.
 Nous nous contenterons de savoir que le soldat est 
							sauvé de l'abandon, de la solitude, qu'il reçoit de 
							jolies lettres, qu'il a une affection vers qui se 
							pencher et qui le comprend.
 Assurément nous aurons au début plus de marraines 
							que de filleuls. Je n'en veux pour preuve que ce qui 
							est advenu pour les trois Alsaciens dont l'aîné 
							m'avait écrit. Ce n'est pas trois marraines qui 
							m'ont demandé leur adresse, mais dix. Sept marraines 
							doivent donc attendre. Je suis certain qu'elles 
							n'attendront pas longtemps.
 Nous recueillerons à l'Est le nom et l'adresse des 
							marraines qui désireront un filleul, le nom et 
							l'adresse des soldats qui désireront une marraine. 
							Ces listes ne sortiront pas du journal. Elles ne 
							seront communiquées à personne.
 Notre rôle est seulement de mettre en relations le 
							soldat sans famille et la Lorraine qui souhaite, en 
							plus de ses oeuvres habituelles de bonté, accomplir - 
							pendant la guerre un acte précis de tendre 
							patriotisme.
 Il faut qu'il n'y ait plus de soldat sans famille, 
							puisqu'il n'y a pas de famille sans soldat.
 Vivent les Marraines de Lorraine !
 René MERCIER.
 RETOUR D'EXILLe Maire de Val-et-Châtillon raconte sa captivité
 Nancy, 1er avril.Lundi, dans l'après-midi, les habitants des communes 
							de Val-et-Châtillon et de Petitmont, réfugiés à la 
							caserne Molitor, étaient réunis dans le bâtiment du 
							gymnase, transformé en salle de conférences, -pour 
							entendre le récit de la longue captivité en 
							Allemagne de M. Veillon, maire de Val.
 M. Mirman, préfet, assistait à cette réunion, ainsi 
							que plusieurs membres du comité des réfugiés.
 Après une courte allocution de M. Schmitt, directeur 
							de la caserne, M. Veillon a pris la parole.
 M. le maire de Val s'est adressé tout d'abord à ses 
							compatriotes pour leur recommander de toujours bien 
							observer le règlement de la caserne, afin de montrer 
							leur reconnaissance envers le comité, et envers tous 
							ceux qui s'efforcent, par leurs soins, de faire 
							oublier le long exil auquel ils se sont astreints. 
							Il a témoigné sa reconnaissance envers M. le préfet 
							de Meurthe-et-Moselle, dont la paternelle vigilance 
							s'augmente d'une façon si gracieuse des soins 
							délicats de Madame et de Mesdemoiselles Mirman ; Mme 
							Finance, directrice de l'infirmerie ; Mme Archimbaud 
							; M.
 Schmitt, enfin envers tous ceux qui s'occupent des 
							réfugiés.
 M. Veillon a ensuite relaté comment il If ut fait 
							prisonnier par les Allemands.
 
 L'arrivée des Boches
 C'était le 12 octobre. Les ennemis venaient de 
							s'emparer du dévoué secrétaire de la mairie, M. 
							Louis Cayet, auquel il adresse un souvenir ému, car 
							il est toujours prisonnier. Les Allemands avaient 
							trouvé sur lui un carnet de notes, dans lequel était 
							une fiche où M. Veillon indiquait l'endroit où il 
							avait caché le récit des événements depuis la 
							guerre, notamment celui de la bataille de Val. Les 
							Allemands voulurent voir là de l'espionnage.
 Ils s'emparèrent de M. Veillon, en disant : «  Vous 
							êtes un officier supérieur déguisé en maire. »
 
 Sur la route de l'exil
 M. le maire et son secrétaire furent conduits en 
							voiture à Réchicourt, où ils furent enfermés dans la 
							maison du notaire. Ils passèrent devant le conseil 
							de guerre, qui les acquitta.
 Mais les Allemands ne rendirent pas la liberté à M. 
							le maire, sous le prétexte qu'ayant traversé les 
							lignes allemandes, il ne pouvait rentrer en France 
							avant quinze jours.
 Au bout de quelque temps, M. Veillon est emmené à 
							Sarrebourg, en même temps qu'un caporal français 
							fait prisonnier près de Blâmont et qui était coiffé 
							de la casquette qu'un officier allemand lui avait 
							donnée en échange de son képi.
 La qualité de maire de M. Veillon lui valut, à la 
							prison militaire, une chambre de sous-officier qu'il 
							partageait avec M. maire d'Arracourt. C'est dans 
							cette prison qu'il vit arriver les habitants de 
							Loupmont (Meuse), porteurs de hottes sur lesquelles 
							ils avaient chargé ce qu'ils avaient de plus 
							précieux.
 Là encore il vit un habitant du Val, M. Scheffer, 
							qui lui apprit le bombardement de la commune.
 Le 2 novembre, les prisonniers français entendent le 
							canon. Ils ont quelque espoir, mais Je jour même 
							tous sont dirigés vers la gare et rapidement 
							conduits à Saverne, où ils arrivent dans la soirée.
 
 A Saverne
 La petite ville alsacienne est éclairée. Les 
							habitants sortent de leurs maisons pour voir le 
							triste cortège, dont ils ont la plus grande pitié.
 Les prisonniers sont enfermés à la prison avec les 
							détenus de droit commun. La nourriture est des plus 
							mauvaises. Mais la visite du procureur impérial fit 
							améliorer le sort des prisonniers, qui eurent la 
							permission de sortir en ville sous la garde de 
							soldats.
 Les Savernois, en voyant la grande misère dans 
							laquelle nous nous trouvions, dit M. Veillon, nous 
							distribuèrent des vêtements, du pain et autres 
							aliments.
 Un jour on annonçait que tous les prisonniers 
							allaient être dirigés vers la Suisse, mais le 
							lendemain cet espoir s'envolait, car on annonçait 
							que le voyage était ajourné.
 
 A Dieuze
 Le 16 novembre, tous les Français étaient conduits à 
							Dieuze, où ils étaient internés dans la caserne 
							d'infanterie où se trouvaient déjà d'antres 
							prisonniers de diverses communes de 
							Meurthe-et-Moselle.
 A Dieuze, les jeunes gens seuls travaillaient, 
							notamment sur les chemins et à l'entretien des 
							tombes dos soldats tués sur les champs de bataille. 
							Les prisonniers étaient payés à raison de trois mark 
							pour dix jours.
 Le 28 novembre, cinq jeunes gens de Thiaucourt 
							purent, s'évader, mais, repris à Avricourt, ils 
							furent ramenés à Dieuze. L'opinion de tous les 
							Français était qu'ils allaient être sévèrement 
							punis. Le générai les fit appeler et après les avoir 
							félicités de leur acte de courage, il ne leur 
							octroya que quinze jours de cellule.
 Le 6 décembre, un aéroplane français, survolant 
							Dieuze, jeta deux bombes sur la caserne des 
							chevau-légers, contiguë à celle de l'infanterie.
 
 Dans les camps prussiens
 Le 17 décembre, les prisonniers sont amenés à 
							Rastadt. A leur arrivée, la population les 
							accueillit par des cris de haine. Tout le monde lut 
							interné avec les prisonniers de guerre, dont 
							l'entrain et la bonne humeur étonnaient les soldats 
							allemands qui les gardaient.
 Enfin, le 23 décembre, les Allemands faisaient 
							évacuer 1.500 prisonniers de Rastadt pour les 
							conduire au camp de Holzminden. Le voyage dura deux 
							jours, pendant lesquels on ne reçut comme nourriture 
							qu'un morceau de pain et de saucisse.
 Le camp, construit spécialement pour les 
							prisonniers, se compose de quatre-vingt-quatre 
							baraques en planches, recouvertes de carton-bitume. 
							Comme literie, un simple cadre avec une paillasse 
							remplie de laine de bois. Là se trouvaient déjà des 
							soldats belges et des habitants de la Pologne.
 La nourriture au camp était mauvaise. Le menu était 
							invariable : soupe à midi et le soir. On obligea 
							tous les prisonniers à déposer leur argent. Les 
							couteaux dont ils étaient porteurs durent avoir la 
							pointe brisée.
 Les jours, s'écoulèrent lentement. Pour calmer leur 
							ennui, les Français organisaient des concerts ou 
							bien ils pratiquaient divers jeux, ou encore; 
							profitant des rares beaux jours, faisaient les cent 
							pas sur la seule chaussée pavée du camp et qu'ils 
							avaient nommée «  Avenue Joffre », nom que les 
							Allemands lui donnaient aussi.
 
 La délivrance
 Enfin le jour de la délivrance arrivait. M. Veillon 
							était ramené à Rastadt. Après un court séjour dans 
							ce camp, il faisait partie d'un (convoi qui le 
							conduisait à Schaffouse, puis de là en France.
 M. le maire de Val se hâtait de venir à Nancy, où il 
							arrivait la semaine dernière. Il se mettait de suite 
							en relations avec ses administrés, qui tous lui ont 
							témoigné leurs sympathies, heureux de voir que son 
							séjour en Allemagne n'avait pas altéré sa santé.
 CH. LENOBLE.
 BOMBARDEMENT INUTILE A BEAUZEMONT Samedi et dimanche, plusieurs obus allemands sont 
							tombés sur le village de Beauzemont.Situé au sud d'Arracourt et à l'ouest de Parroy, 
							Beauzemont n'est pas éloigné de la frontière de plus 
							de sept kilomètres à vol d'oiseau.
 Quelques maisons ont gravement souffert. L'utilité 
							de cet exploit se chercherait en vain. Bauzemont 
							n'est pas une position stratégique.
 Une fois de plus, les Boches ont tenu à prouver leur 
							sauvagerie et leur cruauté en canonnant 
							d'inoffensifs cultivateurs.
 NOS SUCCESdu Bois Le Prêtre et de Parroy
 LA GUERRE DE MINES
 Paris, 1er avril, 15 heures.La lutte de mines se poursuit sur de nombreux points 
							du front.
 Devant Dompierre (sud-ouest de Péronne) nous avons 
							fait exploser avec succès quatre fourneaux.
 Près de la ferme du Choléra (nord de Berry-au-Bac) 
							nous avons fait sauter un rameau de mines au moment 
							où l'ennemi y travaillait et nous avons fait suivre 
							l'explosion d'une rafale de 75. Un poste d'écoute 
							allemand a disparu dans l'entonnoir.
 Au bois Le-Prêtre, le nombre exact des prisonniers 
							faits par nous est de 140, dont 3 officiers. Toutes 
							les contre-attaques allemandes ont été repoussées.
 L'attaque dirigée contre nos avant-postes dans la 
							région de Parroy aurait été menée par un bataillon 
							de landwehr. Elle a échoué avec de fortes pertes.
 Les aviateurs belges, au cours de la nuit du 30 au 
							31, ont bombardé le camp d'aviation d'Handzaeme et 
							le noeud de voies ferrées de Cortemark.
 NOUS OCCUPONS FEY-EN-HAYE Paris, 2 avril, 0 h. 30.Voici le communiqué officiel du 1er avril, 23 
							heures:
 Combats d'artillerie sur différents points du front.
 En Woëvre, à l'ouest du bois Le-Prêtre,, nous avons 
							occupé le village de Fey-en-Haye et nous nous y 
							sommes maintenus malgré plusieurs contre-attaques.
 En Lorraine et en Vosges, rien à signaler.
 Fey-en-Haye (132 habitants) fait partie du canton de 
							Thiaucourt, qui est à 8 kilomètres 800 au 
							nord-ouest.
 GARROS & NAVARREabattent chacun leur taube
 Au sud de Dixmude, le lieutenant aviateur Garros a 
							abattu un Aviatik à coups de mitrailleuse.Dans la région de l'Aisne, un autre aviateur 
							allemand a été abattu à coups de fusil par 
							l'aviateur Navarre.
 Nouvelles du Pays meusien Fleury-sur-Aire. - Les Boches arrivèrent à 
							Fleury-sur-Aire (commune de 260 hab., canton de 
							Triaucourt), le 5 septembre, à 2 heures de 
							l'après-midi, ce n'était qu'une patrouille ; à 5 
							heures du soir, ils vinrent au nombre de dix mille 
							hommes. Leur première occupation fut de visiter à 
							fond l'église, le clocher et jusqu'aux moindres 
							coins de la sacristie.Malgré cette minutieuse perquisition et bien qu'ils 
							aient occupé tout le pays pendant la nuit suivante, 
							le lendemain, à huit heures du matin, ils 
							enfoncèrent à coups de hache la porte de l'église, à 
							coups de crosse de fusil la porte de la sacristie, 
							ainsi que la fenêtre ; ils firent main basse sur 
							tout ce qui pouvait servir au culte, comme cierges, 
							bougies, pétrole et vin de messe, déposé là par 
							précaution pour le préserver du pillage.
 Le lundi 7 septembre, ayant converti l'église en 
							ambulance, ils brisèrent volontairement, à coups de 
							hache, tous les bancs de l'église et de leurs débris 
							firent un tas dans le cimetière voisin, tout prêt à 
							être brûlé.
 Ils brisèrent également, ou plutôt le capitaine de 
							gendarmerie allemand en personne brisa quatre 
							fenêtres de l'église, sous le fallacieux prétexte 
							qu'il fallait de l'air aux blessés. Prétexte 
							mensonger, une seule fenêtre aurait suffi. Quant à 
							la flèche du clocher, ils la percèrent de trous, 
							pour y installer des mitrailleuses qui, d'ailleurs, 
							ne fonctionnèrent pas.
 D'où il suit que, pour la malheureuse église de 
							Fleury, le bilan du passage des barbares peut 
							s'évaluer à sept ou huit mille francs en dégâts tout 
							à fait volontaires et complètement inutiles. C'est 
							un modeste spécimen de la fameuse kultur allemande 
							et les hommages rituels que réclame le vieux Dieu de 
							Guillaume.
 
 Stenay. - Une dame de Stenay, rapatriée d'Allemagne, 
							où elle était internée depuis le 28 septembre, a 
							bien voulu communiquer les renseignements suivants :
 «  Vers 4 heures du soir, le 27 août, un détachement 
							ennemi, composé d'une quarantaine d'hommes, un 
							capitaine et deux lieutenants, arriva à Stenay.
 Furieux de ne trouver ni le maire, qui était parti, 
							ni les adjoints, dont l'un était mobilisé, ils se 
							saisirent du directeur de l'école M. Toussaint, de 
							l'abbé Hazard et de M. Romagny, et les obligèrent à 
							les conduire dans chaque maison pour s'assurer qu'il 
							ne s'y cachait pas de francs-tireurs. Arrivés près 
							de l'hôtel Martin, apercevant une patrouille 
							française, ils placèrent les civils en avant et M. 
							Toussaint reçut une balle dans l'aine. L'abbé Hazard 
							fit le mort, espérant ainsi pouvoir porter secours à 
							son compatriote. A ce moment l'officier allemand 
							tira un coup de revolver à M. Toussaint et 
							s'apercevant de la supercherie de l'abbé, le fit 
							relever et attacher à la queue de son cheval ; il 
							lui fit faire une randonnée dans les champs. Le 
							malheureux, enfin libre, arriva exténué à la maison 
							d'école. M. Toussaint ne fut relevé que plusieurs 
							heures après par M. Gourdet. Transporté à l'hospice, 
							il y mourut trois semaines après.
 Contrairement à ce qui a été dit, Mgr Mangin n'est 
							pas mort en Bavière, mais à Stenay, où il fut 
							enterré par les soins de l'abbé Hazard, dans la 
							première quinzaine de septembre.
 Le lendemain, les troupes allemandes arrivèrent en 
							grand nombre : Bavarois et Saxons, les chevaux et 
							les hommes affamés. Les caves furent mises à sec et 
							le pillage commença. Le kronprinz, logé au château 
							du Verdier, donna l'exemple d'ailleurs en présidant 
							à l'enlèvement des objets d'art.
 Dès que la ligne de chemin de fer fut rétablie, le 
							déménagement des pianos, coffre-fort, meubles, 
							linge, vêtements, continua.
 Un peu partout campèrent les soldats, notamment dans 
							les chantiers Drapier et Guilmart, où les stocks de 
							bois furent vite utilisés et emmenés.
 Un hôpital est installé dans la maison Drapier ; les 
							typhiques sont dans la maison Authenias. Pendant le 
							bombardement, les habitants restes vécurent dans les 
							caves de l'école. Un seul obus français éclata près 
							de la maison Thomas, ne causant pas grands dégâts. 
							Les maisons Goulet-Turpin-Collignon, Ragot, Thirion, 
							Dubois sont incendiées, les soldats ayant voulu 
							terroriser la population par la menace d'un incendie 
							général.
 Depuis on n'a pas d'autres renseignements sur le 
							sort de cette ville. D'autres civils ont été emmenés 
							fin octobre. L'un d'eux est rapatrié et fera 
							connaître sans doute la vie de Stenay à cette date.
 Ces renseignements seront publiés ultérieurement.
 
 Etraye. - Les Allemands sont arrivés à Etraye le 27 
							août, ils ont commencé par occuper les maisons 
							évacuées ; puis ils ont réquisitionné bétail, porcs, 
							lapins, volailles, vin, etc. Ils ont transporté dans 
							les bois des chariots de gerbes de blé pour établir 
							des abris, arraché les poteaux des parcs qu'ils ont 
							brûlés ; les fils de fer ont servi pour les défenses 
							des tranchées.
 Pas de nouvelles des femmes restées an village.
 
 Loupmont.- On communique la lettre suivante :
 «  J'ai recueilli de plusieurs blessés la certitude 
							que notre joli petit Loupmont, si riant autrefois au 
							pied de ce coteau si riche, n'est plus maintenant 
							qu'un amas de ruines et de cendres. Un tétanique,
 blessé à Loupmont fin octobre, et encore 
							actuellement dans mon service, s'y est vaillamment 
							battu ; il fait partie de la 6e coloniale. Par trois 
							fois, dit-il, Loupmont a été pris et reperdu. Chaque 
							soir, la horde barbare incendiait deux, trois 
							maisons, et, m'a affirmé ce «  brave poilu », comme 
							il aime à s'intituler, après le départ des 
							malheureux habitants pour l'exil le village a été 
							détruit de fond en comble. A l'heure actuelle, il 
							n'en reste plus une seule maison. Avant que de le 
							démolir et l'incendier, les pirates ont emporté 
							meubles, literie, linge, etc., surtout l'excellent 
							vin de ce riant coteau.
 Saint-Agnan n'est que cendres. La redoute, détruite 
							par les batteries boches, m'a déclaré un blessé à 
							Saint-Agnan, est la sépulture de beaucoup des 
							nôtres.
 Marbotte, Mécrin ont été les théâtres de combats 
							acharnés. Un bois situé au-dessus du cimetière a vu 
							des luttes homériques et là Français et Boches, 
							dorment côte à côte du sommeil éternel. »
 
 Bonzée-en-Woëvre. - Au début de la guerre, Bonzée 
							comptait 193 habitants ; aujourd'hui, elle est 
							réduite à 94 personnes ; 27 ont été mobilisées, 64 
							évacuées et 8 sont décédées. Depuis le mois d'août, 
							elle a été constamment occupée par nos troupes, sauf 
							pendant une partie de septembre ; et encore pendant 
							cette période une compagnie d'infanterie venait tous 
							les jours d'Haudiomont en patrouille à Bonzée.
 Le 8 septembre, quatre uhlans ont été aperçus, 
							venant de Trésauvaux. La brigade de gendarmerie de 
							Fresnes-en-Woëvre, qui se trouvait alors a Bonzée, 
							et une vingtaine de fantassins de la compagnie en 
							patrouille se sont dissimulés derrière le parapet du 
							pont et ont salué l'entrée des uhlans dans le 
							village par une fusillade nourrie : deux Boches ont 
							été abattus avec leurs chevaux sur la place de 
							l'église, les deux autres ont tourné bride et sont 
							repartis au grand galop.
 Huit jours après, sept Allemands, trois fantassins 
							et quatre cavaliers sont entrés dans le village par 
							la route de Fresnes ; ils ont parcouru les rues au 
							pas, bien tranquillement, sont entrés dans la maison 
							qu'on appelle le château, y ont pris une galette, 
							cinq oeufs sur dix qu'ils avaient trouvés, une boîte 
							d'allumettes et une bougie. Après ce pillage 
							enfantin, ils sont repartis sans avoir fait de mal, 
							sauf qu'ils ont blessé un de nos cavaliers aperçu 
							dans les environs.
 En revanche, Bonzée a été bombardé, presque tous les 
							jours depuis le 15 septembre jusqu'au commencement 
							de février. Un des premiers projectiles est tombé 
							sur un pignon et a blessé mortellement un enfant de 
							14 ans, le jeune Delpierre. Cet enfant a été la 
							seule victime humaine. Un cheval, deux bêtes à 
							cornes et quatre porcs ont été tués par des éclats 
							d'obus ; une vache a péri dans un incendie. Quatre 
							maisons ont été incendiées, huit presque 
							complètement détruites et quinze autres plus ou 
							moins atteintes. Pendant les bombardements qui 
							avaient lieu généralement les après-midi, les 
							habitants effrayés se réfugiaient dans abris 
							construits par la troupe. Tous les carreaux du 
							village, y compris les vitraux de réalise, ont 
							disparu. L'église n'a été atteinte que sur une 
							faible partie du mur du choeur, bien que les maisons 
							voisines aient été sérieusement endommagées.
 Elle a servi d'ambulance temporaire du 25 au 30 août 
							après les combats d'Etrain ; quatre soldats y ont 
							succombé. Les blessés ont ensuite été évacués 
							hâtivement par crainte de l'invasion.
 
 Jonville. - Jonville-en-Woëvre, situé à 5 kilomètres 
							de Woël et de Harville, est occupé par les Allemands 
							depuis les premiers jours de septembre. Ils ont 
							emmené principalement les jeunes hommes. Toutes les 
							femmes et jeunes filles sont restées au pays, et 
							peut-être aussi les hommes d'un certain âge. 
							L'église, le presbytère et la mairie sont 
							transformés en trois hôpitaux. Les femmes sont 
							employées à laver le linge des malades et blessés. 
							Quelques chevaux et un certain nombre de vaches ont 
							été laissés aux habitants, probablement que le lait 
							est donné aux malades.
 AVIONS ET MINES Paris. 2 avril, 15 heures.Rien d'important à ajouter au communiqué de ce 
							matin. Au sud de Péronne, près de Dompierre, nous 
							avons détruit à la mine plusieurs tranchées 
							allemandes.
 En Argonne, à Bagatelle, une tentative d'attaque 
							allemande a été arrêtée net.
 Des avions français et belges ont jeté une trentaine 
							d'obus sur le champ d'aviation de Handzaème.
 LA GARE DE VIGNEULLESbombardée par nos avions
 Paris, 3 avril, 0 h. 58.Voici le communiqué officiel du 2 avril, 23 heures : 
							Sur l'ensemble du front, rien d'important n'a été 
							signalé.
 A 7 heures du matin, à l'est de Soissons, un avion 
							allemand a été abattu dans nos lignes. C'est le 
							troisième en 24 heures.
 Notre escadrille de bombardement a lancé 33 obus sur 
							les baraquements, les hangars et la gare de 
							Vigneulles-en-Woëvre, La plupart des projectiles 
							sont tombés en plein sur leurs objectifs.
 Nos avions ont été très violemment camionnés et de 
							très près. Trois d'entre eux sent, rentrés, avec de 
							grosses déchirures aux ailes. Les autres ont reçu 
							des balles de shrapnells dans les toiles, mais aucun 
							aviateur n'a été atteint et tous les appareils sont 
							revenus dans nos lignes sans accident.
 LA SAUVAGERIE TEUTONNE A REHAINVILLER Au cours d'une visite à Rehainviller, un de nos, 
							confrères a recueilli le récit de l'atrocité 
							suivante :«  Bien qu'or ne puisse guère savoir où ils se 
							logent, quelques habitants sont rentrés, ayant la 
							nostalgie de leur coin de terre. L'un d'eux 
							s'approche de nous, dit son mot dans les propos que 
							nous échangeons avec le cantonnier. Celui-ci nous 
							parle du curé Barbeau, que fusillèrent les Allemands 
							quand ils se crurent maîtres du village.
 - Et Joseph ? ajoute le paysan.
 - Joseph ?
 - Mais oui, Joseph Noirclair.
 - Monsieur, reprend-il en se tournant vers nous, 
							celui-là, on ne saura, jamais pourquoi ils l'ont 
							traité comme ils l'ont fait ! Il était bien 
							inoffensif. Après l'avoir fusillé, ainsi que lé 
							curé, quelle sauvagerie n'ont-ils pas inventée ? On 
							l'a trouvé la tête coupée, et, sa tête, ils 
							l'avaient mise sous son bras. C'est-il des choses 
							croyables, ca ? »
 LE FEU BRULE UN TAUBEbombardeur de Reims.
 NOS CAPTURES AU BOIS LE PRÊTRE
 Paris, 3 avril, 15 h. 10.Dans la région de la Somme, à La Boisselle et à 
							Dompierre, la guerre de mines s'est poursuivie avec 
							un avantage marqué pour nous.
 Le nombre total des prisonniers faits au bois 
							Le-Prêtre (nord-ouest de Pont-à-Mousson), du 30 mars 
							au 1er avril, dépasse deux cents, dont six 
							officiers.
 L'avion allemand qui a été abattu hier-matin venait 
							de jeter des bombes sur Reims. L'appareil a pris feu 
							en atterrissant. Les deux aviateurs sains et saufs 
							ont été faits prisonniers.
 Attaques allemandes repoussées ! Paris, 4 avril, 0 h. 50.Voici le communiqué officiel du 3 avril, 23 heures.
 A Dompierre, au sud-ouest de Péronne, nos travaux de 
							mines continuent à progresser.
 Près de Lassigny, une attaque allemande qui essayait 
							de, déboucher a été arrêtée par notre feu à la 
							sortie de ses tranchées..
 En Hautes-Alsace, dans la région de 
							Burnhaupt-le-Haut, nous avons repoussé deux attaques 
							allemandes.
 RETOUR D'EXILArrêtés comme francs-tireurs. - La navette de Delme 
							à Dieuze, en passant par Morhange.
 Francs-tireurs, capout ! - A Radstadt et Holzminden. 
							- La délivrance. - Les jolis sabots suisses...
 Récit d'un Otage d'Arraye-et-Han
 M. Aimé. Godefroy, un honorable habitant 
							d'Arraye-et-Han, dans le canton de Nomeny, vient de 
							rentrer de captivité, après un séjour de près de six 
							mois dans les prisons et dans les camps d'Allemagne, 
							où, on peut le dire, il a enduré toutes les 
							souffrances physiques et morales d'un patriote en 
							exil.Mais M. Godefroy, en vaillant Lorrain, ne s'est 
							jamais laissé abattre, et la joie du retour illumine 
							aujourd'hui sa face, jaunie par les privations, et 
							qu'encadre une longue barbe noire, oubliée depuis 
							longtemps par le rasoir.
 C'est le 1er septembre qu'avec le maire, l'adjoint 
							et le curé du village, M. Godefroy fut arrêté. 
							Jusque-là, durant tout le mois d'août, 
							Arraye-et-Han, occupé par les Français le matin et 
							par les Allemands le soir, ou par les Boches le 
							matin, et par nos fantassins à la tombée de la nuit, 
							n'avait pas ou à subir de grandes vexations ni de 
							bien grands dégâts.
 Les Allemands avaient trop la frousse de nos 
							baïonnettes pour s'attarder aux beuveries et au 
							pillage, Les maisons n'avaient donc encore que peu 
							souffert. Çà et là, un obus avait marqué sa trace 
							dans les toitures ou les façades, détériorant 
							parfois quelque mobilier, mais sans faire de 
							victimes. L'église avait eu aussi sa part des 
							projectiles teutons. On peut même dire qu'elle avait 
							eu sa grosse part, bien qu'elle n'ait rien de la 
							cathédrale de Reims, ni de cette de Soissons. «  Gott 
							mit uns »
 
 Mais, le 1er septembre, ce ne fut plus une simple 
							patrouille qui arriva à Arraye-et-Han. Ce fut au 
							moins un régiment, appuyé par des masses profondes, 
							de l'autre côté de la Seille.
 Et les habitants ont fait aussitôt connaissance avec 
							la sauvagerie teutonne.
 Le maire, son adjoint, ainsi que le curé et M. 
							Godefroy sont immédiatement arrêtés. Les uns sont 
							accusés d'avoir fait des signaux aux Français, les 
							autres d'avoir tiré sur les troupes allemandes.
 «  D'un interrogatoire sommaire, raconte M. Godefroy, 
							il résulta pour mon compte que j'étais considéré 
							comme un franc-tireur. N'est-ce point là, 
							d'ailleurs, l'accusation qui a servi partout aux 
							Allemands de prétexte aux fusillades, à la 
							destruction et au pillage ? Il était parfaitement 
							inutile de chercher des preuves de son innocence. 
							Les explications n'étaient pas admises. J'étais 
							prisonnier, avec les deux premiers citoyens de ma 
							commune et notre curé. Qu'allait-il advenir de nous 
							?... »
 Le sort des quatre otages devait être décidé 
							ailleurs, devant, un conseil de guerre. On les 
							escorta de gendarmes, et en route pour Delme.
 
 Le départ d Arraye-et-Han fut inattendu, précipité. 
							On ne laissa pas le temps aux prisonniers de dire un 
							dernier adieu à leurs familles ou à leurs amis, ni 
							de se munir même de l'indispensable, Delme ne fut 
							qu'une courte halte. Quelques minutes de comparution 
							devant un général, qui les expédia, sur Morhange, 
							après les avoir traités de francs-tireurs.
 Qu'allait-il advenir des prisonniers sous une 
							semblable accusation ? Morhange, c'était sans doute 
							le conseil de guerre, et le poteau d'exécution.
 Mais le conseil de guerre ne se pressait pas de 
							siéger. En attendant, M. Godefroy et M. l'adjoint 
							étaient séparés de leurs deux compagnons et 
							enfermés, dans une cellule, où on les laissa pendant 
							cinquante-six jours.
 A ce moment, on leur apprenait que M. le maire et M. 
							le curé, contre qui des preuves faisaient défaut, 
							étaient remis en liberté.
 On conduisit les deux hommes à Morhange, puis à 
							Dieuze. Naturellement, ces diverses étapes se 
							faisaient à pied, avec, dans le, ventre un misérable 
							café, ou plutôt un kafé avec un K, dans lequel il ne 
							manquait que l'essentiel. L'escorte des gendarmes 
							n'était pas trop féroce. Elle permettait aux braves 
							Lorrains annexés, de s'apitoyer sur le sort de leurs 
							frères prisonniers, et de leur donner du pain 
							accompagné de fromage ou de fruits, quelquefois même 
							de jambon. En revanche, les soldats boches faisaient 
							de l'ironie à la mode barbare.
 Et il y en avait partout, de ces Prussiens casqués ! 
							Les routes en étaient encombrées. Les champs voisins 
							en étaient, couverts.
 Lorsqu'apparaissait la petite troupe, deux civils 
							entre quatre gendarmes. - les soldats criaient :
 - Francs-tireurs ! Francs-tireurs ! Capout.
 Et tandis que les uns mettaient les deux Français en 
							joue, les autres tiraient, leur couteau ou leur 
							baïonnette et faisaient, le simulacre de leur scier 
							le cou.
 A Dieuze, on les logea, dans les casernes des 
							chevau-légers. La nourriture n'était évidemment pas 
							très bonne, mais l'espoir renaissait car il semblait 
							que la menace du conseil de guerre s'éloignait 
							chaque jour davantage.
 Et puis, un peu de travail procurait une 
							distraction. On s'occupait à la cuisine, ou bien on 
							allait chercher du bois. Quelquefois, on les 
							envoyait sur les routes casser des cailloux, ou, 
							dans les champs, combler quelque tranchée. Enfin, 
							les gardiens laissaient entrevoir l'approche de la 
							liberté.
 
 -- Ah ! cette fois, on va vous renvoyer en France ! 
							lui dit certain matin un gendarme. Il faut vous 
							préparer.
 «  - Nous, préparer ! Mais nous sommes toujours 
							prêts! Nous n'avons ni malle ni valise à faire. »
 On partit donc de Dieuze d'un pied léger, comme de 
							vrais poilus. Et, certes, l'étape Dieuze-Arraye 
							n'était pas pour leur faire peur !
 Mais voici qu'au lieu de prendre la route vers la 
							Seille, on les conduisit à la gare, où on les fit 
							monter dans un train avec un billet pour Rastadt !
 Les plus douces illusions étaient tombées, et la 
							conversation ne fut pas gaie durant cet interminable 
							trajet.
 On arriva là-bas le 23 décembre. Les deux malheureux 
							otages grelottaient sous leurs minces vêtements 
							d'été. Et le séjour dans ce camp maudit n'était pas 
							fait pour retaper la santé.
 On prouva là une soixantaine de compatriotes, la 
							plupart venus des environs de Pont-à-Mousson.
 On ne resta à Rastadt que cinq jours, au bout 
							desquels on partit pour Holzminden, dans le 
							grand-duché de Brunswick.
 
 Le camp de Holzminden comprend deux parties, 
							nettement séparées, quoique voisines, celle réservée 
							aux prisonniers civils et celle réservée aux 
							prisonniers militaires.
 Il y avait là près de six mille otages, tant 
							Français que Belges, alors que le camp militaire ne 
							comprenait guère que de cinq à six cents prisonniers 
							appartenant aux différentes armées alliées.
 Les prisonniers civils avaient surtout affaire à des 
							chefs de baraquements, pris parmi ceux d'entre eux 
							qui connaissaient l'allemand, Les soldats - des 
							vieux de la landsturm - se bornaient à faire 
							mélancoliquement les cent pas font autour.
 
 Les hommes âgés de plus de 45 ans étaient dispensés 
							de tout travail. Les jeunes faisaient la toilette 
							des routes, comme, d'ailleurs, les prisonniers 
							militaires à qui il était sévèrement interdit de 
							parler.
 Et c'était vraiment pitié de voir nos pauvres 
							soldats tirant le rouleau sur les routes avec des 
							cordes !
 La nourriture était celle de tous les camps 
							prussiens : café sans café le matin, eau chaude en 
							guise de soupe à midi, remplacée parfois par un 
							hareng ou une potée de féveroles.
 Quant au couchage, il était absolument ignoble, avec 
							base de copeaux sur un peu de paille pourrie par 
							l'humidité.
 Et dire que, chez nous, les prisonniers boches... 
							Qu'on les mette donc en subsistance chez eux ! Ils y 
							trouveront du changement !
 
 Malgré l'ennui, malgré la misère, malgré la mortelle 
							incertitude sur le sort des siens et sur celui de la 
							chère Patrie, le temps s'écoule. On est au 15 
							février.
 15 février ! Date inoubliable, nous dit M. Godefroy. 
							C'est enfin la délivrance !... Depuis quelque temps, 
							malgré les sévérités de la consigne, on entendait 
							dire que l'Allemagne commençait à sentir la faim et 
							qu'on allait se débarrasser de nous, bouches 
							coûteuses - oh ! combien ! - et, en tous cas, 
							bouches inutiles!
 En effet, le 15 au matin, on prévient les 
							prisonniers civils que 252 d'entre eux, les plus 
							âgés, vont prendre le chemin de la France. Nos deux 
							captifs d'Arraye-et-Han sont du nombre. On juge de 
							leur joie, qu'atténue, hélas ! la pensée de laisser 
							dans cet enfer tant de malheureux compagnons.
 On revient à Rastadt, où l'on fait encore un arrêt 
							de douze jours.
 Oh ! les douze interminables journées, dans les 
							casemates, où l'on doit à peu près se passer de 
							nourriture !
 L'administration du camp n'a pas jugé utile, en 
							effet, de donner à ces hôtes de passage, la gamelle 
							et la cuillère réglementaires. On apporte la potée 
							dans un grand baquet et l'on doit se servir avec les 
							mains !
 Et les brutes en uniforme qui gardent l'infortuné 
							troupeau ne manquent jamais de s'assembler autour de 
							lui à l'heure de la pitance, pour rire de son 
							embarras, de sa colère, de sa honte.
 Ce véritable martyre prend fin le 27 février. A 
							l'aube, les 252 rapatriés sont embarqués pour 
							Schaffouse, où nos bons amis les Suisses leur font 
							oublier tous les maux qu'ils ont soufferts par la 
							réception la plus cordiale, la plus généreuse qui se 
							puisse imaginer.
 «  - Ce fut vraiment la noce ! » s'écrie M. Godefroy, 
							qui résume d'un mot ce chaleureux accueil.
 Nourriture abondante et soignée. Gâteries. 
							Cigarettes. Vêtements. Paroles de réconfort. 
							Poignées de main. Cris de «  Vive la France, » Bien 
							ne manquait à cette fête.
 
 Quelques jours plus tard, M. Godefroy était dirigé 
							sur Saint-André-de-Corcy, dans l'Ain, où les braves 
							gens dont il était l'hôte le traitèrent comme un 
							parent aimé, que l'on retrouverait après une longue 
							absence.
 Il est de retour aujourd'hui dans sa chère Lorraine, 
							recueilli avec sa femme par des amis, à Faulx, tout 
							près de son village natal, où il espère bien 
							retourner sous peu, alors que les hordes teutonnes 
							auront pour toujours quitté notre pays.
 «  - Vous avez de bien jolis sabots, demandons-nous à 
							M. Godefroy, qui, en effet, porte des chaussures en 
							bois, pointues comme des aiguilles, tout sculptées 
							et coloriées ? »
 «  - Ces sabots-là sont un souvenir précieux de la 
							Suisse. Je vous assure que je n'ai pas l'intention 
							de les user. Ils méritent chez moi une place 
							d'honneur. Ils l'auront. »
 Et il ajoute, fièrement :
 «  - Nos pères les ont immortalisés, les sabots, en 
							92. Pourquoi ne ferais-je pas de mes sabots d'exil, 
							une relique sacrée ? »
 J. MORY.
 Nos progrès ont continuéEN WOËVRE
 Prise du village de Regniéville
 Paris, 4 avril, 15 heures.Rien à signaler.
 
 Paris, 5 avril, 0 h. 50.
 Voici le communiqué officiel du 4 avril, 13 heures :
 Journée calme sur l'ensemble du front, sauf en 
							Woëvre, où nos progrès ont continué.
 NOUS avons enlevé le village de Regniéville, à deux 
							kilomètres et demi à l'ouest du village de 
							Fey-en-Haye, que nous avons occupé le 1er avril.
 Regniéville est une petite commune de 150 habitants 
							du canton de Thiaucourt.
 Elle est située à 8 kilomètres au sud-est de son 
							chef-lieu de canton, sur la route départementale qui 
							rejoint la route nationale de Metz à Saint-Dizier, 
							route qui passe à Pont-à-Mousson et à Commercy.
 Quatre bombes de TaubeSUR SAINT-DIÉ
 Elles ratent un convoi funèbre
 Paris, 4 avril. 15 h. 22.SAINT-DIÉ. - Un avion allemand a bombardé, hier, 
							pour la sixième fois, Saint-Dié.
 Il a jeté quatre projectiles. L'un d'eux est tombé 
							dans la cour d'un maréchal-ferrant, blessant 
							légèrement le maréchal, son fils et un ouvrier, et 
							atteignant mortellement un cheval.
 Un autre est tombé dans le cimetière, sur la rive 
							droite de la Meurthe, au moment ou entrait un convoi 
							funèbre. Il n'y a eu aucune victime.
 Les deux autres bombes sont tombées l'une dans une 
							prairie, l'autre dans un jardin. Aucun dégât.
 A FRESNES-EN-WOEVREDes semaines sous les obus
 Nos premières épreuves ont commencé après 
							l'évacuation, vers le 20 août. Des avis donnés 
							discrètement décidèrent d'abord quelques familles : 
							on délivrait sur la place les laissez-passer avec 
							signalement.Le mercredi 25, l'autorité municipale et les 
							gendarmes conseillèrent fortement le départ ; ce fut 
							dans, la nuit que la plus grande partie de la 
							population quitta Fresnes, se dirigeant vers 
							Haudiomont, et se dispersant sur Verdun, 
							Haudainville, Sommeidieue, Dieue, Ancemont.
 Pendant les premiers jours, les Allemands occupaient 
							les environs, Ville-en-Woëvre, Champion, 
							Marchéville, mais ne se montraient pas chez nous. 
							Parmi ceux qui n'étaient pas partis et ceux qui 
							étaient rentrés, quelques-uns se hasardaient à 
							sortir dans les champs pour ramasser des légumes.
 Le lundi 7, il y eut une rencontre de patrouilles 
							française et allemande, du côté de Champion. Un 
							vieillard, M. Ethel-Diviany, se trouvant dans cette 
							région, fut atteint, par une balle allemande et 
							revint chez lui, grièvement blessé ; il expira le 
							lendemain. Il avait fait les campagnes du Mexique et 
							de 1870 sans une seule blessure Il devait être 
							enterré le jeudi 10 : hélas ! il fut enseveli sous 
							les décombres de la maison L. Paquin, où il était en 
							bière. C'est qu'en effet le sinistre dénouement 
							approchait.
 Nous étions encore défendus par les gendarmes. Mais 
							les Allemands s'enhardissaient. Le mercredi, au 
							matin, une auto allemande stationnait devant le café 
							Vérant. Les gendarmes prévenus s'en emparèrent et la 
							firent conduire à Haudiomont. Les officiers qui 
							l'occupaient retournèrent peu fiers à leurs 
							cantonnements. Dans l'après-midi, trois soldats 
							pénétrèrent dans l'hôtel de ville et saccagèrent 
							tout ce qu'ils trouvèrent. Un gendarme les ajusta à 
							leur sortie et en tua un.
 Dès lors, la destruction de Fresnes fut décidée par 
							les Barbares. Beaucoup de personnes, prévenues, 
							s'enfuirent à Bonzée.
 Vers 5 heures du soir, les incendiaires commencèrent 
							leur oeuvre de mort. Ils s'étaient réunis à 
							l'extrémité est de la rue Sainte-Anne.
 Tout d'abord ils assassinèrent devant sa porte un 
							vieillard octogénaire, M. Basse-Petit, qui faisait 
							fonctions de maire, et, cent mètres plus loin, son 
							fils, M. Basse-Pierson, qui sans doute cherchait à 
							fuir. Ils les dépouillèrent ensuite des valeurs 
							qu'ils portaient, plusieurs milliers de francs 
							chacun.
 Mme Basse-Pierson et Mme Lévieux-Nicolas périrent 
							dans la cave de leur maison incendiée.
 Le feu fut allumé par quatre monstres, soldats de 
							l'armée allemande, commandée par des chefs, et 
							dressés à cette oeuvre de sauvage destruction.
 Ayant à la main une lanterne spéciale bien allumée, 
							ils pénétraient dans les maisons en faisant sauter 
							les portes ; après avoir réuni dans les chambres du 
							premier étage tous les objets inflammables, ils y 
							mettaient le feu au plus vite pour continuer leur 
							sinistre besogne.
 C'est ainsi qu'ils ont opéré rue Sainte-Anne, chez 
							Mlle Roussel, en face ; vue de Metz, côté nord, 
							depuis la maison de M. Bohin jusqu'à l'église : côté 
							sud, depuis la maison H. More jusqu'à la place 
							Margueritte, y compris la boulangerie Renaudin, 
							l'hôtel de ville, le magasin Pierson et l'école des 
							filles.
 Le vendredi matin, je me décidai à partir, si 
							c'était possible. Je pris un sentier derrière les 
							jardins, me tins caché deux heures dans une maison 
							abandonnée, située au milieu des jardins ; 
							j'entendais les premiers sifflements des obus 
							envoyés d'Haudiomont pour chasser les Boches. Les 
							projectiles passaient au-dessus de ma tête, l'un 
							alla chez moi et fit une brèche à l'endroit même où 
							je me tenais en observation quelques heures 
							auparavant. Vers midi, croyant tout danger disparu, 
							je me dirigeai, par les sentiers, vers Bonzée, où 
							mon arrivée fut accueillie avec joie par mes 
							concitoyens inquiets sur mon sort.
 Le mardi 15, apprenant que les Allemands s'étaient 
							retirés devant les patrouilles françaises, nous 
							revînmes en assez grand nombre et pûmes constater 
							les effets de l'incendie et même du pillage. Toutes 
							les maisons restées debout avaient été ouvertes, les 
							portes et les serrures brisées : les chambres, 
							visitées avec soin, étaient dans un grand désordre, 
							les armoires béantes et fouillées, les objets de 
							valeur emportés ; les magasins avaient été 
							spécialement dévalisés. Mais au moins, ce jour là, 
							nous étions bien gardés : deux régiments de 
							cavalerie logeaient dans le village. Aussi les 
							Allemands se tenaient-ils à une distance 
							respectueuse.
 Malheureusement, nos troupes partirent Le samedi 19, 
							à cinq heures du matin. Vers dix heures survint une 
							patrouille de uhlans qui jeta l'épouvante.
 Pour la troisième fois, nous nous retirâmes à 
							Bonzée. Ce ne fut pas pour longtemps. Dès le lundi 
							suivant, des forces considérables d'infanterie et 
							d'artillerie arrivèrent occuper Fresnes et la 
							défendre des attaques allemandes.
 Nous rentrâmes le mardi 22. Mais déjà était commencé 
							le duel d'artillerie entre Marchéville et Fresne, et 
							les nôtres placés au haut du village, vers 
							Manheulles et Bonzée.
 Pendant quatre semaines, ne pouvant habiter ma 
							maison, que les obus avaient ouverte à tous les 
							vents, je trouvai un refuge dans le quartier 
							relativement épargné alors, celui des cultivateurs. 
							On s'y était groupé, et on se réunissait, soit dans 
							les caves, soit sous les greniers à foin, pendant 
							les bombardements qui, de jour en jour, devenaient 
							plus terribles. Ils ont commencé vers le 21 
							septembre et ils se continuent encore aujourd'hui. 
							La plupart des maisons ont été atteintes, 
							quelques-unes sont absolument renversées.
 L'église a beaucoup souffert : son beau plafond est 
							anéanti, ses vitraux sont en miettes, ses statues 
							jonchent le sol. Le maître-autel reste debout, mais 
							la pierre formant le tabernacle est fendue en deux 
							dans le sens de la hauteur. Une cloche est tombée 
							sur le pavé où elle s'est brisée.
 Inutile de dire en terminant ce long et triste 
							récit, que notre pauvre Woëvre est complètement 
							dévastée : le château d'Aulnois, entre Fresnes et 
							Ville, Champion, Marchéville, Pintheville, Riaville, 
							Saulx et Ville sont détruits par l'incendie et le 
							bombardement. Il n'en reste presque plus rien.
 (Croix Meusienne).
 LES TAUBEN A ÉPINAL Epinal, 6 avril.Vendredi, vers une heure de l'après-midi, un Taube à 
							lancé trois bombes sur Epinal.
 L'une d'elles est tombée au Champ-du-Pin, dans les 
							chantiers de construction de M. Thouvenin, 
							entrepreneur ; les deux autres, dans le bois 
							Saint-Antoine. Ces bombes n'ont causé ni accident ni 
							dégât.
 Un autre Taube a fait apparition, le soir, vers 5 
							heures, mais la réception qui lui a été faite par 
							les artilleurs a été si brutale qu'il s'est empressé 
							de battre en retraite, sans lancer de bombes.
 LE RAID AÉRIEN DU 26 MARS Paris, 5 avril, 15 h. 05.Rien à signaler depuis le communiqué de ce malin.
 L'autorité militaire française a reçu des 
							renseignements précis sur les résultats du 
							bombardement effectué en Belgique, le 26 mars, par 
							des avions de l'armée britannique.
 Ces résultats sont les suivants : Le hangar à 
							dirigeables de Berghen Sainte-Agathe, gravement 
							endommagé ainsi que le dirigeable qui était abrité. 
							A Hoboken, les chantiers anversois de construction 
							navale incendiés, deux sous-marins détruits et un 
							troisième endommagé; quarante ouvriers tués et 
							soixante-deux blessés.
 Nos succès continuent en Woëvre Paris, 6 avril, 0 h. 58.Voici le communiqué officiel du 5 avril, 23 heures :
 Journée de pluie et de brouillard sur tout le front.
 Au bois d'Ailly, au sud-est de Saint-Mihiel, nous 
							avons enlevé trois lignes successives de tranchées.
 Nous avons pris également pied dans une partie de 
							l'organisation ennemie, au nord-est de Regniéville.
 Une belle page de la guerreRÉCIT OFFICIEL
 de la prise de l'Hartmansviler
 Les télégrammes Havas nous ont donné déjà un récit 
							de la prie du sommet de l'Hartmansviler. Mais c'est 
							là un fait d'armes qui mérite mieux qu'un compte 
							rendu télégraphique. Voici l'admirable page que 
							publie le «  Journal officiel », dans sa rubrique «  
							Nouvelles du front » :On se souvient du dramatique incident de guerre dont 
							fut le théâtre, en janvier, le sommet de 
							l'Hartmansviler.
 Une grand'garde française, établie dans un petit 
							fortin à la cime, fut entourée par les Allemands. 
							Plusieurs jours elle résista. Mais la faim eut 
							raison d'elle.
 Pendant qu'elle fournissait un suprême effort, ses 
							camarades attaquaient sur les flancs du mont pour la 
							dégager, attaques précipitées et improvisées, 
							dictées par la volonté d'arriver vite et qui, vu la 
							nature du terrain, n'avaient que peu de chances 
							d'aboutir.
 C'était une dette d'honneur et de solidarité que Les 
							chasseurs entendaient payer. Un colonel, à qui l'on 
							faisait remarquer l'importance des pertes, répondit 
							: «  Moins non, avons réussi, plus nous devions nous 
							sacrifier. Il eût été honteux de quitter la partie 
							sans faire tout le possible, et plus que le 
							possible. » Le commandant Barrié, commandant le 
							bataillon, fut tué au cours de ces attaques, ainsi 
							que plusieurs autres officiers et de nombreux 
							chasseurs.
 Après quatre jours d'efforts, on s'arrêta. Certaines 
							compagnies ne comptaient plus que cent vingt fusils. 
							On savait par les prisonniers allemands que la 
							grand'garde du sommet avait capitulé. L'héroïque 
							tentative des journées précédentes n'avait plus de 
							raison d'être.
 
 La forteresse invisible
 Désormais, il fallait reprendre l'affaire à pied 
							d'oeuvre, la préparer méthodiquement et démolir 
							pierre à pierre la forteresse invisible d'où les 
							Allemands, dominant les vallées, réglaient avec 
							sûreté le tir de leur artillerie.
 Forteresse invisible, telle était en effet la 
							position ennemie de l'Hartmansviler.
 La montagne domine la plaine de 600 mètres. Son 
							versant Est est plus abrupt que les autres. Mais 
							aucun n'est d'accès facile. Après nos efforts de 
							janvier, nous restions accrochés, suivant 
							l'expression d'un officier, à pente de toit. 
							L'adversaire nous dominait, couvert par plusieurs 
							lignes de défense, protégé plus encore par l'épaisse 
							forêt de sapins qui ferme de toute part l'horizon et 
							par l'escarpement des pentes couvertes de neige.
 Un assaut de vive force ne pouvait, sur un tel 
							terrain, rien produire. C'était un siège qu'il 
							fallait faire en y employant, comme artillerie et 
							comme matériel, tous les moyens appropriés.
 Le brouillard, fréquent en hiver sur les sommets 
							vosgiens, ajoutait une difficulté de plus à celles 
							que le sol et, les bois opposaient à notre effort.
 
 La préparation de l'attaque
 Pour préparer l'attaque, 
							il importait en premier lieu d'installer fortement 
							nos troupes dans leurs positions. Création de 
							tranchées, d'abris, de pistes, installation 
							d'artillerie, cela prit un mois, jusqu'au 26 
							février. La volonté de la revanche était au coeur de 
							tous, chefs et soldats. On brûlait d'agir et d'agir 
							vite.
 L'assaut fut donc donné le 26. Mais, terrés dans les 
							bois, les Allemands invisibles ne perdirent qu'une 
							centaine de mètres. Notre artillerie n'avait pas pu 
							détruire assez complètement les défenses accessoires 
							dissimulées. Beaucoup de tranchées étaient intactes.
 La nécessité d'une préparation plus complète et, 
							partant, plus lente, s'imposait L'assaut du 26 nous 
							avait du moins permis de repérer avec exactitude la 
							position de l'ennemi, que, jusqu'alors, nous 
							ignorions.
 De nouveau on travailla. Par des sapes on précisa le 
							contour des blokhaus allemands. Avec une minutie 
							admirable - dont on ne peut encore révéler les 
							détails ingénieux et hardis - artilleurs et 
							fantassins se mirent en mesure de faire produire à 
							l'attaque suivante son maximum d'effet.
 Il s'agissait d'exploiter et de compléter les 
							premiers résultats obtenus le 26 février.
 
 L'assaut du 5 mars
 Le 5 mars le signal est donné. Les tranchées 
							ennemies sont bouleversées par un tir intense, deux 
							heures durant. Nos chasseurs sautent dedans et 
							enlèvent le plus fort des blokhaus allemands. 
							Cinquante prisonniers restent en leurs mains, ainsi 
							que deux mitrailleuses. Une grande partie de la 
							première ligne ennemie nous appartient.
 Les Allemands sont exaspérés. Les deux régiments 
							qu'ils ont là contre-attaquent bravement quatre fois 
							dans la journée du 5, deux fois dans la matinée du 
							6. Le 7, ils essayent en masse de sortir de leurs 
							tranchées. Nos feux les fauchent à un mètre de leurs 
							propres parapets. Ils recommencent : même résultat
 Cette fois, la situation morale des deux partis est 
							intervertie. C'est nous qui avons l'ascendant. C'est 
							nous qui dictons notre volonté, qui gardons ce que 
							nous avons pris, qui sommes sûrs désormais de 
							conquérir ce qui nous reste à prendre. Nos troupes 
							sont fatiguées, mais confiantes. Le succès total est 
							certain.
 
 Fantassins et chasseurs
 Ce succès, nous allons l'emporter de haute lutte, 
							dans la dernière semaine de mars. Aux bataillons de 
							chasseurs, qui se battent sur les pentes depuis deux 
							mois, un régiment d'infanterie vient s'ajouter.
 C'est un beau régiment de l'Est, qui depuis le début 
							de la guerre, dans l'offensive d'août, aux combats 
							de Steinbach, n'a connu que des succès. Il a foi 
							dans sa force et il tient à montrer aux chasseurs ce 
							qu'il sait faire, de même que les chasseurs sont 
							jaloux d'affirmer une fois de plus leurs glorieuses 
							traditions.
 Une admirable émulation s'établit entre ces héros.
 Après une courte action, le 17 mars, le gros effort 
							est tenté le 23.
 
 Un chef-d'oeuvre d'artillerie
 Les artilleurs qui par leur audace et leur patience 
							sont arrivés à voir clair dans ces bois et ont 
							sillonné la montagne de plus de cinquante kilomètres 
							de fils téléphoniques, ouvrent le feu.
 Ce tir, qui dure quatre heures, il faut en avoir 
							suivi la préparation et les effets pour savoir à 
							quelle virtuosité sont arrivés nos «  bouchers noirs 
							».
 Canons lourds et canons légers concentrés sur 
							l'objectif, avec une précision paradoxale, des 
							centaines de tonnes de mitraille. Les observateurs 
							sont sur la première ligne, réglant le tir au fur et 
							à mesure.
 On voit sauter dans les arbres des morceaux 
							d'Allemands, des armes, des sacs à terre.
 Quand l'infanterie, d'un bond, jaillit de ses 
							tranchées, précédée, à courte distance, par ce mur 
							de feu, l'ennemi est terrassé et maté. Il se défend 
							pourtant courageusement. Mais nos hommes attaquent 
							avec furie.
 Les fantassins enlèvent deux lignes de tranchées, un 
							fortin, ramassent deux cent cinquante prisonniers. 
							Les chasseurs débouchent sur leur flanc avec une 
							ardeur pareille. Nous approchons du sommet.
 Mais de nouvelles lignes apparaissent qu'il faudra 
							conquérir elles aussi. A chaque jour suffit sa 
							peine. Nous repoussons deux contre-attaques et nous 
							organisons le terrain conquis. La patience est 
							facile, quant la victoire est sûre.
 
 Le silence des Allemands
 Le lendemain 24, dans les tranchées que l'ennemi 
							tient encore, un observateur voit remuer, à l'aube, 
							des points sombres. Ce sont des casques qui 
							s'entassent ; puis les baïonnettes apparaissent. Une 
							grosse contre-attaque se prépare.
 Notre artillerie, avec une effrayante rapidité, 
							prend les boyaux sous son feu. Nous voyons, comme la 
							veille, sauter en l'air hommes et équipements. Les 
							pertes allemandes doivent être énormes, car c'est 
							fini des contre-attaques.
 Le canon ennemi se tait. La nuit du 25 au 26 se 
							passe dans le silence. Rien ne trouble la paix de la 
							montagne. Nous sommes pourtant à un contact étroit. 
							Un de nos créneaux n'est distant de la tranchée 
							allemande que d'un mètre 80.
 
 L'enlèvement du sommet
 Le jour se lève le 26, et avec joie on constate que 
							le brouillard, qui tant de fois depuis deux mois est 
							venu au secours des Allemands, cède aux premiers 
							rayons. Belle occasion pour l'artillerie !
 Tout est prêt, réglé, machiné comme une féerie. Un 
							mot du commandant de l'attaque résume la situation : 
							«  J'aurais pu disparaître, tout se serait passé de 
							la même façon. »
 Dès lors le drame va se dérouler avec une régularité 
							automatique, fruit de longues semaines de travail. 
							Infanterie et artillerie sont reliées par un réseau 
							complet : 90 kilomètres en tout. Les abris, les 
							tranchées sont garnies. C'est le suprême effort, qui 
							doit nous rendre maîtres du, sommet.
 Entre l'objectif et nous, il y a trois lignes au 
							moins de tranchées, renforcées de blockhaus à 
							mitrailleuses. Des arbres masquent encore les 
							défenses ennemies. L'artillerie aura fort à faire.
 A 10 heures 30 elle entre en action, et sans arrêt, 
							jusqu'à 14 heures 30, elle inonde le front qu'il 
							s'agit d'attaquer de projectiles de tous calibres.
 Les grands sapins s'écroulent avec fracas, sciés à 
							hauteur d'homme par les éclats, et tombent dans les 
							larges cuvettes qu'ont creusées les obus. Le terrain 
							est un chaos de trous, de branches et de tranchées. 
							Des cris de douleur partent des abris ennemis, dont 
							la résistance est brisée. Des dépôts de cartouches 
							explosent.
 Cette destruction continue, implacable, jusqu'à 14 
							heures 45 ; elle a duré quatre heures un quart. A ce 
							moment l'infanterie sort.
 A 14 heures 55, dans me ruée magnifique, elle est au 
							sommet, et sur la crête découronnée de ses arbres, 
							un fantassin, au mépris des balles allemandes, agite 
							un grand fanion pour annoncer notre succès aux 
							artilleurs, qui maintenant arrosent les pentes est. 
							Les mitrailleuses allemandes détruites ou sans 
							serveurs n'ont pas tiré.
 A 15 heures, le régiment d'infanterie s'organise au 
							haut de l'Hartmansviler. Des compagnies appartenant 
							à deux bataillons de chasseurs enlèvent à coups de 
							grenades les tranchées à droite. Deux compagnies 
							d'un autre bataillon progressent à gauche et tout le 
							flot se rejoignant dévalé sur le flanc est, 
							poursuivant les Allemands.
 Ceux-ci, dont le moral est en déroute, jettent leurs 
							armes. Toute une compagnie - ou ce qui en peste, 80 
							hommes - lève les mains et se rend. Plusieurs 
							officiers sont pris.
 
 Plus de 400 prisonniers
 Plus de 400 Allemands dans nos mains, tout 
							l'Hartmansviler conquis, voilà le bilan des deux 
							attaques du 24 et du 26.
 Par les prisonniers interrogés, nous mesurons avec 
							précision l'effet de notre action. Certains de ces 
							hommes pourraient être justement fusillés, car ils 
							se sont rendus coupables de lâches traîtrises ; 
							feignant de se rendre, ils ont assassiné à bout 
							portant nos soldats à coups de grenades.
 On les pousse vers la vallée, encore anéantis par le 
							feu infernal qu'ils ont subi. Tout à l'heure, sous 
							l'oeil moqueur des gosses d'Alsace, tous coiffés de 
							képis français, ils défileront en ordre devant le 
							général de division, dont l'énergie méthodique a 
							préparé notre triomphe.
 
 Nos héros
 Bien des braves ont succombé au cours de ces 
							attaques, laissant à leurs camarades un magnifique 
							exemple.
 C'est le commandant Barrié, tué en janvier en 
							parcourant les lignes.
 C'est l'adjudant Jolivet, arrêtant avec sa 
							mitrailleuse une violente contre-attaque et tombant 
							sur sa pièce, victorieux.
 Ce sont les lieutenants Routhier et Lecoeur, tués à 
							l'assaut, à la tête de leurs hommes.
 C'est le commandant Brun, chef d'état-major de la 
							brigade. Comme on manquait de renseignements récents 
							sur un des secteurs, il y est allé voir. Notre ligne 
							fléchissait. Son képi à la main, il a sauté sur le 
							parapet en criant : «  En avant ! » Cinq mètres plus 
							loin, il est tombé.
 Parmi les vivants, blessés ou non, combien seraient 
							à citer !
 Tel parmi beaucoup d'autres, le chasseur Dumoulin, 
							qui seul dans une tranchée allemande dont la 
							mitrailleuse fauche notre attaque, encloue le 
							mitrailleur et arrête ainsi le feu ; ou encore le 
							sergent Chevenard qui, tous les officiers étant tués 
							ou grièvement blessés, prend le commandement de la 
							compagnie et la maintient, décimée, sur le terrain 
							conquis jusqu'à l'arrivée des renforts.
 
 Notre position est inexpugnable
 L'attaque du 26 ne visait que le sommet. Entraînés 
							par leur élan, nos fantassins redescendent sur 
							l'autre versant. C'est la qu'ils s'installent., dans 
							une position formidable, à 300 mètres au-dessus des 
							Allemands, qui se sont accroches plus bas.
 Le soir, la neige tombe, couvrant d'un linceul 
							momentané les morts du 23 et du 26. Le sommet du «  
							Vieil-Armand » - c'est ainsi que nos soldats 
							prononcent Hartmansviler - offre au clair de lune un 
							étrange spectacle.
 C'est une série de cuvettes blanches, d'où 
							surgissent des troncs d'arbres coupés, des 
							mitrailleuses démolies, des monceaux de fils, de 
							fer, et, de-ci, de-là, un pied ou un bras.
 Les Allemands tirent encore, mais de moins en moins. 
							Le lendemain, ils cessent presque complètement de 
							réagir.
 «  On les a eus », murmure un poilu en allumant sa 
							pipe.
 
 La victoire du «  Vieil-Armand »
 Telle fut l'affaire du «  Vieil-Armand ».
 Elle a privé l'ennemi d'un observatoire admirable, 
							dont nous bénéficierons désormais. Toute la plaine à 
							l'est est sous notre feu.
 Elle a mis en nos mains plus de 400 prisonniers, 
							dont plusieurs officiers, et, le 31 mars, malgré, la 
							neige, nous avions compté déjà sur le terrain 700 
							morts allemands. Une grosse quantité de matériel a 
							été abandonnée par l'ennemi.
 Ce succès complet venge avec éclat les morts du 19 
							janvier, victimes d'une surprise et de la faim. Pour 
							les venger, artilleurs, sapeurs, fantassins et 
							chasseurs ont rivalisé d'audace, de patience et 
							d'abnégation.
 Nos dernières attaques ont été menées avec une 
							perfection minutieuse, une coordination totale de 
							tous les éléments. Elles ont été couronnées de 
							succès qu'aucune restriction n'amoindrit.
 La prise de l'Hartmansviler comptera parmi les plus 
							belles passes de la guerre de montagne.
 Nous complétons nos SuccèsDANS LA WOËVRE ET EN ARGONNE
 Paris, 6 avril, 15 heures.Rien d'important a ajouter au communiqué de ce 
							matin.
 Au sud-ouest de Vauquois, nous ayons pris pied dans 
							un ouvrage ennemi.
 Notre succès du bois d'AilIy (sud-est de 
							Saint-Mihiel) a fait tomber entre nos mains des 
							prisonniers, une mitrailleuse et un lance-bombes.
 Nous avons progressé au bois Brûlé (est du bois 
							d'Ailly).
 Le terrain conquis par nous au nord-est de 
							Regniéville a été conservé.
 Progrès à l'Est de VerdunAU BOIS LE PRÊTRE ET EN ALSACE
 Six bataillons allemands détruits
 Paris, 7 avril, 0 h. 40.Communiqué officiel du 6 avril, 23 heures :
 Journée de pluie, marquée de progrès, appréciables 
							de notre part.
 A l'est de Verdun, nous avons occupé les villages de 
							Gussain ville et les crêtes qui dominent le cours de 
							l'Orne.
 Plus au sud, nous avons progressé dans la direction 
							de Maizeray.
 Au bois d'Ailly et au bois Brûlé, nous avons 
							maintenu nos gains et conquis de nouvelles 
							tranchées.
 Dans le bois Le-Prêtre, nous avons réalisé de 
							nouveaux progrès. Il résulte du témoignage de 
							prisonniers allemands, qu'au cours de nos rencontres 
							et de nos attaques dans la Woëvre méridionale six 
							bataillons allemands ont été successivement 
							détruits.
 Au sud-est de Hartmansviler, nous avons enlevé un 
							piton qui servait de commandement au colonel qui 
							commandait la brigade allemande au cours du combat 
							du 26 mars. Nous avons progressé au delà du piton et 
							avons fait des prisonniers.
 POUR LES FEMMESvictimes des violences allemandes.
 Nancy, 7 avril.Parmi les crimes sans nombre commis par la «  bête 
							allemande », les plus odieux sont ceux dont femmes 
							et jeunes filles ont été victimes. Le gouvernement a 
							arrêté tout un ensemble de mesures destinées à 
							protéger ces pitoyables victimes devenues enceintes 
							des oeuvres de l'ennemi détesté.
 Il est inutile de donner ici le détail de ces 
							dispositions. Qu'il me suffise de dire que tout a 
							été prévu pour que les couches de la mère et 
							l'abandon de l'enfant à l'Assistance publique loin 
							de notre département, soient entourés de la plus 
							absolue discrétion ; les frais de cette assistance 
							spéciale sont à la charge de l'Etat.
 Aux médecins, aux sages-femmes, aux maires qui 
							connaîtront quelques cas de ce genre, aux 
							intéressées elles-mêmes, je donnerai ou de vive voix 
							ou par écrit tous renseignements utiles. Toute 
							communication écrite sur ce sujet devra m'être 
							adressée sous enveloppe portant la mention «  
							personnelle ». Je considérerai ces correspondance 
							comme ayant un caractère non point administratif, 
							mais strictement privé, et par conséquent 
							rigoureusement confidentielles. Ces malheureuses 
							femmes peuvent être assurées de trouver ici l'appui 
							discret et l'affectueuse pitié auxquels elles ont 
							droit.
 L. MIRMAN,
 Préfet de Meurthe-et-Moselle.
 Nouvelles du Pays meusien Beauzec. - De l'avis de tous ceux qui la connaissent 
							et ainsi que l'indique son nom, un des plus beaux 
							sites, de la Meuse, a terriblement souffert ; 80 
							maisons sur 120 ont été incendiées. L'église est 
							percée de part en part. Malgré de grosses brèches, 
							l'élégant clocher est reste debout au milieu du 
							désastre.Senon. - Mme Motie, rapatriée à Alais, puis à Paris 
							(avec M. Didier Marcel, Zélie et Louise Muller, 
							Marcel Christophe, sa femme, et leur fils Charles) 
							écrit, se trouvant chez Otilia Casner, qui vient de 
							perdre son mari tué à Steinbach :
 «  Les Boches sont entrés à Senon, au matin du 25 
							août : ils ont mis le feu aux quatre coins du 
							village, 90 maisons réduites en cendres ; c'est le 
							chemin de Gouraincourt qui a le plus souffert. Il 
							reste le chalet Hohweiller, une partie du chemin de 
							Loison, les maisons de M. Didier, d'Auguste Nauroy, 
							du père Collin, une partie du chemin d'Eton, le côté 
							de M. Christophe, de M. Baltazard, la maison du 
							cousin Alphonse, et la vôtre (Aimé Gambette). Ces 
							monstres ont tout pillé, emmenant des voitures de 
							meubles à la gare de Baroncourt. Ils ont mis le feu 
							au clocher au moyen de fagots et de gerbes de blé 
							imbibés de pétrole. Nos belles cloches sont fondues, 
							l'église n'est pas trop détériorée. Le presbytère, 
							la maison et les écoles sont encore debout.
 «  Toujours rien de précis sur Billy. »
 Montigny-devant-Dun. - Un habitant de cette commune 
							a fait le récit des combats qui y furent livrés les 
							30 et 31 août 1914.
 Le 30, à 5 heures du matin, arrivent 5 uhlans 
							affamés ; ils se restaurent copieusement, puis 
							d'autres détachements ennemis arrivent. Ils 
							installent une cuisine roulante devant l'église. Le 
							calme règne jusqu'à 17 heures. A ce moment, deux 
							compagnies françaises viennent les surprendre. 
							Panique et fuite de l'ennemi, poursuivi par nos 
							troupes au nord et au nord-ouest du village. Pendant 
							ce temps, les Français mettent rapidement le village 
							en état de défense. Le même soir, plusieurs obus 
							boches incendiaires sont lancés sur le village. La 
							nuit arrête le combat.
 Le 31, à l'aube, le bombardement reprend avec 
							intensité. 600 obus tombent sur un village de 300 
							habitants ; puis on se bat dans les rues : 25 
							soldats, 1 capitaine, 2 lieutenants français sont 
							tués en défendant une maison. Les officiers font le 
							coup de feu comme les soldats.
 Cette fois, les Allemands entrent définitivement 
							dans Montigny et signalent leur entrée par leurs 
							procédés habituels ; les maisons épargnées par les 
							obus sont enfoncées à coups de crosse et incendiées 
							à la main. Une bonne douzaine de civils sont 
							fusillés a l'entrée du village, devant la maison H. 
							Herbinet, y compris les hommes, dont trois de 
							l'endroit. Je ne donne que les initiales pour 
							ménager l'émotion de leurs familles : R. J., A. G., 
							S. E. ; P. H. a été tué d'un éclat d'obus ; 
							Billemont, Mme Pieg et d'autres, blessés, sont morts 
							dix jours après.
 Herméville. - Ce village, qui appartient au canton 
							d'Etain, a été presque complètement évacué depuis le 
							24 août ; il a été bombardé une première fois en 
							septembre. Depuis le 13 décembre, il est bombardé 
							presque tous les jours. Parfois, une centaine d'obus 
							tombent sur lui en l'espace de vingt-quatre heures.
 Aussi, les ruines sont-elles nombreuses. L'église, 
							fort endommagée, a perdu ses vitraux et sa toiture. 
							Le clocher a été abattu par ordre de l'autorité 
							militaire française les cloches sont tombées et 
							fêlées.
 Un projectile teuton a fait voler la sacristie en 
							éclats.
 Plusieurs maisons ont été complètement anéanties par 
							le feu ; d'autres ont péri victimes des obus, 
							principalement dans la rue de Grinaucourt. Partout, 
							les maisons encore debout sont gravement 
							endommagées.
 Herméville n'a cependant pas vu les Allemands. Une 
							seule fois, le 29 septembre, une patrouille 
							allemande pénétra dans le village, s'empara de huit 
							vieillards, six hommes et deux femmes restés chez 
							eux, et s'en retourna avec eux. Depuis, on n'a 
							jamais eu aucune nouvelle de ces malheureux otages, 
							sans doute prisonniers quelque part en Allemagne.
 Ville-en-Woëvre. - Evacué le 27 octobre, sur l'ordre 
							du gouverneur militaire de Verdun, Ville a subi 
							depuis ce jour de fréquents bombardements.
 Les quelques personnes autorisées à y demeurer avec 
							le maire, affirment que plus de la moitié des 
							immeubles sont détruits, soit par le choc des obus, 
							soit par le ravage des incendies. Les maisons encore 
							debout sont plus ou moins endommagées, et c'est à 
							peine si, dans la quantité, on en trouverait une 
							seule qui n'ait subi aucune atteinte.
 ATROCITÉ ALLEMANDES A LONGUYON Un témoin rapporte qu'à leur arrivée à Longuyon, les 
							Allemands rassemblèrent un grand nombre d'habitants 
							dans la caserne des chasseurs à pied. Les 23, 24 et 
							25 août, 153 personnes, dont 12 enfants, furent 
							fusillées.M. Brossier, chef de train, fut fusillé. Des soldats 
							lui ouvrirent ensuite le ventre sur l'ordre d'un 
							officier. Cet acte de sauvagerie fut commis en 
							présence de deux enfants qui furent ensuite mis à 
							mort.
 Des blessés français réfugiés dans une ferme furent 
							mis en tas, recouverts de paille et brûlés par les 
							Allemands. Ceux-ci incendièrent également une petite 
							maison voisine de la ferme ; une vingtaine de 
							blessés français s'y trouvaient ; ils périrent dans 
							les flammes.
 Tous ces actes d'atrocités ont été commis par des 
							soldats portant le n° 102 et le n° 112.
 Un capitaine français blessé a été achevé par les 
							Allemands dans la maison où il s'était réfugié. La 
							maison a été ensuite brûlée.
 Ce fait s'est produit le 25 août 1914.
 NOTRE HEUREUSE OFFENSIVEsur l'Yser, en Woëvre vers Verdun et Pont-à-Mousson
 Paris, 7 avril, 15 h. 15.Un détachement allemand, avec trois mitrailleuses, 
							avait réussi à passer sur la rive gauche de l'Yser, 
							au sud de Driegrachten. Il a été hier attaqué et 
							enlevé par les troupes belges.
 A l'est de Verdun, une attaque dans la direction 
							d'Etain nous a rendus maîtres des cotes, 219 et 221 
							des fermes du Haut-Bois et de l'Hôpital.
 Aux Eparges, nous avons gagné du terrain, maintenu 
							nos gains et fait une soixantaine de prisonniers, 
							dont trois officiers.
 Dans le bois d'Ailly et le bois Brûlé, nous avons 
							repoussé toutes les contre-attaques et réalisé à 
							nouveau quelques progrès.
 Il en a été de même au bois Le Prêtre.
 Dans le Ban-de-Sapt, à La Fontenelle, nous avons 
							fait sauter à la mine un ouvrage ennemi.
 LEURS ATTAQUES VAINESentre Meuse et Moselle
 Paris, 8 avril. 0 h. 58.Voici le communiqué officiel du 7 avril, 23 heures
 Le temps continue à être très mauvais.
 L'activité a été grande néanmoins entre la Meuse et 
							la Moselle, où nous avons maintenu tous nos gains et 
							réalisé de nouveaux progrès.
 Près de Pareid, à l'est de Verdun, nous avons enlevé 
							deux lignes de tranchées.
 Aux Eparges, nous avons fait, dans h nuit de mardi à 
							mercredi, un important bond en avant.
 Toute la journée, les Allemands ont contre-attaqué 
							violemment, mais ils n'ont rien regagné. Leur 
							dernière attaque, d'une particulière violence, a été 
							fauchée par notre feu.
 Il en a été de même au bois d'Ailly. Après plusieurs 
							contre-attaques, toutes repoussées, nous sommes 
							restés maîtres des positions conquises hier.
 Nous avens fait, sur cette partie du front, de 
							nombreux prisonniers.
 Parmi les prisonniers d'hier, dans la région de 
							Hartmansviler, figurent des hommes de la garde 
							amenés dans cette région par les Allemands, à la 
							suite de leur échec du 26 mars.
 LES YEUX SOURIANTS Nancy, 8 avril.Aux époques troublées par les phénomènes naturels ou 
							par les événements issus de la volonté humaine, 
							cataclysmes, révolutions ou guerres, on voit surgir 
							parmi les peuples éprouvés un besoin de fraternité. 
							Il semble que, en face des bouleversements devant 
							lesquels l'individualisme se sent impuissant ou trop 
							faible, les hommes ont l'impression qu'ils doivent 
							rester unis pour lutter ensemble. Ils comprennent 
							alors qu'ils sont véritablement frères, et le mot de 
							fraternité, qui en temps normal paraît une 
							redondante parole de rhéteur, prend un sens d'une 
							profondeur infinie.
 Ainsi contre le péril qui nous a menacés, nous avons 
							tout naturellement comme par un réflexe, scellé 
							l'union sacrée. Aujourd'hui paraîtrait criminel qui 
							tenterait de la rompre, et pire qu'un ennemi 
							déclaré.
 Ce sentiment provient de l'instinct de conservation 
							adapté par les doctrines civilisatrices.
 Le peuple a ce sûr instinct, et ne se pique pas de 
							considérations philosophiques. Lui qui peine dans 
							les ateliers ou sur la glèbe, et pour qui demain est 
							toujours un terrible problème est mieux préparé à la 
							fraternité. Il la pratique chaque jour, et n'a point 
							de peine à la réaliser lorsque passe le frisson de 
							la mort sur les sociétés à grand effort constituées.
 Le politicien remonte plus difficilement le courant 
							qui l'entraînait aux petites inimitiés de clan. 
							L'oisif est obligé de renoncer à ses habitudes 
							d'égoïsme pour parvenir à un noble renoncement.
 Tous cependant ont fait leur devoir, à quelque 
							classe qu'ils appartiennent,, de quelque douceur, de 
							quelque amertume que leur soit la vie. Il est donc 
							bien inutile de reprocher aux uns ou aux autres ce 
							qu'ils ont pensé ou fait avant la guerre.
 «  Par le temps qui court, écrivait Eugène Rambert en 
							1871, il faut faire du bien pour avoir le droit de 
							vivre. » Chacun en France faisant du bien à l'heure 
							présente, chacun a conquis le droit de vivre, et 
							même d'être honoré.
 En même temps que se développe cet instinct de 
							fraternité naît le goût mystique de la 
							mortification. Chez les femmes surtout, plus 
							sensibles à la pitié, on aperçoit le regret de trop 
							de joie quand autour d'elles crient tant de 
							douleurs. Les femmes voudraient pleurer avec ceux 
							qui pleurent, souffrir avec ceux qui souffrent, 
							avoir faim, avoir soif, subir les angoisses des 
							périls mortels. Elles ne voudraient profiter 
							d'aucune des satisfactions que leur procure la 
							sécurité pour laquelle combattent nos troupiers.
 Une des généreuses marraines qui ont tenu à honneur 
							d'adopter les soldats sans famille, et que je 
							rencontrai à «  l'Ami Fritz », se désolait d'être 
							rencontrée au théâtre.
 - Voyez, me disait-elle, j'ai honte d'être ici, à la 
							salle Poirel, pendant que nos glorieux combattants 
							sont dans les tranchées et dans la boue. Je me dis 
							bien que ma maigre obole apportera quelques douceurs 
							aux blessés. Mais j'entends aussi ma conscience qui 
							proclame que je ne devrais prendre aucun plaisir, et 
							que l'excuse des «  blessés » n'est qu'une excuse 
							hypocrite ».
 Eh ! non, Madame, il n'est pas juste de comprendre 
							ainsi la vie. Chacun de nos actes dirige les actes 
							communs et est dirigé par eux. Pour conserver la 
							confiance aux troupiers, il faut le sourire des 
							femmes. Il faut que nos camarades du front ne soient 
							pas torturés par le souci de savoir que la tristesse 
							est au foyer. Les soldats demandent toujours : «  Que 
							pensent, que font les civils ? » Il est nécessaire 
							que le civil entretienne la flamme de vie que nos 
							ennemis essaient en vain d'éteindre.
 Donnez-leur l'assurance que vous ne souffrez pas 
							trop, et vous aurez enlevé de leur coeur un poids 
							affreux. Il y a plus de noblesse dans la joie 
							opposée au malheur que dans le renoncement attristé.
 Voulez-vous offrir à ceux qui sont là, et qui 
							reviennent du front, ou retourneront au feu demain, 
							des figures affligées ? Que diront-ils à leurs 
							frères? Que le pays s'abandonne ? Est-ce là ce que 
							vous souhaitez ? Non, n'est-ce pas ?
 Aimez nos soldats de toute votre âme tendre de soeur, 
							donnez-leur tout ce qu'ils désirent. Mais avant 
							tout, pardessus tout, donnez-leur cette merveilleuse 
							douceur de vos yeux limpides et de votre sourire 
							confiant. Ils vous seront, j'en suis sûr, encore 
							plus reconnaissants de votre joyeux courage que de 
							tous vos petits paquets. La vertu de ce que l'on 
							envoie n'est pas dans la matière inerte, mais bien 
							dans la lettre qui l'accompagne, et dans la pensée 
							qui vous fait agir.
 Les Allemands tirent grande gloire de l'activité 
							actuelle de leurs cités.
 La gloire des Françaises aux yeux du monde sera 
							d'avoir gardé, pendant la guerre, dans le péril 
							commun, un visage calme et des; yeux souriants...
 René MERCIER.
 AU CONSEIL MUNICIPAL DE NANCY Nancy, 8 avril.Mardi matin, le conseil municipal de Nancy s'est 
							réuni a 9 heures et demie du matin, sous la 
							présidence de M. Simon, maire, assisté de ses 
							adjoints.
 Le conseil a donné un avis favorable à une 
							délibération de la commission administrative du 
							bureau de bienfaisance tendrait à une majoration de 
							25 p. 100 des prix du tarif pharmaceutique, par 
							suite de la hausse persistante des produits et à une 
							délibération de la commission des hospices pour 
							l'acceptation d'un marché destiné à l'installation 
							de cuves à vin à l'hôpital civil et à l'hospice 
							Saint-Julien.
 Divers marchés de fournitures destinées aux services 
							municipaux ont été adoptés.
 
 Le budget des hospices
 M. Vergne a donné lecture de son rapport sur le 
							budget des hospices pour l'année 1915, qui est le 
							même que pour 1914. Il se chiffre par un léger 
							excédent de recettes.
 Dans un clair et consciencieux rapport, M. Vergne 
							constate que la commission a pu mettre constamment 
							1.850 lits à la disposition de l'autorité militaire 
							pour y soigner des blessés ; que la moyenne des 
							soldats hospitalisés a été de deux cents par jour 
							depuis le début de la guerre, et que les hospices 
							civils ont eu particulièrement à soigner les grands 
							blessés.
 M. Vergne termine en demandant au conseil d'adresser 
							un témoignage de satisfaction à tout Le personnel 
							civil et religieux des hospices, ainsi qu'aux 
							médecins pour leur entier dévouement.
 M. le Maire ajoute qu'à l'hôpital la proportion des 
							blessés a été double que dans les autres 
							établissements.
 Le rapport de M. Viergne a été adopté.
 
 Le conseil fixe ensuite à 684 fr. la pension de 
							retraite de Mme Vallet, veuve d'un ancien receveur 
							d'octroi, et à 250 fr. la pension de Mme Ochs, veuve 
							d'un ancien inspecteur du service des eaux.
 Est adopté Le solde de compte pour le paiement de la 
							maison Grandjean, 13 rue, des Etats, destiné à 
							l'agrandissement des bains publics.
 Adoptés une demande de dégrèvement pour un canal et 
							un rapport de M. Charly d'état de cotes 
							irrécouvrables.
 
 M. Antoine donne lecture du règlement intérieur de 
							la caisse de chômage de la ville de Nancy qui est 
							adopté.
 
 Les dommages de guerre
 M. Simon a donné ensuite lecture du voeu suivant :
 «  Le conseil municipal de Nancy,
 «  Au nom des habitants de la ville qui du fait de la 
							guerre, ont subi de graves dommages matériels ;
 «  Uni dans un sentiment de profonde sympathie pour 
							les communes de la région lorraine si cruellement 
							éprouvée par les rigueurs de l'invasion ;
 «  Considérant qu'aux jours les plus critiques de la 
							guerre actuelle, la ville de Nancy s'est dépensée 
							sans compter, pour assurer un refuge aux habitants 
							des villes et des villages lorrains qui fuyaient 
							devant l'invasion ;
 «  Considérant qu'actuellement encore plus de dix 
							mille réfugiés sont hospitalisés à Nancy ; que, dès 
							lors, le conseil municipal peut faire siennes les 
							revendications des habitants des villes et communes 
							dévastées, aussi bien que celles des Nancéiens 
							victimes de la guerre ;
 «  Considérant qu'il serait profondément injuste de 
							laisser peser sur certaines régions de la France la 
							plus grande part des charges et risques de guerre, 
							tandis que d'autres pourraient s'en désintéresser 
							dans une certaine mesure et jouiraient ainsi d'une 
							situation privilégiée ;
 «  Considérant que, si le principe de la réparation 
							s'impose, il y a lieu d'envisager, comme conséquence 
							et au préalable, les conditions dans lesquelles 
							devront s'effectuer les réparations ;
 «  Faisant avec la plus grande confiance appel au 
							patriotisme de tous et aux sentiments de solidarité 
							nationale qui se sont affirmés avec tant de force 
							dans la France entière ;
 Emet le voeu :
 «  Que les dommages matériels de toute nature causés 
							par la guerre, tant aux collectivités qu'aux 
							particuliers, soient à la charge de la nation qui en 
							assurera la réparation intégrale ;
 «  Qu'ne loi consacre formellement et à brève 
							échéance le principe de cette réparation ;
 «  Que l'Etat prenne, au plus tôt, toutes mesures 
							propres à rendre aux communes dévastées, leur vie, 
							leur physionomie et leur activité normales, et qu'il 
							se préoccupe, avant tout, d'assurer la 
							reconstruction et le repeuplement des villages 
							détruits ;
 «  Que la plupart de ces communes n'étant plus qu'un 
							monceau de ruines, il convient ou de mettre à 
							l'étude leur reconstruction suivant un plan 
							d'ensemble, qui, tout en respectant autant que 
							possible, la direction générale des rues et places 
							disparues et en conservant aux nouvelles habitations 
							le caractère bien spécial de la maison lorraine, 
							assure aux habitants des localités reconstruites des 
							voies plus larges et plus commodes, des conditions 
							d'hygiène meilleures ;
 «  Que cette reconstitution, étudiée et faite par les 
							soins de l'Etat, soit assimilés aux projets appelés 
							à bénéficier des dispositions de la loi du 3 mai 
							1841 ;
 «  Qu'en ce qui concerne l'évaluation des indemnités, 
							il soit institué des commissions cantonales 
							composées de notables de la région, ainsi que 
							d'agents des contributions directes, commissions 
							chargées d'évaluer l'importance des dommages subis 
							par chaque habitant, aussi bien pour, pertes 
							immobilières que pour celles mobilières ;
 «  Et qu'enfin pour parer à la dépopulation des 
							campagnes, l'indemnité en argent soit en principe 
							général et sauf circonstances exceptionnelles 
							réservée aux seuls dommages mobiliers, une maison 
							détruite devant être remplacée par une autre maison. 
							»
 Adopté à l'unanimité.
 
 Contre les Zeppelins
 M. Simon donne lecture d'une lettre que lui a 
							adressée M. Mirman, préfet, demandant s'il n'y 
							aurait pas lieu d'informer la population de Nancy 
							lorsqu'un zeppelin est signalé se dirigeant vers la 
							ville.
 Dans cette lettre. M. le Préfet constate que par 
							suite de la situation de Nancy près des lignes 
							allemandes, il ne croit pas utile de faire sonner le 
							tocsin, parce que, quand un dirigeable ennemi serait 
							signalé, celui-ci, à la vitesse de 80 kilomètres à 
							l'heure, serait au-dessus de la ville avant que la 
							population soit avertie.
 De plus la sonnerie du tocsin guiderait sûrement 
							l'ennemi dans la nuit.
 M. le Maire est d'avis qu'il n'y a pas lieu de faire 
							sonner le tocsin, car la population s'affolerait, ou 
							bien sortirait dans les rues au lieu de se mettre à 
							l'abri, comme on a pu le constater lorsqu'un 
							zeppelin fut signalé il y a quelques jours.
 M. Simon ajoute que plusieurs fois des zeppelins ont 
							été signalés depuis le 26 décembre, mais qu'aucun 
							n'est venu jusqu'à Nancy. Le tocsin n'aurait donc 
							servi qu'à troubler inutilement le sommeil des 
							habitants.
 M. Najean. - «  Est-ce que nous avons toujours les 
							mêmes postes d'observation ? »
 M. le Maire répond affirmativement.
 M. Barthélémy. - «  On entendra toujours le canon 
							lorsqu'il tirera sur les dirigeables ennemis. C'est 
							là le meilleur des avertisseurs. ».
 Le conseil décide de rester dans le «  statu quo », 
							c'est-à-dire qu'aucune sonnerie ne préviendra les 
							habitants.
 
 M. Simon, absent lors de la séance du 18 mars, donne 
							des explications à M. Michaut, sur des observations 
							que celui-ci avait présentées à l'occasion d'une 
							dépense inscrite au budget supplémentaire.
 M. Michaut. se déclare satisfait des explications de 
							M. le maire et retire ses observations qui ne seront 
							pas inscrites au procès-verbal de la séance
 
 L'alimentation de Nancy
 M. Barthélémy déclare avoir constaté le manque de 
							poisson et de marée à la criée municipale, le jeudi 
							et le vendredi saints, ce qui fait que les 
							marchandises ont été vendues à des prix élevés.
 M. Antoine, qui s'est chaîné de l'approvisionnement 
							de Nancy, répond que l'administration de la criée a 
							envoyé aux fournisseurs habituels plusieurs dépêches 
							avant la semaine sainte pour recevoir de la marée 
							Les expéditionnaires firent savoir que le lundi 29 
							mars, à Boulogne, - le lundi est le jour du grand 
							marché aux poissons - un seul bateau est entré dans 
							le port. La marée fut donc rare et les prix furent, 
							en conséquence, très élevés.
 Il faut ajouter à cela un trouble dans la 
							circulation des chemins de fer, ce qui a fait que 
							les quelques caisses arrivées à la criée furent 
							vendues de suite aux détaillants.
 
 L'accélération de la correspondance
 M. Barthélémy demande si le conseil municipal ne 
							pourrait adopter un voeu tendant à faire accélérer le 
							service de la correspondance, car les lettres 
							séjournent, encore plusieurs jours à Nancy, ce qui 
							cause une certaine gêne dans les affaires.
 M. Simon répond qu'à la suite d'une demande de la 
							Fédération des commerçants proposant de créer un 
							guichet spécial où les lettres commerciales seraient 
							déposées ouvertes pourraient être expédiées de suite 
							il en référa à l'autorité militaire. Celle-ci 
							répondit qu'il était matériellement impossible de 
							réduire le délai de quatre jours pendant lequel les 
							lettres doivent séjourner à Nancy avant d'être 
							expédiées.
 Il n'y a donc rien à faire, dit M. le Maire, pour 
							accélérer la correspondance.
 
							(à 
							suivre) |