BLAMONT.INFO

Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

 Présentation

 Documents

 Recherche

 Contact

 
 Plan du site
 Historique du site
 
Texte précédent (dans l'ordre de mise en ligne)

Retour à la liste des textes - Classement chronologique et thématique

Texte suivant (dans l'ordre de mise en ligne)

Accès à la rubrique des textes concernant 1914-1918
 

Mars 1915 - La Vie en Lorraine (1/3)

Page suivante
août 1914 septembre 1914 octobre 1914 novembre 1914 décembre 1914
janvier 1915 février 1915 mars 1915 avril 1915  

La Grande guerre. La Vie en Lorraine
René Mercier
Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
Date d'édition : 1914-1915

La Grande Guerre
LA VIE EN LORRAINE
MARS 1915
L'Est Républicain NANCY

 

VENGEANCE ATROCE DE LEURS ÉCHECS

Paris, 27 février, 15 h. 25.
De la mer à l'Aisne, aucune modification n'est signalée dans la situation.
En Champagne, rien de nouveau depuis le communiqué de ce matin.
En Argonne, notre artillerie a fait sauter un dépôt de munitions près de Saint-Hubert, au bois de Malancourt.
Entre Argonne et Meuse, l'ennemi a aspergé avec du liquide enflammé une de nos tranchées avancées qui, en conséquence, a dû être abandonnée. Les occupants ont été grièvement brûlés.
Une contre-attaque a arrêté immédiatement les Allemands en leur infligeant des pertes et en faisant des prisonniers.
Dans la région de Verdun et sur les Hauts-de-Meuse, notre artillerie lourde a pris sous son feu l'artillerie allemande, démoli des pièces, fait sauter une vingtaine de caissons ou de dépôts de munitions, anéanti un détachement et détruit tout un campement.
Au Bois-Brûlé, la lutte continue à notre avantage.

La guerre aérienne
Une escadrille allemande a lancé quelques bombes sur la côte belge, en arrière de Nieuport. Elle a tué une femme et un vieillard.
En Woëvre, un avion allemand qui cherchait à franchir nos lignes, a été repoussé par notre feu.
Un avion français a réussi à jeter trois, bombes sur les casernes de Metz, près de l'Esplanade.

TROIS COUPS DE MAIN HEUREUX
Une de nos patrouilles s'empare seule d'une tranchée. - Une brillante attaque en Champagne. - Ils nous attaquent, - près de Parroy; et sont repoussés.

Paris, 28 février, 0 h. 35.
Voici le communiqué officiel du 27 février, 23 heures :
Dans les dunes, près de Lombaertzyde, une patrouille française s'est emparée d'une tranchée allemande, en a tué les occupants et a pris une mitrailleuse.
En Champagne, nos progrès de vendredi soir, au nord de Mesnil-les-Hurlus, nous ont rendus maîtres de 500 mètres de tranchées allemandes, où nous avons fait une centaine de prisonniers.
Nous avons pris deux mitrailleuses et un canon-revolver.
L'attaque a été menée très brillamment, à la baïonnette, et une forte contre-attaque allemande a été repoussée dans la nuit du 26 au 27 février.
Dans la journée de samedi, nous avons réalisé de nouveaux progrès à l'ouest de Perthes et au nord de Beauséjour.
En Lorraine, à Laneuveville-aux-Bois, près de la forêt de Parroy, une attaque allemande a été repoussée.

Aux DARDANELLES

Paris, 28 février.
LONDRES (officiel). - Le bombardement des forts de l'entrée des Dardanelles a repris jeudi matin.
Un obus turc a atteint l'Agamemnon, tuant trois hommes et en blessant cinq.
Dans l'après-midi, aucun des quatre forts ne tenait plus.
Les travaux de déblaiement des mines a commencé.
Les Turcs ont incendié un village à l'entrée des Dardanelles.
Les mines ont été déblayées, le 26 février, jusqu'à quatre milles de l'entrée.
L'escadre a attaqué alors le fort Dardanus et les batteries de la côte asiatique.
L'ennemi a abandonné trois forts, qui ont été démolis par un corps de débarquement.
L'ennemi rencontré au fort Kum-Kassi a été chassé. Obligé de franchir le pont Mendère, il a été en partie détruit.
Deux canons de quatre pouces et quatre Nordenfelde ont été également détruits, près du tombeau d'Achille.
Nos pertes sont de un tué et de trois blessés.

Dans les communes occupées

Du Bulletin des réfugiés de Meurthe-et-Moselle :

A THIAUCOURT
Dans la première quinzaine de décembre, Thiaucourt a été bombardé par les Français, mais plus particulièrement du côté de, la gare de l'Est. Il y aurait une vingtaine de maisons endommagées. La gare est démolie. Le 26 août, on avait fait sauter les ponts des deux chemins de fer.
La maison en dessous de chez M. Schauer, menuisier (probablement la remise appartenant à M. Jacquin), aurait été incendiée, et la maison de Mme Boulanger (qui loge trois Prussiens pour sa part), aurait été endommagée assez fortement. Mme Jeanne Georges, boulangère, a été blessée.
Quand les Allemands sont arrivés, M. Louis, notaire, avait essayé de fuir en auto avec sa famille, mais il paraît que les Boches l'ont fait retourner. Il est donc resté à Thiaucourt. Il serait malade.
Dans le commencement, du mois de janvier, il a pu envoyer à la femme qui s'occupe de sa maison à Nancy, une carte où il avait signé ainsi que sa femme et son petit garçon. C'est probablement tout ce qu'il a pu faire pour donner de ses nouvelles.
Le fils Vernier, le fils Payle et une dizaine d'autres ont été faits prisonniers et amenés à Dieuze, où les Allemands leur faisaient faire des tranchées.
Mme Beaucard, qui faisait le ravitaillement, a été expulsée par les Boches fin novembre dernier.
Mme Schechter est prisonnière à Novéant-sur-Moselle, le docteur Schechter est en Bretagne, mais on ignore où est le docteur Patron.

Un de nos lecteurs nous adresse les renseignements que voici sur Thiaucourt, datant du 10 février : La population civile ne manque de rien. Des boulangers allemands vendent le pain. La farine se paie 60 mark les 100 kilos.
Il y a trois mille hommes de troupes, dont les officiers sont presque toujours ivres, aimant un peu trop le vin de Thiaucourt.
La poste, l'hôtel de ville et la maison au-dessous de celle du boulanger Georges ont souffert du bombardement des avions. Quand les bombes commencent à tomber, les habitants se réfugient dans les caves.
Aucun civil n'a été fusillé.
La famille Simon (appariteur) habite chez Renard. Les Goujon et les Renard habitent chez Melchior.

A LONGWY
Renseignements fournis par une personne ayant quitté Longwy, le 7 février : Le ravitaillement commence à devenir difficile. Les Allemands menacent les habitants de la famine. Le rationnement est établi et contrôlé par un cachet apposé sur un livret fourni par la ville. Le pain, fait avec du son et du rémoulage (issue de farine et de son employé pour la nourriture des porcs), coûte 0 fr. 30 la livre et on n'a droit qu'à une demi-livre pour deux jours ; le beurre, 2 fr. la livre ; les oeufs, 2 fr. 50 la douzaine ; la viande est au prix ordinaire, mais c'est de la viande de cheval, et l'on ne peut recevoir qu'un quart par jour.
Les Allemands recouvrent les contributions. Un chien paye 15 mark.
Tous les jours, on fait l'appel des hommes.
Il est interdit de recevoir des lettres du dehors ; toute infraction à cette défense est passible du conseil de guerre et punie d'une amende de 30 mark, parfois même de prison.
M. Norroy. facteur de Longwy-Haut, a été fusillé à Longuyon, où il s'était sauvé, et sa maison fut brûlée.

PROGRESSION en CHAMPAGNE
Ils se vengent sur Reims

Paris, 28 février, 15 heures.
Près de Dixmude, l'artillerie des Belges a démoli deux ouvrages ennemis. Leur infanterie a occupé une ferme sur la rive droite de l'Yser, et un de leurs avions a lancé des bombes sur la gare maritime d'Ostende.
Les Allemands ont, de nouveau, bombardé Reims. Une soixantaine d'obus ont été tirés, dont une partie sur la cathédrale.
En Champagne, d'importants progrès ont été réalisés à la fin de la journée d'hier. Nous avons enlevé deux ouvrages allemands, l'un au nord de Perthes, l'autre au nord de Beauséjour. Nous avons en outre gagné du terrain entre ces deux points et au nord-ouest de Perthes. Nous avons fait deux cents prisonniers. Le nombre total des soldats allemands qui se sont rendus depuis dix jours s'élève à plus de mille.
Combats d'artillerie assez vifs sur les Hauts-de-Meuse.
Journée calme en Woëvre.
Dans les Vosges, région de l'Hartmansvilerkopf, nous avons fait quelques progrès.

MOTS LEUR ENLEVONS DEUX KILOMETRES DE TRANCHEES
Ils bombardent Soissons

Paris, 1er mars, 0 h. 50.
Communiqué du 28 février, 23 heures :
A Bécourt, près d'Albert, une attaque allemande a été arrêtée net par notre feu.
L'ennemi a bombardé Soissons de deux cents obus.
En Champagne, nous avons fait des progrès marqués sur tout le front de combat.
Au nord de Perthes nous avons repoussé une contre-attaque et conservé un ouvrage conquis hier. Nous avons élargi nos positions en occupant de nouvelles tranchées.
Nous avons gagné du terrain dans tous Les bois, entre Perthes et Beauséjour.
Nos gains d'hier, au nord-ouest et au nord de Beauséjour, représentent deux mille mètres de tranchées et ces gains ont été sensiblement étendus aujourd'hui.
Dans une seule tranchée, l'ennemi avait laissé plus de deux cents morts.
Nous avons pris une mitrailleuse.
Aux dernières nouvelles, la lutte continuait dans de bonnes conditions.
En Argonne, à la cote 265, à l'ouest de Boureuilles, nous avons enlevé environ trois cents mètres de tranchées.
A Vauquois, une brillante attaque d'infanterie nous a permis d'atteindre le bord du plateau sur lequel s'élève le village.
Dans les Vosges, à Chapelotte, à trois kilomètres au nord de Celles-sur-Plaine, une attaque assez vive des Allemands a été complètement repoussée.

AU PAYS MEUSIEN

A RAMPONT
On écrit au «  Bulletin des réfugiés meusiens » :
«  Je tiens à vous donner quelques renseignements sur le village de Rampont, bombardé par les Allemands avant la bataille de la Marne.
Le bombardement commença à huit heures du matin ; toute la population se réfugia dans les caves et y demeura six heures durant. Au cri de «  sauve qui peut », elle en sortit.
Le tiers des maisons du village étaient en flammes et le bombardement durait toujours.
Les habitants se rendirent à Blercourt, village voisin et le soir, à la faveur d'une accalmie, vinrent rechercher le peu de mobilier qu'ils avaient pu sauver avant l'incendie.
Les maisons des propriétaires dont les noms suivent sont complètement détruites : MM. Didier Adolphe, Lefebvre Célestin, Léontine Lefebvre, Bouilly Théodule, Arsène Génin, veuve Houillier, Chevin Charles, Menu Célestin, veuve Châtel, Geoffroy Bouilly, Ernest Bouilly, Chevin Auguste (deux maisons), veuve Warin, Pierre François, Bouilly Adolphe, veuve Humbert Thomas (cette dernière incendiée le lendemain par un nouvel obus), Humblet Théophile, Bouilly Alexis, Palanson Léopold, Geoffroy Palanson (deux maisons).
Ayant pu me rendre compte du désastre, je puis vous dire que c'est terrible.
La maison commune ainsi que l'église sont intactes (à part les vitres brisées), grâce au zèle et à la vigilance de notre adjoint, Humblet Théophile, qui, au plus fort de l'incendie et durant la nuit, demeura sur les lieux et ne partit que sur l'ordre d'un officier.
Malheureusement, j'ai une victime à vous signaler, M. Onésime Bouilly, tué devant sa porte, par un éclat d'obus. C'était un ancien combattant de 70 décoré de la médaille.
Et maintenant toute la population est rentrée et se trouve logée plutôt mal que bien. »

A SAMOGNEUX
Le 10 février 1915, on écrit au a Bulletin des Réfugiés meusiens » :
«  Monsieur le directeur, Je vous écris quelques mots qui ont rapport au village de Samogneux, afin que vous ayez la bonté de les insérer dans votre journal : «  Le Bulletin Meusien », pour renseigner les émigrés de cette localité.
Samogneux n'a pas souffert de l'occupation des Allemands, car ils n'ont jamais pu y pénétrer.
Au commencement du mois de septembre, quelques patrouilles boches ont tenté de s'introduire dans le village pour y enlever des bêtes laissées à l'abandon. Elles ont été reçues à coups de fusil par les troupes françaises. Deux Allemands ont été tués et plusieurs blessés.
Les barbares n'ayant fait aucune tentative pour entrer dans Samogneux, lors de leur passage, quelques évacués commencèrent à y rentrer.
Au 1er septembre, le village n'avait encore reçu aucun obus.
Le 7, ils ont commencé à bombarder, mais sans faire des dégâts.
A partir de cette date, les Boches lançaient une dizaine d'obus par jour.
Lorsque le bombardement commençait, la population se réfugiait dans les caves.
Malgré les précautions prises, Mme Caillas Constant a été légèrement blessée et un enfant de 13 ans, Camille Gérard, a été tué.
Le plus grand bombardement qui ait eu lieu s'est opéré dans la nuit du 8 au 9 octobre. Les obus ont commencé à tomber sur le village le 8, à trois heures de l'après-midi. et ont cessé de pleuvoir le lendemain matin, à cinq heures.
Au jour, les quelques habitants se trouvant dans le village se sont empressés de quitter leur logis pour se réfugier au village voisin. Aucune personne n'a été tuée.
Deux ou trois soldats ont été blessés.
Les obus avaient causé des dégâts matériels d'assez grande importance, particulièrement chez MM. Bertrand, Barthe, Hance, Pontignan, Thiébaut et Virette.
L'église a reçu un obus, qui a brisé quelques statues.
Depuis ce bombardement, le village n'a été visité que par quelques petits obus, lors des attaques françaises du 23 octobre, pour reprendre Brabant, Haumont, Forges et du 22 décembre, pour s'emparer d'une partie du bois de Consenvoye.
Les Allemands occupent encore Consenvoye, Flabas, Ville-devant-Chaumont. La ferme d'Ormont, située entre Consenvoye et Flabas, est neutre.
Des combats d'aéros ont eu lieu au-dessus du village. Les taubes ont lancé plusieurs bombes, qui sont tombées dans les prés. L'un d'eux a été abattu. »

LES BOMBARDEMENTS DE PONT-A-MOUSSON

Pont-à-Mousson, 27 février.
Dans la nuit de samedi à dimanche, quelques obus allemands sont encore tombés sur la ville, notamment quartier de la gare, avenue Carnot et les deux boulevards. La plupart des projectiles n'ont heureusement causé que des trous dans les jardins. On signale cependant deux ou trois maisons endommagées, mais il n'y a pas eu de victimes.

DES NOUVELLES DE SENONES

Nous recevons la lettre suivante :
Belfort, faub. des Ancêtres, 28-2-15.
Monsieur le Directeur de l'Est Républicain, Je viens de retrouver en Suisse mon fils, Jean Philbert, âgé de 12 ans, venant de Senones (Vosges), pays occupé par les Allemands depuis le 26 août, et demeuré seul, ma femme, présidente de la Croix-Rouge, ayant été tuée, le 6 décembre 1914, par un shrapnell.
Pourriez-vous insérer cette nouvelle pour la faire connaître à ceux que cela intéresserait et notamment à des membres de la famille et à des amis dont j'ignore l'adresse actuelle et que votre journal touchera sans doute ?
A noter la conduite dévouée des Suisses (Gouvernement fédéral et particuliers), ainsi que du Bureau international de la paix (personnel français) au-dessus de tout éloge.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations empressées.
Dr PHILBERT, aide-major, 23, faub. des Ancêtres, hôpital militaire, Belfort.

LES TAUBES

Saint-Dié, 1er mars.
Un biplan allemand est venu survoler Saint-Dié sur le coup de midi. Il a lancé dans la prairie d'Hellieule quatre bombes occasionnant des blessures heureusement peu profondes. aux terrains de cette partie de la ville.

BLOCKHAUS ENLEVÉ AU BOIS LE PRÊTRE
Progrès en Champagne et en Alsace

Paris, 1er mars, 15 heures.
Rien à ajouter au communiqué de ce matin, si ce n'est qu'en Champagne les divers points d'appui, successivement gagnés forment maintenant une ligne continue de deux kilomètres au nord et au nord-ouest de Perthes et que, dans les Vosges, nos attaques ont légèrement progressé à la Chapelotte (trois kilomètres au nord de Celles).
Paris, 2 mars, 1 h. 15.
Voici le communiqué officiel du 1er mars, 23 heures : Des tempêtes de neige et de pluie ont gêné les opérations sur de nombreux points du front.
En Champagne, nous avons repoussé, au nord de Mesnil, une forte contre-attaque ennemie et nous avons maintenu tous nos gains d'hier, en infligeant à l'ennemi de fortes pertes.
Nous avons réalisé dans la même région de nouveaux progrès.
Près de Pont-à-Mousson, au bois Le Prêtre, nous avons enlevé un blockhaus.
A Sultzeren, au nord-ouest de Munster, nous avons repoussé, dans la nuit de dimanche à lundi, une assez forte attaque.
Dans ces deux affaires, nous avons fait des prisonniers.
A Hartmansvilerkopf, nous avons conservé le terrain gagné par nous, malgré des contre-attaques allemandes.

EN ALSACE-LORRAINE

Le conseil de guerre de Sarrebruck a condamné à neuf mois de prison le curé de Reinange, en Lorraine, pour délit de germanophobie. Ce prêtre était accusé d'avoir, après la bataille de Dalheim, photographié Les vases sacrés de son église brûlée par les Allemands et d'avoir utilisé ces photographies pour en faire des cartes postales qui devaient être vendues en guise de souvenirs. Sur ces cartes, il avait fait mettre la date de la bataille (19 et 29 août 1914). Il avait, en outre, édité une autre carte postale représentant deux chiens qui attendent en vain leur pitance quotidienne avec cette explication : «  Après la réquisition ». Enfin, l'ecclésiastique aurait aussi tenu des propos «  imprudents ».
Pour motiver la sévérité du jugement, le tribunal a tenu compte du degré de culture de l'inculpé et du fait qu'en sa «  qualité de prêtre, il aurait dû travailler à la paix plutôt qu'à semer la discorde ».
Le commandant de la forteresse de Thionville, d'accord avec l'office épiscopal de Metz, a promulgué une ordonnance réglant la langue à employer pour le service religieux dans le territoire bilingue de la Lorraine. Une partie des paroisses reçoit l'autorisation de la célébrer exclusivement en français. Dans d'autres, doivent être célébrés deux cultes, l'un en français, l'autre en allemand, à condition que la messe française n'ait pas un caractère plus solennel que l'autre.
La vente de l'absinthe a été sévèrement interdite sur tout le territoire du 15e corps d'armée. Les contrevenants sont passibles d'une peine pouvant atteindre un an d'emprisonnement et s'exposer à voir fermer leurs débits.
Deux boulangeries de Mulhouse ont été fermées pour cinq jours, parce qu'on y avait fabriqué du pain qui n'était pas entièrement conforme à l'ordonnance du 13 février. En cas de récidive, les boulangers seront incarcérés.
En Alsace, l'augmentation du prix de la bière a causé une grosse émotion.

Les neutres à Saint-Louis
Du «  Démocrate », de Delémont : Lundi dernier, tous les neutres ont été invités à se présenter à la mairie de Saint-Louis, pour faire leur déclaration et signer un formulaire contenant un certain nombre de questions l'une, entre autres, demandait si le signataire avait des sentiments francophiles ou germanophiles. Naturellement, pas un seul neutre n'a avoué qu'il souhaitait le triomphe de la France. C'eût été vraiment trop naïf... et trop coûteux aussi ; car les deux agents présents aux opérations à la mairie auraient tôt fait d'emmener les imprudents ou trop courageux amis de la France.
On a de nouveau amené quelques blessés à l'hôpital de Saint-Louis.
La ligne de chemin de fer Saint-Louis-Waldighofen n'est toujours pas terminée. Elle traverse des terrains glaiseux et des affaissements se produisent à chaque instant par ces temps de pluie. On a dû Sie; convaincre que cette ligne n'aura jamais une grande valeur stratégique ; elle pourra être utilisée pour le transport des troupes et des approvisionnements, mais ne supportera pas le transport de grosses pièces d'artillerie.
On est en train de placer la barrière de treillis de trois mètres de haut qui doit séparer la zone neutre du reste de l'Alsace. Dans une semaine, ce travail sera terminé.

Les Alsaciens-Lorrains et la guerre
On nous informe que l'on est en train, présentement, d'extraire des régiments allemands qui combattent dans les Vosges, ou qui sont envoyés sur le front occidental, tous les Alsaciens-Lorrains, que l'on réexpédie sur les frontières de Russie. On voit que la confiance en ces derniers est très Limitée.
Les Allemands ont vidé les villages d'Alsace de tous les hommes du landsturm qui n'avaient jamais fait de service militaire et les ont emmenés. On nous cite de nombreux jeunes gens n'ayant pas dix-huit ans, ainsi forcés d'aller combattre, contre tous leurs sentiments, l'armée russe.
On nous affirme qu'on évalue, en Alsace-Lorraine, à trente mille le nombre des volontaires qui ont pu échapper aux Allemands et se sont engagés dans l'armée française.
A Ferrette, on a arrêté, enchaîné et conduit en prison le boucher Joseph Kempf, qui avait dit en riant : «  Dans trois mois, nous serons en république ; les Français seront venus ! »
A Luxdorf, un vieillard de quatre-vingt-six ans, ancien soldat français, a été expulsé parce qu'on a relevé, à sa charge, qu'il avait été trois fois en congé en France au cours de ces dernières années. Il a tous ses biens en Alsace.

ÉVACUATION DE L'HOSPICE DE BADONVILLER.

Nancy, 1er mars.
Il y a quelques jours, les Allemands ont encore envoyé quelques obus sur la malheureuse petite ville. En présence de cette situation, l'hospice des vieillards a été évacué, et les malades ont été amenés à Nancy, à la maison-mère des religieuses de la Doctrine Chrétienne.

ELLE EST PARTIE...

Depuis deux mois, on avait annoncé son départ.
Et les jours passaient monotones dans la tranchée. Comme soeur Anne, on ne voyait rien venir. Les pelles, les pioches continuaient à en mettre. Dans les conversations, on ne parlait que d'Elle.
Elle était entrevue, telle une déesse !
...Enfin ! un ordre arriva.
Elle partait le lendemain.
Alors, ce fut de la joie.
Elle !... mais c'était la classe 1887, qui, dans notre compagnie, rentrait dans ses foyers...

On a beau faire le malin.
Depuis sept mois, on s'était fait des relations, des amis. Les jeunes les enviaient.
Veinards !
Non, ils le méritent, ces pauvres vieux, qui, depuis le début, n'ont jamais bronché et ont montré souvent l'exemple aux jeunes.
La classe 87 est partie !
Qu'ils soient heureux dans leurs foyers !
JEAN DUR.

NOTES DE CAMPAGNE

VILLA DES TAUPES, 25 février. - Rien de ce qui intéresse la compagnie ne nous laissant étrangers, nous y avons appris, avec grand plaisir, que notre lieutenant, M. H..., venait d'être l'heureux père d'un petit André. Le lieutenant H... est allié à plusieurs honorables familles lorraines.
L'enfant, la mère et le père se portent bien, car notre unité ne semble pas, pour le moment, devoir encourir de péril.
LES LITS. - Imaginez, par un artifice littéraire inspiré de l'Arioste et familier de nos couleurs françaises du 18e siècle, un diable soulevant les toits de nos maisons, il y a sept mois, en pleine nuit.
Il aurait vu alors tous les lits lorrains dans leur extrême diversité : couches somptueuses, très basses, avec de délicates figures de symbole, solides lits de campagne, aux rideaux de percale ornés de fleurs.
Comment nous couchons maintenant : Après avoir traversé l'espèce d'ouverture de sous-marin qui donne accès à la Villa des Taupes et descendu une périlleuse échelle, nous arrivons à un étroit bas-flanc sur lequel est étendue une couche de paille.
Une peau de mouton nous sert de matelas et de sommier. Notre couvre-pieds fait l'office de draps et de couverture.
Quant à l'oreiller, il est tout naturellement remplacé par le sac.
Si nous revenons, ce qui est notre plus ferme espoir, nous aurons de la peine à dormir dans un vrai lit. Quant au problème des habitations à bon marché, le voilà tout résolu. Ce n'est pas la place qui manquera, pour les familles nombreuses, dans ces «  villas des Taupes creusées par tout le territoire.

L'église catholique désigne simplement les morts par le terme vague «  eux ». Donne à «  eux », Seigneur, le repos éternel. J'ai retrouvé ce terme dans la bouche des soldats du peuple.
Eux, ce sont les morts de Frescaty, de la Marne et des Flandres, les frères passés, en gloire, de l'autre côté de la toile mystérieuse.

...Nous avons maintenant des fascines sur les chemins du cantonnement, ce qui diminue un peu le supplice de la boue. Nous avons décidément de grandes chances d'être enlisés dans une matière nauséabonde, perspective fort désagréable, on l'avouera.
PIERRE LEONY.

LA CHAMPAGNE va devenir
LE TOMBEAU DE LEUR GARDE
Et Reims reçoit 50 obus

Paris, 2 mars, 15 heures.
Entre La mer et l'Aisne, journée assez calme. L'ennemi n'a prononcé d'attaque qu'au sud-est de Saint-Eloi (sud d'Ypres). il a été repoussé par les forces anglaises.
En Champagne, nouveau Bombardement de Reims (50 obus environ).
Malgré la tempête, nous avons continue à progresser entre Perthes et Beauséjour pendant toute la journée d'hier, notamment au nord-ouest de Perthes, au nord-est de Mesnil et au nord de Beauséjour.
Nous tenons les points culminants du mouvement de terrain parallèle à notre front d'attaque. Il est confirmé que les éléments de la Garde qui nous ont contre-attaqués dans la nuit de dimanche à lundi, ont subi des pertes extrêmement fortes.
En Argonne, dans le secteur Bagatelle-Marie-Thérèse, combats de mines et d'infanterie dans une tranchée avancée, que nous avons réoccupée après l'avoir un instant abandonnée.
Dans la région de Vauquois, nous avons progressé et conservé le terrain conquis, malgré deux contre-attaques, et fait des prisonniers.
Dans les Vosges, à la Chapelotte, près de Celles, nous avons enlevé des tranchées et gagné 300 mètres.

NEUF CUIRASSÉS
pénètrent
DANS LES DARDANELLES

Paris, 2 mars, 15 h. 50.
ATHÈNES. - Le bombardement des Dardanelles continue.
Neuf cuirassés de ligne se sont avancés jusqu'à deux milles dans Les Dardanelles, et des détachements alliés ont débarqué à Koum-Kalé, dont ils ont dispersé la garnison.
Un navire anglais bombarde Yeni-Cheir.
Les forts Dardanos, Hamidié et Trimenlik sont réduits au silence. La station télégraphique de Bézikia est également démolie.

CAMP RETRANCHÉ DE TOUL
Délivrance des laissez-passer

Nul ne peut entrer dans le camp retranché de Toul sans un laissez-passer délivré par le général gouverneur, à qui les demandes doivent être adressées.
Les personnes non munies de ce laissez-passer s'exposent a être refoulées par les postes sur Le périmètre et à avoir fait un déplacement inutile.

Nous repoussons au bois Le Prêtre
UNE ATTAQUE DE NUIT

Paris, 3 mars, 1 h. 20.
De la mer à l'Aisne, combats d'artillerie souvent assez vifs. Nous avons eu l'avantage.
Sur tout Le front du secteur de Reims, notamment à la ferme d'Alger, près du fort de Pompelle, l'ennemi a prononcé, ce matin, des attaques qui ont été facilement repoussées.
Entre Souain et Beauséjour, nos progrès se sont poursuivis sur plusieurs points. Nous avons pris pied dans des bois qui avaient été organisés par l'ennemi, et nous avons progressé au delà de la crête, dont nous avions atteint le sommet au cours des dernières journées. Une forte contre-attaque a été repoussée.
En Argonne, dans la région de Vauquois, tous nos gains d'hier ont été maintenus et nous avons fait une centaine de prisonniers.
Près de Pont-à-Mousson, une attaque de nuit des Allemands dans le bois Le Prêtre a échoué.
Rien de nouveau sur le reste du front.

LES ÉVACUÉS

Mardi soir, 2 mars, de nombreux habitants des communes du canton de Badonviller sont arrivés à Nancy. Ils ont été conduits à l'asile de nuit en attendant leur hospitalisation par les soins du comité des réfugiés.

LE PRIX DU PAIN

Le Maire de la Ville de Nancy,
Vu son arrêté du 14 octobre 1914, qui établit comme suit le prix du pain :
«  Le pain blanc en miche ronde de un ou deux kilogrammes, de première qualité, sera vendu à 0 fr. 45 le kilogramme, au maximum ;
«  Le pain percé ou en couronne sera vendu 0 fr. 475 le kilogramme au maximum. »
Attendu que le cours des farines, qui était alors de 42 fr., est actuellement de 45 fr., et qu'ainsi cette hausse et celle du bois de chauffage ont une répercussion sur le prix du pain ;
ARRÊTE :
Article premier. - A partir de mercredi 3 mars 1915, le prix du pain sera ainsi fixé :
Le pain blanc, en miche ronde, de un ou deux kilos, de première qualité, sera vendu 0 fr. 475 le kilogramme, au maximum ; Le pain percé ou en couronne sera vendu 0 fr. 50 le kilogramme, au maximum.
Art. 2. - A défaut de pain en miche ronde, le boulanger devra vendre du pain percé au prix du pain rond.
Art. 3. - La pesée du pain est obligatoire, sauf pour le pain de luxe.
Art. 4. - M. le commissaire central de police est chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté.
Nancy, le 2 mars 1915.
Pour le Maire absent :
Le premier Adjoint : SCHERTZER.

Nos SUCCÈS en CHAMPAGNE
dépassent
LEUR Ire LIGNE DE TRANCHÉES

Paris, 3 mars, 15 heures.
Rien d'important à signaler au communiqué de ce matin.
En Champagne, nous tenons toute la première ligne de tranchées allemandes, depuis le nord-ouest de Perthes jusqu'au nord de Beauséjour et, sur plusieurs points, nous avons progressé au delà de cette ligne.
Les autres progrès signalés ce matin sont confirmés. Ils ont tous été maintenus.
Canonnade en Argonne.
Sur le reste du, front, rien à signaler.

REIMS BOMBARDÉ
avec des obus incendiaires
Les barbares se vengent ainsi de leurs échecs.
Leur garde est battue en Champagne et ils sont aussi repoussés en Argonne, au nord de Verdun et dans le bois Le Prêtre.

Paris. 4 mars, 0 h. 31.
De la mer à l'Aisne, canonnade d'intensité variable.
Les Allemands ont recommencé à bombarder Reims, à midi, en se servant d'obus incendiaires.
En Champagne, sur le front nord de Souain, Mesnil et Beauséjour, nos progrès se sont poursuivis et se sont accentués. Nous tenons sur tout le front d'attaque, c'est-à-dire sur une longueur de plus de six kilomètres, l'ensemble des lignes allemandes représentant, en profondeur, un kilomètre.
Nos progrès d'aujourd'hui ont été particulièrement sensibles à l'ouest de Perthes, où nous avons enlevé des tranchées et élargi nos positions dans les bois. Enfin dans la même région, nous avons repoussé plusieurs violentes contre-attaques. Un régiment de la Garde a subi des pertes énormes.
Depuis le dernier communiqué, nous avons fait quelques centaines de prisonniers et pris une mitrailleuse.
Plusieurs attaques allemandes ont été facilement repoussées dans les bois de Consenvoye, au nord de Verdun, et dans le bois Le-Prêtre, an nord-ouest de Pont-à-Mousson.

LE MARTYRE DES HABITANTS DES HAUTS-DE-MEUSE

D'une interview de prisonniers civils, dans le «  Temps » :
«  Certains, avant de passer en Allemagne, ont été soumis au traitement le plus barbare. Du 8 août. à la fin du mois, les villageois des Hauts-de-Meuse ont servi de bouclier aux Allemands contre nos obus. Les positions ennemies étant bombardées sans relâche par nos troupes, on les faisait coucher la nuit dans leurs caves. On les en faisait sortir le matin à quatre heures. Femmes, vieillards et enfants, bousculés, quand ils s'attardaient, à coups de crosse, étaient conduits, en avant des batteries ou des retranchements allemands, sur la crête des hauteurs, et là, bien en vue des Français, on les contraignait à rester debout jusqu'au soir pour obliger nos canons au silence. Avant le départ on leur distribuait pour la journée trois pommes de terre cuites à l'eau par adulte, une pomme de terre seulement par enfant. Sous les ardeurs du soleil, en proie à des transes effroyables, sans une goutte d'eau à boire, ils souffraient le martyre. Des vieillards parfois se laissaient choir. On les relevait, s'il leur restait un peu de vie, à coups de botte. Beaucoup sont tombés, à bout de forces, et ne se sont point relevés. Leurs cadavres ont pourri, sans être inhumés, sur le sol qu'ils avaient engraissé de leurs sueurs. On les laissait là pour servir d'avertissement et d'exemple aux vivants. La nuit venue, on ramenait au village le troupeau. Abreuvés à l'eau de leurs puits, on les poussait brutalement dans leurs caves. Ils y demeuraient enfermés à clef jusqu'au jour pour recommencer la même existence, le lendemain. »

A SAINT-MIHIEL
PENDANT L'OCCUPATION

Depuis qu'ils occupent Saint-Mihiel, les Allemands y ont appliqué leurs méthodes de pillage systématique et méthodique. S'ils ont respecté la. plupart des maisons habitées, ils ont, par contre, visité, jusque dans les coins les plus sombres, les maisons abandonnées.
Ils se sont emparé de tout, même des portes et des serrures, fauteuils, chaises, lits, bancs, tables, ont été transportés dans leurs tranchées.
Les Barbares, par crainte des obus français, logent dans les caves. Et, comme ils aiment le confort et comme, surtout, ils redoutent le froid, ils ont installé des fourneaux et des poêles dans ces mêmes caves ; les tuyaux débouchent dans la rue, par des ouvertures et par les soupiraux et les fumées sortant au ras du sol et emplissant la ville donnent aux rues de la pauvre cité de Saint-Mihiel un aspect plutôt étrange.

UN DE NOS AVIATEURS
a fait sauter
UNE POUDRERIE ALLEMANDE

Paris, 4 mars, 15 heures.
Un de nos aviateurs, le capitaine Happe, a bombardé, hier, la poudrerie allemande de Rottweil (23 kilomètres nord de Donaueschingen).
Le succès a été complet. Dix minutes après le lancement des bombes, la poudrerie était en feu et les flammes s'élevaient à quatre cents mètres de haut.
Notre aviateur a fait un raid de 300 kilomètres (aller et retour).
Pendant ce temps, un Taube tirait sur l'hôpital de Gérardmer, mais il n'y a eu ni victimes ni dégâts.
Donaueschingen se trouve dans le Grand-Duché de Bade, au confluent des trois ruisseaux, la Brège, la Bigach et le Riessel, qui forment le Danube.

RAGE TEUTONNE
Leur garde tombe en Champagne, mais Reims reçoit un obus toutes les trois minutes

Paris, 4 mars, 15 h. 05.
En Belgique, dans les dunes, notre artillerie a démoli les tranchées ennemies.
Au nord d'Arras, près de Notre-Dame-de-Lorette, l'ennemi s'est emparé d'une tranchée avancée, récemment construite par nous, au contact immédiat des lignes allemandes.
Le bombardement de Reims a duré toute la journée, à raison d'un obus toutes les trois minutes.
En Champagne, il se confirme que les contre-attaques allemandes contre la croupe conquise par nous au nord-est de Mesnil ont été d'une grande violence.
Deux régiments de la garde y ont participé avec acharnement. L'échec de cet effort a été complet.
Canonnade dans l'Argonne avec de nouveaux progrès de notre part dans la région de Vauquois.

Leurs ATTAQUES REPOUSSÉES
Un Taube abattu près de Verdun

Paris, 5 mars, 1 h. 05.
Voici le communiqué du 4 mars, 23 heures :
En Belgique, dans la région des Dunes, notre artillerie a exécuté des tirs particulièrement efficaces, et notre infanterie a occupé une nouvelle tranchée en avant de nos lignes.
En Champagne, nous avons continué à progresser. Nous avons consolidé et élargi nos positions, notamment au nord-ouest de Perthes et au nord-ouest de Mesnil, en faisant une centaine de prisonniers.
Sur la croupe nord-est de Mesnil, de nouvelles contre-attaques se sont produites. Elles ont été repoussées.
Les prisonniers allemands confirment la gravité des pertes subies par les deux régiments de la garde engagés dans le combat d'hier.
En Argonne, au Four-de-Paris, une attaque allemande a été repoussée. Il en a été de même à Vauquois.
Près de Verdun, au fort de Vaux, un avion allemand a été abattu dans nos lignes et les deux aviateurs ont été fait prisonniers.

LES TAUBES

Verdun, 5 mars.
Ces jours derniers, quatre avions allemands sont venus jeter des bombes sur Verdun, vers trois heures de l'après-midi.
Ils n'ont guère mieux réussi dans leurs exploits que les fois précédentes.
Deux bombes, jetées sur la Cathédrale, sont tombées à côté : l'une dans le cloître de la Cathédrale, a abîmé le vitrail de la chapelle Saint-Joseph ; l'autre, sur la place de la Cathédrale, a cassé les carreaux de la maison d'un ficaire général et de l'école des garçons et détérioré la porte de Mlle de Benoist.
Une troisième bombe est tombée sur la promenade de la Digue, sans effet. Une autre a tué un soldat du train et son cheval, près du pont de la Galavaude. Une cinquième a causé quelques dégâts matériels dans la rue de la Madeleine.
L'hôpital militaire de la côte Saint-Michel était particulièrement visé : dégâts peu importants.
Mais le retour de ces malfaiteurs n'a pas été heureux : un avion, atteint par les batteries de Douaumont, est allé s'abattre dans le bois de Beaumont ; l'appareil est détruit et les deux officiers qui le montaient, assez grièvement blessés dans leur chute, ont été fait prisonniers.
Il paraîtrait que cette expédition allemande contre la Cathédrale et l'hôpital est une vengeance des dégâts causés la veille par nos aviateurs au magasin de ravitaillement que les ennemis avaient installé à Spincourt.

LES AVIONS ENNEMIS

Jeudi 4 mars, vers midi, un avion ennemi, survolant à une grande hauteur, se dirigeait vers Nancy. Il arrivait au-dessus de Maxéville, lorsqu'il fut aperçu par nos artilleurs qui faisaient bonne garde.
Plusieurs coups de canon furent tirés dans la direction de l'avion qui, se voyant découvert, s'empressa de rebrousser chemin.
Un autre Taube avait reçu le même accueil dans la matinée. Plusieurs de nos aviateurs donnèrent également la chasse aux avions ennemis, qui, à toute vitesse, battirent en retraite.
De nombreux spectateurs ont suivi attentivement chacune de ces chasses émotionnantes et, certes, ils n'auraient jamais voulu se réfugier sous les voûtes protectrices des caves, lorsque surtout, vers midi, ils virent le Taube piquer droit vers le sol comme s'il avait été touché par un projectile, pendant que nos biplans faisaient un superbe virage vers leur nid.
La chasse était terminée.

RÉPARATION DES DOMMAGES de GUERRE

La Chambre de commerce de Nancy,
Considérant qu'il y des routes d'invasion, comme des champs de bataille, prédestinés ;
Considérant que cette prédestination voue toujours les mêmes Marches du Pays aux mêmes misères et aux mêmes horreurs, alors que les autres régions restent indemnes et que parfois même elles peuvent bénéficier de la fermeture des usines et des comptoirs sis dans les régions menacées ou envahies ;
Considérant que si des horreurs de la guerre ne peuvent pas être épargnées aux Marches du Pays, il y a lieu pour elles de réparer au moins le réparable, c'est-à-dire les dommages matériels ;
Considérant, au surplus, que la Patrie est la mise en commun de toutes les charges individuelles ; que la France est assez riche pour rembourser aux populations envahies tout ce que celles-ci ont dû payer pour elle ;
Ayant la conviction que personne, sans froisser le sentiment intime de la solidarité nationale n'osera prétendre que quarante millions de Français sont incapables de réparer les pertes qu'auront subies les quatre millions de Français qu'on a laissé envahir pour permettre à nos armes de choisir leur terrain de bataille, et que ces quatre initions de Français sont capables de supporter ces charges ; Considérant, d'ailleurs, le mouvement unanime: de solidarité qui s'est, depuis longtemps, manifesté dans le pays en faveur de la réparation de tous les dommages causés par la guerre ;
Considérant, les mesures qui; sont ou vont être en vue de la constatation et de l'évaluation de tous les dommages subis par les collectivités et les particuliers ;
Considérant que le département de Meurthe-et-Moselle, qui forme la circonscription de la Chambre de Commerce de Nancy, est parmi ceux qui ont le plus souffert ; que, déjà gravement atteint, il risque de l'être plus encore dans ses ressources minières et dans son outillage économique : établissements commerciaux et industriels, ateliers, usines, manufactures, instruments de travail et de production, que les principaux éléments de cet ensemble, fraction importante de la fortune nationale, sont actuellement entre les mains de l'ennemi qui peut avoir intérêt à les détruire à un moment donné ;
Estimant que la réparation, pour être équitable, doit être intégrale et se faire sur la base des pertes réellement subies à l'exclusion de toute autre considération ;
Que cette réparation n'acquerra toute sa portée, au point de vue de l'avenir des régions envahies et spécialement du retour à leur foyer des populations dispersées, que si le principe en est proclamé sans retard et sans réticence dans une loi ;
Emet le voeu :
a) Que les dommages matériels causés par la guerre aux collectivités : départements. communes, établissements et services publics, et aux particuliers, soient mis à la charge de la nation qui en assurera la réparation intégrale. sans faire aucune distinction de condition de personnes ou de sociétés commerciales ou industrielles. ni de nature de dommages ;
b) Et qu'une loi consacre formellement et à bref délai le principe de cette réparation.

LES BRAVES GENS D'ARRACOURT
M. Auguste Maire, avec treize otages, est enfermé à Dieuze. - Il est traduit devant un conseil de guerre. - Un roman extraordinaire.

Dans le «  Journal », le maire d'Arracourt, M. Auguste Maire, raconte comment la «  Strassburger Post » fit de lui un héros de roman, en l'accusant d'avoir tué d'un coup de revolver une servante de ferme, suspecte à ses yeux de tendresse complaisante pour l'Allemagne.
Mais il avait expié aussitôt ce crime, un lieutenant de uhlans lui fendit le crâne d'un coup de sabre.
M. Auguste Maire apprit cette histoire fantastique à Dieuze, où un de ses geôliers lui montra la «  Strassburger Post » et s'étonna fort qu'un homme aussi bien tué figurât encore - vivant et même bon vivant - parmi les otages lorrains.
Combien d'autres inventions «  ejusdem farinae » la crédulité boche a-t-elle acceptées depuis lors sans contrôle !
Enfermé à Dieuze, le maire d'Arracourt y vécut avec plusieurs habitants de sa commune, dont il indique les noms : M. l'abbé Lacour ; M. le docteur Louis ; M. Gespérier, instituteur ; M. Pernet, conseiller d'arrondissement ; M. Simonin, hôtelier ; M. Jacquot, boulanger ; M. Caussant ; M. Adrit, juge de paix ; MM. Eve, François et Pastel, ses suppléants ; M. Simonin Saturnin ; M. Gougelin, cultivateur ; M. Becker, instituteur, soit, en tout, treize personnes choisies parmi les notables.
M. Caussant, ou Colson, mourut à Ingolstadt où il fut interné plus tard, dans un camp de concentration.
Notre confrère, «  Le Journal », tient aussi de M. Auguste Maire quelques renseignements sur la manière dont furent pratiquées les premières réquisitions dans le même village de notre frontière.
«  Les Boches s'avisèrent de mettre à contribution le pays en exigeant la livraison immédiate de quatre quintaux d'avoine.
«  - Les granges sont vides, objectèrent les fermiers.
«  - Allez dans vos champs terminer la moisson.
«  - Nous manquons de liens en paille pour attacher les gerbes.
«  - Vous prendrez des cordes.
«  - On n'en a pas.
«  - Tant pis... Faites des lanières avec vos draps. Il nous faut demain matin, du blé pour les hommes, de l'avoine pour les chevaux. On utilisera vos machines a battre. Que tout soit prêt, sinon, ... »
«  Un geste de colère acheva la phrase.
«  La population agricole d'Arracourt se répandit alors dans les champs et récolta quatorze quintaux de céréales. Les Boches emportèrent tout. Privés du droit de porter leur grain au moulin, les habitants furent obligés de le moudre dans les moulins à café. »

Le départ des otages eut lieu le 14 septembre. En chemin, à Vic, un sous-officier jugea spirituel de railler la détresse des pauvres gens qui s'en allaient tristement vers l'exil. Il apostropha M. Auguste Maire sur un ton goguenard :
- «  Chante-nous donc maintenant : Allons enfants de la patrie.
Dans la caserne de Dieuze, deux cent cinquante prisonniers civils souffraient de la maladie et des privations. Parmi les personnalités ainsi réunies, citons M. Veillon, maire de Val-et-Chatillon ; M. Cailleux, secrétaire de mairie, et M. Klein, négociant dans cette commune ; M. Colin, maire de Ley ; M. Masson, cultivateur à Xanrey ; M. l'abbé Evrard, professeur dans un collège parisien ; M. Parmentier, de Repaix, etc.
Un des fils de M. de Guichen, maire prisonnier de Cirey, remplissait les fonctions d'interprète et travaillait dans le bureau même du capitaine.
Pendant leur séjour à Dieuze, les otages durent naturellement prêter l'oreille aux exploits fantastiques du kaiser et de ses invincibles généraux. La prise de Paris et la chute de Verdun n'avaient pas fait un pli.

Parmi les prisonniers, le maire d'Arracourt connut une femme condamnée à six semaines de prison pour avoir recouvert avec du fumier la fosse d'un soldat allemand.
Un fermier fut puni de deux mois et demi de la même peine pour avoir facilité l'évasion d'un soldat ; un cantonnier fut arrêté sur la route avec un sieur Simon, sous prétexte qu'on avait tiré sur une patrouille allemande et qu'ils refusaient de dénoncer l'auteur de cette fusillade ; deux braves Lorrains, coupables d'avoir éclairé les fenêtres du cellier où ils préparaient la vendange, gémissaient également sur la paille humide des cellules, parce que la justice militaire leur reprochait d'avoir fait des signaux lumineux à l'ennemi...
Un Boche - le cas est plutôt rare - était sous les verrous pour avoir provoqué l'explosion d'un pétard et déclaré ensuite que des soldats français avaient tiré sur lui. Pour une fois, le mensonge était châtié !
M. Auguste Maire, de qui nous tenons ces. renseignements, déclare qu'au départ des otages d'Arracourt, le village avait fort souffert des obus :
- J'ai comparu devant un conseil de guerre prussien, nous dit-il. J'ai été acquitté. Un journal m'a présenté ensuite à ses lecteurs sous les traits d'un assassin ; j'ai subi toute sorte d'ennuis, d'avanies, de misères. Mais je me consolerai vite quand la victoire me permettra prochainement de rentrer dans ma petite maison. Quel bonheur de retrouver à l'ombre de notre vieux clocher les amis qui, malgré tant d'amertumes, ont gardé intacts leur espoir, leur courage, leur foi dans le triomphe de 3a justice et dans les glorieuses destinées de la France. »
MARCEL DURIEUX.

L'OCCUPATION A NORROY-LES-PONT-A-MOUSSON

Une personne qui a quitté Norroy vers le 10 janvier, pour être rapatriée en France par la Suisse, a donné à l'un de nos confrères quelques détails sur l'occupation de cette commune par les Boches.
Jusqu'au moment de son départ, aucun habitant n'avait été molesté. Les vignes situées à proximité du village ont seules pu être vendangées. Ailleurs, les raisins ont été mangés par des soldats. La cueillette du houblon et la récolte des pommes de terre n'ont pu être faites que partiellement. Il était défendu d'aller dans les champs sans être accompagné par des soldats, et encore, il ne fallait pas dépasser une certaine limite. Une fois six heures du soir, il était défendu de sortir des maisons et d'avoir aucune lumière. Il n'y a guère qu'une centaine de Boches dans le village. Les autres se trouvent en grand nombre dans les tranchées et les carrières. Ils ne se déplacent que la nuit. Vers novembre, tous les hommes de 14 à 50 ans ont été emmenés les uns dans les camps de Bavière, les autres à Dieuze. Au cours des duels d'artillerie qui eurent lieu dans le bois Le Prêtre, des obus français tombèrent sur Norroy : six ou sept brisèrent les vitres et firent quelques dégâts à la maison de M. Georges Lombard, l'ancien huissier de Pont-à-Mousson. Mme Lombard et sa fillette, réfugiées dans la cave, n'ont pas été atteintes. L'immeuble de M. Vilmet-Caille a été en partie détruit par l'incendie.
L'écurie de M. Emile Gauthier, qui renfermait une grande quantité de fourrage, brûla pendant plus de huit jours. Brûlée également par les obus la maison de M. Parisot. maire de Norroy. Un immeuble appartenant à Mme Bertrand est devenu inhabitable, quelques autres ont été plus ou moins endommagés. M. Adolphe Single, atteint par un éclat d'obus alors qu'il traversait une rue du village, succomba peu après. Mme Dassonville et un fils Chardard ont été blessés et transportés par les Allemands à l'hôpital de Metz.
Vers la fin de novembre, les Boches réquisitionnèrent tout le vin qu'il y avait dans les caves bien garnies de Norroy.
Le ravitaillement se faisait assez facilement par Metz, et jusqu'au mois de janvier, les habitants n'avaient manqué de rien. Le pain se vendait en morceaux qui ne pesaient guère plus d'un kilo et coûtaient 0 fr. 90.

DES NOUVELLES DE CIREY
Bombardement et pillages. - Mitrailleuses dans le clocher. - On conduit à Dieuze les hommes mobilisables. - L'audacieuse évasion d'un chass' d'Af'

Nous avons en son temps publié le récit nu jour le jour, des événements qui ont suivi, à Cirey, et dans les environs, la déclaration de guerre.
Un ouvrier d'usine, M. S... qui a pu demeurer dans Cirey jusqu'au 18 décembre, a été évacué à cette date sur Deutsch-Avricourt, puis sur Dieuze d'où, compris peu de jours après dans un convoi de malades, il gagna la France par Rastadt, Schaffouse et Genève.
Nous n'entrerons point dans le détail de cette odyssée. Elle reproduit fidèlement l'existence qu'ont menée nos nationaux dans les casernes, les prisons ou les baraquements des camps de concentration allemands.
Notons simplement qu'à Dieuze, les internés occupèrent la caserne du 138e de ligne où se trouvaient des détachements de chevau-légers :
- Le surlendemain de notre arrivée, raconte M. S..., des avions français survolèrent la garnison. Ils lancèrent trois bombes. L'une tomba sur les salines ; la deuxième éclata dans la caserne et l'autre faillit détruire les pièces d'artillerie qu'on avait rangées dans une des cours du quartier. »
En ce qui concerne les événements dont Cirey, son pays d'origine, fut le théâtre, M. S. fournit des renseignements précis.
La coquette cité fut bombardée à deux reprises, une première fois pendant les journées des 22 et 23 août, puis les 12 et 13 novembre. On enregistra la mort d'une seule victime :
- A propos du premier bombardement, dit M. S..., il est nécessaire d'anéantir une légende qui s'est répandue je ne sais comment dans notre région. On a prétendu qu'à l'occasion de la foire annuelle de la Saint-Bernard qui attire ordinairement dans Cirey la population des environs, les officiers allemands avaient organisé des bals, des réjouissances populaires. La jeunesse du pays se serait amusée et les gentes demoiselles auraient dansé en compagnie des Boches. C'est faux. La foire de Saint-Bernard n'eut pas lieu. En fait de quadrilles, le dimanche 23 août, ce furent les Boches qui exécutèrent des «  figures » réglées non par les violons mais par nos canons et nos mitrailleuses... »

Suivant son excellente habitude, l'ennemi passait son temps mieux qu'au bal. On pillait. On chapardait. Toutes les maisons précipitamment évacuées par les habitants furent dévalisées de la cave au grenier - la cave surtout. Les femmes d'officiers vinrent, comme à Raon-l'Etape, choisir les objets à leur convenance, meubles, tapisseries, tableaux, etc.
La horde joignait l'utile à l'agréable. Cinquante camions automobiles furent mobilisés durant une quinzaine de jours, vers fin août, pour le transport en Allemagne des cotons bruts et des cotons teints enlevés dans les usines de la Société cotonnière lorraine et de la Société Bechmann et Cie. La voie ferrée fut utilisée pendant une semaine pour le même trafic.
Le matériel mécanique, le cuivre des coussinets et des chaudières, les courroies de transmission en cuir composèrent un butin auquel le cambriolage en règle des manufactures ajouta les approvisionnements de houille et de bois. Un chantier de planches, près de la gare, fut «  déménagé » tout entier ; les dépôts de houille, les gros tubes de gaz comprimé appartenant à la compagnie de l'Est disparurent comme par enchantement Les pillards firent mine, de payer... avec des bons de réquisition. »
On présumait qu'après les exploits de ces détrousseurs, Cirey jouirait d'une tranquillité relative. Au bout de quatre mois, les Allemands s'avisèrent de procéder à un nouvel inventaire et, le 17 décembre, ils dressèrent minutieusement la liste des dynamos, des batteries de cuisine, des instruments en métal, des denrées, de tout ce qui pouvait se convertir en munitions pour leurs armes ou en subsistance pour leurs estomacs :
- L'inventaire n'a pas oublié les glaces de l'usine, indique M. S..., qui ont été emportées, à l'exception de celles que les Boches détruisirent afin d'en répandre les débris sur les routes, aux abords de Cirey.
C'était là une mesure de précaution contre les patrouilles de cavalerie française dont l'ennemi avait fréquemment souffert... »
Les attaques, en effet, se multiplièrent pendant la période d'occupation.
On fit sauter plusieurs tranchées allemandes sur la route de Petitmont ; on en démolit d'autres entre Val et la forêt de Chatillon ; on compta en un seul jour 300 tués et blessés et la reconnaissance heureuse d'une de nos patrouilles fut marquée peu après par 1.500 prisonniers :
- Les échecs irritaient l'humeur des Boches, déclare M. S... Pourtant la ville de Cirey fut relativement épargnée. Le clocher reçut un aménagement spécial pour l'installation de mitrailleuses et, comme la partie supérieure dut être supprimée, les Allemands s'écriaient en montrant leur ouvrage : «  Voyez donc comment les soldats français ont canonné votre pauvre clocher ! » Le petit village de Parux n'est plus qu'un monceau de ruines ; mais, par contre, les hameaux de Tanconville, de Frémonville, entre Blâmont et Cirey, n'ont pas trop souffert... »

Le commandant d'étape était logé chez M. Mazerand, que l'autorité militaire avait désigné, en remplacement du maire, M. de Guichen, emmené en captivité, pour remplir les fonctions d'administrateur de Cirey. Il faut le proclamer à sa louange, M. Mazerand s'acquitta de sa charge délicate avec un sang-froid, une fermeté, un patriotisme admirables :
- Le 18 décembre, poursuit notre interlocuteur, les jeunes gens des classes 1914 et 1915 furent convoqués, en même temps que les hommes âgés de moins de 45 ans. Un détachement de 44 habitants se forma sur la place de la mairie. Neuf personnes, en raison de la gravité de leur état, ne purent se présenter... Une émotion profonde serrait les coeurs. A l'heure des adieux, M. Mazerand prononça une courte allocution ; il dit qu'à son grand regret, hélas ! il n'avait pu réussir à fléchir l'autorité du vainqueur, qu'il regrettait sincèrement de nous voir ainsi quitter le pays, mais qu'il comptait nous revoir bientôt. Tout le monde avait les larmes aux yeux.
Le cortège partit à pied pour Avricourt. Une escorte d'infanterie saxonne accompagnait ces malheureux dont la plupart attendent encore que l'Allemagne ouvre devant eux les portes d'un long et douloureux exil.
Deux jours après, on sut que deux conscrits de la classe 1914 s'étaient évadés de la caserne de Dieuze. Un avis informa alors la population que «  s'ils rentraient à Cirey les déserteurs devraient être aussitôt dénoncés, «  sous peine de mort pour quiconque leur donnerait asile et d'incendie de la maison où ils auraient trouvé un refuge. »

Au nombre des incidents qui frappèrent l'attention publique, M. S... raconte l'audacieuse évasion d'un chasseur d'Afrique dont le courage ne se démentit pas un seul instant.
Quand il comparut à la kommandatur, le prisonnier grommela entre ses dents : «  Je suis dans leurs sales griffes ; mais cette bande de s... ne me tient pas encore... »
Deux cyclistes furent chargés de le conduire à Val-et-Chatillon. Chemin faisant notre chass d'Af' essaya de lier conversation. Il acquit sans peine la conviction que ses gardiens ignoraient totalement notre langue, il en profita.
Rien d'ennuyeux, pour des cyclistes, comme de régler leur vitesse sur la marche d'un piéton à côté duquel on roule. Les deux Boches sautaient donc en selle, s'éloignaient d'une centaine de mètres, allaient et venaient comme des chiens de berger, sans interrompre leur surveillance.
Soudain, le chass d'Af aperçoit dans l'herbe, au bord de la route, une sorte de matraque. Une femme passait. Il l'apostrophe : «  Hé ! ramassez vite cette trique-là... »
C'était un bout de câble électrique, à la fois rigide et souple Le prisonnier dut éprouver une joie intense. Habilement il dissimule cette arme terrible et, au moment où les cyclistes, carabine au dos, sont à bonne portée, il les étend roides sur le sol : chaque coup abat son homme !
Sans perdre une seconde, le prisonnier enfourche la meilleure bécane - et disparaît dans la direction de Badonviller.
Il court encore.
ACHILLE LIÉGEOIS.

REIMS SUBIT TOUJOURS LEUR RAGE
Dans les Dunes de Belgique, à douze reprises, ils sont repoussés. - Vers Arras, on leur capture une compagnie de mitrailleuses et, en Champagne, une compagnie entière de la garde. -- Nous les repoussons et progressons en Argonne, en Lorraine, en Vosges et en Alsace.

Paris, 6 mars, 0 h. 53.
Voici le communiqué. officiel du 5 mars, 23 heures :
En Belgique, dans la région des dunes, nous avons organisé solidement une tranchée avancée enlevée hier par nos troupes. Les Allemands ont essayé de pousser leurs tranchées en contact avec les nôtres, mais notre feu les a dispersés à douze reprises.
Au nord d'Arras, nos contre-attaques, dans la région de Notre-Dame-de-Lorette, ont été couronnées d'un plein succès.
Dans la soirée de jeudi, nous avons pris une compagnie de mitrailleuses.
Dans la journée de vendredi, sur une nouvelle attaque de l'ennemi, nous avons riposté et refoulé les assaillants au delà de leur point de départ. Nous avons repris les éléments avancés restés depuis deux jours en leur possession et avons fait de nombreux prisonniers.
Reims a été bombardée toute la journée.
En Champagne, dans la région de Perthes, progrès marqués. Dans la soirée de jeudi, une compagnie de la Garde s'est trouvée encerclée dans nos lignes, et elle est restée entre nos mains, malgré les efforts tentés pour la dégager.
Dans la journée de vendredi, nous avons occupé, au nord du même village, un saillant où nous avons fait des prisonniers. Nous avons conquis six cents mètres de tranchées sur deux cents mètres de profondeur, au delà de la croupe qui est au nord-est de Mesnil et nous avons progressé dans les bois voisins. Nous nous sommes rendus enfin maîtres de plusieurs tranchées dans les ravins au nord-ouest de Beauséjour.
De l'aveu des prisonniers, les pertes de l'ennemi sont extrêmement élevées. Quant au moral de nos troupes, il est excellent En Argonne, à Vauquois, nous avons fait d'importants progrès dans la partie ouest du village, la seule que les Allemands tiennent encore.
Dans le bois Le-Prêtre, au nord-ouest de Pont-à-Mousson, une attaque allemande a été facilement repoussée.
Dans la région de Badonviller et dans la région de Celles, nos attaques ont progressé jusqu'au contact immédiat des fils de fer de l'ennemi, dont nous avons repoussé une contre-attaque.
En Alsace, à Hartmansvilerkopf, nous avons enlevé des tranchées, un fortin et pris deux mitrailleuses.

LES ATROCITÉS DE NOMEMY
Témoignage irréfutable de la barbarie allemande

Dernièrement, un de nos soldats ramassait, dans une tranchée conquise, le carnet de route du soldat F..., du 8e régiment d'infanterie bavarois. Il fut transmis à l'état-major de la division. Le soldat F...
y relatait toutes les opérations auxquelles il avait participé depuis le début de la guerre. Sur le premier feuillet, voici, ce qu'on pouvait lire :
«  Nous (la 33e division de réserve) avons quitté Metz Le 19 août, dans la direction sud vers Nomeny. Le 19 août, nous avons passé la nuit à Chesny et le lendemain matin, à 5 h. 20, nous avons continué notre marche. Vers 11 heures et demie, nous sommes arrivés à Mailly, où nous avons campé derrière le village jusque vers 5 heures. Pendant ce temps, l'artillerie française du fort du Mont-Toulon nous canonna quoique avec très peu de succès. Un obus tomba dans le voisinage de la 11e compagnie, blessant sept hommes, parmi lesquels trois grièvement. A 5 heures du soir, ordre nous fut donné par le commandant du régiment de fusiller tous les habitants mâles de Nomeny et de détruire la ville de fond en comble, parce que Les gens essayaient sottement de s'opposer, les armes à la main, à l'avance des troupes allemandes. Nous avons pénétré dans les maisons, nous nous sommes emparés de tous ceux qui ont fait de la résistance pour les passer par les armes. Nous mîmes le feu aux maisons que notre artillerie et l'artillerie française n'avaient pas encore incendiées, et presque toute la ville fut brûlée. Ce fut un tableau terrible que de voir rassemblés comme du bétail les femmes et les enfants, privés de tout secours et de tout moyen de subsistance pour être refoules ensuite vers la France. »
Les Allemands ne pourront plus soutenir après cela qu'ils sont injustement accusés ; le témoin de leurs crimes ne saurait, cette fois, leur être suspect, puisque c'est un soldat allemand.

RETOUR D'OTAGES LORRAINS

La Chambre de Commerce de Nancy s'est procuré une nouvelle liste d'habitants de la Meuse, actuellement réfugiés dans les arrondissements du Vigan et d'Uzès, qu'elle nous communique pour nos lecteurs :

ARRONDISSEMENT DU VIGAN
Neyris Georges, à Septsarges ; Stelly Albert, à Lamarche ; Rognon Arsène, à Verdun ; Laurent Alcide, aux Halles ; Picart Georges, à Dannevoux ; Léger Camille, à Montigny ; Poncelet Gaston, à Haraumont, Dufour Marcel, à Sivry ; Landroit Léonce, à Nepvant ; Gavard Louis, à Brandeville ; Homard Paul, à Brabant ; Drouet Georges, à Mouzay ; Raulet Philogène, Lamoureux Charles, aux Halles ; Borre Léon, Borre Louis, à Ecurey ; Lallemand Alphonse, Lallement Emilie, Lallemand Julienne, Lallemand Léontine, à Wadonville ; Petitjean lrma, Petitjean Sébastien, à Pareid ; Cojen Marcel, à Abbeville ; Joly Théophile, jJly Lehallé, Joly Lucien, Joly Denise, à Lanhères ; Thérot Justin, à Chaillon ; Schaffer Marie, Schaffer Lucien, Schaffer Germain, Schaffer Paul, Schaffer Léon, à, Beney, Jeantrelle Martine, Jeantrelle Raymond, Jeantrelle Roger, à Bruzy ; Pécheur Louise, Pécheur Marie, Pécheur Jeanne, de Lahayville ; Janot Emile, Janot Hermance, Lanbultry Augustine, Lambultry Gustave, Chabaux Athalie, à Varnéville ; Janot Lucien, Janot Armand, Front Her mance, Front Joseph-Auguste, à Varnéville ; Gasson Lucien, Gasson Marie, Gasson Lucie, Gasson Julien, Gasson Marie, Gasson Martial, Gasson Hubert, Gasson Louis, Gasson Suzanne, de Spada ; Renaudin Alfred, Noël Jean-Baptiste, à Vedrimay ; Poirot Berthe, Poirot Victor, à Vattonville ; Jeaudin Ernestine, à Lacroix-surMeuse ; Wambru Maria, Wambru Georges, Wambru Irène, Marchal Marie-Joséphine, Marchal Suzanne, Chiriot Douvrine, Lapan Marie-Suzanne, à Chaillon ; Pépin Alfred, à Cartigny.

ARRONDISSEMENT D'UZÈS
Marchal Zénot, Poncelet Théophile, Gavard Louis, à Laudun ; Bouchet Gabriel, à Saint-André-de-Roquepertuis ; Lamiable Alfred, à Saint-Alexandre, par Pont-Saint-Esprit : Doyen Joseph; Noël Alexis, Marquet Jules, à Laudun.

APPEL pour la RECONSTRUCTION DE CLERMONT-EN-ARGONNE

Le Comité d'assistance et de ravitaillement de l'arrondissement de Verdun, réuni le 18 février 1915, Considérant qu'il y a lieu d'envisager la reconstruction dans les communes des bâtiments détruits par l'ennemi, Qu'il pourrait résulter de graves mécomptes, et notamment pour l'esthétique, en laissant les propriétaires édifier de nouveaux immeubles, sans que préalablement un nouveau plan d'ensemble ait été dressé et approuvé par l'autorité compétente, Qu'il y a lieu, en conséquence, d'introduire dans le programme de réédification les règles concernant le droit social, l'hygiène et la santé publiques, de tenir compte des sites, des conditions de la vie, des ressources que peuvent présenter chacune des localités, non seulement dans le présent, mais aussi dans l'avenir.
Décide, en ce qui concerne tout d'abord Clermont-en-Argonne, ville de touristes, de petites industries et de culture dont le centre est détruit, et dans laquelle, sur 289 maisons d'habitations, 63 seulement aux deux extrémités, dont l'hôpital et les écoles, ont été épargnées par le feu .
I. - D'ouvrir un concours entre les architectes et paysagistes du département de la Meuse et des départements limitrophes, pour présenter un plan de systématisation de la nouvelle localité à reconstruire, indiquant rues, places, jardins publics, édifices publics, etc., laissant aux candidats la plus grande initiative, leur demandant toutefois des projets réalisables dans lesquels ils ne devront pas négliger de tenir compte : 1° que les questions d'expropriation seront limitées au strict nécessaire ; 2° que les conditions d'hygiène prescrites par les règlements sur la matière seront strictement observées et appliquées jusque dans les maisons à bon marché, l'aménagement de ruelles pour l'évacuation des fumiers, etc. ; 3° que le projet pourra comprendre deux types de petite villa ou cottage à bon marché, avec plans et devis pouvant utilement être adoptés par les habitants du pays dès qu'ils seront dans l'intention dé reconstruire. Dans ces projets, il y aura lieu de tenir compte des ressources que présente le pays, notamment en matériaux de construction. Une copie du plan cadastral sera remise à chacun des candidats qui désireront concourir.
II. - De créer pour ce concours un premier prix d'une somme de 1.000 francs, un deuxième, prix d'une somme de 500 fr. et un troisième prix d'une somme de 250 francs. Les projets devront être déposés au Comité d'assistance et de ravitaillement de l'arrondissement de Verdun, au plus tard pour le 31 mai prochain.
Les projets primés resteront la propriété exclusive du Comité qui ne prend aucun engagement au sujet de leur application. Quant aux projets non primés, faute par leurs auteurs de les avoir retirés dans le délai d'un mois à partir de la proclamation des lauréats, ils seront également la propriété du Comité. Chaque projet portera une épigraphe qui sera reproduite sur une enveloppe cachetée renfermant les nom et adresse du concurrent. Ces enveloppes ne seront ouvertes qu'après la. décision du Jury. Le jury sera composé des membres du Comité d'assistance et de ravitaillement, auxquels seront adjoints M. le Maire de Clermont-en-Argonne ainsi que les membres présents du conseil municipal.
Signé : LE COMITÉ.
P.-S. - Pour tous renseignements, s'adresser à M. Hillot, président de la Commission de reconstruction des localités détruites dans l'arrondissement, ou à M. Couten, vice-président du Comité, à la sous-préfecture de Verdun, siège du Comité.

LE GOUVERNEMENT LUXEMBOURGEOIS
Son chef, M. Eyschen, proclama, en 1913, sa sympathie pour la France au cours d'une fête sportive. - M. Munchen, bourgmestre, parla dans le même sens.

On a mené grand bruit dans les milieux diplomatiques autour de la démission du cabinet luxembourgeois, annoncée la semaine dernière par le «  Berliner Tageblad. »
Il convenait d'attendre, avant de commenter cette nouvelle - vraie ou fausse - que les renseignements vinssent éclairer les motifs de la détermination prise ainsi par M. Eyschen, le chef du gouvernement.
Ces renseignements n'ont pas encore été produits.
Entre autres conjectures, on s'est demandé si, pendant la période d'occupation allemande, M. Eyschen n'avait pas témoigné à l'envahisseur des sentiments en opposition avec ceux que n'a cessé de manifester la population du Grand-Duché.
C'est le lieu de rappeler qu'en 1913, à l'occasion d'une fête sportive, le ministre de France, M. Ganderax, avait réuni en un déjeuner intime les principales personnalités de Nancy et de Luxembourg, les membres des comités de patronage et d'organisation, notamment MM. le comte d'Annoville, consul de France ; Munchen, maire et député de Luxembourg ; Stumper, échevin ; Charles Jubert, président de la Société française de bienfaisance ; M. Laurent, maire de Nancy, et ses deux adjoints, MM. Schertzer et Maringer ; les directeurs des journaux organisateurs de la fête, l' «  Est Républicain » et l' «  Indépendance luxembourgeoise », etc...
Le toast de M. Eyschen commença par cette déclaration :
«  Ne soyez point surpris de vous sentir ici dans un pays ami. Le Luxembourg intellectuel est une des émanations de la pensée et de la civilisation de votre pays. »
A l'appui de cette déclaration, le ministre d'Etat conta une anecdote.
Lors d'une des dernières conférences de La Haye pour la paix, il arriva en retard à la séance et s'assit au hasard sur la chaise qui s'offrit à lui :
- J'eus ainsi pour voisins, dit-il, deux hommes à la peau brune, que je pris pour deux nègres. Leur présence m'intrigua fort. Qu'est-ce que pouvaient faire ces nègres dans nos conférences ? De quelles graves questions se préoccupaient-ils donc ?... Soudain l'un d'eux prit la parole, au nom de la République de Haïti qu'il représentait. Il s'exprimait en français avec une clarté, une élégance, une souplesse, une autorité remarquables. Son discours fut goûté. L'orateur parla avec beaucoup d'esprit et, quand il reprit sa place auprès de moi, je lui exprimai mon étonnement.
«  Le délégué haïtien me rappela alors brièvement l'oeuvre de la France ; il m'annonça que l'usage de la langue française, l'application de votre code avaient survécu à toutes les révolutions. Ces pays se louaient chaque jour de vivre sous un régime imprégné de la pensée française et gouverné par des lois françaises.
«  Il ne faut donc point s'étonner de retrouver à la frontière les bienfaits, le rayonnement d'une civilisation qui a franchi les océans. »
M. Eyschen prononça ensuite un vif éloge de Nancy ; il eut la coquetterie de prouver avec une rare éloquence qu'il connaissait l'influence exercée par notre ville dans le domaine de l'Art. II cita les noms des Daum, des Prouvé, des Gallé ; il définit exactement leur oeuvre et il affirma que leur conception de l'art moderne magnifiait le retour aux vérités éternelles de la nature.
Il conclut en ces termes :
- «  Je bois à l'avenir de Nancy et je souhaite que votre ministre soit apprécié et aimé en France comme il l'est dans le Grand-Duché de Luxembourg. »
Après la patriotique déclaration de M. Eyschen, le bourgmestre et député de la ville, M. Munchen, dit à son tour que, par dessus d'impuissantes barrières, les mains se tendent et les coeurs vibrent à l'unisson:
- Les Luxembourgeois sont et resteront toujours attachés profondément à la langue de Racine et de Molière et, en général, à la culture française. »
N'avons-nous pas raison d'évoquer les manifestations d'une aussi généreuse sympathie, dans le moment même où la botte allemande foule grossièrement le sol du pays des roses ?
Un an après, dans les mêmes circonstances, à la veille des hostilités, le nouveau ministre de France, M. Mollard, ancien introducteur des ambassadeurs à l'Elysée, se retrouvait au milieu des mêmes personnalités.
Cette fois, aucun discours ne fut prononcé, aucun toast ne fut porté ; mais le caractère de la fête contribuait à resserrer plus étroitement encore les liens de solide et fidèle amitié qui unissent la France et le Luxembourg.
LUDOVIC CHAVE.

LES PÊTROLEURS DU BOIS DE MALANCOURT

Paris, 6 mars, 15 h. 43.
Une note officielle raconte comment, le 26 février, une tranchée conquise à l'ennemi, dans le bois de Malancourt, au nord-ouest de Verdun, dut être abandonnée par nos troupes, parce que les Allemands l'avaient aspergé d'un liquide enflammé :
«  Vers midi, nos hommes occupant ladite tranchée virent une fumée abondante et épaisse s'élever contre le parapet de leur ouvrage et sentirent un vent brûlant s'abattre sur eux.
«  Et, en quelques instants, ils furent inondés d'un liquide enflammé qu'ils croyaient être du goudron.
«  Les jets de ce liquide se répandaient sur eux à travers la fumée, comme s'ils étaient lancés par des pompes.
«  Des Allemands, munis de cisailles, réussirent à s'ouvrir un passage et à pénétrer dans la tranchée en profitant de l'effet de la surprise produite sur nos hommes.
«  Ils cherchèrent à exploiter leur succès en gagnant du terrain sous bois, mais nous réussîmes à constituer en arrière un barrage solide, et, dès le lendemain, une contre-attaque vigoureuse nous rendit presque entièrement le terrain perdu.
«  Il ne faut donc retenir de cet incident que l'utilisation d'un procédé de combat renouvelé de méthodes de guerre que l'on croyaient abolies.
«  L'armée allemande, déjà pourvue d'un matériel d'incendie réglementaire, a complété son outillage.

Un des blessés par le pétrole enflammé que les Allemands lancèrent sur une de nos tranchées du bois de Malancourt, a fait le récit suivant à un rédacteur de la «  Liberté » :
«  C'était à la tombée de la nuit. La journée avait été relativement calme ; rien ne laissait prévoir une attaque des Boches. Soudain, un de nos camarades s'écria : «  Tiens, mais qu'est-ce qui tombe donc ? On dirait du pétrole. » Sur le moment, nous sommes restés incrédules. Mais il fallut se rendre à l'évidence. Ce liquide, qui nous arrivait en deux jets habilement dirigés, était bien du pétrole. Les Boches nous le lançaient soit à l'aide de pompes à incendie, volées dans quelque village, soit avec des appareils spéciaux construits dans ce but. Le sous-lieutenant qui nous commandait fit aussitôt éteindre toutes les pipes. Précaution inutile; car quelques secondes s'étaient à peine écoulées que les grenades incendiaires commençaient à pleuvoir. La tranchée s'enflamma en quelques instants. Pour activer leur oeuvre barbare, les bandits, profitant de notre désarroi, n'hésitèrent pas à s'approcher de la tranchée et à y jeter des torches allumées. Aucun d'entre nous n'échappa à ce torrent de feu ; nos vêtements ruisselaient de pétrole. Nous fûmes bientôt environnés de flammes et forcés, coûte que coûte, à abandonner notre position devenue intenable.
«  Nous nous sommes donc repliés. Mais du moins nous avons attendu nos camarades de seconde ligne qui, en se retranchant à quelques mètres de la tranchée incendiée, furent en mesure de résister à l'attaque allemande qui se produisit dix minutes plus tard.
«  Les pétroleurs expièrent durement leur forfait : l'ardeur des nôtres était décuplée par leur désir de nous venger. Une contre-attaque à la baïonnette, menée avec une véritable furie, causa dans les rangs ennemis des ravages terribles. Dès lors, les Boches ne persévérèrent pas dans leur entreprise : ils comprirent que leurs efforts resteraient vains et ils gagnèrent leurs trous. Mais ils abandonnaient cent cinquante morts, autant de blessés et laissaient entre nos mains soixante prisonniers. »
Dans leur récit, les braves que nous avions en face de nous avaient glissé modestement sur leur héroïque résistance. Leur sous-lieutenant, lui-même grièvement brûlé aux jambes et aux mains, nous exprima son admiration pour la noble conduite de ses hommes.
«  - Malgré leurs profondes brûlures, nous dit-il, ils eurent la force et le courage de supporter le premier choc de l'ennemi et ils ne cédèrent que lorsqu'ils eurent la certitude que leurs camarades de seconde ligne étaient prêts à la résistance. Ces malheureux, qui étaient devenus de véritables torches vivantes, firent quand même le coup de feu, dédaignant le danger et méprisant la mort. Qu'on est fier d'avoir de tels hommes ! »
N'est-ce pas là l'éloge le plus beau qu'un chef puisse faire à des soldats sublimes ?
Parmi les prisonniers que, deux heures plus tard, une escouade amena à C., figurait un Silésien à l'allure pesante, à la face dure, au regard mauvais. Lorsqu'il passa sur le quai de la gare et qu'il aperçut, attendant un second convoi sanitaire, les Français étendus sur leurs civières, il ne put réprimer un geste de frayeur.
«  - Regarde ton oeuvre, lui dit en allemand l'un de nous.
«  - Non, non, se défendit l'Allemand, pas nous ; officiers ! »
Mais son attitude hypocrite et embarrassée révélait sa participation au crime et dénotait dans son âme de brute la crainte du châtiment. »

UNE PANIQUE ALLEMANDE A VIÉVILLE-EN-HAYE
Leurs vaines attaques vers Parroy

Paris, 6 mars, 15 heures.
En Belgique, actions d'artillerie assez vives dans les régions de Nieuport et d'Ypres.
De la Lys à l'Aisne, canonnade intermittente.
En Champagne, les progrès que nous avons réalisés hier, dans le ravin au nord-ouest de Beauséjour, ont amené les Allemands à faire, la nuit dernière, une nouvelle contre-attaque qui a été repoussée.
Tous nos progrès dans la région de Perthes, signalés par le communiqué de ce matin, ont été maintenus.
Près de Viéville-en-Haye (nord-ouest de Pont-à-Mousson), des tirs bien réglés sur une ferme ont déterminé une panique parmi les soldats allemands qui l'occupaient.
Ceux-ci se sont enfuis vers les bois, poursuivis par nos projectiles.
Près de la forêt de Parroy, de petites fractions allemandes ont tenté, sans succès, d'attaquer nos avant-postes.
Viéville-en-Haye est une commune du canton de Thiaucourt, à 6 kilomètres au sud-est de cette ville.

ÉCHECS ALLEMANDS
vers Arras, en Champagne et en Alsace

Paris, 7 mars, 0 h. 42.
Voici le communiqué officiel du 6 mars, 23 heures :
En Belgique, dans les dunes, notre artillerie a exécuté des tirs très efficaces sur les batteries lourdes de Westende.
Au nord d'Arras, dans la région de Notre-Dame-de-Lorette, nos contre-attaques ont continué à progresser. Les Allemands, qui ont engagé de gros effectifs, ont subi un échec sérieux.
En Champagne, dans le ravin situé au nord-ouest de Beauséjour, une contre-attaque allemande a été repoussée. La pluie, qui est tombée toute la journée a ralenti les opérations.
En Alsace, les progrès réalisés par nous dans les Vosges, à Hartmansvilerkopf, portent sur trois cents mètres de tranchées allemandes. Dans la soirée du 5 mars, nous avons repoussé une contre-attaque en face de Uffholz et fait sauter un dépôt de munitions à Cernay. Dans la nuit du 5 au 6 mars, nous avons balayé des avant-postes ennemis qui tentaient de s'établir sur le Sillakerkopf, contrefort Est du Honeck.

LE 78e BOMBARDEMENT DE PONT-A-MOUSSON

Une trentaine d'obus allemands de 77 et de 106 sont encore tombés sur Pont-à-Mousson. Les dégâts matériels ne sont pas importants, mais une femme a été tuée. C'est Mme Schmitt, veuve Kieffer, âgée de 55 ans, qui fut frappée par plusieurs éclats en pleine poitrine. C'est la vingt-cinquième victime civile et le 78e bombardement.

LES TAUBES SUR DIEULOUARD

Quatre ou cinq bombes de Taubes sont tombées, jeudi 4 mars, sur Dieulouard. On parlait d'une victime, c'est heureusement faux. Il n'y a même pas eu de dégâts matériels qui vaillent la peine d'être relevés.

ZONES
dans lesquelles les militaires libérés peuvent fixer leur résidence

Jusqu'à ce jour, il était interdit aux militaires momentanément renvoyés, dans leurs foyers de se retirer sur la partie du territoire située à l'Est et au Nord de la ligne ci-après :
Limite orientale de l'arrondissement de Saint-Omer et des cantons de Heuchin, St-Pol, Auxi, Doullens, Domart, Villiers, Amiens, Molhen-Vidame, Conty, Crèvecoeur-le-Grand, arrondissements de Beauvais, Senlis, Château-Thierry, Epernay, cantons de Châlons-sur-Marne, Eoury-surMoole, Vitry-le-François, Thiéblemont, Bar-le-Duc, Aneceville, Montiers-sur-Saulx, Gondrecourt, Vaucouleurs, Colombey-lesBelles, Vézelise, Haroué, Charmes, Châtel, Bruyères, Remiremont, Plombières, Faucogney, Luxeuil, Lure, Villersexel, L'Isle-sur-Doubs, Pont-de-Rodde, Saint-Hippolyte.
Dans le but de permettre, autant que possible, aux hommes des régions qui ne sont plus occupées par l'ennemi de rentrer dans leurs foyers, le ministre de la guerre a décidé de réduire cette zone interdite dont les limites seront désormais définies par la ligne 2, formée par :
Limite Est et Nord des cantons de Steenworde, Hazebrouck, Norrent-Fontes, Heuchin, Saint-Pol, Avesnes-le-Comte, Doullehs, Domart, Villers, Corbie, Moreuil, Ailly-sur-Noye, Maignelay, Saint-Just, Estrées-Saint-Denis, Compiègne (partie située à l'Est de l'Oise et au Sud de l'Aisne), Villers-Cotterets, Oulchy-le-Château, Fère-en-Tardenois, Fismes, Ville-en-Tardenois, Ay.

La ligne formée par :
1° La limite Nord-Est de l'arrondissement de Châlons jusqu'à la voie ferrée Reims-Suippes ;
2° La voie ferrée Reims, Suippes, Sainte-Menehould, Verdun ;
3° Le cours de la Meuse, de Verdun à la limite Sud du canton de Souilly ; limite Est des cantons de Souilly, Triaucourt, Vaubecourt, Vavincourt.
La ligne formée par :
1° La limite Nord du canton de Commercy, sur la rive gauche de la Meuse ;
2° La voie ferrée Commercy-Toul ;
3° Le cours de la Moselle, de Toul à la Meurthe ;
4° Le cours de la Meurthe ;
5° La limite Nord du canton de Gérardmer jusqu'à la frontière.
L'accès des localités se trouvant sur cette limite est autorisé pour les hommes qui y sont domiciliés.
Les hommes ayant leur domicile dans la partie du terrain comprise entre l'ancienne et la nouvelle limite, c'est-à-dire entre les lignes 1 et 2, et qui sont libérés ou le seront à l'avenir, pourront seuls y fixer leur résidence.
Quant à ceux dont le domicile est situé au delà de la ligne 2, ils continueront, comme par le passé, à ne pouvoir fixer leur résidence au delà de la ligne 1 et devront faire connaître le lieu qu'ils ont choisi comme résidence, de manière à être rapidement touchés par l'ordre d'appel qui leur sera adressé dès que l'autorité militaire jugera utile de les convoquer à nouveau.

NOS PROGRÈS QUOTIDIENS
Tranchées enlevées vers Arras.
Avance en Champagne.
Victorieux coups de main en Alsace.

Paris, 7 mars, 15 heures.
Nous continuons à gagner du terrain au nord d'Arras, dans la région de Notre-Dame-de-Lorette, où nos contre-attaques ont enlevé plusieurs tranchées. Les pertes de l'ennemi sont importantes.
En Champagne, nous avons légèrement progressé au nord de Perthes et au nord-ouest de Beauséjour.
Dans les Vosges, nous avons enlevé successivement, à l'ouest de Munster, les deux sommets du petit et du grand Reichackerkopf. L'ennemi a contre-attaqué à deux reprises, en partant de Muhlbach et de Stossvihr, c'est-à-dire par le sud et par le nord. Ces deux contre-attaques ont été complètement repoussées.
Nous avons, d'autre part, sur la rive nord de la Fecht, enlevé Inberg (un kilomètre sud-est de Sultzeren). Ce succès a été complété, plus au nord, par l'enlèvement de la cote 856, au sud de HautesHuttes. Enfin, à l'Hartmansvilerkopf, nous avons repoussé la contre-attaque de

[pages 68à 69 absentes]

de Maillé Rolande, 16 ans; Sauvage Joséphine, 33 ans; Pastant Marie, 34 ans; Pastant Robert, 14 ans ; Bonnet Joséphine, 26 ans ; Bonnet Gilbert, 5 ans ; Gourrier Richard, 31 ans ; Courrier André, 6 ans ; Yong Gabrielle, 23 ans ; Pavent Léa, 27 ans ; Sauvage Anne-Marie, 4 ans ; Grand Fernande, 22 ans : Grand Angèle, 4 ans ; Thouvenin Marie, 37 ans ; Thouvenin Fernande, 15 ans; Thouvenin Maurice, 8 ans; Thouvenin Marcel, 4 ans; Choiseul Sarah, 27 ans ; Choiseuil Jean, 13. mois ; Berthelemy Juliette, 31 ans ; Gaillard Berthe, 29 ans; Gaillard Odette, 18 mois; Ance Marie, 32 ans ; Antoine Jeanne, 28 ans ; Antoine Paillette, 7 ans ; Antoine Fernand, 6 ans; Luitz Constance, 24 ans ; Luitz Maurice, 5 ans, Pfeiffer Marie, 33 ans ; Pfeiffer Jean, six ans ; Pfeiffer Marie-Thérèse, 4 ans ; Pseiffer Anne-Marie, 9 ans ; Doudot Célestine, 28 ans ; Bernard Hélène, 31 ans; Bernard Rose-Léontine, 2 ans ; Bernard Lucien, 4 ans ; Barbier GabrM, 12 ans ; Fromentin Irma, institutrice, 29 ans ; Champigneulles Germaine, 18 ans ; Champigneulles Fernande, 16 ans ; Champigneulles Joséphine, 12 ans ; Arreng Madeleine, 24 ans ; Arreng Odile, 2 ans ; Lampert Eugénie, 31 ans ; Lampert Claire, 12 ans; Veuve Clément Adelle de Gondrecourt, 55 ans ; Felten Marie, 41 ans ; Felten Matdeleine, 12 ans ; Felten Simone, 9 ans ; Champonnoer Cécile, 25 ans ; Lognon Anne, 61 ans ; Lognon Catherine, 22 ans ; Vincent Alice, 25 ans ; Tisserand Alphonsirue, 31 ans ; Noegelin Jean, 3 ans ; Guillaume Joséphine, 28 ans ; Guillaume Jean, 2 ans ; Puel Maxime 6 ans.
Homécourt. - Drouin Marie, 40 ans ; Drouin Marie-Madeleine, 11 ans ; Hesse Julie, 43 ans ; Ferant Lucie, 31 ans ; Simon Mathilde, 52 ans ; Daum Suzanne, 52 ans; Daum Suzanne, 14 ans; Vanel Marcel, 7 ans ; Vanel Georgette, 3 ans ; Vanel Marie, 29 ans ; Goneré Renée, 8 ans ; Dufrède Paulette, 2 ans ; Dufrède Simone, 3 ans.; Dufrède Georgette, 26 ans; Dufrède Germaine, 5 ans ; Maillet Marie, 55 ans ; Roussel Jeanne, 33 ans ; Roussel Henriette, 7 ans ; Roussel Paul, 5 ans ; Humbert Vitalie, 42 ans; Humbert Suzanne, 16 ans; Humbert Henri, 6 ans ; Humbert Madeleine, 3 ans; Humbert Marie-Thérèse, 12 ans; Versinger Marie, 25 ans; Daudant Jeanne, 38 ans; Gréner Maria, 23 ans; Gréner Charles, 4 ans ; Favre Andréa, 25 ans ; Favre Simone, 5 ans ; Arnould Marie, 31 ans ; Rousel Jeanne, 93 ans ; Muller Anna, 26 ans ; Muller Albert, 7 ans ; MulLer MarieCécile, 5 ans ; Muller Félicien, 7 mois ; Fleurendidier Marie, 42 ans; Fleurendidier Louis, 10 ans ; Fleurendidier Jean, 7 ans ; Fleurendidier Georges, 2 ans et demi ; Grasjean Lucien; 4 ans ; Basson Louise, 46 ans ; Molas Marie, 39 ans ; Molas Fernande, 10 ans ; Molas Roger, 8 ans; Léger Andrée, 7 ans ; Léger Lucie, 22 ans; Lajeunesse Maurice, 16 ans; Sabouret Hortense, institutrice, 28 ans; Sabouret Marc, 4 ans; Vincent Jeanne, 38 ans ; Moucheront Emilienne, 20 ans; Decorte Léon, 1 an; Perron Jeanne, 25 ans ; Hémer Geneviève, 37 ans; Hémer Mora, 4 ans; Zenner Marie, 18 ans; Backès Célina, 50 ans ; Backès Andrée, 19 ans; Backès Roger, 8 ans; Porcheray Marie, 32 ans; Porcheray Marcel, 8 ans; Urbain Juliette, 23 ans ; Mottain Marguerite, 13 ans ; Claude Marie, 21 ans ; Laurent Marie, 52 ans ; Laurent Gérard, 10 ans ; Lampert Irène, 10 ans ; Lampert Catherine, 7 ans ; Lampert Emile, 5 ans; Tribout Joséphine, 28 ans ; Tribout Robert, 5 ans; Tribout Georgette, 2 ans; Tribout Roger, 1 an ; Mottais Marie-Louise, 20 ans ; Mottais Marie, 44 ans; Croma Hortense, 27 ans ; Croma Marie-Louise, 6 ans ; Chomard Jeanne, 32 ans ; Bertrand Marcel, 4 ans; Bertrand Alice, 7 ans; Lemaire Clémence, 45 ans ; Besson, 58 ans ; Besison Fernande, 20 ans; Grosjean Charles, 2 ans; Collavdez Berthe, 31 ans; Belly Suzanne, 16 ans.
Auboué. - Baudry Louis, 68 ans; Félix Philippe, 63 ans; Guldener François, 60 ans; Muller Laurent, 54 ans; Perrin Marguerite, 27 ans; Perrin Yvonne, 6 mois et demi.
Villerupt. - Nord Marie, 32 ans; Nord Marie-Louise, 7 ans ; Nord Marcelle, 11 ans; Mercier Marie, 20 ans; Mercier Lucie, 15 ans ; Mercier Théophile, 5 ans ; Picard Berthe, 29 ans ; Picard Lucien, 9 ans; Picard Raymond, 7 ans; Picard René-Emile, 4 ans; Picard Maurice-André, 2 ans; Vagner Clémentine, 22 ans; Vagner Alfred, 2 ans.
Longwy. - Charroy Paul, 47 ans; Charroy Marguerite, 22 ans ; Charoy Charlotte, 20 ans; Charroy Suzanne, 17 ans ; Clesse Gabrielle, épouse Charroy, 40 ans ; Etienne Charlotte, 6 ans.
Longlaville.- Chaumont Jeanne, 44 ans; Chaumont Lucienne, 10 ans ; Chaumont
Marcelle, 13 ans; Averland Justine, 75 ans; Labille, Marie, 36 ans; Labille Georges, 10 ans ; Labille Edmond, 11 ans.
Valleroy. - Thever Adolphine, 43 ans ; Delporte Victorine, 4 ans ; Faradon Charles, 2 ans; Faradon Jeanne, 6 ans; Faradon Hellène, 24 ans; Faradon Auguste, 2 mois; Perrandin Lucrèce, 43 ans; Perrandin Rolland, 12 ans; Lallement Jeanne, 28 ans; Lalllement Lucien, 10 ans; Lallement Maurice., 8 ans; Lallement Jean, 5 ans ; Lallement Yvonne, 3 ans; Moratille Hendette, 15 ans ; Plessière Marie, 45 ans ; Pisch Jeanne, 29 ans; Moratille Eugénie, 40 ans; Demmerle Hélène, 25 ans; Demmerle Fernand et Robert 5 mois; Louvet. Albertine, 19 anis ; Amet Eugène, 23 ans ; Amet Julienne, 7 ans; Amet Louise, 9 ans; Amet Roger, 2 ans; Pessier Gilberte, 11 ans; Weyer Georgette, 36 ans: Weyer Gabriel, 12 ans ; Antoine Eugénie, 30 ans ; Antoine Henri, 10 ans; Antoine, Maurice, 8 ans; Antoine Marcel, 5 ans;Antoinc Paul, 3 ans; Moratille Pierrel, 12 ans; Moratille Marcelle, 6 ans ; Moratille Robert, 1 an ; Moratille Gilberte, 14 ans ; Leclerc Raymonde, 9 ans; Leclerc Victoria. 29 ans; Leclerc Raymond, 7 ans ; Leclerc Roger, 3 ans ; Honsiatix Germaine, 25 ans : Haureau Berthe, 29 ans ; Lamorlette Marie, 21 ans ; Fisch Jeanne, 29 ans.
Mancieulles. - Angeade Maire, 22 ans ; Corlouer Joséphine, 24 ans ; Cuby Berthe, 30 ans.
Thil. - Bonnemaison Amélie, 67 ans ; Bonnemaison Adrienne, 18 ans ; Bonnemaison Amélie, 14 ans ; Bonnemaison Pierre, 12 ans.
Manoncourt. - Crouvizier Eugène, 52 ans.
Neuviller. - Dedot Joseph, 58 ans.
Arnaville. - Fangante Emile, 52 ans.
Domjevin. - François Emile, 59 ans.
Saint-Ail. - Franquin Sebastien, 73 ans.
Vandelainville. - Franquin Charles, 55 ans.
Mamey. - Gennetaire Jules, 57 ans.
Chavigny. - Agard Estelle, 28 ans.
Friauville. - Armand Célestin, 66 ans; Staar Eugène, 64 ans.
Mur ville. - Jacques Adélaïde, 75 ans ; Jacques Marie, .38 ans.
Olley. - Lempereur Emélie, 28 ans ; L:'!t))pereur Ernest, 2 ans.
Remoncourl. - Lhott Joseph, 51 ans.
Val-et-Chatillon - Rhor Arit, 50 ans.
Pont-à-Mousson. - Relot Marie, 25 ans.
Mars-la-Tour. - Relot Aimé, 11 ans.
Saint-Sivry. - Simon Victor, 49 ans.
Ville-sur-Yron. - Thouvenet Adrienne, 24 ans ; Thouvenet Roger, 5 ans ; Thouvenet Albert, 4 ans.
Jarmj. - Tisserand Marie, 25 ans ; Tisserand René, 6 ans ; Flamant Jeanne, 25 ans ; Cateron Maria, 25 ans ; Kallmann Jeanne, 36 ans ; Kallmann Roger, 8 ans ; Kallmann Renée, 5 ans ; Dalbrot Lévy, 35 ans ; Darnaum Marie, 35 ans ; Darnaum Raoul, 3 ans ; Darnaum Charles, 7 ans ; Darnaum Jeanne, 15 ans.
Rehon. - Unger Marcelle, 16 ans ; Unger Suzanne, 14 ans; Unger André, 11 ans.
Chambley. - Gaudelet Raymond, 24 ans.
Lachaussée. - Mousseaux Elie, 63 ans.
Droitaumont. - Dussapt Marie, 60 ans ; Moisson Marie, 29 ans; Moisson Georgette, 6 ans ; Moisson Reine, 3 ans; Boutley Gilberte, 20 ans; Bonnet Léonie, 20 ans; Chanteloub Catherine. 21 ans ; Chanteloub Gabrielle, 2 ans ; Petit Marie, 37 ans ; Petit Marguerite, 13 ans ; Petit Alcide, 11 ans; Petit Léonide, 9 ans; Petit Charles, 7 ans; Brelot Marie-Fernande, 36 ans ; Brelot François, 11 ans ; Brelot Jeanne-Marie, 10 ans ; Brelot Honoré, 2 ans.
Gondrecourt-Aix. - Florent Emeline, 32 ans ; Delongre Alcide, 57 ans ; Archambaud Onésime, 65 ans ; Mayer Michel, 72 ans ; Cordinaux Germaine, 28 ans ; Cordinaux Suzanne, 6 ans ; Chemet Alice, 11 ans.
Doncourt. - Arnondo J.-B., 66 ans ; Marcon Marie, 22 ans.
Moineville. - Godon Mathilde, 30 ans ; Godon Mathilde, 30 ans ; Pochard Stéphanie, 24 ans ; Pochard Paul, 20 mois ; Godon Marcelle, 4 ans ; Galère Marcel, 1 an; Gaignière Louise, 27 ans ; Galère Robert, 2 ans ; Galère Marie, 22 ans.
Régnéville. - Labessière Théophile, 50 ans ; Spouler Jean-Marcel, 48 ans.
Batilly. - Florentin Catherine, 45 ans ; Durenne Marcel, 4 ans ; Durenne, Marie-Louise, 8 ans ; Durenne Jeanne, 34 ans ; Schumacker Marcelle, 21 ans; Carlet Alice, 26 ans.
Jouaville. - Perrin Antoinette, 34 ans ; Perrin Robert, 20 mois ; Perrin Marguerite, 9 ans.
Rouvres. - Wolff Mathilde, 47 ans ; Wolff Solange, 7 ans.
Bayonville. - Grillon Madeleine, 22 ans, institutrice.

EN ALSACE
TOUCHANTE CÉRÉMONIE A DANNEMARIE

BELFORT, 8 mars. - Pendant que le canon tonnait non loin de là, a eu lieu, sur la grand'place, à Dannemarie, la remise de la rosette d'officier de la Légion d'honneur à un chef de bataillon et de la médaille militaire à un jeune soldat de la classe 1914.
Une foule considérable de la ville et des environs assistait, dans un silence religieux à cette cérémonie. Une place spéciale avait été réservée, dans le carré formé par les troupes, aux vieux combattants de 1870, porteurs de leur médaille commémorative.
Le moment le plus impressionnant a été celui où, après l'ouverture du ban, le général X... a remis les décorations au nouveaux promus. Spontanément, les Alsaciens se découvrirent et, des yeux de beaucoup d'entre eux on vit couler des larmes de joie.
La cérémonie s'est terminée par un magnifique défilé au son de la marche de «  Sambre-et-Meuse » et au cri répété de : «  Vive la France ! »

LEURS VIOLENTES ATTAQUES
n'aboutissent
QU'A DE SANGLANTS ÉCHECS

Paris, 8 mars, 15 heures.
En Champagne, rien d'important à ajouter au communiqué de ce matin. Les progrès annoncés ont été élargis. A la fin de la journée nous avons, en outre, enlevé des tranchées au nord-ouest de Souain.
Les tranchées conquises par nous, entre Perthes et Beauséjour représentent de quatre à cinq cents mètres. Nous ayons fait des prisonniers, parmi lesquels plusieurs officiers.
Dans la région des Hauts-de-Meuse, notre artillerie lourde a, déclarent les prisonniers, gravement détérioré un canon de 42 centimètres récemment mis en batterie par l'ennemi. Cette pièce a dû être démontée et envoyée à l'arrière pour réparations. Quatre servants ont été tués et sept blessés.
En Lorraine, nous avons progressé au nord de Badonviller.
Dans les Vosges, au Reichaekerkopf, les Allemands ont violement contre-attaqué. A la fin de l'après-midi d'hier, ils ont nu, un instant, prendre pied sur la crête ; mais, après de furieux corps à corps, nos chasseurs les ont rejetés et sont restés définitivement maîtres du Reichackerkopf.
Les pertes subies par l'ennemi sont extrêmement lourdes.
En Haute-Alsace, au sud de la gare de Bornhaupt, une attaque a été tentée contre nos positions avancées Elle a été dispersée par le feu de notre infanterie.

DE MÊME QU'EN CHAMPAGNE
le succès nous sourit vers St-Mihiel, Badonviller, dans le bois Le Prêtre et en Alsace

Paris, 9 mars, 1 h. 05.
Voici le communiqué officiel du 8 mars, 3 heures :
En Champagne, des tempêtes de neige ont gêné, à diverses reprises, les opérations dans le courant de !a journée.
La matin, l'ennemi a tenté de reprendre un bois enlevé par nous, hier, à l'ouest de Perthes. Il a été repoussé et notre contre-offensive nous a permis de gagner du terrain vers le nord et vers l'est, en faisant des prisonniers.
Notre progression a continué, et s'est accentuée l'après-midi.
Dans la région de Perthes, nous avons gagné plus de 500 mètres de tranchées.
Entre Mesnil et Beausejour nous avons perdu quelques mètres des tranchées conquises hier, mais nous avons gagné une centaine de mètres sur la croupe au nord-est de Mesnil. Dans la région de Saint-Mihiel, au bois Brûlé, dans la forêt d'Apremont, nous avons pris pied dans une tranchée ennemie, où nous avons trouvé beaucoup de matériel.
Dans le bois Le-Prêtre, au nord-ouest de Pont-à-Mousson, les Allemands ont tente de prononcer une attaque qui n'a pas pu déboucher.
Nos progrès ont continué dans la région nord de Badonviller.
En Alsace, au Reichackerkopf, nous avons repoussé une contre-attaque.

UN ÉPISODE DE LA BATAILLE DE MORHANGE
Comment René Bloch fut fait prisonnier

René Bloch, officier de réserve, est, à l'heure actuelle, prisonnier en Allemagne. Il a écrit pour raconter sa captivité et nous extrayons de sa lettre le récit de sa capture.
«  Quant à ma capture, ça a été très simple.
Nous avions cantonné le 19 août à Conthil. Le lendemain, au réveil, nous étions attaqués par un fort parti adverse. Etant section d'arrière-garde, j'ai protégé par mon feu le repli du reste de la compagnie. Lorsque j'ai voulu démarrer, il était trop tard, j'étais accroché. J'ai donc résisté jusqu'à deux heures de l'après-midi dans une maison isolée, qui a été rendue intenable par la pluie d'obus qu'on a déversée sur elle. Je résistai encore alors que les lignes françaises étaient déjà à huit ou dix kilomètres en arrière. A la fin, cerné de tous côtés par un bataillon de chasseurs à pied que j'avais arrêté toute la journée, j'ai été littéralement pris au collet avec ce qui restait de ma section (25 sur 60). Le commandant du bataillon qui m'a fait prisonnier est venu ensuite à moi et fort courtoisement, devant une compagnie de sa troupe, m'a félicité, ainsi que mes hommes, de la résistance que nous lui avions opposée et qui lui avait coûté beaucoup d'hommes. Et de là, j'ai été dirigé sur l'arrière. » M. René Bloch, avocat à la Cour de Paris, est le fils aîné de notre concitoyen, M. Bloch, grand-rabbin. Il est lieutenant au 79e d'infanterie, 12e compagnie. M. Bloch, a ses deux autres fils sous les drapeaux. Le cadet, Henri, également lieutenant au 79e, 11e compagnie, a été blessé et est actuellement en convalescence à Versailles. Le plus jeune, Paul, sergent au 26e d'infanterie, 10e compagnie, fut grièvement blessé le 19 août, et est retourné sur le front.
Le gendre de M. Bloch, M. Lorach, est dans une compagnie du génie auxiliaire, et lui-même remplit les fonctions d'aumônier militaire du camp, retranché de Toul.

LE BLOCKHAUS DU BOIS LE PRÊTRE

Ainsi que l'a fait connaître le communiqué quotidien, nous nous sommes emparés, le 1er mars, au bois Le Prêtre (nord-ouest de Pont-à-Mousson), d'un blockhaus ennemi. Cette attaque très brillamment menée a fait tomber entre nos mains, après une lutte assez vive, une vingtaine de prisonniers, parmi lesquels un officier et quelques pionniers du génie.
Les Allemands n'ont pas voulu rester sur cet échec. Ils ont esquissé à diverses reprises des tentatives de contre-attaque, rapidement enrayées par le feu de notre infanterie et de notre artillerie.
Ils ont ensuite cherché à démolir le blockhaus en le couvrant de projectiles et d'explosifs de toute sorte.
Cette activité, qui était d'ailleurs sans résultats, a amené de notre art, dans la journée du 4 mars, une riposte énergique. Nous avons lancé sur la tranchée ennemie la plus rapprochée, deux bombes puissamment chargées. L'une, éclatant sur le parapet, rasa complètement la tranchée sur unie longueur de 8 mètres. L'autre fit explosion dans la tranchée elle-même, et l'on vit sauter en l'air les cadavres, les sacs à terre et les fusils, projetés dans toutes les directions.
L'ennemi cessa aussitôt son bombardement.
Vers minuit, le lancement des bombes et des grenades reprit. Et, soudain, les Allemands, en poussant des «  hurrahs » frénétiques, s'élancèrent vers le blockhaus.
Mais nos troupiers étaient en éveil. Ils accueillirent l'ennemi par une fusillade nourrie. En même temps nos organes de flanquement entraient en action.
Les assaillants vinrent se heurter à une barricade en sacs de terre que nous avions organisée en avant du blockhaus. Ils tentèrent vainement de s'y frayer un passage. Ils rencontrèrent devant eux une forte résistance. Pris en même temps d'enfilade par notre feu, ils furent obligés de se replier, après avoir été fortement éprouvés.
C'est le quatrième échec allemand devant le blockhaus perdu.

LES TORTIONNAIRES DE RÉCHICOURT

Le «  Bulletin des réfugiés meusiens » donne ces détails sur la commune de Réchicourt, canton de Spincourt :
«  Quand les Allemands sont arrivés pour la seconde fois à la suite des troupes françaises, une grande partie de la population s'était sauvée. Ceux qui restèrent, hommes, femmes et enfants, furent emmenés au bois de Rivolé où les obus passaient au-dessus de leur tête avec un sifflement bien peu rassurant.
Pendant ce temps, les Boches pillaient les maisons et quand ce fut fini, ils y mirent le feu. Sauf quelques-unes, toutes furent brûlées ; entre autres celle du maire, celle de M. Emile Lenoir, contenant tout le bétail : 7 à 8 chevaux, dont deux superbes étalons, et une douzaine de bêtes à
cornes. De toute la grande rue, route de Xivry-Circourt, il ne reste rien.
Ces pauvres gens sont ensuite ramenés dans une grange ; on les fait coucher, et on les couvre de paille comme pour les brûler vifs, ensuite on les conduit dans une bergerie où ils passent la nuit, couchés sur la terre et dans l'obscurité.
Le lendemain, femmes et enfants sont emmenés à Xivry-Circourt, accompagnés par MM. Yentzen et Emile Lenoir, On suppose qu'ils y sont encore.
Les autres hommes : MM. Collignon, Fouquet Niclot, Revemont, Belisson et son neveu, Maret, Lenoir François, Legendre, Warron, Humbert, Jeancolas, Lavigne, restés au village, furent faits prisonniers, ainsi que Mme Hombourger et Mlle Perbal.
On les enferme dans l'église et, de là, à la petite chapelle dans le cimetière.
Un tortionnaire leur fait allumer des 4 cierges et les fait mettre à genoux ; il leur dit qu'ils allaient être fusillés.
En fouillant, ou plutôt en pillant, les Boches avaient trouvé un téléphone abandonné par l'armée française, chez M. Belisson, et accusaient celui-ci de correspondre avec les Français. Ce fut un prétexte pour le fusiller dans sa cour et l'enterrer dans son jardin ; et c'est pendant que les habitants étaient à genoux dans la chapelle qu'ils entendirent le feu de peloton qui exécutait M. Belisson, et ils attendaient leur tour ; mais, contrairement, on vint leur dire qu'ils ne seraient pas exécutés. Néanmoins, ils étaient loin d'être au bout de leurs peines.
Après toutes ces transes, on les dirige sur Fontoy, à environ 28 kilomètres, pour les embarquer pour l'Allemagne.
A Thionville, les civils, hommes et femmes, les injuriaient, leur crachaient au visage, leur donnaient des coups de bâton, et les soldats des coups de crosse de fusil.
M. Collignon, maire, ancien maréchal des logis de gendarmerie, fut giflé ; il fut tellement révolté de tous ces affronts et humiliations sans pouvoir riposter qu'il en est mort, ainsi que M. Fouquet, son adjoint, un mois après qu'ils furent internés à Ingolstadt.
- Ce pauvre M. Belisson a fait preuve d'un courage et d'une abnégation de la vie qui méritent d'être signalés.
Il ne voulait pas avouer qu'il savait qu'il y avait eu le téléphone chez lui. Quand il a vu que tous allaient être fusillés, il dit aussitôt qu'il le savait ; lui seul paya de sa vie et les autres furent épargnés.
Après six mois de souffrance, ils viennent de rentrer en France.
En passant à Schaffouse, en Suisse, ils ont été reçus d'une façon si généreuse et si aimable qu'ils ne l'oublieront jamais.
- Mlle Gustavine Paquin à été tuée, sans doute en se sauvant ; sa mère n'a pu être retrouvée ; on suppose qu'elle est restée dans les décombres d'une maison brûlée. »

UN MARIAGE SUR LE FRONT

C'est dans les Hauts-de-Meuse : un petit village assis au pied d'un coteau, à quatre kilomètres des lignes boches. Dans une modeste salle d'école, l'école maternelle servant de bureau à l'officier payeur du e d'infanterie, a été célébré, le 28 février dernier, le mariage d'un Dijonnais bien connu, M. X..., avec une de ses charmantes compatriotes, Mlle Y...
La cérémonie n'a pas manqué d'originalité. A côté d'un bureau improvisé avec une table et une couverture de campement, on voit les bottes de paille qui servent de lit au secrétaire de l'officier payeur. Des sacs, des fusils, des équipements dans tous les coins, et deux cartes géographiques collées au mur forment tout le décor. Deux chaises pour les époux, un banc pour les quatre témoins, des militaires bien entendu.
Les futurs conjoints sont en place. L'officier de l'état civil, un lieutenant de chez nous, prend la parole, du ton grave et calme qui sied à un maire depuis longtemps déjà habitué à unir de jeunes couples. En vertu des pouvoirs à lui conférés par la loi, il annonce qu'il va procéder à la célébration du mariage de M. X... avec Mlle Y...
Un caporal secrétaire, également Dijonnais, donne lecture des pièces indispensables. Rien n'est oublié, et après avoir rappelé aux futurs époux leurs droits et devoirs respectifs, les questions sacramentelles sont posées. Deux réponses affirmatives et au nom de la loi, M. X... et Mlle Y... sont unis par le mariage., Au cours de la cérémonie, les kodaks n'ont pu être interdits: La solennité n'était-elle pas publique ! Portes grandes ouvertes, un public nombreux, militaires et civils, des femmes et des enfants, se pressaient curieusement dans la salle trop petite, pour voir célébrer le premier mariage à notre armée de l'Est.
Le champagne saute, on trinque, on boit à la France victorieuse, à la réunion définitive des époux, et l'officier prononce les quelques paroles suivantes :
«  Madame,
«  Malgré la tristesse de l'heure présente, je suis heureux d'avoir présidé à la célébration de votre mariage, le premier qui sera inscrit dans les annales du ...e d'infanterie.
«  Je regrette que les circonstances ne vous permettent pas de rester aussi longtemps que vous le désireriez auprès de votre mari, que le devoir appelle au poste de combat. Pendant qu'il rejoindra ses camarades qui, dans la tranchée, défendent l'honneur de la France, son passé de gloire, ainsi que les libertés conquises par nos pères, vous allez rentrer, Madame, dans notre chère Bourgogne, emportant avec vous un légitime regret, le regret de revenir seule dans votre foyer. Avec ce regret, vous emporterez aussi un espoir, celui de voir votre époux vous revenir bientôt. Mais je suis persuadé que, comme toutes les bonnes Françaises qui attendent là-bas, vous ne voulez le retour qu'après la victoire. C'est, Madame, l'idéal commun. Quel que soit notre désir de revenir auprès
de ceux qui nous sont chers, nous ne voulons rentrer chez nous qu'après avoir vaincu. Nous ne rentrerons qu'après avoir rendu aux barbares qui ont ensanglanté l'Europe tout le mal qu'ils ont fait à la France ; nous ne rentrerons que le jour où ils auront payé toutes les ruines qu'ils ont accumulées, aussi bien dans nos provinces envahies que dans ce noble pays de Belgique, où tout un peuple nous a fait un rempart de sa poitrine, nous permettant ainsi de nous préparer à la lutte.
«  Et, Madame, si l'article du code civil que je viens de rappeler pouvait avoir son application en campagne, s'il vous était permis de faire quatre ou cinq kilomètres de plus du côté des lignes ennemies, vous verriez ce qui reste de certains jolis petits villages meusiens, vous verriez des cimetières trop petits maintenant pour contenir nos morts glorieusement tombés sur le champ de bataille.
«  Et alors, comme les mères spartiates qui, en armant d'un bouclier le bras de leurs fils, s'écriaient : «  Reviens dessus ou dessous », vous ne pourriez manquer de dire, en vous séparant de votre époux : «  Pour la France, vaincre ou mourir ! » Ne désespérez pas, Madame, nous ne désespérons point, nous vaincrons ! »

A LANDREMONT

Nous recevons ces renseignements complémentaires à la note du mardi 9 mars : Le brigadier Hennechart, de Mars-la-Tour, replié à Pont-à-Mousson, et le gendarme Boyer, de Pont-à-Mousson, se trouvaient à Landremont lors de l'éclatement d'une bombe lancée par l'aviateur boche. Ce n'est pas une bombe, mais cinq qui ont été lancées.
Le brigadier de gendarmerie Hennechart se trouvait à côté de l'église, lorsque la cinquième bombe fut lancée par l'aviateur. Le brigadier, au moment où il aperçut l'aviateur boche, se mit contre le mur, à gauche de l'église, où il entendit le sifflement de la cinquième bombe. Celle-ci tomba à 4 mètres 50 de lui. Il ne fut pas blessé, mais reçut divers fragments de terre et pierre dans le dos. C'est par miracle qu'il n'a pas été tué.

PROGRESSION EN CHAMPAGNE
malgré leurs profondes tanières et leurs abris fortifiés

Paris, 10 mars, 1 heure.
Le communiqué officiel du 9 mars, 23 heures, est ainsi conçu : En Belgique, à l'est, de Steenstraete, nous avons repoussé une attaque.
Au nord d'Arras, à Notre-Dame-de-Lorette, on s'est battu toute la journée sans que les positions des adversaires soient modifiées.
En Champagne, combats très chauds, qui nous ont été favorables.
Entre Souain et Perthes, dans un bois où nous avons pris pied il ya trois jours, nous avons refoulé deux contre-attaques et réalisé des progrès nouveaux.
Progrès également dans un bois à l'est du précédent et dans le voisinage immédiat de Perthes.
Au nord du même village, l'ennemi a attaqué et a été repoussé.
Sur la croupe au nord-est de Mesnil, notre gain d'hier, qui était de 450 mètres, s'est augmenté de 200 mètres. Nous avons enlevé un ouvrage allemand, pris un canon-revolver, trois mitrailleuses et fait des prisonniers.
L'organisation ennemie est extrêmement forte. Elle comporte des abris blindés avec des canons-revolvers et des chambres souterraines très profondes.
Enfin, au nord de Mesnil. nous avons repris quelques mètres de tranchées que nous avions conquis dimanche et perdus lundi.
En Argonne, entre le Four-de-Paris et Bolante, nous avons prononcé une attaque qui nous a rendus maîtres de la première ligne allemande, sur une longueur de 200 mètres.

RAPATRIEMENT D'OTAGES LORRAINS

Nous donnons ci-dessous de nouvelles listes reçues à la Chambre de Commerce de Nancy, comprenant les noms de 125 otages lorrains originaires des départements de Meurthe-et-Moselle et de Meuse, rentrés tout récemment et réfugiés actuellement dans le département du Gard.
La résidence exacte de ces réfugiés ne pourra être connue que dans quelques jours ; en attendant, la Chambre de Commerce de Nancy se chargera provisoirement de faire parvenir les correspondances -destinées à ces réfugiés.

Liste des otages réfugiés de Meurthe-et-Moselle dans le département du Gard

Arnaville. - Jurflu, 20 ans ; Faconde Emilie, 59 ans. 1
Autrepierre. - Contal Auguste, 17 ans.
Blâmont. - Thirion J.-Baptiste, 70 ans.
Briey. - Morès Marie, 32 ans.
Einville. - Lintingre Jean, 50 ans.
Jeandelize. - Bourlier Eugène, 58 ans.
Joeuf. - Vooss Eugène, 21 ans ; Vooss Wemer, 9 mois ; Rinchinger Ernest, 36 ans.
Landres. - Frich Eugénie, 53 ans ; Gardet Léon, 4 ans ; Gardet Suzanne, 7 ans ; Gardet Louis, 9 ans ; Matailles Armentine, 37 ans.
Mancieulles. - Verdie Marie, 22 ans.
Mars-la-Tour. - Rollot Marie, 35 ans ; Rollot Aimée, 11 ans.
Nancy. - Litoche Marie, 39 ans ; Litoche Thérèse, 5 ans.
Neuviller. - Martin Charles, 54 ans ; Detot Joseph, 58 ans ; Tresse Théophile, 57 ans.
Olley. - Puth Charles, 67 ans ; Puth Amélie, 66 ans, née Margot ; Puth Jules, 12 ans.
Saint-Baussant. - Brusson Léonie née Monard, 72 ans ; Royer Augustine, née Brusson, 36 ans; Royer Ida, 12 ans ; Royer Julienne, 10 ans ; Royer Hélène, 7 ans.
Thiaucourt. - Crochat Ernest, 30 ans.
Val-et-Châtillon. - Rhor Avit, 50 ans, hôpital de Nîmes (venu de Montpezat, où il avait été évacué).
Vandelainville. - Franquin Charles, 55 ans.
Villerupt. - Mme Courdeau ; Courdeau Julia ; Courdeau Mireille.
Saint-Cirey. - Simon Victor, 49 ans.

Liste des otages réfugiés de la Meuse dans le département du Gard

Beney. - Colon Emile, 70 ans.
Buzy. - Jacquet Jean, 63 ans.
Châtillon. - Grandbarbe Sophie, 56 ans, née Richard ; Mettavant Delphine, née Gasson, 66 ans.
Combres. - Ottignon Adèle, née Gannu, 30 ans ; Ottignon Anne-Marie, 11 ans ; Ottignon Roger, 5 ans ; Ottignon Jean, 2 ans.
Creux. - Adam Marie, 61 ans.
Doncourt. - Thenot Léon, 59 ans : Thellot Denise, 18 ans ; Thenot Camille, 22 ans.
Etain. - Hussenet Isabelle, 35 ans.
Hattonchâtel. - Gillant Marie, née Ladurelle, 49 ans.
Harmonville. - Mettavant Jules, 64 ans.
Labeuville. - Cognard Maurice, 16 ans.
Laurent. - Collet J.-Baptiste, 56 ans ; Collet Julie née Hablot, 48 ans.
Lavigneville. - Pieffert Nicolas, 76 ans..
Lamorière. - Lacroix Emile, 16 ans.
Loupmont. - Poirot Augustine, 51 ans.
Melles. - Marchal Louis, 48 ans ; Grosjean Louis, 58 ans.
Ormes. - Saint-Vanne Chéric; 38 ans ; Saint-Vanne Hélène, 10 ans.
Peuvillers. - Gillet Charles, 62. ans.
Pillon. - Marchal Gustave, 58 ans.
Rechicourt. - Billessant Michel, 15 ans ; Grandbastien Théophile, 77 ans ; Grandbastien Zélie, née Collin, 66 ans.
Romagne-sous-les-Côtes. - Charles Amable, 65 ans ; Charles Catherine, née Ferrie, 58 ans ; Gaude Marie, née Charles, 29 ans ; Gaude Marcelle, 9 ans ; Gaude Robert, 6 ans.
Spada. - Lemvine Hermance, née Gasson, 58 ans ; Lemvine Jeanne, 29 ans.
Saint-Maurice-sous-les-Côtes. - Ligier Maria, née Furdin, 80 ans.
Saint-Jean-le-Buzy. - Lepetitdidier Alice, 41 ans ; Dion Philomène, née Cuny, 69 ans.
Saulx-en-Woëvre. - Burlereaux Théophile, 75 ans ; Burlereaux Emile, 68 ans ; Burlereaux Léocadie, née Roussel, 59 ans : Burlereaux Hélène, 34 ans ; Burlereaux Clémentine, 32 ans ; Burlereaux Marie, 79 ans.
Thillot-sous-les-Côtes. - Lelorrain Eugène, 50 ans ; Alexandre Berthe, 20 ans.
Vigneulles. - Ebrbin, née Gallant Rose, 35 ans : Ebrbin Marie-Louise, 16 ans ; Ebrbin Henri, 14 ans ; Ebrbin Léon, 11 mois ; Rozat Louise, née Gallant, 31 ans ; Rozat Pierre, 4 ans.
Woel. - Jamin Gabriel, 52 ans.

Pas de département ni lieu d'origine

Roxan Adolphe, 65 ans ; Roxan Françoise, née Huol, 50 ans ; Lavaux Gabrielle, 26 ans ; Lavaux Georgette, 5 ans.

ATTAQUES & CONTRE-ATTAQUES
La lutte est surtout violente en Champagne et en Argonne

Paris, 10 mars, 15 heures.
Au nord d'Arras, dans la région de Notre-Dame-de-Lorette, la nuit a été calme et la situation reste sans changement. On confirme l'importance de nos progrès d'hier.
En Champagne, une contre-attaque allemande, très violente, s'est produite cette nuit sur la crête 196. Elle a été vigoureusement repoussée.
Nous avons gagné, en outre, un peu de terrain sur la route de Perthes à Tahure.
Sur là croupe nord-est de Mesnil, notre infanterie, après avoir enlevé l'ouvrage allemand signalé dans le dernier communiqué, a atteint au delà de cet ouvrage, la crête marquée par le chemin de terre qui va de Perthes à Maisons-en-Champagne.
En Argonne, à Fontaine-Madame, nous avons démoli un Blockhaus et poussé nos tranchées de quatre-vingts mètres en avant.
Entre le Four-de-Paris et Bolante, l'ennemi, contre-attaquant à seize heures, nous a enlevé les tranchées prises par nous' le matin, Une nouvelle attaque nous a permis de les reprendre. L'ennemi a alors contre-attaqué pour la deuxième fois. Aux derrières nouvelles, le combat continuait.

LE MARTYRE DE NOS PRISONNIERS CIVILS
Le récit des victimes

Paris, 10 mars, 18 h. 01..
Le «  Journal Officiel » publie le deuxième rapport de la commission instituée en vue de constater les actes commis par l'ennemi, en violation du droit des gens.
La commission est allée dans les départements de l'Isère, de la Savoie, de la Haute-Savoie, recueillir auprès des prisonniers civils récemment rapatriés des renseignements sur les circonstances antérieures et postérieures à leur arrestation et sur le traitement subi en captivité.
La commission en a vu un grand nombre. Elle en a interrogé, environ 300, sous la foi du serment, et a reçu des déclarations dans vingt-huit localités.
Tous les prisonniers étaient d'abord astreints à effectuer, à pied, un trajet plus ou moins pénible. Puis on les embarquait à destination de l'Allemagne, dans des wagons à bestiaux, où la plupart sont restés plusieurs jours sans recevoir aucune nourriture.
Le départ des prisonniers a été souvent marqué par des incidents cruels. Des vieillards, incapables de marcher, étaient fusillés ou victimes d'actes de brutalité injustifiés, etc.
Le 22 septembre, tous les habitants de la commune de Combles (Meuse) furent conduits sur le flanc d'une colline exposée au feu de l'artillerie et de l'infanterie françaises. Mais, grâce à leurs signaux, les Français ne tirèrent pas.
Le soir, ces otages furent emprisonnés pendant cinq jours dans l'église, puis les hommes furent emmenés en Allemagne.
Les femmes et les enfants furent maintenus un mois dans l'église, ravagés par la dysenterie et le croup.
Les prisonniers civils en Allemagne logeaient généralement dans des baraquements en planches couverts de carton-bitumé. Ils étaient presque partout chauffés au moins à partir de Noël.
Le couchage se composait d'une paillasse, d'une ou deux couvertures, quelquefois d'un traversin.
Dans de nombreux lieux d'internement, les prisonniers couchèrent sous des tentes sur de la paille étendue à même le sol, et presque jamais renouvelée.
Une pareille organisation eut naturellement des résultats déplorables concernant la propreté et l'hygiène. La vermine pullulait et constituait un supplice d'autant plus intolérable que les Allemands n'y remédiaient nullement, sauf à Landau, où ils déshabillèrent et inondèrent de pétrole une vieille femme de 87 ans, qui en mourut.
Les Français internés à Bayreuth furent généralement bien traités, grâce à l'humanité du général allemand qui commandait la place.
L'alimentation était presque identique partout.
Au réveil, décoction d'orge grillée, sans sucre. A midi, riz ou macaroni, ou des betteraves, ou des fèves, rarement des pommes de terre, écrasées avec leur pelure, ou des marrons pilés avec leur écorce nageant dans l'eau et servant de légumes. Parfois un hareng, généralement gâté, ou un fromage exécrable.
On découvrait généralement dans sa gamelle, quelques filaments de hachis, faits de déchets et d'abats. Dans très peu d'endroits, on avait un peu de viande.
Enfin, du pain noir, collant comme du mastic, était distribué, à raison d'un kilogramme pour trois ou quatre personnes.
Les bébés recevaient une petite quantité de lait. La discipline différait suivant les endroits. Elle était généralement assez rigoureuse, comme le prouve l'humiliant châtiment du poteau.
La plupart du temps, l'état sanitaire était détestable et la mortalité considérable. Les soins étaient presque inexistants.
Les médecins allemands et les médecins français internés ne disposaient d'aucun médicament.
Immédiatement avant le rapatriement, tous les prisonniers civils furent internés plusieurs jours dans des casemates de la forteresse de Rastadt, où ils endurèrent la pire misère.
L'air, la lumière manquaient. La vermine couvrait le sol. La discipline était très duré. Le rapport termine en exprimant la gratitude immense à la Suisse de nos rapatriés, qui y ont reçu un accueil touchant et généreux, à leur passage à Schaffousse.

(à suivre)

Mentions légales

 blamont.info - Hébergement : Amen.fr

Partagez : Facebook Twitter Google+ LinkedIn tumblr Pinterest Email