La Grande guerre. La Vie en Lorraine
René Mercier
Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
Date d'édition : 1914-1915
La Grande Guerre
LA VIE EN LORRAINE
MARS 1915
L'Est Républicain NANCY
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VENGEANCE ATROCE DE LEURS ÉCHECS
Paris, 27 février, 15 h. 25.
De la mer à l'Aisne, aucune modification n'est
signalée dans la situation.
En Champagne, rien de nouveau depuis le communiqué
de ce matin.
En Argonne, notre artillerie a fait sauter un dépôt
de munitions près de Saint-Hubert, au bois de
Malancourt.
Entre Argonne et Meuse, l'ennemi a aspergé avec du
liquide enflammé une de nos tranchées avancées qui,
en conséquence, a dû être abandonnée. Les occupants
ont été grièvement brûlés.
Une contre-attaque a arrêté immédiatement les
Allemands en leur infligeant des pertes et en
faisant des prisonniers.
Dans la région de Verdun et sur les Hauts-de-Meuse,
notre artillerie lourde a pris sous son feu
l'artillerie allemande, démoli des pièces, fait
sauter une vingtaine de caissons ou de dépôts de
munitions, anéanti un détachement et détruit tout un
campement.
Au Bois-Brûlé, la lutte continue à notre avantage.
La guerre aérienne
Une escadrille allemande a lancé quelques bombes sur
la côte belge, en arrière de Nieuport. Elle a tué
une femme et un vieillard.
En Woëvre, un avion allemand qui cherchait à
franchir nos lignes, a été repoussé par notre feu.
Un avion français a réussi à jeter trois, bombes sur
les casernes de Metz, près de l'Esplanade.
TROIS COUPS DE MAIN HEUREUX
Une de nos patrouilles s'empare seule d'une
tranchée. - Une brillante attaque en Champagne. -
Ils nous attaquent, - près de Parroy; et sont
repoussés.
Paris, 28 février, 0 h. 35.
Voici le communiqué officiel du 27 février, 23
heures :
Dans les dunes, près de Lombaertzyde, une patrouille
française s'est emparée d'une tranchée allemande, en
a tué les occupants et a pris une mitrailleuse.
En Champagne, nos progrès de vendredi soir, au nord
de Mesnil-les-Hurlus, nous ont rendus maîtres de 500
mètres de tranchées allemandes, où nous avons fait
une centaine de prisonniers.
Nous avons pris deux mitrailleuses et un
canon-revolver.
L'attaque a été menée très brillamment, à la
baïonnette, et une forte contre-attaque allemande a
été repoussée dans la nuit du 26 au 27 février.
Dans la journée de samedi, nous avons réalisé de
nouveaux progrès à l'ouest de Perthes et au nord de
Beauséjour.
En Lorraine, à Laneuveville-aux-Bois, près de la
forêt de Parroy, une attaque allemande a été
repoussée.
Aux DARDANELLES
Paris, 28 février.
LONDRES (officiel). - Le bombardement des forts de
l'entrée des Dardanelles a repris jeudi matin.
Un obus turc a atteint l'Agamemnon, tuant trois
hommes et en blessant cinq.
Dans l'après-midi, aucun des quatre forts ne tenait
plus.
Les travaux de déblaiement des mines a commencé.
Les Turcs ont incendié un village à l'entrée des
Dardanelles.
Les mines ont été déblayées, le 26 février, jusqu'à
quatre milles de l'entrée.
L'escadre a attaqué alors le fort Dardanus et les
batteries de la côte asiatique.
L'ennemi a abandonné trois forts, qui ont été
démolis par un corps de débarquement.
L'ennemi rencontré au fort Kum-Kassi a été chassé.
Obligé de franchir le pont Mendère, il a été en
partie détruit.
Deux canons de quatre pouces et quatre Nordenfelde
ont été également détruits, près du tombeau
d'Achille.
Nos pertes sont de un tué et de trois blessés.
Dans les communes occupées
Du Bulletin des réfugiés de Meurthe-et-Moselle :
A THIAUCOURT
Dans la première quinzaine de décembre, Thiaucourt a
été bombardé par les Français, mais plus
particulièrement du côté de, la gare de l'Est. Il y
aurait une vingtaine de maisons endommagées. La gare
est démolie. Le 26 août, on avait fait sauter les
ponts des deux chemins de fer.
La maison en dessous de chez M. Schauer, menuisier
(probablement la remise appartenant à M. Jacquin),
aurait été incendiée, et la maison de Mme Boulanger
(qui loge trois Prussiens pour sa part), aurait été
endommagée assez fortement. Mme Jeanne Georges,
boulangère, a été blessée.
Quand les Allemands sont arrivés, M. Louis, notaire,
avait essayé de fuir en auto avec sa famille, mais
il paraît que les Boches l'ont fait retourner. Il
est donc resté à Thiaucourt. Il serait malade.
Dans le commencement, du mois de janvier, il a pu
envoyer à la femme qui s'occupe de sa maison à
Nancy, une carte où il avait signé ainsi que sa
femme et son petit garçon. C'est probablement tout
ce qu'il a pu faire pour donner de ses nouvelles.
Le fils Vernier, le fils Payle et une dizaine
d'autres ont été faits prisonniers et amenés à
Dieuze, où les Allemands leur faisaient faire des
tranchées.
Mme Beaucard, qui faisait le ravitaillement, a été
expulsée par les Boches fin novembre dernier.
Mme Schechter est prisonnière à Novéant-sur-Moselle,
le docteur Schechter est en Bretagne, mais on ignore
où est le docteur Patron.
Un de nos lecteurs nous adresse les renseignements
que voici sur Thiaucourt, datant du 10 février : La
population civile ne manque de rien. Des boulangers
allemands vendent le pain. La farine se paie 60 mark
les 100 kilos.
Il y a trois mille hommes de troupes, dont les
officiers sont presque toujours ivres, aimant un peu
trop le vin de Thiaucourt.
La poste, l'hôtel de ville et la maison au-dessous
de celle du boulanger Georges ont souffert du
bombardement des avions. Quand les bombes commencent
à tomber, les habitants se réfugient dans les caves.
Aucun civil n'a été fusillé.
La famille Simon (appariteur) habite chez Renard.
Les Goujon et les Renard habitent chez Melchior.
A LONGWY
Renseignements fournis par une personne ayant quitté
Longwy, le 7 février : Le ravitaillement commence à
devenir difficile. Les Allemands menacent les
habitants de la famine. Le rationnement est établi
et contrôlé par un cachet apposé sur un livret
fourni par la ville. Le pain, fait avec du son et du
rémoulage (issue de farine et de son employé pour la
nourriture des porcs), coûte 0 fr. 30 la livre et on
n'a droit qu'à une demi-livre pour deux jours ; le
beurre, 2 fr. la livre ; les oeufs, 2 fr. 50 la
douzaine ; la viande est au prix ordinaire, mais
c'est de la viande de cheval, et l'on ne peut
recevoir qu'un quart par jour.
Les Allemands recouvrent les contributions. Un chien
paye 15 mark.
Tous les jours, on fait l'appel des hommes.
Il est interdit de recevoir des lettres du dehors ;
toute infraction à cette défense est passible du
conseil de guerre et punie d'une amende de 30 mark,
parfois même de prison.
M. Norroy. facteur de Longwy-Haut, a été fusillé à
Longuyon, où il s'était sauvé, et sa maison fut
brûlée.
PROGRESSION en CHAMPAGNE
Ils se vengent sur Reims
Paris, 28 février, 15 heures.
Près de Dixmude, l'artillerie des Belges a démoli
deux ouvrages ennemis. Leur infanterie a occupé une
ferme sur la rive droite de l'Yser, et un de leurs
avions a lancé des bombes sur la gare maritime
d'Ostende.
Les Allemands ont, de nouveau, bombardé Reims. Une
soixantaine d'obus ont été tirés, dont une partie
sur la cathédrale.
En Champagne, d'importants progrès ont été réalisés
à la fin de la journée d'hier. Nous avons enlevé
deux ouvrages allemands, l'un au nord de Perthes,
l'autre au nord de Beauséjour. Nous avons en outre
gagné du terrain entre ces deux points et au
nord-ouest de Perthes. Nous avons fait deux cents
prisonniers. Le nombre total des soldats allemands
qui se sont rendus depuis dix jours s'élève à plus
de mille.
Combats d'artillerie assez vifs sur les
Hauts-de-Meuse.
Journée calme en Woëvre.
Dans les Vosges, région de l'Hartmansvilerkopf, nous
avons fait quelques progrès.
MOTS LEUR ENLEVONS DEUX KILOMETRES DE TRANCHEES
Ils bombardent Soissons
Paris, 1er mars, 0 h. 50.
Communiqué du 28 février, 23 heures :
A Bécourt, près d'Albert, une attaque allemande a
été arrêtée net par notre feu.
L'ennemi a bombardé Soissons de deux cents obus.
En Champagne, nous avons fait des progrès marqués
sur tout le front de combat.
Au nord de Perthes nous avons repoussé une
contre-attaque et conservé un ouvrage conquis hier.
Nous avons élargi nos positions en occupant de
nouvelles tranchées.
Nous avons gagné du terrain dans tous Les bois,
entre Perthes et Beauséjour.
Nos gains d'hier, au nord-ouest et au nord de
Beauséjour, représentent deux mille mètres de
tranchées et ces gains ont été sensiblement étendus
aujourd'hui.
Dans une seule tranchée, l'ennemi avait laissé plus
de deux cents morts.
Nous avons pris une mitrailleuse.
Aux dernières nouvelles, la lutte continuait dans de
bonnes conditions.
En Argonne, à la cote 265, à l'ouest de Boureuilles,
nous avons enlevé environ trois cents mètres de
tranchées.
A Vauquois, une brillante attaque d'infanterie nous
a permis d'atteindre le bord du plateau sur lequel
s'élève le village.
Dans les Vosges, à Chapelotte, à trois kilomètres au
nord de Celles-sur-Plaine, une attaque assez vive
des Allemands a été complètement repoussée.
AU PAYS MEUSIEN
A RAMPONT
On écrit au « Bulletin des réfugiés meusiens » :
« Je tiens à vous donner quelques renseignements sur
le village de Rampont, bombardé par les Allemands
avant la bataille de la Marne.
Le bombardement commença à huit heures du matin ;
toute la population se réfugia dans les caves et y
demeura six heures durant. Au cri de « sauve qui
peut », elle en sortit.
Le tiers des maisons du village étaient en flammes
et le bombardement durait toujours.
Les habitants se rendirent à Blercourt, village
voisin et le soir, à la faveur d'une accalmie,
vinrent rechercher le peu de mobilier qu'ils avaient
pu sauver avant l'incendie.
Les maisons des propriétaires dont les noms suivent
sont complètement détruites : MM. Didier Adolphe,
Lefebvre Célestin, Léontine Lefebvre, Bouilly
Théodule, Arsène Génin, veuve Houillier, Chevin
Charles, Menu Célestin, veuve Châtel, Geoffroy
Bouilly, Ernest Bouilly, Chevin Auguste (deux
maisons), veuve Warin, Pierre François, Bouilly
Adolphe, veuve Humbert Thomas (cette dernière
incendiée le lendemain par un nouvel obus), Humblet
Théophile, Bouilly Alexis, Palanson Léopold,
Geoffroy Palanson (deux maisons).
Ayant pu me rendre compte du désastre, je puis vous
dire que c'est terrible.
La maison commune ainsi que l'église sont intactes
(à part les vitres brisées), grâce au zèle et à la
vigilance de notre adjoint, Humblet Théophile, qui,
au plus fort de l'incendie et durant la nuit,
demeura sur les lieux et ne partit que sur l'ordre
d'un officier.
Malheureusement, j'ai une victime à vous signaler,
M. Onésime Bouilly, tué devant sa porte, par un
éclat d'obus. C'était un ancien combattant de 70
décoré de la médaille.
Et maintenant toute la population est rentrée et se
trouve logée plutôt mal que bien. »
A SAMOGNEUX
Le 10 février 1915, on écrit au a Bulletin des
Réfugiés meusiens » :
« Monsieur le directeur, Je vous écris quelques mots
qui ont rapport au village de Samogneux, afin que
vous ayez la bonté de les insérer dans votre journal
: « Le Bulletin Meusien », pour renseigner les
émigrés de cette localité.
Samogneux n'a pas souffert de l'occupation des
Allemands, car ils n'ont jamais pu y pénétrer.
Au commencement du mois de septembre, quelques
patrouilles boches ont tenté de s'introduire dans le
village pour y enlever des bêtes laissées à
l'abandon. Elles ont été reçues à coups de fusil par
les troupes françaises. Deux Allemands ont été tués
et plusieurs blessés.
Les barbares n'ayant fait aucune tentative pour
entrer dans Samogneux, lors de leur passage,
quelques évacués commencèrent à y rentrer.
Au 1er septembre, le village n'avait encore reçu
aucun obus.
Le 7, ils ont commencé à bombarder, mais sans faire
des dégâts.
A partir de cette date, les Boches lançaient une
dizaine d'obus par jour.
Lorsque le bombardement commençait, la population se
réfugiait dans les caves.
Malgré les précautions prises, Mme Caillas Constant
a été légèrement blessée et un enfant de 13 ans,
Camille Gérard, a été tué.
Le plus grand bombardement qui ait eu lieu s'est
opéré dans la nuit du 8 au 9 octobre. Les obus ont
commencé à tomber sur le village le 8, à trois
heures de l'après-midi. et ont cessé de pleuvoir le
lendemain matin, à cinq heures.
Au jour, les quelques habitants se trouvant dans le
village se sont empressés de quitter leur logis pour
se réfugier au village voisin. Aucune personne n'a
été tuée.
Deux ou trois soldats ont été blessés.
Les obus avaient causé des dégâts matériels d'assez
grande importance, particulièrement chez MM.
Bertrand, Barthe, Hance, Pontignan, Thiébaut et
Virette.
L'église a reçu un obus, qui a brisé quelques
statues.
Depuis ce bombardement, le village n'a été visité
que par quelques petits obus, lors des attaques
françaises du 23 octobre, pour reprendre Brabant,
Haumont, Forges et du 22 décembre, pour s'emparer
d'une partie du bois de Consenvoye.
Les Allemands occupent encore Consenvoye, Flabas,
Ville-devant-Chaumont. La ferme d'Ormont, située
entre Consenvoye et Flabas, est neutre.
Des combats d'aéros ont eu lieu au-dessus du
village. Les taubes ont lancé plusieurs bombes, qui
sont tombées dans les prés. L'un d'eux a été abattu.
»
LES BOMBARDEMENTS DE PONT-A-MOUSSON
Pont-à-Mousson, 27 février.
Dans la nuit de samedi à dimanche, quelques obus
allemands sont encore tombés sur la ville, notamment
quartier de la gare, avenue Carnot et les deux
boulevards. La plupart des projectiles n'ont
heureusement causé que des trous dans les jardins.
On signale cependant deux ou trois maisons
endommagées, mais il n'y a pas eu de victimes.
DES NOUVELLES DE SENONES
Nous recevons la lettre suivante :
Belfort, faub. des Ancêtres, 28-2-15.
Monsieur le Directeur de l'Est Républicain, Je viens
de retrouver en Suisse mon fils, Jean Philbert, âgé
de 12 ans, venant de Senones (Vosges), pays occupé
par les Allemands depuis le 26 août, et demeuré
seul, ma femme, présidente de la Croix-Rouge, ayant
été tuée, le 6 décembre 1914, par un shrapnell.
Pourriez-vous insérer cette nouvelle pour la faire
connaître à ceux que cela intéresserait et notamment
à des membres de la famille et à des amis dont
j'ignore l'adresse actuelle et que votre journal
touchera sans doute ?
A noter la conduite dévouée des Suisses
(Gouvernement fédéral et particuliers), ainsi que du
Bureau international de la paix (personnel français)
au-dessus de tout éloge.
Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations
empressées.
Dr PHILBERT, aide-major, 23, faub. des Ancêtres,
hôpital militaire, Belfort.
LES TAUBES
Saint-Dié, 1er mars.
Un biplan allemand est venu survoler Saint-Dié sur
le coup de midi. Il a lancé dans la prairie d'Hellieule
quatre bombes occasionnant des blessures
heureusement peu profondes. aux terrains de cette
partie de la ville.
BLOCKHAUS ENLEVÉ AU BOIS LE PRÊTRE
Progrès en Champagne et en Alsace
Paris, 1er mars, 15 heures.
Rien à ajouter au communiqué de ce matin, si ce
n'est qu'en Champagne les divers points d'appui,
successivement gagnés forment maintenant une ligne
continue de deux kilomètres au nord et au nord-ouest
de Perthes et que, dans les Vosges, nos attaques ont
légèrement progressé à la Chapelotte (trois
kilomètres au nord de Celles).
Paris, 2 mars, 1 h. 15.
Voici le communiqué officiel du 1er mars, 23 heures
: Des tempêtes de neige et de pluie ont gêné les
opérations sur de nombreux points du front.
En Champagne, nous avons repoussé, au nord de
Mesnil, une forte contre-attaque ennemie et nous
avons maintenu tous nos gains d'hier, en infligeant
à l'ennemi de fortes pertes.
Nous avons réalisé dans la même région de nouveaux
progrès.
Près de Pont-à-Mousson, au bois Le Prêtre, nous
avons enlevé un blockhaus.
A Sultzeren, au nord-ouest de Munster, nous avons
repoussé, dans la nuit de dimanche à lundi, une
assez forte attaque.
Dans ces deux affaires, nous avons fait des
prisonniers.
A Hartmansvilerkopf, nous avons conservé le terrain
gagné par nous, malgré des contre-attaques
allemandes.
EN ALSACE-LORRAINE
Le conseil de guerre de Sarrebruck a condamné à neuf
mois de prison le curé de Reinange, en Lorraine,
pour délit de germanophobie. Ce prêtre était accusé
d'avoir, après la bataille de Dalheim, photographié
Les vases sacrés de son église brûlée par les
Allemands et d'avoir utilisé ces photographies pour
en faire des cartes postales qui devaient être
vendues en guise de souvenirs. Sur ces cartes, il
avait fait mettre la date de la bataille (19 et 29
août 1914). Il avait, en outre, édité une autre
carte postale représentant deux chiens qui attendent
en vain leur pitance quotidienne avec cette
explication : « Après la réquisition ». Enfin,
l'ecclésiastique aurait aussi tenu des propos «
imprudents ».
Pour motiver la sévérité du jugement, le tribunal a
tenu compte du degré de culture de l'inculpé et du
fait qu'en sa « qualité de prêtre, il aurait dû
travailler à la paix plutôt qu'à semer la discorde
».
Le commandant de la forteresse de Thionville,
d'accord avec l'office épiscopal de Metz, a
promulgué une ordonnance réglant la langue à
employer pour le service religieux dans le
territoire bilingue de la Lorraine. Une partie des
paroisses reçoit l'autorisation de la célébrer
exclusivement en français. Dans d'autres, doivent
être célébrés deux cultes, l'un en français, l'autre
en allemand, à condition que la messe française
n'ait pas un caractère plus solennel que l'autre.
La vente de l'absinthe a été sévèrement interdite
sur tout le territoire du 15e corps d'armée. Les
contrevenants sont passibles d'une peine pouvant
atteindre un an d'emprisonnement et s'exposer à voir
fermer leurs débits.
Deux boulangeries de Mulhouse ont été fermées pour
cinq jours, parce qu'on y avait fabriqué du pain qui
n'était pas entièrement conforme à l'ordonnance du
13 février. En cas de récidive, les boulangers
seront incarcérés.
En Alsace, l'augmentation du prix de la bière a
causé une grosse émotion.
Les neutres à Saint-Louis
Du « Démocrate », de Delémont : Lundi dernier, tous
les neutres ont été invités à se présenter à la
mairie de Saint-Louis, pour faire leur déclaration
et signer un formulaire contenant un certain nombre
de questions l'une, entre autres, demandait si le
signataire avait des sentiments francophiles ou
germanophiles. Naturellement, pas un seul neutre n'a
avoué qu'il souhaitait le triomphe de la France.
C'eût été vraiment trop naïf... et trop coûteux
aussi ; car les deux agents présents aux opérations
à la mairie auraient tôt fait d'emmener les
imprudents ou trop courageux amis de la France.
On a de nouveau amené quelques blessés à l'hôpital
de Saint-Louis.
La ligne de chemin de fer Saint-Louis-Waldighofen
n'est toujours pas terminée. Elle traverse des
terrains glaiseux et des affaissements se produisent
à chaque instant par ces temps de pluie. On a dû Sie;
convaincre que cette ligne n'aura jamais une grande
valeur stratégique ; elle pourra être utilisée pour
le transport des troupes et des approvisionnements,
mais ne supportera pas le transport de grosses
pièces d'artillerie.
On est en train de placer la barrière de treillis de
trois mètres de haut qui doit séparer la zone neutre
du reste de l'Alsace. Dans une semaine, ce travail
sera terminé.
Les Alsaciens-Lorrains et la guerre
On nous informe que l'on est en train, présentement,
d'extraire des régiments allemands qui combattent
dans les Vosges, ou qui sont envoyés sur le front
occidental, tous les Alsaciens-Lorrains, que l'on
réexpédie sur les frontières de Russie. On voit que
la confiance en ces derniers est très Limitée.
Les Allemands ont vidé les villages d'Alsace de tous
les hommes du landsturm qui n'avaient jamais fait de
service militaire et les ont emmenés. On nous cite
de nombreux jeunes gens n'ayant pas dix-huit ans,
ainsi forcés d'aller combattre, contre tous leurs
sentiments, l'armée russe.
On nous affirme qu'on évalue, en Alsace-Lorraine, à
trente mille le nombre des volontaires qui ont pu
échapper aux Allemands et se sont engagés dans
l'armée française.
A Ferrette, on a arrêté, enchaîné et conduit en
prison le boucher Joseph Kempf, qui avait dit en
riant : « Dans trois mois, nous serons en république
; les Français seront venus ! »
A Luxdorf, un vieillard de quatre-vingt-six ans,
ancien soldat français, a été expulsé parce qu'on a
relevé, à sa charge, qu'il avait été trois fois en
congé en France au cours de ces dernières années. Il
a tous ses biens en Alsace.
ÉVACUATION DE L'HOSPICE DE BADONVILLER.
Nancy, 1er mars.
Il y a quelques jours, les Allemands ont encore
envoyé quelques obus sur la malheureuse petite
ville. En présence de cette situation, l'hospice des
vieillards a été évacué, et les malades ont été
amenés à Nancy, à la maison-mère des religieuses de
la Doctrine Chrétienne.
ELLE EST PARTIE...
Depuis deux mois, on avait annoncé son départ.
Et les jours passaient monotones dans la tranchée.
Comme soeur Anne, on ne voyait rien venir. Les
pelles, les pioches continuaient à en mettre. Dans
les conversations, on ne parlait que d'Elle.
Elle était entrevue, telle une déesse !
...Enfin ! un ordre arriva.
Elle partait le lendemain.
Alors, ce fut de la joie.
Elle !... mais c'était la classe 1887, qui, dans
notre compagnie, rentrait dans ses foyers...
On a beau faire le malin.
Depuis sept mois, on s'était fait des relations, des
amis. Les jeunes les enviaient.
Veinards !
Non, ils le méritent, ces pauvres vieux, qui, depuis
le début, n'ont jamais bronché et ont montré souvent
l'exemple aux jeunes.
La classe 87 est partie !
Qu'ils soient heureux dans leurs foyers !
JEAN DUR.
NOTES DE CAMPAGNE
VILLA DES TAUPES,
25 février. - Rien de ce qui intéresse la compagnie
ne nous laissant étrangers, nous y avons appris,
avec grand plaisir, que notre lieutenant, M. H...,
venait d'être l'heureux père d'un petit André. Le
lieutenant H... est allié à plusieurs honorables
familles lorraines.
L'enfant, la mère et le père se portent bien, car
notre unité ne semble pas, pour le moment, devoir
encourir de péril.
LES LITS. - Imaginez, par un artifice littéraire
inspiré de l'Arioste et familier de nos couleurs
françaises du 18e siècle, un diable soulevant les
toits de nos maisons, il y a sept mois, en pleine
nuit.
Il aurait vu alors tous les lits lorrains dans leur
extrême diversité : couches somptueuses, très
basses, avec de délicates figures de symbole,
solides lits de campagne, aux rideaux de percale
ornés de fleurs.
Comment nous couchons maintenant : Après avoir
traversé l'espèce d'ouverture de sous-marin qui
donne accès à la Villa des Taupes et descendu une
périlleuse échelle, nous arrivons à un étroit
bas-flanc sur lequel est étendue une couche de
paille.
Une peau de mouton nous sert de matelas et de
sommier. Notre couvre-pieds fait l'office de draps
et de couverture.
Quant à l'oreiller, il est tout naturellement
remplacé par le sac.
Si nous revenons, ce qui est notre plus ferme
espoir, nous aurons de la peine à dormir dans un
vrai lit. Quant au problème des habitations à bon
marché, le voilà tout résolu. Ce n'est pas la place
qui manquera, pour les familles nombreuses, dans ces
« villas des Taupes creusées par tout le territoire.
L'église catholique désigne simplement les morts par
le terme vague « eux ». Donne à « eux », Seigneur,
le repos éternel. J'ai retrouvé ce terme dans la
bouche des soldats du peuple.
Eux, ce sont les morts de Frescaty, de la Marne et
des Flandres, les frères passés, en gloire, de
l'autre côté de la toile mystérieuse.
...Nous avons maintenant des fascines sur les
chemins du cantonnement, ce qui diminue un peu le
supplice de la boue. Nous avons décidément de
grandes chances d'être enlisés dans une matière
nauséabonde, perspective fort désagréable, on
l'avouera.
PIERRE LEONY.
LA CHAMPAGNE va devenir
LE TOMBEAU DE LEUR GARDE
Et Reims reçoit 50 obus
Paris, 2 mars, 15 heures.
Entre La mer et l'Aisne, journée assez calme.
L'ennemi n'a prononcé d'attaque qu'au sud-est de
Saint-Eloi (sud d'Ypres). il a été repoussé par les
forces anglaises.
En Champagne, nouveau Bombardement de Reims (50 obus
environ).
Malgré la tempête, nous avons continue à progresser
entre Perthes et Beauséjour pendant toute la journée
d'hier, notamment au nord-ouest de Perthes, au
nord-est de Mesnil et au nord de Beauséjour.
Nous tenons les points culminants du mouvement de
terrain parallèle à notre front d'attaque. Il est
confirmé que les éléments de la Garde qui nous ont
contre-attaqués dans la nuit de dimanche à lundi,
ont subi des pertes extrêmement fortes.
En Argonne, dans le secteur Bagatelle-Marie-Thérèse,
combats de mines et d'infanterie dans une tranchée
avancée, que nous avons réoccupée après l'avoir un
instant abandonnée.
Dans la région de Vauquois, nous avons progressé et
conservé le terrain conquis, malgré deux
contre-attaques, et fait des prisonniers.
Dans les Vosges, à la Chapelotte, près de Celles,
nous avons enlevé des tranchées et gagné 300 mètres.
NEUF CUIRASSÉS
pénètrent
DANS LES DARDANELLES
Paris, 2 mars, 15 h. 50.
ATHÈNES. - Le bombardement des Dardanelles continue.
Neuf cuirassés de ligne se sont avancés jusqu'à deux
milles dans Les Dardanelles, et des détachements
alliés ont débarqué à Koum-Kalé, dont ils ont
dispersé la garnison.
Un navire anglais bombarde Yeni-Cheir.
Les forts Dardanos, Hamidié et Trimenlik sont
réduits au silence. La station télégraphique de
Bézikia est également démolie.
CAMP RETRANCHÉ DE TOUL
Délivrance des laissez-passer
Nul ne peut entrer dans le camp retranché de Toul
sans un laissez-passer délivré par le général
gouverneur, à qui les demandes doivent être
adressées.
Les personnes non munies de ce laissez-passer
s'exposent a être refoulées par les postes sur Le
périmètre et à avoir fait un déplacement inutile.
Nous repoussons au bois Le Prêtre
UNE ATTAQUE DE NUIT
Paris, 3 mars, 1 h. 20.
De la mer à l'Aisne, combats d'artillerie souvent
assez vifs. Nous avons eu l'avantage.
Sur tout Le front du secteur de Reims, notamment à
la ferme d'Alger, près du fort de Pompelle, l'ennemi
a prononcé, ce matin, des attaques qui ont été
facilement repoussées.
Entre Souain et Beauséjour, nos progrès se sont
poursuivis sur plusieurs points. Nous avons pris
pied dans des bois qui avaient été organisés par
l'ennemi, et nous avons progressé au delà de la
crête, dont nous avions atteint le sommet au cours
des dernières journées. Une forte contre-attaque a
été repoussée.
En Argonne, dans la région de Vauquois, tous nos
gains d'hier ont été maintenus et nous avons fait
une centaine de prisonniers.
Près de Pont-à-Mousson, une attaque de nuit des
Allemands dans le bois Le Prêtre a échoué.
Rien de nouveau sur le reste du front.
LES ÉVACUÉS
Mardi soir, 2 mars, de nombreux habitants des
communes du canton de Badonviller sont arrivés à
Nancy. Ils ont été conduits à l'asile de nuit en
attendant leur hospitalisation par les soins du
comité des réfugiés.
LE PRIX DU PAIN
Le Maire de la Ville de Nancy,
Vu son arrêté du 14 octobre 1914, qui établit comme
suit le prix du pain :
« Le pain blanc en miche ronde de un ou deux
kilogrammes, de première qualité, sera vendu à 0 fr.
45 le kilogramme, au maximum ;
« Le pain percé ou en couronne sera vendu 0 fr. 475
le kilogramme au maximum. »
Attendu que le cours des farines, qui était alors de
42 fr., est actuellement de 45 fr., et qu'ainsi
cette hausse et celle du bois de chauffage ont une
répercussion sur le prix du pain ;
ARRÊTE :
Article premier. - A partir de mercredi 3 mars 1915,
le prix du pain sera ainsi fixé :
Le pain blanc, en miche ronde, de un ou deux kilos,
de première qualité, sera vendu 0 fr. 475 le
kilogramme, au maximum ; Le pain percé ou en
couronne sera vendu 0 fr. 50 le kilogramme, au
maximum.
Art. 2. - A défaut de pain en miche ronde, le
boulanger devra vendre du pain percé au prix du pain
rond.
Art. 3. - La pesée du pain est obligatoire, sauf
pour le pain de luxe.
Art. 4. - M. le commissaire central de police est
chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté.
Nancy, le 2 mars 1915.
Pour le Maire absent :
Le premier Adjoint : SCHERTZER.
Nos SUCCÈS en CHAMPAGNE
dépassent
LEUR Ire LIGNE DE TRANCHÉES
Paris, 3 mars, 15 heures.
Rien d'important à signaler au communiqué de ce
matin.
En Champagne, nous tenons toute la première ligne de
tranchées allemandes, depuis le nord-ouest de
Perthes jusqu'au nord de Beauséjour et, sur
plusieurs points, nous avons progressé au delà de
cette ligne.
Les autres progrès signalés ce matin sont confirmés.
Ils ont tous été maintenus.
Canonnade en Argonne.
Sur le reste du, front, rien à signaler.
REIMS BOMBARDÉ
avec des obus incendiaires
Les barbares se vengent ainsi de leurs échecs.
Leur garde est battue en Champagne et ils sont aussi
repoussés en Argonne, au nord de Verdun et dans le
bois Le Prêtre.
Paris. 4 mars, 0 h. 31.
De la mer à l'Aisne, canonnade d'intensité variable.
Les Allemands ont recommencé à bombarder Reims, à
midi, en se servant d'obus incendiaires.
En Champagne, sur le front nord de Souain, Mesnil et
Beauséjour, nos progrès se sont poursuivis et se
sont accentués. Nous tenons sur tout le front
d'attaque, c'est-à-dire sur une longueur de plus de
six kilomètres, l'ensemble des lignes allemandes
représentant, en profondeur, un kilomètre.
Nos progrès d'aujourd'hui ont été particulièrement
sensibles à l'ouest de Perthes, où nous avons enlevé
des tranchées et élargi nos positions dans les bois.
Enfin dans la même région, nous avons repoussé
plusieurs violentes contre-attaques. Un régiment de
la Garde a subi des pertes énormes.
Depuis le dernier communiqué, nous avons fait
quelques centaines de prisonniers et pris une
mitrailleuse.
Plusieurs attaques allemandes ont été facilement
repoussées dans les bois de Consenvoye, au nord de
Verdun, et dans le bois Le-Prêtre, an nord-ouest de
Pont-à-Mousson.
LE MARTYRE
DES HABITANTS DES HAUTS-DE-MEUSE
D'une interview de prisonniers civils, dans le «
Temps » :
« Certains, avant de passer en Allemagne, ont été
soumis au traitement le plus barbare. Du 8 août. à
la fin du mois, les villageois des Hauts-de-Meuse
ont servi de bouclier aux Allemands contre nos obus.
Les positions ennemies étant bombardées sans relâche
par nos troupes, on les faisait coucher la nuit dans
leurs caves. On les en faisait sortir le matin à
quatre heures. Femmes, vieillards et enfants,
bousculés, quand ils s'attardaient, à coups de
crosse, étaient conduits, en avant des batteries ou
des retranchements allemands, sur la crête des
hauteurs, et là, bien en vue des Français, on les
contraignait à rester debout jusqu'au soir pour
obliger nos canons au silence. Avant le départ on
leur distribuait pour la journée trois pommes de
terre cuites à l'eau par adulte, une pomme de terre
seulement par enfant. Sous les ardeurs du soleil, en
proie à des transes effroyables, sans une goutte
d'eau à boire, ils souffraient le martyre. Des
vieillards parfois se laissaient choir. On les
relevait, s'il leur restait un peu de vie, à coups
de botte. Beaucoup sont tombés, à bout de forces, et
ne se sont point relevés. Leurs cadavres ont pourri,
sans être inhumés, sur le sol qu'ils avaient
engraissé de leurs sueurs. On les laissait là pour
servir d'avertissement et d'exemple aux vivants. La
nuit venue, on ramenait au village le troupeau.
Abreuvés à l'eau de leurs puits, on les poussait
brutalement dans leurs caves. Ils y demeuraient
enfermés à clef jusqu'au jour pour recommencer la
même existence, le lendemain. »
A SAINT-MIHIEL
PENDANT L'OCCUPATION
Depuis qu'ils occupent Saint-Mihiel, les Allemands y
ont appliqué leurs méthodes de pillage systématique
et méthodique. S'ils ont respecté la. plupart des
maisons habitées, ils ont, par contre, visité,
jusque dans les coins les plus sombres, les maisons
abandonnées.
Ils se sont emparé de tout, même des portes et des
serrures, fauteuils, chaises, lits, bancs, tables,
ont été transportés dans leurs tranchées.
Les Barbares, par crainte des obus français, logent
dans les caves. Et, comme ils aiment le confort et
comme, surtout, ils redoutent le froid, ils ont
installé des fourneaux et des poêles dans ces mêmes
caves ; les tuyaux débouchent dans la rue, par des
ouvertures et par les soupiraux et les fumées
sortant au ras du sol et emplissant la ville donnent
aux rues de la pauvre cité de Saint-Mihiel un aspect
plutôt étrange.
UN DE NOS AVIATEURS
a fait sauter
UNE POUDRERIE ALLEMANDE
Paris, 4 mars, 15 heures.
Un de nos aviateurs, le capitaine Happe, a bombardé,
hier, la poudrerie allemande de Rottweil (23
kilomètres nord de Donaueschingen).
Le succès a été complet. Dix minutes après le
lancement des bombes, la poudrerie était en feu et
les flammes s'élevaient à quatre cents mètres de
haut.
Notre aviateur a fait un raid de 300 kilomètres
(aller et retour).
Pendant ce temps, un Taube tirait sur l'hôpital de
Gérardmer, mais il n'y a eu ni victimes ni dégâts.
Donaueschingen se trouve dans le Grand-Duché de
Bade, au confluent des trois ruisseaux, la Brège, la
Bigach et le Riessel, qui forment le Danube.
RAGE TEUTONNE
Leur garde tombe en Champagne, mais Reims reçoit un
obus toutes les trois minutes
Paris, 4 mars, 15 h. 05.
En Belgique, dans les dunes, notre artillerie a
démoli les tranchées ennemies.
Au nord d'Arras, près de Notre-Dame-de-Lorette,
l'ennemi s'est emparé d'une tranchée avancée,
récemment construite par nous, au contact immédiat
des lignes allemandes.
Le bombardement de Reims a duré toute la journée, à
raison d'un obus toutes les trois minutes.
En Champagne, il se confirme que les contre-attaques
allemandes contre la croupe conquise par nous au
nord-est de Mesnil ont été d'une grande violence.
Deux régiments de la garde y ont participé avec
acharnement. L'échec de cet effort a été complet.
Canonnade dans l'Argonne avec de nouveaux progrès de
notre part dans la région de Vauquois.
Leurs ATTAQUES REPOUSSÉES
Un Taube abattu près de Verdun
Paris, 5 mars, 1 h. 05.
Voici le communiqué du 4 mars, 23 heures :
En Belgique, dans la région des Dunes, notre
artillerie a exécuté des tirs particulièrement
efficaces, et notre infanterie a occupé une nouvelle
tranchée en avant de nos lignes.
En Champagne, nous avons continué à progresser. Nous
avons consolidé et élargi nos positions, notamment
au nord-ouest de Perthes et au nord-ouest de Mesnil,
en faisant une centaine de prisonniers.
Sur la croupe nord-est de Mesnil, de nouvelles
contre-attaques se sont produites. Elles ont été
repoussées.
Les prisonniers allemands confirment la gravité des
pertes subies par les deux régiments de la garde
engagés dans le combat d'hier.
En Argonne, au Four-de-Paris, une attaque allemande
a été repoussée. Il en a été de même à Vauquois.
Près de Verdun, au fort de Vaux, un avion allemand a
été abattu dans nos lignes et les deux aviateurs ont
été fait prisonniers.
LES TAUBES
Verdun, 5 mars.
Ces jours derniers, quatre avions allemands sont
venus jeter des bombes sur Verdun, vers trois heures
de l'après-midi.
Ils n'ont guère mieux réussi dans leurs exploits que
les fois précédentes.
Deux bombes, jetées sur la Cathédrale, sont tombées
à côté : l'une dans le cloître de la Cathédrale, a
abîmé le vitrail de la chapelle Saint-Joseph ;
l'autre, sur la place de la Cathédrale, a cassé les
carreaux de la maison d'un ficaire général et de
l'école des garçons et détérioré la porte de Mlle de
Benoist.
Une troisième bombe est tombée sur la promenade de
la Digue, sans effet. Une autre a tué un soldat du
train et son cheval, près du pont de la Galavaude.
Une cinquième a causé quelques dégâts matériels dans
la rue de la Madeleine.
L'hôpital militaire de la côte Saint-Michel était
particulièrement visé : dégâts peu importants.
Mais le retour de ces malfaiteurs n'a pas été
heureux : un avion, atteint par les batteries de
Douaumont, est allé s'abattre dans le bois de
Beaumont ; l'appareil est détruit et les deux
officiers qui le montaient, assez grièvement blessés
dans leur chute, ont été fait prisonniers.
Il paraîtrait que cette expédition allemande contre
la Cathédrale et l'hôpital est une vengeance des
dégâts causés la veille par nos aviateurs au magasin
de ravitaillement que les ennemis avaient installé à
Spincourt.
LES AVIONS ENNEMIS
Jeudi 4 mars, vers midi, un avion ennemi, survolant
à une grande hauteur, se dirigeait vers Nancy. Il
arrivait au-dessus de Maxéville, lorsqu'il fut
aperçu par nos artilleurs qui faisaient bonne garde.
Plusieurs coups de canon furent tirés dans la
direction de l'avion qui, se voyant découvert,
s'empressa de rebrousser chemin.
Un autre Taube avait reçu le même accueil dans la
matinée. Plusieurs de nos aviateurs donnèrent
également la chasse aux avions ennemis, qui, à toute
vitesse, battirent en retraite.
De nombreux spectateurs ont suivi attentivement
chacune de ces chasses émotionnantes et, certes, ils
n'auraient jamais voulu se réfugier sous les voûtes
protectrices des caves, lorsque surtout, vers midi,
ils virent le Taube piquer droit vers le sol comme
s'il avait été touché par un projectile, pendant que
nos biplans faisaient un superbe virage vers leur
nid.
La chasse était terminée.
RÉPARATION DES DOMMAGES de GUERRE
La Chambre de commerce de Nancy,
Considérant qu'il y des routes d'invasion, comme des
champs de bataille, prédestinés ;
Considérant que cette prédestination voue toujours
les mêmes Marches du Pays aux mêmes misères et aux
mêmes horreurs, alors que les autres régions restent
indemnes et que parfois même elles peuvent
bénéficier de la fermeture des usines et des
comptoirs sis dans les régions menacées ou envahies
;
Considérant que si des horreurs de la guerre ne
peuvent pas être épargnées aux Marches du Pays, il y
a lieu pour elles de réparer au moins le réparable,
c'est-à-dire les dommages matériels ;
Considérant, au surplus, que la Patrie est la mise
en commun de toutes les charges individuelles ; que
la France est assez riche pour rembourser aux
populations envahies tout ce que celles-ci ont dû
payer pour elle ;
Ayant la conviction que personne, sans froisser le
sentiment intime de la solidarité nationale n'osera
prétendre que quarante millions de Français sont
incapables de réparer les pertes qu'auront subies
les quatre millions de Français qu'on a laissé
envahir pour permettre à nos armes de choisir leur
terrain de bataille, et que ces quatre initions de
Français sont capables de supporter ces charges ;
Considérant, d'ailleurs, le mouvement unanime: de
solidarité qui s'est, depuis longtemps, manifesté
dans le pays en faveur de la réparation de tous les
dommages causés par la guerre ;
Considérant, les mesures qui; sont ou vont être en
vue de la constatation et de l'évaluation de tous
les dommages subis par les collectivités et les
particuliers ;
Considérant que le département de
Meurthe-et-Moselle, qui forme la circonscription de
la Chambre de Commerce de Nancy, est parmi ceux qui
ont le plus souffert ; que, déjà gravement atteint,
il risque de l'être plus encore dans ses ressources
minières et dans son outillage économique :
établissements commerciaux et industriels, ateliers,
usines, manufactures, instruments de travail et de
production, que les principaux éléments de cet
ensemble, fraction importante de la fortune
nationale, sont actuellement entre les mains de
l'ennemi qui peut avoir intérêt à les détruire à un
moment donné ;
Estimant que la réparation, pour être équitable,
doit être intégrale et se faire sur la base des
pertes réellement subies à l'exclusion de toute
autre considération ;
Que cette réparation n'acquerra toute sa portée, au
point de vue de l'avenir des régions envahies et
spécialement du retour à leur foyer des populations
dispersées, que si le principe en est proclamé sans
retard et sans réticence dans une loi ;
Emet le voeu :
a) Que les dommages matériels causés par la guerre
aux collectivités : départements. communes,
établissements et services publics, et aux
particuliers, soient mis à la charge de la nation
qui en assurera la réparation intégrale. sans faire
aucune distinction de condition de personnes ou de
sociétés commerciales ou industrielles. ni de nature
de dommages ;
b) Et qu'une loi consacre formellement et à bref
délai le principe de cette réparation.
LES BRAVES GENS D'ARRACOURT
M. Auguste Maire, avec treize otages, est enfermé à
Dieuze. - Il est traduit devant un conseil de
guerre. - Un roman extraordinaire.
Dans le « Journal », le maire d'Arracourt, M.
Auguste Maire, raconte comment la « Strassburger
Post » fit de lui un héros de roman, en l'accusant
d'avoir tué d'un coup de revolver une servante de
ferme, suspecte à ses yeux de tendresse complaisante
pour l'Allemagne.
Mais il avait expié aussitôt ce crime, un lieutenant
de uhlans lui fendit le crâne d'un coup de sabre.
M. Auguste Maire apprit cette histoire fantastique à
Dieuze, où un de ses geôliers lui montra la «
Strassburger Post » et s'étonna fort qu'un homme
aussi bien tué figurât encore - vivant et même bon
vivant - parmi les otages lorrains.
Combien d'autres inventions « ejusdem farinae » la
crédulité boche a-t-elle acceptées depuis lors sans
contrôle !
Enfermé à Dieuze, le maire d'Arracourt y vécut avec
plusieurs habitants de sa commune, dont il indique
les noms : M. l'abbé Lacour ; M. le docteur Louis ;
M. Gespérier, instituteur ; M. Pernet, conseiller
d'arrondissement ; M. Simonin, hôtelier ; M.
Jacquot, boulanger ; M. Caussant ; M. Adrit, juge de
paix ; MM. Eve, François et Pastel, ses suppléants ;
M. Simonin Saturnin ; M. Gougelin, cultivateur ; M.
Becker, instituteur, soit, en tout, treize personnes
choisies parmi les notables.
M. Caussant, ou Colson, mourut à Ingolstadt où il
fut interné plus tard, dans un camp de
concentration.
Notre confrère, « Le Journal », tient aussi de M.
Auguste Maire quelques renseignements sur la manière
dont furent pratiquées les premières réquisitions
dans le même village de notre frontière.
« Les Boches s'avisèrent de mettre à contribution le
pays en exigeant la livraison immédiate de quatre
quintaux d'avoine.
« - Les granges sont vides, objectèrent les
fermiers.
« - Allez dans vos champs terminer la moisson.
« - Nous manquons de liens en paille pour attacher
les gerbes.
« - Vous prendrez des cordes.
« - On n'en a pas.
« - Tant pis... Faites des lanières avec vos draps.
Il nous faut demain matin, du blé pour les hommes,
de l'avoine pour les chevaux. On utilisera vos
machines a battre. Que tout soit prêt, sinon, ... »
« Un geste de colère acheva la phrase.
« La population agricole d'Arracourt se répandit
alors dans les champs et récolta quatorze quintaux
de céréales. Les Boches emportèrent tout. Privés du
droit de porter leur grain au moulin, les habitants
furent obligés de le moudre dans les moulins à café.
»
Le départ des otages eut lieu le 14 septembre. En
chemin, à Vic, un sous-officier jugea spirituel de
railler la détresse des pauvres gens qui s'en
allaient tristement vers l'exil. Il apostropha M.
Auguste Maire sur un ton goguenard :
- « Chante-nous donc maintenant : Allons enfants de
la patrie.
Dans la caserne de Dieuze, deux cent cinquante
prisonniers civils souffraient de la maladie et des
privations. Parmi les personnalités ainsi réunies,
citons M. Veillon, maire de Val-et-Chatillon ; M.
Cailleux, secrétaire de mairie, et M. Klein,
négociant dans cette commune ; M. Colin, maire de
Ley ; M. Masson, cultivateur à Xanrey ; M. l'abbé
Evrard, professeur dans un collège parisien ; M.
Parmentier, de Repaix, etc.
Un des fils de M. de Guichen, maire prisonnier de
Cirey, remplissait les fonctions d'interprète et
travaillait dans le bureau même du capitaine.
Pendant leur séjour à Dieuze, les otages durent
naturellement prêter l'oreille aux exploits
fantastiques du kaiser et de ses invincibles
généraux. La prise de Paris et la chute de Verdun
n'avaient pas fait un pli.
Parmi les prisonniers, le maire d'Arracourt connut
une femme condamnée à six semaines de prison pour
avoir recouvert avec du fumier la fosse d'un soldat
allemand.
Un fermier fut puni de deux mois et demi de la même
peine pour avoir facilité l'évasion d'un soldat ; un
cantonnier fut arrêté sur la route avec un sieur
Simon, sous prétexte qu'on avait tiré sur une
patrouille allemande et qu'ils refusaient de
dénoncer l'auteur de cette fusillade ; deux braves
Lorrains, coupables d'avoir éclairé les fenêtres du
cellier où ils préparaient la vendange, gémissaient
également sur la paille humide des cellules, parce
que la justice militaire leur reprochait d'avoir
fait des signaux lumineux à l'ennemi...
Un Boche - le cas est plutôt rare - était sous les
verrous pour avoir provoqué l'explosion d'un pétard
et déclaré ensuite que des soldats français avaient
tiré sur lui. Pour une fois, le mensonge était
châtié !
M. Auguste Maire, de qui nous tenons ces.
renseignements, déclare qu'au départ des otages
d'Arracourt, le village avait fort souffert des obus
:
- J'ai comparu devant un conseil de guerre prussien,
nous dit-il. J'ai été acquitté. Un journal m'a
présenté ensuite à ses lecteurs sous les traits d'un
assassin ; j'ai subi toute sorte d'ennuis,
d'avanies, de misères. Mais je me consolerai vite
quand la victoire me permettra prochainement de
rentrer dans ma petite maison. Quel bonheur de
retrouver à l'ombre de notre vieux clocher les amis
qui, malgré tant d'amertumes, ont gardé intacts leur
espoir, leur courage, leur foi dans le triomphe de
3a justice et dans les glorieuses destinées de la
France. »
MARCEL DURIEUX.
L'OCCUPATION A NORROY-LES-PONT-A-MOUSSON
Une personne qui a quitté Norroy vers le 10 janvier,
pour être rapatriée en France par la Suisse, a donné
à l'un de nos confrères quelques détails sur
l'occupation de cette commune par les Boches.
Jusqu'au moment de son départ, aucun habitant
n'avait été molesté. Les vignes situées à proximité
du village ont seules pu être vendangées. Ailleurs,
les raisins ont été mangés par des soldats. La
cueillette du houblon et la récolte des pommes de
terre n'ont pu être faites que partiellement. Il
était défendu d'aller dans les champs sans être
accompagné par des soldats, et encore, il ne fallait
pas dépasser une certaine limite. Une fois six
heures du soir, il était défendu de sortir des
maisons et d'avoir aucune lumière. Il n'y a guère
qu'une centaine de Boches dans le village. Les
autres se trouvent en grand nombre dans les
tranchées et les carrières. Ils ne se déplacent que
la nuit. Vers novembre, tous les hommes de 14 à 50
ans ont été emmenés les uns dans les camps de
Bavière, les autres à Dieuze. Au cours des duels
d'artillerie qui eurent lieu dans le bois Le Prêtre,
des obus français tombèrent sur Norroy : six ou sept
brisèrent les vitres et firent quelques dégâts à la
maison de M. Georges Lombard, l'ancien huissier de
Pont-à-Mousson. Mme Lombard et sa fillette,
réfugiées dans la cave, n'ont pas été atteintes.
L'immeuble de M. Vilmet-Caille a été en partie
détruit par l'incendie.
L'écurie de M. Emile Gauthier, qui renfermait une
grande quantité de fourrage, brûla pendant plus de
huit jours. Brûlée également par les obus la maison
de M. Parisot. maire de Norroy. Un immeuble
appartenant à Mme Bertrand est devenu inhabitable,
quelques autres ont été plus ou moins endommagés. M.
Adolphe Single, atteint par un éclat d'obus alors
qu'il traversait une rue du village, succomba peu
après. Mme Dassonville et un fils Chardard ont été
blessés et transportés par les Allemands à l'hôpital
de Metz.
Vers la fin de novembre, les Boches
réquisitionnèrent tout le vin qu'il y avait dans les
caves bien garnies de Norroy.
Le ravitaillement se faisait assez facilement par
Metz, et jusqu'au mois de janvier, les habitants
n'avaient manqué de rien. Le pain se vendait en
morceaux qui ne pesaient guère plus d'un kilo et
coûtaient 0 fr. 90.
DES NOUVELLES DE CIREY
Bombardement et pillages. - Mitrailleuses dans le
clocher. - On conduit à Dieuze les hommes
mobilisables. - L'audacieuse évasion d'un chass'
d'Af'
Nous avons en son temps publié le récit nu jour le
jour, des événements qui ont suivi, à Cirey, et dans
les environs, la déclaration de guerre.
Un ouvrier d'usine, M. S... qui a pu demeurer dans
Cirey jusqu'au 18 décembre, a été évacué à cette
date sur Deutsch-Avricourt, puis sur Dieuze d'où,
compris peu de jours après dans un convoi de
malades, il gagna la France par Rastadt, Schaffouse
et Genève.
Nous n'entrerons point dans le détail de cette
odyssée. Elle reproduit fidèlement l'existence
qu'ont menée nos nationaux dans les casernes, les
prisons ou les baraquements des camps de
concentration allemands.
Notons simplement qu'à Dieuze, les internés
occupèrent la caserne du 138e de ligne où se
trouvaient des détachements de chevau-légers :
- Le surlendemain de notre arrivée, raconte M. S...,
des avions français survolèrent la garnison. Ils
lancèrent trois bombes. L'une tomba sur les salines
; la deuxième éclata dans la caserne et l'autre
faillit détruire les pièces d'artillerie qu'on avait
rangées dans une des cours du quartier. »
En ce qui concerne les événements dont Cirey, son
pays d'origine, fut le théâtre, M. S. fournit des
renseignements précis.
La coquette cité fut bombardée à deux reprises, une
première fois pendant les journées des 22 et 23
août, puis les 12 et 13 novembre. On enregistra la
mort d'une seule victime :
- A propos du premier bombardement, dit M. S..., il
est nécessaire d'anéantir une légende qui s'est
répandue je ne sais comment dans notre région. On a
prétendu qu'à l'occasion de la foire annuelle de la
Saint-Bernard qui attire ordinairement dans Cirey la
population des environs, les officiers allemands
avaient organisé des bals, des réjouissances
populaires. La jeunesse du pays se serait amusée et
les gentes demoiselles auraient dansé en compagnie
des Boches. C'est faux. La foire de Saint-Bernard
n'eut pas lieu. En fait de quadrilles, le dimanche
23 août, ce furent les Boches qui exécutèrent des «
figures » réglées non par les violons mais par nos
canons et nos mitrailleuses... »
Suivant son excellente habitude, l'ennemi passait
son temps mieux qu'au bal. On pillait. On
chapardait. Toutes les maisons précipitamment
évacuées par les habitants furent dévalisées de la
cave au grenier - la cave surtout. Les femmes
d'officiers vinrent, comme à Raon-l'Etape, choisir
les objets à leur convenance, meubles, tapisseries,
tableaux, etc.
La horde joignait l'utile à l'agréable. Cinquante
camions automobiles furent mobilisés durant une
quinzaine de jours, vers fin août, pour le transport
en Allemagne des cotons bruts et des cotons teints
enlevés dans les usines de la Société cotonnière
lorraine et de la Société Bechmann et Cie. La voie
ferrée fut utilisée pendant une semaine pour le même
trafic.
Le matériel mécanique, le cuivre des coussinets et
des chaudières, les courroies de transmission en
cuir composèrent un butin auquel le cambriolage en
règle des manufactures ajouta les approvisionnements
de houille et de bois. Un chantier de planches, près
de la gare, fut « déménagé » tout entier ; les
dépôts de houille, les gros tubes de gaz comprimé
appartenant à la compagnie de l'Est disparurent
comme par enchantement Les pillards firent mine, de
payer... avec des bons de réquisition. »
On présumait qu'après les exploits de ces
détrousseurs, Cirey jouirait d'une tranquillité
relative. Au bout de quatre mois, les Allemands
s'avisèrent de procéder à un nouvel inventaire et,
le 17 décembre, ils dressèrent minutieusement la
liste des dynamos, des batteries de cuisine, des
instruments en métal, des denrées, de tout ce qui
pouvait se convertir en munitions pour leurs armes
ou en subsistance pour leurs estomacs :
- L'inventaire n'a pas oublié les glaces de l'usine,
indique M. S..., qui ont été emportées, à
l'exception de celles que les Boches détruisirent
afin d'en répandre les débris sur les routes, aux
abords de Cirey.
C'était là une mesure de précaution contre les
patrouilles de cavalerie française dont l'ennemi
avait fréquemment souffert... »
Les attaques, en effet, se multiplièrent pendant la
période d'occupation.
On fit sauter plusieurs tranchées allemandes sur la
route de Petitmont ; on en démolit d'autres entre
Val et la forêt de Chatillon ; on compta en un seul
jour 300 tués et blessés et la reconnaissance
heureuse d'une de nos patrouilles fut marquée peu
après par 1.500 prisonniers :
- Les échecs irritaient l'humeur des Boches, déclare
M. S... Pourtant la ville de Cirey fut relativement
épargnée. Le clocher reçut un aménagement spécial
pour l'installation de mitrailleuses et, comme la
partie supérieure dut être supprimée, les Allemands
s'écriaient en montrant leur ouvrage : « Voyez donc
comment les soldats français ont canonné votre
pauvre clocher ! » Le petit village de Parux n'est
plus qu'un monceau de ruines ; mais, par contre, les
hameaux de Tanconville, de Frémonville, entre
Blâmont et Cirey, n'ont pas trop souffert... »
Le commandant d'étape était logé chez M. Mazerand,
que l'autorité militaire avait désigné, en
remplacement du maire, M. de Guichen, emmené en
captivité, pour remplir les fonctions
d'administrateur de Cirey. Il faut le proclamer à sa
louange, M. Mazerand s'acquitta de sa charge
délicate avec un sang-froid, une fermeté, un
patriotisme admirables :
- Le 18 décembre, poursuit notre interlocuteur, les
jeunes gens des classes 1914 et 1915 furent
convoqués, en même temps que les hommes âgés de
moins de 45 ans. Un détachement de 44 habitants se
forma sur la place de la mairie. Neuf personnes, en
raison de la gravité de leur état, ne purent se
présenter... Une émotion profonde serrait les coeurs.
A l'heure des adieux, M. Mazerand prononça une
courte allocution ; il dit qu'à son grand regret,
hélas ! il n'avait pu réussir à fléchir l'autorité
du vainqueur, qu'il regrettait sincèrement de nous
voir ainsi quitter le pays, mais qu'il comptait nous
revoir bientôt. Tout le monde avait les larmes aux
yeux.
Le cortège partit à pied pour Avricourt. Une escorte
d'infanterie saxonne accompagnait ces malheureux
dont la plupart attendent encore que l'Allemagne
ouvre devant eux les portes d'un long et douloureux
exil.
Deux jours après, on sut que deux conscrits de la
classe 1914 s'étaient évadés de la caserne de
Dieuze. Un avis informa alors la population que «
s'ils rentraient à Cirey les déserteurs devraient
être aussitôt dénoncés, « sous peine de mort pour
quiconque leur donnerait asile et d'incendie de la
maison où ils auraient trouvé un refuge. »
Au nombre des incidents qui frappèrent l'attention
publique, M. S... raconte l'audacieuse évasion d'un
chasseur d'Afrique dont le courage ne se démentit
pas un seul instant.
Quand il comparut à la kommandatur, le prisonnier
grommela entre ses dents : « Je suis dans leurs
sales griffes ; mais cette bande de s... ne me tient
pas encore... »
Deux cyclistes furent chargés de le conduire à
Val-et-Chatillon. Chemin faisant notre chass d'Af'
essaya de lier conversation. Il acquit sans peine la
conviction que ses gardiens ignoraient totalement
notre langue, il en profita.
Rien d'ennuyeux, pour des cyclistes, comme de régler
leur vitesse sur la marche d'un piéton à côté duquel
on roule. Les deux Boches sautaient donc en selle,
s'éloignaient d'une centaine de mètres, allaient et
venaient comme des chiens de berger, sans
interrompre leur surveillance.
Soudain, le chass d'Af aperçoit dans l'herbe, au
bord de la route, une sorte de matraque. Une femme
passait. Il l'apostrophe : « Hé ! ramassez vite
cette trique-là... »
C'était un bout de câble électrique, à la fois
rigide et souple Le prisonnier dut éprouver une joie
intense. Habilement il dissimule cette arme terrible
et, au moment où les cyclistes, carabine au dos,
sont à bonne portée, il les étend roides sur le sol
: chaque coup abat son homme !
Sans perdre une seconde, le prisonnier enfourche la
meilleure bécane - et disparaît dans la direction de
Badonviller.
Il court encore.
ACHILLE LIÉGEOIS.
REIMS SUBIT TOUJOURS LEUR RAGE
Dans les Dunes de Belgique, à douze reprises, ils
sont repoussés. - Vers Arras, on leur capture une
compagnie de mitrailleuses et, en Champagne, une
compagnie entière de la garde. -- Nous les
repoussons et progressons en Argonne, en Lorraine,
en Vosges et en Alsace.
Paris, 6 mars, 0 h. 53.
Voici le communiqué. officiel du 5 mars, 23 heures :
En Belgique, dans la région des dunes, nous avons
organisé solidement une tranchée avancée enlevée
hier par nos troupes. Les Allemands ont essayé de
pousser leurs tranchées en contact avec les nôtres,
mais notre feu les a dispersés à douze reprises.
Au nord d'Arras, nos contre-attaques, dans la région
de Notre-Dame-de-Lorette, ont été couronnées d'un
plein succès.
Dans la soirée de jeudi, nous avons pris une
compagnie de mitrailleuses.
Dans la journée de vendredi, sur une nouvelle
attaque de l'ennemi, nous avons riposté et refoulé
les assaillants au delà de leur point de départ.
Nous avons repris les éléments avancés restés depuis
deux jours en leur possession et avons fait de
nombreux prisonniers.
Reims a été bombardée toute la journée.
En Champagne, dans la région de Perthes, progrès
marqués. Dans la soirée de jeudi, une compagnie de
la Garde s'est trouvée encerclée dans nos lignes, et
elle est restée entre nos mains, malgré les efforts
tentés pour la dégager.
Dans la journée de vendredi, nous avons occupé, au
nord du même village, un saillant où nous avons fait
des prisonniers. Nous avons conquis six cents mètres
de tranchées sur deux cents mètres de profondeur, au
delà de la croupe qui est au nord-est de Mesnil et
nous avons progressé dans les bois voisins. Nous
nous sommes rendus enfin maîtres de plusieurs
tranchées dans les ravins au nord-ouest de
Beauséjour.
De l'aveu des prisonniers, les pertes de l'ennemi
sont extrêmement élevées. Quant au moral de nos
troupes, il est excellent En Argonne, à Vauquois,
nous avons fait d'importants progrès dans la partie
ouest du village, la seule que les Allemands
tiennent encore.
Dans le bois Le-Prêtre, au nord-ouest de
Pont-à-Mousson, une attaque allemande a été
facilement repoussée.
Dans la région de Badonviller et dans la région de
Celles, nos attaques ont progressé jusqu'au contact
immédiat des fils de fer de l'ennemi, dont nous
avons repoussé une contre-attaque.
En Alsace, à Hartmansvilerkopf, nous avons enlevé
des tranchées, un fortin et pris deux mitrailleuses.
LES ATROCITÉS DE
NOMEMY
Témoignage irréfutable de la barbarie allemande
Dernièrement, un de nos soldats ramassait, dans une
tranchée conquise, le carnet de route du soldat
F..., du 8e régiment d'infanterie bavarois. Il fut
transmis à l'état-major de la division. Le soldat
F...
y relatait toutes les opérations auxquelles il avait
participé depuis le début de la guerre. Sur le
premier feuillet, voici, ce qu'on pouvait lire :
« Nous (la 33e division de réserve) avons quitté
Metz Le 19 août, dans la direction sud vers Nomeny.
Le 19 août, nous avons passé la nuit à Chesny et le
lendemain matin, à 5 h. 20, nous avons continué
notre marche. Vers 11 heures et demie, nous sommes
arrivés à Mailly, où nous avons campé derrière le
village jusque vers 5 heures. Pendant ce temps,
l'artillerie française du fort du Mont-Toulon nous
canonna quoique avec très peu de succès. Un obus
tomba dans le voisinage de la 11e compagnie,
blessant sept hommes, parmi lesquels trois
grièvement. A 5 heures du soir, ordre nous fut donné
par le commandant du régiment de fusiller tous les
habitants mâles de Nomeny et de détruire la ville de
fond en comble, parce que Les gens essayaient
sottement de s'opposer, les armes à la main, à
l'avance des troupes allemandes. Nous avons pénétré
dans les maisons, nous nous sommes emparés de tous
ceux qui ont fait de la résistance pour les passer
par les armes. Nous mîmes le feu aux maisons que
notre artillerie et l'artillerie française n'avaient
pas encore incendiées, et presque toute la ville fut
brûlée. Ce fut un tableau terrible que de voir
rassemblés comme du bétail les femmes et les
enfants, privés de tout secours et de tout moyen de
subsistance pour être refoules ensuite vers la
France. »
Les Allemands ne pourront plus soutenir après cela
qu'ils sont injustement accusés ; le témoin de leurs
crimes ne saurait, cette fois, leur être suspect,
puisque c'est un soldat allemand.
RETOUR D'OTAGES LORRAINS
La Chambre de Commerce de Nancy s'est procuré une
nouvelle liste d'habitants de la Meuse, actuellement
réfugiés dans les arrondissements du Vigan et
d'Uzès, qu'elle nous communique pour nos lecteurs :
ARRONDISSEMENT DU VIGAN
Neyris Georges, à Septsarges ; Stelly Albert, à
Lamarche ; Rognon Arsène, à Verdun ; Laurent Alcide,
aux Halles ; Picart Georges, à Dannevoux ; Léger
Camille, à Montigny ; Poncelet Gaston, à Haraumont,
Dufour Marcel, à Sivry ; Landroit Léonce, à Nepvant
; Gavard Louis, à Brandeville ; Homard Paul, à
Brabant ; Drouet Georges, à Mouzay ; Raulet
Philogène, Lamoureux Charles, aux Halles ; Borre
Léon, Borre Louis, à Ecurey ; Lallemand Alphonse,
Lallement Emilie, Lallemand Julienne, Lallemand
Léontine, à Wadonville ; Petitjean lrma, Petitjean
Sébastien, à Pareid ; Cojen Marcel, à Abbeville ;
Joly Théophile, jJly Lehallé, Joly Lucien, Joly
Denise, à Lanhères ; Thérot Justin, à Chaillon ;
Schaffer Marie, Schaffer Lucien, Schaffer Germain,
Schaffer Paul, Schaffer Léon, à, Beney, Jeantrelle
Martine, Jeantrelle Raymond, Jeantrelle Roger, à
Bruzy ; Pécheur Louise, Pécheur Marie, Pécheur
Jeanne, de Lahayville ; Janot Emile, Janot Hermance,
Lanbultry Augustine, Lambultry Gustave, Chabaux
Athalie, à Varnéville ; Janot Lucien, Janot Armand,
Front Her mance, Front Joseph-Auguste, à Varnéville
; Gasson Lucien, Gasson Marie, Gasson Lucie, Gasson
Julien, Gasson Marie, Gasson Martial, Gasson Hubert,
Gasson Louis, Gasson Suzanne, de Spada ; Renaudin
Alfred, Noël Jean-Baptiste, à Vedrimay ; Poirot
Berthe, Poirot Victor, à Vattonville ; Jeaudin
Ernestine, à Lacroix-surMeuse ; Wambru Maria, Wambru
Georges, Wambru Irène, Marchal Marie-Joséphine,
Marchal Suzanne, Chiriot Douvrine, Lapan
Marie-Suzanne, à Chaillon ; Pépin Alfred, à
Cartigny.
ARRONDISSEMENT D'UZÈS
Marchal Zénot, Poncelet Théophile, Gavard Louis, à
Laudun ; Bouchet Gabriel, à
Saint-André-de-Roquepertuis ; Lamiable Alfred, à
Saint-Alexandre, par Pont-Saint-Esprit : Doyen
Joseph; Noël Alexis, Marquet Jules, à Laudun.
APPEL pour la RECONSTRUCTION
DE CLERMONT-EN-ARGONNE
Le Comité d'assistance et de ravitaillement de
l'arrondissement de Verdun, réuni le 18 février
1915, Considérant qu'il y a lieu d'envisager la
reconstruction dans les communes des bâtiments
détruits par l'ennemi, Qu'il pourrait résulter de
graves mécomptes, et notamment pour l'esthétique, en
laissant les propriétaires édifier de nouveaux
immeubles, sans que préalablement un nouveau plan
d'ensemble ait été dressé et approuvé par l'autorité
compétente, Qu'il y a lieu, en conséquence,
d'introduire dans le programme de réédification les
règles concernant le droit social, l'hygiène et la
santé publiques, de tenir compte des sites, des
conditions de la vie, des ressources que peuvent
présenter chacune des localités, non seulement dans
le présent, mais aussi dans l'avenir.
Décide, en ce qui concerne tout d'abord
Clermont-en-Argonne, ville de touristes, de petites
industries et de culture dont le centre est
détruit, et dans laquelle, sur 289 maisons
d'habitations, 63 seulement aux deux extrémités,
dont l'hôpital et les écoles, ont été épargnées par
le feu .
I. - D'ouvrir un concours entre les architectes et
paysagistes du département de la Meuse et des
départements limitrophes, pour présenter un plan de
systématisation de la nouvelle localité à
reconstruire, indiquant rues, places, jardins
publics, édifices publics, etc., laissant aux
candidats la plus grande initiative, leur demandant
toutefois des projets réalisables dans lesquels ils
ne devront pas négliger de tenir compte : 1° que les
questions d'expropriation seront limitées au strict
nécessaire ; 2° que les conditions d'hygiène
prescrites par les règlements sur la matière seront
strictement observées et appliquées jusque dans les
maisons à bon marché, l'aménagement de ruelles pour
l'évacuation des fumiers, etc. ; 3° que le projet
pourra comprendre deux types de petite villa ou
cottage à bon marché, avec plans et devis pouvant
utilement être adoptés par les habitants du pays dès
qu'ils seront dans l'intention dé reconstruire. Dans
ces projets, il y aura lieu de tenir compte des
ressources que présente le pays, notamment en
matériaux de construction. Une copie du plan
cadastral sera remise à chacun des candidats qui
désireront concourir.
II. - De créer pour ce concours un premier prix
d'une somme de 1.000 francs, un deuxième, prix d'une
somme de 500 fr. et un troisième prix d'une somme de
250 francs. Les projets devront être déposés au
Comité d'assistance et de ravitaillement de
l'arrondissement de Verdun, au plus tard pour le 31
mai prochain.
Les projets primés resteront la propriété exclusive
du Comité qui ne prend aucun engagement au sujet de
leur application. Quant aux projets non primés,
faute par leurs auteurs de les avoir retirés dans le
délai d'un mois à partir de la proclamation des
lauréats, ils seront également la propriété du
Comité. Chaque projet portera une épigraphe qui sera
reproduite sur une enveloppe cachetée renfermant les
nom et adresse du concurrent. Ces enveloppes ne
seront ouvertes qu'après la. décision du Jury. Le
jury sera composé des membres du Comité d'assistance
et de ravitaillement, auxquels seront adjoints M. le
Maire de Clermont-en-Argonne ainsi que les membres
présents du conseil municipal.
Signé : LE COMITÉ.
P.-S. - Pour tous renseignements, s'adresser à M.
Hillot, président de la Commission de reconstruction
des localités détruites dans l'arrondissement, ou à
M. Couten, vice-président du Comité, à la
sous-préfecture de Verdun, siège du Comité.
LE GOUVERNEMENT LUXEMBOURGEOIS
Son chef, M. Eyschen, proclama, en 1913, sa
sympathie pour la France au cours d'une fête
sportive. - M. Munchen, bourgmestre, parla dans le
même sens.
On a mené grand bruit dans les milieux diplomatiques
autour de la démission du cabinet luxembourgeois,
annoncée la semaine dernière par le « Berliner
Tageblad. »
Il convenait d'attendre, avant de commenter cette
nouvelle - vraie ou fausse - que les renseignements
vinssent éclairer les motifs de la détermination
prise ainsi par M. Eyschen, le chef du gouvernement.
Ces renseignements n'ont pas encore été produits.
Entre autres conjectures, on s'est demandé si,
pendant la période d'occupation allemande, M.
Eyschen n'avait pas témoigné à l'envahisseur des
sentiments en opposition avec ceux que n'a cessé de
manifester la population du Grand-Duché.
C'est le lieu de rappeler qu'en 1913, à l'occasion
d'une fête sportive, le ministre de France, M.
Ganderax, avait réuni en un déjeuner intime les
principales personnalités de Nancy et de Luxembourg,
les membres des comités de patronage et
d'organisation, notamment MM. le comte d'Annoville,
consul de France ; Munchen, maire et député de
Luxembourg ; Stumper, échevin ; Charles Jubert,
président de la Société française de bienfaisance ;
M. Laurent, maire de Nancy, et ses deux adjoints,
MM. Schertzer et Maringer ; les directeurs des
journaux organisateurs de la fête, l' « Est
Républicain » et l' « Indépendance luxembourgeoise
», etc...
Le toast de M. Eyschen commença par cette
déclaration :
« Ne soyez point surpris de vous sentir ici dans un
pays ami. Le Luxembourg intellectuel est une des
émanations de la pensée et de la civilisation de
votre pays. »
A l'appui de cette déclaration, le ministre d'Etat
conta une anecdote.
Lors d'une des dernières conférences de La Haye pour
la paix, il arriva en retard à la séance et s'assit
au hasard sur la chaise qui s'offrit à lui :
- J'eus ainsi pour voisins, dit-il, deux hommes à la
peau brune, que je pris pour deux nègres. Leur
présence m'intrigua fort. Qu'est-ce que pouvaient
faire ces nègres dans nos conférences ? De quelles
graves questions se préoccupaient-ils donc ?...
Soudain l'un d'eux prit la parole, au nom de la
République de Haïti qu'il représentait. Il
s'exprimait en français avec une clarté, une
élégance, une souplesse, une autorité remarquables.
Son discours fut goûté. L'orateur parla avec
beaucoup d'esprit et, quand il reprit sa place
auprès de moi, je lui exprimai mon étonnement.
« Le délégué haïtien me rappela alors brièvement
l'oeuvre de la France ; il m'annonça que l'usage de
la langue française, l'application de votre code
avaient survécu à toutes les révolutions. Ces pays
se louaient chaque jour de vivre sous un régime
imprégné de la pensée française et gouverné par des
lois françaises.
« Il ne faut donc point s'étonner de retrouver à la
frontière les bienfaits, le rayonnement d'une
civilisation qui a franchi les océans. »
M. Eyschen prononça ensuite un vif éloge de Nancy ;
il eut la coquetterie de prouver avec une rare
éloquence qu'il connaissait l'influence exercée par
notre ville dans le domaine de l'Art. II cita les
noms des Daum, des Prouvé, des Gallé ; il définit
exactement leur oeuvre et il affirma que leur
conception de l'art moderne magnifiait le retour aux
vérités éternelles de la nature.
Il conclut en ces termes :
- « Je bois à l'avenir de Nancy et je souhaite que
votre ministre soit apprécié et aimé en France comme
il l'est dans le Grand-Duché de Luxembourg. »
Après la patriotique déclaration de M. Eyschen, le
bourgmestre et député de la ville, M. Munchen, dit à
son tour que, par dessus d'impuissantes barrières,
les mains se tendent et les coeurs vibrent à
l'unisson:
- Les Luxembourgeois sont et resteront toujours
attachés profondément à la langue de Racine et de
Molière et, en général, à la culture française. »
N'avons-nous pas raison d'évoquer les manifestations
d'une aussi généreuse sympathie, dans le moment même
où la botte allemande foule grossièrement le sol du
pays des roses ?
Un an après, dans les mêmes circonstances, à la
veille des hostilités, le nouveau ministre de
France, M. Mollard, ancien introducteur des
ambassadeurs à l'Elysée, se retrouvait au milieu des
mêmes personnalités.
Cette fois, aucun discours ne fut prononcé, aucun
toast ne fut porté ; mais le caractère de la fête
contribuait à resserrer plus étroitement encore les
liens de solide et fidèle amitié qui unissent la
France et le Luxembourg.
LUDOVIC CHAVE.
LES PÊTROLEURS DU BOIS DE MALANCOURT
Paris, 6 mars, 15 h. 43.
Une note officielle raconte comment, le 26 février,
une tranchée conquise à l'ennemi, dans le bois de
Malancourt, au nord-ouest de Verdun, dut être
abandonnée par nos troupes, parce que les Allemands
l'avaient aspergé d'un liquide enflammé :
« Vers midi, nos hommes occupant ladite tranchée
virent une fumée abondante et épaisse s'élever
contre le parapet de leur ouvrage et sentirent un
vent brûlant s'abattre sur eux.
« Et, en quelques instants, ils furent inondés d'un
liquide enflammé qu'ils croyaient être du goudron.
« Les jets de ce liquide se répandaient sur eux à
travers la fumée, comme s'ils étaient lancés par des
pompes.
« Des Allemands, munis de cisailles, réussirent à
s'ouvrir un passage et à pénétrer dans la tranchée
en profitant de l'effet de la surprise produite sur
nos hommes.
« Ils cherchèrent à exploiter leur succès en gagnant
du terrain sous bois, mais nous réussîmes à
constituer en arrière un barrage solide, et, dès le
lendemain, une contre-attaque vigoureuse nous rendit
presque entièrement le terrain perdu.
« Il ne faut donc retenir de cet incident que
l'utilisation d'un procédé de combat renouvelé de
méthodes de guerre que l'on croyaient abolies.
« L'armée allemande, déjà pourvue d'un matériel
d'incendie réglementaire, a complété son outillage.
Un des blessés par le pétrole enflammé que les
Allemands lancèrent sur une de nos tranchées du bois
de Malancourt, a fait le récit suivant à un
rédacteur de la « Liberté » :
« C'était à la tombée de la nuit. La journée avait
été relativement calme ; rien ne laissait prévoir
une attaque des Boches. Soudain, un de nos camarades
s'écria : « Tiens, mais qu'est-ce qui tombe donc ?
On dirait du pétrole. » Sur le moment, nous sommes
restés incrédules. Mais il fallut se rendre à
l'évidence. Ce liquide, qui nous arrivait en deux
jets habilement dirigés, était bien du pétrole. Les
Boches nous le lançaient soit à l'aide de pompes à
incendie, volées dans quelque village, soit avec des
appareils spéciaux construits dans ce but. Le
sous-lieutenant qui nous commandait fit aussitôt
éteindre toutes les pipes. Précaution inutile; car
quelques secondes s'étaient à peine écoulées que les
grenades incendiaires commençaient à pleuvoir. La
tranchée s'enflamma en quelques instants. Pour
activer leur oeuvre barbare, les bandits, profitant
de notre désarroi, n'hésitèrent pas à s'approcher de
la tranchée et à y jeter des torches allumées. Aucun
d'entre nous n'échappa à ce torrent de feu ; nos
vêtements ruisselaient de pétrole. Nous fûmes
bientôt environnés de flammes et forcés, coûte que
coûte, à abandonner notre position devenue
intenable.
« Nous nous sommes donc repliés. Mais du moins nous
avons attendu nos camarades de seconde ligne qui, en
se retranchant à quelques mètres de la tranchée
incendiée, furent en mesure de résister à l'attaque
allemande qui se produisit dix minutes plus tard.
« Les pétroleurs expièrent durement leur forfait :
l'ardeur des nôtres était décuplée par leur désir de
nous venger. Une contre-attaque à la baïonnette,
menée avec une véritable furie, causa dans les rangs
ennemis des ravages terribles. Dès lors, les Boches
ne persévérèrent pas dans leur entreprise : ils
comprirent que leurs efforts resteraient vains et
ils gagnèrent leurs trous. Mais ils abandonnaient
cent cinquante morts, autant de blessés et
laissaient entre nos mains soixante prisonniers. »
Dans leur récit, les braves que nous avions en face
de nous avaient glissé modestement sur leur héroïque
résistance. Leur sous-lieutenant, lui-même
grièvement brûlé aux jambes et aux mains, nous
exprima son admiration pour la noble conduite de ses
hommes.
« - Malgré leurs profondes brûlures, nous dit-il,
ils eurent la force et le courage de supporter le
premier choc de l'ennemi et ils ne cédèrent que
lorsqu'ils eurent la certitude que leurs camarades
de seconde ligne étaient prêts à la résistance. Ces
malheureux, qui étaient devenus de véritables
torches vivantes, firent quand même le coup de feu,
dédaignant le danger et méprisant la mort. Qu'on est
fier d'avoir de tels hommes ! »
N'est-ce pas là l'éloge le plus beau qu'un chef
puisse faire à des soldats sublimes ?
Parmi les prisonniers que, deux heures plus tard,
une escouade amena à C., figurait un Silésien à
l'allure pesante, à la face dure, au regard mauvais.
Lorsqu'il passa sur le quai de la gare et qu'il
aperçut, attendant un second convoi sanitaire, les
Français étendus sur leurs civières, il ne put
réprimer un geste de frayeur.
« - Regarde ton oeuvre, lui dit en allemand l'un de
nous.
« - Non, non, se défendit l'Allemand, pas nous ;
officiers ! »
Mais son attitude hypocrite et embarrassée révélait
sa participation au crime et dénotait dans son âme
de brute la crainte du châtiment. »
UNE PANIQUE ALLEMANDE A VIÉVILLE-EN-HAYE
Leurs vaines attaques vers Parroy
Paris, 6 mars, 15 heures.
En Belgique, actions d'artillerie assez vives dans
les régions de Nieuport et d'Ypres.
De la Lys à l'Aisne, canonnade intermittente.
En Champagne, les progrès que nous avons réalisés
hier, dans le ravin au nord-ouest de Beauséjour, ont
amené les Allemands à faire, la nuit dernière, une
nouvelle contre-attaque qui a été repoussée.
Tous nos progrès dans la région de Perthes, signalés
par le communiqué de ce matin, ont été maintenus.
Près de Viéville-en-Haye (nord-ouest de
Pont-à-Mousson), des tirs bien réglés sur une ferme
ont déterminé une panique parmi les soldats
allemands qui l'occupaient.
Ceux-ci se sont enfuis vers les bois, poursuivis par
nos projectiles.
Près de la forêt de Parroy, de petites fractions
allemandes ont tenté, sans succès, d'attaquer nos
avant-postes.
Viéville-en-Haye est une commune du canton de
Thiaucourt, à 6 kilomètres au sud-est de cette
ville.
ÉCHECS ALLEMANDS
vers Arras, en Champagne et en Alsace
Paris, 7 mars, 0 h. 42.
Voici le communiqué officiel du 6 mars, 23 heures :
En Belgique, dans les dunes, notre artillerie a
exécuté des tirs très efficaces sur les batteries
lourdes de Westende.
Au nord d'Arras, dans la région de
Notre-Dame-de-Lorette, nos contre-attaques ont
continué à progresser. Les Allemands, qui ont engagé
de gros effectifs, ont subi un échec sérieux.
En Champagne, dans le ravin situé au nord-ouest de
Beauséjour, une contre-attaque allemande a été
repoussée. La pluie, qui est tombée toute la journée
a ralenti les opérations.
En Alsace, les progrès réalisés par nous dans les
Vosges, à Hartmansvilerkopf, portent sur trois cents
mètres de tranchées allemandes. Dans la soirée du 5
mars, nous avons repoussé une contre-attaque en face
de Uffholz et fait sauter un dépôt de munitions à
Cernay. Dans la nuit du 5 au 6 mars, nous avons
balayé des avant-postes ennemis qui tentaient de
s'établir sur le Sillakerkopf, contrefort Est du
Honeck.
LE 78e BOMBARDEMENT DE PONT-A-MOUSSON
Une trentaine d'obus allemands de 77 et de 106 sont
encore tombés sur Pont-à-Mousson. Les dégâts
matériels ne sont pas importants, mais une femme a
été tuée. C'est Mme Schmitt, veuve Kieffer, âgée de
55 ans, qui fut frappée par plusieurs éclats en
pleine poitrine. C'est la vingt-cinquième victime
civile et le 78e bombardement.
LES TAUBES SUR DIEULOUARD
Quatre ou cinq bombes de Taubes sont tombées, jeudi
4 mars, sur Dieulouard. On parlait d'une victime,
c'est heureusement faux. Il n'y a même pas eu de
dégâts matériels qui vaillent la peine d'être
relevés.
ZONES
dans lesquelles les militaires libérés peuvent fixer
leur résidence
Jusqu'à ce jour, il était interdit aux militaires
momentanément renvoyés, dans leurs foyers de se
retirer sur la partie du territoire située à l'Est
et au Nord de la ligne ci-après :
Limite orientale de l'arrondissement de Saint-Omer
et des cantons de Heuchin, St-Pol, Auxi, Doullens,
Domart, Villiers, Amiens, Molhen-Vidame, Conty,
Crèvecoeur-le-Grand, arrondissements de Beauvais,
Senlis, Château-Thierry, Epernay, cantons de
Châlons-sur-Marne, Eoury-surMoole,
Vitry-le-François, Thiéblemont, Bar-le-Duc,
Aneceville, Montiers-sur-Saulx, Gondrecourt,
Vaucouleurs, Colombey-lesBelles, Vézelise, Haroué,
Charmes, Châtel, Bruyères, Remiremont, Plombières,
Faucogney, Luxeuil, Lure, Villersexel,
L'Isle-sur-Doubs, Pont-de-Rodde, Saint-Hippolyte.
Dans le but de permettre, autant que possible, aux
hommes des régions qui ne sont plus occupées par
l'ennemi de rentrer dans leurs foyers, le ministre
de la guerre a décidé de réduire cette zone
interdite dont les limites seront désormais définies
par la ligne 2, formée par :
Limite Est et Nord des cantons de Steenworde,
Hazebrouck, Norrent-Fontes, Heuchin, Saint-Pol,
Avesnes-le-Comte, Doullehs, Domart, Villers, Corbie,
Moreuil, Ailly-sur-Noye, Maignelay, Saint-Just,
Estrées-Saint-Denis, Compiègne (partie située à
l'Est de l'Oise et au Sud de l'Aisne),
Villers-Cotterets, Oulchy-le-Château,
Fère-en-Tardenois, Fismes, Ville-en-Tardenois, Ay.
La ligne formée par :
1° La limite Nord-Est de l'arrondissement de Châlons
jusqu'à la voie ferrée Reims-Suippes ;
2° La voie ferrée Reims, Suippes, Sainte-Menehould,
Verdun ;
3° Le cours de la Meuse, de Verdun à la limite Sud
du canton de Souilly ; limite Est des cantons de
Souilly, Triaucourt, Vaubecourt, Vavincourt.
La ligne formée par :
1° La limite Nord du canton de Commercy, sur la rive
gauche de la Meuse ;
2° La voie ferrée Commercy-Toul ;
3° Le cours de la Moselle, de Toul à la Meurthe ;
4° Le cours de la Meurthe ;
5° La limite Nord du canton de Gérardmer jusqu'à la
frontière.
L'accès des localités se trouvant sur cette limite
est autorisé pour les hommes qui y sont domiciliés.
Les hommes ayant leur domicile dans la partie du
terrain comprise entre l'ancienne et la nouvelle
limite, c'est-à-dire entre les lignes 1 et 2, et qui
sont libérés ou le seront à l'avenir, pourront seuls
y fixer leur résidence.
Quant à ceux dont le domicile est situé au delà de
la ligne 2, ils continueront, comme par le passé, à
ne pouvoir fixer leur résidence au delà de la ligne
1 et devront faire connaître le lieu qu'ils ont
choisi comme résidence, de manière à être rapidement
touchés par l'ordre d'appel qui leur sera adressé
dès que l'autorité militaire jugera utile de les
convoquer à nouveau.
NOS PROGRÈS QUOTIDIENS
Tranchées enlevées vers Arras.
Avance en Champagne.
Victorieux coups de main en Alsace.
Paris, 7 mars, 15 heures.
Nous continuons à gagner du terrain au nord d'Arras,
dans la région de Notre-Dame-de-Lorette, où nos
contre-attaques ont enlevé plusieurs tranchées. Les
pertes de l'ennemi sont importantes.
En Champagne, nous avons légèrement progressé au
nord de Perthes et au nord-ouest de Beauséjour.
Dans les Vosges, nous avons enlevé successivement, à
l'ouest de Munster, les deux sommets du petit et du
grand Reichackerkopf. L'ennemi a contre-attaqué à
deux reprises, en partant de Muhlbach et de
Stossvihr, c'est-à-dire par le sud et par le nord.
Ces deux contre-attaques ont été complètement
repoussées.
Nous avons, d'autre part, sur la rive nord de la
Fecht, enlevé Inberg (un kilomètre sud-est de
Sultzeren). Ce succès a été complété, plus au nord,
par l'enlèvement de la cote 856, au sud de
HautesHuttes. Enfin, à l'Hartmansvilerkopf, nous
avons repoussé la contre-attaque de
[pages 68à 69 absentes]
de Maillé Rolande, 16 ans; Sauvage Joséphine, 33
ans; Pastant Marie, 34 ans; Pastant Robert, 14 ans ;
Bonnet Joséphine, 26 ans ; Bonnet Gilbert, 5 ans ;
Gourrier Richard, 31 ans ; Courrier André, 6 ans ;
Yong Gabrielle, 23 ans ; Pavent Léa, 27 ans ;
Sauvage Anne-Marie, 4 ans ; Grand Fernande, 22 ans :
Grand Angèle, 4 ans ; Thouvenin Marie, 37 ans ;
Thouvenin Fernande, 15 ans; Thouvenin Maurice, 8
ans; Thouvenin Marcel, 4 ans; Choiseul Sarah, 27 ans
; Choiseuil Jean, 13. mois ; Berthelemy Juliette, 31
ans ; Gaillard Berthe, 29 ans; Gaillard Odette, 18
mois; Ance Marie, 32 ans ; Antoine Jeanne, 28 ans ;
Antoine Paillette, 7 ans ; Antoine Fernand, 6 ans;
Luitz Constance, 24 ans ; Luitz Maurice, 5 ans,
Pfeiffer Marie, 33 ans ; Pfeiffer Jean, six ans ;
Pfeiffer Marie-Thérèse, 4 ans ; Pseiffer Anne-Marie,
9 ans ; Doudot Célestine, 28 ans ; Bernard Hélène,
31 ans; Bernard Rose-Léontine, 2 ans ; Bernard
Lucien, 4 ans ; Barbier GabrM, 12 ans ; Fromentin
Irma, institutrice, 29 ans ; Champigneulles
Germaine, 18 ans ; Champigneulles Fernande, 16 ans ;
Champigneulles Joséphine, 12 ans ; Arreng Madeleine,
24 ans ; Arreng Odile, 2 ans ; Lampert Eugénie, 31
ans ; Lampert Claire, 12 ans; Veuve Clément Adelle
de Gondrecourt, 55 ans ; Felten Marie, 41 ans ;
Felten Matdeleine, 12 ans ; Felten Simone, 9 ans ;
Champonnoer Cécile, 25 ans ; Lognon Anne, 61 ans ;
Lognon Catherine, 22 ans ; Vincent Alice, 25 ans ;
Tisserand Alphonsirue, 31 ans ; Noegelin Jean, 3 ans
; Guillaume Joséphine, 28 ans ; Guillaume Jean, 2
ans ; Puel Maxime 6 ans.
Homécourt. - Drouin Marie, 40 ans ; Drouin
Marie-Madeleine, 11 ans ; Hesse Julie, 43 ans ;
Ferant Lucie, 31 ans ; Simon Mathilde, 52 ans ; Daum
Suzanne, 52 ans; Daum Suzanne, 14 ans; Vanel Marcel,
7 ans ; Vanel Georgette, 3 ans ; Vanel Marie, 29 ans
; Goneré Renée, 8 ans ; Dufrède Paulette, 2 ans ;
Dufrède Simone, 3 ans.; Dufrède Georgette, 26 ans;
Dufrède Germaine, 5 ans ; Maillet Marie, 55 ans ;
Roussel Jeanne, 33 ans ; Roussel Henriette, 7 ans ;
Roussel Paul, 5 ans ; Humbert Vitalie, 42 ans;
Humbert Suzanne, 16 ans; Humbert Henri, 6 ans ;
Humbert Madeleine, 3 ans; Humbert Marie-Thérèse, 12
ans; Versinger Marie, 25 ans; Daudant Jeanne, 38
ans; Gréner Maria, 23 ans; Gréner Charles, 4 ans ;
Favre Andréa, 25 ans ; Favre Simone, 5 ans ; Arnould
Marie, 31 ans ; Rousel Jeanne, 93 ans ; Muller Anna,
26 ans ; Muller Albert, 7 ans ; MulLer MarieCécile,
5 ans ; Muller Félicien, 7 mois ; Fleurendidier
Marie, 42 ans; Fleurendidier Louis, 10 ans ;
Fleurendidier Jean, 7 ans ; Fleurendidier Georges, 2
ans et demi ; Grasjean Lucien; 4 ans ; Basson
Louise, 46 ans ; Molas Marie, 39 ans ; Molas
Fernande, 10 ans ; Molas Roger, 8 ans; Léger Andrée,
7 ans ; Léger Lucie, 22 ans; Lajeunesse Maurice, 16
ans; Sabouret Hortense, institutrice, 28 ans;
Sabouret Marc, 4 ans; Vincent Jeanne, 38 ans ;
Moucheront Emilienne, 20 ans; Decorte Léon, 1 an;
Perron Jeanne, 25 ans ; Hémer Geneviève, 37 ans;
Hémer Mora, 4 ans; Zenner Marie, 18 ans; Backès
Célina, 50 ans ; Backès Andrée, 19 ans; Backès
Roger, 8 ans; Porcheray Marie, 32 ans; Porcheray
Marcel, 8 ans; Urbain Juliette, 23 ans ; Mottain
Marguerite, 13 ans ; Claude Marie, 21 ans ; Laurent
Marie, 52 ans ; Laurent Gérard, 10 ans ; Lampert
Irène, 10 ans ; Lampert Catherine, 7 ans ; Lampert
Emile, 5 ans; Tribout Joséphine, 28 ans ; Tribout
Robert, 5 ans; Tribout Georgette, 2 ans; Tribout
Roger, 1 an ; Mottais Marie-Louise, 20 ans ; Mottais
Marie, 44 ans; Croma Hortense, 27 ans ; Croma
Marie-Louise, 6 ans ; Chomard Jeanne, 32 ans ;
Bertrand Marcel, 4 ans; Bertrand Alice, 7 ans;
Lemaire Clémence, 45 ans ; Besson, 58 ans ; Besison
Fernande, 20 ans; Grosjean Charles, 2 ans; Collavdez
Berthe, 31 ans; Belly Suzanne, 16 ans.
Auboué. - Baudry Louis, 68 ans; Félix Philippe, 63
ans; Guldener François, 60 ans; Muller Laurent, 54
ans; Perrin Marguerite, 27 ans; Perrin Yvonne, 6
mois et demi.
Villerupt. - Nord Marie, 32 ans; Nord Marie-Louise,
7 ans ; Nord Marcelle, 11 ans; Mercier Marie, 20
ans; Mercier Lucie, 15 ans ; Mercier Théophile, 5
ans ; Picard Berthe, 29 ans ; Picard Lucien, 9 ans;
Picard Raymond, 7 ans; Picard René-Emile, 4 ans;
Picard Maurice-André, 2 ans; Vagner Clémentine, 22
ans; Vagner Alfred, 2 ans.
Longwy. - Charroy Paul, 47 ans; Charroy Marguerite,
22 ans ; Charoy Charlotte, 20 ans; Charroy Suzanne,
17 ans ; Clesse Gabrielle, épouse Charroy, 40 ans ;
Etienne Charlotte, 6 ans.
Longlaville.- Chaumont Jeanne, 44 ans; Chaumont
Lucienne, 10 ans ; Chaumont
Marcelle, 13 ans; Averland Justine, 75 ans; Labille,
Marie, 36 ans; Labille Georges, 10 ans ; Labille
Edmond, 11 ans.
Valleroy. - Thever Adolphine, 43 ans ; Delporte
Victorine, 4 ans ; Faradon Charles, 2 ans; Faradon
Jeanne, 6 ans; Faradon Hellène, 24 ans; Faradon
Auguste, 2 mois; Perrandin Lucrèce, 43 ans;
Perrandin Rolland, 12 ans; Lallement Jeanne, 28 ans;
Lalllement Lucien, 10 ans; Lallement Maurice., 8
ans; Lallement Jean, 5 ans ; Lallement Yvonne, 3
ans; Moratille Hendette, 15 ans ; Plessière Marie,
45 ans ; Pisch Jeanne, 29 ans; Moratille Eugénie, 40
ans; Demmerle Hélène, 25 ans; Demmerle Fernand et
Robert 5 mois; Louvet. Albertine, 19 anis ; Amet
Eugène, 23 ans ; Amet Julienne, 7 ans; Amet Louise,
9 ans; Amet Roger, 2 ans; Pessier Gilberte, 11 ans;
Weyer Georgette, 36 ans: Weyer Gabriel, 12 ans ;
Antoine Eugénie, 30 ans ; Antoine Henri, 10 ans;
Antoine, Maurice, 8 ans; Antoine Marcel, 5
ans;Antoinc Paul, 3 ans; Moratille Pierrel, 12 ans;
Moratille Marcelle, 6 ans ; Moratille Robert, 1 an ;
Moratille Gilberte, 14 ans ; Leclerc Raymonde, 9
ans; Leclerc Victoria. 29 ans; Leclerc Raymond, 7
ans ; Leclerc Roger, 3 ans ; Honsiatix Germaine, 25
ans : Haureau Berthe, 29 ans ; Lamorlette Marie, 21
ans ; Fisch Jeanne, 29 ans.
Mancieulles. - Angeade Maire, 22 ans ; Corlouer
Joséphine, 24 ans ; Cuby Berthe, 30 ans.
Thil. - Bonnemaison Amélie, 67 ans ; Bonnemaison
Adrienne, 18 ans ; Bonnemaison Amélie, 14 ans ;
Bonnemaison Pierre, 12 ans.
Manoncourt. - Crouvizier Eugène, 52 ans.
Neuviller. - Dedot Joseph, 58 ans.
Arnaville. - Fangante Emile, 52 ans.
Domjevin. - François Emile, 59 ans.
Saint-Ail. - Franquin Sebastien, 73 ans.
Vandelainville. - Franquin Charles, 55 ans.
Mamey. - Gennetaire Jules, 57 ans.
Chavigny. - Agard Estelle, 28 ans.
Friauville. - Armand Célestin, 66 ans; Staar Eugène,
64 ans.
Mur ville. - Jacques Adélaïde, 75 ans ; Jacques
Marie, .38 ans.
Olley. - Lempereur Emélie, 28 ans ; L:'!t))pereur
Ernest, 2 ans.
Remoncourl. - Lhott Joseph, 51 ans.
Val-et-Chatillon - Rhor Arit, 50 ans.
Pont-à-Mousson. - Relot Marie, 25 ans.
Mars-la-Tour. - Relot Aimé, 11 ans.
Saint-Sivry. - Simon Victor, 49 ans.
Ville-sur-Yron. - Thouvenet Adrienne, 24 ans ;
Thouvenet Roger, 5 ans ; Thouvenet Albert, 4 ans.
Jarmj. - Tisserand Marie, 25 ans ; Tisserand René, 6
ans ; Flamant Jeanne, 25 ans ; Cateron Maria, 25 ans
; Kallmann Jeanne, 36 ans ; Kallmann Roger, 8 ans ;
Kallmann Renée, 5 ans ; Dalbrot Lévy, 35 ans ;
Darnaum Marie, 35 ans ; Darnaum Raoul, 3 ans ;
Darnaum Charles, 7 ans ; Darnaum Jeanne, 15 ans.
Rehon. - Unger Marcelle, 16 ans ; Unger Suzanne, 14
ans; Unger André, 11 ans.
Chambley. - Gaudelet Raymond, 24 ans.
Lachaussée. - Mousseaux Elie, 63 ans.
Droitaumont. - Dussapt Marie, 60 ans ; Moisson
Marie, 29 ans; Moisson Georgette, 6 ans ; Moisson
Reine, 3 ans; Boutley Gilberte, 20 ans; Bonnet
Léonie, 20 ans; Chanteloub Catherine. 21 ans ;
Chanteloub Gabrielle, 2 ans ; Petit Marie, 37 ans ;
Petit Marguerite, 13 ans ; Petit Alcide, 11 ans;
Petit Léonide, 9 ans; Petit Charles, 7 ans; Brelot
Marie-Fernande, 36 ans ; Brelot François, 11 ans ;
Brelot Jeanne-Marie, 10 ans ; Brelot Honoré, 2 ans.
Gondrecourt-Aix. - Florent Emeline, 32 ans ;
Delongre Alcide, 57 ans ; Archambaud Onésime, 65 ans
; Mayer Michel, 72 ans ; Cordinaux Germaine, 28 ans
; Cordinaux Suzanne, 6 ans ; Chemet Alice, 11 ans.
Doncourt. - Arnondo J.-B., 66 ans ; Marcon Marie, 22
ans.
Moineville. - Godon Mathilde, 30 ans ; Godon
Mathilde, 30 ans ; Pochard Stéphanie, 24 ans ;
Pochard Paul, 20 mois ; Godon Marcelle, 4 ans ;
Galère Marcel, 1 an; Gaignière Louise, 27 ans ;
Galère Robert, 2 ans ; Galère Marie, 22 ans.
Régnéville. - Labessière Théophile, 50 ans ; Spouler
Jean-Marcel, 48 ans.
Batilly. - Florentin Catherine, 45 ans ; Durenne
Marcel, 4 ans ; Durenne, Marie-Louise, 8 ans ;
Durenne Jeanne, 34 ans ; Schumacker Marcelle, 21
ans; Carlet Alice, 26 ans.
Jouaville. - Perrin Antoinette, 34 ans ; Perrin
Robert, 20 mois ; Perrin Marguerite, 9 ans.
Rouvres. - Wolff Mathilde, 47 ans ; Wolff Solange, 7
ans.
Bayonville. - Grillon Madeleine, 22 ans,
institutrice.
EN ALSACE
TOUCHANTE CÉRÉMONIE A DANNEMARIE
BELFORT, 8 mars. - Pendant que le canon tonnait non
loin de là, a eu lieu, sur la grand'place, à
Dannemarie, la remise de la rosette d'officier de la
Légion d'honneur à un chef de bataillon et de la
médaille militaire à un jeune soldat de la classe
1914.
Une foule considérable de la ville et des environs
assistait, dans un silence religieux à cette
cérémonie. Une place spéciale avait été réservée,
dans le carré formé par les troupes, aux vieux
combattants de 1870, porteurs de leur médaille
commémorative.
Le moment le plus impressionnant a été celui où,
après l'ouverture du ban, le général X... a remis
les décorations au nouveaux promus. Spontanément,
les Alsaciens se découvrirent et, des yeux de
beaucoup d'entre eux on vit couler des larmes de
joie.
La cérémonie s'est terminée par un magnifique défilé
au son de la marche de « Sambre-et-Meuse » et au cri
répété de : « Vive la France ! »
LEURS VIOLENTES ATTAQUES
n'aboutissent
QU'A DE SANGLANTS ÉCHECS
Paris, 8 mars, 15 heures.
En Champagne, rien d'important à ajouter au
communiqué de ce matin. Les progrès annoncés ont été
élargis. A la fin de la journée nous avons, en
outre, enlevé des tranchées au nord-ouest de Souain.
Les tranchées conquises par nous, entre Perthes et
Beauséjour représentent de quatre à cinq cents
mètres. Nous ayons fait des prisonniers, parmi
lesquels plusieurs officiers.
Dans la région des Hauts-de-Meuse, notre artillerie
lourde a, déclarent les prisonniers, gravement
détérioré un canon de 42 centimètres récemment mis
en batterie par l'ennemi. Cette pièce a dû être
démontée et envoyée à l'arrière pour réparations.
Quatre servants ont été tués et sept blessés.
En Lorraine, nous avons progressé au nord de
Badonviller.
Dans les Vosges, au Reichaekerkopf, les Allemands
ont violement contre-attaqué. A la fin de
l'après-midi d'hier, ils ont nu, un instant, prendre
pied sur la crête ; mais, après de furieux corps à
corps, nos chasseurs les ont rejetés et sont restés
définitivement maîtres du Reichackerkopf.
Les pertes subies par l'ennemi sont extrêmement
lourdes.
En Haute-Alsace, au sud de la gare de Bornhaupt, une
attaque a été tentée contre nos positions avancées
Elle a été dispersée par le feu de notre infanterie.
DE MÊME QU'EN CHAMPAGNE
le succès nous sourit vers St-Mihiel, Badonviller,
dans le bois Le Prêtre et en Alsace
Paris, 9 mars, 1 h. 05.
Voici le communiqué officiel du 8 mars, 3 heures :
En Champagne, des tempêtes de neige ont gêné, à
diverses reprises, les opérations dans le courant de
!a journée.
La matin, l'ennemi a tenté de reprendre un bois
enlevé par nous, hier, à l'ouest de Perthes. Il a
été repoussé et notre contre-offensive nous a permis
de gagner du terrain vers le nord et vers l'est, en
faisant des prisonniers.
Notre progression a continué, et s'est accentuée
l'après-midi.
Dans la région de Perthes, nous avons gagné plus de
500 mètres de tranchées.
Entre Mesnil et Beausejour nous avons perdu quelques
mètres des tranchées conquises hier, mais nous avons
gagné une centaine de mètres sur la croupe au
nord-est de Mesnil. Dans la région de Saint-Mihiel,
au bois Brûlé, dans la forêt d'Apremont, nous avons
pris pied dans une tranchée ennemie, où nous avons
trouvé beaucoup de matériel.
Dans le bois Le-Prêtre, au nord-ouest de
Pont-à-Mousson, les Allemands ont tente de prononcer
une attaque qui n'a pas pu déboucher.
Nos progrès ont continué dans la région nord de
Badonviller.
En Alsace, au Reichackerkopf, nous avons repoussé
une contre-attaque.
UN ÉPISODE DE LA BATAILLE DE MORHANGE
Comment René Bloch fut fait prisonnier
René Bloch, officier de réserve, est, à l'heure
actuelle, prisonnier en Allemagne. Il a écrit pour
raconter sa captivité et nous extrayons de sa lettre
le récit de sa capture.
« Quant à ma capture, ça a été très simple.
Nous avions cantonné le 19 août à Conthil. Le
lendemain, au réveil, nous étions attaqués par un
fort parti adverse. Etant section d'arrière-garde,
j'ai protégé par mon feu le repli du reste de la
compagnie. Lorsque j'ai voulu démarrer, il était
trop tard, j'étais accroché. J'ai donc résisté
jusqu'à deux heures de l'après-midi dans une maison
isolée, qui a été rendue intenable par la pluie
d'obus qu'on a déversée sur elle. Je résistai encore
alors que les lignes françaises étaient déjà à huit
ou dix kilomètres en arrière. A la fin, cerné de
tous côtés par un bataillon de chasseurs à pied que
j'avais arrêté toute la journée, j'ai été
littéralement pris au collet avec ce qui restait de
ma section (25 sur 60). Le commandant du bataillon
qui m'a fait prisonnier est venu ensuite à moi et
fort courtoisement, devant une compagnie de sa
troupe, m'a félicité, ainsi que mes hommes, de la
résistance que nous lui avions opposée et qui lui
avait coûté beaucoup d'hommes. Et de là, j'ai été
dirigé sur l'arrière. » M. René Bloch, avocat à la
Cour de Paris, est le fils aîné de notre concitoyen,
M. Bloch, grand-rabbin. Il est lieutenant au 79e
d'infanterie, 12e compagnie. M. Bloch, a ses deux
autres fils sous les drapeaux. Le cadet, Henri,
également lieutenant au 79e, 11e compagnie, a été
blessé et est actuellement en convalescence à
Versailles. Le plus jeune, Paul, sergent au 26e
d'infanterie, 10e compagnie, fut grièvement blessé
le 19 août, et est retourné sur le front.
Le gendre de M. Bloch, M. Lorach, est dans une
compagnie du génie auxiliaire, et lui-même remplit
les fonctions d'aumônier militaire du camp,
retranché de Toul.
LE BLOCKHAUS DU BOIS LE PRÊTRE
Ainsi que l'a fait connaître le communiqué
quotidien, nous nous sommes emparés, le 1er mars, au
bois Le Prêtre (nord-ouest de Pont-à-Mousson), d'un
blockhaus ennemi. Cette attaque très brillamment
menée a fait tomber entre nos mains, après une lutte
assez vive, une vingtaine de prisonniers, parmi
lesquels un officier et quelques pionniers du génie.
Les Allemands n'ont pas voulu rester sur cet échec.
Ils ont esquissé à diverses reprises des tentatives
de contre-attaque, rapidement enrayées par le feu de
notre infanterie et de notre artillerie.
Ils ont ensuite cherché à démolir le blockhaus en le
couvrant de projectiles et d'explosifs de toute
sorte.
Cette activité, qui était d'ailleurs sans résultats,
a amené de notre art, dans la journée du 4 mars, une
riposte énergique. Nous avons lancé sur la tranchée
ennemie la plus rapprochée, deux bombes puissamment
chargées. L'une, éclatant sur le parapet, rasa
complètement la tranchée sur unie longueur de 8
mètres. L'autre fit explosion dans la tranchée
elle-même, et l'on vit sauter en l'air les cadavres,
les sacs à terre et les fusils, projetés dans toutes
les directions.
L'ennemi cessa aussitôt son bombardement.
Vers minuit, le lancement des bombes et des grenades
reprit. Et, soudain, les Allemands, en poussant des
« hurrahs » frénétiques, s'élancèrent vers le
blockhaus.
Mais nos troupiers étaient en éveil. Ils
accueillirent l'ennemi par une fusillade nourrie. En
même temps nos organes de flanquement entraient en
action.
Les assaillants vinrent se heurter à une barricade
en sacs de terre que nous avions organisée en avant
du blockhaus. Ils tentèrent vainement de s'y frayer
un passage. Ils rencontrèrent devant eux une forte
résistance. Pris en même temps d'enfilade par notre
feu, ils furent obligés de se replier, après avoir
été fortement éprouvés.
C'est le quatrième échec allemand devant le
blockhaus perdu.
LES TORTIONNAIRES DE RÉCHICOURT
Le « Bulletin des réfugiés meusiens » donne ces
détails sur la commune de Réchicourt, canton de
Spincourt :
« Quand les Allemands sont arrivés pour la seconde
fois à la suite des troupes françaises, une grande
partie de la population s'était sauvée. Ceux qui
restèrent, hommes, femmes et enfants, furent emmenés
au bois de Rivolé où les obus passaient au-dessus de
leur tête avec un sifflement bien peu rassurant.
Pendant ce temps, les Boches pillaient les maisons
et quand ce fut fini, ils y mirent le feu. Sauf
quelques-unes, toutes furent brûlées ; entre autres
celle du maire, celle de M. Emile Lenoir, contenant
tout le bétail : 7 à 8 chevaux, dont deux superbes
étalons, et une douzaine de bêtes à
cornes. De toute la grande rue, route de
Xivry-Circourt, il ne reste rien.
Ces pauvres gens sont ensuite ramenés dans une
grange ; on les fait coucher, et on les couvre de
paille comme pour les brûler vifs, ensuite on les
conduit dans une bergerie où ils passent la nuit,
couchés sur la terre et dans l'obscurité.
Le lendemain, femmes et enfants sont emmenés à
Xivry-Circourt, accompagnés par MM. Yentzen et Emile
Lenoir, On suppose qu'ils y sont encore.
Les autres hommes : MM. Collignon, Fouquet Niclot,
Revemont, Belisson et son neveu, Maret, Lenoir
François, Legendre, Warron, Humbert, Jeancolas,
Lavigne, restés au village, furent faits
prisonniers, ainsi que Mme Hombourger et Mlle
Perbal.
On les enferme dans l'église et, de là, à la petite
chapelle dans le cimetière.
Un tortionnaire leur fait allumer des 4 cierges et
les fait mettre à genoux ; il leur dit qu'ils
allaient être fusillés.
En fouillant, ou plutôt en pillant, les Boches
avaient trouvé un téléphone abandonné par l'armée
française, chez M. Belisson, et accusaient celui-ci
de correspondre avec les Français. Ce fut un
prétexte pour le fusiller dans sa cour et l'enterrer
dans son jardin ; et c'est pendant que les habitants
étaient à genoux dans la chapelle qu'ils entendirent
le feu de peloton qui exécutait M. Belisson, et ils
attendaient leur tour ; mais, contrairement, on vint
leur dire qu'ils ne seraient pas exécutés.
Néanmoins, ils étaient loin d'être au bout de leurs
peines.
Après toutes ces transes, on les dirige sur Fontoy,
à environ 28 kilomètres, pour les embarquer pour
l'Allemagne.
A Thionville, les civils, hommes et femmes, les
injuriaient, leur crachaient au visage, leur
donnaient des coups de bâton, et les soldats des
coups de crosse de fusil.
M. Collignon, maire, ancien maréchal des logis de
gendarmerie, fut giflé ; il fut tellement révolté de
tous ces affronts et humiliations sans pouvoir
riposter qu'il en est mort, ainsi que M. Fouquet,
son adjoint, un mois après qu'ils furent internés à
Ingolstadt.
- Ce pauvre M. Belisson a fait preuve d'un courage
et d'une abnégation de la vie qui méritent d'être
signalés.
Il ne voulait pas avouer qu'il savait qu'il y avait
eu le téléphone chez lui. Quand il a vu que tous
allaient être fusillés, il dit aussitôt qu'il le
savait ; lui seul paya de sa vie et les autres
furent épargnés.
Après six mois de souffrance, ils viennent de
rentrer en France.
En passant à Schaffouse, en Suisse, ils ont été
reçus d'une façon si généreuse et si aimable qu'ils
ne l'oublieront jamais.
- Mlle Gustavine Paquin à été tuée, sans doute en se
sauvant ; sa mère n'a pu être retrouvée ; on suppose
qu'elle est restée dans les décombres d'une maison
brûlée. »
UN MARIAGE SUR LE FRONT
C'est dans les Hauts-de-Meuse : un petit village
assis au pied d'un coteau, à quatre kilomètres des
lignes boches. Dans une modeste salle d'école,
l'école maternelle servant de bureau à l'officier
payeur du e d'infanterie, a été célébré, le 28
février dernier, le mariage d'un Dijonnais bien
connu, M. X..., avec une de ses charmantes
compatriotes, Mlle Y...
La cérémonie n'a pas manqué d'originalité. A côté
d'un bureau improvisé avec une table et une
couverture de campement, on voit les bottes de
paille qui servent de lit au secrétaire de
l'officier payeur. Des sacs, des fusils, des
équipements dans tous les coins, et deux cartes
géographiques collées au mur forment tout le décor.
Deux chaises pour les époux, un banc pour les quatre
témoins, des militaires bien entendu.
Les futurs conjoints sont en place. L'officier de
l'état civil, un lieutenant de chez nous, prend la
parole, du ton grave et calme qui sied à un maire
depuis longtemps déjà habitué à unir de jeunes
couples. En vertu des pouvoirs à lui conférés par la
loi, il annonce qu'il va procéder à la célébration
du mariage de M. X... avec Mlle Y...
Un caporal secrétaire, également Dijonnais, donne
lecture des pièces indispensables. Rien n'est
oublié, et après avoir rappelé aux futurs époux
leurs droits et devoirs respectifs, les questions
sacramentelles sont posées. Deux réponses
affirmatives et au nom de la loi, M. X... et Mlle
Y... sont unis par le mariage., Au cours de la
cérémonie, les kodaks n'ont pu être interdits: La
solennité n'était-elle pas publique ! Portes grandes
ouvertes, un public nombreux, militaires et civils,
des femmes et des enfants, se pressaient
curieusement dans la salle trop petite, pour voir
célébrer le premier mariage à notre armée de l'Est.
Le champagne saute, on trinque, on boit à la France
victorieuse, à la réunion définitive des époux, et
l'officier prononce les quelques paroles suivantes :
« Madame,
« Malgré la tristesse de l'heure présente, je suis
heureux d'avoir présidé à la célébration de votre
mariage, le premier qui sera inscrit dans les
annales du ...e d'infanterie.
« Je regrette que les circonstances ne vous
permettent pas de rester aussi longtemps que vous le
désireriez auprès de votre mari, que le devoir
appelle au poste de combat. Pendant qu'il rejoindra
ses camarades qui, dans la tranchée, défendent
l'honneur de la France, son passé de gloire, ainsi
que les libertés conquises par nos pères, vous allez
rentrer, Madame, dans notre chère Bourgogne,
emportant avec vous un légitime regret, le regret de
revenir seule dans votre foyer. Avec ce regret, vous
emporterez aussi un espoir, celui de voir votre
époux vous revenir bientôt. Mais je suis persuadé
que, comme toutes les bonnes Françaises qui
attendent là-bas, vous ne voulez le retour qu'après
la victoire. C'est, Madame, l'idéal commun. Quel que
soit notre désir de revenir auprès
de ceux qui nous sont chers, nous ne voulons rentrer
chez nous qu'après avoir vaincu. Nous ne rentrerons
qu'après avoir rendu aux barbares qui ont
ensanglanté l'Europe tout le mal qu'ils ont fait à
la France ; nous ne rentrerons que le jour où ils
auront payé toutes les ruines qu'ils ont accumulées,
aussi bien dans nos provinces envahies que dans ce
noble pays de Belgique, où tout un peuple nous a
fait un rempart de sa poitrine, nous permettant
ainsi de nous préparer à la lutte.
« Et, Madame, si l'article du code civil que je
viens de rappeler pouvait avoir son application en
campagne, s'il vous était permis de faire quatre ou
cinq kilomètres de plus du côté des lignes ennemies,
vous verriez ce qui reste de certains jolis petits
villages meusiens, vous verriez des cimetières trop
petits maintenant pour contenir nos morts
glorieusement tombés sur le champ de bataille.
« Et alors, comme les mères spartiates qui, en
armant d'un bouclier le bras de leurs fils,
s'écriaient : « Reviens dessus ou dessous », vous ne
pourriez manquer de dire, en vous séparant de votre
époux : « Pour la France, vaincre ou mourir ! » Ne
désespérez pas, Madame, nous ne désespérons point,
nous vaincrons ! »
A LANDREMONT
Nous recevons ces renseignements complémentaires à
la note du mardi 9 mars : Le brigadier Hennechart,
de Mars-la-Tour, replié à Pont-à-Mousson, et le
gendarme Boyer, de Pont-à-Mousson, se trouvaient à
Landremont lors de l'éclatement d'une bombe lancée
par l'aviateur boche. Ce n'est pas une bombe, mais
cinq qui ont été lancées.
Le brigadier de gendarmerie Hennechart se trouvait à
côté de l'église, lorsque la cinquième bombe fut
lancée par l'aviateur. Le brigadier, au moment où il
aperçut l'aviateur boche, se mit contre le mur, à
gauche de l'église, où il entendit le sifflement de
la cinquième bombe. Celle-ci tomba à 4 mètres 50 de
lui. Il ne fut pas blessé, mais reçut divers
fragments de terre et pierre dans le dos. C'est par
miracle qu'il n'a pas été tué.
PROGRESSION EN CHAMPAGNE
malgré leurs profondes tanières et leurs abris
fortifiés
Paris, 10 mars, 1 heure.
Le communiqué officiel du 9 mars, 23 heures, est
ainsi conçu : En Belgique, à l'est, de Steenstraete,
nous avons repoussé une attaque.
Au nord d'Arras, à Notre-Dame-de-Lorette, on s'est
battu toute la journée sans que les positions des
adversaires soient modifiées.
En Champagne, combats très chauds, qui nous ont été
favorables.
Entre Souain et Perthes, dans un bois où nous avons
pris pied il ya trois jours, nous avons refoulé deux
contre-attaques et réalisé des progrès nouveaux.
Progrès également dans un bois à l'est du précédent
et dans le voisinage immédiat de Perthes.
Au nord du même village, l'ennemi a attaqué et a été
repoussé.
Sur la croupe au nord-est de Mesnil, notre gain
d'hier, qui était de 450 mètres, s'est augmenté de
200 mètres. Nous avons enlevé un ouvrage allemand,
pris un canon-revolver, trois mitrailleuses et fait
des prisonniers.
L'organisation ennemie est extrêmement forte. Elle
comporte des abris blindés avec des canons-revolvers
et des chambres souterraines très profondes.
Enfin, au nord de Mesnil. nous avons repris quelques
mètres de tranchées que nous avions conquis dimanche
et perdus lundi.
En Argonne, entre le Four-de-Paris et Bolante, nous
avons prononcé une attaque qui nous a rendus maîtres
de la première ligne allemande, sur une longueur de
200 mètres.
RAPATRIEMENT D'OTAGES LORRAINS
Nous donnons ci-dessous de nouvelles listes reçues à
la Chambre de Commerce de Nancy, comprenant les noms
de 125 otages lorrains originaires des départements
de Meurthe-et-Moselle et de Meuse, rentrés tout
récemment et réfugiés actuellement dans le
département du Gard.
La résidence exacte de ces réfugiés ne pourra être
connue que dans quelques jours ; en attendant, la
Chambre de Commerce de Nancy se chargera
provisoirement de faire parvenir les correspondances
-destinées à ces réfugiés.
Liste des otages réfugiés de Meurthe-et-Moselle dans
le département du Gard
Arnaville. - Jurflu, 20 ans ; Faconde Emilie, 59
ans. 1
Autrepierre. - Contal Auguste, 17 ans.
Blâmont. - Thirion J.-Baptiste, 70 ans.
Briey. - Morès Marie, 32 ans.
Einville. - Lintingre Jean, 50 ans.
Jeandelize. - Bourlier Eugène, 58 ans.
Joeuf. - Vooss Eugène, 21 ans ; Vooss Wemer, 9 mois ;
Rinchinger Ernest, 36 ans.
Landres. - Frich Eugénie, 53 ans ; Gardet Léon, 4
ans ; Gardet Suzanne, 7 ans ; Gardet Louis, 9 ans ;
Matailles Armentine, 37 ans.
Mancieulles. - Verdie Marie, 22 ans.
Mars-la-Tour. - Rollot Marie, 35 ans ; Rollot Aimée,
11 ans.
Nancy. - Litoche Marie, 39 ans ; Litoche Thérèse, 5
ans.
Neuviller. - Martin Charles, 54 ans ; Detot Joseph,
58 ans ; Tresse Théophile, 57 ans.
Olley. - Puth Charles, 67 ans ; Puth Amélie, 66 ans,
née Margot ; Puth Jules, 12 ans.
Saint-Baussant. - Brusson Léonie née Monard, 72 ans
; Royer Augustine, née Brusson, 36 ans; Royer Ida,
12 ans ; Royer Julienne, 10 ans ; Royer Hélène, 7
ans.
Thiaucourt. - Crochat Ernest, 30 ans.
Val-et-Châtillon. - Rhor Avit, 50 ans, hôpital de
Nîmes (venu de Montpezat, où il avait été évacué).
Vandelainville. - Franquin Charles, 55 ans.
Villerupt. - Mme Courdeau ; Courdeau Julia ;
Courdeau Mireille.
Saint-Cirey. - Simon Victor, 49 ans.
Liste des otages réfugiés de la Meuse dans le
département du Gard
Beney. - Colon Emile, 70 ans.
Buzy. - Jacquet Jean, 63 ans.
Châtillon. - Grandbarbe Sophie, 56 ans, née Richard
; Mettavant Delphine, née Gasson, 66 ans.
Combres. - Ottignon Adèle, née Gannu, 30 ans ;
Ottignon Anne-Marie, 11 ans ; Ottignon Roger, 5 ans
; Ottignon Jean, 2 ans.
Creux. - Adam Marie, 61 ans.
Doncourt. - Thenot Léon, 59 ans : Thellot Denise, 18
ans ; Thenot Camille, 22 ans.
Etain. - Hussenet Isabelle, 35 ans.
Hattonchâtel. - Gillant Marie, née Ladurelle, 49
ans.
Harmonville. - Mettavant Jules, 64 ans.
Labeuville. - Cognard Maurice, 16 ans.
Laurent. - Collet J.-Baptiste, 56 ans ; Collet Julie
née Hablot, 48 ans.
Lavigneville. - Pieffert Nicolas, 76 ans..
Lamorière. - Lacroix Emile, 16 ans.
Loupmont. - Poirot Augustine, 51 ans.
Melles. - Marchal Louis, 48 ans ; Grosjean Louis, 58
ans.
Ormes. - Saint-Vanne Chéric; 38 ans ; Saint-Vanne
Hélène, 10 ans.
Peuvillers. - Gillet Charles, 62. ans.
Pillon. - Marchal Gustave, 58 ans.
Rechicourt. - Billessant Michel, 15 ans ;
Grandbastien Théophile, 77 ans ; Grandbastien Zélie,
née Collin, 66 ans.
Romagne-sous-les-Côtes. - Charles Amable, 65 ans ;
Charles Catherine, née Ferrie, 58 ans ; Gaude Marie,
née Charles, 29 ans ; Gaude Marcelle, 9 ans ; Gaude
Robert, 6 ans.
Spada. - Lemvine Hermance, née Gasson, 58 ans ;
Lemvine Jeanne, 29 ans.
Saint-Maurice-sous-les-Côtes. - Ligier Maria, née
Furdin, 80 ans.
Saint-Jean-le-Buzy. - Lepetitdidier Alice, 41 ans ;
Dion Philomène, née Cuny, 69 ans.
Saulx-en-Woëvre. - Burlereaux Théophile, 75 ans ;
Burlereaux Emile, 68 ans ; Burlereaux Léocadie, née
Roussel, 59 ans : Burlereaux Hélène, 34 ans ;
Burlereaux Clémentine, 32 ans ; Burlereaux Marie, 79
ans.
Thillot-sous-les-Côtes. - Lelorrain Eugène, 50 ans ;
Alexandre Berthe, 20 ans.
Vigneulles. - Ebrbin, née Gallant Rose, 35 ans :
Ebrbin Marie-Louise, 16 ans ; Ebrbin Henri, 14 ans ;
Ebrbin Léon, 11 mois ; Rozat Louise, née Gallant, 31
ans ; Rozat Pierre, 4 ans.
Woel. - Jamin Gabriel, 52 ans.
Pas de département ni lieu d'origine
Roxan Adolphe, 65 ans ; Roxan Françoise, née Huol,
50 ans ; Lavaux Gabrielle, 26 ans ; Lavaux
Georgette, 5 ans.
ATTAQUES & CONTRE-ATTAQUES
La lutte est surtout violente en Champagne et en
Argonne
Paris, 10 mars, 15 heures.
Au nord d'Arras, dans la région de
Notre-Dame-de-Lorette, la nuit a été calme et la
situation reste sans changement. On confirme
l'importance de nos progrès d'hier.
En Champagne, une contre-attaque allemande, très
violente, s'est produite cette nuit sur la crête
196. Elle a été vigoureusement repoussée.
Nous avons gagné, en outre, un peu de terrain sur la
route de Perthes à Tahure.
Sur là croupe nord-est de Mesnil, notre infanterie,
après avoir enlevé l'ouvrage allemand signalé dans
le dernier communiqué, a atteint au delà de cet
ouvrage, la crête marquée par le chemin de terre qui
va de Perthes à Maisons-en-Champagne.
En Argonne, à Fontaine-Madame, nous avons démoli un
Blockhaus et poussé nos tranchées de quatre-vingts
mètres en avant.
Entre le Four-de-Paris et Bolante, l'ennemi,
contre-attaquant à seize heures, nous a enlevé les
tranchées prises par nous' le matin, Une nouvelle
attaque nous a permis de les reprendre. L'ennemi a
alors contre-attaqué pour la deuxième fois. Aux
derrières nouvelles, le combat continuait.
LE MARTYRE DE NOS PRISONNIERS CIVILS
Le récit des victimes
Paris, 10 mars, 18 h. 01..
Le « Journal Officiel » publie le deuxième rapport
de la commission instituée en vue de constater les
actes commis par l'ennemi, en violation du droit des
gens.
La commission est allée dans les départements de
l'Isère, de la Savoie, de la Haute-Savoie,
recueillir auprès des prisonniers civils récemment
rapatriés des renseignements sur les circonstances
antérieures et postérieures à leur arrestation et
sur le traitement subi en captivité.
La commission en a vu un grand nombre. Elle en a
interrogé, environ 300, sous la foi du serment, et a
reçu des déclarations dans vingt-huit localités.
Tous les prisonniers étaient d'abord astreints à
effectuer, à pied, un trajet plus ou moins pénible.
Puis on les embarquait à destination de l'Allemagne,
dans des wagons à bestiaux, où la plupart sont
restés plusieurs jours sans recevoir aucune
nourriture.
Le départ des prisonniers a été souvent marqué par
des incidents cruels. Des vieillards, incapables de
marcher, étaient fusillés ou victimes d'actes de
brutalité injustifiés, etc.
Le 22 septembre, tous les habitants de la commune de
Combles (Meuse) furent conduits sur le flanc d'une
colline exposée au feu de l'artillerie et de
l'infanterie françaises. Mais, grâce à leurs
signaux, les Français ne tirèrent pas.
Le soir, ces otages furent emprisonnés pendant cinq
jours dans l'église, puis les hommes furent emmenés
en Allemagne.
Les femmes et les enfants furent maintenus un mois
dans l'église, ravagés par la dysenterie et le
croup.
Les prisonniers civils en Allemagne logeaient
généralement dans des baraquements en planches
couverts de carton-bitumé. Ils étaient presque
partout chauffés au moins à partir de Noël.
Le couchage se composait d'une paillasse, d'une ou
deux couvertures, quelquefois d'un traversin.
Dans de nombreux lieux d'internement, les
prisonniers couchèrent sous des tentes sur de la
paille étendue à même le sol, et presque jamais
renouvelée.
Une pareille organisation eut naturellement des
résultats déplorables concernant la propreté et
l'hygiène. La vermine pullulait et constituait un
supplice d'autant plus intolérable que les Allemands
n'y remédiaient nullement, sauf à Landau, où ils
déshabillèrent et inondèrent de pétrole une vieille
femme de 87 ans, qui en mourut.
Les Français internés à Bayreuth furent généralement
bien traités, grâce à l'humanité du général allemand
qui commandait la place.
L'alimentation était presque identique partout.
Au réveil, décoction d'orge grillée, sans sucre. A
midi, riz ou macaroni, ou des betteraves, ou des
fèves, rarement des pommes de terre, écrasées avec
leur pelure, ou des marrons pilés avec leur écorce
nageant dans l'eau et servant de légumes. Parfois un
hareng, généralement gâté, ou un fromage exécrable.
On découvrait généralement dans sa gamelle, quelques
filaments de hachis, faits de déchets et d'abats.
Dans très peu d'endroits, on avait un peu de viande.
Enfin, du pain noir, collant comme du mastic, était
distribué, à raison d'un kilogramme pour trois ou
quatre personnes.
Les bébés recevaient une petite quantité de lait. La
discipline différait suivant les endroits. Elle
était généralement assez rigoureuse, comme le prouve
l'humiliant châtiment du poteau.
La plupart du temps, l'état sanitaire était
détestable et la mortalité considérable. Les soins
étaient presque inexistants.
Les médecins allemands et les médecins français
internés ne disposaient d'aucun médicament.
Immédiatement avant le rapatriement, tous les
prisonniers civils furent internés plusieurs jours
dans des casemates de la forteresse de Rastadt, où
ils endurèrent la pire misère.
L'air, la lumière manquaient. La vermine couvrait le
sol. La discipline était très duré. Le rapport
termine en exprimant la gratitude immense à la
Suisse de nos rapatriés, qui y ont reçu un accueil
touchant et généreux, à leur passage à Schaffousse.
(à
suivre) |