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Septembre 1914 - La Vie en Lorraine (1/3)

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La Grande guerre. La Vie en Lorraine
René Mercier
Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
Date d'édition : 1914-1915


La Grande-Guerre
LA VIE EN LORRAINE SEPTEMBRE 1914
L'Est Républicain
NANCY

Septembre 1914 fut pour la Lorraine l'époque à la fois la plus critique et la plus magnifique. En août, on avait vu la hardie équipée de Mulhouse. On assista en septembre à l'héroïque défense du Grand-Couronné de Nancy.
C'est ce mois-là qu'un Taube jeta, pour la première fois, sur la capitale lorraine des bombes meurtrières, et que Nancy fut bombardée.
C'est encore ce mois que les Allemands, rejetés sur l'Aisne par nos armées, durent évacuer une grande partie du territoire lorrain et quitter Lunéville.
Ces dangers et ces victoires, il est bon de les revivre. Et si le récit des atrocités commises par les Barbares serre le coeur douloureusement, le souvenir de l'ardente bataille qui éloigna de nous les hordes sauvages éveille le sentiment puissant des plus nobles espérances.
René MERCIER.

LA SITUATION

Communiqué du ministère de la Guerre, le 30 août, à 23 heures.
L'ensemble de la situation est la même que dans la matinée.

A L'EST
Après une accalmie, la bataille a repris dans les Vosges et en Lorraine
SUR LA MEUSE
Sur la Meuse, à Sassey, près d'un régiment d'infanterie ennemie, qui tentait de passer la rivière, a été presque complètement anéanti.
AU NORD
A notre gauche, le progrès de l'aile marchante allemande nous oblige à céder; du terrain.

LE RETOUR DES POSTES

Nancy, 31 août.
M. L. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, a reçu ce matin le personnel des postes et télégraphes qui lui a été présenté par M. Ravillon, directeur intérimaire.
«  Vous voici, leur a-t-il dit en substance, de retour à Nancy. Votre départ a causé ici une grosse émotion. De ce départ vous n'êtes en aucune façon responsables. Vous êtes soumis à une rigoureuse discipline. Vous avez reçu un ordre précis de départ; quelle que fût votre tristesse vous ne pouviez pas ne point l'exécuter, vous ne pouviez pas le discuter; vous deviez obéir ; vous avez obéi. Autant l'ordre de départ vous avait attristés, autant l'ordre de retour vous a réjouis. Je ne peux croire un instant qu'il se trouvera à Nancy une seule personne assez ignorante de votre discipline professionnelle pour ne pas comprendre cette situation et faire peser sur vous, à l'occasion de ce départ des postes, une responsabilité morale qui ne vous appartient pas. Ce serait une véritable injustice. Elle ne sera pas commise, je vous le promets au nom de la population de Nancy, dont je connais déjà le sentiment profond d'équité.
Mais aussi je promets en votre nom à cette population nancéienne que tous les efforts humainement possibles seront faits par vous tous pour remettre dans le plus bref délai tous les services dans leur état normal. La population a le droit d'attendre de vous ces efforts ; vous y consentirez allègrement, car je sais de quels sentiments à la fois de loyalisme professionnel et de patriotisme, vous êtes animés Ainsi sera vite effacé le souvenir de ce grave et regrettable incident, au sujet duquel le gouvernement recherche et saura discerner les responsabilités, et dont la population de Nancy et vous-mêmes avez été à des titres divers les victimes. »
M. Ravillon, directeur intérimaire, et dont M. le Préfet a ensuite affirmé les qualités de labeur, d'initiative et de sang-froid, s'est fait l'interprète du personnel tout entier pour remercier M. le Préfet de cette réception et pour lui donner l'assurance formelle du dévouement patriotique de tous ses collaborateurs.

DANS LES HOPITAUX

Nancy, 31 août 1914.
M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, accompagné de M. le Maire de Nancy, a visité, dans l'après-midi de dimanche, les établissements hospitaliers Marin et du Séminaire, dépendant des hospices civils, et la grande ambulance du Bon-Pasteur, organisée par la Société de secours aux blessés.
L'établissement Marin est spécialement affectés aux malades. M. le Préfet a constaté avec satisfaction d'abord que le nombre de ceux-ci est beaucoup moins considérable qu'on aurait pu le craindre, ce qui montre que nos réservistes et territoriaux ont supporté très allègrement les fatigues de cette période de guerre ; en second lieu, que la plupart de ces maladies étaient peu graves ; enfin que les quelques typhiques étaient rigoureusement isolés.
Dans chaque salle où se trouvaient des soldats récemment blessés, M. L. Mirman a prononcé des paroles de fierté patriotique qui ont été au coeur de tous ; quand il a annoncé que dans notre région l'action de l'ennemi avait été arrêtée puis nettement dominée et que de toutes les localités où ces blessés étaient tombés, les Allemands venaient d'être repoussés ; quand il leur apporta l'expression de la gratitude de la ville de Nancy, qui, grâce à leurs efforts, était débarrassée aujourd'hui de l'angoisse qui pesait sur elle ; quand il leur déclara qu'il venait non les plaindre, mais les féliciter de leurs blessures et de leurs souffrances, tous, les yeux joyeux et fiers, applaudirent comme ils purent, et c'était un spectacle touchant de voir de braves petits gars aux deux mains entortillées rapprocher et tapoter l'un contre l'autre leurs tampons d'ouate et de linge pour exprimer leur satisfaction et leur orgueil.

LE FORMIDABLE ÉTAU

Nancy, 1er septembre.
Les deux grandes pensées de l'Allemagne guerrière : «  l'attaque brusquée » et «  la France otage » sont en faillite.
Pour la première, la résistance héroïque de la Belgique l'a fait échouer, et dans des conditions désastreuses pour le peuple agresseur.
Plus d'un mois après le début de la mobilisation, près d'un mois après-la déclaration de guerre, les Allemands sont retenus tout près de la frontière française, et n'ont guère pu pénétrer qu'au prix d'efforts énormes et qui les affaiblissent de jour en jour.
Paris se garde. Et Nancy, que les Prussiens comptaient bien occuper dès la troisième heure, n'a pas vu le casque d'un uhlan, sauf aux mains des Français.
Pour «  la France otage » il s'en va de même. Grâce aux Belges, grâce à nos loyaux et admirables alliés les Anglais unis aux vaillantes armées françaises, grâce aux Russes qui s'avancent en ouragan dans la Prusse orientale et en Galicie, grâce à la sympathique neutralité de l'Italie, la France est toujours libre, et peut protester devant l'univers contre la barbarie allemande.
Mieux encore. Ce n'est plus de «  la France otage » que l'on parle maintenant, c'est de «  la Prusse otage » que les Anglais ont commencé à s'entretenir.
Pendant que nos armées tiennent les envahisseurs en respect et leur infligent des pertes considérables, les Russes s'avancent vers Berlin, et font deux trouées à la fois.
Les Allemands sont maintenant loin de leur centre de ravitaillement. Ils ont perdu un grand nombre d'hommes, et dépensé une grosse quantité de munitions. Ce n'est point la dure contribution de guerre qu'ils imposent aux villes belges qui leur procurera des munitions ni leur rendra des hommes.
Ils sont bloqués de toutes parts, sur terre et sur mer, et voués à la prochaine famine.
Que peuvent-ils faire ?
Pousser au Nord une tentative désespérée sur Paris comme on se jette au plus profond de l'eau ?
Mais ils ont déjà vu que la marche n'était pas aussi commode qu'ils le croyaient. Ils n'ont pas à attendre de renforts. Nos armées alliées seront augmentées au contraire progressivement et pour ainsi dire indéfiniment.
Se retourner contre les Russes et aller au secours de la Prusse envahie ? Mais ils n'iront que poussés baïonnette au flanc, harcelés sans cesse par les Français, les Anglais et les Belges qui attendent sans doute impatiemment à Anvers la bonne occasion.
Et en quel état arriveraient-ils sous Berlin ? Poursuivis dans leur retraite au devant des Cosaques déjà victorieux.
L'armée allemande est prise dans les mâchoires d'un formidable étau. L'une des mâchoires est fixe, la France, qui ne se laisse point forcer. L'autre est mobile, la Russie qui avance comme mécaniquement, broyant toutes résistances.
Que les heures passent. Tenons toujours. Plus que jamais ayons confiance.
Bientôt, bientôt, mes amis, le grand corps allemand sera serré dans l'énorme pince de l'Europe.
Et les soubresauts furieux ne nous feront alors plus de mal.
RENÉ MERCIER.

AVIS AUX MAIRES
pour les Laissez-Passer

Nancy, 1er septembre.
Monsieur le Préfet de Meurthe-et-Moselle vient d'adresser aux maires du département le télégramme suivant : «  Vous fais connaître qu'autorité militaire a décidé que les «  laissez-passer » délivrés par les maires ne sont valables que s'ils ont été visés par l'autorité militaire.
«  Les habitants qui sont sur la rive gauche de la Meurthe ne doivent pas passer sur la rive droite, il ne leur sera accordé aucun permis de circuler au delà de la ligne : Dombasle, Buissoncourt, Cercueil, Laneuvelotte, Bouxières-aux-Chênes, Montenoy, Bratte, Sivry. Ville-au-Val, Bezaumont. »

LA SITUATION D'ENSEMBLE


31 août, soir.

1° Vosges et Lorraine
On se rappelle que nos, forces qui avaient pris l'offensive dans les Vosges et en Lorraine, dès le début des opérations, et repoussé l'ennemi au delà de nos frontières ont ensuite subi des échecs sérieux devant Sarrebourg et dans la région de Morhange, où elles se sont heurtées à des organisations défensives très solides.
Ces forces ont dû se replier pour se reconstituer, les unes sur le Grand Couronné de Nancy, les autres dans les Vosges françaises.
Les Allemands sont alors passés à l'offensive. mais après avoir repoussé les attaques ennemies sur les positions de repli qu'elles avaient organisées, nos troupes ont repris l'attaque depuis deux jours.
Cette attaque n'a cessé de progresser, bien que lentement. C'est une véritable guerre de siège qui se livre dans cette région : toute position occupée est immédiatement organisée de part et d'autre. C'est ce qui explique la lenteur de notre avance, qui n'en est pas moins caractérisée chaque jour par de nouveaux succès locaux.

2° Région de Nancy et Woëvre méridionale
Depuis le début de la campagne, cette région comprise entre la place de Metz, côté allemand, et les places de Toul et de Verdun, côté français, n'a été le théâtre d'aucune opération importante.

3° Direction de la Meuse entre Verdun et Mézières
On se rappelle que les forces françaises avaient initialement pris l'offensive dans la direction de Longwy-Neufchâteau (Belgique) et Paliseul.
Les troupes, opérant dans la région Spincourt et Longuyon ont fait éprouver un échec à l'ennemi (armée du prince royal).
Dans les régions de Neufchâteau et Paliseul, au contraire, certaines de nos troupes ont subi des échecs partiels, qui les ont contraintes à s'appuyer sur la Meuse, sans toutefois être entamées dans leur ensemble Ce mouvement de recul a obligé les forces opérant dans la région de Spincourt à se replier aussi vers la Meuse.
Au cours de ces dernières journées, l'ennemi a cherché à déboucher de la Meuse avec des forces considérables, mais une vigoureuse contre-offensive de notre part l'a rejeté dans la rivière, après avoir subi de très grosses pertes.
Cependant, des forces nouvelles allemandes se sont avancées par la région de Rocroy, marchant dans la direction de Rethel.
Actuellement, une action d'ensemble est engagée dans la région comprise entre la Meuse et Rethel, sans qu'il soit encore possible d'en prévoir l'issue, définitive.

LE CANON

Nancy, 1er septembre
Le canon a tonné une grande partie de la nuit et le matin encore. Mais on s'habitue à cette musique qui n'émeut plus personne.
On se contente de se demander de quel côté vient le bruit, et on fait des hypothèses. C'est tout ce qu'on peut faire pour l'instant.

AUTOMOBILES ET BICYCLETTES

Nancy, 1er septembre.
Par ordre du général commandant la 2e armée, la circulation des automobiles civiles dans le Grand-Couronné est interdite.
La circulation des bicyclettes est également interdite.
Les automobiles de la Croix-Rouge circulant seules seront arrêtées et confisquées.
Seules, pourront circuler les automobiles de la Croix-Rouge formant un convoi précédé d'un militaire portant un pli rouge..
P 0. Le chef d'état-major.

Une Héroïne
LA TÉLÉPHONISTE D'ÊTAIN

La petite ville d'Etain a subi deux bombardements. Le premier eut lieu lundi, de 11 heures du matin à 11 heures du soir. Il fit de nombreuses victimes. Le second commença le mardi matin, à 11 heures. La ville fut bientôt en flammes. De nombreuses personnes périrent dans l'incendie.
Le bureau de poste était resté confié à la garde d'une jeune employée. Loin de céder à une terreur bien compréhensible, cette jeune femme ne quitta pas son poste. Pendant que les obus pleuvaient sur la ville, elle se tenait dans son bureau, téléphonant de quart d'heure en quart d'heure à Verdun pour rendre compte de ce qui se passait.
Le directeur des postes de Verdun était en train d'écouter cette courageuse jeûne fille ; tout d'un coup, celle-ci s'interrompit et cria : «  Une bombe vient de tomber dans le bureau »
Et tout rentra dans le silence.
Les employés des postes ont eu, en 1870, Mlle Dodu. La téléphoniste d'Etain, en 1914, montre que le courage de la célébra télégraphiste de Pithiviers anime toujours celles qui l'ont suivie dans la carrière.

A BELFORT

Le gouverneur de Belfort signale que des personnes précédemment évacuées de cette place continuent à y revenir en grand nombre.
Il a décidé, en conséquence, de refuser rigoureusement l'entrée de Belfort à toute personne non munie d'une autorisation signée à la fois du maire de la commune et du préfet.
Les maires auront donc à présenter tous les sauf-conduits à destination de Belfort au préfet du département auquel il appartiendra de restreindre au minimum possible les autorisations accordées.

A dater du dimanche 30 août, les trains réguliers entre Belfort et Dijon ou vice-versa qui avaient été supprimés précédemment, sont remis en marche entre ces deux points.
Cette ligne sera, comme dès le deuxième jour de la mobilisation, desservie par quatre trains circulant dans chaque sens.
Les trains 203 et 207 sur Vesoul, 210 et 216 de Vesoul sur Besançon, restent toujours supprimés jusqu'à nouvel avis.

LES LUMIÈRES LA NUIT

Le Préfet de Meurthe-et-Moselle ; En vertu des pouvoirs qui lui sont délégués par l'autorité militaire ;
Sur la demande de M. le Général de division, commandant d'armes ;
Considérant qu'il importe de mettre un terme aux signaux lumineux qui, à diverses reprises, ont été signalés, et que la seule mesure efficace pour atteindre ce but paraît être l'interdiction absolue d'éclairer les fenêtres ; qu'une telle mesure constituera à n'en pas douter une gêne pour tous les habitants, mais que cet inconvénient sera allègrement supporté par la patriotique population nancéienne, consciente de l'intérêt public qu'il faut à tout prix sauvegarder ;
Arrête :
Article premier. - A partir du 2 septembre, et jusqu'à nouvel ordre, dès la tombée de la nuit, nulle fenêtre ne pourra être éclairée.
Article 2. - Tout agent ou représentant de la force publique aura droit de perquisition chez l'habitant qui enfreindrait cet ordre.
Fait à Nancy, le 1er septembre 1914.
Le Préfet :
Signé : L. MIRMAN.
Pour copie conforme : Le Secrétaire général Signé : ABEILLE.

APPROVISIONNEMENT DE NANCY

Nancy, 1er septembre.
La municipalité de Nancy vient d'obtenir de l'autorité militaire la mise en marche d'un train hebdomadaire de marchandises de Chagny P.L.M. à Nancy.
Ce train partira pour la première fois de Chagny le 8 septembre prochain.
Pour l'organisation de ce premier train, M. Antoine se rendra dans la région lyonnaise d'ici quelques jours. Il se met à la disposition des commerçants de Nancy, jusqu'au 4 inclus, pour faciliter leur réapprovisionnement.
Les commerçants qui désireraient profiter de ce train peuvent faire leurs commandes et les envoyer en gare Chagny à l'adresse : Ville de Nancy Ils sont priés également de remettre à l'hôtel de ville le double de leurs commandes.

ORDRE DE LA PLACE

Des sauf-conduits pourront être délivrés par les maires exclusivement aux personnes chargées de ravitailler la commune, ou à celles chargées d'apporter à Nancy des produits alimentaires.
Ces voyages uniquement destinés au ravitaillement de la ville auront lieu de 6 heures à 18 heures. L'itinéraire suivi sera le même à l'aller qu'au retour.
Les maires de Tomblaine, d'Essey, de Saint-Max et de Malzéville, ont été prévenus de cette mesure.
Nancy, le 1er septembre 1914.
Ordre du général DURAND.

LES ESPIONS

Nancy, 2 septembre.
Plusieurs espions viennent d'être fusillés dans la région de Nancy, entre autres un espion surpris en train de couper des fils téléphoniques, un autre qui faisait des signaux dans les clochers des églises et un autre qui posait une antenne de télégraphie sans fil.

LES SOUPES DE GUERRE

Le Poste Saint-Nicolas
Au Restaurant Marchal


Nancy, 2 septembre.
Depuis trois semaines, les «  soupes de guerre » fonctionnent. Elles donnent, tous les jours, entre onze heures et midi, un repas aux foyers éprouvés par la mobilisation du chef ou des soutiens de la maison.
Des «  postes » sont institués dans tous les quartiers, particulièrement dans les édifices scolaires. Des commerçants s'improvisent administrateurs de ces établissements populaires, de ces cantines qui ont déjà écarté dans maint quartier les horreurs de la faim.
Sous la conduite de M. Ramel, le sympathique entrepreneur de peinture, nous avons assisté, hier, au fonctionnement du poste installé, en face, au restaurant Marchal.
M. Marchal est parti, dès le début de la guerre. Il a reçu le baptême du feu. Une blessure le retient à l'hôpital d'Arcachon. Sa femme, en son absence, exploite le fonds. Mais vous pensez bien que son commerce lui laissait des loisirs : les usines d'alentour sont fermées, la fabrication des chapeaux de paille et de la chaussure a cessé. Chômage complet. Alors plus d'ouvriers aux comptoirs des buvettes ; plus de pensionnaires aux tables des gargotes.
- Accompagnez-moi donc, nous dit M. Ramel... Vous vous rendrez compte des services qu'on a obtenus par l'indispensable association des efforts administratifs et des concours particuliers.
Tout d'abord, le Bureau de bienfaisance avait proposé d'ajouter à ses services l'organisation des secours aux indigents ; mais un irrésistible élan de philanthropie, discipliné par d'habiles initiatives et d'infatigables dévouements, montra bientôt que, pour réaliser entièrement son oeuvre sociale, M. Antoine pouvait compter sur l'intelligence et le zèle des citoyens. Les résultats ont justifié la confiance de l'honorable conseiller :
- Tout marche à merveille, nous dit M. Ramel. Les approvisionnements consistent en viande provenant de la boucherie militaire. Les abattoirs livrent en abondantes quantités la fressure, le coeur, ce que les ménagères appellent communément les «  intérieurs » et cela fournit un excellent bouillon. C'est mon camarade Wendler, le brave entrepreneur de menuiserie, qui assure la marche régulière des services. Tâche délicate et lourde. On ne lui marchande pas trop les moyens ; mais il a été souvent obligé de recourir à son ingéniosité personnelle pour se les procurer. Songez qu'on fait une cuisine dont le prix de revient est d'environ six centimes par ration. Il me paraît difficile de faire meilleure chère avec aussi peu d'argent.»
M Ramel me propose de goûter la soupe.
Au fond du restaurant Marchal, les fourneaux rougeoient. Un feu ardent maintient en ébullition les marmites d'où s'exhale une savoureuse odeur de pot-au-feu. Le personnel s'empresse ; une jeune femme prépare les morceaux de viande, une autre épluche poireaux, choux et carottes ; l'attention du cuisinier surveille le travail. Encore dix minutes - et la distribution commencera

Le quartier de la Prairie, les habitants des rues Sainte-Anne, Didion, Charles-III, Saint-Nicolas, de la Salle, composent la principale clientèle.
Toutes les classes sont réunies dans une commune détresse. Des barbes hirsutes, des garçons qui traînent la savate et des fillettes qui vont nu-pieds ; caracos rapiécés, blouses en lambeaux, vieux vêtements que l'aîné trop grand abandonne aux cadets. Ouvriers que les cheveux blancs, la maladie ou quelque infirmité retiennent à Nancy ; ménagères aux yeux rougis par la fatigue des veillées et les tristesses des adieux ; gamins dont la tignasse s'ébouriffe et nimbe d'or clair la candeur timide ou inquiète du visage, toute la pauvreté des taudis vides accourt vers la distribution des soupes de guerre Nous allons jeter un coup d'oeil à la cuisine.
Tout heureux, avec un grain de fierté, le «  chef » en tablier a rempli deux bols que nous dégustons avec plaisir.
- Votre soupe sera meilleure qu'hier, annonce M. Ramel, aux braves gens dont le nombre grossit d'instant en instant. Tenez prêts vos tickets... »
Personne ne se fait répéter la recommandation. Deux petits chiffons de papier tremblent dans toutes les mains. Un silence. On cesse de se raconter entre voisins toutes les histoires exagérées ou fausses qui circulent dans le quartier à travers les inquiétudes d'une population dont le canon enfièvre l'esprit.
Onze heures.
Une ruée se produit ; une bousculade où les gosses essaient de se faufiler adroitement pour «  gagner une place » ; mais les vieux, sans indulgence, interviennent. Chacun son tour, n'est-ce pas ? Rien de plus juste. Les premiers arrivés doivent être les premiers servis.
Il y a là une extraordinaire collection d'ustensiles, les pots-de-camp en faïence bleue, les boîtes-laitières en fer blanc, casseroles, brocs, vases de toutes formes, seaux à confitures Faute de récipient plus volumineux, un gosse en haillons tend une espèce de terrine ordinairement employée pour les rillettes de Tours, presque un coquetier :
«  - J'ai pas autre chose... » Et son embarras trahit moins l'ennui de rapporter à la maison si peu de soupe que la confusion de paraître ridicule aux yeux de tout ce monde.
Parfois des erreurs se produisent. Des familles viennent «  toucher » au restaurant Marchal, alors que leurs bons sont valables pour l'école Saint-Pierre ou pour la laiterie Saint-Hubert.
M. Ramel explique alors :
«  - Tu vois, mon petit, nos bons sont marqués d'une M. Le tien est marqué d'un C à l'encre rouge. Ça signifie que c'est chez M. Couillard, rue Pichon, qu'il faut aller. Dis-le à ta maman.. »
Si l'on acceptait, en effet, dans tel établissement ceux qui sont inscrits ailleurs pour les secours, on s'exposerait à manquer ici de rations, tandis qu'ailleurs on perdrait au contraire une précieuse quantité de viande et de bouillon :
«  - Je distribue 350 soupes en moyenne, déclare M. Ramel. Il y a trois jours, j'en ai distribué 530 ; mais ce chiffre ne sera plus atteint. On comprenait dans ce maximum plusieurs rues qui s'approvisionnent maintenant à l'école Saint-Pierre. »
M. Ramel ajoute une intéressante constatation. Chaque bon représente environ trois rations. Les familles les plus nombreuses se composent de sept personnes ; mais elles sont plutôt rares :
«  - Notre installation est très modeste; nous avons utilisé le matériel d'un restaurant dont la patronne s'est mise sans hésiter à notre disposition. Mais à l'Ecole supérieure de la Ville-Vieille, M. Antoine et ses amis ont organisé de toutes pièces un poste modèle où s'alimente le quartier des Trois-Maisons. Nous serons en mesure d'atténuer les détresses, les misères auxquelles le chômage des usines et toutes les conséquences de la guerre réduiront la population laborieuse de Nancy »
A tant de nobles efforts ne manqueront point de s'associer tous ceux dont la sensibilité s'éveille au douloureux spectacle de tant de pauvres gens qui sont aujourd'hui presque sans pain et que la prolongation des hostilités priverait de feu.
ACHILLE LIEGEOIS.

PRÉCAUTION NÉCESSAIRE

Nancy, 3 septembre.
Il ne faut point s'étonner du transfert du gouvernement ailleurs qu'à Paris.
C'est une simple précaution, une précaution nécessaire à tous les points de vue.
Le gouvernement a besoin, dans l'intérêt de la défense nationale, de se tenir en communication constante avec toute la France. Tous les services administratifs sont solidaires, et tous sont indispensables à la vie publique.
Sans cette collaboration intime, le désordre régnerait. La meilleure volonté ne remplace en effet ni l'information exacte, ni la documentation, ni la science.
Le gouvernement se place hors des centres que l'on menace d'isoler, comme l'état-major se garde un peu éloigné de la ligne de feu.
Cela ne veut nullement dire que Paris risque d'être pris. En 1870, il résista héroïquement pendant de longs mois, et pourtant il n'était pas protégé par la puissante couronne de forts que l'on a maintenant élargie.
De plus, la France à cette époque était abandonnée de tous. Aujourd'hui elle est admirablement aidée à l'Est par les Russes, à l'Ouest et sur mer par les Anglais, au Nord par les Belges retirés au camp d'Anvers, et toujours prêts à l'offensive.
Enfin Paris n'est pas encore sur le point d'être investi. En aucun cas il ne peut être entièrement bloqué.
Mais le gouvernement a le devoir d'envisager toutes les éventualités, même les plus invraisemblables.
Il a le devoir de conserver toute sa liberté, de voir de loin et de haut, d'organiser la défense du sol d'après les événements survenus chaque jour, et d'après les plans anciens ou les desseins nouveaux.
Pour ces raisons seulement il a quitté Paris et s'est rendu à Bordeaux.
A Bordeaux comme à Paris, il travaillera ardemment au salut de la patrie et au triomphe de.la civilisation.
RENÉ MERCIER.

ACADÉMIE DE NANCY
Félicitations ministérielle

Dans un rapport d'ensemble au ministre de l'Instruction publique, le recteur de l'Académie de Nancy a donné un aperçu sommaire des services que rendent, dans les hôpitaux et les différentes oeuvres municipales d'assistance, etc., avec la plus noble émulation et un entier dévouement, les membres des Facultés et Ecoles de l'Université de Nancy, les chefs d'établissements dans les Lycées et Collèges de garçons et de jeunes filles, avec une bonne partie de leurs professeurs, les directeurs et directrices des Ecoles normales et, en général, de toutes les Ecoles publiques, bon nombre d'instituteurs et d'institutrices, et même des élèves-maîtres et élèves-maîtresses à peine sortis des Ecoles normales, ou qui vont y entrer.
Le ministre a répondu au recteur, en date du 28 août, la lettre suivante, dont celui-ci s'empresse de donner connaissance :
«  Les membres du personnel enseignant de l'Académie de Nancy sont à un poste d'honneur. Je savais que, en temps de guerre comme en temps de paix, le Gouvernement pouvait compter sur leur dévoûment au bien public et leur ardent patriotisme.
«  Je vous prie de les remercier de leur collaboration si précieuse à l'oeuvre de la défense nationale, et de leur transmettre l'expression de ma vive sympathie et de ma profonde gratitude.
«  Signé : Albert SARRAUT. »

Contre l'Espionnage

Nancy, 3 septembre.
Le préfet de Meurthe-et-Moselle porte à la connaissance des populations du département les ordres suivants du haut commandement : Le général commandant la 2e armée, résolu de paralyser l'espionnage par tous les moyens, prescrit les mesures suivantes dans toute la partie du département de Meurthe-et-Moselle située à l'est de la Moselle :
1° La circulation des bicyclettes est formellement interdite ;
2° Les personnes à pied ou en voiture à chevaux ne pourront circuler en dehors des agglomérations que munies d'un laissez-passer délivré par la préfecture. Les laissez-passer seront valables seulement de 6 heures du matin à 6 heures du soir ;
3° La circulation des automobiles est interdite. Seul le commandant de l'armée se réserve le droit d'accorder des sauf-conduits dans certains cas strictement limités ;
4° Tous les contrevenants aux prescriptions précédentes seront arrêtés, les bicyclettes et automobiles confisquées.
Il est bien entendu que la décision du général Durand relative au passage de la rive gauche de la Meurthe sur la rive droite est maintenue.

Interdiction d'éclairer les Fenêtres

Le préfet de Meurthe-et-Moselle,
En vertu des pouvoirs qui lui sont délégués par l'autorité militaire ;
Sur la demande de M. le général de Castelnau, commandant la 2e armée ;
Considérant qu'il importe de mettre un terme aux signaux lumineux, qui, à diverses reprises, ont été signalés, et que la seule mesure efficace pour atteindre ce but paraît être l'interdiction absolue d'éclairer les fenêtres ;
Arrête :
Article 1er. - Il est interdit sur toute l'étendue du département de Meurthe-et-Moselle de laisser, pendant la nuit, des lumières apparentes aux fenêtres des maisons.
Article 2. - Tout agent ou représentant de la force publique aura droit de perquisition chez l'habitant qui enfreindrait cet ordre.
Article 3. - Le présent arrêté sera mis immédiatement en application.
Nancy, le 3 septembre 1914.
Le préfet : MIRMAN.
Pour copie conforme : Le secrétaire général : ABEILLE.

NOS TROPHÉES

Nancy, 3 septembre.
Les sept canons et la mitrailleuse pris aux Allemands et qui depuis plusieurs jours étaient alignés place Stanislas, ont été emmenés, mercredi à midi et demi, pour être conduits dans l'intérieur de la France.

Il n'y a pas de pourtant
MONSIEUR

Nancy, 4 septembre.
J'ai assez souvent avec des amis visité des établissements industriels, commerciaux, agricoles, des usines qu'emplissait un tapage infernal, des installations où régnait un silence religieux bien que des tonnes de minerai fussent enlevées par d'immenses bras de fer. Partout je regardais, et cherchais à comprendre, mais sans me sentir une suffisante autorité pour donner des conseils.
Cependant autour de moi j'entendais quelques-uns de mes compagnons, fort intelligents, ma foi, émettre des observations.
- Vous ne croyez pas, monsieur, qu'en tournant la machine dans ce sens vous auriez un rendement bien supérieur ?
L'ingénieur qui expliquait avec un orgueil justifié la façon dont il avait organisé le travail des hommes et des mécanismes, répondait doucement qu'il avait pendant longtemps étudié ces choses, et qu'il s'était décidé pour sa méthode parce qu'il l'avait jugée la meilleure.
Mais les curieux ne s'en tenaient pas là.
- Pourtant, disaient-ils, il me semble...
Et ils découvraient subitement des modifications à faire, des améliorations à apporter.
D'autres étaient plus affirmatifs, et émettaient des critiques, et avançaient des recommandations.
- Pourquoi n'avez-vous pas fait comme ceci ?
- A votre place je ferais cela.
Et l'ingénieur, avec un doux entêtement, réfutait les critiques et montrait l'absurdité des recommandations.
Il avait passé des jours et des nuits à établir les plans. Il avait spécialement dirigé son intelligence vers cette industrie. Il avait vu et comparé tant et tant de procédés. Il avait voué sa vie à cette science.
Rien n'y faisait.
Le curieux en croyait savoir en une demi-heure de promenade distraite beaucoup plus que l'ingénieur en quarante ans de travail et d'expérimentations.
Assurément vous avez vu de ces omniscients, et peut-être même avez-vous été en admiration devant ceux-là qui, sachant beaucoup ou ne sachant rien, - cela n'a pas d'importance, - veulent régler toutes choses suivant leurs vues personnelles.
Il ne leur viendrait pas à l'idée de confier à un ébéniste le soin de raccommoder leurs chaussures. Ils trouvent cependant naturel de surprendre d'un coup d'oeil le secret des défauts d'une immense machine compliquée qu'ils voient pour la première fois.

Aujourd'hui ces savants pullulent. Ils sont devant la machine la plus compliquée, la plus souple, la plus mystérieuse, la plus délicate, la plus formidable qui soit : une guerre européenne.
Ou plutôt ils ne sont pas devant la machine. Ils sont devant l'usine où se trouve cette machine. Ils entendent des grondements de ci de là. Ils voient parfois sortir de la fumée.
Cela leur suffit.
Ils raisonnent à l'infini, et estiment, suivant la couleur de la fumée ou la nature du grondement que la machine devrait être dirigée dans tel sens, qu'il vaudrait mieux employer ce moteur que cet autre, que l'installation manque par tel côté, que le détail est mal compris, et l'ensemble défectueux.
Oui, la fumée et le bruit leur ont d'un seul coup donné cette expérience militaire. Nous sommes encombrés de Napoléons.
Heureuse époque !
Jamais je n'avais vu autant de stratèges par les rues et sur les places. Les terrasses des cafés sont des champs de bataille où les demis remplacent les régiments.
A quoi sert de pâlir sur des cartes, de combiner des plans, de rechercher quel effet produit une arme, de recueillir les précieux renseignements, de travailler toute une vie à organiser les services et étudier les méthodes les meilleures pour rendre les circonstances le plus favorables qu'il se peut ?
Pourquoi nos officiers s'exercent-ils, si longtemps, si péniblement, alors qu'il leur suffit d'écouter un consommateur qui, en deux minutes et en trois bocks, leur dira tout ce qu'il faut faire, et bien d'autres choses encore ?
Moi, je suis émerveillé de cette science qui m'entoure et me presse. Et je ne peux pas m'empêcher de fredonner ces deux vers, - si on peut dire, - que j'ai entendu chanter autrefois :
Jamais j'ai vu tant de mouches !
Jamais j'ai vu si de mouches !
Je pense aussi au dessin qu'un de mes bons amis publia lors des affaires de Madagascar :
Deux bons bourgeois sortent d'un urinoir. L'un tient l'autre par un bouton de la veste, et lui crie :
- Il n'y a pas de pourtant, monsieur, et rappelez-vous bien ceci : Moi gouvernement, Tananarive était en mon pouvoir dans les vingt-quatre heures.
Il n'est aujourd'hui presque pas de citoyens qui ne se croient capables de réduire l'ennemi en une demi-journée.
Heureusement le travail est bien distribué. Pendant que les uns parlent, les autres agissent..
JEAN DURBAN.

LA CIRCULATION DES BICYCLETTES

Télégramme officiel.
Nancy, le 4 septembre 1914.
Je vous ai télégraphié ce matin que la circulation des bicyclettes était désormais interdite sur toute la rive droite de la Moselle.
Le général commandant la 2e armée vient d'étendre cette interdiction à toute la partie du département située sur la rive gauche, au sud de la route de Pagny-sur-Meuse, à Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette sera permise seulement sur cette route jusqu'à Toul et au nord de cette route sur la rive gauche de la Moselle seulement.

SURVEILLEZ !

Nancy, 4 septembre.
Les municipalités devront surveiller avec le plus grand soin, sous leur responsabilité et sous peine de sanctions sévères, les individus suspects, les clochers d'où peuvent partir des signaux, les lignes télégraphiques et téléphoniques.
(Ordres du haut commandement.)

CROIX-ROUGE

Les automobiles de la Croix-Rouge ne pourront désormais circuler que si elles sont groupées en convoi régulier, avec un chef de convoi militaire, muni d'un laissez-passer rouge, délivré par le commandant d'armes de Nancy, les commandants de corps d'armée, le général directeur des étapes et des services, et le commandant de l'armée.
(Ordres du haut commandement.)

L'AME DE LA FRANCE

Nancy, 4 septembre.
M. L. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, a adressé au Président du Conseil le télégramme suivant
«  Les populations de Meurthe-et-Moselle loin d'être émues par le repliement du Gouvernement à Bordeaux y voient un acte de fermeté patriotique qui fortifie leur confiance.
«  Les Allemands se figuraient qu'en menaçant Paris ils ébranleraient l'âme de la France.
«  Vous leur faites connaître que Paris est une admirable ville dont la ceinture est et sera énergiquement défendue. Mais vous leur faites connaître aussi par ce geste que l'âme même de la France ne peut être atteinte en aucune de nos cités, fût-ce la capitale, parce que cette âme est partout présente, faite de la volonté unanime de la Nation et de sa certitude de vaincre.
«  Au nom des vaillantes populations de ce département éprouvé mais indomptable, je vous prie d'agréer l'assurance de notre patriotique dévouement. »

LA SITUATION GÉNÉRALE

Paris, 5 septembre, 2 heures.
Un communiqué du ministère de la guerre au bureau de la Presse, à Bordeaux, dit :

A notre aile gauche
A notre aile gauche, l'ennemi paraît négliger Paris pour poursuivre sa tentative de mouvement débordant Il a atteint La Ferté-sous-Jouarre, dépassé Reims et descend le long et à l'ouest de l'Argonne.
Mais cette manoeuvre n'a pas plus atteint son but aujourd'hui que les jours précédents.

En Lorraine et dans les Vosges
A notre droite, en Lorraine et dans les Vosges, le combat continue, pied à pied, et avec des alternatives diverses.

Maubeuge bombardé
Maubeuge, violemment bombardé, résiste vigoureusement.

MISE EN DISPONIBILITÉ DU
Directeur des Postes de Nancy

Le «  Journal officiel » publie un décret aux termes duquel M. Anne-Marie-Emile Stéphan Husson, directeur des postes et des télégraphes, est mis en disponibilité d'office.
Cette mesure, qui est la sanction officielle d'incidents regrettables qui se sont produits dans le service postal de Nancy vers le début de la guerre, est précédée d'un décret daté du 31 août, aux termes duquel : «  les peines du troisième degré prévues à l'article premier du décret du 9 juin 1906 : déchéance de grade, disponibilité d'office, exclusion, révocation, sont, pendant la durée de la mobilisation et jusqu'à la cessation des hostilités, prononcées directement par le ministre, sur la proposition des directions compétentes de l'administration centrale et conformément aux distinctions édictées par l'article 4 dudit décret».
Les sanctions prises en vertu de cet article peuvent faire, de la part des ayants cause, l'objet d'un recours en révision devant le conseil central de discipline, lorsque le fonctionnement normal de ce conseil aura pu être assuré à nouveau et dans un délai de deux mois après son rétablissement.

La Circulation des Bicyclettes
DANS LA ZONE DES ARMEES

Nancy, 5 septembre.
Le haut commandement a déjà interdit la circulation des bicyclettes sur la rive droite de la Meurthe.
Cette interdiction vient d'être étendue à toute la partie, du département située sur la rive gauche, au sud de la route de Pagny-sur-Meuse à Foug, Ecrouves et Toul.
Il est donc défendu désormais de circuler en bicyclette entre la Moselle et la Meuse, dans la zone limitée au nord par la route de Pagny-sur-Meuse à Toul et au sud par la route de Neufchâteau à Charmes, par Mirecourt et Châtenois.
La rive droite de la Moselle étant rigoureusement interdite, la bicyclette n'est plus permise que dans la partie du département située sur la rive gauche de la Moselle, au nord de la route de Pagny-sur-Moselle à Foug, Ecrouves et Toul.
La circulation en bicyclette est permise sur cette route, mais seulement jusqu'à Toul qu'on ne peut plus dépasser que dans les directions de Domèvre ou de Liverdun.

UN AEROPLANE ALLEMAND
lance deux Bombes sur Nancy

Nancy, 5 septembre.
Les Allemands, après avoir tenté d'affoler Paris en jetant du haut de leurs aéroplanes quelques bombes dont les Parisiens, après le premier moment de stupeur, semblèrent plutôt s'amuser, ont tenté un nouvel essai d'intimidation. Cette fois c'est Nancy que les Allemands choisirent somme but de leur exploits.
Dans la journée de vendredi 4 septembre, vers midi, un aéroplane allemand, volant prudemment à une telle hauteur qu'il était presque invisible, a laissé tomber deux bombes sur notre ville.

Rue du Maréchal-Exelmans
L'une vint tomber rue du Maréchal Exelmans, dans la petite cour qui précède la maison portant le numéro 35.
L'engin produisit une forte détonation qui fit voler en éclats les fenêtres de l'immeuble et des habitations voisines.
Le soubassement de la maison subit quelques dommages ; la trappe de la cave fut brisée ; c'est là tout le dégât qui, on peut le constater, est de peu d'importance.
Aucune victime.

Place de la Cathédrale
La seconde bombe vint tomber sur la place de la Cathédrale ; il allait être la demie de midi lorsqu'elle fit explosion.
En touchant le sol, elle creusa un trou d'un diamètre de vingt centimètres, de peu de profondeur.
Les vitres de la vespasienne voisine furent entièrement brisées ; le garde-vue en tôle qui l'encercle presque entièrement fut percé de projectiles du côté où la bombe avait éclaté.
La mitraille que contenait l'engin allait frapper la façade de la boucherie de la Seille, traversant les volets de fer et la devanture, brisant la glace et les carreaux d'une fenêtre voisine dont les volets étaient fermés.
Au premier étage, les petits projectiles qui semblent être des éclats de fonte, traversaient les volets, brisant les vitres et causant des dégâts dans tout l'appartement.
Par suite du déplacement de l'air, les meubles légers furent renversés pêle-mêle au milieu des chambres.
Quelques plâtras tombèrent du plafond couvrant le tout d'une épaisse couche de poussière.
L'hôtel de la Poste, dont le rez-de-chaussée est occupé par les bureaux de notre confrère l'Impartial, reçut également quantité de projectiles qui écornèrent les murs, brisèrent les vitres des fenêtres.
De la lanterne de l'agence des automobiles Berliet, placée au-dessus de l'entrée de la rue du Cloître, il ne reste que la carcasse métallique.
La façade de la cathédrale fut également criblée de mitraille qui ne fit que de légères éraflures aux dures et solides tailles de l'église métropolitaine.
Les maisons se trouvant rue Saint-Georges, en face de la place, ont reçu également quelques projectiles qui ont détérioré les glaces des devantures, ainsi que les vitres des étages.

Fusillade et poursuite
L'explosion venait à peine de se produire que plusieurs coups de feu retentissaient sur la place du Marché.
Des soldats s'étaient rendu compte en effet qu'un «  Taube » nous rendait visite ; ils l'aperçurent au fond du ciel bleu et, malgré la distance qui les séparait du but, ils déchargèrent leurs fusils dans la direction de l'aéroplane.
Cinq minutes plus tard, deux de nos aviateurs s'élançaient à la poursuite de l'engin allemand, mais sans résultat.
Un public nombreux assistait avec intérêt à ces deux scènes de guerre.

Les Victimes
Malheureusement, ce dernier engin a fait des victimes. Un malheureux vendeur de journaux, M. Michel Bordener, âgé de 40 ans, demeurant rue Saint-Nicolas, 64, qui traversait la place, devant la boucherie de la Seille, fut atteint. Le pauvre homme alla s'abîmer sur le trottoir, le crâne fracturé.
D'autres personnes, qui se trouvaient dans le voisinage, furent également atteintes.
Ce sont :
M. Thomas Tabouret, âgé de 35 ans, manoeuvre, demeurant rue Charles-III, 157, qui fut blessé par la mitraille sur diverses parties du corps.
Le jeune Joseph Auberhauzer, âgé de 8 ans, demeurant rue Dauphine, 3, fut légèrement touché à la jambe droite. Mme Muller, âgée de 25 ans, demeurant rue Carnot, 22, à Saint-Max, a été blessée peu grièvement à l'épaule gauche, et la jeune Angèle Roux, âgée de 13 ans, dont les parents habitent rue du Tapis-Vert, 10, a été atteinte à la tempe droite.
Les voisins sortirent en hâte pour relever les blessés.
Bientôt arrivait une voiture d'ambulance de la Croix-Rouge. Les victimes y furent placées et rapidement elles furent conduites à l'hôpital civil.
Les médecins s'empressaient autour des blessés. M. Bordener, dont l'état ne laissait aucun espoir, expirait vers 2 heures de l'après-midi.
La jeune Angèle Roux, qui avait été relevée sans connaissance, rendait le dernier soupir à la même heure.
Quant aux autres personnes atteintes, il a été constaté que leurs blessures étaient peu graves. Quelques-unes ont pu regagner leur domicile.

On continue
L'événement a défrayé toutes les conversations ; mais la vérité nous oblige à dire qu'il n'a pas soulevé plus d'émotion que la plupart des faits divers de la vie ordinaire.

DÉCORÉS !

Nancy, 5 septembre.
- Vous savez ! Un avion allemand vient de lancer une bombe ?
- Non !
- Si.
- Où ça ?
- Sur la place de la Cathédrale.
- Bon, j'y vais.
Et voilà la foule de courir. Non point de courir pour fuir la bombe, mais bien de courir pour aller en voir les effets.
Dans la journée, des milliers de Lorrains ont voulu constater par eux-mêmes. Et les agents de la police ne suffisaient pas à les faire circuler.
Toute la journée on a entendu des conversations comme celle-ci :
- Vous n'êtes pas allé voir ?
- Non, je n'ai pas eu le temps. J'irai tout à l'heure ou demain.
- Oh ! vous savez, ce n'est pas grand'chose. En tombant, la bombe a fait un petit trou comme une cuvette, elle a éraflé la charcuterie et la vespasienne, et a légèrement écorché un pilier de l'église.
- Ah ! et rue Exelmans ?
- Moins encore. Une corniche et un balcon à peine grattés.
- Ce n'était pas la peine de faire tant de bruit.
Et les braves gens qui revenaient de là-bas avaient un petit air glorieux, l'air de dire :
- Hein ! on fait attention à nous maintenant. Et nous allons pouvoir conter des choses à nos parents éloignés.
Nancy avait l'air vraiment non pas d'avoir reçu deux bombes, mais plutôt une décoration de guerre.
Pour un peu on serait entré dans l'église chanter un Te Deum et on aurait pavoisé.
Si les Allemands ont compté en tuant un marchand de journaux et une fillette terroriser Nancy, ils se sont étrangement trompés. Ce sont des victimes dé la guerre comme le sont nos soldats morts au feu. Nous les honorons. Nous ne pleurons pas.
Non. Ce qu'on a retenu de cette affaire, c'est que pour produire un effet colossal, les avions allemands détériorent la façade des charcuteries, et ne réussissent qu'à transformer en monument presque historique une vespasienne.
Ils appellent ça la guerre.
R. M.

PATIENCE

Nancy, 6 septembre.
Bien qu'on entende le canon tonner avec une violence inouïe, la population lorraine ne donne aucun signe d'énervement. Elle est entraînée à ce bruit qui lui paraît maintenant familier, et qui accompagne son travail ou ses promenades.
La concision extrême des communiqués officiels ne lui apporte guère de renseignements. La sonorité de nos pièces d'artillerie lui permet en revanche de repérer ses innombrables hypothèses.
Nos compatriotes ont en outre la ressource d'interroger ceux qui arrivent du front et qui apportent les plus beaux espoirs, ou d'écouter les réfugiés des villages dévastés qui indiquent avec des exagérations compréhensibles les marches et les contremarches, les incursions et les refoulements.
Ces renseignements, réduits ou développés à l'excès font prendre patience à tout le monde.
Et la patience est bien la qualité la plus utile à l'heure présente.
Les chefs connaissent les forces qu'ils ont en mains, et savent ce qu'ils veulent. Ils n'ont pas à se laisser influencer par l'opinion publique. Ils font marcher ou replier les troupes suivant les besoins de la tactique qui nous délivrera à jamais des Allemands.
Mais on entrevoit, à travers le laconisme mystérieux des communiqués, une pensée extrêmement forte, complètement maîtresse d'elle-même. Elle domine la campagne, et ne s'émeut pas des plaintes excusables. Elle met le salut de la France au-dessus de toutes les douleurs locales ou régionales, et nous impose des sacrifices cruels dont la nécessité apparaîtra plus tard clairement.
Certes il eût été infiniment plus agréable d'entrer en Allemagne comme au début de la campagne nous sommes entrés en Alsace et en Lorraine. Mais la guerre n'est pas un jeu où l'on gagne à tout coup. Si quelqu'un l'a cru chez nous, c'est que l'on croit trop aisément ce que l'on désire. Depuis lors il a bien fallu réfléchir, et comprendre.
Plus la guerre devient dure, et plus sont augmentées les raisons de garder confiance.
Voilà déjà plus d'un mois que nous nous battons. L'ennemi a appuyé de tout son effort, et n'a obtenu aucun avantage appréciable. Il a perdu tant d'hommes qu'il évite soigneusement le siège des places fortes. Il sent qu'il n'est pas le plus solide. Ses troupes sont divisées.
Son ravitaillement en munitions devient de plus en plus difficile.
Nous et nos alliés n'avons donné que partiellement. Nos troupes sont intactes. On n'a presque pas touché à nos réserves. Demain, aujourd'hui nous pouvons mettre en ligne des armées qui ne demandent qu'à marcher. Nos amis de Belgique et d'Angleterre sont prêts. Les Russes marchent à grands pas dans la Prusse orientale et en Galicie.
Nous durons enfin, nous durons infiniment plus certes que ne l'auraient jamais pensé les Alemands.
Quelle crainte pourrions-nous donc avoir en des circonstances pareilles ?
Les villages de la frontière lorraine ont été les premiers à souffrir. Les villes du Nord de la France ont été -éprouvées. Mais personne n'avait jamais espéré que nous sortirions sans dommages de la guerre la plus formidable qui ait bouleversé l'Europe.
Que l'on compare notre situation et celle de la Prusse, et l'on verra tout de suite qui a sujet d'être effrayé.
De la persévérance entêtée, de la patience, de la patience, et nous serons bientôt délivrés de l'horreur allemande.
Nous ne travaillons pas pour nous seulement, nous travaillons aussi, surtout pour nos enfants.
RENÉ MERCIER.

COMMENT FUT DESCENDU
le «  Zeppelin » de Badonviller

Du «  Petit Journal » :
Depuis le début de la guerre, chaque jour nous apporte de glorieux faits d'armes accomplis par nos vaillants soldats. Voici un nouvel exploit à ajouter aux autres si nombreux. C'est la capture du «  Zeppelin » de Badonviller, descendu par un détachement de territoriaux, commandés par le sergent Fricandet. Le lieutenant-colonel commandant le régiment signale en ces termes cette belle action :
- Le lieutenant-colonel commandant le régiment, est heureux de porter à la connaissance de celui-ci le compte rendu du sergent Fricandet, de la 12e compagnie, chef d'un détachement accompagnant un train de ravitaillement à la frontière de l'Est.
«  Le samedi 22 août, une patrouille envoyée aux abords de la gare de Badonviller me signalait, vers 3 ou 4 heures, qu'un aérostat devait survoler la gare.
«  Les nuages ne permettaient pas de l'apercevoir : à 4 h. 30 environ, cet appareil se dégagea du brouillard et il fut alors permis de se rendre compte qu'il s'agissait d'un dirigeable allemand, type Zeppelin.
Ce dirigeable, après avoir survolé le village de Badonviller, vint se placer, à 4 heures 40, entre la gare où stationnait le détachement et un chemin distant d'environ 500 mètres, occupé par des sections de munitions.
«  Il était à ce moment à une hauteur de 600 à 800 mètres ; un feu nourri de 63 fusils fut ouvert ; les passagers de leur côté lancèrent plusieurs bombes. L'une d'elles tomba, à 300 mètres du détachement, sur une maison précédemment incendiée par les Allemands ; il n'y eut aucun dégât.
«  Il est permis de croire que l'appareil a été atteint dans un de ses organes par les balles de nos fusils ; nous avons, en effet, constaté très nettement, après notre tir, que le moteur de l'appareil fonctionnait irrégulièrement et nous vîmes le dirigeable descendre en s'éloignant lentement. Il dut atterrir à quelques kilomètres de Badonviller. Vers 7 heures, un automobiliste de la place est venu à la gare nous informer de la part de l'état-major de la capture du «  Zeppelin » et des officiers qui le montaient. » Et le lieutenant-colonel termine en félicitant le sergent Fricandet de son heureuse initiative, et les soldats du détachement d'avoir fait preuve de sang-froid, d'habileté et de discipline en restant, sur l'ordre du chef de détachement, à leur poste, quoique très désireux de courir sus à un ennemi, qu'ils voyaient facile à atteindre.

La Situation de nos Armées
EST BONNE

Paris, 7 septembre, 0 h. 50.
Communiqué officiel, 23 h. 10.
1° A notre aile gauche, nos armées ont repris contact, dans de bonnes conditions, avec l'aile droite ennemie, sur les rives du Grand-Morin.
2° Sur notre centre et à droite, en Lorraine et dans les Vosges, on continue à se battre, et aucun changement n'est signalé.
3° A Paris, l'engagement qui se produisit, hier, entre les éléments de la défense avancée et les flancs-gardes de l'aile droite allemande, prit, aujourd'hui, plus d'ampleur.
Nous avons avancé jusqu'à l'Ourcq, sans rencontrer une grande résistance.
La situation des armées alliées parait bonne, dans l'ensemble.
4° Maubeuge continue à résister héroïquement.

OBSÈQUES

Nancy, 7 septembre.
C'est dimanche, à une heure trois quarts, qu'ont eu lieu, à la chapelle de l'hôpital civil, les obsèques de M. Robert Bordener et de la jeune Angèle Roux, les deux victimes de la bombe lancée par un aviateur allemand Derrière le char funèbre, portant la dépouille du malheureux Bordener, suivaient ses parents et de nombreux amis.
Derrière celui de la fillette, marchaient en rangs ses nombreuses camarades d'école qui portaient des bouquets et que dirigeaient leurs maîtresses dévouées. Puis venaient la mère et les soeurs de l'innocente victime.
Dans le nombreux cortège, on remarquait M. Mirman, préfet ; Mme Mirman, M. Simon, maire ; Jambois, conseiller général ; Krug, président de la commission des hospices ; le vicaire général Barbier,, soeur Louise, supérieure de l'hôpital.
L'inhumation a eu lieu au cimetière du Sud. Devant les tombes, M. Simon, au nom de la population nancéienne, a dit un dernier adieu aux deux victimes dont le souvenir douloureux restera longtemps grave dans les coeurs.
M. Mirman a ensuite prononcé un patriotique discours dans lequel, au nom de la nation toute entière, il a apporté une protestation indignée contre l'attentat qui a causé la mort de deux victimes dans une ville ouverte.
En des phrases touchantes, il a montré le beau rôle du soldat qui meurt en combattant pour la défense du pays, de l'aéronaute qui, sur son fragile appareil, survole à peu de hauteur les ennemis pour détruire les ouvrages d'art.
Puis, en d'énergiques paroles, il flétrit l'aéronaute qui, haut dans les nuages, sans courir aucun risque, laisse tomber sur une ville ouverte un engin qui fait d'innocentes victimes.
«  Celui-là n'accomplit pas un acte de guerre, il commet un assassinat. »
M. le préfet ayant encore témoigné son indignation, a affirmé qu'une nation qui emploie de tels moyens ne saurait vaincre. Il est certain que la ville de Nancy n'oubliera jamais les victimes du lâche attentat et que toutes les fillettes se rappelleront toujours la mort de leur petite camarade.
Il a terminé en adressant des paroles de consolation aux deux familles si durement éprouvées.
Il était trois heures quand les assistants, profondément émus, quittèrent la vaste nécropole.

LENDEMAIN DE BOMBE

Le lancement de la bombe de vendredi dernier a fait l'objet d'un procès-verbal où l'administration consigne, à propos de la vespasienne endommagée par l'explosion, sur la place de la Cathédrale.
«  Que le présent procès-verbal est dressé contre inconnu pour jets de corps durs ayant détérioré un monument public. »
Se non e vero...

POUR CEUX QUI ONT MANQUÉ LE TRAIN

Nancy, 7 septembre.
Des imbéciles dont tout le courage est fait d'avoir manqué un train, des semeurs de panique glorieusement obligés à un héroïsme inconsolable parce qu'ils n'ont pu obtenir un laissez-passer, ont insinué d'abord que l' «  Est républicain » n'allait pas paraître, affirmé ensuite qu'il avait failli ne pas paraître.
Le bruit a été facilement accueilli par certaines crédulités promptes à s'émouvoir.
L' «  Est » continue sans se troubler.
Il cesserait de paraître :
1° Si Nancy était jamais occupé par les Allemands ;
2° Si le papier ou l'encre venait à manquer.
Aucun de ces événements n'entre dans nos prévisions.
LA DIRECTION.

LA GRANDE BATAILLE

TÉLÉGRAMME OFFICIEL
Du Nord aux Vosges

Paris, 8 septembre, 0 h. 50 matin.
1° A notre aile gauche; les armées alliées ont progressé sans que l'ennemi s'y soit énergiquement opposé.
2° Sur le centre, dans la région de Verdun, on signale des alternatives d'avance et de recul. Situation inchangée.
3° A droite, dans les Vosges, nous enregistrons quelques succès partiels.
4° Aux environs de Paris, les éléments de la défense avancée ont livré, dans le voisinage de l'Ourcq, des combats dont l'issue fut favorable aux troupes françaises.

UN COUP DE SAC

Nancy, 8 septembre.
Quelque chose a transformé considérablement la situation. Sinon un fait nouveau, du moins une déclaration précise.
Les gouvernements anglais, français et russe ont clairement exposé que la conclusion de la paix serait faite en accord unanime entre les puissances de la Triple-Entente.
Cela signifie que l'accord est aussi intime pour la guerre qu'il le sera pour la paix.
Certes on n'avait pas à craindre que la Russie renonçât brusquement à ses victoires, ni que l'Angleterre abandonnât une partie dans laquelle est en jeu tout son avenir.
Mais il est bon que les nations combattantes, en cette période d'action, affirment leur union complète, leur volonté de vaincre, et songent dès maintenant aux conditions de paix qu'il conviendra d'imposer à l'Allemagne définitivement abattue.
La situation ainsi envisagée est pleine d'espoirs, quels que soient les sacrifices consentis dans l'intérêt du salut commun et pour le triomphe final.
Contre une union pareille, alors que l'Italie commence déjà à s'impatienter, des exigences hautaines de l'Autriche, que peuvent faire les Allemands ? Rien. Ils sont perdus.
Ils auront encore des sursauts terribles. Ils ne sauraient échapper à un sort qu'ils ont de leurs mains sanglantes rendu inévitable.
Les troupes allemandes ont pénétré en France. Elles en sortiront accablées par notre artillerie, poussées par nos baïonnettes. Et à notre tour nous entrerons en Allemagne comme y sont entrés les Russes.
La route est longue à la vérité. Allons, encore un coup de sac, il faut marcher..
RENÉ MERCIER.

A L'ORDRE DU JOUR

M. le préfet a reçu du Quartier général l'ordre suivant :
Ordre général n° 71
Le général commandant la 2e armée cite à l'ordre de l'armée mesdames Rigarel, Collet, Rémy, Maillard, Rickler et Gartener, religieuses de l'Ordre de Saint-Charles de Nancy, qui ont depuis le 24 août, sous un feu incessant et meurtrier, donné dans leur établissement de Gerbéviller asile à environ 1.000 blessés en leur assurant la subsistance et les soins les plus dévoués alors que la population civile avait complètement abandonné le village. Ce personnel a en outre accueilli chaque jour de très nombreux soldats de passage auxquels il a servi tous les aliments nécessaires.
Le général commandant la 2e armée :
DE CASTELNAU.
Par ordre : le général chef d'état-major :
ANTHOINE

LA GRANDE BATAILLE
nous est favorable

TÉLÉGRAMMES OFFICIELS
De Bordeaux, 17 h. 40, le 8 septembre.

Les Allemands se replient sur la Marne perdant des prisonniers des caissons et des mitrailleuses.
Les armées alliées, y compris les éléments de la défense avancée de Paris, sont en progression continue depuis les rives de l'Ourq jusque dans la région de Montmirail.
Les Allemands se replient dans la direction de la Marne, entre Meaux et Sézanne.
Les troupes franco-anglaises ont fait de nombreux prisonniers, dont un bataillon d'infanterie et une compagnie de mitrailleuses. Elles ont pris aussi de nombreux caissons.

Ils perdent aussi du terrain au centre
De violents combats se sont livrés entre La Fère-Champenoise, Vitry-le-François et la pointe sud de l'Argonne.
Nous n'avons été nulle part refoulés, et l'ennemi a perdu du terrain aux abords de Vitry-le-François, où un mouvement de repli de sa part a été nettement constaté.

Ils sont également repoussés en Lorraine
Une division allemande a attaqué sur l'axe Château-Salins-Nancy, mais elle a été repoussée au nord de la forêt de Champenoux.
D'autre part, plus à l'est, nos troupes ont repris la crête Saint-Mandray et le col des Journaux.
Mandray est une petite commune des Vosges au sud-est de Saint-Dié et au nord de Fraize. La côte de Mandray a 738 mètres d'altitude.
Halle des Journaux est un écart de Mandray à l'est du bois de Mandray.

EN ALSACE
Pas de modification à la situation en Alsace.

De Bordeaux, 0 h. 50, le 9 septembre.
A L'AILE GAUCHE
Les Allemands ayant franchi, dans leur mouvement de retraite le Petit-Morin, se sont livrés, en vue de protéger leurs communications, à de violentes et infructueuses attaques contre celles de nos forces qui occupent la rive droite de l'Ourq.
Nos alliés les Anglais poursuivent leur offensive dans la direction de la Marne.
Sur les plateaux du Nord de Sézanne. nos troupes progressent, bien que péniblement.

A NOTRE CENTRE
Violents combats avec alternatives d'avance et de recul partiels.

A NOTRE DROITE
Situation bonne en avant de Nancy et dans les Vosges.

LE DÉPART DES AUTOS INUTILES

Nancy, 9 septembre.
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle, informé que quelques personnes, aux nerfs vraiment trop sensibles, se sont émues hier en constatant ou en apprenant qu'un certain nombre d'automobiles quittaient Nancy, tient à prémunir une fois de plus la population contre les fausses interprétations des faits les plus simples auxquelles se livrent avec complaisance les esprits timorés.
Le fait est ici d'une admirable simplicité : il a été constaté que, en dépit de tous les ordres, les autos étaient encore beaucoup trop nombreuses ; que ces autos ne servant à rien ou à la simple distraction des promeneurs, gênaient la circulation des voitures réellement utiles, affectées à un service d'intérêt général ; pour mettre un terme à cette situation, l'autorité compétente a dit à ces autos : «  Je ne veux plus vous voir. Allez où vous voudrez, allez au diable, mais ne restez pas ici. » Et les autos sont parties.
Avouez qu'il n'est pas nécessaire d'être un héros pour ne pas découvrir là un sujet d'inquiétude. (Communiqué.)

ETEIGNEZ VOS LUMIÈRES

Nancy, 9 septembre.
Le Commissaire central rappelle que les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 1er septembre 1914 sur l'extinction des lumières dans les habitations sont très mal observées.
Il croit devoir informer le public qu'à la première infraction des poursuites sévères seront exercées et qu'à la seconde les contrevenants seront arrêtés et déférés à l'autorité militaire sous prévention d'espionnage.
Le Commissaire central compte sur les sentiments patriotiques et le bon esprit de la population, nancéienne pour obtenir la stricte observation des prescriptions de l'arrêté de M. le Préfet.
LE COMMISSAIRE CENTRAL.

A GENTILLY
Une Visite aux Réfugiés
LE BUDGET DE LA COLONIE
NOTES ET INTERVIEWS

Nancy, 10 septembre.
C'est bien une colonie. Nul mot ne convient mieux. On dirait vraiment qu'à Gentilly, dans les vastes salles où le soleil verse la lumière à pleines fenêtres, un naufrage réunit pêle-mêle les passagers d'un navire échoué, brutalement brisé sur la côte par les fureurs de la tempête.
Il y a là 657 malheureux. Peu d'hommes ; 124 seulement. Des vieillards, des infirmes, des jeunes gens aussi, marcaires expulsés des fermes de la frontière, gars qu'on s'étonne de retrouver si robustes et qui, mal à l'aise dans leur oisiveté trompent leur ennui avec une manille.
L'établissement a congédié les derniers élèves de nos écoles le 26 juillet. Finies les vacances. Adieu les parties de plaisir sous les ombrages où la jeunesse nancéienne s'ébattait si joyeusement.
Qui donc eût osé prévoir l'affectation actuelle de Gentilly ? Pas ses fondateurs à coup sûr. M. Antoine pensait exclusivement aux petits Nancéiens privés des vacances en plein air ; mais les atrocités de la guerre ont donné, hélas ! à son oeuvre une autre destination. Quand les habitants de Nomeny furent expulsés de leur foyer, les portes de Gentilly s'ouvrirent toutes grandes, le 24 août, devant les réfugiés, les «  rescapés ».
Leur nombre s'est accru sans cesse. Il a fallu improviser l'organisation des premiers secours. Une commission municipale s'est mise à la tâche. Elle a réussi. Comme on ne pouvait assurer son traitement à l'ancien personnel, cuisinières et blanchisseuses ont été congédiées, mais le directeur de l'établissement, M. Jalle, en homme d'initiative et d'expérience, s'est entouré de zèles, de dévouements qui ont fait complètement face aux besoins.
Nous avons trouvé, ce matin, M. Jalle dans le coup de feu qui précède le repas de midi, les manches retroussées jusqu'aux coudes, en tablier de toile bleue, surveillant les préparations du déjeuner :
-- Excusez-moi de vous recevoir dans une tenue aussi négligée, dit-il en plaisantant. C'est d'ailleurs ainsi que je me suis présenté hier à M. le préfet, accompagné de l'évêque et du maire de Nancy...

M. Jalle est plus fier, certainement, de ses talents de cuisinier que de son titre de directeur. Il expose son budget avec un brin d'orgueil :
- Voici le menu des deux repas quotidiens. A midi, bouillon, viande (un excellent morceau de foie) et un plat de légumes, pommes de terre, lentilles, haricots verts. Parfois du macaroni. Toujours du bouillon. Le soir, je fais des foies en ragoûts, avec des pois. Chaque ration est de 600 grammes.
- Et les enfants ?
- Le lait abonde maintenant. Il a manqué pendant trois jours. Situation pénible. M. Pérot, le fermier de Jarville, est venu à notre aide : il a mis à notre disposition deux vaches superbes qui paissent dans notre pré Elles fournissent une quantité suffisante de lait. Trente-cinq litres. Nous ne sommes pas embarrassés pour traire, car tous nos pensionnaires sont de la campagne. Les personnes malades et les enfants au-dessous de deux ans ont seuls droit à cette alimentation. Pour remédier à quelques symptômes plutôt bénins de cholérine, l'eau minérale de Vals et l'eau de riz ont remplacé le lait.
De sa poche, M. Jalle extrait un petit carnet :
- Devinez combien je dépense par jour ?.. Peu de chose, allez ! Avant hier, j'ai nourri 557 personnes avec 165 francs... Merveilleux, n'est-ce pas ? Seulement, pour obtenir ce résultat, je m'astreins souvent à faire le marché moi-même. En bonne ménagère, je guette les occasions, je les saisis au vol. J'achète aux maraîchers, d'un seul coup, 700 ou 800 kilos de haricots, leur voiture entière, quoi ! On me fait les prix de gros. Et puis nous payons comptant. Bref, je me débrouille du mieux possible. »
Nous nous rappelons qu'avec le budget de la colonie scolaire, malgré un personnel rétribué d'environ vingt femmes, M. Jalle joignait aisément les deux bouts : il nourrissait les maîtres et leurs élèves moyennant vingt centimes par jour. De telles qualités d'administration méritent bien quelques félicitations :
- Pour le couchage, ajoute M. Jalle, tout le monde s'étend sur des paillasses On m'a envoyé hier 200 couvertures et des oreillers ; mais les personnes valides s'accommodent de la paillasse seulement. Les hommes sont logés dans une partie du pavillon ; l'autre partie est occupée par les enfants et par les mères de famille. Suivez-moi. On visitera ensemble le campement. »

Ah ! la tristesse morne de ce spectacle Les désastres de la guerre ont amené à Gentilly, comme des épaves, les débris d'une lamentable humanité.
Toute une partie de notre pays est représentée dans ce lot de misères et de deuils.
Nous apprenons bientôt qu'environ trois cents personnes, chassées par l'invasion, vont le jour même grossir ce contingent Il faudra se serrer, rapprocher les paillasses, ajouter des couvertes pour ces nouveaux hôtes :
- J'aurai tout ce qu'il faut ici pour les recevoir, constate M. Jalle. Tout, sauf le pain. On devrait bien joindre à l'annonce de leur arrivée, quelques miches de pain frais. Baste ! Cela s'arrangera Je me tirerai d'affaire. Et puis mes pensionnaires sont faciles à contenter. »
Pauvres gens ! Ils acceptent leur destin.
Quelque chose en eux s'est brisé au choc de la catastrophe. Toutes leurs forces se sont épuisées. Presque incapables de souffrir encore, ayant gravi leur calvaire, ils se résignent, accroupis, l'oeil fixe, baignés d'une atmosphère de mélancolie qui réchauffe leur âme, qui verse l'illusion de la paix à ces détresses sur lesquelles s'est abattue la tourmente.
Les femmes du même village ont rapproché leurs bancs comme pour les bavardages du couarail. La plupart endorment un enfant au creux de leurs genoux lentement balancés ; d'autres pressent contre leur sein nu une tête blonde dont les paupières sont closes ; d'autres exercent l'agilité de leurs doigts aux travaux de couture ou de tricot, reprisent un jupon, plient du linge, tout en causant à voix basse.
Des fillettes poussent les voiturettes où reposent les marmots qui rient aux anges, agitent leurs petits bras, jouent avec un hochet ou leur biberon ; des gosses portent une cuillerée de sable à la bouche de leur poupée «  qui réclame du gâteau » ; ceux-ci se roulent sur les paillasses ; ceux-là dessinent un «  bonhomme » ou une «  maison » en traits d'une incohérente naïveté. Et tout cela emplit l'immense préau d'un vacarme de nursery.

Nous rencontrons M. Colson, l'honorable maire de Champenoux ; l'instituteur, M. Blaise l'accompagne. Ils ont quitté leur commune depuis vendredi.
M. Colson a emporté les registres de l'état civil. Il a dressé la liste des familles auxquelles sont distribués les secours prévus par la loi du 4 août : - Il est juste, en somme, déclare-t-il, qu'un prélèvement soit fait sur ces secours par la municipalité de Nancy qui vient si généreusement à l'aide de nos infortunes. Certains foyers, en effet, touchent une allocation totale de 100 francs et même davantage. Champenoux compte huit familles hospitalisées à Gentilly. Nous tâcherons de payer pour elles. »
La charité lorraine videra demain dans les souscriptions une obole que Nancy ne marchande jamais à ceux qui sollicitent son coeur et sa bourse. On donnera des vêtement, du linge, de la literie, de l'argent ; on donnera pour les vieillards, pour les mères, pour les bébés ; on donnera encore et toujours pour réaliser le sauvetage de ces êtres sans défense ; mais nous approuverons la sagesse des administrateurs qui suivront l'exemple de M. Colson.
Pendant notre conversation, les préparatifs du déjeuner animent la «  chambre des hommes » vite transformée en réfectoire.
Une appétissante odeur s'échappe des cuisines. Mme Faverot, dont le fils fut tué devant Arracourt dès les premiers jours de la guerre, surveille quatre marmites dont les dimensions raviraient Gargantua.
Dans un ordre parfait, avec une discipline que font sans peine respecter les délégués de la commission municipale, cinq cents convives s'attablent devant les assiettes propres, nettes et claires.
Nous prenons congé de M. Jalle, rendu cette fois à ses fonctions de directeur, heureux plus qu'on ne saurait le dire du spectacle offert par un banquet qui fait oublier, dans un bruit de vaisselle remuée, la canonnade dont l'obstination gronde au loin.
ACHILLE LIEGEOIS.

Nancy bombardé
Plus de 40 obus tombent sur notre ville. - La moitié seulement éclatent.
Dégâts et victimes

Nancy, 10 septembre.
Il fallait s'y attendre. A la faveur d'une noire nuit d'orage, les Allemands ont pu amener quelques pièces - très probablement deux - assez près de Nancy pour envoyer quelques boulets sur notre ville.
Il était environ 11 heures 20 quand le premier obus, après le sifflement bien caractéristique, a éclaté sur nous.
La plupart des gens dormaient et beaucoup, dans la stupeur d'un subit éveil, ont cru simplement que la foudre venait de tomber non loin d'eux. A ce moment d'ailleurs l'orage battait son plein et une pluie diluvienne tombait au milieu des éclairs et des roulements de tonnerre.
Mais voici un nouveau sifflement et un second éclatement. Plus de doute, il s'agissait bien d'un bombardement.
On fit alors ce que la prudence commande en pareille occurrence. On abandonna rapidement son lit et les habitant, des étages supérieurs descendirent aux rez-de-chaussée et surtout dans les caves.

Deux par deux
Une fois en sûreté, on laissa tranquillement passer la tourmente, en essayant de repérer les endroits sur lesquels la mitraille s'abattait.
Il y avait généralement deux coups très rapprochés, on pourrait dire deux coups jumeaux. Mais si le premier éclatait avec un vacarme assourdissant, le second était beaucoup plus sourd, et l'on pouvait se demander même si le dernier avait produit son effet.
De temps en temps l'éclatement était suivi du bruit crépitant d'une toiture brisée.
On peut évaluer à une cinquantaine le nombre des obus qui se sont abattus sur notre ville, entre 11 heures et minuit 45.
Dans l'intervalle, on avait pu entendre, à partir de minuit, la réponse très nette de notre artillerie. Puis tout s'était tu, en même temps que cessait également l'orage.
Ce fut bientôt de toutes parts une ruée des habitants dans les rues. Insoucieux du danger, nos concitoyens étaient avides de se rendre compte des dégâts.

Incendie
Des lueurs d'incendie guidaient les curiosités. Le feu était, disait-on, dans une fabrique de brosses de la rue Sainte-Anne. On voyait aussi des flammes dans les parages du Marché, vers la rue de la Hache, et rue Saint-Dizier.
Nos braves pompiers étaient d'ailleurs depuis longtemps sur les lieux et tous les sinistres ont pu être, grâce à leur activité, rapidement conjurés.

Les Dégâts et les Victimes
L'église Saint-Sébastien a été pour sa part honorée de deux boulets. L'un d'eux a troué l'horloge en plein centre. Un autre a frappé le côté gauche de l'édifice, se bornant à enlever quelques plâtras. Aux alentours, des fenêtres et des marquises en verre ont eu leurs fenêtres brisées. Il en a été de même de la vespasienne qui se trouve à l'angle de la place, en face de la rue Saint-Thiébaut.
Le tir allemand semble s'être concentré sur un espace assez restreint, allant de la rue Jeannot et de la rue Sainte-Anne, à la rue Clodion, en passant par la rue de la Faïencerie d'un côté, et ne dépassant pas de l'autre côté, la rue de la Hache.
Rue Jeannot, 11, une bombe a enfoncé la toiture et est allée ressortir par une fenêtre du second étage. Une autre a démoli un pan de mur de l'école de filles, dirigée par Mlle Belliéni. Les locataires de l'immeuble, au nombre de 24, étaient heureusement descendus dans les caves.
Rue Sainte-Anne, deux boulets sont également tombés. L'un, comme on l'a vu, a mis le feu à la fabrique de brosses, l'autre a enfoncé un mur. Il y aurait eu, malheureusement, là des victimes. Une femme aurait été tuée, ainsi que le bébé qu'elle portait sur les bras Un autre enfant suivait, mais il n'a pas eu de mal.
Au numéro 22 de la rue Saint-Nicolas, la charcuterie Louis a beaucoup souffert. Une dizaine de personnes, s'étaient réfugiées dans les caves. Soudain, un nouvel obus éclate, défonce le trottoir et brise une conduite d'eau. Un torrent s'échappe aussitôt de la blessure et, par un soupirail, inonde la cave, que tous les réfugiés doivent évacuer au plus vite, sous peine d'être noyés.
Deux bombes aussi, rue de la Fayencerie, à l'angle de la rue Saint-Nicolas. L'une a ébréché la corniche: L'autre n'a pas éclaté. Elle est restée dans le grenier.
Une corniche est aussi entamée au numéro 9 de la rue Saint-Nicolas.
Dans la rue de la Hache, une bombe a allumé un incendie, chez M. Fribourg, banquier. Le feu a été éteint définitivement vers trois heures et demie. On ne croit pas qu'il y ait là des victimes.
La rue Saint-Dizier n'a pas été plus épargnée que la rue Saint-Nicolas, sa voisine.
Une bombe a éventré une fenêtre du premier étage de la maison Henrion, tuant Mme Terlin, une octogénaire, et sa bonne. Une seconde a fait de gros dégâts à la pharmacie Camet ; une troisième a semé, parmi les plâtras, les marchandises de la mercerie Beffeyte.
Deux personnes auraient été tuées, ou grièvement blessées, au numéro 57 de la rue Clodion. On parle d'une femme qui a le ventre ouvert, et d'une jeune fille qui a les jambes broyées, mais on n'a pas encore de renseignements très précis à ce sujet.

Les autorités
M. Mirman, préfet, M. Simon, maire de Nancy, M. Devit, adjoint, et M. Prouvé, conseiller municipal, ont rendu visite aux blessés et porté le réconfort de leurs paroles et leurs condoléances aux familles éprouvées :Un cordon d'agents a été établi, à hauteur du Marché, rue Saint-Dizier, pour empêcher une foule de plus en plus nombreuse de contrarier le travail des pompiers et des sauveteurs, et aussi de marcher sur les fils électriques rompus.

La belle insouciance
Beaucoup de gens, avides de souvenirs, cherchaient un peu partout, notamment devant Saint-Sébastien, quelques débris d'obus.
Il était curieux, et surtout consolant, de constater la belle insouciance du public nancéien, qui, le premier émoi passé, courait de toutes parts aux nouvelles. Si les Allemands ont cru nous terroriser, ils se sont complètement trompés. Nous ne sommes pas, ici, de la race des trembleurs.
D'où provenaient les boulets, et comment les artilleurs allemands avaient-ils pu amener leurs pièces à un endroit propice à ce bombardement. On assure que leurs pièces étaient postées entre Seichamp et Saulxures, et que c'est grâce à un armistice obtenu pour enterrer leurs morts que, violant la parole donnée, ils avaient pu préparer dans l'obscurité de la nuit, leur bel exploit de barbares.
Mais leurs artilleurs doivent à présent savoir le prix de leur traîtrise. Nos pièces, en effet, ont eu rapidement raison des leurs, et on nous assure que notre infanterie a chassé tous ces criminels la baïonnette dans les reins.

LA BATAILLE
Succès franco-anglais sur la Marne. - Les Allemands reculent de 60 kilomètres.
Bien de changé sur l'Ornain et en Argonne. - Devant Nancy

Paris, 11 septembre, 1 heure.
Communiqué officiel du 10 septembre, 23 h. 10 :
L'Aile gauche
1° Sur l'aile gauche, les troupes franco-anglaises ont franchi la Marne entre La Ferté-sous-Jouarre - Charly et Château-Thierry. poursuivant l'ennemi en retraite.
Au cours de cette progression, l'armée anglaisé a fait de nombreux prisonniers et a pris des mitrailleuses.
Depuis quatre jours que dure la bataille, les armées alliées, sur cette partie du théâtre des opérations, ont gagné plus de 60 kilomètres.
Entre Château-Thierry et Vitry-le-François, la garde prussienne a été rejetée au nord des marais de Saint-Gond.
L'action, continue, avec une grande violence, dans la région comprise entre le camp de Mailly et Vitry-le-François.

Au Centre et à l'Aile droite
2° Au centre et à l'aile droite, la situation est stationnaire sur l'Ornain et sur l'Argonne, où les deux adversaires main, tiennent leurs positions.

Du côté de Nancy
3° Du côté de Nancy, l'ennemi a progressé légèrement sur la route de Château-Salins.
Par contre, nous avons gagné du terrain dans la forêt de Champenoux.
Les pertes sont considérables des deux côtés.
L'état moral et sanitaire des troupes françaises reste excellent.

Maubeuge tiendrait encore
4° Aucune confirmation n'est parvenue de la chute de Maubeuge, annoncée par les journaux allemands.

LES BOMBES

Nancy, 11 septembre.
Aujourd'hui, les obus qui n'avaient pas fait explosion au cours du bombardement de l'autre nuit ont été transportés dans un terrain des environs de Nancy où ils ont été détruits par les artilleurs, en présence de M. le maire de Nancy et de M. Faivre, commissaire central.

OBSÈQUES

Aujourd'hui, à dix heures et demie du matin, ont été célébrées les obsèques de MMmes Henriette Wagner, mère et fille, 91, rue Charles III, les premières victimes du bombardement de l'autre nuit.
La cérémonie religieuse eut lieu au temple protestant.
Une assistance nombreuse et émue accompagnait les deux chars funèbres qui disparaissaient sous une profusion de fleurs et de couronnes, dont une offerte par la ville de Nancy.
La municipalité était représentée par MM. Peltiar, adjoint, et Bussières, conseiller municipal.
La double inhumation a eu lieu au cimetière du Sud.

LA VICTOIRE
annoncée par M. le Préfet

Nous recevons de la préfecture cette note qui confirme bien la victoire :
Je suis heureux de pouvoir apprendre fi la population de Meurthe-et-Moselle que la grande bataille que depuis cinq jours les armées françaises livrent contre l'ennemi s'achève en une magnifique victoire.
Français, prenez patience quelques heures en attendant que la communication officielle et précise de cette victoire nous vienne de ceux qui ont autorité pour vous la faire et préparez vos coeurs à une grande joie.
L. MIRMAN,
Préfet de Meurthe-et-Moselle.

GRANDE VICTOIRE
Battus sur la Marne et sur l'Ourcq, les Allemands se replient sur l'Aisne et l'Oise. - L'ennemi recule sur presque tous les points, après avoir subi des pertes considérables.

COMMUNIQUÉ OFFICIEL

Paris, 11 septembre, 16 h. 5.
La bataille est engagée depuis le 6 septembre, sur le front Paris-Verdun.

Au Nord de la Marne et sur l'Ourcq
Dès le début, l'aile droite allemande, sous le commandement du général von Kluck, et qui avait atteint, le 6 septembre, le nord de Provins, se repliait devant notre menace d'enveloppement.
Elle parvint à s'échapper et elle se jeta contre notre aile enveloppant le nord de la Marne et l'ouest de l'Ourcq.
Mais les forces franco-anglaises lui infligèrent des pertes considérables et résistèrent le temps nécessaire à la progression de notre offensive.
Par ailleurs, l'ennemi est actuellement en retraite vers l'Aisne et Oise. Il a reculé de soixante à soixante-quinze kilomètres depuis quatre jours.

De Montmirail à Sézanne et à Vitry
Les forces franco-anglaises opérant au sud de la Marne ont poursuivi l'offensive, engageant de violents combats dans la région La Ferté-Gaucher, Esternay-Montmirail.
La gauche des armées de von Kluck et de von Bulow se replie devant nous.
Des combats particulièrement acharnés se sont livrés entre les plateaux situés au nord de Sézanne et Vitry-le-François contre notre gauche par l'armée de Bulow, l'armée saxonne et une partie de l'armée du prince de Wurtemberg.
Les Allemands ont échoué dans leurs tentatives violentes et répétées de rompre notre centre.
Victorieux sur le plateau de Sézanne, nous pûmes passer à l'offensive.
L'ennemi rompit le combat la nuit dernière, entre les marais de Saint-Gond et la région de Sommesous, se repliant vers l'ouest, dans les environs immédiats de Vitry-le-François.

Dans la Meuse
Sur l'Ornain, comme dans l'Argonne et la Meuse, où opèrent les armées du prince de Wurtemberg et du kronprinz, le combat dure encore, avec des alternatives d'avance et de recul qui ne modifient pas la situation d'ensemble.

La droite et le centre allemands en retraite
Ainsi, la première phase de la bataille sur la Marne se dessine en faveur des alliés, puisque la droite et le centre allemands sont actuellement en retraite.

Dans les Vosges et devant Nancy
La situation de notre droite n'est pas changée dans les Vosges et devant Nancy,
- que quelques pièces à longue portée essayèrent de bombarder.

L'Ensemble
La situation générale s'est donc complètement transformée, depuis quelques jours, tant au point de vue stratégique que tactique.
Non seulement nous avons arrêté la marche des Allemands, que ceux-ci croyaient victorieuse, mais l'ennemi recule devant nous, sur presque tous les points.

LE BUTIN
fait par les Anglais

Paris, 11 septembre, 11 h. 40.
LONDRES, 10 septembre. - Le bureau de la Presse communique le rapport suivant du général French : La bataille a continué hier.
L'ennemi a été repoussé sur toute la ligne.
Notre 1er corps d'armée a enterré 200 cadavres ennemis, a pris douze canons Maxim et fait de nombreux prisonniers.
Notre 2e corps a fait 350 prisonniers.
Il a pris une batterie.
Les pertes allemandes sont importantes.
Les troupes allemandes sont, paraît-il, épuisées.
Les troupes anglaises ont traversé la Marne dans la direction du nord.

NOTRE SUCCÈS S'ACCENTUE
Encore un drapeau enlevé

Paris, 12 septembre, 0 h. 48.
(Communiqué officiel du 11 septembre, 23 heures.)
1° A l'aile gauche, notre succès s'accentue.
Nos progrès ont continué au nord de la Marne et dans la direction Soissons-Compiègne.
Les Allemands ont abandonné de nombreuses munitions, du matériel, des blessés et des prisonniers.
Nous avons pris un nouveau drapeau. L'armée britannique a pris 11 canons, un important matériel et a fait 1.200 à 1.500 prisonniers.
2° Au centre l'ennemi a cédé sur tout le front entre Sézanne et Revigny.
Dans l'Argonne, les Allemands n'ont pas reculé encore.
Malgré les efforts fournis par les troupes françaises au cours de ces cinq journées de bataille, elles trouvent encore l'énergie de poursuivre l'ennemi.
3° A l'aile droite, en Lorraine et en Vosges, rien de nouveau.

LES PERTES ALLEMANDES
sont énormes

Paris, 12 septembre, 2 heures.
(Officiel.)
Seize fois ils lancèrent des ponts sur la Marne qui seize fois furent démolis
MEAUX. - Les forces anglo-françaises qui refoulèrent les Allemands sur les bords de la Marne leur infligèrent des pertes énormes en hommes et en matériel.
Autour de Vareddes notamment (Vareddes est dans la boucle de la Marne, entre Triport et Changis, non loin du confluent de l'Oucq, en Seine-et-Marne), autour de Vareddes donc, les pertes de l'ennemi furent cinq fois supérieures à celles des Français.
Les Allemands firent des efforts inouïs pour franchir la Marne.
Les Français ayant détruit tous les ponts, les Allemands tentèrent d'établir trois ponts de bateaux.
Seize fois, ces ponts, presque achevés, furent réduits en miettes par l'artillerie française.

Nos morts dorment sous un linceul tricolore
Le service sanitaire a fonctionné admirablement.
Tous les blessés ont été évacués et hospitalisés.
Nos morts sont enterrés.
Il ne reste plus, dans les immenses plaines où la bataille a eu lieu avant+hier, que, de petits monticules, tombes de soldats, surmontés de croix, recouverts de fleurs et de drapeaux tricolores.
Les habitants des villages voisins, partis à la dernière minute, sont revenus et vaquent à leurs occupations habituelles avec une admirable tranquillité.

GRIFFES COUPÉES DENTS LIMÉES

Nancy, 12 septembre.
Les impatients doivent être, à l'heure actuelle, satisfaits. Ils ont la grande bataille qu'ils demandaient avec une énergie doublée par leur ignorance des faits de la guerre.
Pour ceux qui ont acquis à grands efforts cette vertu magnifique, la patience, ils ont davantage le droit de se réjouir. Ils ont le commencement d'une belle victoire. Ils ont surtout la certitude que, quoi qu'il arrive, le sang-froid de nos généraux, leur calme, la clarté de leurs vues sont à l'épreuve de tout événement. Avec cette assurance ils ont la certitude du triomphe définitif.
Est-ce parce que cette idée s'est peu à peu fait jour dans le cerveau du kaiser que les Etats-Unis ont, à ce qu'on assure, parlé de la paix ? Ce n'est pas impossible.
Au début de la guerre on disait assez communément que Guillaume II offrait à la France la restitution de l'Alsace et de la Lorraine si notre pays consentait à le laisser seul en face de la Russie.
Cela paraissait une plaisanterie cruelle, surtout quand on voyait l'armée allemande envahir Bruxelles et dépasser notre frontière du Nord.
Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui cette même armée allemande est encore chez nous à la vérité. Seulement elle y est un peu comme un soldat entouré par de prisonniers armés.
Au centre on la refoule. A l'Ouest on l'attaque. Au Nord-Ouest les Belges attendent à Anvers l'occasion, qu'ils ne laisseront pas échapper, de bousculer sa retraite fatale. En Lorraine elle ne peut pas passer. Enfin là-bas les Russes foulent le sol de la Prusse orientale et chassent devant eux les Allemands affolés.
La source du ravitaillement commence à tarir. Les mers sont fermées à tout espoir de secours.
De plus, les atrocités commises pendant l'invasion ont soulevé contre l'Allemagne l'indignation de tous les peuples civilisés.
Le grand empire militaire est vaincu par avance, sans que l'esprit humain puisse concevoir d'autre solution à ce tragique problème posé devant l'univers.
Le kaiser, si mystique soit-il, n'est pas sans comprendre qu'il est perdu.
Il n'est donc pas improbable qu'il ait essayé de séparer la France de ses alliés par l'offre d'une satisfaction immédiate.
Cette proposition serait d'ailleurs tout à fait dans la direction amorale de l'esprit allemand.
Le gouvernement prussien avait bien proposé à la Belgique neutre de favoriser les opérations militaires de ses armées. On sait comment répondirent les Belges.
Il avait bien proposé à l'Angleterre amie de ne pas bouger pendant qu'il envahirait la Belgique. On sait comment répondirent les Anglais.
Il serait bien capable de proposer à la France d'abandonner la lutte et ses alliés moyennant compensation déshonorante. Si cela était exact, on sait comment répondrait la France.
Et au fait n'a-t-elle pas répondu soit en prévision des offres de paix, soit parce que ces offres ont été réellement faites ? La déclaration de la Triple-Entente est-elle seulement éventuelle, ou bien est-elle une réplique vigoureuse ?
«  Les trois gouvernements de Grande-Bretagne, France et Russie, conviennent que lorsqu'il y aura lieu de discuter les termes de la paix, aucune des puissances alliées ne pourra poser des conditions de paix sans accord préalable avec chacun des alliés. »
Voilà ce que nous avons dit.
Les imaginations peuvent à ce sujet se donner libre cours. Elles sont sur un terrain moins dangereux que celui de la tactique.
Mais de tous les Français pas un, serait-il le pacifiste le plus affolé et le plus impressionnable, et le plus tendre, n'accepterait d'examiner des propositions si étrangement cyniques.
Nous sommes trois et quatre peuples qui combattons pour la libération de l'Europe. Ensemble nous vaincrons, ensemble nous dicterons la paix, quand l'Allemagne écrasée sous le poids des armes et de la réprobation, ses griffes coupées et ses dents limées, ne pourra plus enfin déchirer et dévorer Inhumanité.
RENÉ MERCIER.

Retraite générale
DES ALLEMANDS

A l'Aile droite, à l'Aile gauche, au Centre et en Lorraine, les Allemands ont entamé un mouvement de retraite générale

AUTOUR DE NANCY
La victoire générale des armées alliées, que j'ai eu l'immense joie de pouvoir annoncer ce matin à la population de Meurthe-et-Moselle, a produit son effet «  autour de Nancy » avant même que la nouvelle officielle ait été portée à notre connaissance par le gouvernement.
Je puis donner aux Lorrains qui sont restés à Nancy, marquant ainsi leur confiance inébranlable dans les destinées immédiates de la Patrie, l'assurance que l'ennemie est en retraite sur tout notre front.
Vive Nancy !
Vive la France !
L. MIRMAN, Préfet de Meurthe-et-Moselle.

Bordeaux, 12 septembre, 18 h. (officiel).
A NOTRE AILE GAUCHE
Les Allemands ont entamé un mouvement de retraite général, entre l'Oise et la Marne.
Hier, leur front était jalonné par Soissons, Braines, Fismes et la montagne de Reims.
Leur cavalerie semble épuisée.
Les forces anglo-françaises, qui les ont poursuivies, n'ont rencontré devant elles, dans la journée du 11, qu'une faible résistance.

AU CENTRE ET A NOTRE AILE DROITE
Les Allemands ont évacué Vitry-le-Framçois, où ils s'étaient fortifiés, et le cours de la Saulx.
Attaqués à Sermaize et à Revigny, ils ont abandonné un nombreux matériel.
Les forces allemandes occupant l'Argonne ont commencé aussi à céder.
Elles battent en retraite vers le Nord, par la forêt de Belnoue.

EN LORRAINE
Nous avons légèrement progressé.
Nous occupons la lisière Est de la forêt de Champenoux, Rehainviller et Gerbéviller. Les Allemands ont évacué Saint-Dié.

VERS LA GUÉRISON

Nancy, 12 septembre.
Des femmes au coeur tendre se massent volontiers sur le passage des blessés, et s'apitoient un peu bruyamment sur le sort de ces malheureux.
Certes on ne peut blâmer ces sentiments. Pourtant il serait bon de les modérer.
Voici pourquoi : Les blessés que l'on voit passer, étendus sur des civières, sont des blessés que l'on évacue vers le Centre, l'Ouest ou le Midi, en des villes où ils recevront, loin de la ligne de feu, les soins nécessaires.
Ils ont été pansés aux postes où ils sont tombés. Ils ont été conduits à Nancy où on a renouvelé les pansements, où on les a laissé reposer quelques jours, de façon à les mettre en état de supporter le transport en chemin de fer.
Ceux que les médecins estiment immédiatement transportables, on les place sur des civières, et on les dirige vers la gare.
Ils laissent la place à ceux que l'ennemi atteindra dans les combats futurs. Ils partent. Ils vont vers la guérison.
Ils ne sont pas à plaindre. On doit au contraire les féliciter de leur hardiesse, leur souhaiter un prompt rétablissement, et se louer de ce que, à l'abri de tous les périls, sous un ciel clément, ils vont, leur devoir accompli, reprendre des forces.
Il ne faut pas dire, avec des larmes, sur leur passage :
- Ah! les pauvres gens !
Mais bien :
- Ah ! les braves petits gars !
Ils ont versé leur sang pour la patrie.
Bravo ! On les emmène vers la guérison. Ils nous reviendront bientôt solides et joyeux.
Voilà ce que je voudrais entendre au passage des blessés. C'est ce qui est vrai, c'est ce qui est juste, c'est ce qui réconforte.
Allons, femmes lorraines, illuminez ces départs de vos sourires, et vous qui avez tous les courages, ayez encore celui-là de crier aux blessés :
- Bravo les petits gars ! Allez vers la guérison. Et revenez-nous bien vite.
RENÉ MERCIER.

(à suivre)

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