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Février 1915 - La Vie en Lorraine (2/3)

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LES MARTYRS DE JARNY
Comment le Maire et le Curé
TOMBÈRENT
sous les balles prussiennes
LE RÉCIT D'UN TÉMOIN

ANNEMASSE, 2 février. - Parmi les rapports fournis aux commissions d'enquête figure dans les dossiers le récit de la quadruple exécution du maire et du curé de Jarny, fusillés le 26 août, avec les ouvriers mineurs Bernier et Fidler.
Le maire, M. Génot, avait été emmené comme otage à Metz, pendant une semaine, dès le début des hostilités. Il rentra dans sa commune pour assister aux scènes d'épouvante et d'horreur éclairées par la rouge lueur des incendies de la Grand-Rue.
Sa maison et celle de son voisin, M. Bérard, s'abîmèrent les premières dans les flammes. Mme Bérard eut son enfant tué sur son sein d'un coup de fusil. Pendant cinq jours, les Allemands lui refusèrent l'autorisation d'inhumer le petit cadavre qu'elle eut enfin la triste consolation d'enterrer elle-même dans une plate-bande de son propre jardin.
Une autre mère de famille, Mme Leroy, fille de M. Pérignon, dont nous avons relaté la fin tragique, essaya de protéger son bébé de cinq mois en élevant le bras gauche au-dessus de lui ; un coup de sabre lui trancha le poignet. Les Boches s'émurent alors, un de leurs médecins-majors ordonna le transport de la blessée dans un hôpital de Metz.
La fusillade en masse de 32 ouvriers italiens dans la cour de l'hôtel de ville, puis l'abominable exécution du maire et du curé mirent le comble aux atrocités.
Les Allemands accusèrent M. Génot d'être monté dans le clocher avec des chasseurs pour leur désigner les positions ennemies ; la même accusation fut portée contre M. l'abbé Vouot.
- C'était une infâme calomnie, un prétexte odieux, déclare un témoin oculaire. Le maire de Jarny jouissait d'une corpulence qui suffisait à écarter une telle imputation. Lui, obèse et lourd, lui, presque incapable d'exercices réclamant un peu d'adresse et d'agilité, lui, gravir comme on le lui reprochait, l'escalier du clocher !.. En d'autres circonstances on eut souri de ce qui ressemblait à un tour d'acrobatie.
En vain le maire protesta avec énergie de son innocence. Les bourreaux refusèrent de l'écouter. Ils voulaient du sang. Le pillage des caves avait provoqué chez les Boches une ivresse féroce. Ils se battaient entre eux.
Plusieurs tombèrent sous le feu de leurs compagnons de débauche. Les enquêtes ouvertes sur les orgies où l'on ramassait des cadavres avaient convaincu la justice militaire que les «  sales Français » avaient commis ces crimes :
- Oui, répétaient les officiers, blêmes de rage, on a tiré sur nous... on a tué nos soldats... »
Le sort de M. Génot fût vite réglé ; la complicité (!) de M. l'abbé Vouot valut au digne prêtre l'honneur de marcher aussi vers le supplice ; les mineurs Dernier et Fidler furent compris dans le lot des condamnés.
Vers midi, les quatre hommes furent conduits sur la route de Doncourt. L'endroit choisi pour l'exécution fut le mur d'un enclos où jadis une famille de Jarny avait le droit de réunir ses sépultures et qu'en raison de cette particularité on désigne couramment sous le nom de «  cimetière Bertrand » Là, un maréchal des logis de gendarmerie en retraite, de qui nous tenons ces renseignements, fut à son tour amené. Qu'avait-il fait ? Il n'en savait rien - et ses bourreaux n'en savaient pas davantage.
Une providentielle intervention le sauva. Un Bavarois eut pitié de lui ; il demanda sa grâce, jurant que ce maréchal des logis s'était bien conduit, qu'il avait servi la soupe à ses camarades.
On aligna les malheureux. Ils montrèrent un calme, une placidité admirables. L'abbé Vouot, porta vers ses lèvres un crucifix ; mais le geste du prêtre déchaîna une explosion de fureur sauvage ; le chef du peloton arracha violemment l'image du Christ, la jeta jusqu'à terre, la piétina en hurlant, les plus ignobles blasphèmes.
-- Le bruit sec des fusils qu'on arme... un ordre... et je vis comme en un cauchemar les victimes s'écrouler sur le sol...
Et le témoin ajoute :
- Le curé tétait pas mort sur le coup. L'officier s'acharna alors sur l'abbé Vouot ; il lui creva les veux avec la pointe de son épée. il lui écrasa le visage à coups de pommeau, répétant sans cesse la même phrase de haine, mâchant les mêmes outrages : «  Tu ne g.... crieras plus ; Tu as fini de g... crier ! »
Puis, le fusil sur l'épaule, roides comme à la parade, les bandits s'éloignèrent du groupe immobile des martyrs étendus dans l'herbe devant le cimetière Bertrand.
Achille LIÉGEOIS.

LES ALLEMANDS A NORROY

Le 5 septembre 1914, Norroy n'était occupé que par une section de ligne.
Vers dix heures du matin, les Allemands y arrivèrent en masse, après avoir lancé quelques bombes aux alentours du village. Ils en repartirent le lendemain matin, prenant Pont-à-Mousson pour Nancy et croyant déjà avoir conquis la capitale de la Lorraine. Mais à Jezainville, ils furent repoussés avec des pertes terribles. Jusqu'au 19 septembre, Norroy fut tantôt allemand, tantôt français, selon que les patrouilles allemandes ou françaises avaient l'avantage.
A partir du 19, nous fûmes totalement séparés de la Patrie française. Nos récoltes furent presque complètement perdues, car il ne nous était permis de sortir que pendant deux heures le matin, à certains jours, accompagnés d'un soldat, qui ne permettait pas d'aller à plus de cent cinquante mètres du village. Les maisons étaient livrées au pillage, il fallait se laisser voler sans rien dire, tout convenait aux Allemands, de sorte que pour Noël presque toutes les maisons étaient vides.
Le 8 novembre, les Prussiens emmenèrent cinq jeunes gens de dix-sept à dix-huit ans. Le 24 décembre, à onze heures et demie, on prévint tous les hommes de quinze à cinquante-deux ans qu'il fallait partir à midi ; nous étions vingt-sept. On nous emmena à Novéant, où nous passâmes la nuit à la gare, et de là à Dieuze, où nous arrivions le jour de Noël, à une heure de l'après-midi. Trois jours après, on nous fit passer une visite médicale. A Dieuze, il n'y a que des prisonniers civils, occupés à différents travaux de terrassement et d'assainissement. Pas maltraités, relativement bien nourris et payés à raison de trois mark chaque dix jours.
Le 31 décembre, on évacue vingt malades et infirmes de Dieuze sur Rastadt. Là, outre les prisonniers civils qui attendent la formation d'un convoi de rapatriement, il y a cinq ou six cents prisonniers militaires, la plupart blessés et évacués de l'hôpital avant complète guérison. Très mal nourris, mal couchés et mal payés, ils y sont encore fort maltraités par trois ou quatre sous-officiers allemands commis à leur surveillance. A chaque instant du jour, ces brutes sifflent le rassemblement. Il faut courir. Et vous voyez ces pauvres soldats, dont beaucoup marchent avec des béquilles, s'efforçant de suivre, poussés à coups de poing par ces gardes-chiourmes. Ils tombent l'un sur l'autre, mais il y a derrière eux des chiens, très bien dressés pour ce genre de sport, qui leur mordent les mollets et les font se relever. C'est ignoble et barbare.

UN TAUBE EN PANNE

Moyen, 7 février.
M. le maire de Moyen nous donne les renseignements suivants sur l'atterrissage d'un taube dans son village : Le vendredi 29 janvier, à douze heures et demie, un avion venant du côté de Rambervillers, paraissant avoir une panne de moteur, a atterri sur le territoire de Moyen, lieu dit Grande-Saule, à deux kilomètres environ du village et à proximité de la forêt où se trouvaient des bûcherons.
Un de ceux-ci, M. Jules Miquel, âgé de 60 ans, rejoint bientôt par MM. Ploquet et Grandhomme, s'approcha des deux aviateurs, qui mirent aussitôt les mains en l'air et rendirent leurs armes, en priant ces trois citoyens de les conduire au maire de la commune la plus rapprochée. C'est à ce moment que des cavaliers de la garnison accoururent et s'emparèrent de l'officier aviateur et de son pilote. Le taube fut aussitôt ramené à Moyen. Il paraît neuf et les dégâts sont insignifiants.

DUELS D'ARTILLERIE AVEC QUELQUES BONDS HEUREUX

Paris, 7 février, 15 heures.
En Belgique, la journée du 6 février a été calme.
Entre le canal et la route de Béthune à La Bassée, à un kilomètre à l'est de Cuinchy, une briqueterie, où l'ennemi s'était maintenu jusqu'ici, a été enlevée par les Anglais.
Dans le secteur d'Arras, au nord d'Ecurie, les batteries allemandes ont bombardé la tranchée conquise par nous le 4 février, mais il n'y a pas eu d'attaque d'infanterie.
D'Arras à Reims, combats d'artillerie où nous avons pris l'avantage.
En Champagne, nous avons repoussé une attaque d'un demi-bataillon, au nord de Beauséjour.
De l'Argonne aux Vosges, combats d'artillerie, gênés dans la région montagneuse par une brume épaisse.

Paris, 8 février, 1 heure.
Voici le communiqué du 7 février, 23 heures :
Dans la nuit du 6 au 7, l'ennemi a prononcé, dans la direction de Nieuport, plusieurs petites attaques. Toutes ont été repoussées.
Rien à signaler dans la journée du 7, excepté le bombardement du quartier nord de Soissons.

L'ENFANT TERRIBLE

Nancy, 8 février.
L'ex-président Roosevelt ne déteste pas les arguments frappants. J'entends par là qu'il ne se sert pas de périphrases académiques et volontiers appelle Rollet un fripon.
Son genre n'est pas le genre discret. Il met volontiers les pieds dans le plat. Si cela choque parfois le goût, ce n'est pas toujours pour nous déplaire.
Ainsi voilà que M. Roosevelt s'est avisé d'une chose que les diplomates les plus distingués n'avaient pas encore osé envisager : l'obligation pour les signataires des conventions de la Haye d'exiger le respect de ces conventions, et, s'il le faut, les armes à la main.
Depuis que M. de Bethman-Holweg a décrété que les traités sont des chiffons de papier, il apparaît que c'est une conception ridiculement surannée de les considérer comme des engagements d'honneur établis par les peuples et les gouvernements.
M. Roosevelt pourtant les tient pour engagements sérieux. Et à cause de cela il mérite qu'on le regarde avec quelque respect.
Il faut qu'une pareille observation vienne d'un pays essentiellement pratique, et d'un des hommes les plus pratiques de ce pays.
Si j'avais un seul instant supposé, écrit M. Roosevelt. que cette signature des conventions de la Haye ne signifiait absolument rien que l'expression d'un pieux désir que n'importe quelle puissance serait libre de dédaigner avec impunité, au gré de ses propres intérêts, je n'aurais certainement pas permis que les Etats-Unis participent à une pareille farce...
Comme ce raisonnement nous semble étrange à l'heure qui sonne !
Personne ne s'était avisé de cela. On dirait que l'Allemagne a mis un bâillon de fer sur les bouches les plus éloquentes.
Les signataires des Conventions de la Haye, - à part les belligérants, - n'ont pas plus bougé que les bénéficiaires. Grands ou petits peuples, neutres ou pas neutres, tout le monde a paru accepter toutes les violations avec le sourire. Les diplomates se sont mis un boeuf sur la langue, et ont fait signe qu'il convenait de ne dire mot.
M. Roosevelt, qui a son libre parler, juge convenable de signaler publiquement que le rôle des peuples n'est pas d'être sourds-muets, quand une nation bouleverse brutalement ce qu'ils ont décidé en commun.
On va l'accuser d'être un don Quichotte attardé. En tous les cas il apparaîtra à la postérité comme un homme qui n'a pas eu peur de la vérité, et l'a criée lorsque tant de puissants essayaient de la taire.
Il est évidemment désagréable, quand on peut être bien tranquille chez soi, d'affronter les injures de l'Allemagne et pire encore. M. Roosevelt a estimé que l'honneur d'une signature donnée par toute une nation vaut bien qu'on sorte d'une réserve apeurée. Tant pis pour les timides, et vive le courage public !
Les Américains ne sont pas seulement des gens pratiques. Les affaires terminées, ils aiment bien un peu de sentiment. Ici le sentiment se joint avec harmonie au sens pratique.
M. Roosevelt croit d'une part qu'on ne peut plus traiter d'affaires si les signatures ne signifient plus rien, et d'autre part que les victimes ont droit à une affectueuse sympathie tandis que les assassins méritent un châtiment. L'égoïsme en ceci comme en toutes choses est à la fois un crime contre la civilisation et une détestable opération commerciale.
Violer ces conventions, dit l'ancien président des Etats-Unis, violer les traités de neutralité, comme l'Allemagne l'a fait pour la Belgique, constitue un effroyable crime. C'est le plus grave attentat international qui se puisse commettre, mais il n'est pas encore aussi méprisable, il ne témoigne pas de tant d'incapacité et d'indifférence égoïste que l'attitude des Etats-Unis en refusant de remplir leurs obligations solennelles, et en n'agissant pas comme il serait nécessaire de le faire pour nous épargner la honte qui sera la nôtres si nous laissons s'accomplir sans protester un crime que nous nous sommes solennellement engagés à empêcher.
Que vont penser de cette netteté aveuglante les prudents hommes d'Etat auxquels la peur de se compromettre clôt la bouche ? Que M. Roosevelt est un enfant terrible et qu'il a eu tort de dire ce qu'il faut cacher ?
Oui bien. Mais les peuples songeront que pour le bien de l'humanité, pour la paix internationale, il est excellent qu'au-dessus des craintes mesquines et des silences épouvantés s'élève une voix claire, et même claironnante, qui évoque la vérité, affirme le droit, proclame le respect des traités.
Et ce seront les peuples qui auront raison contre ceux qui les gouvernent, - mal.
RENÉ MERCIER.

EN SAVOIE
Les Réfugiés de la Woëvre

EVIAN-LES-BAINS, 4 février. - Une colonie d'internés attend à Evian-les-Bains que l'on statue sur son sort. Peu d'hommes. Le maire de Mouaville et quelques paisibles cultivateurs de la Woëvre vivent ici au milieu de familles, dont les chefs se battent pour la plupart sur le front.
Les vétérans, ceux qui «  avaient vu l'Année terrible » refusèrent de quitter leur foyer. Bah ! ils savaient bien ce que s'était que la guerre., ils avaient logé des Prussiens. On n'avait pas trop souffert. On avait même eu parfois la chance de tomber sur des officiers qui se montraient assez convenables, qui parlaient poliment, qui payaient comptant leurs provisions.
Après tout, à la condition, parbleu ! de s'incliner sans inutile révolte devant la loi du plus fort, on ne sentirait pas trop le poids de la botte allemande :
- Que d'autres s'en aillent.... A leur guise... Nous resterons... Advienne que pourra... Mais nous sommes persuadés qu'il n'adviendra rien de mauvais. »
Ils restèrent, les vétérans aux barbes de neige, appuyant sur une canne leurs corps chargés d'hivers. Ils restèrent. Leur exemple fut suivi. Les ménagères prirent leur parti de l'odieux voisinage que la guerre imposait - et c'est maintenant avec des larmes, avec un tremblement dans la voix, qu'elles racontent leur misère, en cachant dans leur fichu un mioche à la mamelle.

Les Boches chez nous
L'une d'elles. Mme Henri Aubriot, a quitté Remenauville, le 9 janvier seulement, avec une quarantaine de femmes dont le souffle glacial de l'exil a dispersé le troupeau entre Landau et Rastadt, sur les routes de l'étranger.
Une cinquantaine d'entre elles ont assisté. cet après-midi, à une réunion où elles exprimèrent leurs voeux, après un pénible récit de leurs tortures, de leur supplice ; les étapes de leur voyage sont les stations d'un long calvaire.
- On gênait les Boches, n'est-ce pas, déclare Mme Aubriot. Ils occupaient les bois du côté d'Euvezin; mais ils craignaient une agression, une surprise, avouant tout haut que si les «  Franzoses » risquaient un coup d'audace, Mort-Mare serait bientôt pris, avouant qu'à Chambley une bombe d'aviateur français avait tué un lieutenant dans sa chambre, sans blesser un seul des cinquante Bavarois en train de jouer aux cartes dans la maison voisine... »
La population savait aussi quels ravitaillements considérables approvisionnaient un camp à Villers, qu'un lazaret fonctionnait dans le château de Mme Collignon, qu'un hôpital démontable s'était installé en deux jours à Jaulny, que des renforts arrivaient de Metz, que la cavalerie allemande se massait en vue d'importantes reconnaissances, que la ferme de Tautecourt regorgeait, d'obus :
- Bref, il fallait se débarrasser de nous, conclut Mme Aubriot. Le 11 janvier, un ordre a réuni, dans l'église tous les habitants. Le commandant d'étape a prononcé un petit discours ; il a regretté, avec des paroles attendries, qu'on s'éloigne du pays : «  Si vous demeurez en Allemagne, mesdames, vous y serez bien traitées ; si vous allez en France, répétez à vos parents que nous sommes contraints de vous faire la guerre à cause de l'Angleterre. C'est l'Angleterre, mes chères émigrées (sic), qui a voulu la guerre et qui porte la responsabilité de vos misères. »

Il faut payer
Quinze jours avant le départ de la population, on exerça sur elle une ultime pression pour vider les bas de laine.
Le maire de Boncourt, resté dans sa commune, fit lui-même auprès de ses administrés plusieurs démarches pour exhorter leur générosité; le garde champêtre, plus formel, n'admettait point de «  rouspétance »
Les localités de la région furent méthodiquement pillées. Le château de Mme Collignon, quoiqu'il abritât de nombreux blessés et une partie de l'état-major, fut l'objet d'un cambriolage en règle. Meubles et tapis furent transportés dans les tranchées, avec les lits çà et là enlevés dans les maisons de Jaulny.
Une réfugiée que j'interroge, Mme Bruneseaux, a la lettre d'une gretchen, douée d'un sens éminemment pratique. Elle écrivait à son digne époux : «  Comment se fait-il que ma voisine ait reçu de France une machine à coudre et que tu ne m'aies rien envoyé ? Il parait que les Français couchent dans de bons lits; tâche donc de m'en procurer un... »

A Landau
L'exode vers Landau s'effectua sans incident.
Le mot «  wachs » se répétait sur tous les wagons et, dans leur ignorance du terme employé à l'égard des Alsaciens-Lorrains, les voyageurs présumèrent qu'on les comparait aux tendres mammifères de leurs étables.
Des enfants leur montraient le poing aux portières; d'autres brandissaient des couteaux et criaient à pleins poumons : «  Capout ! les Franzoses ! »
Avec un courage admirable, les femmes répliquaient sur un ton d'ironie et félicitaient les Boches de leurs superbes victoires : - «  Ah ! oui, vous avez pris Verdun... Vous avez capturé aussi nos enfants dans leur berceau, des infirmes qui se traînent sur des béquilles et même un aveugle. Le kaiser doit être fier et content de ses troupes. »
Quand les Boches s'avisaient de vanter les charmes d'une vie abondante et facile, on leur répondait :
- «  Oh ! vous ne manquerez de rien chez nous... surtout si vous avez l'habitude de manger l'écorce des arbres... »
Les arrêts dans les principales gares fournissaient aux Boches un motif de boniment pour célébrer, comme les guides Cook, la splendeur des monuments, les curiosités des musées, l'alignement des rues, l'opulence et l'éclat des magasins :
- «  Oh ! vous savez parfaitement arranger une ville d'après votre goût et votre civilisation, approuvaient les voyageuses... Reims est un modèle du genre. »
Parfois de belles dames, des bourgeoises en somptueux falbalas, s'approchaient du train et, avec des minauderies, en arrondissant la bouche en coeur de poule, elles offraient des gâteaux, des friandises, comme si elles recevaient dans leur salon.
Les lazzis, les quolibets jaillissaient alors en interminables fusées.
Mais vers Schaffouse, les lampes furent éteintes et les bouillottes ôtées. Il fallut vivre dans les ténèbres et le froid des wagons.
- Ici, nous avons retrouvé enfin la France, le paradis. soupirent les internées dont plus d'une essuie discrètement une larme avec le coin de son tablier.
ACHILLE LIEGEOIS.

L'OCCUPATION A THIAUCOURT

Un de nos confrères a pu voir une personne qui a quitté Thiaucourt le 8 novembre dernier et qui fut internée à Landau avant de rentrer en France par la Suisse.
A cette date, les Allemands n'avaient fusillé ni molesté aucun habitant. Ils s'étaient contentés de réquisitionner les vivres et de piller dans les caves le crû renommé, sans oublier, bien entendu, de se procurer dans les appartements quantité «  de petits souvenirs ».
Dans toutes les maisons logent des soldats prussiens, nourrissant en quelque sorte les habitants, car toutes les provisions sont épuisées. A plusieurs reprises, le maire et des notables ont été emmenés puis ramenés par les Boches.
Un assez grand nombre de maisons ont été atteintes par notre artillerie. Mais, jusqu'au 8 novembre, on ne signalait aucune victime dans la population civile. Il n'en a pas été de même pour les envahisseurs. Un jour, notamment, un obus a tué 5 enfants de la vieille Germanie.
Des habitants de Thiaucourt auraient été envoyés en assez grand nombre en Bavière, à plusieurs reprises. Peut-être se trouvent-ils parmi les 5.000 rapatriés qui doivent arriver, ou sont arrivés, par la Suisse, à Annemasse, en Savoie.

AU PAYS DE BRIEY
A AUBOUE

Du «  Bulletin de Meurthe-et-Moselle » :
Un jeune homme d'Homécourt, qui voyageait en permanence dans les cantons de Briey et Conflans et a quitté le pays le 8 décembre, nous fait les déclarations suivantes :
On entretient les feux dans les usines d'Auboué et d'Homécourt, et les stocks de minerai et fonte sont intacts.
Tout au début de la guerre, lorsque les Allemands ont envahi le pays, ils ont pillé les magasins, entre autres : les épiceries Perrin, notamment, Galeries du Progrès, Manufactures Lorraines, Fabriques Belges, Bazar Maclot, les cafés ; ces derniers ont été fermés au bout de quelques jours, car les soldats consommaient sans payer.
Pendant un certain temps, quatre cents soldats environ ont logé à Auboué, un peu partout, au moment où ils étaient occupés à faire des tranchées.
De temps en temps, il en revient, mais qui ne font que passer. Le jour du départ de notre correspondant il y avait six ou huit hussards logés maison Breton, une douzaine de fantassins dans le village, vingt-cinq à trente hommes à la gare d'Auboué, deux chefs de police, quelques officiers et des gendarmes installés chez Besson. Dans quelques grosses maisons de maître, les Allemands ont réquisitionné les bouteilles de vin fin, ainsi que les liqueurs ; de même chez Guerbert et chez Besson.
Certains cafés sont ouverts ; ils s'approvisionnent vers Metz.
Les épiciers Ludvig Heier ne vendent que des produits allemands.
Les moulins Beaucard, d'Auboué ; Loigillon, de la Caubre ; Beaucard, de Hatrize, n'ont pas été totalement dépouillés de leur farine et les boulangers ont du pain.
La viande, jusqu'à ces derniers temps, a été fournie par un boucher de Joeuf et un autre d'Homécourt, qui ont encore trouvé quelques bêtes à acheter dans le pays. Celui d'Homécourt, le 8 décembre, avait des bêtes pour cinq à six semaines à l'écurie. Il reste quelques chevaux et quelques vaches à lait dans le pays.
A Auboué, personne n'a été emmené comme otage. A Briey, Moutiers, Auboué, Homécourt et Joeuf les Allemands n'ont pas encore enlevé les hommes susceptibles d'être armés (de 18 à 50 ans). Au-dessus de Briey, ils ont enlevé tout le monde.
A Auboué, les gens ont le droit d'avoir de la lumière jusqu'à huit heures ; à Homécourt, jusqu'à sept heures seulement. C'est Sainte-Marie qui fournit la lumière électrique à Auboué, moyennant un arrangement que n'a pas accepté Homécourt.
Les Allemands ont raccordé la gare d'Homécourt avec la maison de Wendel et Moyeuvre, mais ils se servent rarement de ce chemin de fer (deux ou trois fois depuis le début).
Les Allemands n'auraient pas commis de violences sur des personnes d'Auboué.
La circulation est assez libre et quand des laissez-passer sont exigés, on les obtient assez facilement, ceci s'entend pour rayonner autour d'Auboué.
Les soldats allemands occupant Auboué seraient en partie des soldats âgés et ne seraient pas méchants vis-à-vis des habitants.
M. Bastien, maire de Joeuf, a été emmené plusieurs fois à Moyeuvre et relâché aussitôt.

NOS RÉFUGIÉS EN SAVOIE
CINQ MILLE LORRAINS
sortent des
CAMPS DE CONCENTRATION
Les premiers convois
L'opinion en Suisse

ANNEMASSE, 5 février. - Oh ! le lamentable, le sinistre cortège. Des vieillards cassés par l'âge, émaciés par les privations, minés par la maladie, des femmes à peine vêtues, des enfants frileusement emmitouflés dans un mauvais châle, des gosses de tout âge qu'on traîne, visages blêmes, ayant dans leurs yeux le mystérieux étonnement des êtres voués aux trop précoces souffrances, c'est un morne défilé de misère, de deuil et de désespoir qui, lentement, sous les arbres blancs de givre, se répand à travers les rues d'Annemasse.
La compagnie genevoise des tramways met gracieusement ses voitures et son personnel à la disposition des commissions de rapatriement ; la municipalité d'Annemasse déploie un zèle infatigable ; le sous-préfet de Saint-Julien. accueille avec un généreux empressement. Des malheureux dont le flot grossit sans cesse ; M. Perrier. commissaire spécial à la gare, et ses collègues de la sûreté générale s'acquittent de leur tâche délicate et lourde à la satisfaction de tous.
De son côté, M. Magre tuent à prouver qu'en ces circonstances il est plutôt un représentant des intérêts de l'Est que l'administrateur d'un arrondissement frontière.

La journée a été bien remplie.
On avait annoncé l'arrivée de 5.000 Lorrains, à raison. de 500 par jour, en plusieurs convois Amenant de Shaffouse les victimes de l'invasion, parquées depuis le mois d'octobre dans les camps de concentration dé la Bavière et au grand-duché de Bade.
Comme il fallait «  faire de la place », on décida l'évacuation d'un certain nombre de réfugiés sur les principales villes du Midi : les uns partirent hier pour Nice ; les autres s'en allèrent aujourd'hui dans la direction de Grenoble...
Enfin, avis était donné à la ville d'Evian-les-Bains qu'elle recevrait par train spécial un premier convoi de 500 personnes.
Les malades, qui représentent heureusement, hâtons-nous de le dire, une très faible portion du contingent, demeureront à Annemasse et à Thonon en traitement jusqu'à complète guérison.
Trois services de tramways entre Genève et Annemasse se sont succédé pendant la matinée.
Les pauvres gens, dont le pied foule le sol de la Patrie après tant d'angoisses, appartiennent pour la plupart aux communes de Saulx-en-Woëvre, Hannonville, Maizeirais, Mouilly, Herbeuville, Combres, etc..., dans la région de Fresnes.
Ils séjourneront ici fort peu de temps ; ils seront incessamment, évacués dès que l'état de leur santé permettra de nouveaux voyages à cette tribu errante, chez qui la notion du temps s'est effacée et qui n'a pas même retenu le nom des pays où s'abritèrent momentanément leur lassitude et leur chagrin.
Tous ont quitté la Meuse vers fin septembre. Les hommes avaient été jetés dans les prisons de Metz. On est presque sans nouvelles de la plupart d'entre eux. Les femmes, les vieillards, les enfants ont suivi les roules lugubres de l'exil ; ils ont échoué dans le camp d'Amberg avant de goûter une tranquillité relative à Rastadt.
Oh ! les douloureux récits qu'ils nous ont faits, les sanglots qui leur serraient la gorge, le torrent brûlant de larmes qui ruisselaient sur la maigreur des joues, l'accablement qui brisait leurs corps épuisés, leur poitrine creusée par les quintes de toux...
Une joie, un réconfort les attendaient au delà de Shaffouse, quand, la frontière franchie, un cri de «  Vive la France ! » salua le cortège.

En traversant la Suisse, les réfugiés ont a autre chose à faire que de lire les journaux. On peut le regretter. Ils auraient vu que, si une cordiale hospitalité leur prodiguait, au passage mille petits cadeaux et mille attentions délicates, la presse traduit bien, de son coté, les sentiments dont les manifestations se renouvellent à chaque convoi.
La «  Tribune de Genève » conseille aux commerçants allemands une prudente abstention dans leur propagande en faveur des Boches ; elle leur signale les inconvénients du boycottage qui les frapperait d'à mères représailles ; elle dénonce et flétrit, les mensonges de l'agence Wolff.
Le «  Journal de Genève » raille avec finesse les communiqués d'outre-Rhin ayant la prétention de démentir Les informations de source française en ces termes :
«  Pour juger les erreurs ou les exagérations de l'état-major français, on n'a qu'à les confronter avec les nôtres... »
Evidemment !
La «  Suisse » publie des «  échos » sans indulgence pour la nation qui viole les neutralités et massacre avec ses zeppelins des populations inoffensives.
C'est par les mêmes gazettes qu'on apprend une foule de nouvelles telles que des débarquements de troupes et leur répartition ; c'est par elles que nous suivons attentivement les critiques délivrées de toute censure, que nous possédons les extraits du «  Times » jugés ailleurs dangereux pour la défense nationale, que nous puisons dans l'appréciation quotidienne des événements une confiance plus haute, un espoir plus inébranlable dans le triomphe de notre cause.

...Et, chaque jour, cinq cents réfugiés débarqueront ainsi à Annemasse.
On croit que la population de Longwy, de Briey et de Conflans, ainsi que la région vosgienne, seront représentées dans les prochains convois.
Je vous enverrai tous les renseignements susceptibles d'éclairer les lecteurs de l' «  Est Républicain » sur le sort de leurs parents, de leurs amis, des êtres qu'ils chérissaient et dont ils furent si cruellement séparés pendant six longs mois.
Parmi les récits qui méritent d'être publiés, on peut noter ceux des Meusiens qui assistèrent aux inutiles et terribles attaques des Boches contre Verdun.
Il y a là un émouvant chapitre de l'histoire lorraine.
Achille LIEGEOIS.

LES RÉFUGIÉS LORRAINS DANS LA HAUTE-SAVOIE

ANNEMASSE, 6 février. - Voici la liste des communes qui ont fourni un contingent d'internés aux premiers convois venus des camps de concentration allemands :
Vendredi, 5 février : Pareid, Champion, Herbeuville, Marchéville, Billy-sous-les-Côtes, Saint-Remy, Fresnes-en-Woëvre, Woinville, Saint-Hilaire, Maizeray, Combres, Saulx-en-Woëvre et Fresnes.
Toutes ces localités appartiennent au département de la Meuse. Ils venaient d'Amberg et Rastadt.
Quelques habitants de Colroy-la-Grande, dans les Vosges, se trouvaient parmi les Meusiens. Ils venaient de Bischwiller (Alsace)
Tous, sauf les malades mis en traitement à l'hôpital de Thonon, ont été dirigés sur Evian-les-Bains.
Samedi, 6 février : Hussigny, Termes (Ardennes), Billy-les-Mangiennes, Romagne-sous-les-Côtes, Parfondrupt, Ornes, Senon, Combres, Etain, Chaumont-sur-Aire, Arlon. (Belgique), Loison, Watronville, etc.
La plupart des internés ont été dirigés sur Alais (Gard) et une cinquantaine d'entre eux seulement seront logés dans la région savoisienne.
A noter parmi eux, la présence d'un cultivateur meusien M. Jean-Baptiste Charron, âgé de 92 ans, le doyen, très probablement, des réfugiés.
Enfin, plusieurs Alsaciens-Lorrains, expulsés de Colmar, arrivaient en droite ligne des camps d'internement de Zwickau, Rastadt et Amberg.
M. Jean Schroeder, interprète auprès du commissariat spécial d'Annemasse, se met fort obligeamment à la disposition des intéressés pour leur fournir les renseignements qu'ils désirent.
De même, pour la région de la Woëvre, on peut écrire ici à M. le curé des Eparges, presbytère d'Annemasse.

Nouveau convoi

ANEMASSSE. 7 février. - Le troisième convoi de la même importance que les précédents, comprenait 456 internés, parmi lesquels une dizaine de personnes émigrées en septembre dans le grand-duché de Luxembourg.
La plupart d'entre eux provenaient du camp de Zwickau, d'autres de Bayreuth et quelques-uns seulement d'Ambert.
La situation, au camp de Zwickau, était navrante. Sur 1.500 réfugiés, la mortalité a sévi sur les vieillards et les enfants dans l'effrayante proportion de 25 %.
Tous ces malheureux sont originaires des villages suivants : Loison, Termes, Xivrey, Damvillers. Azannes, Richecourt, Romagnes-sous-les-Côtes, Maucourt, Montsec, Amel, Buzy, Chaumont-devant-Dam villers, Flabas, Etain, Gremilly, Rouvres, Billy-les-Mangiennes, Haudainville, etc., pour le département de la Meuse.
Pannes, Saint-Baussant, Pienne, Gouruincourt-Longïvv, Longuyon, pour le département de Meurthe-et-Moselle.
Les Ardennes étaient représentée par les communes d'Autry, Mohon et Mourron.
Parmi les nombreuses familles, .citons une mère venue à Annemasse avec ses neuf enfants, dont le mari est sur le front: c'est la famille Laimes, de Romagnes-sous-les-Côtes.
A 17 heures, un train spécial, organisé par les soins de la commission du réseau P.L.M., à Chambéry, est parti pour Valence (Drôme), ou les réfugiés lorrains de ce troisième convoi attendront la fin de la guerre. - A. L.

NOS MINES ET CANONS TRAVAILLENT BIEN
Plusieurs attaques repoussées

Paris, 8 février, 15 h. 10.
De la mer à l'Oise, duel d'artillerie assez violent dans la région de Cuinchy (ouest de La Bassée).
Au sud-ouest de Carency, nous avons réussi un coup de main sur une tranchée allemande, qui a été bouleversée par une mine et dont des défenseurs ont été tués ou pris.
Sur le front de l'Aisne et en Champagne, bombardement intermittent. L'efficacité du tir de notre artillerie a été constatée sur plusieurs points. A l'ouest de la cote 191, au nord de Massiges, nos batteries ont enrayé une tentative d'attaque.
En Argonne, une attaque ennemie vers Fontaine-Madame a été repoussée.
A Bagatelle, une violente action d'infanterie a été engagée, dès le matin, par les Allemands. Aux derniers renseignements, toutes nos positions étaient maintenues.
Sur le reste du front, rien à signaler.

Leurs succès inventés

Une note officielle dément d'une façon formelle la nouvelle contenue dans le communiqué allemand du 7 février, suivant laquelle les Allemands se seraient emparés d'une de nos tranchées, au sud-est d'Ypres.

DEUX CHAUDES AFFAIRES
Leur fureur n'aboutit qu'à un sanglant échec

Paris, 9 février, 0 h. 40.
Voici le communiqué officiel du 8 février, 23 heures:
Dans la nuit du 6 au 7 février, l'ennemi avait fait exploser trois fourneaux de mine à La Boisselle, devant les maisons du village que nous occupons. Deux compagnies et demie avaient été lancées à l'assaut de nos positions, mais elles n'avaient pas pu dépasser les entonnoirs formés par l'explosion.
Au cours de l'après-midi du 7 février, une contre-attaque exécutée par une de nos compagnies a chassé l'ennemi des entonnoirs, que nous avons organisés aussitôt.
Les Allemands ont baissé deux cents morts sur le terrain.
Dans la nuit du 7 au 8 février, au nord de Mesnil-les-Hurlus, nous nous sommes emparés d'un bois où l'ennemi était solidement établi.
En Argonne, l'action d'infanterie engagée à Bagatelle s'est produite toute la nuit du 7 au 8 février.
Les Allemands, après avoir réussi à progresser, n'occupaient plus, à l'aube du 8 février, que quelques rares éléments de notre ligne la plus avancée, autour desquels la lutte a continué dans la journée.

COMMUNE ÉVACUÉE

Les derniers habitants de Manoncourt, qui avaient tenu à rester dans leurs maisons, ont quitté lundi 8 février la commune, en emmenant sur leurs chariots ce qu'ils ont pu de mobilier et de récoltes.
Les habitants sont arrivés, dans l'après-midi, à Nancy, où ils ont été hospitalisés.
Le maire et son adjoint restent seuls parmi les militaires qui cantonnent dans la commune.

DANS LA MEUSE
AUX PAYS OCCUPÉS

Extraits du «  Bulletin meusien » : Dieppe, qui n'avait encore rien reçu, a été bombardé cette semaine. L'église est à moitié démolie. Restent donc indemnes, le long des Côtes-sous-Verdun : Watronville, Châtillon, Eix, Damloup, Vaux et Ronvaux.
Mouilly est presque complètement détruit. Rupt a peu souffert.
- Jonville serait un centre de ravitaillement allemand ; à ce titre, il serait ménagé.
- Harville, terminus de la petite ligne allemande qui vient de Conflans, paraît être dans le même cas.

LES NEUTRES MENACÉS S'ÉVEILLENT

Nancy, 9 février.
Il faut que les Allemands soient bien durement éprouvés par le blocus maritime pour qu'ils aient décidé de torpiller indifféremment et sans avis tout navire, ennemi ou neutre, de commerce ou de guerre, qui se hasarderait dans les eaux de l'Angleterre et de l'Irlande, la Manche comprise.
C'est un bluff certes puisque la marine allemande est incapable de bloquer les îles anglaises, et c'est une folie qui va réveiller les puissances neutres, lesquelles fermaient les yeux tant qu'elles pouvaient.
La violation de la Belgique, les atrocités commises dans les pays envahis, le mépris hautain des armées germaines pour toute convention internationale, pour toute loi humaine, cela n'avait pas suffi à faire comprendre qu'un peuple féroce se ruait sur l'univers entier. Les puissances qui ne combattaient pas nous accordaient bien quelque sympathie, mais une sympathie lointaine et détachée. Certains même trouvaient mauvais que nous résistions si énergiquement puisque cette résistance les gênait dans leurs affaires.
Et par la folie furieuse de l'Allemagne voici que ce bel assoupissement se change en colère. Demain ce n'est pas le voisin seul qui supportera le poids de la barbarie allemande. C'est tout le monde.
La presse germanique ne mâche pas les mots d'ailleurs :
Que nous importent, écrit le «  Lokal-Anzeiger », que nous importent les criailleries des neutres et l'indignation de nos ennemis.
«  Nous autres Allemands, nous avons à tirer de cette guerre une grande leçon, celle de ne pas manifester de délicatesse et de ne pas écouter ce que les neutres peuvent dire. »
L'indignation de leurs ennemis? Ah ! non, leurs ennemis n'ont plus d'indignation à dépenser pour eux. Nous l'avons toute dépensée avec un verbalisme épuisant au commencement de la guerre.
Mais les neutres ne feront pas entendre assurément que des criailleries. Quand ils auront été traités sur mer comme ont été traités les Belges sur terre, ils ne se contenteront pas de criailler. Ils feront comme les Belges. Ils se défendront.
Les Américains ont commencé à protester.
Le New-York Herald écrit :
Le droit de visite est accordé par les lois internationales ; mais l'acte qui consiste à couler des navires ennemis ou neutres sans s'inquiéter de mettre en sécurité les équipages mérite la qualification de crime de grand chemin.
Et le New-York Herald dit
Dès que les Allemands commenceront à couler des paquebots américains, notre neutralité sera modifiée et nous appliquerons une vieille règle. La nouvelle neutralité placera la nation qui commet des actes de pirates dans la catégorie des pirates, et la vieille règle traite comme des pirates ceux qui assassinent au nom de la guerre.
En Hollande, les journaux s'indignent. A Amsterdam, le conseil des ministres se réunit ainsi que les compagnies maritimes hollandaises pour discuter le communiqué de l'amirauté allemande.
Dans les Etats Scandinaves, la presse proteste violemment.
En Italie la Tribuna assure que les neutres n'admettront pas qu'on les frappe sous prétexte de représailles contre les Anglais.
Ainsi d'un seul coup, par une seule déclaration les Allemands ont réussi à soulever contre eux toutes les nations qui se reposaient dans leur sérénité, et ne songeaient point à prendre les armes.
Ce n'est pas encore la fin. Mais lorsqu'un sous-marin allemand aura envoyé au fond de l'eau des navires américains, italiens, espagnols, danois, suédois, ou norvégiens, et noyé les équipages et les passagers, je ne vois pas comment les neutres feront pour garder leur neutralité.
Cette décision de l'Amirauté allemande nous promet des jours mouvementés, si jamais elle est exécutée.
Pour l'Angleterre, elle a répondu comme il convient à la menace. Elle a porté à trois millions d'hommes l'effectif de son armée.
Attendons maintenant le premier accident.
RENÉ MERCIER.

LE SIÈGE DE VERDUN PAR LES ALLEMANDS
Leurs officiers racontent comment ils devaient envelopper la place et s'en rendre maîtres

EVIAN-LES-BAINS. - J'ai pu m'entretenir longuement avec les habitants des villages blottis au pied des Hauts-de-Meuse. Ils ont hébergé les Allemands ; ils ont souvent assisté aux conversations des officiers boches et ceux-ci ont même fait souvent à leurs hôtes une sorte de cours ayant pour but de leur expliquer la «  manière de prendre Verdun ».
Rien de plus simple, à la vérité. De même que, pour la fabrication d'un canon de fusil il suffit de se procurer un trou et de mettre du fer autour, de même pour Verdun, le kronprinz n'avait qu'à garnir de soldats tous les environs de la place.
Voici comment s'exécuta le plan d'investissement en août-septembre... et comment il échoua, quoique l'ennemi ait cassé assez d'oeufs pour préparer son omelette.
De Briey, une marche rapide vers le nord se heurta, pendant la deuxième quinzaine d'août à la résistance française du côté de Spincourt et Pillon. Notre repli sur Damvillers et Dun leur livra la vallée de la Meuse jusqu'en avant de Stenay ; ils franchirent la rivière, occupèrent Montfaucon et vinrent établir de solides positions dans le bois de la Grurie.
Ils y sont encore !
Une autre armée s'étendait au sud, entre Etain et Fresnes, où l'on signale pour la première fois sa présence le 7 septembre. Le soir du même jour. Frésnes-en-Woëvre brûle. Les Allemands atteignent, par Combres, les Hauts-de-Meuse ; leurs batteries se placent à proximité du village des Eparges et c'est de là qu'elles commencent le bombardement du fort de Troyon.
Peu à peu, l'ennemi gagne du terrain. Il avance insensiblement sur Saint-Remy et Mouilly, pour se rapprocher enfin, le 10 septembre, de Rupt-en-Woëvre, dans un bois où le fort de Génicourt les accable d'une pluie d'obus.
Bon gré, mal gré, il faut alors se retirer vers Mouilly et c'est dans cette retraite que l'armée allemande apprend avec tristesse l'issue lamentable des opérations sur la Marne.
Tandis qu'après son aventure dans les marais de Saint-Gond, le kronprinz se voit obligé de rejoindre en Argonne ses troupes du bois de la Grurie, le recul sur les Hauts-de-Meuse s'accentue encore et, à partir du dimanche 13 septembre, les Boches se résignent à défendre avec une farouche énergie la tranchée de Calonne, une route qui relie les abords du fort du Rozelier et le chemin de Mouilly à Saint-Remy.
Ils y sont encore !
On a vu, par ailleurs, la liste entière des localités qui ont fourni aux convois de réfugiés un nombreux élément ; cette liste indique exactement la partie de la Woëvre occupée à l'heure actuelle par l'invasion.
On signale, entre Combres et les Eparges, tel sentier où les tranchées allemandes et françaises sont séparées seulement par la largeur de la route ; les réseaux de fils de fer des adversaires se confondent et, depuis deux mois, personne ne se risque hors des abris sans être aussitôt abattu par les coups de fusil.
Tel était leur plan, m'indique le jeune curé des Eparges. Allez ! je les connais par coeur ; ils me l'ont répété presque tous les jours, tantôt en déployant leurs cartes, tantôt en traçant sur le sol avec la pointe de leur sabre les progrès de leurs troupes. Verdun allait capituler en moins d'une semaine. Voilà cinq mois qu'ils s'épuisent en stériles et coûteux efforts. »
Maintenant qu'un échec a déçu leurs prévisions, les officiers ont changé d'attitude et de langage ; ils affectent une sorte de mépris, ils font la moue en parlant de Verdun :
- Nous n'avons plus besoin de cette ville ; la France est amie. Ce que nous voulons, c'est Londres... »
Raisins trop verts !
ACHILLE LIÉGEOIS.

CONTRE LES TAUBES

Le maire d'Epinal donne à ses concitoyens les conseils suivants pour se préserver des dirigeables ennemis et des Taubes :
«  Les habitants devront dès qu'un avion sera en vue : Ne pas séjourner aux étages supérieurs. Fermer les volets ou les persiennes pour éviter le bris des carreaux ; s'abriter derrière les murs de façade ou se réfugier dans les caves ; ne pas séjourner dans les rues et places pour éviter de recevoir des fléchettes.
Dans le cas où des bombes seraient lancées, visiter de suite les maisons atteintes pour arrêter les incendies éventuels. »
Le maire compte sur la prudence des Spinaliens pour ne pas exposer inutilement leur vie.

LE COMBAT DE BAGATELLE
Sur les autres points, Il y a eu surtout d'heureux duels d'artillerie

Paris, 9 février, 15 heures.
En Belgique, lutte d'artillerie intermittente. Ypres et Furnes ont été bombardées. L'artillerie belge a détruit une ferme dont les défenseurs se sont enfuis.
Le long de la route de Béthune-La Bassée, nous avons réoccupé un moulin où l'ennemi avait réussi à s'installer.
Bombardement de Soissons avec des projectiles incendiaires.
Sur tout le front de l'Aisne et en Champagne, notre artillerie a efficacement contre-battu les batteries allemandes.
En Argonne, la lutte engagée autour de Bagatelle s'est déroulée dans une des parties les plus denses de la forêt et a pris, de ce fait, un caractère assez confus. Le front a été maintenu dans son ensemble de part et d'autre. Les effectifs engagés le 7 février n'ont pas dépassé trois ou quatre bataillons de chaque côté. Au cours de la journée d'hier, un de nos bataillons seulement a combattu.
En Lorraine et dans les Vosges, actions d'artillerie.

Paris, 10 février, 0 h. 55.
Le communiqué officiel du 9 février, 23 heures, dit :
Aucun événement important n'a été signalé.
Dans l'après-midi du 8 février nous avons fait sauter, devant Fay, au nord-ouest de Péronne, une galerie de mine où des soldats ennemis travaillaient.

Entrez dans la danse

Il n'est pas bon de s'exciter, comme dit un confrère américain, à propos de la décision de l'Amirauté allemande. Il n'est pas mauvais cependant d'en étudier les effets par le monde, et d'en prévoir les conséquences.
Les effets on en connaît quelques-uns. Dès que le gouvernement allemand a fait connaître aux puissances que ses sous-marins torpilleraient sans avis tout navire qui se hasarderait dans la Manche ou dans les eaux qui entourent l'Angleterre et l'Irlande, tous les pays ont protesté avec énergie. Le monde entier s'est indigné.
La presse germanique a haussé le ton, et maintenu âprement la menace de sa marine.
Le Lokal Anzeiger a déclaré que peu importaient les criailleries des neutres, et tous ses confrères ont fait chorus.
Et il est arrivé aux neutres ce qui est advenu à la France. Ils avaient jusqu'ici dit «  Amen » à toutes les prétentions germaniques. Cette fois-ci ils ne peuvent plus accepter. Ils se révoltent.
Mais les Allemands ne sont pas entêtés quand on parle aussi fort qu'eux. Du jour au lendemain, sans toutefois renoncer à la manière forte, ils ont cherché des explications à leurs menaces. Ils ont trouvé comme d'habitude les plus inattendues. On dirait vraiment que lorsqu'ils ne travaillent pas dans l'horrible, ils s'efforcent dans le grotesque.
Ils déclarent aujourd'hui que s'ils torpillent les navires neutres en même temps que les vaisseaux des belligérants, s'ils désirent envoyer pêle-mêle au fond de la mer combattants et non-combattants, civils et militaires, femmes et enfants, passagers et équipages, marchandises et matériel de guerre, amis et ennemis, c'est, - on ne le croirait pas si les textes n'étaient pas là, - c'est dans l'intérêt bien compris des neutres.
Oui, dans leur intérêt.
Voici en effet comment se termine le mémoire que le gouvernement allemand envoie aux puissances alliées, neutres et ennemies :
Le gouvernement allemand annonce cette mesure assez à temps pour que les navires ennemis aussi bien que les navires neutres aient le temps de prendre leurs dispositions à cet effet pour toucher les ports situés sur le théâtre de la guerre.
On peut espérer que les Etats neutres ne tiendront pas moins compte des intérêts vitaux de l'Allemagne que de ceux de l'Angleterre et contribueront à tenir leurs ressortissants et les propriétés de ceux-ci éloignés du théâtre de la guerre. On peut l'espérer d'autant plus que les Etats neutres doivent aussi avoir à coeur de voir se terminer aussitôt quel possible la terrible guerre actuelle.
Ainsi, c'est par amour de ces pauvres neutres qu'on va les couler à pic.
Le chancelier de Bethman-Holveg affirme tout uniment que ce sont les neutres qui ont tort.
Nous regrettons que cette guerre lèse les intérêts des neutres ; mais nous ne pouvons pas renoncer à notre défense dans cette lutte commerciale sans pitié que l'Angleterre a inaugurée il y a longtemps au détriment des neutres qui, malheureusement, n'ont pas protesté d'une manière efficace contre le fait qu'un peuple de 70 millions d'âmes, avec les femmes et les enfants, soit réduit à la famine.
Savourez encore cet amour d'explication historique que sert à ses lecteurs le Berliner Tagblatt. Il vaut son pesant de choucroute :
Il faut faire savoir clairement au monde entier que la Grande-Bretagne, qui se vantait toujours d'intervenir en faveur de la liberté des mers, néglige en fait tous les intérêts étrangers en violant à son profit tous les droits. L'Espagne, la Hollande et la France ont tour à tour succombé dans la lutte contre la prépondérance anglaise. L'empire allemand ramasse aujourd'hui l'épée tombée de leurs mains.
L'empire allemand a conscience que ses mesures produiront des dommages appréciables aux puissances neutres, mais ces dommages sont légers en comparaison de ceux que la Grande-Bretagne leur cause sans raison. Mais l'empire allemand est poussé par la nécessité. Dans la lutte qui lui est imposée contre quatre grandes puissances, dans sa lutte pour son existence comme Etat et comme peuple, il a le saint devoir de risquer contre un adversaire tout-puissant la dernière chance. Le prix de sa lutte est la liberté des mers.
Oui, si les Allemands noient tous les neutres qu'ils rencontreront aux environs de l'Angleterre, c'est dans l'intention de leur conserver la liberté des mers.
Ainsi Ugolin mangeait ses enfants pour leur garder un père.
Quant au Lokal Anzeiger, toujours lus drôle, il soutient que «  l'Allemagne. en usant simplement du droit de représailles, assure non seulement son propre avenir, mais aussi celui des Etats neutres contre la politique de violence de l'Angleterre ».
Cette opinion n'est donc pas une opinion isolée. Cette explication n'est pas une explication fantaisiste inventée par un Lemice-Terrieux germanique en délire. C'est l'avis du gouvernement allemand, c'est l'avis de M. de Bethman-Holweg, c'est l'avis de tous les journaux, qui obéissent d'ailleurs passivement au mot d'ordre venu d'en haut.
Et la Gazette de Voss dit encore :
Ce que fait l'Allemagne n'est pas seulement pour sa propre défense ; c'est aussi afin de mettre à l'abri les puissances neutres des procédés arbitraires dont fait usage l'empire britannique.
Elle termine ainsi :
- La danse pourra commencer le 18 février.
Nous verrons au 18 février ou aux jours suivants si les neutres acceptent d'être torpillés et coulés, sans même un avis préalable, dans leur propre intérêt.
Les Etats-Unis n'ont pas l'air de goûter très fort cette conception du sauvetage des neutres par le système de la noyade. Comme le guillotiné par persuasion l'Amérique a de la méfiance.
Le New-York Herald écrit même :
Le fait de couler un navire américain pouvant être assimilé à un acte de guerre mi de brigandage, il semble impossible qu'un gouvernement puisse le laisser passer impunément, sans être de ce fait voué à l'exécration publique.
Les Italiens-ne sont pas plus enthousiastes pour cette façon de les mettre à l'abri des procédés anglais.
Les Suédois attestent que cette manière de terminer la guerre leur serait extrêmement désagréable. Bref tout le monde paraît bien avoir la ferme intention de ne point, supporter les coups de l'Allemagne sans les rendre.
Les neutres vont adopter eux aussi cette loi de la guerre, édictée par un journal de Berlin.
- Qui ne se défend pas ne doit pas être respecté.
RENÉ MERCIER.

DIX JOURS DE GUERRE
La fête du kaiser lui a coûté un hécatombe de 20,000 hommes

Paris, 10 février, 1 h. 14.
Le résumé des opérations de guerre du 27 janvier au 6 février, dit que la dernière période de dix jours a été calme.
Les quelques actions qui l'ont marquée n'ont mis en présence que des effectifs peu nombreux et ne se sont développées que sur quelques fronts étroitement limités sans aucune répercussion sur l'ensemble des opérations.

Le bouquet sanglant de fête
Les attaques ordonnées à l'occasion de la fête de l'empereur ont été remarquables par les pertes considérables des Allemands, pertes évaluées à 20.000 hommes.
Voici d'abord l'attaque du 28 janvier au matin, sur la rive droite de l'Yser, entre Saint-Georges et la mer. Quatre compagnies occupèrent les premières lignes de tranchées allemandes inoccupées, et culbutèrent les Allemands retranchés à 40 mètres plus en avant.
Mais des contre-attaques allemandes les obligèrent à se retirer.
Au centre et à droite, les Français, abrités d'une façon rudimentaire, se maintiennent héroïquement.
A gauche, deux sections de tirailleurs atteignirent le sommet de la grande dune. L'une d'elles descendit sur le revers opposé, mais elle subit de grosses pertes et nous conservâmes la partie extérieure de la grande dune, où nous trouvâmes 300 cadavres ennemis et où nous fîmes une cinquantaine de prisonniers.
Aucune action importante d'infanterie sur te front belge, mais une lutte violente d'artillerie favorable aux Belges.

Vers La Bassée
Actions assez vives, les 29 et 30 janvier, à La Bassée. Toutes les positions qui avaient été perdues furent entièrement reconquises.
Entée le canal de La Bassée et Arras, l'activité des deux artilleries a continué, favorable pour nous.
Quelques attaques d'infanterie peu importantes. Les lignes françaises ont été toujours maintenues.
Le 4 février, en pleine nuit, cinq fourneaux de mine ont bouleversé les tranchées ennemies, au nord d'Ecuries, et nous avons occupé solidement les entonnoirs.

Vers Soissons
Devant Soissons, l'impuissance des Allemands continue.
L'affaire de la Creute, le 25 janvier, fut vive, mais ses conséquences insignifiantes.
Les gros projectiles allemands firent effondrer la voûte d'une carrière où s'abritaient des compagnies de réserve, les emmurant.
L'ennemi profita de l'écroulement, et attaqua violemment.
Il occupe quelques tranchées sans intérêt.
Nous perdîmes mille hommes et les Allemands quatre mille.

Vers Perthes
Dans la région de Perthes, Le Mesnil, Massiges, activité assez grande. Le 3 février, deux attaques allemandes ont été repoussées ; la troisième a occupé une partie des tranchées avancées, rendues inoccupables par les mines.

En Argonne
En Argonne, vifs engagements. Les per tes de l'ennemi ont été extrêmement élevées et les pertes françaises assez sérieuses.
La situation ne s'est pas encore modifiée.

Nos avions
Nos avions ont fait de nombreuses reconnaissances et de nombreux bombardements. Ainsi, dans la nuit du 29 janvier, un avion a jeté quatre bombes sur les états-majors d'Ostende. Trois officiers allemands ont été tués.
Nous avons capturé un aviatik au nord de la Meurthe et en avons abattu un autre à Verdun.

Les réfugiés lorrains
EN SAVOIE

ANNEMASSE, 8 février. - Ce matin, M. Surugue, préfet de la Haute-Savoie est venu d'Annecy en automobile, sous la pluie battante, pour souhaiter la bienvenue a nos compatriotes retour d'exil.
Il a été reçu par M. Matraire, sous-préfet de Saint-Julien, et M. le docteur Favre, maire d'Annemasse ; il a complimenté M. Magre, sous-préfet de Briey, pour son utile collaboration.
Trois convois se sont succédé. Environ 150 internés arrivèrent de Genève avant midi. Ils avaient été enfermés dans les camps de Medgeve (Westphalie), Erfurth, Zwickau (Saxe), Cassel (Hesse), Hassenberg (Saxe-Cobourg) et, en dernier lieu, Rastadt.
Aucune femme, cette fois, ne se trouvait parmi eux. Presque tous sont originaires du Nord, de la Somme, de l'Oise, du Pasde-Calais, de l'Aisne et des Ardennes.
Quelques Lorrains avaient été emmenés en captivité ; ils habitaient Maucourt, Warcq, Haimonville, Gussainville,. Etain et Varennes, dans la Meuse ; d'autres habitaient Gerbéviller, Manoncourt, Pont-à-Mousson etc..., en Meurthe-et-Moselle.
Les hôtes éphémères de la Savoie ont été dirigés aujourd'hui même sur trois localités du Var : les Arcs, Carnoules et Fréjus, où les effluves balsamiques de l'Estérel et les souffles de la Méditerranée achèveront leur convalescence physique et morale.
M. Surugue, préfet de la Haute-Savoie, a fait Consigner dans les rapports de M. Perrier, commissaire spécial, l'exacte et complète relation des événements dont les internés furent les témoins ou les victimes.

PRISONNIERS LORRAINS A GARDELEGEN

On nous communique une liste de prisonniers lorrains à Gardelegen. Elle n'est évidemment pas complète, mais elle peut intéresser de nombreuses familles. La voici :
MM. Gaston Viriot, 10, rue de l'Abbé Grégoire, Nancy ; Paul Léder, 10, rue Drouot, Nancy ; Colin Gérôme, ruee Haute, Essey-les-Nancy ; Strauss-Lévy, 7, rue des Jardiniers, Nancy ; Alfred Dufoin, 6. me du Ruisseau, Nancy ; Marcel Raiser, 7, Grande-Rue, Saint-Nicolas de Port ; Pol Brugnot, à Abbéville, par Conflans ; Louis Noël, rue du Haut-de-Tiblit, Saint-Nicolas ; Lefèvre, agent-voyer à Joeuf ; Charles Noviant, Neuviller-sur-Moselle ; Cuny, coiffeur, Dombasle-sur-Meurthe ; Poquet, 7, rue Bastien-Lepage ; Charles Maier, à Hatrize (M.-et-M.) : Emile Adam, rue de Coprez, à Joeuf ; Aster Trap, à Boncourt, par Conflans ; Strubin, 22, rue Haute, Saint-Dié ; Théophile Denis. 15, rue de l'Abbé Grégoire, Nancy; Emile Mayeur, 93, rue du Crosne, Nancy ; Henri Toret, à Chavigny (M.-et-M.) ; Hoffmann, 21, rue Saint-Fiacre, Nancy ; Edouard Feucht, 36, rue Kléber, Nancy ; Charles Blaise, rue du Montet; Nancy.

POSTES ALLEMANDS
refoulés vers Leintrey
LE CONTACT DU CANON

Paris, 10 février, 15 heures.
La journée du 9 février n'a été marquée que par des combats d'artillerie, assez intenses sur quelques points du front, notamment sur l'Aisne et en Champagne.
Une seule action d'infanterie, peu importante est signalée en Lorraine, au nord-est de Manonviller, où un de nos détachements a refoulé des postes ennemis du Rémanbois sur Leintrey.

UNE SÉRIE
d'heureuses Opérations

Paris, 11 février. 0 h. 18.
Voici le communiqué du 10 février, 23 heures:
Dans la nuit du 9 au 10 février, nous avons fait sauter, à La Boisselle, trois fourneaux de mines et nous avons réussi à occuper les entonnoirs, malgré une contre-attaque que nous avons repoussée à la baïonnette.
En Argonne, tirs d'artillerie et lancement de bombes de part et d'autre, notamment dans la région de Bolante et dans celle de Bagatelle.
Les dernières nouvelles signalent une attaque très violente mais infructueuse, par les Allemands, d'un ouvrage à Sainte-Thérèse.
En Lorraine, à la lisière Est de la forêt de Parroy et au Nord de cette forêt, nos avant-postes ont repoussé facilement une attaque des Allemands.
L'action signalée par le communiqué de 15 heures, au nord-est de Manonviller (Leintrey), s'est achevée par la poursuite des Allemands par nos hussards.
Dans les Vosges, à Fontenelle et au Ban-de-Sapt, une attaque ennemie a été enrayée.

Un Ballon et un Taube abattus

A Cagny, dans l'Aisne, un de nos aviateurs a détruit un ballon-signal ennemi.
Un avion allemand a été abattu près de Verdun. Le pilote, lieutenant von Hidelin, avait, en septembre, jeté sur Paris des bombes avec des proclamations invitant les Parisiens à se rendre.

DE LA MER AUX VOSGES
Une Lutte violente
DANS L'ARGONNE

Paris, 11 février, 15 heures.
Sur tout le front jusqu'en Champagne, duels d'artillerie.
Dans la région du Nord, plusieurs sorties d'avions de part et d'autre ; les projectiles lancés par les aéroplanes ennemis dans nos lignes n'ont eu aucun effet.
En Champagne, une attaque allemande sur les bois dont nous nous sommes récemment emparés, au nord de Mesnil-les-Hurlus, a été repoussée.
En Argonne, la lutte autour de l'ouvrage Marie-Thérèse a été très violente. D'après les derniers renseignements reçus, les forces allemandes comprenaient environ une brigade. Nous avons maintenu toutes nos positions. Les pertes de l'ennemi sont considérables. Les nôtres sont sérieuses.
Dans les Vosges, brouillard épais et neige abondante. C'est par une nuit très obscure qu'a été engagée l'action d'infanterie signalée hier à La Fontenelle, dans le Ban-de-Sapt. Les Allemands y avaient engagé deux bataillons au moins. Après avoir cédé du terrain, nos troupes l'ont repris presque intégralement dans la journée du 10, par une série de contre-attaques.

Ils attaquent en colonnes
PAR OUATRE
L'ATTAQUE EST BRISÉE

Paris, 12 février, 0 h. 15.
Communiqué du 11 février, 23 heures :
L'ennemi a bombardé fortement Nieuport et les rives de l'Yser, mais il n'a causé que quelques dégâts matériels. Notre artillerie a répondu efficacement.
En Argonne, dans la région de Bagatelle, après une lutte violente à coups de lance-bombes, qui a duré tonte la matinée, une attaque allemande a été dirigée, à 13 heures, contre l'ouvrage Marie-Thérèse.
Elle a été exécutée en ligne de colonnes par quatre, sur 500 mètres de front et a été brisée par le feu de notre artillerie et de notre infanterie.
L'ennemi a laissé un très grand nombre de morts sur le terrain.
Dans les Vosges, au sud du château de Lusse, au nord du col de Sainte-Marie, nous avons occupé, par un coup de main, une tranchée-ennemie.
Très vive lutte d'artillerie sur plusieurs parties du front.

Une PRIME AU TRAVAIL

Nancy, 11 février.
Quelques personnes ont exprimé des craintes, d'abord timides, puis plus hardies, sur la façon dont sont distribuées les allocations aux réfugiés. Elles estiment que l'allocation telle qu'on la sert est une prime à l'oisiveté.
Elles ne demandent pas d'ailleurs la suppression ni même la réduction des secours, malheureusement trop justifiés. Elles vont même plus. loin. Elles réclament le maintien de ces secours aux réfugiés qui ont trouvé du travail, et collaborent à la vie nationale.
C'est, je crois, dans cette méthode que l'on trouvera le remède des maux dont certains se plaignent.
De fait la perte des biens, l'exil, la conscience de ne plus être chez soi, le souvenir des horreurs devant lesquelles on a dû fuir, la difficulté de trouver de l'ouvrage ont évidemment détendu chez le réfugié le ressort, principal qui nous fait agir et nous incite à la besogne vaillamment accomplie.
Le réfugié est donc mille fois excusable si, dans la ville ou le village qu'il ne connaît pas, parmi des citoyens dont les occupations sont étrangères à son activité habituelle, sans ressources, sans relations. sous un abri commun à tant de gens, il se laisse aller non pas au désespoir, mais à une nonchalance qui assoupit peu à peu son initiative.
Le réfugié est encore plus rebuté lorsqu'il apprend que son allocation lui sera supprimée le jour où il aura trouvé du travail.
D'autant que l'atelier ne lui offrira pas la certitude du lendemain, tandis que l'allocation lui assure l'existence jusqu'à la fin de la guerre. Changer une certitude même médiocre pour une incertitude ne lui paraît pas une bonne affaire. Et il va mélancoliquement toucher ses vingt-cinq sous. Il attend de meilleurs jours.
Il est possible que l'incompatibilité du salaire et de l'allocation ne soit pas une règle absolue. Je ne sais pas si elle a été ainsi décidée.
Ce que je. sais, et tous les intéressés le savent aussi, c'est qu'on a refusé l'allocation à des réfugiés parce qu'ils travaillaient, et qu'on l'a supprimée à d'autres parce qu'ils avaient trouvé du travail.
Je me permets de déclarer que cette conception est infiniment regrettable, et qu'elle va contre l'intérêt des réfugiés, contre l'intérêt de l'Etat, contre l'intérêt de la nation.
Une méthode semblable ne peut que décourager les meilleures volontés. Il appartient aux commissions de voir si elles ne pourraient pas transformer tout cela.
Je vois que M. Cornély, un des membres les plus actifs du comité franco-belge de Paris, raisonne à peu près de la même façon. Il demande que l'on conserve une allocation réduite aux réfugiés qui travaillent.
A la bonne heure ! Ainsi chez les réfugiés renaîtra le noble désir de chercher et de trouver de l'ouvrage puisque leur travail ne les spoliera pas de leur allocation.
Cette proposition vaut qu'on l'étudié sérieusement. Elle peut avoir quelques inconvénients. Elle a sûrement d'immenses avantages, parmi lesquels celui d'arracher à l'oisiveté mauvaise et bougonne des malheureux auxquels la France doit une compensation, celui de remplacer en partie la main-d'oeuvre absente, celui de conserver aux ouvriers, aux cultivateurs le goût du travail, l'amour de la terre. Et tant d'autres avantages encore.
Que craint-on ? Que les finances nationales soient obérées par ce système ? Allons donc ! Autant de réfugiés au travail, autant de renouveau pour la richesse, du pays, autant de réductions dont profite le budget, autant de ressources rendues aux communes.
Tout est donc bénéfice dans cette proposition qu'il suffit de mettre administrativement au point. Seulement, il serait bon que les administrations fissent cette étude un peu vite, et qu'elles n'attendissent pas la fin de la guerre.
Ce que je dis là s'applique également aux femmes de mobilisés.
Il ne faut pas faire de l'allocation une sorte de renonciation obligatoire au travail. Tout le monde y perd.
RENÉ MERCIER.

LES DERNIERS EXPLOITS DES TAUBES

Saint-Dié, 12 février.
Un communiqué officiel a récemment annoncé qu'un taube avait fait quatre victimes parmi la population civile. Un de nos confrères reçoit ces détails :
«  Jeudi 4, vers seize heures, l'oiseau boche apparaissait. Il effectuait des virages ; puis, arrivé au-dessus de la gare, il lâchait sa bombe. Elle s'abattait aux environs immédiats, sur une voiture qui stationnait devant un important magasin d'épicerie.
Le véhicule était réduit en miettes. Quatre hommes, qui l'entouraient, tombaient morts, atteints horriblement. Quant au cheval, son corps ne formait plus qu'une masse informe de chair.
Trois victimes de l'odieux assassinat appartenaient au personnel employé dans l'épicerie ; le quatrième est M. Rémy, le boulanger d'Anould. venu aux provisions à Saint-Dié.
Très heureusement. Mme Rémy avait quitté son mari quelques instants auparavant, pour aller en courses.
Les effets du hideux attentat ont causé, dans Saint-Dié et dans Anould, une profonde impression de tristesse.
Samedi, nouveau bombardement ; il y a encore eu des victimes, place Jules Ferry.
Le lundi précédent, un aviatik boche, après avoir survolé la Tête-de-Faux, arrivait au-dessus de Fraize. Il jetait six bombes. mais elles s'enfonçaient presque toute dans un grand pré, au lieu dit a Les Aulnes. »
Deux, pourtant, ont éclaté, sans occasionner aucun dommage. »

CHEZ LES RÉFUGIÉS
UNE CRISE EN PERSPECTIVE

ANNEMASSE, 4 février. - Ma tournée quotidienne chez les réfugiés lorrains m'a conduit ce matin dans la plupart des établissements où ils mènent une existence insuffisamment protégée, hélas ! contre de mauvaises habitudes.
Il faut avoir de courage de proclamer certaines vérités. Elles ne diminuent point la pitié, la sollicitude, ni l'intérêt qui s'attachent à la condition de malheureux frappés inexorablement par les horreurs de la guerre. Mais ces vérités nécessaires guideront peut-être l'Etat dans l'accomplissement d'une tâche trop vaste pour qu'elle reçoive à bref délai une solution, trop compliquée pour qu'on la traite légèrement, trop grave pour qu'elle ne retienne point l'attention de, nos législateurs.
La plupart des réfugiés perdent peu à peu le goût, l'amour du travail. Est-ce, comme on l'a prétendu, parce que l'oisiveté les corrompt? Est-ce qu'ils répugnent à l'effort dont ils ne retirent point un profit immédiat ? Est-ce qu'en eux les ressorts de la volonté ont été brisés ou détendus par la catastrophe ? Est-ce qu'ils refusent de prêter l'oreille aux principes de solidarité sociale qui demandent de répondre aux sacrifices de la nation par une collaboration en rapport avec leurs aptitudes, leur éducation, leurs moyens d'action, leurs ressources physiques ?

Sans rechercher aujourd'hui les causes d'une situation qui commence à préoccuper l'opinion publique, on est bien obligé de constater certains faits.
Le «  Cri de Paris » a noté que «  des femmes qui, n'en doutons pas, étaient de laborieuses ménagères, préféraient, en plein automne, se coucher à cinq heures du soir jusqu'au lendemain midi, fort occupées à lire les romans de la bibliothèque communale ».
On nous apprend encore que «  dans certains pays vignobles, en une année de vendanges difficiles, il a été pour ainsi dire impossible d'obtenir des réfugiés qu'ils consentissent à échanger leur allocation journalière de 1 fr. 25 contre des salaires de vendangeurs de quatre et cinq francs par jour, nourriture en plus, qu'on leur offrait. »
D'autres exemples se multiplient. On note que les malheureux, déracinés du sol natal, chassés de leur ferme, de l'atelier et du bureau, «  n'ont pas toujours justifié l'accueil très chaud et très affectueux qui leur fut d'abord fait ».
Le «  Cri de Paris » commente les sévères paroles de M. Charles Humbert, exigeant la lumière sur «  les défaillances » de quelques communes à l'égard des infortunés réfugiés ».
Qui a. tort dans un tel conflit ?
Les réfugiés attendent le pain quotidien de l'Etat-providence ; ils tendent leurs mains vides, leurs mains d'où d'outil ou la charrue fut brutalement arraché ; ils se sentent pauvres, las, écrasés par les pires détresses, loin de leur foyer en ruines et c'est, à notre avis, une explication de la dépression morale qui accepte sans honte une oisiveté dont ils eussent rougi dans leur pays.
Les municipalités se débattent parmi les contradictions des circulaires relatives aux populations des régions envahies. Elles ont agi au mieux de leurs propres intérêts en les conciliant dans une large mesure avec les obligations, les devoirs, les charges de la philanthropie et de l'assistance.
Ici l'allocation a été remplacée par une prime de travail. On a voulu ôter à la charité ce qu'elle a parfois d'humiliant pour l'indigence en procurant les moyens de gagner un salaire honnête à ceux que le seul mot de «  secours » blesse comme une offense à leur dignité.
Là un régime uniforme de cantines et de distributions de vêtements et chaussures a permis à d'autres municipalités la réalisation d'appréciables, économies sans que les réfugiés aient eu à souffrir de la perte de leur allocation.

En ce qui concerne la commune d'Annemasse, elle abrite actuellement deux catégories de réfugiés : 1° ceux qui sont venus ici avant l'apparition de l'ennemi dans leurs villages ; 2° ceux qui, prisonniers des Allemands, soit comme otages, soit comme habitants d'une région d'où ils ne pouvaient s'échapper, arrivent maintenant par convois à travers la Suisse.
Les émigrés ou évacués touchent une allocation de 1 fr. 25 : les internés sont logés dans les hôtels et dans les maisons particulières, moyennant une indemnité de 3 fr. à 3 fr. 50 par jour. Cette distinction, crée entre les deux catégories une différence de traitement d'où il résulte une sorte d'infériorité pour les émigrés.
Pour la centième fois, j'ai entendu ce matin, au cours de mes visites chez ces pauvres gens, la, même réflexion :
- Pourquoi ne recevons-nous pas une indemnité de 3 fr. Nos besoins sont-ils donc moins grands que ceux des internés ? N'avons-nous pas subi les mêmes affronts ? La guerre ne nous a-t-elle causé que le tiers des préjudices dont ils souffrent ? Pourquoi cette inégalité, cette cruelle injustice à notre égard ? »
Ils ignorent que la ville d'Annemasse touche pour eux une somme de 1 fr. 25 par individu, mais qu'au bout du compte, elle dépense exactement 2 fr. 05, si bien que le logement, la nourriture et l'entretien des réfugiés lorrains lui coûtent net seize sous.
N'empêche que le découragement s'est emparé d'eux, qu'ils résistent parfois aux invitations du garde champêtre qui réclame leur aide pour balayer la neige et nettoyer les rues, sans leur accorder d'autre salaire qu'une poignée de main ni d'autre gratification qu'un simple remerciement En réalité, le travail de quelques citoyens valides constitue la seule reconnaissance des services que la commune rend à des familles entières.
D'autre part, les internés ne sont ici que de passage. L'Etat verse une indemnité de trois francs aux hôteliers pendant le temps seulement qu'en cours de route ils séjourneront dans une localité. Mais, arrivés à destination, ils toucheront alors l'allocation prévue de 1 fr. 25, ni plus ni moins que les émigrés.
Ce sont là des renseignements qu'il importait de fournir. Faute de parler, on meurt sans confession, dit certain proverbe. Les griefs qu'on articule trop hâtivement contre ces tristes victimes de l'invasion, animées des meilleures intentions, tomberaient d'eux-mêmes, si la situation était mieux exposée, si l'on effaçait dans leur esprit la pensée que la France emploie deux poids et deux mesures dans la distribution des soins et du dévouement qu'elle témoigne à ses enfants.
M. Magre, l'actif sous-préfet de Briey, mène, en Savoie une patriotique campagne en ce sens, une campagne qui mérite qu'on l'approuve et qu'on s'y rallie.
C'est constater un fait, c'est proclamer une vérité, comme je le disais au début de cet article, que de signaler, hélas ! une tendance à l'oisiveté chez ces travailleurs de la glèbe, ces Lorrains robustes, économes et vaillants!, ces fils d'une race élevée à la rude école des privations, qui ont vu subitement s'évanouir dans le désastre les fruits accumulés par l'oeuvre féconde de plusieurs générations.
Prenons garde qu'ils jettent un jour le manche après la cognée, qu'ils contractent dans les villes des habitudes, réellement pernicieuses celles-là, au contact du luxe, des commodités, des agréments factices dont le mirage n'a que trop contribué à la dépopulation des chaumières.
Elle résonne à mon oreille, cette parole d'amertume recueillie ce matin dans un ménage d'émigrés, comme le douloureux avertissement d'une crise :
- Ah ! pour sûr, quand l'Etat m'aura remboursé le prix de ma maison détruite, ce n'est pas en Lorraine que nous retournerons planter nos choux ! »
ACHILLE LIEGEOIS.

LES COMBATS DES DEUX ARTILLERIES
NOUS AVONS BOMBARDÉ
les gares de Thiaucourt et d'Arnaville

Paris, 12 février, 15 h. 15.
Entre la mer et la Somme, lutte d'artillerie. Au sud de La Boisselle, l'ennemi a fait exploser une mine à l'extrémité d'une de nos tranchées, où nous nous sommes maintenus.
De la Somme à l'Argonne, on ne signale que le bombardement de Tracy-le-Mont par l'ennemi et l'activité de notre artillerie dans les secteurs de Reims et de Soissons.
En Woëvre, canonnade assez intense du côté allemand devant Rambucourt et ]e bois de La Hazelle.
Nous avons bombardé les gares de Thiaucourt et d'Arnaville.

DEUX SUCCÈS
Vers Arracourt et dans les Vosges

Paris, 13 février, 1 heure.
Actions d'artillerie assez vives en Belgique et en Champagne.
En Argonne, entre Fontaine-Madame et l'ouvrage Marie-Thérèse, l'activité de l'ennemi ne s'est manifestée que par des explosions de mines et des lancements de bombes, auxquels nous avons riposté. L'infanterie n'est pas sortie de ses tranchées.
En Lorraine, nous avons repoussé une attaque allemande vers Arracourt.
Dans les Vosges, nos chasseurs ont enlevé la cote 937, à huit cents mètres au nord-ouest de la ferme de Sudelle, dans la région nord de HartmansîVillerkopf. Ce brillant fait d'armes a été accompli sous une violente tempête de neige. Il ne nous a occasionné que des pertes minimes.

RÉCITS D'OTAGES LORRAINS
Dans la région de Mars-la-Tour

L'un des principaux habitants de Bruviile, actuellement à Nancy, a bien voulu nous communiquer une fort intéressante lettre qu'il vient de recevoir, d'un de ses concitoyens actuellement en traitement à l'hôpital d'Annemasse (Haute-Savoie), où il souffre d'une bronchite contractée au cours de son séjour dans les camps de concentration.
«  C'est le 5 janvier, écrit-il, que les Allemands m'ont emmené en compagnie de l'instituteur, M. Debrun, et de plusieurs anciens fonctionnaires en retraite, notamment des douaniers.
«  Notre crime ?.. Nous n'en avions commis aucun, mais les Allemands ne s'embarrassèrent pas à nous donner des explications.
«  Avant d'être emmené en captivité, j'avais pu me rendre, à deux reprises, à Mars-la-Tour. C'était dans le courant de septembre. A cette époque, l'honorable maire, M. Seners, avait été conduit à Metz en attendant le versement d'une somme de 20.000 fr. comme contribution exceptionnelle de guerre.
«  Mars-la-Tour ne fut d'ailleurs pas la seule commune qui dût payer la forte somme. Ville-sur-Yron fut frappée d'une contribution pareille, ainsi qu'Hannonville aux-Passages ; quant à Bruville, cette commune s'en tira avec la moitié, c'est-à-dire 10.000 francs
«  Pour expliquer cette extorsion de fonds les Allemands prétextèrent que des pierres avaient été posées sur la voie ferrée, près de Ville-sur-Yron et que, ne trouvant pas les véritables auteurs de l'attentat, et ne pouvant fusiller tout le monde, ils étaient «  bien gentils » de se contenter d'une amende qui frapperait tous les villages des environs.
«  Naturellement, le maire de Bruville, M Boutroux, et, ceux de Ville-sur-Yron et d'Hannonville-aux-Passages, allèrent tenir compagnie à M. Seneis dans les prisons de Metz.
«  Cet incident excepté, rien de bien sensationnel ne s'était passe à Mars-la-Tour jusqu'à ma dernière visite dans cette localité.
«  Mais là, comme à Bruville et comme dans toutes les communes du voisinage, la population a eu beaucoup a souffrir au point de vue matériel. Les réquisitions n'en finissaient plus. Les amendes pleuvaient. Bref, tout le monde a eu beaucoup a supporter.
«  L'église de Bruville n'a plus de mobilier. Il en est de même de l'école. Tout ce matériel a dû s'en aller dans les tranchées allemandes. Quant aux habitants, on les a évacués de force et si rondement qu'ils n'ont pu emporter que peu de choses. On a même jeté hors de chez lui un vieillard de 78 ans, bien malade, le père Perrin, qui venait de subir une opération et était par conséquent dans l'impossibilité de se mouvoir.
«  Malheureusement, il est fort difficile de donner des détails bien précis. Les communications entre Bruville et l'annexe d'Urcourt étaient interceptées, et l'on ne pouvait pas voyager, en ces derniers temps, de village à village.
«  J'ai pu savoir cependant, de source certaine, contrairement au bruit qui avait couru, qu'aucun habitant de Mars-la-Tour n'avait été fusillé lors de J'entrée des Prussiens en août. Il n'y avait pas davantage de victime, au commencement de janvier.
«  On avait aussi, je crois, annoncé la mort tragique de l'abbé Mangin, directeur du grand séminaire de Nancy. Cette nouvelle est également fausse. L'abbé Mangin qui se trouvait en vacances dans sa famille à Olley, a été évacué avec las habitants de cette commune. Je viens de le rencontrer à Annemasse.
«  L'origine de l'histoire de la fusillade Mars-la-Tour, est peut-être dans les arrestations qui y suivirent le prétendu attentat sur la voie ferrée de Ville-sur-Yron. Quatre habitants de Mars-la-Tour furent en effet, arrêtés à ce moment, entre autres M. Lemoine fils, et Mme Renaud, institutrice.
«  Mais on n'alla pas heureusement jusqu'à les coller au mur. Comme explications, les Boches se bornèrent à leur dire qu'ils étaient trop curieux ».
«  Mme Renaud fut conduite à Rastadt. J'ignore où furent détenus ses compagnons.
«  Les pauvres gens de nos villages de la frontière ont passé par de dures épreuves. On leur a tout pris. Plus de bois, plus de chevaux, plus de voitures, plus de paille, plus de fourrages, rien... C'est la grande misère et ce sera la misère pour longtemps. Au moment de mon départ, Les Allemands réquisitionnaient tous les objets en cuivre et en bronze. Il est possible qu'ils aient descendu les cloches. Ils l'ont bien fait pour de nombreux clochers de la Woëvre !
«  Aussi, sous la tristesse qui vous étreint lorsqu'il faut abandonner tous ses biens, la maison où l'on est venu au monde, où les siens ont vécu, où ils sont morts, on n'aurait rien à regretter lorsqu'il faut prendre le chemin de l'exil.
«  Beaucoup sont partis de Bruville, de Mars-la-Tour et d'ailleurs. Quelques-uns cependant sont restés, mon frère entre autres. Mais quelles souffrances ne doivent-ils pas endurer, souffrances morales et souffrances physiques ; car on manque de nouvelles de ceux qui vous sont chers, au pillage organisé vient s'ajouter la mauvaise nourriture fournie par l'exécrable pain allemand.
«  Les troupes d'occupation souffrent elles-mêmes beaucoup. Un certain nombre de soldats allemands sont morts de la typhoïde à Mars-la-Tour.
«  Ah ! quand donc pourrons-nous nous retrouver tous réunis dans nos pauvres et chers villages ! Elle finira bien par sonner l'heure de la délivrance, l'heure de la victoire, et alors nous ne songerons plus à gémir mais à chanter ! »

ET LE CIVIL ?

Nancy, 14 février.
Le civil accomplit aussi son devoir sinon avec tranquillité, du moins avec une confiance que rien n'altère.
C'est une préoccupation constante chez le soldat que l'attitude du civil. Il y a une telle intimité de vie entre la nation et l'armée qu'elles semblent penser en même temps la même chose.
Les acclamations qui au début de la guerre saluaient les troupes n'étaient pas pour rien dans l'enthousiasme qui animait l'armée.
La sérénité avec laquelle la population attend la victoire définitive apporte au coeur des combattants la confiance indispensable à toute grande opération.
La patience que montre le pays pendant la longue bataille des tranchées indique aux troupes qu'il se rend compte des difficultés chaque jour surgies, qu'il n'en est pas autrement ému, et qu'elles peuvent compter sur la résistance du caractère français retrempé.
La sollicitude dont partout est entouré le troupier lui montre qu'il est l'espoir total de la nation, et qu'il en est aussi la gloire.
Les voix féminines qui célèbrent en mots simples et touchants les sacrifices consentis et les héroïsmes innombrables donnent aux soldats un élan plus magnifique.
Oui, le civil accomplit son devoir suivant le rythme qui lui est imposé.
Ce n'est pas seulement dans les exhortations, dans la patience, dans la solidarité, dans la confiance, dans l'espoir que s'exerce le courage du civil.
Le civil comprend que, la guerre étant longue, là nation armée ne peut pas vivre sur les économies accumulées. Il essaie, dans la mesure de ses moyens, de créer des ressources. Il écoute le canon, il regarde les oiseaux qui! sèment la mort dans les villes. Mais il ne s'enferme pas dans une attente stoïque.
Il travaille.
Il travaille pour donner à tous ce qui est indispensable. Celui qui n'a pas l'honneur de combattre cherche à se rendre utile. Les chefs d'industrie rassemblent dans les usines les ouvriers qui restent, et s'ingénient à produire. Les commerçants tâchent d'éveiller-les échanges qui s'engourdissaient. La vie reprend son cours normal, offrant, par un exemple constant, comme un gage de renaissance robuste.
C'est dans ce travail de tous les jours que se régénèrent les activités.
Des pleureurs, des sceptiques, des désabusés, des découragés, il n'y en a pas. Ou il y en a si peu que ce n'est vraiment pas la peine d'en parler.
Chacun, après la première secousse qui a désorganisé l'existence civile, s'est retrouvé à sa place. A sa place il s'efforce de contribuer à la vie commune.
Cette guerre a tiré de l'obscurité les qualités qu'avait cachées l'égoïsme de la paix. Chacun a senti qué son voisin lui était indispensable. Et ce sentiment a été si fort qu'une grande flamme de solidarité s'est élevée où se sont réchauffés tous les coeurs. Je ne parle pas de cette solidarité que pratique d'habitude toute la Lorraine et qui va, sous la forme de la charité, vers toutes les douleurs pour les consoler, vers tous les malheurs pour les apaiser.
Non. C'est un sentiment plus pur encore qui nous unit à travers toutes nos discussions politiques, sociales, religieuses, qui assainit l'atmosphère, dont nous goûtons le charme inattendu dans l'oubli des querelles anciennes.
Et ce sentiment qui nous a fait une âme ingénue et vigoureuse, le soldat en sent aussi passer le charme dans son âme, car la première question du combattant est toujours celle-ci :
- Et le civil ?
Le civil accomplit son devoir. Il attend, il espère, il a confiance, il affirme sa volonté de vivre.
Il travaille, et est prêt, s'il le faut, à déposer l'outil pour prendre le fusil et se ranger à côté des siens, qui combattent.
RENÉ MERCIER.

LES RÉFUGIÉS LORRAINS
AU CAMP D'AMBERG

GENÈVE, 7 février. - Quand tout aura été dit sur les atrocités, les crimes, les infamies du Bocheland, une page restera encore à écrire sur la vie dans les camps d'internement ou de concentration.
Par trains entiers, l'Allemagne renvoie ses victimes. Il en vient de Zwickau ; il en arrive de Rastadt et d'Amberg, après que les citadelles et les forteresses du Rhin, comme Ehrenbreistein, eurent lâché leur proie. Et tous ceux, jeunes ou vieux, qui sortent de ces enfers, ont dans la voix l'accent d'une supplication, dans leurs yeux une source intarissable de larmes et dans leur pauvre âme l'ulcération profonde des tortures où s'exerça le raffinement d'une cruauté sans exemple Le camp d'Amberg est un modèle du genre. Les officiers s'y muent en garde-chiourmes, les soldats en tortionnaires. La faim est l'ordinaire supplice qu'on aggrave par la vermine ; on cite des malheureux dévorés par les poux, comme on signale des malades abandonnés dans les baraquements où l'eau tombait du toit comme d'un crible et qui râlèrent sous l'abri d'un parapluie couvrant leur tête.

Les cercueils élégants
Parqués dans une sordide promiscuité, sans distinction d'âge ni de sexe, les internés d'Amberg croupissaient parmi les ordures, les déjections. la sanie. Une odeur méphitique chargeait de miasmes l'atmosphère. La contagion s'abattait sur ces êtres traites comme un bétail. Une mortalité de 25 % a décimé le troupeau humain auquel furent refusés les soins de la science, la sollicitude de la pitié, les consolations d'une tendresse fidèle.
Mais les cercueils, par contre, étaient d'un style élégant. Les Boches mettaient une certaine coquetterie dans le choix du bois, le dessin des ornements, la forme des poignées ; ils habillaient la mort à la dernière mode - «  made in Germany. »
La femme du maire de Combres, Mme Libor, fut tout de blanc habillée sur le lit d'hôpital où elle succomba aux suites d'une fièvre puerpérale.
En mainte occasion, on refusa, comme pour Mme Maria Perruquier, du même village, l'autorisation d'avertir du décès d'un de leurs membres les familles restées en France.
La même journée réunit trois cercueils d'enfants, mignons, ayant des dimensions et presque la grâce d'un berceau, avec un solide cercueil de. chêne où reposait, enfin délivré, un patriarche de la Woëvre. En une semaine, on compta huit inhumations de marmots arrachés au sein de leur mère par le croup que les savants de Berlin appellent le «  catarrhe des bronches ».
Pour mieux caractériser l'identité entre le traitement des animaux et celui des internés, ceux-ci portaient au cou un numéro d'ordre. Une institutrice de Saint-Dizier, Mlle Marguerite V..., nous répétait le propos d'une de ses compagnes :
- On nous a amenées ici comme des vaches : on nous renverra comme des cochons. »
En attendant leur libération. elles se nourrissaient d'épluchures de pommes de terre bouillies, de légumes en décomposition écrasés dans des récipients abjects que jamais le moindre nettoyage n'avait décrassés.

Silence dans les rangs !
Quand, pour constater une telle malpropreté, le consul argentin visita le camp d'Amberg, quelques femmes osèrent résister aux instructions des officiers ordonnant le lavage des ustensiles de cuisine : «  Nous voulons montrer au représentant de la France, déclarèrent-elles, comment fonctionne un service dont nos bourreaux ont l'audace de se féliciter. »
Hélas ! leurs protestations furent vite étouffées sous les menaces d'un régime encore pire si le consul ne retirait point de sa tournée une satisfaction sans nuages.
La neige, en fondant sur le toit, tombait sur les couchettes dont la paille germait, à moins qu'elle ne pourrît de moisissure. Beaucoup d'hommes s'étendaient sur le sol nu pour y dormir. Aucune plainte ne s'élevait de ce vaste et monstrueux taudis, où les sentinelles, baïonnette au canon, montaient jour et nuit la garde, réprimant à coups de botte ou à coups de crosse, toute parole, tout geste de mécontentement.
Quant à la protection de la morale, il est évident qu'elle n'avait absolument rien à voir avec l'entassement de cette multitude pêle-mêle dans le même baraquement. Un tel régime abolissait toute pudeur.
- Vous repeuplerez la France, gouaillaient les odieux tortionnaires... Votre pays manquera de soldats après la guerre... Il faut bien que vous lui refassiez une armée. »
Les plus abominables violences de la campagne, les souillures qui ont déshonoré partout les barbares trouvaient pour excuse chez ces brutes des réflexions dans ce goût-là.
Les cas de folie se sont multipliés. La plume se refuse à décrire les scènes de désespoir, de révolte où s'effondrait la raison, les vociférations qui clamaient l'épouvante dans ce cercle de damnés devant lequel Alighieri eût frissonné d'horreur.
Non loin de là, sept cents soldats, des prisonniers, gémissaient, tenaillés par les affres de la faim, tués par l'inexorable supplice d'une agonie où s'éteignait dans un suprême effort l'énergie d'une jeunesse en lutte avec les spectres de la mort.

Nos soldats prisonniers
Ecoutez ce récit d'un aux témoin, Mlle C..., de Saint-Maurice-sous-les-Côtes: - Les prisonniers grelottaient sous leur uniforme en loques. Ils cherchaient à s'approcher de nous. Mais une terrible consigne nous empêchait de leur dire un seul mot et nous profitions du moment où les factionnaires tournaient le dos pour jeter un morceau de notre pain noir à ces bouches avides, à ces mains tendues vers nous... »
D'autres se précipitaient, après chaque repas, sur les détritus, les croûtes balayées dans un baquet qu'ils fouillaient comme des chiens.
Les officiers riaient. Ils plaisantaient lâchement. Ils disaient qu'en France, «  où Poincaré crevait de faim, il n'y avait plus rien pour eux, et qu'ils devaient se réjouir d'une hospitalité qui leur prodiguait toute sorte de délicatesses (sic). »
A leur grand regret, les internés ne purent, en quittant le camp d'Amberg, se charger des lettres que nos soldats voulaient leur confier. On les avait prévenus qu'une perquisition serait pratiquée dans leurs bagages, et que la découverte d'une correspondance suspecte leur vaudrait d'implacables châtiments Une chanson qui tournait en ridicule le kaiser avait conduit devant le peloton d'exécution une jeune femme, pour crime de lèse-majesté, et l'on savait par expérience que la justice militaire ne badinait jamais avec ce genre de délit.
Les prisonniers ont le droit d'écrire à leurs parents une fois par mois. Les lettres, remises avant la date du 15, sont expédiées le 25, soit dix jours plus tard, afin de laisser à la censure le loisir d'appliquer à son aise le «  caviar » qui supprime tous les renseignements ou les confidences suspectes. Il fallait recommencer la lettre - un mois après - où l'on avait la maladresse injurieuse de trouver qu'on était seulement «  assez bien » au camp d'Amberg.

Une institutrice patriote
De regrettables défaillances se produisirent. Elles constituent fort heureusement, hâtons-nous de le dire, des cas isolés. C'est ainsi qu'une paysanne, sans doute jalouse de l'opulence de leur chevelure, désigna aux gardiens plusieurs de ses compagnes, en observant qu'en certains pays d'aussi belles nattes se vendaient fort cher.
Le lendemain, la parure naturelle de ces malheureuses tombait sous les ciseaux.
Mais, à côté de ces coupables faiblesses, que de traits touchants, parfois sublimes ! Mlle Collinet, une institutrice de la Woëvre, rassemblait tous les jours les enfants et continuait pour eux ses cours, enseignant comme autrefois dans sa classe, qu'il fallait aimer et servir la France de toute son âme.
- J'avais composé un répertoire de rondes et de chansonnettes, m'a raconté Mlle Collinet... Oh ! des oeuvres sans prétention littéraire... mais avec quelle exaltation mes élèves chantaient de toute leur âme la foi dans la victoire, la certitude du salut. »
Les geôliers (car les reîtres du kaiser ne méritent que ce nom) s'intéressaient à ces divertissements; leurs chefs questionnaient les bambins et affectaient de rire à leurs naïvetés :
- Pourtant mes petits élèves, ajoute Mlle Collinet, mettaient dans leurs réponses l'audace de vrais Lorrains ; ils avaient ma foi, l'air de crâner ; ils annonçaient que notre drapeau était le plus glorieux du monde. »

Il n'y en avait qu'un bon
Dans un milieu où sévissaient l'insolence et la brutalité, un seul officier se révéla indulgent et bon. Les internés lui rendent un hommage unanime. Le lieutenant Hosman entourait d'attentions, de prévenances, les enfants ; il se couchait le dernier, après minuit, bien sûr qu'on n'avait plus besoin de lui ; il s'empressait d'exaucer tous les souhaits compatibles avec les exigences du service ; il adoucissait les sévérités de la discipline :
- Jamais, m'a dit notamment une ménagère de Combres, le lieutenant Hosman ne nous, a traités en ennemis. De même le docteur Marcius, l'infirmier Auguste Scholtz, ia cuisinière que l'on appelait Pauline tout court, se sont conformés strictement à l'exemple charitable qu'il donnait dans le camp.
Les internés témoignent de leur gratitude. Ces dévouements exceptionnels ont sauvé beaucoup d'enfants dont on surveillait l'hygiène et la nourriture.
Comme s'il sentait autour de lui monter la marée d'un opprobre universel, le lieutenant Hosman répétait aux internés d'Amberg, à l'heure des adieux :
- Vous retournez en France... J'en suis heureux. Bon voyage, mes chers amis ! On croit dans le monde que nous agissons en sauvages ; oui, les journaux nous traitent de Barbares. Promettez-moi de dire que je vous ai toujours soignés avec humanité... »
Lui, peut-être. Mais les autres, tous les autres, depuis Guillaume II jusqu'au dernier de ses uhlans !
ACHILLE LIEGEOIS

A MAZERULLES

Nous recevons la lettre suivante : Dans tous les villages nommés déjà par votre journal ayant subi le joug et la brutalité allemands, je n'ai pas encore vu celui que l'on nomme Mazerulles.
Ce coquet et hospitalier village, situé sur la grande route, entre Champenoux et Moncel, vit l'apparition des premiers uhlans au lendemain de Morhange, le 22 août. Un des leurs ayant été blessé et un autre tué dans la côte qui va à Champenoux, M. le maire de Mazerulles fit atteler un tombereau, afin de ramasser le blessé et l'emmener du côté des troupes françaises. Quelques uhlans arrivèrent au galop et firent faire demi-tour au conducteur.
Au village, il fallut trouver une voiture avec un matelas, car le tombereau ne convenait pas, et on l'emmena du côté de Moncel.
Alors commença l'arrivée de leurs soldats. Tout de suite on fit prévenir les habitants de n'avoir pas à maltraiter les soldats allemands, de leur donner tout ce qu'ils demandaient, de ne pas tirer sur eux, sans quoi on fusillerait les otages.
M. le maire et M. le curé (ce dernier très malade, ayant eu une crises d'appendicite quelques jours avant) avaient été requis pour être prisonniers à la mairie dès l'arrivée des Boches. Ils en avaient chassé l'instituteur et sa femme afin d'être plus libres. Les otages ne devaient pas sortir. Ils étaient gardés et ne devaient correspondre avec personne, sous peine d'être fusillés.
Puis la horde germanique fit sa promenade dans toutes les maisons du village, entrant dans les cafés, maisons de commerce et particulières, le revolver toujours à la main, terrorisant les femmes. Il leur fallait de tout. Cela dura quatre jours. Une nuit il passait plus que d'habitude de l'infanterie et de l'artillerie. Il en venait par tous les coins, hurlant d'un bout à l'autre du village, demandant pour les chevaux paille, foin et avoine.
Les chefs et soldats étaient arrogants. Il leur fallait des oeufs, des poulets, du pain blanc, du vin, qu'ils faisaient même goûter par peur d'être empoisonnés. Ils mirent à sac toutes les maisons qu'ils purent, puisant dans tout ce qui leur convenait. Le soir du mardi, alerte. L'ambulance établie à la mairie déménagea subitement, laissant les otages là.
Le vendredi matin, le bombardement, qui n'avait pas cessé depuis quelques jours de chaque côté, mit le feu à des maisons. Bien du monde partit et se rendit à Nancy.
La veille, il y avait eu un uhlan tué au village par un de nos sergents d'infanterie.
Il n'y avait pas longtemps que la plupart étaient partis, laissant à peu près une trentaine de personnes au village, quand les uhlans revinrent, furieux de ne plus retrouver les otages, qui ne les avaient sûrement pas attendus ; ils mirent à sac tout ce qui restait, enfermant dans l'église les rares personnes qui étaient restées là. Ils prirent les bêtes, le linge, le mobilier, l'argenterie ; ensuite vidèrent les caves. Ils firent la fête durant dix jours.
Mais les jours se suivent et ne se rassemblent pas. C'est vers ce moment qu'eut lieu leur défaite à Amance. Ils convertirent un café en ambulance, mettant des blessés partout, jusque dans la cour et le jardin. Il fallut reculer. La défaite de Champenoux vint après Ne voulant laisser personne derrière eux, ils emmenèrent tout le monde, vieillards, femmes et enfants, baïonnette au canon, devant eux, les poussant vers Moncel.
Là on les enferma dans la salle de bal de Mme Fonbanck, où quelques personnes compatissantes et généreuses leur apportèrent de la soupe et du pain qu'ils n'avaient pas vu depuis dix jours.
Il fallut encore battre en retraite sans doute très vite. cette nuit du 12 au 13 septembre, car on les entendit qui défilaient rapidement du côté de Château-Salins.
Quelques prisonniers s'étant risqués à regarder dehors, virent qu'il n'y avait plus de gardiens et s'en retournèrent du côte de Mazerulles où ils virent la grande rue (à part quelques maisons) entièrement en feu. Quarante-six maisons ont été brûlées à Mazerulles.
Comme les habitants de Moncel, quelques personnes de Mazerulles ont cru voir, après la défaite d'Amance, le Barbare qui voulait à tout prix offrir la ville de Nancy à sa femme.
En attendant de voir nos villages reconstruits et florissants comme autrefois, pensons à tous ces héros si vaillants et si courageux tombés pour la défense de Nancy et l'honneur de la patrie.

LES ALLEMANDS A BLAMONT

M. Fernand Burrus nous écrit qu'il n'a jamais donné un kilo de chocolat aux Allemands pour préserver son usine. Dès leur arrivée en masse à Blâmont, le 8 août, la chocolaterie, Burrus a été mise au pillage, les voitures de ravitaillement chargées en plein jour ; lorsque, tout fut volé, afin de compléter l'oeuvre de destruction, le matériel et les machines furent saccagés, et cela finit, malgré les protestations de M. Burrus, par l'incendie de la pauvre usine.
Plusieurs centaines de kilos de chocolat furent en effet donnés par M. Burrus avec plaisir, mais ce fut aux soldats français et aux ambulances de Blâmont.

ÉCHECS ALLEMANDS EN LORRAINE
INUTILE RANDONNÉE
d'avions allemands sur Verdun

Paris, 13 février, 16 h. 20.
De la mer à la Lys, les Allemands ont violemment bombardé Nieuport et la région de la dune. Leur artillerie a tiré sur Ypres, dans la nuit du 11 au 12, et sur nos positions à l'est d'Ypres pendant la journée du 12. La nôtre a efficacement répondu.
De la Lys à la Somme, canonnades intermittentes.
Dans la région d'Arras, près de Carency, nous avons fait exploser deux fourneaux de mines dans les petits postes ennemis.
Sur la Somme, entre l'Oise et l'Aisne, ainsi qu'en Champagne, grande activité de l'artillerie des deux côtés.
Une dizaine d'avions ont survolé la région de Verdun. Les bombes qu'ils ont lancées n'ont causé aucun dommage.
Dans la nuit du 11 au 12, deux attaques allemandes sur nos tranchées du bois des Caures, au nord de Verdun, ont été repoussées.
En Lorraine, l'attaque allemande sur nos postes d'Arracourt, signalée dans le communiqué d'hier soir, a été menée par une compagnie, tandis qu'une autre compagnie essayait, sans plus de succès, d'enlever nos postes de Ranzey.
En Alsace, l'ennemi a canonné les positions que nous avons conquises, le 12 février, dans la région de Sudelkopf. En raison de l'organisation de nos tranchées, les effets de ce bombardement ont été insignifiants.

Paris, 14 février, 0 h. 53.
En Belgique, quelques actions d'artillerie.
A La Boisselle, nous avons fait sauter un fourneau de mine, dont nous avons occupé l'entonnoir.
Devant Dompierre, au sud-ouest de Péronne, l'explosion d'une de nos mines a surpris les pionniers bavarois en train de travailler.
L'ennemi a bombardé les villages de Bailly et de Tracy-le-Val. Notre artillerie a atteint la gare de Noyon.
En Champagne, dans la région de Souain, l'un de nos bataillons avait réussi à s'emparer d'un bois en avant de nos tranchées, mais il ne put pas s'y maintenir, une tempête de neige n'ayant pas permis à notre artillerie de l'appuyer d'une façon efficace.

M. POINCARÉ EN ALSACE
Sa rencontre avec son ancien bataillon d'Alpins
L'accueil touchant de l'Alsace
ON PLEURE, MAIS C'EST DE JOIE

Paris, 13 février, 15 h. 45.
Au cours de son voyage sur le front des armées françaises, le président de a République a visité plus particulièrement, avec M. Millierand, ministre de la guerre, les troupes qui opèrent dans les Vosges et en Alsace.
M. Poincaré et M. Millerand ont inspecté les ouvrages avancés des camps retranchés d'Epinal et de Belfort. Ils ont constaté le bon fonctionnement des services de ravitaillement, des vivres, des munitions; des postes et des services sanitaires.
Le président de la République a visité longuement de nombreuses ambulances.
Il s'est entretenu avec les blessés, dont il a constaté l'admirable état moral. Il a adressé à tous des paroles de réconfort.
Le président a rencontré le bataillon de chasseurs alpins auquel il a appartenu comme capitaine de réserve. Il a remis, sur la proposition du général Joffre, la croix de la Légion d'honneur à un officier et la médaille militaire à un sous-officier de ce bataillon.
Les chasseurs ont fait à leur ancien capitaine un accueil extrêmement touchant.
M. Poincaré a visité ensuite nos troupes d'Alsace, sur trois points différents.
Quand il est arrivé à Urbès, la première commune alsacienne, le bruit de sa présente s'étant répandu, habitants et soldats se sont précipités à sa rencontre, en poussant les cris de «  Vive la France ! Vive l'Alsace française ! ». Dans toutes les localités qu'il a traversées, le président de la République a dû descendre de son automobile et parcourir à pied les rues principales, au milieu des acclamations.
Les vieilles femmes pleuraient de joie. Les jeunes filles agitaient leurs mouchoirs. De temps en temps, des femmes ou des enfants remettaient au président des bouquets.
De nombreuses maisons étaient pavoisées aux couleurs françaises.
M. Poincaré a parcouru ainsi une vingtaine de communes alsaciennes. Partout.
la réception a été émouvante. Dans l'une -l'elles, le président a remercié le conseil municipal de l'adresse qu'il lui avait envoyée, lui assurant que les habitants étaient heureux d'être enfin rattachés à la France.
Dans une autre commune, M. Poincaré est entré à l'école, où une petite fille lui a lu un compliment, dans lequel elle a remercié le président des jouets que leur a adressés Mme Poincaré, puis 200, enfants environ ont chanté la «  Marseillaise ».
A Massevaux, la manifestation a été particulièrement enthousiaste.
Toutes les maisons étaient pavoisées. Le maire, les conseillers municipaux, le curé, les notables ont exprimé au président leur joie de voir leur ville redevenue française.
M. Poincaré a répondu par des paroles émues. Tous les assistants avaient les larmes aux yeux.
Il a remis des décorations, notamment à deux Alsaciens qui portent déjà la médaille de 1870. Ceux-ci ont éclaté en sanglots, quand le président leur a donné l'accolade.
Le président de la République a laissé 2 000 francs pour les pauvres.
Il est reparti ensuite pour Belfort, qu'il a quitté dans la soirée, longuement acclamé.

ATTAQUES ALLEMANDES
en Lorraine et en Alsace
ILS ONT ENCORE BOMBARDÉ REIMS

Paris, 14 février, 15 heures.
En Belgique, bombardement de Nieuport, de nos tranchées de la Dune et de la ville d'Ypres. Notre artillerie a contrebattu les batteries ennemies.
De la Lys à l'Aisne, canonnades intermittentes. Près de Noulettes, une fraction ennemie, qui essayait de se porter vers nos tranchées, a été arrêtée net par le feu de notre infanterie.
En Champagne, activité assez intense de l'artillerie ennemie sur notre front, devant Reims. La ville a de nouveau été bombardée. Notre tir sur les tranchées allemandes a paru donner de bons résultats.
De l'Argonne à la Moselle, journée calme.
En Lorraine, des forces allemandes se sont portées contre ceux de nos éléments avancés qui occupaient le signal de Xon (nord-est de Pont-à-Mousson). Les résultats du combat ne sont pas encore connus.
En Alsace, l'ennemi a pris l'offensive par la vallée de la Lauch, avec deux colonnes s'avançant sur les rives sud et nord de la rivière. La marche de ces troupes a été signalée, retardée et entravée par nos patrouilles de skieurs. Elles sont actuellement au contact de notre ligne la plus avancée.
Une violente tempête de neige règne dans les Vosges.

COMMENT VIT SAINT-MIHIEL SOUS LA BOTTE

Paris, 14 février, 17 h. 30.
Un habitant de Saint-Mihiel, qui a pu gagner Paris, malgré mille dangers, a raconté que les dégâts occasionnés par les obus de l'artillerie sont assez sérieux.
L'église des Halles est épargnée. L'église Saint-Etienne est endommagée. L'immeuble du cercle militaire est en ruines. Le monument du Souvenir Français est intact.
Cent-dix habitants environ sont restés à Saint-Mihiel. Ils se sont réfugiés dans les caves, où ils ont installe des fourneaux dont les tuyaux débouchent dans les rues par les soupiraux.
L'imposition de la ville a pu être versée par les habitants.
La maison du docteur Thierry, maire, a été entièrement dévalisée. Les Allemands ont attaché une écharpe à une fenêtre.
Les communes de Rambucourt, Bouconville, Broussey-en-Woëvre sont chaque jour bombardées. Elles ne sont plus que ruines.
.Les habitants de Raulécourt, exposés aux obus de l'armée allemande, sont isolés du monde entier.
Une ligne de chemin de fer Thiaucourt-Vigneulles-Saint-Mihiel, établie par les Allemands, passe non loin de cette commune. Elle est réservée exclusivement à leurs transports.

L'OCCUPATION ALLEMANDE A PIERREPONT

Ces nouvelles remontent au début de décembre.
Jusqu'à cette époque, et après les crimes et les brutalités des premiers jours, les habitants ne souffraient pas trop de l'occupation allemande : ils avaient la nourriture assurée, grâce au dévouement de M. Colas, conseiller municipal. Le maire fut pris comme otage, puis relâché. La ville est en partie détruite par le bombardement, qui dura trois jours, du 22 au 25 août. Français et Allemands se battent d'un bout à l'autre du pays. La manufacture de drap fut incendiée, bien qu'une ambulance y ait été installée.
Il y aurait eu dans la population peu ce victimes, parmi lesquelles se trouvent le garde-champêtre Zeute et un ouvrier italien, Severino Detona, qui furent fusillés sur la route de Baslieux, et dont on retrouva, quinze jours plus tard, les cadavres liés ensemble par le bras ; les deux fils Léonard, Mme Pingard, deux jeunes gens du Fayel et on nomma même, paraît-il, M. Colas ; mais il n'y a pas de certitude, et souhaitons que le distingué directeur de la manufacture vive tranquille au milieu des siens.
Ont été emmenés comme prisonniers civils :
M. et Mme Lacrisse, rentiers ; Mme Maudhuy, femme du chef de gare, et sa fille ; Mme Prévot et ses deux fils ; Mmes Lhuillier et Nicolas (familles d'employés de la Compagnie de l'Est) ; Mme Chrétien ; M. et Mme Pauly, avec deux jeunes Parisiens qui se trouvaient chez eux. Ce sont les seuls noms connus.
La poste fonctionne seulement pour les militaires allemands, qui y tiennent garnison au nombre de 150 environ.

(à suivre)

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