| LES 
							MARTYRS DE JARNYComment le Maire et le Curé
 TOMBÈRENT
 sous les balles prussiennes
 LE RÉCIT D'UN TÉMOIN
 ANNEMASSE, 2 février. - Parmi les rapports fournis 
							aux commissions d'enquête figure dans les dossiers 
							le récit de la quadruple exécution du maire et du 
							curé de Jarny, fusillés le 26 août, avec les 
							ouvriers mineurs Bernier et Fidler.Le maire, M. Génot, avait été emmené comme otage à 
							Metz, pendant une semaine, dès le début des 
							hostilités. Il rentra dans sa commune pour assister 
							aux scènes d'épouvante et d'horreur éclairées par la 
							rouge lueur des incendies de la Grand-Rue.
 Sa maison et celle de son voisin, M. Bérard, 
							s'abîmèrent les premières dans les flammes. Mme 
							Bérard eut son enfant tué sur son sein d'un coup de 
							fusil. Pendant cinq jours, les Allemands lui 
							refusèrent l'autorisation d'inhumer le petit cadavre 
							qu'elle eut enfin la triste consolation d'enterrer 
							elle-même dans une plate-bande de son propre jardin.
 Une autre mère de famille, Mme Leroy, fille de M. 
							Pérignon, dont nous avons relaté la fin tragique, 
							essaya de protéger son bébé de cinq mois en élevant 
							le bras gauche au-dessus de lui ; un coup de sabre 
							lui trancha le poignet. Les Boches s'émurent alors, 
							un de leurs médecins-majors ordonna le transport de 
							la blessée dans un hôpital de Metz.
 La fusillade en masse de 32 ouvriers italiens dans 
							la cour de l'hôtel de ville, puis l'abominable 
							exécution du maire et du curé mirent le comble aux 
							atrocités.
 Les Allemands accusèrent M. Génot d'être monté dans 
							le clocher avec des chasseurs pour leur désigner les 
							positions ennemies ; la même accusation fut portée 
							contre M. l'abbé Vouot.
 - C'était une infâme calomnie, un prétexte odieux, 
							déclare un témoin oculaire. Le maire de Jarny 
							jouissait d'une corpulence qui suffisait à écarter 
							une telle imputation. Lui, obèse et lourd, lui, 
							presque incapable d'exercices réclamant un peu 
							d'adresse et d'agilité, lui, gravir comme on le lui 
							reprochait, l'escalier du clocher !.. En d'autres 
							circonstances on eut souri de ce qui ressemblait à 
							un tour d'acrobatie.
 En vain le maire protesta avec énergie de son 
							innocence. Les bourreaux refusèrent de l'écouter. 
							Ils voulaient du sang. Le pillage des caves avait 
							provoqué chez les Boches une ivresse féroce. Ils se 
							battaient entre eux.
 Plusieurs tombèrent sous le feu de leurs compagnons 
							de débauche. Les enquêtes ouvertes sur les orgies où 
							l'on ramassait des cadavres avaient convaincu la 
							justice militaire que les «  sales Français » avaient 
							commis ces crimes :
 - Oui, répétaient les officiers, blêmes de rage, on 
							a tiré sur nous... on a tué nos soldats... »
 Le sort de M. Génot fût vite réglé ; la complicité 
							(!) de M. l'abbé Vouot valut au digne prêtre 
							l'honneur de marcher aussi vers le supplice ; les 
							mineurs Dernier et Fidler furent compris dans le lot 
							des condamnés.
 Vers midi, les quatre hommes furent conduits sur la 
							route de Doncourt. L'endroit choisi pour l'exécution 
							fut le mur d'un enclos où jadis une famille de Jarny 
							avait le droit de réunir ses sépultures et qu'en 
							raison de cette particularité on désigne couramment 
							sous le nom de «  cimetière Bertrand » Là, un 
							maréchal des logis de gendarmerie en retraite, de 
							qui nous tenons ces renseignements, fut à son tour 
							amené. Qu'avait-il fait ? Il n'en savait rien - et 
							ses bourreaux n'en savaient pas davantage.
 Une providentielle intervention le sauva. Un 
							Bavarois eut pitié de lui ; il demanda sa grâce, 
							jurant que ce maréchal des logis s'était bien 
							conduit, qu'il avait servi la soupe à ses camarades.
 On aligna les malheureux. Ils montrèrent un calme, 
							une placidité admirables. L'abbé Vouot, porta vers 
							ses lèvres un crucifix ; mais le geste du prêtre 
							déchaîna une explosion de fureur sauvage ; le chef 
							du peloton arracha violemment l'image du Christ, la 
							jeta jusqu'à terre, la piétina en hurlant, les plus 
							ignobles blasphèmes.
 -- Le bruit sec des fusils qu'on arme... un ordre... 
							et je vis comme en un cauchemar les victimes 
							s'écrouler sur le sol...
 Et le témoin ajoute :
 - Le curé tétait pas mort sur le coup. L'officier 
							s'acharna alors sur l'abbé Vouot ; il lui creva les 
							veux avec la pointe de son épée. il lui écrasa le 
							visage à coups de pommeau, répétant sans cesse la 
							même phrase de haine, mâchant les mêmes outrages : «  
							Tu ne g.... crieras plus ; Tu as fini de g... crier 
							! »
 Puis, le fusil sur l'épaule, roides comme à la 
							parade, les bandits s'éloignèrent du groupe immobile 
							des martyrs étendus dans l'herbe devant le cimetière 
							Bertrand.
 Achille LIÉGEOIS.
 LES ALLEMANDS A NORROY Le 5 septembre 1914, Norroy n'était occupé que par 
							une section de ligne.Vers dix heures du matin, les Allemands y arrivèrent 
							en masse, après avoir lancé quelques bombes aux 
							alentours du village. Ils en repartirent le 
							lendemain matin, prenant Pont-à-Mousson pour Nancy 
							et croyant déjà avoir conquis la capitale de la 
							Lorraine. Mais à Jezainville, ils furent repoussés 
							avec des pertes terribles. Jusqu'au 19 septembre, 
							Norroy fut tantôt allemand, tantôt français, selon 
							que les patrouilles allemandes ou françaises avaient 
							l'avantage.
 A partir du 19, nous fûmes totalement séparés de la 
							Patrie française. Nos récoltes furent presque 
							complètement perdues, car il ne nous était permis de 
							sortir que pendant deux heures le matin, à certains 
							jours, accompagnés d'un soldat, qui ne permettait 
							pas d'aller à plus de cent cinquante mètres du 
							village. Les maisons étaient livrées au pillage, il 
							fallait se laisser voler sans rien dire, tout 
							convenait aux Allemands, de sorte que pour Noël 
							presque toutes les maisons étaient vides.
 Le 8 novembre, les Prussiens emmenèrent cinq jeunes 
							gens de dix-sept à dix-huit ans. Le 24 décembre, à 
							onze heures et demie, on prévint tous les hommes de 
							quinze à cinquante-deux ans qu'il fallait partir à 
							midi ; nous étions vingt-sept. On nous emmena à 
							Novéant, où nous passâmes la nuit à la gare, et de 
							là à Dieuze, où nous arrivions le jour de Noël, à 
							une heure de l'après-midi. Trois jours après, on 
							nous fit passer une visite médicale. A Dieuze, il 
							n'y a que des prisonniers civils, occupés à 
							différents travaux de terrassement et 
							d'assainissement. Pas maltraités, relativement bien 
							nourris et payés à raison de trois mark chaque dix 
							jours.
 Le 31 décembre, on évacue vingt malades et infirmes 
							de Dieuze sur Rastadt. Là, outre les prisonniers 
							civils qui attendent la formation d'un convoi de 
							rapatriement, il y a cinq ou six cents prisonniers 
							militaires, la plupart blessés et évacués de 
							l'hôpital avant complète guérison. Très mal nourris, 
							mal couchés et mal payés, ils y sont encore fort 
							maltraités par trois ou quatre sous-officiers 
							allemands commis à leur surveillance. A chaque 
							instant du jour, ces brutes sifflent le 
							rassemblement. Il faut courir. Et vous voyez ces 
							pauvres soldats, dont beaucoup marchent avec des 
							béquilles, s'efforçant de suivre, poussés à coups de 
							poing par ces gardes-chiourmes. Ils tombent l'un sur 
							l'autre, mais il y a derrière eux des chiens, très 
							bien dressés pour ce genre de sport, qui leur 
							mordent les mollets et les font se relever. C'est 
							ignoble et barbare.
 UN TAUBE EN PANNE Moyen, 7 février.M. le maire de Moyen nous donne les renseignements 
							suivants sur l'atterrissage d'un taube dans son 
							village : Le vendredi 29 janvier, à douze heures et 
							demie, un avion venant du côté de Rambervillers, 
							paraissant avoir une panne de moteur, a atterri sur 
							le territoire de Moyen, lieu dit Grande-Saule, à 
							deux kilomètres environ du village et à proximité de 
							la forêt où se trouvaient des bûcherons.
 Un de ceux-ci, M. Jules Miquel, âgé de 60 ans, 
							rejoint bientôt par MM. Ploquet et Grandhomme, 
							s'approcha des deux aviateurs, qui mirent aussitôt 
							les mains en l'air et rendirent leurs armes, en 
							priant ces trois citoyens de les conduire au maire 
							de la commune la plus rapprochée. C'est à ce moment 
							que des cavaliers de la garnison accoururent et 
							s'emparèrent de l'officier aviateur et de son 
							pilote. Le taube fut aussitôt ramené à Moyen. Il 
							paraît neuf et les dégâts sont insignifiants.
 DUELS D'ARTILLERIE AVEC QUELQUES BONDS HEUREUX Paris, 7 février, 15 heures.En Belgique, la journée du 6 février a été calme.
 Entre le canal et la route de Béthune à La Bassée, à 
							un kilomètre à l'est de Cuinchy, une briqueterie, où 
							l'ennemi s'était maintenu jusqu'ici, a été enlevée 
							par les Anglais.
 Dans le secteur d'Arras, au nord d'Ecurie, les 
							batteries allemandes ont bombardé la tranchée 
							conquise par nous le 4 février, mais il n'y a pas eu 
							d'attaque d'infanterie.
 D'Arras à Reims, combats d'artillerie où nous avons 
							pris l'avantage.
 En Champagne, nous avons repoussé une attaque d'un 
							demi-bataillon, au nord de Beauséjour.
 De l'Argonne aux Vosges, combats d'artillerie, gênés 
							dans la région montagneuse par une brume épaisse.
 
 Paris, 8 février, 1 heure.
 Voici le communiqué du 7 février, 23 heures :
 Dans la nuit du 6 au 7, l'ennemi a prononcé, dans la 
							direction de Nieuport, plusieurs petites attaques. 
							Toutes ont été repoussées.
 Rien à signaler dans la journée du 7, excepté le 
							bombardement du quartier nord de Soissons.
 L'ENFANT TERRIBLE Nancy, 8 février.L'ex-président Roosevelt ne déteste pas les 
							arguments frappants. J'entends par là qu'il ne se 
							sert pas de périphrases académiques et volontiers 
							appelle Rollet un fripon.
 Son genre n'est pas le genre discret. Il met 
							volontiers les pieds dans le plat. Si cela choque 
							parfois le goût, ce n'est pas toujours pour nous 
							déplaire.
 Ainsi voilà que M. Roosevelt s'est avisé d'une chose 
							que les diplomates les plus distingués n'avaient pas 
							encore osé envisager : l'obligation pour les 
							signataires des conventions de la Haye d'exiger le 
							respect de ces conventions, et, s'il le faut, les 
							armes à la main.
 Depuis que M. de Bethman-Holweg a décrété que les 
							traités sont des chiffons de papier, il apparaît que 
							c'est une conception ridiculement surannée de les 
							considérer comme des engagements d'honneur établis 
							par les peuples et les gouvernements.
 M. Roosevelt pourtant les tient pour engagements 
							sérieux. Et à cause de cela il mérite qu'on le 
							regarde avec quelque respect.
 Il faut qu'une pareille observation vienne d'un pays 
							essentiellement pratique, et d'un des hommes les 
							plus pratiques de ce pays.
 Si j'avais un seul instant supposé, écrit M. 
							Roosevelt. que cette signature des conventions de la 
							Haye ne signifiait absolument rien que l'expression 
							d'un pieux désir que n'importe quelle puissance 
							serait libre de dédaigner avec impunité, au gré de 
							ses propres intérêts, je n'aurais certainement pas 
							permis que les Etats-Unis participent à une pareille 
							farce...
 Comme ce raisonnement nous semble étrange à l'heure 
							qui sonne !
 Personne ne s'était avisé de cela. On dirait que 
							l'Allemagne a mis un bâillon de fer sur les bouches 
							les plus éloquentes.
 Les signataires des Conventions de la Haye, - à part 
							les belligérants, - n'ont pas plus bougé que les 
							bénéficiaires. Grands ou petits peuples, neutres ou 
							pas neutres, tout le monde a paru accepter toutes 
							les violations avec le sourire. Les diplomates se 
							sont mis un boeuf sur la langue, et ont fait signe 
							qu'il convenait de ne dire mot.
 M. Roosevelt, qui a son libre parler, juge 
							convenable de signaler publiquement que le rôle des 
							peuples n'est pas d'être sourds-muets, quand une 
							nation bouleverse brutalement ce qu'ils ont décidé 
							en commun.
 On va l'accuser d'être un don Quichotte attardé. En 
							tous les cas il apparaîtra à la postérité comme un 
							homme qui n'a pas eu peur de la vérité, et l'a criée 
							lorsque tant de puissants essayaient de la taire.
 Il est évidemment désagréable, quand on peut être 
							bien tranquille chez soi, d'affronter les injures de 
							l'Allemagne et pire encore. M. Roosevelt a estimé 
							que l'honneur d'une signature donnée par toute une 
							nation vaut bien qu'on sorte d'une réserve apeurée. 
							Tant pis pour les timides, et vive le courage public 
							!
 Les Américains ne sont pas seulement des gens 
							pratiques. Les affaires terminées, ils aiment bien 
							un peu de sentiment. Ici le sentiment se joint avec 
							harmonie au sens pratique.
 M. Roosevelt croit d'une part qu'on ne peut plus 
							traiter d'affaires si les signatures ne signifient 
							plus rien, et d'autre part que les victimes ont 
							droit à une affectueuse sympathie tandis que les 
							assassins méritent un châtiment. L'égoïsme en ceci 
							comme en toutes choses est à la fois un crime contre 
							la civilisation et une détestable opération 
							commerciale.
 Violer ces conventions, dit l'ancien président des 
							Etats-Unis, violer les traités de neutralité, comme 
							l'Allemagne l'a fait pour la Belgique, constitue un 
							effroyable crime. C'est le plus grave attentat 
							international qui se puisse commettre, mais il n'est 
							pas encore aussi méprisable, il ne témoigne pas de 
							tant d'incapacité et d'indifférence égoïste que 
							l'attitude des Etats-Unis en refusant de remplir 
							leurs obligations solennelles, et en n'agissant pas 
							comme il serait nécessaire de le faire pour nous 
							épargner la honte qui sera la nôtres si nous 
							laissons s'accomplir sans protester un crime que 
							nous nous sommes solennellement engagés à empêcher.
 Que vont penser de cette netteté aveuglante les 
							prudents hommes d'Etat auxquels la peur de se 
							compromettre clôt la bouche ? Que M. Roosevelt est 
							un enfant terrible et qu'il a eu tort de dire ce 
							qu'il faut cacher ?
 Oui bien. Mais les peuples songeront que pour le 
							bien de l'humanité, pour la paix internationale, il 
							est excellent qu'au-dessus des craintes mesquines et 
							des silences épouvantés s'élève une voix claire, et 
							même claironnante, qui évoque la vérité, affirme le 
							droit, proclame le respect des traités.
 Et ce seront les peuples qui auront raison contre 
							ceux qui les gouvernent, - mal.
 RENÉ MERCIER.
 EN SAVOIELes Réfugiés de la Woëvre
 EVIAN-LES-BAINS, 4 février. - Une colonie d'internés 
							attend à Evian-les-Bains que l'on statue sur son 
							sort. Peu d'hommes. Le maire de Mouaville et 
							quelques paisibles cultivateurs de la Woëvre vivent 
							ici au milieu de familles, dont les chefs se battent 
							pour la plupart sur le front.Les vétérans, ceux qui «  avaient vu l'Année terrible 
							» refusèrent de quitter leur foyer. Bah ! ils 
							savaient bien ce que s'était que la guerre., ils 
							avaient logé des Prussiens. On n'avait pas trop 
							souffert. On avait même eu parfois la chance de 
							tomber sur des officiers qui se montraient assez 
							convenables, qui parlaient poliment, qui payaient 
							comptant leurs provisions.
 Après tout, à la condition, parbleu ! de s'incliner 
							sans inutile révolte devant la loi du plus fort, on 
							ne sentirait pas trop le poids de la botte allemande 
							:
 - Que d'autres s'en aillent.... A leur guise... Nous 
							resterons... Advienne que pourra... Mais nous sommes 
							persuadés qu'il n'adviendra rien de mauvais. »
 Ils restèrent, les vétérans aux barbes de neige, 
							appuyant sur une canne leurs corps chargés d'hivers. 
							Ils restèrent. Leur exemple fut suivi. Les ménagères 
							prirent leur parti de l'odieux voisinage que la 
							guerre imposait - et c'est maintenant avec des 
							larmes, avec un tremblement dans la voix, qu'elles 
							racontent leur misère, en cachant dans leur fichu un 
							mioche à la mamelle.
 
 Les Boches chez nous
 L'une d'elles. Mme Henri Aubriot, a quitté 
							Remenauville, le 9 janvier seulement, avec une 
							quarantaine de femmes dont le souffle glacial de 
							l'exil a dispersé le troupeau entre Landau et 
							Rastadt, sur les routes de l'étranger.
 Une cinquantaine d'entre elles ont assisté. cet 
							après-midi, à une réunion où elles exprimèrent leurs 
							voeux, après un pénible récit de leurs tortures, de 
							leur supplice ; les étapes de leur voyage sont les 
							stations d'un long calvaire.
 - On gênait les Boches, n'est-ce pas, déclare Mme 
							Aubriot. Ils occupaient les bois du côté d'Euvezin; 
							mais ils craignaient une agression, une surprise, 
							avouant tout haut que si les «  Franzoses » 
							risquaient un coup d'audace, Mort-Mare serait 
							bientôt pris, avouant qu'à Chambley une bombe 
							d'aviateur français avait tué un lieutenant dans sa 
							chambre, sans blesser un seul des cinquante Bavarois 
							en train de jouer aux cartes dans la maison 
							voisine... »
 La population savait aussi quels ravitaillements 
							considérables approvisionnaient un camp à Villers, 
							qu'un lazaret fonctionnait dans le château de Mme 
							Collignon, qu'un hôpital démontable s'était installé 
							en deux jours à Jaulny, que des renforts arrivaient 
							de Metz, que la cavalerie allemande se massait en 
							vue d'importantes reconnaissances, que la ferme de 
							Tautecourt regorgeait, d'obus :
 - Bref, il fallait se débarrasser de nous, conclut 
							Mme Aubriot. Le 11 janvier, un ordre a réuni, dans 
							l'église tous les habitants. Le commandant d'étape a 
							prononcé un petit discours ; il a regretté, avec des 
							paroles attendries, qu'on s'éloigne du pays : «  Si 
							vous demeurez en Allemagne, mesdames, vous y serez 
							bien traitées ; si vous allez en France, répétez à 
							vos parents que nous sommes contraints de vous faire 
							la guerre à cause de l'Angleterre. C'est 
							l'Angleterre, mes chères émigrées (sic), qui a voulu 
							la guerre et qui porte la responsabilité de vos 
							misères. »
 
 Il faut payer
 Quinze jours avant le départ de la population, on 
							exerça sur elle une ultime pression pour vider les 
							bas de laine.
 Le maire de Boncourt, resté dans sa commune, fit 
							lui-même auprès de ses administrés plusieurs 
							démarches pour exhorter leur générosité; le garde 
							champêtre, plus formel, n'admettait point de «  
							rouspétance »
 Les localités de la région furent méthodiquement 
							pillées. Le château de Mme Collignon, quoiqu'il 
							abritât de nombreux blessés et une partie de 
							l'état-major, fut l'objet d'un cambriolage en règle. 
							Meubles et tapis furent transportés dans les 
							tranchées, avec les lits çà et là enlevés dans les 
							maisons de Jaulny.
 Une réfugiée que j'interroge, Mme Bruneseaux, a la 
							lettre d'une gretchen, douée d'un sens éminemment 
							pratique. Elle écrivait à son digne époux : «  
							Comment se fait-il que ma voisine ait reçu de France 
							une machine à coudre et que tu ne m'aies rien envoyé 
							? Il parait que les Français couchent dans de bons 
							lits; tâche donc de m'en procurer un... »
 
 A Landau
 L'exode vers Landau s'effectua sans incident.
 Le mot «  wachs » se répétait sur tous les wagons et, 
							dans leur ignorance du terme employé à l'égard des 
							Alsaciens-Lorrains, les voyageurs présumèrent qu'on 
							les comparait aux tendres mammifères de leurs 
							étables.
 Des enfants leur montraient le poing aux portières; 
							d'autres brandissaient des couteaux et criaient à 
							pleins poumons : «  Capout ! les Franzoses ! »
 Avec un courage admirable, les femmes répliquaient 
							sur un ton d'ironie et félicitaient les Boches de 
							leurs superbes victoires : - «  Ah ! oui, vous avez 
							pris Verdun... Vous avez capturé aussi nos enfants 
							dans leur berceau, des infirmes qui se traînent sur 
							des béquilles et même un aveugle. Le kaiser doit 
							être fier et content de ses troupes. »
 Quand les Boches s'avisaient de vanter les charmes 
							d'une vie abondante et facile, on leur répondait :
 - «  Oh ! vous ne manquerez de rien chez nous... 
							surtout si vous avez l'habitude de manger l'écorce 
							des arbres... »
 Les arrêts dans les principales gares fournissaient 
							aux Boches un motif de boniment pour célébrer, comme 
							les guides Cook, la splendeur des monuments, les 
							curiosités des musées, l'alignement des rues, 
							l'opulence et l'éclat des magasins :
 - «  Oh ! vous savez parfaitement arranger une ville 
							d'après votre goût et votre civilisation, 
							approuvaient les voyageuses... Reims est un modèle 
							du genre. »
 Parfois de belles dames, des bourgeoises en 
							somptueux falbalas, s'approchaient du train et, avec 
							des minauderies, en arrondissant la bouche en coeur 
							de poule, elles offraient des gâteaux, des 
							friandises, comme si elles recevaient dans leur 
							salon.
 Les lazzis, les quolibets jaillissaient alors en 
							interminables fusées.
 Mais vers Schaffouse, les lampes furent éteintes et 
							les bouillottes ôtées. Il fallut vivre dans les 
							ténèbres et le froid des wagons.
 - Ici, nous avons retrouvé enfin la France, le 
							paradis. soupirent les internées dont plus d'une 
							essuie discrètement une larme avec le coin de son 
							tablier.
 ACHILLE LIEGEOIS.
 L'OCCUPATION A THIAUCOURT Un de nos confrères a pu voir une personne qui a 
							quitté Thiaucourt le 8 novembre dernier et qui fut 
							internée à Landau avant de rentrer en France par la 
							Suisse.A cette date, les Allemands n'avaient fusillé ni 
							molesté aucun habitant. Ils s'étaient contentés de 
							réquisitionner les vivres et de piller dans les 
							caves le crû renommé, sans oublier, bien entendu, de 
							se procurer dans les appartements quantité «  de 
							petits souvenirs ».
 Dans toutes les maisons logent des soldats 
							prussiens, nourrissant en quelque sorte les 
							habitants, car toutes les provisions sont épuisées. 
							A plusieurs reprises, le maire et des notables ont 
							été emmenés puis ramenés par les Boches.
 Un assez grand nombre de maisons ont été atteintes 
							par notre artillerie. Mais, jusqu'au 8 novembre, on 
							ne signalait aucune victime dans la population 
							civile. Il n'en a pas été de même pour les 
							envahisseurs. Un jour, notamment, un obus a tué 5 
							enfants de la vieille Germanie.
 Des habitants de Thiaucourt auraient été envoyés en 
							assez grand nombre en Bavière, à plusieurs reprises. 
							Peut-être se trouvent-ils parmi les 5.000 rapatriés 
							qui doivent arriver, ou sont arrivés, par la Suisse, 
							à Annemasse, en Savoie.
 AU PAYS DE BRIEYA AUBOUE
 Du «  Bulletin de Meurthe-et-Moselle » :Un jeune homme d'Homécourt, qui voyageait en 
							permanence dans les cantons de Briey et Conflans et 
							a quitté le pays le 8 décembre, nous fait les 
							déclarations suivantes :
 On entretient les feux dans les usines d'Auboué et 
							d'Homécourt, et les stocks de minerai et fonte sont 
							intacts.
 Tout au début de la guerre, lorsque les Allemands 
							ont envahi le pays, ils ont pillé les magasins, 
							entre autres : les épiceries Perrin, notamment, 
							Galeries du Progrès, Manufactures Lorraines, 
							Fabriques Belges, Bazar Maclot, les cafés ; ces 
							derniers ont été fermés au bout de quelques jours, 
							car les soldats consommaient sans payer.
 Pendant un certain temps, quatre cents soldats 
							environ ont logé à Auboué, un peu partout, au moment 
							où ils étaient occupés à faire des tranchées.
 De temps en temps, il en revient, mais qui ne font 
							que passer. Le jour du départ de notre correspondant 
							il y avait six ou huit hussards logés maison Breton, 
							une douzaine de fantassins dans le village, 
							vingt-cinq à trente hommes à la gare d'Auboué, deux 
							chefs de police, quelques officiers et des gendarmes 
							installés chez Besson. Dans quelques grosses maisons 
							de maître, les Allemands ont réquisitionné les 
							bouteilles de vin fin, ainsi que les liqueurs ; de 
							même chez Guerbert et chez Besson.
 Certains cafés sont ouverts ; ils s'approvisionnent 
							vers Metz.
 Les épiciers Ludvig Heier ne vendent que des 
							produits allemands.
 Les moulins Beaucard, d'Auboué ; Loigillon, de la 
							Caubre ; Beaucard, de Hatrize, n'ont pas été 
							totalement dépouillés de leur farine et les 
							boulangers ont du pain.
 La viande, jusqu'à ces derniers temps, a été fournie 
							par un boucher de Joeuf et un autre d'Homécourt, qui 
							ont encore trouvé quelques bêtes à acheter dans le 
							pays. Celui d'Homécourt, le 8 décembre, avait des 
							bêtes pour cinq à six semaines à l'écurie. Il reste 
							quelques chevaux et quelques vaches à lait dans le 
							pays.
 A Auboué, personne n'a été emmené comme otage. A 
							Briey, Moutiers, Auboué, Homécourt et Joeuf les 
							Allemands n'ont pas encore enlevé les hommes 
							susceptibles d'être armés (de 18 à 50 ans). 
							Au-dessus de Briey, ils ont enlevé tout le monde.
 A Auboué, les gens ont le droit d'avoir de la 
							lumière jusqu'à huit heures ; à Homécourt, jusqu'à 
							sept heures seulement. C'est Sainte-Marie qui 
							fournit la lumière électrique à Auboué, moyennant un 
							arrangement que n'a pas accepté Homécourt.
 Les Allemands ont raccordé la gare d'Homécourt avec 
							la maison de Wendel et Moyeuvre, mais ils se servent 
							rarement de ce chemin de fer (deux ou trois fois 
							depuis le début).
 Les Allemands n'auraient pas commis de violences sur 
							des personnes d'Auboué.
 La circulation est assez libre et quand des 
							laissez-passer sont exigés, on les obtient assez 
							facilement, ceci s'entend pour rayonner autour 
							d'Auboué.
 Les soldats allemands occupant Auboué seraient en 
							partie des soldats âgés et ne seraient pas méchants 
							vis-à-vis des habitants.
 M. Bastien, maire de Joeuf, a été emmené plusieurs 
							fois à Moyeuvre et relâché aussitôt.
 NOS RÉFUGIÉS EN SAVOIECINQ MILLE LORRAINS
 sortent des
 CAMPS DE CONCENTRATION
 Les premiers convois
 L'opinion en Suisse
 ANNEMASSE, 5 février. - Oh ! le lamentable, le 
							sinistre cortège. Des vieillards cassés par l'âge, 
							émaciés par les privations, minés par la maladie, 
							des femmes à peine vêtues, des enfants frileusement 
							emmitouflés dans un mauvais châle, des gosses de 
							tout âge qu'on traîne, visages blêmes, ayant dans 
							leurs yeux le mystérieux étonnement des êtres voués 
							aux trop précoces souffrances, c'est un morne défilé 
							de misère, de deuil et de désespoir qui, lentement, 
							sous les arbres blancs de givre, se répand à travers 
							les rues d'Annemasse.La compagnie genevoise des tramways met 
							gracieusement ses voitures et son personnel à la 
							disposition des commissions de rapatriement ; la 
							municipalité d'Annemasse déploie un zèle infatigable 
							; le sous-préfet de Saint-Julien. accueille avec un 
							généreux empressement. Des malheureux dont le flot 
							grossit sans cesse ; M. Perrier. commissaire spécial 
							à la gare, et ses collègues de la sûreté générale 
							s'acquittent de leur tâche délicate et lourde à la 
							satisfaction de tous.
 De son côté, M. Magre tuent à prouver qu'en ces 
							circonstances il est plutôt un représentant des 
							intérêts de l'Est que l'administrateur d'un 
							arrondissement frontière.
 
 La journée a été bien remplie.
 On avait annoncé l'arrivée de 5.000 Lorrains, à 
							raison. de 500 par jour, en plusieurs convois 
							Amenant de Shaffouse les victimes de l'invasion, 
							parquées depuis le mois d'octobre dans les camps de 
							concentration dé la Bavière et au grand-duché de 
							Bade.
 Comme il fallait «  faire de la place », on décida 
							l'évacuation d'un certain nombre de réfugiés sur les 
							principales villes du Midi : les uns partirent hier 
							pour Nice ; les autres s'en allèrent aujourd'hui 
							dans la direction de Grenoble...
 Enfin, avis était donné à la ville d'Evian-les-Bains 
							qu'elle recevrait par train spécial un premier 
							convoi de 500 personnes.
 Les malades, qui représentent heureusement, 
							hâtons-nous de le dire, une très faible portion du 
							contingent, demeureront à Annemasse et à Thonon en 
							traitement jusqu'à complète guérison.
 Trois services de tramways entre Genève et Annemasse 
							se sont succédé pendant la matinée.
 Les pauvres gens, dont le pied foule le sol de la 
							Patrie après tant d'angoisses, appartiennent pour la 
							plupart aux communes de Saulx-en-Woëvre, 
							Hannonville, Maizeirais, Mouilly, Herbeuville, 
							Combres, etc..., dans la région de Fresnes.
 Ils séjourneront ici fort peu de temps ; ils seront 
							incessamment, évacués dès que l'état de leur santé 
							permettra de nouveaux voyages à cette tribu errante, 
							chez qui la notion du temps s'est effacée et qui n'a 
							pas même retenu le nom des pays où s'abritèrent 
							momentanément leur lassitude et leur chagrin.
 Tous ont quitté la Meuse vers fin septembre. Les 
							hommes avaient été jetés dans les prisons de Metz. 
							On est presque sans nouvelles de la plupart d'entre 
							eux. Les femmes, les vieillards, les enfants ont 
							suivi les roules lugubres de l'exil ; ils ont échoué 
							dans le camp d'Amberg avant de goûter une 
							tranquillité relative à Rastadt.
 Oh ! les douloureux récits qu'ils nous ont faits, 
							les sanglots qui leur serraient la gorge, le torrent 
							brûlant de larmes qui ruisselaient sur la maigreur 
							des joues, l'accablement qui brisait leurs corps 
							épuisés, leur poitrine creusée par les quintes de 
							toux...
 Une joie, un réconfort les attendaient au delà de 
							Shaffouse, quand, la frontière franchie, un cri de «  
							Vive la France ! » salua le cortège.
 
 En traversant la Suisse, les réfugiés ont a autre 
							chose à faire que de lire les journaux. On peut le 
							regretter. Ils auraient vu que, si une cordiale 
							hospitalité leur prodiguait, au passage mille petits 
							cadeaux et mille attentions délicates, la presse 
							traduit bien, de son coté, les sentiments dont les 
							manifestations se renouvellent à chaque convoi.
 La «  Tribune de Genève » conseille aux commerçants 
							allemands une prudente abstention dans leur 
							propagande en faveur des Boches ; elle leur signale 
							les inconvénients du boycottage qui les frapperait 
							d'à mères représailles ; elle dénonce et flétrit, 
							les mensonges de l'agence Wolff.
 Le «  Journal de Genève » raille avec finesse les 
							communiqués d'outre-Rhin ayant la prétention de 
							démentir Les informations de source française en ces 
							termes :
 «  Pour juger les erreurs ou les exagérations de 
							l'état-major français, on n'a qu'à les confronter 
							avec les nôtres... »
 Evidemment !
 La «  Suisse » publie des «  échos » sans indulgence 
							pour la nation qui viole les neutralités et massacre 
							avec ses zeppelins des populations inoffensives.
 C'est par les mêmes gazettes qu'on apprend une foule 
							de nouvelles telles que des débarquements de troupes 
							et leur répartition ; c'est par elles que nous 
							suivons attentivement les critiques délivrées de 
							toute censure, que nous possédons les extraits du «  
							Times » jugés ailleurs dangereux pour la défense 
							nationale, que nous puisons dans l'appréciation 
							quotidienne des événements une confiance plus haute, 
							un espoir plus inébranlable dans le triomphe de 
							notre cause.
 
 ...Et, chaque jour, cinq cents réfugiés débarqueront 
							ainsi à Annemasse.
 On croit que la population de Longwy, de Briey et de 
							Conflans, ainsi que la région vosgienne, seront 
							représentées dans les prochains convois.
 Je vous enverrai tous les renseignements 
							susceptibles d'éclairer les lecteurs de l' «  Est 
							Républicain » sur le sort de leurs parents, de leurs 
							amis, des êtres qu'ils chérissaient et dont ils 
							furent si cruellement séparés pendant six longs 
							mois.
 Parmi les récits qui méritent d'être publiés, on 
							peut noter ceux des Meusiens qui assistèrent aux 
							inutiles et terribles attaques des Boches contre 
							Verdun.
 Il y a là un émouvant chapitre de l'histoire 
							lorraine.
 Achille LIEGEOIS.
 LES RÉFUGIÉS LORRAINS DANS LA HAUTE-SAVOIE ANNEMASSE, 6 février. - Voici la liste des communes 
							qui ont fourni un contingent d'internés aux premiers 
							convois venus des camps de concentration allemands :
							Vendredi, 5 février : Pareid, Champion, Herbeuville, 
							Marchéville, Billy-sous-les-Côtes, Saint-Remy, 
							Fresnes-en-Woëvre, Woinville, Saint-Hilaire, 
							Maizeray, Combres, Saulx-en-Woëvre et Fresnes.
 Toutes ces localités appartiennent au département de 
							la Meuse. Ils venaient d'Amberg et Rastadt.
 Quelques habitants de Colroy-la-Grande, dans les 
							Vosges, se trouvaient parmi les Meusiens. Ils 
							venaient de Bischwiller (Alsace)
 Tous, sauf les malades mis en traitement à l'hôpital 
							de Thonon, ont été dirigés sur Evian-les-Bains.
 Samedi, 6 février : Hussigny, Termes (Ardennes), 
							Billy-les-Mangiennes, Romagne-sous-les-Côtes, 
							Parfondrupt, Ornes, Senon, Combres, Etain, 
							Chaumont-sur-Aire, Arlon. (Belgique), Loison, 
							Watronville, etc.
 La plupart des internés ont été dirigés sur Alais 
							(Gard) et une cinquantaine d'entre eux seulement 
							seront logés dans la région savoisienne.
 A noter parmi eux, la présence d'un cultivateur 
							meusien M. Jean-Baptiste Charron, âgé de 92 ans, le 
							doyen, très probablement, des réfugiés.
 Enfin, plusieurs Alsaciens-Lorrains, expulsés de 
							Colmar, arrivaient en droite ligne des camps 
							d'internement de Zwickau, Rastadt et Amberg.
 M. Jean Schroeder, interprète auprès du commissariat 
							spécial d'Annemasse, se met fort obligeamment à la 
							disposition des intéressés pour leur fournir les 
							renseignements qu'ils désirent.
 De même, pour la région de la Woëvre, on peut écrire 
							ici à M. le curé des Eparges, presbytère 
							d'Annemasse.
 Nouveau convoi  ANEMASSSE. 7 février. - Le troisième convoi de la 
							même importance que les précédents, comprenait 456 
							internés, parmi lesquels une dizaine de personnes 
							émigrées en septembre dans le grand-duché de 
							Luxembourg.La plupart d'entre eux provenaient du camp de 
							Zwickau, d'autres de Bayreuth et quelques-uns 
							seulement d'Ambert.
 La situation, au camp de Zwickau, était navrante. 
							Sur 1.500 réfugiés, la mortalité a sévi sur les 
							vieillards et les enfants dans l'effrayante 
							proportion de 25 %.
 Tous ces malheureux sont originaires des villages 
							suivants : Loison, Termes, Xivrey, Damvillers. 
							Azannes, Richecourt, Romagnes-sous-les-Côtes, 
							Maucourt, Montsec, Amel, Buzy, Chaumont-devant-Dam 
							villers, Flabas, Etain, Gremilly, Rouvres, 
							Billy-les-Mangiennes, Haudainville, etc., pour le 
							département de la Meuse.
 Pannes, Saint-Baussant, Pienne, 
							Gouruincourt-Longïvv, Longuyon, pour le département 
							de Meurthe-et-Moselle.
 Les Ardennes étaient représentée par les communes 
							d'Autry, Mohon et Mourron.
 Parmi les nombreuses familles, .citons une mère 
							venue à Annemasse avec ses neuf enfants, dont le 
							mari est sur le front: c'est la famille Laimes, de 
							Romagnes-sous-les-Côtes.
 A 17 heures, un train spécial, organisé par les 
							soins de la commission du réseau P.L.M., à Chambéry, 
							est parti pour Valence (Drôme), ou les réfugiés 
							lorrains de ce troisième convoi attendront la fin de 
							la guerre. - A. L.
 NOS MINES ET CANONS TRAVAILLENT BIENPlusieurs attaques repoussées
 Paris, 8 février, 15 h. 10.De la mer à l'Oise, duel d'artillerie assez violent 
							dans la région de Cuinchy (ouest de La Bassée).
 Au sud-ouest de Carency, nous avons réussi un coup 
							de main sur une tranchée allemande, qui a été 
							bouleversée par une mine et dont des défenseurs ont 
							été tués ou pris.
 Sur le front de l'Aisne et en Champagne, 
							bombardement intermittent. L'efficacité du tir de 
							notre artillerie a été constatée sur plusieurs 
							points. A l'ouest de la cote 191, au nord de 
							Massiges, nos batteries ont enrayé une tentative 
							d'attaque.
 En Argonne, une attaque ennemie vers Fontaine-Madame 
							a été repoussée.
 A Bagatelle, une violente action d'infanterie a été 
							engagée, dès le matin, par les Allemands. Aux 
							derniers renseignements, toutes nos positions 
							étaient maintenues.
 Sur le reste du front, rien à signaler.
 Leurs succès inventés Une note officielle dément d'une façon formelle la 
							nouvelle contenue dans le communiqué allemand du 7 
							février, suivant laquelle les Allemands se seraient 
							emparés d'une de nos tranchées, au sud-est d'Ypres. DEUX CHAUDES AFFAIRESLeur fureur n'aboutit
							qu'à un sanglant échec
 Paris, 9 février, 0 h. 40.Voici le communiqué officiel du 8 février, 23 
							heures:
 Dans la nuit du 6 au 7 février, l'ennemi avait fait 
							exploser trois fourneaux de mine à La Boisselle, 
							devant les maisons du village que nous occupons. 
							Deux compagnies et demie avaient été lancées à 
							l'assaut de nos positions, mais elles n'avaient pas 
							pu dépasser les entonnoirs formés par l'explosion.
 Au cours de l'après-midi du 7 février, une 
							contre-attaque exécutée par une de nos compagnies a 
							chassé l'ennemi des entonnoirs, que nous avons 
							organisés aussitôt.
 Les Allemands ont baissé deux cents morts sur le 
							terrain.
 Dans la nuit du 7 au 8 février, au nord de 
							Mesnil-les-Hurlus, nous nous sommes emparés d'un 
							bois où l'ennemi était solidement établi.
 En Argonne, l'action d'infanterie engagée à 
							Bagatelle s'est produite toute la nuit du 7 au 8 
							février.
 Les Allemands, après avoir réussi à progresser, 
							n'occupaient plus, à l'aube du 8 février, que 
							quelques rares éléments de notre ligne la plus 
							avancée, autour desquels la lutte a continué dans la 
							journée.
 COMMUNE ÉVACUÉE Les derniers habitants de Manoncourt, qui avaient 
							tenu à rester dans leurs maisons, ont quitté lundi 8 
							février la commune, en emmenant sur leurs chariots 
							ce qu'ils ont pu de mobilier et de récoltes.Les habitants sont arrivés, dans l'après-midi, à 
							Nancy, où ils ont été hospitalisés.
 Le maire et son adjoint restent seuls parmi les 
							militaires qui cantonnent dans la commune.
 DANS LA MEUSEAUX PAYS OCCUPÉS
 Extraits du «  Bulletin meusien » : Dieppe, qui 
							n'avait encore rien reçu, a été bombardé cette 
							semaine. L'église est à moitié démolie. Restent donc 
							indemnes, le long des Côtes-sous-Verdun : 
							Watronville, Châtillon, Eix, Damloup, Vaux et 
							Ronvaux.Mouilly est presque complètement détruit. Rupt a peu 
							souffert.
 - Jonville serait un centre de ravitaillement 
							allemand ; à ce titre, il serait ménagé.
 - Harville, terminus de la petite ligne allemande 
							qui vient de Conflans, paraît être dans le même cas.
 LES NEUTRES MENACÉS S'ÉVEILLENT Nancy, 9 février.Il faut que les Allemands soient bien durement 
							éprouvés par le blocus maritime pour qu'ils aient 
							décidé de torpiller indifféremment et sans avis tout 
							navire, ennemi ou neutre, de commerce ou de guerre, 
							qui se hasarderait dans les eaux de l'Angleterre et 
							de l'Irlande, la Manche comprise.
 C'est un bluff certes puisque la marine allemande 
							est incapable de bloquer les îles anglaises, et 
							c'est une folie qui va réveiller les puissances 
							neutres, lesquelles fermaient les yeux tant qu'elles 
							pouvaient.
 La violation de la Belgique, les atrocités commises 
							dans les pays envahis, le mépris hautain des armées 
							germaines pour toute convention internationale, pour 
							toute loi humaine, cela n'avait pas suffi à faire 
							comprendre qu'un peuple féroce se ruait sur 
							l'univers entier. Les puissances qui ne combattaient 
							pas nous accordaient bien quelque sympathie, mais 
							une sympathie lointaine et détachée. Certains même 
							trouvaient mauvais que nous résistions si 
							énergiquement puisque cette résistance les gênait 
							dans leurs affaires.
 Et par la folie furieuse de l'Allemagne voici que ce 
							bel assoupissement se change en colère. Demain ce 
							n'est pas le voisin seul qui supportera le poids de 
							la barbarie allemande. C'est tout le monde.
 La presse germanique ne mâche pas les mots 
							d'ailleurs :
 Que nous importent, écrit le «  Lokal-Anzeiger », que 
							nous importent les criailleries des neutres et 
							l'indignation de nos ennemis.
 «  Nous autres Allemands, nous avons à tirer de cette 
							guerre une grande leçon, celle de ne pas manifester 
							de délicatesse et de ne pas écouter ce que les 
							neutres peuvent dire. »
 L'indignation de leurs ennemis? Ah ! non, leurs 
							ennemis n'ont plus d'indignation à dépenser pour 
							eux. Nous l'avons toute dépensée avec un verbalisme 
							épuisant au commencement de la guerre.
 Mais les neutres ne feront pas entendre assurément 
							que des criailleries. Quand ils auront été traités 
							sur mer comme ont été traités les Belges sur terre, 
							ils ne se contenteront pas de criailler. Ils feront 
							comme les Belges. Ils se défendront.
 Les Américains ont commencé à protester.
 Le New-York Herald écrit :
 Le droit de visite est accordé par les lois 
							internationales ; mais l'acte qui consiste à couler 
							des navires ennemis ou neutres sans s'inquiéter de 
							mettre en sécurité les équipages mérite la 
							qualification de crime de grand chemin.
 Et le New-York Herald dit
 Dès que les Allemands commenceront à couler des 
							paquebots américains, notre neutralité sera modifiée 
							et nous appliquerons une vieille règle. La nouvelle 
							neutralité placera la nation qui commet des actes de 
							pirates dans la catégorie des pirates, et la vieille 
							règle traite comme des pirates ceux qui assassinent 
							au nom de la guerre.
 En Hollande, les journaux s'indignent. A Amsterdam, 
							le conseil des ministres se réunit ainsi que les 
							compagnies maritimes hollandaises pour discuter le 
							communiqué de l'amirauté allemande.
 Dans les Etats Scandinaves, la presse proteste 
							violemment.
 En Italie la Tribuna assure que les neutres 
							n'admettront pas qu'on les frappe sous prétexte de 
							représailles contre les Anglais.
 Ainsi d'un seul coup, par une seule déclaration les 
							Allemands ont réussi à soulever contre eux toutes 
							les nations qui se reposaient dans leur sérénité, et 
							ne songeaient point à prendre les armes.
 Ce n'est pas encore la fin. Mais lorsqu'un 
							sous-marin allemand aura envoyé au fond de l'eau des 
							navires américains, italiens, espagnols, danois, 
							suédois, ou norvégiens, et noyé les équipages et les 
							passagers, je ne vois pas comment les neutres feront 
							pour garder leur neutralité.
 Cette décision de l'Amirauté allemande nous promet 
							des jours mouvementés, si jamais elle est exécutée.
 Pour l'Angleterre, elle a répondu comme il convient 
							à la menace. Elle a porté à trois millions d'hommes 
							l'effectif de son armée.
 Attendons maintenant le premier accident.
 RENÉ MERCIER.
 LE SIÈGE DE VERDUN PAR LES ALLEMANDSLeurs officiers racontent comment ils devaient 
							envelopper la place et s'en rendre maîtres
 EVIAN-LES-BAINS. - J'ai pu m'entretenir longuement 
							avec les habitants des villages blottis au pied des 
							Hauts-de-Meuse. Ils ont hébergé les Allemands ; ils 
							ont souvent assisté aux conversations des officiers 
							boches et ceux-ci ont même fait souvent à leurs 
							hôtes une sorte de cours ayant pour but de leur 
							expliquer la «  manière de prendre Verdun ».Rien de plus simple, à la vérité. De même que, pour 
							la fabrication d'un canon de fusil il suffit de se 
							procurer un trou et de mettre du fer autour, de même 
							pour Verdun, le kronprinz n'avait qu'à garnir de 
							soldats tous les environs de la place.
 Voici comment s'exécuta le plan d'investissement en 
							août-septembre... et comment il échoua, quoique 
							l'ennemi ait cassé assez d'oeufs pour préparer son 
							omelette.
 De Briey, une marche rapide vers le nord se heurta, 
							pendant la deuxième quinzaine d'août à la résistance 
							française du côté de Spincourt et Pillon. Notre 
							repli sur Damvillers et Dun leur livra la vallée de 
							la Meuse jusqu'en avant de Stenay ; ils franchirent 
							la rivière, occupèrent Montfaucon et vinrent établir 
							de solides positions dans le bois de la Grurie.
 Ils y sont encore !
 Une autre armée s'étendait au sud, entre Etain et 
							Fresnes, où l'on signale pour la première fois sa 
							présence le 7 septembre. Le soir du même jour. 
							Frésnes-en-Woëvre brûle. Les Allemands atteignent, 
							par Combres, les Hauts-de-Meuse ; leurs batteries se 
							placent à proximité du village des Eparges et c'est 
							de là qu'elles commencent le bombardement du fort de 
							Troyon.
 Peu à peu, l'ennemi gagne du terrain. Il avance 
							insensiblement sur Saint-Remy et Mouilly, pour se 
							rapprocher enfin, le 10 septembre, de 
							Rupt-en-Woëvre, dans un bois où le fort de Génicourt 
							les accable d'une pluie d'obus.
 Bon gré, mal gré, il faut alors se retirer vers 
							Mouilly et c'est dans cette retraite que l'armée 
							allemande apprend avec tristesse l'issue lamentable 
							des opérations sur la Marne.
 Tandis qu'après son aventure dans les marais de 
							Saint-Gond, le kronprinz se voit obligé de rejoindre 
							en Argonne ses troupes du bois de la Grurie, le 
							recul sur les Hauts-de-Meuse s'accentue encore et, à 
							partir du dimanche 13 septembre, les Boches se 
							résignent à défendre avec une farouche énergie la 
							tranchée de Calonne, une route qui relie les abords 
							du fort du Rozelier et le chemin de Mouilly à 
							Saint-Remy.
 Ils y sont encore !
 On a vu, par ailleurs, la liste entière des 
							localités qui ont fourni aux convois de réfugiés un 
							nombreux élément ; cette liste indique exactement la 
							partie de la Woëvre occupée à l'heure actuelle par 
							l'invasion.
 On signale, entre Combres et les Eparges, tel 
							sentier où les tranchées allemandes et françaises 
							sont séparées seulement par la largeur de la route ; 
							les réseaux de fils de fer des adversaires se 
							confondent et, depuis deux mois, personne ne se 
							risque hors des abris sans être aussitôt abattu par 
							les coups de fusil.
 Tel était leur plan, m'indique le jeune curé des 
							Eparges. Allez ! je les connais par coeur ; ils me 
							l'ont répété presque tous les jours, tantôt en 
							déployant leurs cartes, tantôt en traçant sur le sol 
							avec la pointe de leur sabre les progrès de leurs 
							troupes. Verdun allait capituler en moins d'une 
							semaine. Voilà cinq mois qu'ils s'épuisent en 
							stériles et coûteux efforts. »
 Maintenant qu'un échec a déçu leurs prévisions, les 
							officiers ont changé d'attitude et de langage ; ils 
							affectent une sorte de mépris, ils font la moue en 
							parlant de Verdun :
 - Nous n'avons plus besoin de cette ville ; la 
							France est amie. Ce que nous voulons, c'est 
							Londres... »
 Raisins trop verts !
 ACHILLE LIÉGEOIS.
 CONTRE LES TAUBES Le maire d'Epinal donne à ses concitoyens les 
							conseils suivants pour se préserver des dirigeables 
							ennemis et des Taubes :«  Les habitants devront dès qu'un avion sera en vue 
							: Ne pas séjourner aux étages supérieurs. Fermer les 
							volets ou les persiennes pour éviter le bris des 
							carreaux ; s'abriter derrière les murs de façade ou 
							se réfugier dans les caves ; ne pas séjourner dans 
							les rues et places pour éviter de recevoir des 
							fléchettes.
 Dans le cas où des bombes seraient lancées, visiter 
							de suite les maisons atteintes pour arrêter les 
							incendies éventuels. »
 Le maire compte sur la prudence des Spinaliens pour 
							ne pas exposer inutilement leur vie.
 LE COMBAT DE BAGATELLESur les autres points, Il y a eu surtout d'heureux 
							duels d'artillerie
 Paris, 9 février, 15 heures.En Belgique, lutte d'artillerie intermittente. Ypres 
							et Furnes ont été bombardées. L'artillerie belge a 
							détruit une ferme dont les défenseurs se sont 
							enfuis.
 Le long de la route de Béthune-La Bassée, nous avons 
							réoccupé un moulin où l'ennemi avait réussi à 
							s'installer.
 Bombardement de Soissons avec des projectiles 
							incendiaires.
 Sur tout le front de l'Aisne et en Champagne, notre 
							artillerie a efficacement contre-battu les batteries 
							allemandes.
 En Argonne, la lutte engagée autour de Bagatelle 
							s'est déroulée dans une des parties les plus denses 
							de la forêt et a pris, de ce fait, un caractère 
							assez confus. Le front a été maintenu dans son 
							ensemble de part et d'autre. Les effectifs engagés 
							le 7 février n'ont pas dépassé trois ou quatre 
							bataillons de chaque côté. Au cours de la journée 
							d'hier, un de nos bataillons seulement a combattu.
 En Lorraine et dans les Vosges, actions 
							d'artillerie.
 
 Paris, 10 février, 0 h. 55.
 Le communiqué officiel du 9 février, 23 heures, dit 
							:
 Aucun événement important n'a été signalé.
 Dans l'après-midi du 8 février nous avons fait 
							sauter, devant Fay, au nord-ouest de Péronne, une 
							galerie de mine où des soldats ennemis 
							travaillaient.
 Entrez dans la danse Il n'est pas bon de s'exciter, comme dit un confrère 
							américain, à propos de la décision de l'Amirauté 
							allemande. Il n'est pas mauvais cependant d'en 
							étudier les effets par le monde, et d'en prévoir les 
							conséquences.Les effets on en connaît quelques-uns. Dès que le 
							gouvernement allemand a fait connaître aux 
							puissances que ses sous-marins torpilleraient sans 
							avis tout navire qui se hasarderait dans la Manche 
							ou dans les eaux qui entourent l'Angleterre et 
							l'Irlande, tous les pays ont protesté avec énergie. 
							Le monde entier s'est indigné.
 La presse germanique a haussé le ton, et maintenu 
							âprement la menace de sa marine.
 Le Lokal Anzeiger a déclaré que peu importaient les 
							criailleries des neutres, et tous ses confrères ont 
							fait chorus.
 Et il est arrivé aux neutres ce qui est advenu à la 
							France. Ils avaient jusqu'ici dit «  Amen » à toutes 
							les prétentions germaniques. Cette fois-ci ils ne 
							peuvent plus accepter. Ils se révoltent.
 Mais les Allemands ne sont pas entêtés quand on 
							parle aussi fort qu'eux. Du jour au lendemain, sans 
							toutefois renoncer à la manière forte, ils ont 
							cherché des explications à leurs menaces. Ils ont 
							trouvé comme d'habitude les plus inattendues. On 
							dirait vraiment que lorsqu'ils ne travaillent pas 
							dans l'horrible, ils s'efforcent dans le grotesque.
 Ils déclarent aujourd'hui que s'ils torpillent les 
							navires neutres en même temps que les vaisseaux des 
							belligérants, s'ils désirent envoyer pêle-mêle au 
							fond de la mer combattants et non-combattants, 
							civils et militaires, femmes et enfants, passagers 
							et équipages, marchandises et matériel de guerre, 
							amis et ennemis, c'est, - on ne le croirait pas si 
							les textes n'étaient pas là, - c'est dans l'intérêt 
							bien compris des neutres.
 Oui, dans leur intérêt.
 Voici en effet comment se termine le mémoire que le 
							gouvernement allemand envoie aux puissances alliées, 
							neutres et ennemies :
 Le gouvernement allemand annonce cette mesure assez 
							à temps pour que les navires ennemis aussi bien que 
							les navires neutres aient le temps de prendre leurs 
							dispositions à cet effet pour toucher les ports 
							situés sur le théâtre de la guerre.
 On peut espérer que les Etats neutres ne tiendront 
							pas moins compte des intérêts vitaux de l'Allemagne 
							que de ceux de l'Angleterre et contribueront à tenir 
							leurs ressortissants et les propriétés de ceux-ci 
							éloignés du théâtre de la guerre. On peut l'espérer 
							d'autant plus que les Etats neutres doivent aussi 
							avoir à coeur de voir se terminer aussitôt quel 
							possible la terrible guerre actuelle.
 Ainsi, c'est par amour de ces pauvres neutres qu'on 
							va les couler à pic.
 Le chancelier de Bethman-Holveg affirme tout uniment 
							que ce sont les neutres qui ont tort.
 Nous regrettons que cette guerre lèse les intérêts 
							des neutres ; mais nous ne pouvons pas renoncer à 
							notre défense dans cette lutte commerciale sans 
							pitié que l'Angleterre a inaugurée il y a longtemps 
							au détriment des neutres qui, malheureusement, n'ont 
							pas protesté d'une manière efficace contre le fait 
							qu'un peuple de 70 millions d'âmes, avec les femmes 
							et les enfants, soit réduit à la famine.
 Savourez encore cet amour d'explication historique 
							que sert à ses lecteurs le Berliner Tagblatt. Il 
							vaut son pesant de choucroute :
 Il faut faire savoir clairement au monde entier que 
							la Grande-Bretagne, qui se vantait toujours 
							d'intervenir en faveur de la liberté des mers, 
							néglige en fait tous les intérêts étrangers en 
							violant à son profit tous les droits. L'Espagne, la 
							Hollande et la France ont tour à tour succombé dans 
							la lutte contre la prépondérance anglaise. L'empire 
							allemand ramasse aujourd'hui l'épée tombée de leurs 
							mains.
 L'empire allemand a conscience que ses mesures 
							produiront des dommages appréciables aux puissances 
							neutres, mais ces dommages sont légers en 
							comparaison de ceux que la Grande-Bretagne leur 
							cause sans raison. Mais l'empire allemand est poussé 
							par la nécessité. Dans la lutte qui lui est imposée 
							contre quatre grandes puissances, dans sa lutte pour 
							son existence comme Etat et comme peuple, il a le 
							saint devoir de risquer contre un adversaire 
							tout-puissant la dernière chance. Le prix de sa 
							lutte est la liberté des mers.
 Oui, si les Allemands noient tous les neutres qu'ils 
							rencontreront aux environs de l'Angleterre, c'est 
							dans l'intention de leur conserver la liberté des 
							mers.
 Ainsi Ugolin mangeait ses enfants pour leur garder 
							un père.
 Quant au Lokal Anzeiger, toujours lus drôle, il 
							soutient que «  l'Allemagne. en usant simplement du 
							droit de représailles, assure non seulement son 
							propre avenir, mais aussi celui des Etats neutres 
							contre la politique de violence de l'Angleterre ».
 Cette opinion n'est donc pas une opinion isolée. 
							Cette explication n'est pas une explication 
							fantaisiste inventée par un Lemice-Terrieux 
							germanique en délire. C'est l'avis du gouvernement 
							allemand, c'est l'avis de M. de Bethman-Holweg, 
							c'est l'avis de tous les journaux, qui obéissent 
							d'ailleurs passivement au mot d'ordre venu d'en 
							haut.
 Et la Gazette de Voss dit encore :
 Ce que fait l'Allemagne n'est pas seulement pour sa 
							propre défense ; c'est aussi afin de mettre à l'abri 
							les puissances neutres des procédés arbitraires dont 
							fait usage l'empire britannique.
 Elle termine ainsi :
 - La danse pourra commencer le 18 février.
 Nous verrons au 18 février ou aux jours suivants si 
							les neutres acceptent d'être torpillés et coulés, 
							sans même un avis préalable, dans leur propre 
							intérêt.
 Les Etats-Unis n'ont pas l'air de goûter très fort 
							cette conception du sauvetage des neutres par le 
							système de la noyade. Comme le guillotiné par 
							persuasion l'Amérique a de la méfiance.
 Le New-York Herald écrit même :
 Le fait de couler un navire américain pouvant être 
							assimilé à un acte de guerre mi de brigandage, il 
							semble impossible qu'un gouvernement puisse le 
							laisser passer impunément, sans être de ce fait voué 
							à l'exécration publique.
 Les Italiens-ne sont pas plus enthousiastes pour 
							cette façon de les mettre à l'abri des procédés 
							anglais.
 Les Suédois attestent que cette manière de terminer 
							la guerre leur serait extrêmement désagréable. Bref 
							tout le monde paraît bien avoir la ferme intention 
							de ne point, supporter les coups de l'Allemagne sans 
							les rendre.
 Les neutres vont adopter eux aussi cette loi de la 
							guerre, édictée par un journal de Berlin.
 - Qui ne se défend pas ne doit pas être respecté.
 RENÉ MERCIER.
 DIX JOURS DE 
							GUERRELa fête du kaiser lui a coûté un hécatombe de 20,000 
							hommes
 Paris, 10 février, 1 h. 14.Le résumé des opérations de guerre du 27 janvier au 
							6 février, dit que la dernière période de dix jours 
							a été calme.
 Les quelques actions qui l'ont marquée n'ont mis en 
							présence que des effectifs peu nombreux et ne se 
							sont développées que sur quelques fronts étroitement 
							limités sans aucune répercussion sur l'ensemble des 
							opérations.
 
 Le bouquet sanglant de fête
 Les attaques ordonnées à l'occasion de la fête de 
							l'empereur ont été remarquables par les pertes 
							considérables des Allemands, pertes évaluées à 
							20.000 hommes.
 Voici d'abord l'attaque du 28 janvier au matin, sur 
							la rive droite de l'Yser, entre Saint-Georges et la 
							mer. Quatre compagnies occupèrent les premières 
							lignes de tranchées allemandes inoccupées, et 
							culbutèrent les Allemands retranchés à 40 mètres 
							plus en avant.
 Mais des contre-attaques allemandes les obligèrent à 
							se retirer.
 Au centre et à droite, les Français, abrités d'une 
							façon rudimentaire, se maintiennent héroïquement.
 A gauche, deux sections de tirailleurs atteignirent 
							le sommet de la grande dune. L'une d'elles descendit 
							sur le revers opposé, mais elle subit de grosses 
							pertes et nous conservâmes la partie extérieure de 
							la grande dune, où nous trouvâmes 300 cadavres 
							ennemis et où nous fîmes une cinquantaine de 
							prisonniers.
 Aucune action importante d'infanterie sur te front 
							belge, mais une lutte violente d'artillerie 
							favorable aux Belges.
 
 Vers La Bassée
 Actions assez vives, les 29 et 30 janvier, à La 
							Bassée. Toutes les positions qui avaient été perdues 
							furent entièrement reconquises.
 Entée le canal de La Bassée et Arras, l'activité des 
							deux artilleries a continué, favorable pour nous.
 Quelques attaques d'infanterie peu importantes. Les 
							lignes françaises ont été toujours maintenues.
 Le 4 février, en pleine nuit, cinq fourneaux de mine 
							ont bouleversé les tranchées ennemies, au nord 
							d'Ecuries, et nous avons occupé solidement les 
							entonnoirs.
 
 Vers Soissons
 Devant Soissons, l'impuissance des Allemands 
							continue.
 L'affaire de la Creute, le 25 janvier, fut vive, 
							mais ses conséquences insignifiantes.
 Les gros projectiles allemands firent effondrer la 
							voûte d'une carrière où s'abritaient des compagnies 
							de réserve, les emmurant.
 L'ennemi profita de l'écroulement, et attaqua 
							violemment.
 Il occupe quelques tranchées sans intérêt.
 Nous perdîmes mille hommes et les Allemands quatre 
							mille.
 
 Vers Perthes
 Dans la région de Perthes, Le Mesnil, Massiges, 
							activité assez grande. Le 3 février, deux attaques 
							allemandes ont été repoussées ; la troisième a 
							occupé une partie des tranchées avancées, rendues 
							inoccupables par les mines.
 
 En Argonne
 En Argonne, vifs engagements. Les per tes de 
							l'ennemi ont été extrêmement élevées et les pertes 
							françaises assez sérieuses.
 La situation ne s'est pas encore modifiée.
 
 Nos avions
 Nos avions ont fait de nombreuses reconnaissances et 
							de nombreux bombardements. Ainsi, dans la nuit du 29 
							janvier, un avion a jeté quatre bombes sur les 
							états-majors d'Ostende. Trois officiers allemands 
							ont été tués.
 Nous avons capturé un aviatik au nord de la Meurthe 
							et en avons abattu un autre à Verdun.
 Les réfugiés lorrainsEN SAVOIE
 ANNEMASSE, 8 février. - Ce matin, M. Surugue, préfet 
							de la Haute-Savoie est venu d'Annecy en automobile, 
							sous la pluie battante, pour souhaiter la bienvenue 
							a nos compatriotes retour d'exil.Il a été reçu par M. Matraire, sous-préfet de 
							Saint-Julien, et M. le docteur Favre, maire 
							d'Annemasse ; il a complimenté M. Magre, sous-préfet 
							de Briey, pour son utile collaboration.
 Trois convois se sont succédé. Environ 150 internés 
							arrivèrent de Genève avant midi. Ils avaient été 
							enfermés dans les camps de Medgeve (Westphalie), 
							Erfurth, Zwickau (Saxe), Cassel (Hesse), Hassenberg 
							(Saxe-Cobourg) et, en dernier lieu, Rastadt.
 Aucune femme, cette fois, ne se trouvait parmi eux. 
							Presque tous sont originaires du Nord, de la Somme, 
							de l'Oise, du Pasde-Calais, de l'Aisne et des 
							Ardennes.
 Quelques Lorrains avaient été emmenés en captivité ; 
							ils habitaient Maucourt, Warcq, Haimonville, 
							Gussainville,. Etain et Varennes, dans la Meuse ; 
							d'autres habitaient Gerbéviller, Manoncourt, Pont-à-Mousson etc..., en Meurthe-et-Moselle.
 Les hôtes éphémères de la Savoie ont été dirigés 
							aujourd'hui même sur trois localités du Var : les 
							Arcs, Carnoules et Fréjus, où les effluves 
							balsamiques de l'Estérel et les souffles de la 
							Méditerranée achèveront leur convalescence physique 
							et morale.
 M. Surugue, préfet de la Haute-Savoie, a fait 
							Consigner dans les rapports de M. Perrier, 
							commissaire spécial, l'exacte et complète relation 
							des événements dont les internés furent les témoins 
							ou les victimes.
 PRISONNIERS LORRAINS A GARDELEGEN On nous communique une liste de prisonniers lorrains 
							à Gardelegen. Elle n'est évidemment pas complète, 
							mais elle peut intéresser de nombreuses familles. La 
							voici :MM. Gaston Viriot, 10, rue de l'Abbé Grégoire, Nancy 
							; Paul Léder, 10, rue Drouot, Nancy ; Colin Gérôme, 
							ruee Haute, Essey-les-Nancy ; Strauss-Lévy, 7, rue 
							des Jardiniers, Nancy ; Alfred Dufoin, 6. me du 
							Ruisseau, Nancy ; Marcel Raiser, 7, Grande-Rue, 
							Saint-Nicolas de Port ; Pol Brugnot, à Abbéville, 
							par Conflans ; Louis Noël, rue du Haut-de-Tiblit, 
							Saint-Nicolas ; Lefèvre, agent-voyer à Joeuf ; 
							Charles Noviant, Neuviller-sur-Moselle ; Cuny, 
							coiffeur, Dombasle-sur-Meurthe ; Poquet, 7, rue 
							Bastien-Lepage ; Charles Maier, à Hatrize (M.-et-M.) 
							: Emile Adam, rue de Coprez, à Joeuf ; Aster Trap, à 
							Boncourt, par Conflans ; Strubin, 22, rue Haute, 
							Saint-Dié ; Théophile Denis. 15, rue de l'Abbé 
							Grégoire, Nancy; Emile Mayeur, 93, rue du Crosne, 
							Nancy ; Henri Toret, à Chavigny (M.-et-M.) ; 
							Hoffmann, 21, rue Saint-Fiacre, Nancy ; Edouard 
							Feucht, 36, rue Kléber, Nancy ; Charles Blaise, rue 
							du Montet; Nancy.
 POSTES ALLEMANDSrefoulés vers Leintrey
 LE CONTACT DU CANON
 Paris, 10 février, 15 heures.La journée du 9 février n'a été marquée que par des 
							combats d'artillerie, assez intenses sur quelques 
							points du front, notamment sur l'Aisne et en 
							Champagne.
 Une seule action d'infanterie, peu importante est 
							signalée en Lorraine, au nord-est de Manonviller, où 
							un de nos détachements a refoulé des postes ennemis 
							du Rémanbois sur Leintrey.
 UNE SÉRIEd'heureuses Opérations
 Paris, 11 février. 0 h. 18.Voici le communiqué du 10 février, 23 heures:
 Dans la nuit du 9 au 10 février, nous avons fait 
							sauter, à La Boisselle, trois fourneaux de mines et 
							nous avons réussi à occuper les entonnoirs, malgré 
							une contre-attaque que nous avons repoussée à la 
							baïonnette.
 En Argonne, tirs d'artillerie et lancement de bombes 
							de part et d'autre, notamment dans la région de 
							Bolante et dans celle de Bagatelle.
 Les dernières nouvelles signalent une attaque très 
							violente mais infructueuse, par les Allemands, d'un 
							ouvrage à Sainte-Thérèse.
 En Lorraine, à la lisière Est de la forêt de Parroy 
							et au Nord de cette forêt, nos avant-postes ont 
							repoussé facilement une attaque des Allemands.
 L'action signalée par le communiqué de 15 heures, au 
							nord-est de Manonviller (Leintrey), s'est achevée 
							par la poursuite des Allemands par nos hussards.
 Dans les Vosges, à Fontenelle et au Ban-de-Sapt, une 
							attaque ennemie a été enrayée.
 Un Ballon et un Taube abattus A Cagny, dans l'Aisne, un de nos aviateurs a détruit 
							un ballon-signal ennemi.Un avion allemand a été abattu près de Verdun. Le 
							pilote, lieutenant von Hidelin, avait, en septembre, 
							jeté sur Paris des bombes avec des proclamations 
							invitant les Parisiens à se rendre.
 DE LA MER AUX VOSGESUne Lutte violente
 DANS L'ARGONNE
 Paris, 11 février, 15 heures.Sur tout le front jusqu'en Champagne, duels 
							d'artillerie.
 Dans la région du Nord, plusieurs sorties d'avions 
							de part et d'autre ; les projectiles lancés par les 
							aéroplanes ennemis dans nos lignes n'ont eu aucun 
							effet.
 En Champagne, une attaque allemande sur les bois 
							dont nous nous sommes récemment emparés, au nord de 
							Mesnil-les-Hurlus, a été repoussée.
 En Argonne, la lutte autour de l'ouvrage 
							Marie-Thérèse a été très violente. D'après les 
							derniers renseignements reçus, les forces allemandes 
							comprenaient environ une brigade. Nous avons 
							maintenu toutes nos positions. Les pertes de 
							l'ennemi sont considérables. Les nôtres sont 
							sérieuses.
 Dans les Vosges, brouillard épais et neige 
							abondante. C'est par une nuit très obscure qu'a été 
							engagée l'action d'infanterie signalée hier à La 
							Fontenelle, dans le Ban-de-Sapt. Les Allemands y 
							avaient engagé deux bataillons au moins. Après avoir 
							cédé du terrain, nos troupes l'ont repris presque 
							intégralement dans la journée du 10, par une série 
							de contre-attaques.
 Ils attaquent en colonnesPAR OUATRE
 L'ATTAQUE EST BRISÉE
 Paris, 12 février, 0 h. 15.Communiqué du 11 février, 23 heures :
 L'ennemi a bombardé fortement Nieuport et les rives 
							de l'Yser, mais il n'a causé que quelques dégâts 
							matériels. Notre artillerie a répondu efficacement.
 En Argonne, dans la région de Bagatelle, après une 
							lutte violente à coups de lance-bombes, qui a duré 
							tonte la matinée, une attaque allemande a été 
							dirigée, à 13 heures, contre l'ouvrage 
							Marie-Thérèse.
 Elle a été exécutée en ligne de colonnes par quatre, 
							sur 500 mètres de front et a été brisée par le feu 
							de notre artillerie et de notre infanterie.
 L'ennemi a laissé un très grand nombre de morts sur 
							le terrain.
 Dans les Vosges, au sud du château de Lusse, au nord 
							du col de Sainte-Marie, nous avons occupé, par un 
							coup de main, une tranchée-ennemie.
 Très vive lutte d'artillerie sur plusieurs parties 
							du front.
 Une PRIME AU TRAVAIL Nancy, 11 février.Quelques personnes ont exprimé des craintes, d'abord 
							timides, puis plus hardies, sur la façon dont sont 
							distribuées les allocations aux réfugiés. Elles 
							estiment que l'allocation telle qu'on la sert est 
							une prime à l'oisiveté.
 Elles ne demandent pas d'ailleurs la suppression ni 
							même la réduction des secours, malheureusement trop 
							justifiés. Elles vont même plus. loin. Elles 
							réclament le maintien de ces secours aux réfugiés 
							qui ont trouvé du travail, et collaborent à la vie 
							nationale.
 C'est, je crois, dans cette méthode que l'on 
							trouvera le remède des maux dont certains se 
							plaignent.
 De fait la perte des biens, l'exil, la conscience de 
							ne plus être chez soi, le souvenir des horreurs 
							devant lesquelles on a dû fuir, la difficulté de 
							trouver de l'ouvrage ont évidemment détendu chez le 
							réfugié le ressort, principal qui nous fait agir et 
							nous incite à la besogne vaillamment accomplie.
 Le réfugié est donc mille fois excusable si, dans la 
							ville ou le village qu'il ne connaît pas, parmi des 
							citoyens dont les occupations sont étrangères à son 
							activité habituelle, sans ressources, sans 
							relations. sous un abri commun à tant de gens, il se 
							laisse aller non pas au désespoir, mais à une 
							nonchalance qui assoupit peu à peu son initiative.
 Le réfugié est encore plus rebuté lorsqu'il apprend 
							que son allocation lui sera supprimée le jour où il 
							aura trouvé du travail.
 D'autant que l'atelier ne lui offrira pas la 
							certitude du lendemain, tandis que l'allocation lui 
							assure l'existence jusqu'à la fin de la guerre. 
							Changer une certitude même médiocre pour une 
							incertitude ne lui paraît pas une bonne affaire. Et 
							il va mélancoliquement toucher ses vingt-cinq sous. 
							Il attend de meilleurs jours.
 Il est possible que l'incompatibilité du salaire et 
							de l'allocation ne soit pas une règle absolue. Je ne 
							sais pas si elle a été ainsi décidée.
 Ce que je. sais, et tous les intéressés le savent 
							aussi, c'est qu'on a refusé l'allocation à des 
							réfugiés parce qu'ils travaillaient, et qu'on l'a 
							supprimée à d'autres parce qu'ils avaient trouvé du 
							travail.
 Je me permets de déclarer que cette conception est 
							infiniment regrettable, et qu'elle va contre 
							l'intérêt des réfugiés, contre l'intérêt de l'Etat, 
							contre l'intérêt de la nation.
 Une méthode semblable ne peut que décourager les 
							meilleures volontés. Il appartient aux commissions 
							de voir si elles ne pourraient pas transformer tout 
							cela.
 Je vois que M. Cornély, un des membres les plus 
							actifs du comité franco-belge de Paris, raisonne à 
							peu près de la même façon. Il demande que l'on 
							conserve une allocation réduite aux réfugiés qui 
							travaillent.
 A la bonne heure ! Ainsi chez les réfugiés renaîtra 
							le noble désir de chercher et de trouver de 
							l'ouvrage puisque leur travail ne les spoliera pas 
							de leur allocation.
 Cette proposition vaut qu'on l'étudié sérieusement. 
							Elle peut avoir quelques inconvénients. Elle a 
							sûrement d'immenses avantages, parmi lesquels celui 
							d'arracher à l'oisiveté mauvaise et bougonne des 
							malheureux auxquels la France doit une compensation, 
							celui de remplacer en partie la main-d'oeuvre 
							absente, celui de conserver aux ouvriers, aux 
							cultivateurs le goût du travail, l'amour de la 
							terre. Et tant d'autres avantages encore.
 Que craint-on ? Que les finances nationales soient 
							obérées par ce système ? Allons donc ! Autant de 
							réfugiés au travail, autant de renouveau pour la 
							richesse, du pays, autant de réductions dont profite 
							le budget, autant de ressources rendues aux 
							communes.
 Tout est donc bénéfice dans cette proposition qu'il 
							suffit de mettre administrativement au point. 
							Seulement, il serait bon que les administrations 
							fissent cette étude un peu vite, et qu'elles 
							n'attendissent pas la fin de la guerre.
 Ce que je dis là s'applique également aux femmes de 
							mobilisés.
 Il ne faut pas faire de l'allocation une sorte de 
							renonciation obligatoire au travail. Tout le monde y 
							perd.
 RENÉ MERCIER.
 LES DERNIERS EXPLOITS DES TAUBES Saint-Dié, 12 février.Un communiqué officiel a récemment annoncé qu'un 
							taube avait fait quatre victimes parmi la population 
							civile. Un de nos confrères reçoit ces détails :
 «  Jeudi 4, vers seize heures, l'oiseau boche 
							apparaissait. Il effectuait des virages ; puis, 
							arrivé au-dessus de la gare, il lâchait sa bombe. 
							Elle s'abattait aux environs immédiats, sur une 
							voiture qui stationnait devant un important magasin 
							d'épicerie.
 Le véhicule était réduit en miettes. Quatre hommes, 
							qui l'entouraient, tombaient morts, atteints 
							horriblement. Quant au cheval, son corps ne formait 
							plus qu'une masse informe de chair.
 Trois victimes de l'odieux assassinat appartenaient 
							au personnel employé dans l'épicerie ; le quatrième 
							est M. Rémy, le boulanger d'Anould. venu aux 
							provisions à Saint-Dié.
 Très heureusement. Mme Rémy avait quitté son mari 
							quelques instants auparavant, pour aller en courses.
 Les effets du hideux attentat ont causé, dans 
							Saint-Dié et dans Anould, une profonde impression de 
							tristesse.
 Samedi, nouveau bombardement ; il y a encore eu des 
							victimes, place Jules Ferry.
 Le lundi précédent, un aviatik boche, après avoir 
							survolé la Tête-de-Faux, arrivait au-dessus de 
							Fraize. Il jetait six bombes. mais elles 
							s'enfonçaient presque toute dans un grand pré, au 
							lieu dit a Les Aulnes. »
 Deux, pourtant, ont éclaté, sans occasionner aucun 
							dommage. »
 CHEZ LES RÉFUGIÉSUNE CRISE EN PERSPECTIVE
 ANNEMASSE, 4 février. - Ma tournée quotidienne chez 
							les réfugiés lorrains m'a conduit ce matin dans la 
							plupart des établissements où ils mènent une 
							existence insuffisamment protégée, hélas ! contre de 
							mauvaises habitudes.Il faut avoir de courage de proclamer certaines 
							vérités. Elles ne diminuent point la pitié, la 
							sollicitude, ni l'intérêt qui s'attachent à la 
							condition de malheureux frappés inexorablement par 
							les horreurs de la guerre. Mais ces vérités 
							nécessaires guideront peut-être l'Etat dans 
							l'accomplissement d'une tâche trop vaste pour 
							qu'elle reçoive à bref délai une solution, trop 
							compliquée pour qu'on la traite légèrement, trop 
							grave pour qu'elle ne retienne point l'attention de, 
							nos législateurs.
 La plupart des réfugiés perdent peu à peu le goût, 
							l'amour du travail. Est-ce, comme on l'a prétendu, 
							parce que l'oisiveté les corrompt? Est-ce qu'ils 
							répugnent à l'effort dont ils ne retirent point un 
							profit immédiat ? Est-ce qu'en eux les ressorts de 
							la volonté ont été brisés ou détendus par la 
							catastrophe ? Est-ce qu'ils refusent de prêter 
							l'oreille aux principes de solidarité sociale qui 
							demandent de répondre aux sacrifices de la nation 
							par une collaboration en rapport avec leurs 
							aptitudes, leur éducation, leurs moyens d'action, 
							leurs ressources physiques ?
 
 Sans rechercher aujourd'hui les causes d'une 
							situation qui commence à préoccuper l'opinion 
							publique, on est bien obligé de constater certains 
							faits.
 Le «  Cri de Paris » a noté que «  des femmes qui, 
							n'en doutons pas, étaient de laborieuses ménagères, 
							préféraient, en plein automne, se coucher à cinq 
							heures du soir jusqu'au lendemain midi, fort 
							occupées à lire les romans de la bibliothèque 
							communale ».
 On nous apprend encore que «  dans certains pays 
							vignobles, en une année de vendanges difficiles, il 
							a été pour ainsi dire impossible d'obtenir des 
							réfugiés qu'ils consentissent à échanger leur 
							allocation journalière de 1 fr. 25 contre des 
							salaires de vendangeurs de quatre et cinq francs par 
							jour, nourriture en plus, qu'on leur offrait. »
 D'autres exemples se multiplient. On note que les 
							malheureux, déracinés du sol natal, chassés de leur 
							ferme, de l'atelier et du bureau, «  n'ont pas 
							toujours justifié l'accueil très chaud et très 
							affectueux qui leur fut d'abord fait ».
 Le «  Cri de Paris » commente les sévères paroles de 
							M. Charles Humbert, exigeant la lumière sur «  les 
							défaillances » de quelques communes à l'égard des 
							infortunés réfugiés ».
 Qui a. tort dans un tel conflit ?
 Les réfugiés attendent le pain quotidien de 
							l'Etat-providence ; ils tendent leurs mains vides, 
							leurs mains d'où d'outil ou la charrue fut 
							brutalement arraché ; ils se sentent pauvres, las, 
							écrasés par les pires détresses, loin de leur foyer 
							en ruines et c'est, à notre avis, une explication de 
							la dépression morale qui accepte sans honte une 
							oisiveté dont ils eussent rougi dans leur pays.
 Les municipalités se débattent parmi les 
							contradictions des circulaires relatives aux 
							populations des régions envahies. Elles ont agi au 
							mieux de leurs propres intérêts en les conciliant 
							dans une large mesure avec les obligations, les 
							devoirs, les charges de la philanthropie et de 
							l'assistance.
 Ici l'allocation a été remplacée par une prime de 
							travail. On a voulu ôter à la charité ce qu'elle a 
							parfois d'humiliant pour l'indigence en procurant 
							les moyens de gagner un salaire honnête à ceux que 
							le seul mot de «  secours » blesse comme une offense 
							à leur dignité.
 Là un régime uniforme de cantines et de 
							distributions de vêtements et chaussures a permis à 
							d'autres municipalités la réalisation 
							d'appréciables, économies sans que les réfugiés 
							aient eu à souffrir de la perte de leur allocation.
 
 En ce qui concerne la commune d'Annemasse, elle 
							abrite actuellement deux catégories de réfugiés : 1° 
							ceux qui sont venus ici avant l'apparition de 
							l'ennemi dans leurs villages ; 2° ceux qui, 
							prisonniers des Allemands, soit comme otages, soit 
							comme habitants d'une région d'où ils ne pouvaient 
							s'échapper, arrivent maintenant par convois à 
							travers la Suisse.
 Les émigrés ou évacués touchent une allocation de 1 
							fr. 25 : les internés sont logés dans les hôtels et 
							dans les maisons particulières, moyennant une 
							indemnité de 3 fr. à 3 fr. 50 par jour. Cette 
							distinction, crée entre les deux catégories une 
							différence de traitement d'où il résulte une sorte 
							d'infériorité pour les émigrés.
 Pour la centième fois, j'ai entendu ce matin, au 
							cours de mes visites chez ces pauvres gens, la, même 
							réflexion :
 - Pourquoi ne recevons-nous pas une indemnité de 3 
							fr. Nos besoins sont-ils donc moins grands que ceux 
							des internés ? N'avons-nous pas subi les mêmes 
							affronts ? La guerre ne nous a-t-elle causé que le 
							tiers des préjudices dont ils souffrent ? Pourquoi 
							cette inégalité, cette cruelle injustice à notre 
							égard ? »
 Ils ignorent que la ville d'Annemasse touche pour 
							eux une somme de 1 fr. 25 par individu, mais qu'au 
							bout du compte, elle dépense exactement 2 fr. 05, si 
							bien que le logement, la nourriture et l'entretien 
							des réfugiés lorrains lui coûtent net seize sous.
 N'empêche que le découragement s'est emparé d'eux, 
							qu'ils résistent parfois aux invitations du garde 
							champêtre qui réclame leur aide pour balayer la 
							neige et nettoyer les rues, sans leur accorder 
							d'autre salaire qu'une poignée de main ni d'autre 
							gratification qu'un simple remerciement En réalité, 
							le travail de quelques citoyens valides constitue la 
							seule reconnaissance des services que la commune 
							rend à des familles entières.
 D'autre part, les internés ne sont ici que de 
							passage. L'Etat verse une indemnité de trois francs 
							aux hôteliers pendant le temps seulement qu'en cours 
							de route ils séjourneront dans une localité. Mais, 
							arrivés à destination, ils toucheront alors 
							l'allocation prévue de 1 fr. 25, ni plus ni moins 
							que les émigrés.
 Ce sont là des renseignements qu'il importait de 
							fournir. Faute de parler, on meurt sans confession, 
							dit certain proverbe. Les griefs qu'on articule trop 
							hâtivement contre ces tristes victimes de 
							l'invasion, animées des meilleures intentions, 
							tomberaient d'eux-mêmes, si la situation était mieux 
							exposée, si l'on effaçait dans leur esprit la pensée 
							que la France emploie deux poids et deux mesures 
							dans la distribution des soins et du dévouement 
							qu'elle témoigne à ses enfants.
 M. Magre, l'actif sous-préfet de Briey, mène, en 
							Savoie une patriotique campagne en ce sens, une 
							campagne qui mérite qu'on l'approuve et qu'on s'y 
							rallie.
 C'est constater un fait, c'est proclamer une vérité, 
							comme je le disais au début de cet article, que de 
							signaler, hélas ! une tendance à l'oisiveté chez ces 
							travailleurs de la glèbe, ces Lorrains robustes, 
							économes et vaillants!, ces fils d'une race élevée à 
							la rude école des privations, qui ont vu subitement 
							s'évanouir dans le désastre les fruits accumulés par 
							l'oeuvre féconde de plusieurs générations.
 Prenons garde qu'ils jettent un jour le manche après 
							la cognée, qu'ils contractent dans les villes des 
							habitudes, réellement pernicieuses celles-là, au 
							contact du luxe, des commodités, des agréments 
							factices dont le mirage n'a que trop contribué à la 
							dépopulation des chaumières.
 Elle résonne à mon oreille, cette parole d'amertume 
							recueillie ce matin dans un ménage d'émigrés, comme 
							le douloureux avertissement d'une crise :
 - Ah ! pour sûr, quand l'Etat m'aura remboursé le 
							prix de ma maison détruite, ce n'est pas en Lorraine 
							que nous retournerons planter nos choux ! »
 ACHILLE LIEGEOIS.
 LES COMBATS DES DEUX ARTILLERIESNOUS AVONS BOMBARDÉ
 les gares de Thiaucourt et d'Arnaville
 Paris, 12 février, 15 h. 15.Entre la mer et la Somme, lutte d'artillerie. Au sud 
							de La Boisselle, l'ennemi a fait exploser une mine à 
							l'extrémité d'une de nos tranchées, où nous nous 
							sommes maintenus.
 De la Somme à l'Argonne, on ne signale que le 
							bombardement de Tracy-le-Mont par l'ennemi et 
							l'activité de notre artillerie dans les secteurs de 
							Reims et de Soissons.
 En Woëvre, canonnade assez intense du côté allemand 
							devant Rambucourt et ]e bois de La Hazelle.
 Nous avons bombardé les gares de Thiaucourt et 
							d'Arnaville.
 DEUX SUCCÈSVers Arracourt et dans les Vosges
 Paris, 13 février, 1 heure.Actions d'artillerie assez vives en Belgique et en 
							Champagne.
 En Argonne, entre Fontaine-Madame et l'ouvrage 
							Marie-Thérèse, l'activité de l'ennemi ne s'est 
							manifestée que par des explosions de mines et des 
							lancements de bombes, auxquels nous avons riposté. 
							L'infanterie n'est pas sortie de ses tranchées.
 En Lorraine, nous avons repoussé une attaque 
							allemande vers Arracourt.
 Dans les Vosges, nos chasseurs ont enlevé la cote 
							937, à huit cents mètres au nord-ouest de la ferme 
							de Sudelle, dans la région nord de 
							HartmansîVillerkopf. Ce brillant fait d'armes a été 
							accompli sous une violente tempête de neige. Il ne 
							nous a occasionné que des pertes minimes.
 RÉCITS D'OTAGES LORRAINSDans la région de Mars-la-Tour
 L'un des principaux habitants de Bruviile, 
							actuellement à Nancy, a bien voulu nous communiquer 
							une fort intéressante lettre qu'il vient de 
							recevoir, d'un de ses concitoyens actuellement en 
							traitement à l'hôpital d'Annemasse (Haute-Savoie), 
							où il souffre d'une bronchite contractée au cours de 
							son séjour dans les camps de concentration.«  C'est le 5 janvier, écrit-il, que les Allemands 
							m'ont emmené en compagnie de l'instituteur, M. 
							Debrun, et de plusieurs anciens fonctionnaires en 
							retraite, notamment des douaniers.
 «  Notre crime ?.. Nous n'en avions commis aucun, 
							mais les Allemands ne s'embarrassèrent pas à nous 
							donner des explications.
 «  Avant d'être emmené en captivité, j'avais pu me 
							rendre, à deux reprises, à Mars-la-Tour. C'était 
							dans le courant de septembre. A cette époque, 
							l'honorable maire, M. Seners, avait été conduit à 
							Metz en attendant le versement d'une somme de 20.000 
							fr. comme contribution exceptionnelle de guerre.
 «  Mars-la-Tour ne fut d'ailleurs pas la seule 
							commune qui dût payer la forte somme. Ville-sur-Yron 
							fut frappée d'une contribution pareille, ainsi 
							qu'Hannonville aux-Passages ; quant à Bruville, 
							cette commune s'en tira avec la moitié, c'est-à-dire 
							10.000 francs
 «  Pour expliquer cette extorsion de fonds les 
							Allemands prétextèrent que des pierres avaient été 
							posées sur la voie ferrée, près de Ville-sur-Yron et 
							que, ne trouvant pas les véritables auteurs de 
							l'attentat, et ne pouvant fusiller tout le monde, 
							ils étaient «  bien gentils » de se contenter d'une 
							amende qui frapperait tous les villages des 
							environs.
 «  Naturellement, le maire de Bruville, M Boutroux, 
							et, ceux de Ville-sur-Yron et 
							d'Hannonville-aux-Passages, allèrent tenir compagnie 
							à M. Seneis dans les prisons de Metz.
 «  Cet incident excepté, rien de bien sensationnel ne 
							s'était passe à Mars-la-Tour jusqu'à ma dernière 
							visite dans cette localité.
 «  Mais là, comme à Bruville et comme dans toutes les 
							communes du voisinage, la population a eu beaucoup a 
							souffrir au point de vue matériel. Les réquisitions 
							n'en finissaient plus. Les amendes pleuvaient. Bref, 
							tout le monde a eu beaucoup a supporter.
 «  L'église de Bruville n'a plus de mobilier. Il en 
							est de même de l'école. Tout ce matériel a dû s'en 
							aller dans les tranchées allemandes. Quant aux 
							habitants, on les a évacués de force et si rondement 
							qu'ils n'ont pu emporter que peu de choses. On a 
							même jeté hors de chez lui un vieillard de 78 ans, 
							bien malade, le père Perrin, qui venait de subir une 
							opération et était par conséquent dans 
							l'impossibilité de se mouvoir.
 «  Malheureusement, il est fort difficile de donner 
							des détails bien précis. Les communications entre 
							Bruville et l'annexe d'Urcourt étaient interceptées, 
							et l'on ne pouvait pas voyager, en ces derniers 
							temps, de village à village.
 «  J'ai pu savoir cependant, de source certaine, 
							contrairement au bruit qui avait couru, qu'aucun 
							habitant de Mars-la-Tour n'avait été fusillé lors de 
							J'entrée des Prussiens en août. Il n'y avait pas 
							davantage de victime, au commencement de janvier.
 «  On avait aussi, je crois, annoncé la mort tragique 
							de l'abbé Mangin, directeur du grand séminaire de 
							Nancy. Cette nouvelle est également fausse. L'abbé 
							Mangin qui se trouvait en vacances dans sa famille à 
							Olley, a été évacué avec las habitants de cette 
							commune. Je viens de le rencontrer à Annemasse.
 «  L'origine de l'histoire de la fusillade 
							Mars-la-Tour, est peut-être dans les arrestations 
							qui y suivirent le prétendu attentat sur la voie 
							ferrée de Ville-sur-Yron. Quatre habitants de 
							Mars-la-Tour furent en effet, arrêtés à ce moment, 
							entre autres M. Lemoine fils, et Mme Renaud, 
							institutrice.
 «  Mais on n'alla pas heureusement jusqu'à les coller 
							au mur. Comme explications, les Boches se bornèrent 
							à leur dire qu'ils étaient trop curieux ».
 «  Mme Renaud fut conduite à Rastadt. J'ignore où 
							furent détenus ses compagnons.
 «  Les pauvres gens de nos villages de la frontière 
							ont passé par de dures épreuves. On leur a tout 
							pris. Plus de bois, plus de chevaux, plus de 
							voitures, plus de paille, plus de fourrages, rien... 
							C'est la grande misère et ce sera la misère pour 
							longtemps. Au moment de mon départ, Les Allemands 
							réquisitionnaient tous les objets en cuivre et en 
							bronze. Il est possible qu'ils aient descendu les 
							cloches. Ils l'ont bien fait pour de nombreux 
							clochers de la Woëvre !
 «  Aussi, sous la tristesse qui vous étreint 
							lorsqu'il faut abandonner tous ses biens, la maison 
							où l'on est venu au monde, où les siens ont vécu, où 
							ils sont morts, on n'aurait rien à regretter 
							lorsqu'il faut prendre le chemin de l'exil.
 «  Beaucoup sont partis de Bruville, de Mars-la-Tour 
							et d'ailleurs. Quelques-uns cependant sont restés, 
							mon frère entre autres. Mais quelles souffrances ne 
							doivent-ils pas endurer, souffrances morales et 
							souffrances physiques ; car on manque de nouvelles 
							de ceux qui vous sont chers, au pillage organisé 
							vient s'ajouter la mauvaise nourriture fournie par 
							l'exécrable pain allemand.
 «  Les troupes d'occupation souffrent elles-mêmes 
							beaucoup. Un certain nombre de soldats allemands 
							sont morts de la typhoïde à Mars-la-Tour.
 «  Ah ! quand donc pourrons-nous nous retrouver tous 
							réunis dans nos pauvres et chers villages ! Elle 
							finira bien par sonner l'heure de la délivrance, 
							l'heure de la victoire, et alors nous ne songerons 
							plus à gémir mais à chanter ! »
 ET LE CIVIL ? Nancy, 14 février.Le civil accomplit aussi son devoir sinon avec 
							tranquillité, du moins avec une confiance que rien 
							n'altère.
 C'est une préoccupation constante chez le soldat que 
							l'attitude du civil. Il y a une telle intimité de 
							vie entre la nation et l'armée qu'elles semblent 
							penser en même temps la même chose.
 Les acclamations qui au début de la guerre saluaient 
							les troupes n'étaient pas pour rien dans 
							l'enthousiasme qui animait l'armée.
 La sérénité avec laquelle la population attend la 
							victoire définitive apporte au coeur des combattants 
							la confiance indispensable à toute grande opération.
 La patience que montre le pays pendant la longue 
							bataille des tranchées indique aux troupes qu'il se 
							rend compte des difficultés chaque jour surgies, 
							qu'il n'en est pas autrement ému, et qu'elles 
							peuvent compter sur la résistance du caractère 
							français retrempé.
 La sollicitude dont partout est entouré le troupier 
							lui montre qu'il est l'espoir total de la nation, et 
							qu'il en est aussi la gloire.
 Les voix féminines qui célèbrent en mots simples et 
							touchants les sacrifices consentis et les héroïsmes 
							innombrables donnent aux soldats un élan plus 
							magnifique.
 Oui, le civil accomplit son devoir suivant le rythme 
							qui lui est imposé.
 Ce n'est pas seulement dans les exhortations, dans 
							la patience, dans la solidarité, dans la confiance, 
							dans l'espoir que s'exerce le courage du civil.
 Le civil comprend que, la guerre étant longue, là 
							nation armée ne peut pas vivre sur les économies 
							accumulées. Il essaie, dans la mesure de ses moyens, 
							de créer des ressources. Il écoute le canon, il 
							regarde les oiseaux qui! sèment la mort dans les 
							villes. Mais il ne s'enferme pas dans une attente 
							stoïque.
 Il travaille.
 Il travaille pour donner à tous ce qui est 
							indispensable. Celui qui n'a pas l'honneur de 
							combattre cherche à se rendre utile. Les chefs 
							d'industrie rassemblent dans les usines les ouvriers 
							qui restent, et s'ingénient à produire. Les 
							commerçants tâchent d'éveiller-les échanges qui 
							s'engourdissaient. La vie reprend son cours normal, 
							offrant, par un exemple constant, comme un gage de 
							renaissance robuste.
 C'est dans ce travail de tous les jours que se 
							régénèrent les activités.
 Des pleureurs, des sceptiques, des désabusés, des 
							découragés, il n'y en a pas. Ou il y en a si peu que 
							ce n'est vraiment pas la peine d'en parler.
 Chacun, après la première secousse qui a désorganisé 
							l'existence civile, s'est retrouvé à sa place. A sa 
							place il s'efforce de contribuer à la vie commune.
 Cette guerre a tiré de l'obscurité les qualités 
							qu'avait cachées l'égoïsme de la paix. Chacun a 
							senti qué son voisin lui était indispensable. Et ce 
							sentiment a été si fort qu'une grande flamme de 
							solidarité s'est élevée où se sont réchauffés tous 
							les coeurs. Je ne parle pas de cette solidarité que 
							pratique d'habitude toute la Lorraine et qui va, 
							sous la forme de la charité, vers toutes les 
							douleurs pour les consoler, vers tous les malheurs 
							pour les apaiser.
 Non. C'est un sentiment plus pur encore qui nous 
							unit à travers toutes nos discussions politiques, 
							sociales, religieuses, qui assainit l'atmosphère, 
							dont nous goûtons le charme inattendu dans l'oubli 
							des querelles anciennes.
 Et ce sentiment qui nous a fait une âme ingénue et 
							vigoureuse, le soldat en sent aussi passer le charme 
							dans son âme, car la première question du combattant 
							est toujours celle-ci :
 - Et le civil ?
 Le civil accomplit son devoir. Il attend, il espère, 
							il a confiance, il affirme sa volonté de vivre.
 Il travaille, et est prêt, s'il le faut, à déposer 
							l'outil pour prendre le fusil et se ranger à côté 
							des siens, qui combattent.
 RENÉ MERCIER.
 LES RÉFUGIÉS LORRAINSAU CAMP D'AMBERG
 GENÈVE, 7 février. - Quand tout aura été dit sur les 
							atrocités, les crimes, les infamies du Bocheland, 
							une page restera encore à écrire sur la vie dans les 
							camps d'internement ou de concentration.Par trains entiers, l'Allemagne renvoie ses 
							victimes. Il en vient de Zwickau ; il en arrive de 
							Rastadt et d'Amberg, après que les citadelles et les 
							forteresses du Rhin, comme Ehrenbreistein, eurent 
							lâché leur proie. Et tous ceux, jeunes ou vieux, qui 
							sortent de ces enfers, ont dans la voix l'accent 
							d'une supplication, dans leurs yeux une source 
							intarissable de larmes et dans leur pauvre âme 
							l'ulcération profonde des tortures où s'exerça le 
							raffinement d'une cruauté sans exemple Le camp 
							d'Amberg est un modèle du genre. Les officiers s'y 
							muent en garde-chiourmes, les soldats en 
							tortionnaires. La faim est l'ordinaire supplice 
							qu'on aggrave par la vermine ; on cite des 
							malheureux dévorés par les poux, comme on signale 
							des malades abandonnés dans les baraquements où 
							l'eau tombait du toit comme d'un crible et qui 
							râlèrent sous l'abri d'un parapluie couvrant leur 
							tête.
 
 Les cercueils élégants
 Parqués dans une sordide promiscuité, sans 
							distinction d'âge ni de sexe, les internés d'Amberg 
							croupissaient parmi les ordures, les déjections. la 
							sanie. Une odeur méphitique chargeait de miasmes 
							l'atmosphère. La contagion s'abattait sur ces êtres 
							traites comme un bétail. Une mortalité de 25 % a 
							décimé le troupeau humain auquel furent refusés les 
							soins de la science, la sollicitude de la pitié, les 
							consolations d'une tendresse fidèle.
 Mais les cercueils, par contre, étaient d'un style 
							élégant. Les Boches mettaient une certaine 
							coquetterie dans le choix du bois, le dessin des 
							ornements, la forme des poignées ; ils habillaient 
							la mort à la dernière mode - «  made in Germany. »
 La femme du maire de Combres, Mme Libor, fut tout de 
							blanc habillée sur le lit d'hôpital où elle succomba 
							aux suites d'une fièvre puerpérale.
 En mainte occasion, on refusa, comme pour Mme Maria 
							Perruquier, du même village, l'autorisation 
							d'avertir du décès d'un de leurs membres les 
							familles restées en France.
 La même journée réunit trois cercueils d'enfants, 
							mignons, ayant des dimensions et presque la grâce 
							d'un berceau, avec un solide cercueil de. chêne où 
							reposait, enfin délivré, un patriarche de la Woëvre. 
							En une semaine, on compta huit inhumations de 
							marmots arrachés au sein de leur mère par le croup 
							que les savants de Berlin appellent le «  catarrhe 
							des bronches ».
 Pour mieux caractériser l'identité entre le 
							traitement des animaux et celui des internés, 
							ceux-ci portaient au cou un numéro d'ordre. Une 
							institutrice de Saint-Dizier, Mlle Marguerite V..., 
							nous répétait le propos d'une de ses compagnes :
 - On nous a amenées ici comme des vaches : on nous 
							renverra comme des cochons. »
 En attendant leur libération. elles se nourrissaient 
							d'épluchures de pommes de terre bouillies, de 
							légumes en décomposition écrasés dans des récipients 
							abjects que jamais le moindre nettoyage n'avait 
							décrassés.
 
 Silence dans les rangs !
 Quand, pour constater une telle malpropreté, le 
							consul argentin visita le camp d'Amberg, quelques 
							femmes osèrent résister aux instructions des 
							officiers ordonnant le lavage des ustensiles de 
							cuisine : «  Nous voulons montrer au représentant de 
							la France, déclarèrent-elles, comment fonctionne un 
							service dont nos bourreaux ont l'audace de se 
							féliciter. »
 Hélas ! leurs protestations furent vite étouffées 
							sous les menaces d'un régime encore pire si le 
							consul ne retirait point de sa tournée une 
							satisfaction sans nuages.
 La neige, en fondant sur le toit, tombait sur les 
							couchettes dont la paille germait, à moins qu'elle 
							ne pourrît de moisissure. Beaucoup d'hommes 
							s'étendaient sur le sol nu pour y dormir. Aucune 
							plainte ne s'élevait de ce vaste et monstrueux 
							taudis, où les sentinelles, baïonnette au canon, 
							montaient jour et nuit la garde, réprimant à coups 
							de botte ou à coups de crosse, toute parole, tout 
							geste de mécontentement.
 Quant à la protection de la morale, il est évident 
							qu'elle n'avait absolument rien à voir avec 
							l'entassement de cette multitude pêle-mêle dans le 
							même baraquement. Un tel régime abolissait toute 
							pudeur.
 - Vous repeuplerez la France, gouaillaient les 
							odieux tortionnaires... Votre pays manquera de 
							soldats après la guerre... Il faut bien que vous lui 
							refassiez une armée. »
 Les plus abominables violences de la campagne, les 
							souillures qui ont déshonoré partout les barbares 
							trouvaient pour excuse chez ces brutes des 
							réflexions dans ce goût-là.
 Les cas de folie se sont multipliés. La plume se 
							refuse à décrire les scènes de désespoir, de révolte 
							où s'effondrait la raison, les vociférations qui 
							clamaient l'épouvante dans ce cercle de damnés 
							devant lequel Alighieri eût frissonné d'horreur.
 Non loin de là, sept cents soldats, des prisonniers, 
							gémissaient, tenaillés par les affres de la faim, 
							tués par l'inexorable supplice d'une agonie où 
							s'éteignait dans un suprême effort l'énergie d'une 
							jeunesse en lutte avec les spectres de la mort.
 
 Nos soldats prisonniers
 Ecoutez ce récit d'un aux témoin, Mlle C..., de 
							Saint-Maurice-sous-les-Côtes: - Les prisonniers 
							grelottaient sous leur uniforme en loques. Ils 
							cherchaient à s'approcher de nous. Mais une terrible 
							consigne nous empêchait de leur dire un seul mot et 
							nous profitions du moment où les factionnaires 
							tournaient le dos pour jeter un morceau de notre 
							pain noir à ces bouches avides, à ces mains tendues 
							vers nous... »
 D'autres se précipitaient, après chaque repas, sur 
							les détritus, les croûtes balayées dans un baquet 
							qu'ils fouillaient comme des chiens.
 Les officiers riaient. Ils plaisantaient lâchement. 
							Ils disaient qu'en France, «  où Poincaré crevait de 
							faim, il n'y avait plus rien pour eux, et qu'ils 
							devaient se réjouir d'une hospitalité qui leur 
							prodiguait toute sorte de délicatesses (sic). »
 A leur grand regret, les internés ne purent, en 
							quittant le camp d'Amberg, se charger des lettres 
							que nos soldats voulaient leur confier. On les avait 
							prévenus qu'une perquisition serait pratiquée dans 
							leurs bagages, et que la découverte d'une 
							correspondance suspecte leur vaudrait d'implacables 
							châtiments Une chanson qui tournait en ridicule le 
							kaiser avait conduit devant le peloton d'exécution 
							une jeune femme, pour crime de lèse-majesté, et l'on 
							savait par expérience que la justice militaire ne 
							badinait jamais avec ce genre de délit.
 Les prisonniers ont le droit d'écrire à leurs 
							parents une fois par mois. Les lettres, remises 
							avant la date du 15, sont expédiées le 25, soit dix 
							jours plus tard, afin de laisser à la censure le 
							loisir d'appliquer à son aise le «  caviar » qui 
							supprime tous les renseignements ou les confidences 
							suspectes. Il fallait recommencer la lettre - un 
							mois après - où l'on avait la maladresse injurieuse 
							de trouver qu'on était seulement «  assez bien » au 
							camp d'Amberg.
 
 Une institutrice patriote
 De regrettables défaillances se produisirent. Elles 
							constituent fort heureusement, hâtons-nous de le 
							dire, des cas isolés. C'est ainsi qu'une paysanne, 
							sans doute jalouse de l'opulence de leur chevelure, 
							désigna aux gardiens plusieurs de ses compagnes, en 
							observant qu'en certains pays d'aussi belles nattes 
							se vendaient fort cher.
 Le lendemain, la parure naturelle de ces 
							malheureuses tombait sous les ciseaux.
 Mais, à côté de ces coupables faiblesses, que de 
							traits touchants, parfois sublimes ! Mlle Collinet, 
							une institutrice de la Woëvre, rassemblait tous les 
							jours les enfants et continuait pour eux ses cours, 
							enseignant comme autrefois dans sa classe, qu'il 
							fallait aimer et servir la France de toute son âme.
 - J'avais composé un répertoire de rondes et de 
							chansonnettes, m'a raconté Mlle Collinet... Oh ! des 
							oeuvres sans prétention littéraire... mais avec 
							quelle exaltation mes élèves chantaient de toute 
							leur âme la foi dans la victoire, la certitude du 
							salut. »
 Les geôliers (car les reîtres du kaiser ne méritent 
							que ce nom) s'intéressaient à ces divertissements; 
							leurs chefs questionnaient les bambins et 
							affectaient de rire à leurs naïvetés :
 - Pourtant mes petits élèves, ajoute Mlle Collinet, 
							mettaient dans leurs réponses l'audace de vrais 
							Lorrains ; ils avaient ma foi, l'air de crâner ; ils 
							annonçaient que notre drapeau était le plus glorieux 
							du monde. »
 
 Il n'y en avait qu'un bon
 Dans un milieu où sévissaient l'insolence et la 
							brutalité, un seul officier se révéla indulgent et 
							bon. Les internés lui rendent un hommage unanime. Le 
							lieutenant Hosman entourait d'attentions, de 
							prévenances, les enfants ; il se couchait le 
							dernier, après minuit, bien sûr qu'on n'avait plus 
							besoin de lui ; il s'empressait d'exaucer tous les 
							souhaits compatibles avec les exigences du service ; 
							il adoucissait les sévérités de la discipline :
 - Jamais, m'a dit notamment une ménagère de Combres, 
							le lieutenant Hosman ne nous, a traités en ennemis. 
							De même le docteur Marcius, l'infirmier Auguste 
							Scholtz, ia cuisinière que l'on appelait Pauline 
							tout court, se sont conformés strictement à 
							l'exemple charitable qu'il donnait dans le camp.
 Les internés témoignent de leur gratitude. Ces 
							dévouements exceptionnels ont sauvé beaucoup 
							d'enfants dont on surveillait l'hygiène et la 
							nourriture.
 Comme s'il sentait autour de lui monter la marée 
							d'un opprobre universel, le lieutenant Hosman 
							répétait aux internés d'Amberg, à l'heure des adieux 
							:
 - Vous retournez en France... J'en suis heureux. Bon 
							voyage, mes chers amis ! On croit dans le monde que 
							nous agissons en sauvages ; oui, les journaux nous 
							traitent de Barbares. Promettez-moi de dire que je 
							vous ai toujours soignés avec humanité... »
 Lui, peut-être. Mais les autres, tous les autres, 
							depuis Guillaume II jusqu'au dernier de ses uhlans !
 ACHILLE LIEGEOIS
 A MAZERULLES Nous recevons la lettre suivante : Dans tous les 
							villages nommés déjà par votre journal ayant subi le 
							joug et la brutalité allemands, je n'ai pas encore 
							vu celui que l'on nomme Mazerulles.Ce coquet et hospitalier village, situé sur la 
							grande route, entre Champenoux et Moncel, vit 
							l'apparition des premiers uhlans au lendemain de 
							Morhange, le 22 août. Un des leurs ayant été blessé 
							et un autre tué dans la côte qui va à Champenoux, M. 
							le maire de Mazerulles fit atteler un tombereau, 
							afin de ramasser le blessé et l'emmener du côté des 
							troupes françaises. Quelques uhlans arrivèrent au 
							galop et firent faire demi-tour au conducteur.
 Au village, il fallut trouver une voiture avec un 
							matelas, car le tombereau ne convenait pas, et on 
							l'emmena du côté de Moncel.
 Alors commença l'arrivée de leurs soldats. Tout de 
							suite on fit prévenir les habitants de n'avoir pas à 
							maltraiter les soldats allemands, de leur donner 
							tout ce qu'ils demandaient, de ne pas tirer sur eux, 
							sans quoi on fusillerait les otages.
 M. le maire et M. le curé (ce dernier très malade, 
							ayant eu une crises d'appendicite quelques jours 
							avant) avaient été requis pour être prisonniers à la 
							mairie dès l'arrivée des Boches. Ils en avaient 
							chassé l'instituteur et sa femme afin d'être plus 
							libres. Les otages ne devaient pas sortir. Ils 
							étaient gardés et ne devaient correspondre avec 
							personne, sous peine d'être fusillés.
 Puis la horde germanique fit sa promenade dans 
							toutes les maisons du village, entrant dans les 
							cafés, maisons de commerce et particulières, le 
							revolver toujours à la main, terrorisant les femmes. 
							Il leur fallait de tout. Cela dura quatre jours. Une 
							nuit il passait plus que d'habitude de l'infanterie 
							et de l'artillerie. Il en venait par tous les coins, 
							hurlant d'un bout à l'autre du village, demandant 
							pour les chevaux paille, foin et avoine.
 Les chefs et soldats étaient arrogants. Il leur 
							fallait des oeufs, des poulets, du pain blanc, du 
							vin, qu'ils faisaient même goûter par peur d'être 
							empoisonnés. Ils mirent à sac toutes les maisons 
							qu'ils purent, puisant dans tout ce qui leur 
							convenait. Le soir du mardi, alerte. L'ambulance 
							établie à la mairie déménagea subitement, laissant 
							les otages là.
 Le vendredi matin, le bombardement, qui n'avait pas 
							cessé depuis quelques jours de chaque côté, mit le 
							feu à des maisons. Bien du monde partit et se rendit 
							à Nancy.
 La veille, il y avait eu un uhlan tué au village par 
							un de nos sergents d'infanterie.
 Il n'y avait pas longtemps que la plupart étaient 
							partis, laissant à peu près une trentaine de 
							personnes au village, quand les uhlans revinrent, 
							furieux de ne plus retrouver les otages, qui ne les 
							avaient sûrement pas attendus ; ils mirent à sac 
							tout ce qui restait, enfermant dans l'église les 
							rares personnes qui étaient restées là. Ils prirent 
							les bêtes, le linge, le mobilier, l'argenterie ; 
							ensuite vidèrent les caves. Ils firent la fête 
							durant dix jours.
 Mais les jours se suivent et ne se rassemblent pas. 
							C'est vers ce moment qu'eut lieu leur défaite à 
							Amance. Ils convertirent un café en ambulance, 
							mettant des blessés partout, jusque dans la cour et 
							le jardin. Il fallut reculer. La défaite de 
							Champenoux vint après Ne voulant laisser personne 
							derrière eux, ils emmenèrent tout le monde, 
							vieillards, femmes et enfants, baïonnette au canon, 
							devant eux, les poussant vers Moncel.
 Là on les enferma dans la salle de bal de Mme 
							Fonbanck, où quelques personnes compatissantes et 
							généreuses leur apportèrent de la soupe et du pain 
							qu'ils n'avaient pas vu depuis dix jours.
 Il fallut encore battre en retraite sans doute très 
							vite. cette nuit du 12 au 13 septembre, car on les 
							entendit qui défilaient rapidement du côté de 
							Château-Salins.
 Quelques prisonniers s'étant risqués à regarder 
							dehors, virent qu'il n'y avait plus de gardiens et 
							s'en retournèrent du côte de Mazerulles où ils 
							virent la grande rue (à part quelques maisons) 
							entièrement en feu. Quarante-six maisons ont été 
							brûlées à Mazerulles.
 Comme les habitants de Moncel, quelques personnes de 
							Mazerulles ont cru voir, après la défaite d'Amance, 
							le Barbare qui voulait à tout prix offrir la ville 
							de Nancy à sa femme.
 En attendant de voir nos villages reconstruits et 
							florissants comme autrefois, pensons à tous ces 
							héros si vaillants et si courageux tombés pour la 
							défense de Nancy et l'honneur de la patrie.
 LES ALLEMANDS A BLAMONT M. Fernand Burrus nous écrit qu'il n'a jamais donné 
							un kilo de chocolat aux Allemands pour préserver son 
							usine. Dès leur arrivée en masse à Blâmont, le 8 
							août, la chocolaterie, Burrus a été mise au pillage, 
							les voitures de ravitaillement chargées en plein 
							jour ; lorsque, tout fut volé, afin de compléter 
							l'oeuvre de destruction, le matériel et les machines 
							furent saccagés, et cela finit, malgré les 
							protestations de M. Burrus, par l'incendie de la 
							pauvre usine.Plusieurs centaines de kilos de chocolat furent en 
							effet donnés par M. Burrus avec plaisir, mais ce fut 
							aux soldats français et aux ambulances de Blâmont.
 ÉCHECS ALLEMANDS EN LORRAINEINUTILE RANDONNÉE
 d'avions allemands sur Verdun
 Paris, 13 février, 16 h. 20.De la mer à la Lys, les Allemands ont violemment 
							bombardé Nieuport et la région de la dune. Leur 
							artillerie a tiré sur Ypres, dans la nuit du 11 au 
							12, et sur nos positions à l'est d'Ypres pendant la 
							journée du 12. La nôtre a efficacement répondu.
 De la Lys à la Somme, canonnades intermittentes.
 Dans la région d'Arras, près de Carency, nous avons 
							fait exploser deux fourneaux de mines dans les 
							petits postes ennemis.
 Sur la Somme, entre l'Oise et l'Aisne, ainsi qu'en 
							Champagne, grande activité de l'artillerie des deux 
							côtés.
 Une dizaine d'avions ont survolé la région de 
							Verdun. Les bombes qu'ils ont lancées n'ont causé 
							aucun dommage.
 Dans la nuit du 11 au 12, deux attaques allemandes 
							sur nos tranchées du bois des Caures, au nord de 
							Verdun, ont été repoussées.
 En Lorraine, l'attaque allemande sur nos postes 
							d'Arracourt, signalée dans le communiqué d'hier 
							soir, a été menée par une compagnie, tandis qu'une 
							autre compagnie essayait, sans plus de succès, 
							d'enlever nos postes de Ranzey.
 En Alsace, l'ennemi a canonné les positions que nous 
							avons conquises, le 12 février, dans la région de 
							Sudelkopf. En raison de l'organisation de nos 
							tranchées, les effets de ce bombardement ont été 
							insignifiants.
 
 Paris, 14 février, 0 h. 53.
 En Belgique, quelques actions d'artillerie.
 A La Boisselle, nous avons fait sauter un fourneau 
							de mine, dont nous avons occupé l'entonnoir.
 Devant Dompierre, au sud-ouest de Péronne, 
							l'explosion d'une de nos mines a surpris les 
							pionniers bavarois en train de travailler.
 L'ennemi a bombardé les villages de Bailly et de 
							Tracy-le-Val. Notre artillerie a atteint la gare de 
							Noyon.
 En Champagne, dans la région de Souain, l'un de nos 
							bataillons avait réussi à s'emparer d'un bois en 
							avant de nos tranchées, mais il ne put pas s'y 
							maintenir, une tempête de neige n'ayant pas permis à 
							notre artillerie de l'appuyer d'une façon efficace.
 M. POINCARÉ EN ALSACESa rencontre avec son ancien bataillon d'Alpins
 L'accueil touchant de l'Alsace
 ON PLEURE, MAIS C'EST DE JOIE
 Paris, 13 février, 15 h. 45.Au cours de son voyage sur le front des armées 
							françaises, le président de a République a visité 
							plus particulièrement, avec M. Millierand, ministre 
							de la guerre, les troupes qui opèrent dans les 
							Vosges et en Alsace.
 M. Poincaré et M. Millerand ont inspecté les 
							ouvrages avancés des camps retranchés d'Epinal et de 
							Belfort. Ils ont constaté le bon fonctionnement des 
							services de ravitaillement, des vivres, des 
							munitions; des postes et des services sanitaires.
 Le président de la République a visité longuement de 
							nombreuses ambulances.
 Il s'est entretenu avec les blessés, dont il a 
							constaté l'admirable état moral. Il a adressé à tous 
							des paroles de réconfort.
 Le président a rencontré le bataillon de chasseurs 
							alpins auquel il a appartenu comme capitaine de 
							réserve. Il a remis, sur la proposition du général 
							Joffre, la croix de la Légion d'honneur à un 
							officier et la médaille militaire à un sous-officier 
							de ce bataillon.
 Les chasseurs ont fait à leur ancien capitaine un 
							accueil extrêmement touchant.
 M. Poincaré a visité ensuite nos troupes d'Alsace, 
							sur trois points différents.
 Quand il est arrivé à Urbès, la première commune 
							alsacienne, le bruit de sa présente s'étant répandu, 
							habitants et soldats se sont précipités à sa 
							rencontre, en poussant les cris de «  Vive la France 
							! Vive l'Alsace française ! ». Dans toutes les 
							localités qu'il a traversées, le président de la 
							République a dû descendre de son automobile et 
							parcourir à pied les rues principales, au milieu des 
							acclamations.
 Les vieilles femmes pleuraient de joie. Les jeunes 
							filles agitaient leurs mouchoirs. De temps en temps, 
							des femmes ou des enfants remettaient au président 
							des bouquets.
 De nombreuses maisons étaient pavoisées aux couleurs 
							françaises.
 M. Poincaré a parcouru ainsi une vingtaine de 
							communes alsaciennes. Partout.
 la réception a été émouvante. Dans l'une -l'elles, 
							le président a remercié le conseil municipal de 
							l'adresse qu'il lui avait envoyée, lui assurant que 
							les habitants étaient heureux d'être enfin rattachés 
							à la France.
 Dans une autre commune, M. Poincaré est entré à 
							l'école, où une petite fille lui a lu un compliment, 
							dans lequel elle a remercié le président des jouets 
							que leur a adressés Mme Poincaré, puis 200, enfants 
							environ ont chanté la «  Marseillaise ».
 A Massevaux, la manifestation a été particulièrement 
							enthousiaste.
 Toutes les maisons étaient pavoisées. Le maire, les 
							conseillers municipaux, le curé, les notables ont 
							exprimé au président leur joie de voir leur ville 
							redevenue française.
 M. Poincaré a répondu par des paroles émues. Tous 
							les assistants avaient les larmes aux yeux.
 Il a remis des décorations, notamment à deux 
							Alsaciens qui portent déjà la médaille de 1870. 
							Ceux-ci ont éclaté en sanglots, quand le président 
							leur a donné l'accolade.
 Le président de la République a laissé 2 000 francs 
							pour les pauvres.
 Il est reparti ensuite pour Belfort, qu'il a quitté 
							dans la soirée, longuement acclamé.
 ATTAQUES ALLEMANDESen Lorraine et en Alsace
 ILS ONT ENCORE BOMBARDÉ REIMS
 Paris, 14 février, 15 heures.En Belgique, bombardement de Nieuport, de nos 
							tranchées de la Dune et de la ville d'Ypres. Notre 
							artillerie a contrebattu les batteries ennemies.
 De la Lys à l'Aisne, canonnades intermittentes. Près 
							de Noulettes, une fraction ennemie, qui essayait de 
							se porter vers nos tranchées, a été arrêtée net par 
							le feu de notre infanterie.
 En Champagne, activité assez intense de l'artillerie 
							ennemie sur notre front, devant Reims. La ville a de 
							nouveau été bombardée. Notre tir sur les tranchées 
							allemandes a paru donner de bons résultats.
 De l'Argonne à la Moselle, journée calme.
 En Lorraine, des forces allemandes se sont portées 
							contre ceux de nos éléments avancés qui occupaient 
							le signal de Xon (nord-est de Pont-à-Mousson). Les 
							résultats du combat ne sont pas encore connus.
 En Alsace, l'ennemi a pris l'offensive par la vallée 
							de la Lauch, avec deux colonnes s'avançant sur les 
							rives sud et nord de la rivière. La marche de ces 
							troupes a été signalée, retardée et entravée par nos 
							patrouilles de skieurs. Elles sont actuellement au 
							contact de notre ligne la plus avancée.
 Une violente tempête de neige règne dans les Vosges.
 COMMENT VIT SAINT-MIHIEL SOUS LA BOTTE Paris, 14 février, 17 h. 30.Un habitant de Saint-Mihiel, qui a pu gagner Paris, 
							malgré mille dangers, a raconté que les dégâts 
							occasionnés par les obus de l'artillerie sont assez 
							sérieux.
 L'église des Halles est épargnée. L'église 
							Saint-Etienne est endommagée. L'immeuble du cercle 
							militaire est en ruines. Le monument du Souvenir 
							Français est intact.
 Cent-dix habitants environ sont restés à 
							Saint-Mihiel. Ils se sont réfugiés dans les caves, 
							où ils ont installe des fourneaux dont les tuyaux 
							débouchent dans les rues par les soupiraux.
 L'imposition de la ville a pu être versée par les 
							habitants.
 La maison du docteur Thierry, maire, a été 
							entièrement dévalisée. Les Allemands ont attaché une 
							écharpe à une fenêtre.
 Les communes de Rambucourt, Bouconville, 
							Broussey-en-Woëvre sont chaque jour bombardées. 
							Elles ne sont plus que ruines.
 .Les habitants de Raulécourt, exposés aux obus de 
							l'armée allemande, sont isolés du monde entier.
 Une ligne de chemin de fer 
							Thiaucourt-Vigneulles-Saint-Mihiel, établie par les 
							Allemands, passe non loin de cette commune. Elle est 
							réservée exclusivement à leurs transports.
 L'OCCUPATION ALLEMANDE A PIERREPONT Ces nouvelles remontent au début de décembre.Jusqu'à cette époque, et après les crimes et les 
							brutalités des premiers jours, les habitants ne 
							souffraient pas trop de l'occupation allemande : ils 
							avaient la nourriture assurée, grâce au dévouement 
							de M. Colas, conseiller municipal. Le maire fut pris 
							comme otage, puis relâché. La ville est en partie 
							détruite par le bombardement, qui dura trois jours, 
							du 22 au 25 août. Français et Allemands se battent 
							d'un bout à l'autre du pays. La manufacture de drap 
							fut incendiée, bien qu'une ambulance y ait été 
							installée.
 Il y aurait eu dans la population peu ce victimes, 
							parmi lesquelles se trouvent le garde-champêtre 
							Zeute et un ouvrier italien, Severino Detona, qui 
							furent fusillés sur la route de Baslieux, et dont on 
							retrouva, quinze jours plus tard, les cadavres liés 
							ensemble par le bras ; les deux fils Léonard, Mme 
							Pingard, deux jeunes gens du Fayel et on nomma même, 
							paraît-il, M. Colas ; mais il n'y a pas de 
							certitude, et souhaitons que le distingué directeur 
							de la manufacture vive tranquille au milieu des 
							siens.
 Ont été emmenés comme prisonniers civils :
 M. et Mme Lacrisse, rentiers ; Mme Maudhuy, femme du 
							chef de gare, et sa fille ; Mme Prévot et ses deux 
							fils ; Mmes Lhuillier et Nicolas (familles 
							d'employés de la Compagnie de l'Est) ; Mme Chrétien 
							; M. et Mme Pauly, avec deux jeunes Parisiens qui se 
							trouvaient chez eux. Ce sont les seuls noms connus.
 La poste fonctionne seulement pour les militaires 
							allemands, qui y tiennent garnison au nombre de 150 
							environ.
 
							(à 
							suivre) |