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Chrétienne de Danemark, Duchesse de Lorraine (3/4)
Émile Duvernoy
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Mémoires de la Société d’archéologie lorraine
Société d’archéologie lorraine
1940


PORTRAIT DE CHRÉTIENNE DE DANEMARK EN 1558,
AGÉE DE 37 ANS
Ce portrait attribué à François Clouet fait partie d’une collection privée. Il a figuré à l’Exposition de Bruxelles en 1935.


CHRÉTIENNE DE DANEMARK
DUCHESSE DE LORRAINE
PAR
Émile DUVERNOY

 

CHAPITRE VII
DIVERS SERVICES PUBLICS
I. Domaine, mines, salines, eaux et forêts. - II. Agriculture, industrie, commerce. - III. Travaux publics. - IV. Santé publique et assistance. - V. Enseignement, lettres, sciences et arts.

I

Ainsi que nous l’avons dit au chapitre précédent (p. 148), les tuteurs de Charles III ne pouvaient compter sur des aides extraordinaires votées par les Etats, puisqu’ils étaient bien décidés à ne plus convoquer d’Etats ; c’était donc pour eux une nécessité impérieuse de bien gérer leur domaine afin d’en tirer les ressources nécessaires. Ils n’y manquèrent pas. Une portion de ce domaine était acensée à des particuliers moyennant des redevances annuelles en général peu élevées. C’étaient des terres arables et des bois, des cours d’eau et des étangs, des maisons et des granges, des usines, surtout des moulins et des papeteries. Dès 1547, Chrétienne s’aperçoit que de grands abus se sont glissés dans ce service : des acensem-ents, dit-elle, ont été passés par les receveurs du duché de Lorraine dont ce n’était pas l’affaire - c’était l’affaire de la Chambre des comptes - et pour un cens très faible et bien moindre qu’on n’eût pu le trouver ; de plus, quand il s’agit de terrains boisés, ces acensements tournent à la ruine des forêts ducales. C’est pourquoi elle décide d’acenser désormais sur des bases nouvelles et la moitié environ des acensements consentis par elle débutent par ces remarques préalables (1).
Les mines faisaient partie du domaine ducal, en particulier ces mines de plomb argentifère exploitées sur les deux versants des Vosges, dans le Val de Saint-Dié et dans le Val de Liepvre, et qui fournissaient à la Monnaie ducale une quantité appréciable de métal blanc. Leur exploitation avait été réorganisée par un secrétaire du duc René II, Joannès Lud, qui avait épousé Agnès, fille de Claude d’Ainvau, lieutenant de la prévôté de Saint-Dié et intendant des mines du Val de Liepvre. Initié sans doute par son beau-père aux travaux des mines, Lud remit en état à ses frais puits et galeries qui avaient été fort négligés pendant la guerre contre la Bourgogne ; en récompense, le duc le nomma, en 1484, maître général des mines, office créé pour lui (2). C’est sans doute sur son conseil et avec son aide que René rédigea ces deux ordonnances du 4 juillet 1486 et du 2 juin 1508 qui forment un règlement d’ensemble de l’industrie minière (3). Au temps de la tutelle, le maître général des mines, pourvu de cet office en 1528, était un fils de ce Jean Lud, prénommé Jean comme son père, auquel paraît destinée une lettre sans adresse et sans date - probablement de 1548 - où la Chambre des comptes l’invite à acheter, pour un prix raisonnable, les lingots des mines et à les apporter à la Monnaie de Nancy (4).
La Chambre des comptes, en effet, s’intéresse fort aux mines, comme à toutes les parties du domaine ducal ; vers 1546, une inspection des mines de La Croix et de la fonderie de Wissembach fait constater que les habitants des alentours coupent et emportent les bois des montagnes voisines qui devraient servir à étançonner les galeries et à chauffer la fonderie ; grave préjudice pour le duc, car, disent les gens des Comptes, « pour néant vault la myne qui n’a le bois pour la fondre ». Nous n’avons pas manqué, ajoutent-ils, de leur interdire de continuer, car le droit qu’ils prétendent avoir est inexistant ; « et sy ce n’estoit que doulceur doit demeurer auprès des princes, ilz mériteroient d’en estre bien pugnis » (5). Toujours en 1546, la Chambre donne un avis défavorable au projet des tuteurs d’amodier les mines de La Croix pour 10.000 francs par an, ne sachant pas pour combien d’années cette amodiation doit se conclure ; nous ne croyons pas, poursuit-elle, qu’il soit à propos de les amodier à qui que ce soit, Lorrain ou étranger, car il est à craindre qu’à la fin de son bail, la mine ne soit en bien plus mauvais état qu’à présent (6). La même année, elle conseille aux tuteurs de lui adjoindre le contrôleur général de Lorraine et le maître de la Monnaie de Nancy quand elle aura à examiner les comptes des mines (7).
En 1548, l’office de surintendant des mines du Val de Liepvre est vacant par le décès de Georges d’Ainvau. Considérant qu’il est nécessaire de pourvoir cet office d’homme idoine et sachant la langue germanique, les tuteurs y nomment Jacques Reynette, capitaine de Spitzemberg et officier du duc au Val de Liepvre (8).
Les salines sont d’un rapport encore plus grand que les mines, car, au XVIe siècle, elles fournissent de sel, non seulement la Lorraine et les Trois Evêchés, mais les provinces voisines, temporel de Trêves, duché de Luxembourg, Alsace, Suisse même (9). Nous avons noté, au chapitre précédent, qu’en 1546 les recettes des cinq salines ducales forment, à très peu près, la moitié des recettes inscrites par le trésorier général, 125.336 francs barrois sur 251.191. Aussi leur gestion est-elle l’objet de l’attention particulière des tuteurs. On ne voit pas du reste que le personnel chargé de cette gestion y soit spécialisé, que des connaissances techniques soient exigées de lui. Ces charges, sans doute assez lucratives, étaient données à des gens qui avaient bien servi le duc dans d’autres emplois et qu’il voulait récompenser. Ainsi, en 1549, Guillaume Germain, un de ses valets de chambre, est nommé portier et garde de la saline de Château-Salins (10). En 1550, un tabellion de cette ville devient trilleur, c’est-à-dire chargé de mesurer le sel, à la saline de Salone (11). Inversement, des officiers des salines sont promus à des fonctions tout à fait différentes, comme Jean Bertrand, trilleur de la saline de Salone, qui est nommé, en 1550, châtelain de Dieuze (12). Il va de soi que ces officiers sont révocables comme les autres fonctionnaires ducaux : en 1552, Mathieu Baudin, gouverneur de la saline de Château-Salins, donc personnage d’importance, puisque le gouverneur est le premier des fonctionnaires de la saline, se voit révoquer parce que sa gestion a été maladroite, peut-être même malhonnête, et Antoine Guillaume le remplace (13). Ils avancent, ou bien sur place, ou bien en passant d’une saline à une autre, comme, en 1546, le trilleur de la saline de Marsal, qui demande et obtient d’être nommé boutavant, c’est-à-dire comptable de la saline de Salone (14). On voit encore, en 1546, un assez curieux échange d’offices entre deux officiers de cette même saline de
Salone : Jean Bertrand, qui était gouverneur, devient trilleur à la place d’Henri Lescamoussier, qui, lui, est promu gouverneur (15).
La grande préoccupation pour les agents des salines était d’avoir suffisamment de bois, d’abord du bois de charpente pour réparer les bâtiments d’exploitation, puis et surtout, du bois de souille, c’est-à-dire du bois de chauffage, pour faire évaporer l’eau salée. Dans chaque saline, un officier spécial, le tailleur, était préposé à la réception de ces deux sortes de bois. C’était surtout des grueries ducales d’Amance et d’Einville que venait, à raison de la proximité, le bois destiné aux salines. Mais les gruyers trouvaient que les demandes incessantes des salines dévastaient les forêts qui leur étaient confiées et refusaient parfois d’y satisfaire.
Par exemple, en 1549, la Chambre des comptes prie le contrôleur général d’obliger le gruyer d’Einville à livrer à la saline de Moyenvic le bois dont elle a besoin. Vous savez, dit-elle, que, sur toutes choses, il faut pourvoir les salines de bois (16). Quand les forêts ducales ne suffisent pas à la consommation des salines, on cherche à compléter la fourniture dans les forêts du clergé : en 1549, l’abbé de Senones consent à vendre la souille de sa forêt de Mouacourt à la saline de Marsal (17) ; le prieur de Bonneval fait de même pour la saline de Moyenvic, un tiers de chaque coupe restant au prieuré pour ses besoins, le reste sera abandonné à la saline, et la Chambre des comptes prescrit au gouverneur de faire arpenter cette forêt et de lui envoyer le procèsverbal d’arpentage (18). Peut-être les salines achetaientelles également du bois aux communautés, qui, presque toutes, possédaient des portions de forêts, et aux vassaux du duc qui en avaient encore plus, mais la Chambre des comptes avait l’œil sur tous ces acquêts. Une circulaire qu’elle adresse en 1549 aux gouverneurs des salines leur remontre qu’ils ont payé le bois de souille trois fois plus cher qu’il ne vaut, et qu’à l’avenir ils ne doivent pas en acheter sans que le tailleur soit présent pour prendre note du marché et le rapporter dans son compte (19).
Le sel une fois obtenu par évaporation, il fallait !e vendre et surtout empêcher l’entrée dans le pays du sel étranger. C’étaient les agents dénommés chevaucheurs des salines qui devaient y veiller. En 1547, les tuteurs chargent spécialement Lambert Prudhomme, chevaucheur de la saline de Château-Salins, et Claudin de Bar, chevaucheur de celle de Marsal, de réprimer les abus commis par les marchands sauniers qui vendent dans les localités frontières du sel ne provenant pas des salines ducales (20). En 1548, une négociation s’engage entre le procureur général de Vosges et le prévôt de Châtenois d’une part, le chapitre de Toul de l’autre, au sujet de la vente du sel dans les foires de Vicherey ; il semble que le chapitre, qui était seigneur de Vicherey, avait accordé dans ce lieu une sorte de monopole au sel de Lorraine, et que les sauniers qui fréquentaient ces foires attentaient à ce monopole (21). En 1551, les tuteurs confèrent à Gérard Daussure, de Châtillon-sur-Saône, l’office de chevaucheur de la saline de Moyenvic, avec mission d’empêcher que du sel d’autre provenance se vende au bailliage de Bassigny et dans les terres de Luxeuil, Fontenoy-le-Château et Vaucouleurs (22).
Bien d’autres affaires relatives aux salines sollicitaient l’attention des gouvernants et de la Chambre des comptes. En 1546, celle-ci fait un rapport au sujet de la requête de Demange Leclerc, employé à la saline de Moyenvic, qui prétend avoir perdu ses chariots et ses chevaux, ainsi que neuf muids de sel qu’il transportait : la Chambre déclare que cela est faux et remet à la sagesse des tuteurs de décider ce qu’il faut faire contre cet imposteur ; puis elle envoie à la tutrice copie du contrat d’amodiation des salines de Moyenvic et de Marsal (23). En 1547, elle avise les gouverneurs des diverses salines que deux de ses membres sont envoyés en tournée d’inspection ; les gouverneurs devront les croire et faire tout ce qu’ils leur commanderont ; elle remarque aussi que les comptes des salines ont oublié de noter la rente en. sel que les chanoines de la collégiale Saint-Georges de Nancy perçoivent tous les ans (24). En 1548, elle expose aux tuteurs que, chaque année, elle délègue quelques-uns de ses membres pour faire la visite des salines, vérifier leurs provisions de bois, examiner les réparations à effectuer et veiller à ce que les recettes soient délivrées à qui il appartient, et non pas employées à autre chose par les gouverneurs ; le moment est venu de procéder à cette visite (25). En 1549, elle blâme le gouverneur de la saline de Marsal dont les comptes ne sont pas en ordre ; puis c’est le gouverneur de la saline de Moyenvic qui se plaint que la mesure du sel de la saline de Marsal soit plus grande que celle de Moyenvic, de sorte que les marchands délaissent celle-ci (26). Cette active vigilance de la Chambre des comptes, ces relations continuelles qu’elle avait avec les salines n’expliquent-elles pas en grande partie la prospérité de celles-ci et les abondantes ressources qu’elles fournissaient au trésor ducal ?
Les étangs, qui sont très nombreux en Barrois et surtout en Lorraine, et les eaux courantes, donnaient aussi des revenus appréciables. Les registres de comptes du XVIe siècle nous font connaître divers étangs qui ont disparu depuis et dont plusieurs devaient avoir été constitués artificiellement en vue de fournir du poisson pour l’Avent, le Carême et les jours maigres, par exemple ceux de Vaudémont, d’Hattonchâtel, d’Houdreville, de Buissoncourt, de Laneuveville. Ces deux derniers surtout sont à considérer parce que, à raison du peu d’éloignement de Nancy, ils réservent leurs plus belles pièces à la table ducale. Ainsi, en 1545, l’étang de Buissoncourt a produit 535 fr. 2 gr. pour le poisson vendu et de plus a envoyé à l’hôtel du duc 235 beschets (saumons ?), 49 perches, 78 brêmes ; l’étang de Laneuveville inscrit une recette de 94 fr. 7 gr., et, en outre, a fourni à l’hôtel du duc, 2.012 carpes, 104 beschets, 8 perches, 16 brêmes et quatre paniers de roussailles, c’est-à-dire de petits poissons à frire (27). En mars 1548, la reine douairière de Hongrie, tante de Chrétienne, vient à Nancy ; on fait dans l’étang de Laneuveville une pêche extraordinaire pour avoir des brochets, des perches et des carpes à lui offrir, car on est en Carême (28). Le duc entretient avec soin des étangs qui lui valent des revenus appréciables et d’aussi bons plats de poisson ; les comptes mentionnent constamment des dépenses pour réparations aux étangs, pour nourrir et abreuver les gens qui viennent y faire la pêche, pour y mettre des alevins (29). En 1545, la dépense pour ces seuls étangs de Buissoncourt et de Laneuveville s’élève à 1.550 fr. 1 gr. (30).
Ces deux étangs sont régis directement par le duc ; les autres sont affermés, mais soumis à une inspection et, à la suite de ces visites, injonction est faite aux fermiers d’exécuter les réparations nécessaires. En 1546, tous les étangs du comté de Vaudémont sont affermés pour douze ans, moyennant une redevance annuelle de 134 résaux de blé et de 300 fr. en argent (31). La pêche dans les rivières est également affermée, à Arches, par exemple, pour une redevance qui est partagée également entre le duc et l’abbaye de Remiremont (32).
Reste à parler des nombreuses et vastes forêts de l’un et de l’autre duché qui faisaient partie du domaine ducal. Leur garde et leur exploitation étaient confiées, à des agents appelés gruyers et chaque prévôté était doublée d’une gruerie, les offices de prévôt et de gruyer étant souvent réunis sur une seule tête dans les circonscriptions de peu d’importance. Les gruyers avaient sous leurs ordres des forestiers, les uns et les autres étant nommés par lettres patentes ducales. Au-dessus des gruyers, on voit, au moins dans certaines parties du pays, des contrôleurs des eaux et forêts ; il y en a un pour le marquisat de Pont-à-Mousson, un autre pour la gruerie de Lunéville, un autre pour les deux prévôtés réunies de Mandres-aux-Quatre-Tours et de Bouconville (33). Au sommet de la hiérarchie se place un personnage dont le titre complet est grand gruyer et maitre des eaux et forêts. La fonction est déjà ancienne, car elle a été créée en 14,65 par le due, Jean II ; on la réserve habituellement à des membres de l’ancienne chevalerie, tandis que les simples gruyers sont de condition roturière. Au début de la tutelle, le grand gruyer était François de Dommartin, d’une noble maison qui, au XVIe siècle, a fourni quatre titulaires de cette fonction. Les tuteurs s’aperçurent bien vite qu’il n’était pas ou n’était plus, de par son âge, en état de faire de bonne besogne, et le dirent explicitement dans des lettres patentes du 27 octobre 1547 : comme les bois des duchés de Lorraine et de Bar « soient énormément et outre mesure desgatez, ruynez et dépopulez en plusieurs endroicts et notoirement se dégastent, ruynent et dépopulent » ; comme de plus les ordonnances qui ont été faites sur la chasse ne sont pas observées et comme des gens armés d’arquebuses parcourent les forêts où ils n’ont pas le droit d’aller..., pour tous ces motifs, les tuteurs acceptent la résignation de son office par François de Dommartin et nomment à sa place François de Tavagny, seigneur d’Etreval, qui est déjà écuyer d’écurie du duc et capitaine de Vézelise (34). Celui-ci était sans doute plus jeune, et néanmoins il se révéla inférieur à sa tâche qui était lourde, puisque son autorité s’étendait sur les deux duchés. C’est pourquoi, le 1er avril 1550, les tuteurs le restreignirent au duché de Bar et nommèrent grand gruyer en Lorraine Louis des Armoises, seigneur d’Autrey (35).
Il ne paraît pas que des connaissances spéciales fussent exigées de tous ces gruyers et grands gruyers. C’étaient gens qui avaient fait preuve de capacités et de zèle dans des fonctions souvent très différentes et qui apprenaient le métier de forestier en le pratiquant. Il en était autrement de l’arpenteur juré, office nouveau créé en 1549 par les tuteurs ; ils nomment arpenteur général des bois du duché de Lorraine, Didier Gabriel, demeurant à Saint-Dizier-lès-Nancy, qui exerce depuis quelque temps le métier d’arpenteur et connait bien ce métier, disent-ils (36). Celui-ci est donc en quelque manière un technicien, cas assez rare dans l’administration de ce temps.
Tous ces agents forestiers, comme ceux des mines, des salines et des étangs, sont soumis au contrôle très effectif de la Chambre des comptes. Ainsi, en 1549, le gruyer du comté de Vaudémont, dont la gestion a provoqué des plaintes, reçoit l’ordre de venir à Nancy se justifier (37). Les tuteurs interviennent aussi personnellement : le 26 juin 1548, ils envoient trois enquêteurs pour visiter les forêts et réprimer les abus qui ont été commis, soit par les officiers forestiers, soit par des personnes étrangères au service ; ces enquêteurs devront fixer la quantité de bois qui sera coupée et vendue chaque année (38). Le 9 novembre de la même année, ils semoncent les officiers de la gruerie d’Amance, parce que, par leur négligence, leurs bois sont fort ruinés au grand préjudice du duc ; de l’avis de leur Conseil, ils décident que, dans cette gruerie, on vendra tous les ans la coupe de 160 arpens, de façon que cette coupe revienne tous les 25 ans et non plus tous les 8 ou 10 ans, comme il se pratique actuellement (39). Même injonction au gruyer de Châtenois d’espacer davantage les coupes, et aussi de ne pas laisser le bétail entrer dans les bois (40).
Les forêts ducales fournissent du bois de chauffage, et en premier lieu, bien entendu, aux diverses résidences du duc. Elles en fournissent aussi à des communautés villageoises qui ont obtenu l’affouage, à condition de verser tous les ans deux bichets d’avoine par feu. Ailleurs, les habitants obtiennent autant de bois qu’il leur en faut pour chauffer leur four banal (41). L’affouage est aussi accordé quelquefois à des personnages bien en cour, par exemple, en 1546, à Claude de Châtel, ancien archer du duc, en 1550 au sieur de Bassompierre (42). Ces concessions ne sont pas sans donner lieu à quelques abus : en 1549, un sieur de Haraucourt ayant prétendu prendre son affouage dans les forêts du Fay et de Mondon, la Chambre des comptes fait une enquête et reconnaît qu’il n’y a aucun droit ; elle attire l’attention des officiers du comté de Vaudémont sur les désordres qui se commettent dans leurs forêts à la faveur de prétendus droits d’affouage (43).
Ces forêts fournissent aussi du bois merrain ou bois de marnage, c’est-à-dire du bois de charpente ; ainsi, le duc accorde, en 1545, trente pièces de bois dans la forêt d’Amance pour rétablir le clocher et la toiture de l’église de Salone ; en 1546, six pièces de bois à Conrard, hôtelier à Neufchâteau, pour remettre en état ses écuries, autant à Bastien Mathis, tabellion à Amance, pour réparer sa maison, et quatre pièces de bois à Quiriace Fournier, trésorier général de Lorraine, pour construire une étable ; en 1551, il alloue à Emond Du Boullay, héraut d’armes de Lorraine, du bois de marnage pour rebâtir sa maison (44). Un charpentier de Nancy n’obtient pas moins de 103 pièces de bois qu’il prend dans la forêt d’Amance pour les amener à Nancy (45).
Quand une forêt appartenait toute entière au duc, l’emploi de ses produits ne donnait lieu à aucune difficulté, mais si elle avait plusieurs propriétaires, réels ou prétendus, un conflit était inévitable. Nous en trouvons un assez vif en septembre 1548 : le gruyer de Dieuze avait voulu prendre des pièces de bois dans une forêt de sa circonscription pour faire divers travaux aux étangs voisins. Un gentilhomme, Hanus de Guermange, s’y opposa, affirmant qu’il possédait moitié de cette forêt, le duc un quart, les bourgeois de Fénétrange un autre quart. La Chambre des comptes, saisie de son opposition, envoya deux de ses auditeurs, Jean de Widranges et Jacques Vyon, pour examiner sur place la question. Ceux-ci conclurent que le mieux serait de partager la forêt entre ses trois propriétaires, et la Chambre se rangea à leur avis ; les tuteurs firent de même et chargèrent Widranges et Vyon d’opérer ce partage, mais ajoutèrent que Guermange devait laisser prendre le bois nécessaire pour les étangs, en attendant le partage qui se ferait le plus tôt possible (46).
Un dernier usage des forêts, et de bien moindre importance, était de fournir à la cour ducale des oiseaux de proie pour la chasse au vol, si en vogue dans cette cour ; en 1552, on paye 18 fr. 9 gr. pour nourrir les oiseaux pris dans la forêt de Souilly (47).

II

Il est peu question de l’agriculture dans les documents du temps de la tutelle à deux, les tuteurs trouvant inutile de la réglementer. Ce Didier Gabriel, que nous avons vu nommé, en 1549, arpenteur général des forêts du duché de Lorraine, était, avant cette nomination, arpenteur juré à Nancy, donc à la disposition des propriétaires qui voulaient faire mesurer et délimiter leurs champs. Tous les ans, le duc paye à son grand écuyer, le sieur de Tavagny, 1.200 fr. qui lui sont alloués « comme appointement », c’est-à-dire à forfait, pour nourrir les étalons du haras et les fournir de selles, mors et brides (48). Les comptes ne disent pas où était ce haras ; ne serait-ce pas le même qui est signalé à Gondrecourt (Meuse) par des documents de 1508 et de 1520 et dont nous ignorons quand il a été créé et jusqu’à quelle date il a existé (49) ?
Nous ne trouvons guère plus sur l’industrie. Aucune corporation ouvrière ne semble s’être créée pendant la tutelle ; tous les métiers essentiels se sont organisés en corporations au XVe siècle ou même au XIVe ; c’est surtout dans la seconde moitié du XVe siècle et au XVIe que des corporations nouvelles se créeront, souvent par division des anciennes. Le 7 janvier 1551, les tuteurs confirment les statuts des bouchers de Dun, datant de la fin du XIVe siècle (50). Le 12 décembre de la même année, ils dispensent les boulangers de Thiaucourt d’aller cuire leur pain au four banal et leur permettent, moyennant redevance, d’avoir des fours chez eux (51).
A Nancy, un règlement du 31 mars 1547 prescrit aux boulangers de cuire du pain blanc et du pain bis et d’y apposer leur marque (52). Les tuteurs font aussi des essais curieux pour améliorer les procédés de ce métier de boulanger : en 1545, on paye 50 francs pour frais de voyage à Didier Vellay, boulanger allemand, qui est venu expliquer comment on fait le pain en Allemagne, et pareille somme à Thierry Becher, boulanger de la princesse palatine, sœur de Chrétienne, qui est arrivé en Lorraine pour le même motif (53). Il semble du reste que les expériences de panification étaient alors à l’ordre du jour ; en 1532, on avait voulu voir ce que pouvait donner un résal de blé valant 117 litres de maintenant, et payé 2 francs ; on ne disait pas alors que le pain de tel poids devait coûter tant, mais que le pain de tel prix devait avoir tel poids, et le barème suivant avait été établi pour les boulangers de Nancy : le pain d’un denier doit peser 5 onces, celui de deux deniers 10 onces, celui de 4 deniers 20 onces, et ainsi de suite jusqu’au pain de quatre sols, le plus gros, qui pèsera 24 livres. En 1547, les boulangers de Saint-Nicolas-de-Port déclarent vouloir suivre ce barème et la Chambre des comptes enregistre leur engagement (54).
Le gouvernement, qui laisse faire si librement dans l’économie agricole et industrielle, intervient davantage dans les questions commerciales, principalement en créant foires et marchés. Il le fait sous la forme solennelle de lettres patentes, et toujours il prend soin de ne pas porter préjudice aux foires et marchés existant déjà aux alentours. Ainsi, en 1548, il accorde à Condé-en-Barrois, pour douze ans seulement, un marché qui se tiendra tous les jeudis, la taille que paye ce village devant être, en contre-partie de cet avantage, élevée de 8 à 100 francs (55). En 1550, les gens de Pareid-enWoëvre exposent que leur village est beau et peuplé, sis en terroir fertile, et que dans tout le pays il, n’y a de marché qu’à Etain où ils ne peuvent mener leur grain à cause de la distance ; un marché leur est accordé tous les lundis, à condition de payer au duc les mêmes droits d’étalage et de tonlieu qu’il perçoit au marché d’Etain (56). Même supplique en 1551 des habitants de La Chaussée, disant qu’ils n’ont de marché qu’à trois ou quatre lieues de distance, avec des chemins difficiles, surtout en hiver ; leur village est grand et possède une halle ; un marché leur est accordé tous les samedis, avec exemption pendant les deux premières années de tous droits de vente et de hallage (57). René d’Anjou avait accordé à Liffol-le-Grand un marché tous les mercredis et avait permis de couper du bois dans ses forêts pour édifier la halle où se tiendrait ce marché ; celui-ci s’est tenu pendant plusieurs années, mais la peste l’a arrêté avant que la halle ait pu être construite ; en 1551, les tuteurs rétablissent ce marché du mercredi et y ajoutent deux foires par an, à la Saint-Georges (23 avril) et à la Saint-Mathieu (21 septembre) ; ils permettent aux habitants de construire une halle à leurs frais et sans qu’ils puissent prendre du bois pour cette construction dans les forêts ducales. Foires et marchés sont affranchis pour les trois premières années de tous droits de vente et de hallage (58).
Dans le même ordre de choses, les tuteurs confirment aux gens de Nancy le droit qui leur a été octroyé en 1504 par René II de lever une gabelle à leur profit sur diverses catégories de denrées vendues dans leur marché ; la concession de ce duc, disent les Nancéiens, était écrite sur papier, ce papier est à moitié pourri et pourrait se gâter complètement ; ils demandent donc d’avoir des lettres patentes en règle sur une belle feuille de parchemin et ainsi est fait (59).
La Lorraine du milieu du XVIe siècle avait donc quelque commerce, soit pour vendre les produits de son sol assez fécond, soit pour faire venir du dehors ce qui lui manquait, objets fabriqués et objets de luxe. A l’égard de ces derniers, la Lorraine était dans l’entière dépendance de Paris. En 1546, quand elle peut enfin célébrer les obsèques de son mari, Chrétienne, quoique fort hostile à la France, envoie à Paris un valet de chambre du feu duc pour y acheter les pièces de drap noir qui serviront à confectionner les vêtements de deuil ; il en coûte 439 fr. pour le voyage du valet de chambre et pour charroyer le drap (60). Cette vassalité économique se prolongera pendant tout le règne du duc Charles III (61).
En ce même temps, la Lorraine avait, depuis un demi-siècle déjà, un service des postes. Dans les dernières années de son règne, et à l’imitation sans doute de ce que Louis XI avait fait en France, René II avait établi des courriers réguliers. Chrétienne développa l’institution, mais en s’inspirant plutôt, semble-t-il, de ce qui se faisait dans les Pays-Bas par les soins de sa tante, la reine douairière de Hongrie (62). C’est dans la même année et le même mois, novembre 1551, qu’à Bruxelles et à Nancy des ordonnances sont rendues pour réglementer la poste. Et, des deux côtés, une sorte de dynastie administrative préside à ce service. En Belgique, c’est la maison de Taxis, qui remplit les mêmes fonctions en Allemagne. En Lorraine, c’est la maison d’Auzécourt qui détient la maîtrise des postes pendant la seconde moitié du XVIe siècle et au commencement du XVIIe ; on y voit successivement Henri, Claude, François et Laurent d’Auzécourt maîtres de la poste. Sous la tutelle, c’est Henri, chevaucheur d’écurie ordinaire du duc, qui occupe cet office : des lettres patentes du 28 novembre 1551 le chargent d’entretenir douze chevaux de poste moyennant une subvention annuelle de 400 francs et l’exemption de tout impôt. Outre ce traitement fixe, il touche des sommes supplémentaires pour courses exceptionnelles, par exemple, en cette même année 1551, 50 fr., 76 fr., 70 fr., 82 fr., 68 fr. (63). Nous ne savons pas si, en Lorraine à cette époque, les postes étaient réservées aux affaires de l’Etat, ou si elles se chargeaient des lettres des particuliers. Dans les Pays-Bas, l’ordonnance de 1551 défendait aux agents de prendre les envois de particuliers sans une autorisation écrite du chef suprême, Léonard de Taxis.

III

Comme il y avait encore très peu de spécialisation au XVIe siècle, les travaux publics étaient tous réunis sous la direction d’un fonctionnaire unique qui était à la fois architecte et ingénieur, construisait des édifices, des ponts, des routes, faisait des travaux hydrauliques, parfois même des travaux de fortifications. En 1545 et 1547, on rencontre Jean Paris, dit Thouvenin, décoré du titre de maître des œuvres du duché de Lorraine, marquisat du Pont et comté de Vaudémont (64). Mais un peu plus tard, en cette même année 1547, le comté de Vaudémont a un maître d’œuvres spécial : la place étant vacante, un maître maçon de Gélaucourt, village de ce comté, la brigue et, renseignements pris auprès du bailli et du contrôleur du comté, la Chambre des comptes opine qu’il y a lieu de le nommer (65). Dans le duché de Bar, la fonction est tenue par un personnage d’un titre un peu différent : le 17 décembre 1546, les tuteurs confirment la nomination par le duc Antoine d’Etienne Le Charpentier, habitant de Bar-le-Duc, à l’office de maître charpentier du duché de Bar (66).
Il n’est pas question de travaux des routes à l’époque que nous envisageons. Sans doute étaient-elles entretenues au moyen de corvées fournies par les habitants des villages riverains. Cette façon d’opérer n’était pas de mise pour la construction et la réparation des ponts ; ici, le gouvernement intervenait par le moyen des agents dont il vient d’être question et se chargeait de la dépense que nous trouvons inscrite dans ses comptes. Ainsi, en 1545, des réparations sont faites au pont de Malzéville, près Nancy, qui avait été construit en 1498 (67). En 1546, c’est le pont de Han-sur-Seille qui doit être remis en état et les tuteurs prescrivent au gruyer d’Amance de délivrer à cette fin quatre pièces de bois de chêne aux gens de ce village ; ce sont donc ici les habitants qui font le travail, mais le duc alloue le bois nécessaire. La même année, ce gruyer fournit dix pièces de bois à Jean de Guermange, seigneur de Bioncourt, pour rétablir le pont de Bioncourt sur la Seille, qui tombe en ruine (68). On répare aussi le pont de la Moselle à Arches, qui a été emporté par une crue, et celui de la Meurthe à Raon-l’Etape (69). En 1547, c’est le pont de la Blies, près de Guemunde, qui a été endommagé par un débordement ; on le restaure bien vite, parce que sa rupture fait tort aux recettes du passage, et les habitants sont obligés de faire quelques corvées pour activer le travail (70). De 1546 à 1550, c’est à Lunéville qu’on travaille, d’abord au pont sur la Meurthe, qui relie cette ville au hameau de Viller, et où les réparations à faire sont malaisées, car un rapport stipule qu’il y faut des ouvriers spéciaux ; puis au pont-levis du château (71). En 1549, le gruyer de Condé fournit 15 grandes pièces de bois et 24 de bois moyen pour réparer le ponton de Condé-sur-Moselle (72) ; une fourniture analogue se fait pour remettre en état le pont de Châtel-sur-Moselle (73). La même année le pont de Pont-à-Mousson donne des inquiétudes, d’autant qu’à cet endroit de son cours la Moselle est déjà large et profonde, et le duc paye 30 fr. à deux maîtres maçons qu’il a fait venir de Bâle pour le vérifier (74). Enfin, en 1551, il faut réédifier à Guemunde le pont dit de Monseigneur, qui a été rompu par les glaçons (75).
A côté de ces rétablissements de ponts, il y a les réparations de moulins, trop nombreuses et trop menues pour qu’il faille les énumérer, puis les travaux aux vannes de ces mêmes moulins, les consolidations de berges destinées à prévenir les inondations. D’habitude, le maître des oeuvres se rend sur les lieux pour voir ce qui est à faire, apprécier si ces travaux sont urgents et rédiger un rapport pour la Chambre des comptes qui décide.
Outre les moulins, le duc entretient à ses frais les fours et les pressoirs banaux ; ces derniers s’appellent chaulcheux en dialecte lorrain, tandis que le français du moyen âge offre les formes chaucheur et chauchoir, et il est souvent question dans lejs comptes de réparations aux chaulcheux de Saint-Dizier et de Malzéville, par exemple (76). Parfois se trouve la mention de travaux neufs : en 1545, sont construits deux pressoirs à Neufchâteau (77). En 1550, le duc fait relever les murailles du parc d’Einville (78). A diverses dates, il fait réparer les maisons qu’il possède à Salone, Schaumbourg, Pont-à-Mousson, Saint-Dié, et en 1551 les étaux du marché de Sainte-Marie-aux-Mines. En 1546, il passe un marché avec Jean La Picque, charpentier à Nancy, pour effectuer divers ouvrages de son métier dans le jardin du palais ducal (79).
Les villes lorraines, et parfois de simples bourgades, possédaient des halles où se tenaient marchés et foires ; fait assez curieux, ce n’étaient pas ces villes et bourgades, mais le trésor ducal qui avait la charge de les entretenir en bon état. Il répare ainsi les toits de la halle d’Amance et de cette vaste halle de Vézelise qui existe encore (80). D’autres réparations sont faites à la halle d’Arches (81). A Dieuze, la dépense est forte, 2.082 fr. ; la somme est avancée par les habitants, mais il faudra que le duc la rembourse (82). A Mirecourt, les halles tombent en ruines ; le duc ordonne, en 1547, de prendre dans ses forêts le bois nécessaire pour les réparer, et décide en outre que les paysans des environs devront faire quelques corvées de charroi pour amener les matériaux ; puisqu’ils utilisent ces halles pour vendre leurs denrées, il est juste qu’ils coopèrent à leur relèvement (83).

IV

L’état sanitaire de la Lorraine, au temps de la tutelle, n’était guère satisfaisant. Constamment sévissent, dans les diverses parties du pays, des maladies épidémiques fort meurtrières que les documents qualifient de peste ou de contagion. Ce second terme est préférable parce que plus général et ne précisant pas mal à propos ; nous ignorons en effet si c’est bien de la peste proprement dite - soit bubonique, soit pulmonaire, - ou bien de quelque autre maladie qu’il s’agit. Naturellement, le mal se déclare dans les villes et villages épiscopaux aussi bien que dans ceux de Lorraine et de Bar ; il n’y a pas de frontières pour l’épidémie. Ainsi, en 1543, une contagion se produit à Toul et dure toute l’année ; beaucoup de Toulois s’enfuient (84). Tout près de Toul, en 1545-1546, une contagion dévaste Foug, prévôté du duché de Bar (85). A l’autre extrémité de ce duché, Villotte-devant-Louppy est éprouvé en 1551 et 1552 (86). En 1545, Saint-Nicolas-de-Port et divers villages de la banlieue de Nancy sont atteints (87) ; en 1548, c’est Euville, près de Commercy (88). En 1542, la contagion règne à Dompaire pendant douze ou treize semaines et elle récidive en 1545 (89). Elle paraît à Lunéville en 1543, à Dolcourt, près de Colombey, en 1547, dans le comté de Vaudémont en 1548 (90). A Epinal, on constate des épidémies en 1545, 1548, 1553, et rarement plus de cinq ans se passent entre deux de ces calamités (91). A Nancy, c’est pire encore : la contagion y sévit d’une manière presque continue de 1544 à 1552 (92). Nous avons dit plus haut (chapitre III) qu’elle obligea à retarder d’un an les obsèques du duc François et à réunir à Neufchâteau les Etats généraux qui, toujours, se tenaient dans la capitale lorraine. Le prévôt de Nancy était alors Lyonnet Flory et c’est lui qui avait la lourde tâche de lutter contre l’épidémie et de faire appliquer les mesures de précautions recommandées par les médecins ; en 1541, le duc lui avait donné un terrain où il s’était construit un logement isolé pour s’y retirer en temps de peste ; en 1545, les tuteurs lui versèrent 400. fr. pour les dépenses qu’il avait faites pendant cette année en combattant la contagion (93).
Pour soigner les malades, chacun des duchés disposait de quelques hôpitaux dont le principal était celui de Nancy. Longtemps ils avaient vécu isolément, chacun pour son compte. Le premier, René d’Anjou avait essayé de leur donner une organisation commune. Par ordonnance du 28 juin 1438, il déclarait prendre toutes ces maisons sous sa protection et sauvegarde, prescrivait que tous les ans leurs comptes seraient vérifiés et l’inventaire de leurs meubles dressé ; il se réservait la nomination des gouverneurs des divers hôpitaux, mais comme il résidait plus souvent dans ses autres possessions qu’en Lorraine, il disposait qu’en son absence, le gouverneur de l’hôpital de Nancy aurait le soin de désigner les gouverneurs des autres maisons (94). C’est sous ce régime de centralisation très limitée et de tutelle discrète que les hôpitaux lorrains vivaient au temps de Chrétienne et de Nicolas. On ne voit pas que ceux-ci y aient rien changé. Une seule fois, ils montrent quelque préoccupation d’ordre sanitaire. Par suite des guerres continuelles entre la France et l’Empire, beaucoup de vagabonds et de gens dont les maisons avaient été détruites s’étaient réfugiés à Nancy ; il est à craindre, dit l’ordonnance du 13 novembre 1551, qu’ils apportent des maladies contagieuses dans cette ville où le duc, sa mère et son oncle ont leur résidence habituelle ; c’est pourquoi les tuteurs nomment une commission spéciale composée par moitié de militaires et de civils, comme nous dirions maintenant, pour maintenir l’ordre et veiller à la stricte application des règlements (95).
Le point faible était l’insuffisance numérique du personnel médical. II fallait aller loin pour faire les études préparatoires à cette profession, aussi ne trouvait-on alors médecins et chirurgiens que dans les villes de quelque importance. Les petites villes, et à plus forte raison les campagnes, en étaient dépourvues. Lorsqu’en 1547 les tuteurs octroyent une modeste pension annuelle de 12 francs à Jean Beaulprey, dit de Cholloy, chirurgien à Toul, on peut conjecturer que c’est pour le récompenser de donner ses soins aux habitants des villages lorrains les plus rapprochés de Toul (96).
En dehors des hôpitaux et des hospices, l’assistance publique était alors inexistante et Chrétienne la laissa comme elle l’avait trouvée. Elle était cependant généreuse et aimait à faire le bien, à répandre des aumônes autour d’elle, nous l’avons noté en expliquant son caractère. Nous avons dit aussi, en traitant de ses rapports avec le clergé régulier, qu’elle accordait beaucoup aux ordres religieux charitables, sachant qu’ils feraient bon usage de ses libéralités. L’Eglise avait, et depuis des siècles, une organisation charitable éprouvée ; les gouvernants trouvaient commode de s’en remettre à elle du soin d’assister tous ceux qui souffrent ; ils lui prodiguaient les sommes d’argent, les revenus de toutes sortes et la laissaient en faire l’emploi.

V

Faute de documents, il est bien difficile de dire ce qu’était l’instruction primaire à l’époque que nous envisageons. Plus tard, on trouvera dans les registres paroissiaux des mentions fréquentes de régents d’école qui permettront de conclure à l’existence d’une école en tel village et en telle année, mais au milieu du XVIe siècle, ces registres n’existaient pas encore en Lorraine. Il faut donc se contenter de mentions très rares et brèves d’où il serait imprudent de tirer des vues d’ensemble. On constate parfois l’existence d’écoles dans de très petits villages ; ainsi, il y en avait une dès 1516 à Jubécourt, près de Clermont-en-Argonne (97), mais rien ne prouve qu’il en existât dans d’autres villages de pareille ou même de plus grande importance. L’existence d’une école peut tenir à des circonstances toutes locales, par exemple à la générosité et à l’esprit éclairé d’un seigneur ou d’un homme d’église qui a constitué le capital nécessaire pour le salaire annuel d’un régent. D’autre part, une école peut avoir fonctionné sans laisser aucune trace, de sorte que, pour nombre de localités, on ne peut ni affirmer, ni nier, qu’elles eussent une école.
Sous ces réserves, voici la liste bien courte des lieux qui possédaient sûrement des écoles au milieu du XVIe siècle : d’abord les capitales des deux duchés ; à Nancy, l’école était sous la surveillance de la collégiale Saint-Georges ; à Bar, où elle existait au moins depuis le XIVe siècle, elle dépendait de la collégiale Saint-Maxe (98). Lunéville en avait une également, car, en 1553, Nicolas de Vaudémont, alors seul tuteur, accorde la coupe de deux arpens dans la forêt de Mondon pour chauffer cette école pendant l’hiver (99). En 1548, il est question de Simon Rolin, régent d’école de La Mothe (100) ; en 1549, mention est faire d’une maison d’école et d’un régent à Rosières-aux-Salines, et nous savons que cette école a été fondée dès 1475 (101).
Et à côté de ces écoles dont on ignore la date de naissance, ou dont on sait qu’elle est antérieure à la tutelle, en voici une qui fut créée au temps même où les tuteurs gouve-rnaient : Jean de Ligniville, seigneur de Bauzemont, et Anne de Norroy, sa femme, avaient fondé une école dans ce village de Bauzemont, et pour l’entretenir lui avaient attribué quatre résaux de froment à prendre tous les ans dans leur moulin de Bauzemont. Par lettres patentes du 11 avril 1551, les tuteurs approuvèrent cette fondation, amortirent ces quatre résaux et accordèrent qu’on n’aurait à leur payer aucune finance pour cet amortissement (102). L’établissement d’une école était donc considéré comme une œuvre pie et traité avec faveur. Chrétienne trouvera une autre manière d’encourager l’enseignement : en 1560, quand sa tutelle avait pris fin depuis longtemps, mais alors qu’elle gouvernait comme régente au nom de son fils absent, elle donne à un certain Jean, régent d’école à Sierck, une prébende de chanoine dans la collégiale de Marienflosse, tout près de Sierck, de sorte que l’homme peut sans trop de peine, s’acquitter de sa double fonction (103).
L’enseignement primaire existait donc, au moins dans certains lieux dont il n’est pas possible de préciser le nombre ; l’enseignement secondaire et supérieur était inexistant dans les duchés. Il y avait bien le collège de Lamarche, fondé par Guillaume de Lamarche, chanoine de Toul, mort en 1420, pour des enfants du pays ; seulement, ce collège n’était pas en Lorraine, mais à Paris, et faisait partie de l’Université de cette ville (104). L’Université de Pont-à-Mousson sera créée en 1572 ; à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, les jésuites fonderont des collèges dans les principales villes lorraines ; auparavant, il fallait aller au loin pour faire des études complètes. Nous avons vu plus haut (p. 112) que le duc octroie facilement des prébendes aux jeunes clercs qui veulent sortir de la Lorraine pour perfectionner leur instruction. Voici un autre cas semblable : en 1545, le duc fait don de 15 écus à Jean Alberty, frère mineur, pour l’aider à aller étudier à Paris (105).
Les lettres et les sciences ne semblent pas avoir une vitalité particulière sous la tutelle de Chrétienne et de Nicolas. On ne connaît, pendant ces sept ans, ni publication d’ouvrage important, ni représentation théâtrale. Les deux tuteurs étaient cependant cultivés : nous avons vu que Chrétienne avait reçu dans sa jeunesse, à Bruxelles, une instruction soignée ; Nicolas avait fait, lui aussi, des études assez poussées, puisqu’il avait commencé par appartenir à l’Eglise, et il était bibliophile (106). La mesure de l’intérêt que les grands personnages du XVIe siècle portaient aux productions de l’esprit nous est indiquée par le nombre des livres qui leur sont dédiés. Une dizaine d’ouvrages, à notre connaissance, portent une dédicace au duc Antoine ; son frère plus jeune, le cardinal Jean de Lorraine, un grand ami des gens de lettres, est encore plus favorisé ; c’est une vingtaine d’ouvrages ou de pièces de vers que les auteurs lui ont dédiés (107). A côté de son père et de son oncle, le duc François, à la vérité mort bien jeune, fait petite figure : les Dialogues d’Emond Du Boullay sur la naissance de son fils, imprimés à Strasbourg en 1543, lui sont dédiés (108), et aussi la traduction des Institutes de Justinien, par Nicolas de Lescut, publiée la même année à Paris (109). Quant à Chrétienne, beaucoup plus tard, en 1568, lui seront dédiés les Discorsi delli triomfi..., faits pour le mariage de Guillaume, duc de Bavière, avec sa fille, Renée (110). La dédicace de ces ouvrages, dont deux commémorent des événements de famille, ne prouve pas que le duc et la duchesse aient beaucoup de rapports avec les écrivains de leur temps.
Ils en ont davantage avec les artistes ; d’ailleurs, la renaissance des arts fut en Lorraine beaucoup plus brillante que celle des lettres. Nous ne voulons pas dresser ici la liste des artistes qui vivaient en Lorraine à cette époque, mais simplement indiquer ceux qui travaillaient pour la cour et en reçurent des bienfaits. Le peintre dont on trouve le plus fréquemment le nom dans les comptes d’alors est Jean de Gorze. Il avait le titre de peintre du duc Antoine et, en 1541, touchait 95 fr. pour avoir fait 28 pannonceaux et autant de banderolles, plus quatre grands écussons aux armes de Lorraine pour mettre sur les tentes et pavillons du prince (111). En 1544, le duc lui octroie 30 ir. en considération de ses services, et, en 1545, la duchesse tutrice lui renouvelle ce don ; puis, en 1548, elle tiansforme le don en pension régulière (112). Mais il reçût une allocation spéciale pour tout labeur exceptionnel : ainsi, en 1551, il touche 37 fr. pour peindre en vert à l’huile et à la détrempe le petit cabinet le Madame (Chrétienne), et pour peindre les armoirie: de Monseigneur (Charles III) sur la lucarne dudit calinet, puis 6 fr. pour avoir fait deux douzaines d’armoiries (113). Un autre artiste fréquemment employé eit Georges Gresset, qui avait été nommé, en 1538, héraut d’armes de Lorraine à la place de Pierre Gringore, peintre succédant à un poète ; il touche 60 fr. de pension annuelle de 1548 à 1552 (114). Deux peintres qui travaillent d’habitude ensemble sont Médard Chuppin et Claude, ou Claudin Croq, ou Crock. Ils sont mentionnés comme peintres du duc Antoine en 1542 ; un mandement du 16 avril 1545 leur alloue 200 fr. pour faire le voyage d’Italie (115) en 1551, chacun reçoit 50 fr. de gages (116).
Comme sculpteur, on ne rencontre que Mansuy Gauvain, désigné d’habitude dans les comptes sous le nom de Mansuy l’imagier. A la fin du règne d’Antoine, il touchait tous les ans douze résaux de blé chez le cellerier de Nancy, puis, en 1544, on remplace ce don en nature par une pension de 30 fr. Il travaille au Palais ducal de Nancy, et aussi à l’église des Clarisses de Pont-à-Mousson, et l’on sait que l’une de ces clarisses était la duchesse Philippe de Gueldre (117). Sa pension est encore inscrite dans le compte de 1545 (118); il est sans doute mort peu après, car il devait/bien avoir trente ans au moins en 1505, quand il sculpta la Vierge de Bonsecours, et était donc largement septuagénaire au temps de la tutelle.
De même, on ne relève alors qu’un seul graveur employé par la cour, Philippe Ancelot, qui devait être fort occupé, nous ne savons à quoi, car, en 1548, il touche la grosse pension de 2.00 fr. (119).

CHAPITRE VIII
ORGANISATION MILITAIRE
I. Les troupes. - II. L’artillerie. - III. Les fortifications.

I

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, l’armée lorraine ne se rassemblait et ne s’organisait que si la guerre survenait ou menaçait. Dans l’intervalle des guerres, les obligations féodales suffisaient à assurer la sécurité indispensable : les milices bourgeoises gardaient les murs et les portes des villes, le droit de guet fournissait aux nombreux châteaux un minimum de garnison, et ceux qui étaient astreints à ce service se nommaient en Lorraine les droites-waites (120). Le duc n’avait auprès de lui qu’un petit nombre d’hommes d’armes qui constituaient à peine une garde du corps. Que la guerre éclatât, les vassaux marchaient avec des contingents d’importance variable, le duc soudoyait des bandes de mercenaires, lorrains ou étrangers, qu’il s’empressait, par motif d’économie, de licencier dès que les opérations étaient terminées. Pendant des siècles, ce système - il serait plus exact de dire cette absence de système - avait suffi à tous les besoins.
Au XVIe siècle, il faut bien y renoncer. La Lorraine est entourée de voisins puissants, le roi de France et l’empereur, celui-ci plus redoutable assurément comme souverain des Pays-Bas que comme chef du Saint-Empire romain. Il faut être toujours en état de repousser une attaque brusquée. Puis, l’apparition du canon et de l’arquebuse fait ressortir l’insuffisance des soldats improvisés et l’urgence d’avoir des soldats de métier. L’armée permanente paraît en Lorraine, comme elle avait paru en France un siècle plus tôt. Et ce changement s’esquisse quand Chrétienne et Nicolas gouvernent la Lorraine.
La cavalerie est toujours une fraction importante de l’armée ; elle est composée de nobles, qui ne veulent se battre qu’à cheval, et de mercenaires allemands qu’on appelle ou bien reîtres, ou bien einspenigknecht. En 1549, les tuteurs engagent parmi ces derniers un certain Léonard de Hilbrenges et lui donnent tous les ans 40 fr. en argent, 12 quartes de froment, 20 quartes d’avoine (121). Outre la lance, qui est toujours en usage, les cavaliers commencent à employer les armes à feu ; on voit paraître les pistoliers et les arquebusiers à cheval.
L’infanterie, si peu considérée au moyen âge, a maintenant une place importante dans les guerres. On distingue deux catégories de fantassins : les hommes jeunes et vigoureux qui font campagne, livrent bataille, assiègent les places, et qu’on appelle généralement les soudards ; les hommes plus âgés ou moins forts, qui supporteraient mal la fatigue et qui tiennent garnison dans les forteresses ; leur solde est moins élevée, d’où le nom de mortes-payes qui leur est attribué (122). Une partie de ces mortes-payes, sous les ordres du capitaine Odet de Rouillac, étaient casernés à La Mothe, place importante et très exposée, parce qu’à l’extrême frontière. En 1546, quand la paix règne encore, ils ne sont que 25, payés environ 7 fr. par mois et par homme (123) ; mais en 1551 où la guerre menace, ils doivent être plus de 50, si la solde est toujours la même, car ils coûtent 4.500 fr. (124). En 1545, on voit des mortes-payes à Châtel-sur-Moselle, en plein centre de la Lorraine ; ils ne sont pas nombreux, car ils ne touchent que 102 fr. de solde annuelle (125). Il y a enfin des mortes-payes à Nancy en 1551 et 1552, et une taxe spéciale est établie pour payer leur solde (126) ; ils ne sont que 24, à peine de quoi assurer la garde des portes (127), mais, nous le dirons plus loin, en raison de la gravité des événements, ils sont renforcés par de nombreuses troupes de première ligne. Cette institution des mortes-payes se maintiendra en Lorraine au moins jusqu’en 1660 (128).
En tête des troupes de campagne se place la garde du corps du duc, dont les soldats sont encore dénommés archers, bien que l’arc fût alors remplacé par l’arquebuse. En 1545, ils ont pour capitaine Jean de Pérulle, seigneur d’Ajoncourt ; la dépense annuelle est de 200 fr. pour le capitaine, de 6.120 fr. pour les archers (129). En 1551, la garde se compose de 42 archers, y compris deux trompettes, payés chacun 15 fr. par mois (130). En 1553, lorsque Chrétienne vient de quitter la Lorraine, la garde a pour capitaine le sieur Dolant, pour lieutenant Jacob Goldey ; le nombre des archers est réduit à 33, le trompette compris, mais la dépense annuelle est bien accrue : 600 fr. pour le capitaine, 300 fr. pour le lieutenant, 9.397 pour les archers (131). Ces archers sont probablement tous des Lorrains, mais à côté d’eux figure une garde suisse, l’emploi de soldats suisses par la cour de Lorraine étant traditionnel depuis la bataille de 1477. Garde peu nombreuse, 6 hommes seulement en 1545, qui touchent chacun 15 fr. par mois, ce qui fait une dépense annuelle de 1.080 fr. (132).
Tout de suite après la garde du corps ducale, il faut placer la compagnie du prévôt des maréchaux, sorte de gendarmerie qui est, elle aussi, une troupe d’élite, et qui a de bonne heure un caractère permanent. Ces hommes touchent 20 fr. par mois, plus que ceux de la garde ducale, sans doute parce qu’ils sont montés ; ils sont au nombre de 13 de janvier à mars 1552 ; en avril, au moment où la situation du pays va s’aggraver, leur chiffre est porté à 21 et se maintiendra pendant toute l’année 1553 (133).
Nous arrivons à ce qu’on peut appeler l’infanterie de ligne. Les soldats, piquiers et arquebusiers, se groupaient en compagnies, dont l’effectif paraît avoir été variable et qui étaient commandées par des capitaines. Les compagnies elles-mêmes étaient réunies en formations plus importantes appelées enseignes, et dont les chefs avaient aussi le nom de capitaines. Le régiment et le grade de colonel ne paraîtront que plus tard, à la fin du XVIe siècle. Un document du règne d’Antoine nous apprend que l’effectif normal d’une enseigne d’infanterie était alors de 500 hommes : en 1526, ce duc, l’archevêque de Trèves et le comte palatin avaient convenu de se secourir mutuellement si leurs sujets se révoltaient comme les Rustauds de l’année précédente, et d’envoyer à celui des trois où l’insurrection éclaterait une ou deux enseignes, dont chacune serait de 500 hommes bien équipés (134). Au milieu du XVIe siècle, l’enseigne paraît réduite à 300 soldats.
C’est surtout dans les dernières années de la tutelle à deux, en 1551 et 1552, que des troupes sont mises sur pied, parce qu’alors le danger devient pressant pour les duchés. Il a paru nécessaire d’occuper fortement le château de Goin qui relève de la Lorraine, mais forme une enclave dans le sud du Pays messin. En 1551, il en coûte 4.003 fr. pour les gages du capitaine de Goin, le sieur d’Autrey, la solde de la garnison et les travaux de renforcement du château (135). Stenay, sur la Meuse, est également une position importante que, dans les guerres précédentes, se sont disputée empereur, roi de France, duc de Lorraine ; en juillet 1551, Stenay reçoit une garnison de 50 hommes sous les ordres d’Henri de Housse ; en septembre, cette garnison s’élève à 300 hommes, puis en octobre on lui envoie encore 150 hommes de renfort (136). Il n’est pas question de garnison à Nancy en cette année 1551 ; les tuteurs ont pensé d’abord à munir les places frontières.
En 1552, les Lorrains continuent à occuper Goin et à s’y fortifier (137). La Mothe est très menacée, en raison de sa situation sur la frontière de Champagne. Aux 50 mortes-payes qui gardent la place habituellement s’ajoutent, en juillet, 200 soudards qui sont renforcés progressivement jusqu’à être 400 en décembre (138). Mais, fait nouveau, c’est Nancy surtout dont la défense s’impose. Le comte de Vaudémont prend pour lieutenant Claude d’Haussonville, qui touche 200 fr. par mois de solde à partir de mai 1552 (139) et qui commande à Nancy. Des commissions sont délivrées pour lever des troupes qui tiendront garnison dans cette capitale : les 25 février et 12 mars, à Georges Zorn de Boulach ; les 27 février, 22 mars et 19 avril, au sieur de Thon ; le 16 mai, au sieur de Mitry; le 18 mai, au sieur de Chambley ; le 19 août, au sieur de Melay ; le 26 octobre, à trois capitaines de lansquenets qui ne sont pas nommés ; deux commissions sans date sont encore données au sieur de Thon pour lever une enseigne, et à Jacques Reynette, capitaine de Spitzemberg, pour recruter des Allemands (140). De sorte que, quand tous ces enrôlements sont achevés, on voit à Nancy quatre enseignes de gens de pied, tant Lorrains qu’Allemands, commandés par les sieurs de Brumbach, de Rosne, de Thon, de Melay, et la solde de ces quatre enseignes pour 1552 se monte à 96.363 fr. (141). Stenay a toujours une garnison qui coûte 9.600 fr. dans les quatre premiers mois de 1552 (142) ; à la frontière du Luxembourg, Longwy en a une de 200 hommes commandée par le sieur de Watronville, et qui coûte 1.800 fr. par mois (143). On voit que la Lorraine a donné un effort sérieux et consenti une grosse dépense pour maintenir, autant que faire se pouvait, sa neutralité et son indépendance entre ces puissants belligérants, le roi Henri II et l’empereur Charles-Quint. Il est vraisemblable que, des troupes levées alors, une portion fut maintenue sous les armes, donnant ainsi au pays un premier embryon d’armée permanente.
Nous ignorons si ces troupes avaient un service d’intendance ; les dépenses qu’elles occasionnent sont inscrites dans les comptes des trésoriers généraux de Lorraine et des receveurs des prévôtés. Mais nous savons qu’un service médical était assuré. En 1553, diverses sommes sont payées à Jean de Digeon et à Jean Dubois, chirurgiens, pour avoir soigné des soldats blessés et aussi des hommes et des femmes victimes d’accidents en travaillant aux fortifications (144).
Sous quel drapeau marchaient ces soldats ? La Lorraine du XVIe siècle avait un écusson bien connu : d’or à la bande de gueules, chargée de 3 alérions d’argent, mais elle n’avait pas de drapeau national commun à toute l’armée ; chaque corps se donnait l’étendard qui lui convenait, ou plutôt qui convenait à son chef. Si quelques-uns de ces étendards reproduisaient les couleurs de l’écu lorrain, d’autres en avaient de tout à fait différentes (145). Ainsi, en 1552, le trésor paye 60 fr. à Joachim des Fours, marchand à Nancy, pour 24 aunes de taffetas blanc, bleu et jaune qui serviront à faire un drapeau aux soldats du capitaine Brumbach (146).

II

L’artillerie lorraine possédait, dès le XVe siècle, un arsenal à Nancy, mais insuffisant. Chrétienne et Nicolas élevèrent, sur le même emplacement, semble-t-il, des constructions plus vastes, dont il reste encore quelques vestiges sur la place dite de l’Arsenal. Il n’y avait pas là seulement un dépôt de munitions, mais un ensemble d’ateliers pour confectionner de la poudre, fabriquer et réparer des armes de toutes sortes. L’arsenal de Nancy possédait des annexes dans les forges de Moyeuvre (cant. Thionville), d’Aulnois-en-Barrois (cant. Ancerville), de Mangiennes (cant. Spincourt) (147).
Le chef de cet établissement et de l’arme avait le titre de capitaine de l’artillerie, ce terme de capitaine ayant un sens beaucoup plus large et moins modeste qu’aujourd’hui. Sa solde était de 100 fr. par an (148). Jean de Harange, seigneur de Mérauvaux, avait été nommé à ce poste le 28 avril 1542 (149). Le 13 novembre 1551, il eut pour successeur son beau-frère, Jean de Ludres (150). Les canonniers placés sous ses ordres sont au nombre de 43 dans le premier semestre de 1552, de 47 dans le second (151). Indépendamment de ces soldats, l’arsenal a un personnel non militaire : un contrôleur de l’artillerie qui est un tabellion de Nancy, des charpentiers, fondeurs, forgerons, charrons, salpêtriers (152). Le capitaine de l’artillerie commande ces soldats et ces ouvriers, mais son activité ne se limite pas à Nancy, elle s’étend sur l’ensemble des deux duchés ; ainsi, en 1542, Jean de Harange, à peine installé dans ses fonctions, va à La Mothe visiter la forteresse et s’enquérir de ce qu’il faut y mettre d’artillerie et de munitions (153). En 1546, deux canonniers sont envoyés à Longwy pour vérifier l’état des pièces disposées sur les remparts (154).
De cet arsenal de Nancy sort un matériel des plus variés. En 1549, maître François Balthasar, fondeur, coule deux gros canons pesant 5.250 et 5.700 livres et un fauconneau moyen du poids de 425 livres (155). On fabrique des crapauds, sortes d’affûts bas, des chariots d’orgues, mitrailleuse primitive composée de plusieurs canons d’arquebuse qu’on enflamme tous à la fois et qui sert à défendre les brèches. Et il semble que cet engin soit une spécialité de l’arsenal de Nancy, car en 1547, il en envoie un au duc Claude de Guise, à Joinville (156).
Pour tous ces travaux, l’arsenal trouve à peu de distance la plupart des matières premières indispensables. Le fer est abondant en Lorraine. Le plomb et le cuivre viennent des mines que le duc possède dans les Vosges ; ainsi, en 1546, on en tire 1.487, puis 5.517 livres de cuivre et 9.055 livres de plomb (157). Les fourneaux et forges sont chauffés avec du bois et surtout du charbon de bois qui est amené en grandes quantités à l’arsenal ; il reçoit en outre des bois de bonne qualité,, frêne et orme principalement, pour faire les affûts des canons et les crosses des arquebuses. La’ fabrication de la poudre se pratique aussi à l’arsenal de Nancy ; double imprudence, puisque les ateliers qui produisent l’explosif sont à peu de distance d’ateliers où le feu est constamment allumé, et puisque cette masse de poudre est au milieu d’une ville à population très dense. Le soufre qui entre dans sa composition est demandé à un marchand de Saint-Nicolas-de-Port, Nicolas Husson, qui, en 1545, en fournit 4.580 livres au prix de 458 fr. (158). Le salpêtre est acheté à des salpêtriers qui travaillent dans toutes les parties des deux duchés, et, en 1549, les achats se montent à 554 fr. (159). Tous ces chiffres donnent l’idée d’une assez grande activité industrielle.
Voici du reste le chiffre total des dépenses de l’artillerie pour quelques-unes des années de la tutelle, en laissant de côté les gros et les deniers qui sont scrupuleusement notés dans les registres de comptes :
1546 personnel 1.075 francs B 1.080, fol. 231.
matériel 3.530 » 245.
1547 personnel 1.010 francs B 1081, fol. 226 v°
matériel 1.374 » 236 v°.
1548 personnel 1.100 francs B 1.085, fol. 227.
matériel 1.394 » 236.
1549 personnel 1.122 francs B 1.087, fol. 222 v°.
matériel 1.763 » 233.
Les dépenses pour le personnel sont donc à peu près stables, tandis que celles pour le matériel ont d’assez fortes fluctuations.
Notons en passant qu’outre son usage guerrier habituel, l’artillerie du duc a tous les ans un emploi bien pacifique : elle tire des salves la veille de la fête des Rois, c’est-à-dire au jour anniversaire de la bataille de Nancy (160).
Pour clore ce tableau de l’artillerie lorraine pendant la minorité de Charles III, nous résumerons brièvement l’inventaire, dressé en 1552, des armes à feu et des munitions qui garnissaient le château de Boulay : 30 arquebuses à croc, une demi-serpentine, deux couleuvrines, un mortier, un demi-courtaut, trois pièces d’artillerie dont la nature n’est pas spécifiée, trois caques de poudre, des boulets de fer (161).

III

Nous avons dit qu’en Lorraine, au milieu du XVIe siècle, l’armée féodale se change peu à peu en armée de métier. De même, en ce temps, l’ancienne fortification avec tours, barbacanes, mâchicoulis, et autres dispositifs imaginés pour résister aux béliers et aux catapultes, commence à faire place à une fortification nouvelle, courtines et bastions, propre à tenir contre l’artillerie. De là, pour les gouvernants, deux tâches bien dissemblables : entretenir les châteaux et villes remparées des âges précédents qui n’ont plus grande valeur militaire ; établir dans les sites les plus favorables et les plus menacés des ouvrages du nouveau modèle.
Les travaux de la première catégorie ne sont qu’à moitié des travaux militaires, car les châteaux sont des habitations autant que des forteresses, et les documents relatifs à leur entretien marquent rarement si c’est aux appartements ou aux murailles que se font les réparations. Aussi ces travaux sont-ils dirigés par les maîtres d’oeuvre ordinaires des deux duchés. Mais, à la tête du service des fortifications, tant nouvelles qu’anciennes, est un petit état-major administratif ainsi composé en 1553 : Georges Briseur, contrôleur général, 400 fr. de gages annuels ; Laurent Courcol, payeur, 300 fr. ; Jean de Paris, maître des ouvrages du duché de Lorraine, 200 fr. ; Jean Barnet, clerc, 100 fr. ; Didier Gabriel, gruyer de Nancy, qui a touché 60 fr. pour avoir fait charroyer les fagots nécessaires aux fortifications dudit Nancy. En tout une dépense annuelle de 1.060 fr. qui chiffre l’importance de ces travaux (162).
Des réparations sont faites : en 1545 aux châteaux de Deneuvre et d’Hattonchâtel (163) ; en 1546, à celui d’Einville (164) ; en 1547, à celui de Neufchâteau (165) ; en 1548, à ceux de Darney, de Sarreguemines, de Saint-Dié, de Châtenois, de Condé-sur-Moselle, de Vaudémont et de Vézelise (166), et pour cette dernière ville, il s’agit bien de travaux militaires, car en même temps on y envoie 30 arquebuses à croc, 6, caques de poudre et 24 boulets (167) ; en 1549, aux châteaux et villes de Bruyères et Dieuze, aux châteaux de Schaumbourg et de Souilly (168) ; en 1551, de nouveau au château de Châtenois, à la ville de Dompaire où il y a plusieurs brèches aux murs, de nouveau au château et à la ville de Darney (169) ; en 1552, aux quatre tours du château d’Einville, au château d’Albe (170) ; en 1553, de nouveau à Dompaire (171).
Suffisants pour entretenir les anciennes fortifications, les maîtres d’œuvre ou maîtres maçons n’étaient pas en état de construire ces enceintes bastionnées, maintenant nécessaires, dont le tracé exigeait de sérieuses connaissances mathématiques. Au XVIe siècle, les Italiens s’étaient acquis une grande renommée comme ingénieurs militaires et, après avoir fortifié les villes de la péninsule, ils allaient mettre leurs talents au service de princes étrangers. On en voit trois employés en Lorraine par les tuteurs. Le premier en date paraît être Ambrosio Precipiano, que les documents lorrains appellent quelquefois Principiano. Il était au service de Charles-Quint, pour lequel il avait fortifié diverses places de la Franche-Comté, Dôle en 1541 et années suivantes, Gray en 1551 et années suivantes (172). L’empereur le prêta volontiers à sa nièce et on le voit, à la fin de 1545, vaquant pendant trois ou quatre semaines à la visite de places fortes lorraines, entre autres Nancy et La Mothe. Il en coûte un millier de francs, tant pour ses honoraires que pour ses frais de voyage et ceux de ses gens (173). En 1547, il revient à La Mothe, va en outre à Pont-à-Mousson et reçoit 50 écus valant 168 fr. 9 gr. (174).
Concurremment à Precipiano, on voit en 1545 un autre Italien, Balthasar Paduano, qualifié « ingénieur et fortificateur ». Il reçoit 50 écus d’or pour les dépenses qu’il a faites à venir d’Italie en Lorraine, auquel voyage il a perdu un cheval, puis 200 ducats d’or, soit 750 fr. d’honoraires (175). Nous ne savons pas quelles places il a visitées.
Un peu plus tard paraît un troisième technicien, Antonio de Bergamo. Il semble que c’est lui qui, dans le compte de 1548, est dénommé « l’ingénieur d’Italie » ou « le fortificateur d’Italie » ; il reçoit 50 écus pour son voyage d’Italie à Nancy et pour deux mois de gages ; en outre le duc paye 74 fr. à l’hôtellerie du Chapeau-Rouge pour la dépense qu’il y a faite du 21 avril au 23 mai (176). Ailleurs, dans ce même compte et dans les suivants, il est nommé, mais son nom est souvent francisé en Antoine de Bergne. Il reçoit 800 fr. de gages à dater de 1549 (177). C’est aux fortifications de Nancy qu’il travaille et il y est encore employé en 1567 (178). Il paraît être mort peu après, car en 1569, le duc paye à diverses personnes les dettes qu’a laissées feu Antonio de Bergamo (179).
Ces ingénieurs firent de bonne besogne. Ils fortifièrent à la moderne les places frontières des deux duchés. De ces places, la principale, malgré son peu d’étendue, était La Mothe, dans le sud du duché de Bar (180). Construite sur une colline isolée, aux pentes très abruptes, elle était fort difficile à attaquer, et, d’autre part, sa situation à la frontière de Champagne permettait à la garnison de faire des incursions dans cette province. Il est probable qu’on entreprit de la renforcer dès le début de la tutelle et François Ier vieilli, fatigué, n’y mit pas obstacle. Il en alla autrement avec son successeur, jeune, actif et d’esprit très militaire : peu après son avènement, qui est de mars 1547, Henri II parcourut les frontières de son royaume pour en inspecter les places fortes. Quand il arriva à Joinville, il apprit que Chrétienne, nièce de son ennemi Charles-Quint, faisait de grands travaux à La Mothe. Il eut une entrevue avec elle, en juin 1548, et en obtint la promesse de laisser les choses en l’état jusqu’à la majorité de Charles III, qui venait d’avoir cinq ans (181). L’engagement ne fut pas tenu et, après une courte interruption, la duchesse fit reprendre le travail : en 1551, elle verse 2.800 fr. pour les fortifications de la place et donne en outre 217 fr. au concierge de l’arsenal de Nancy pour mener à La Mothe des munitions d’artillerie (182). En 1552, elle consacre encore 2.100 fr. à cette forteresse (183). Les ingénieurs italiens avaient eu le temps d’y élever au moins deux bastions derrière l’église, à l’une des extrémités de la ville. L’un fut nommé bastion de Danemark, l’autre bastion de Vaudémont, les noms des deux tuteurs se trouvant ainsi réunis au même point de la ville et attribués à des ouvrages d’égale importance (184).
La place de Stenay n’était pas moins utile ; elle barrait le cours de la Meuse et couvrait le Barrois au nord comme La Mothe au sud. Les tuteurs affectèrent
6.000 fr. à son renforcement (185). Nous avons dit plus haut qu’une garnison lorraine occupait le château de Goin, à la limite de la Lorraine et du Pays messin ; des travaux furent entrepris en 1551 pour le renforcer et 4.003 fr. inscrits pour payer à la fois ces travaux et la solde de la garnison (186). Enfin, Chrétienne eut le désir de fortifier Blâmont à qui elle s’intéressait spécialement, parce que c’était le chef-lieu de son douaire, et qui du reste défendait l’entrée de la Lorraine du côté des Vosges et de l’Alsace ; en 1548, elle y envoya un ingénieur italien qui fut occupé quatorze jours à dresser le plan de nouvelles fortifications autour de la ville et du château (187).
Mais c’est surtout à Nancy que les tuteurs exécutèrent de grands travaux pour augmenter la force de résistance de la place. Dans un petit pays comme la Lorraine, qui pouvait aisément être envahi de tous les côtés, il importait en effet de sauvegarder la capitale, on l’avait bien vu au siècle précédent dans les guerres contre la Bourgogne. Et c’était une tâche assez facile, en raison de son peu d’étendue. Nancy était alors un rectangle assez régulier, mesurant à peu près 700 mètres du nord au sud, 400 mètres de l’est à l’ouest ; ses murailles avaient donc 2.200 mètres de pourtour. La population était en rapport avec cette faible surface. Une taxe de trois gros par mois et par conduit fut perçue en 1552 sur les habitants pour solder les mortes-payes qui y tenaient garnison, et le rôle de répartition de cette taxe a été conservé (188). D’après ce rôle, le nombre des habitants contribuables a été fixé à 5.220 par Lepage (189), à 5.436 par Pfister (190), plus les habitants qui ne payaient pas d’impôts et qui, d’après Pfister, portaient la population totale à 7.000 personnes. Donc petite ville, avec une population très agglomérée, comme dans toutes les places fortes, mais restreinte, moins que Dombasle-sur-Meurthe actuellement. L’enceinte était restée la même qui avait subi trois sièges à la fin du XVe siècle, une muraille élevée, sans terrassements, précédée d’un fossé, garnie d’un petit nombre de tours, et dans laquelle étaient percées deux portes et deux poternes. Il fallait faire mieux, en raison des progrès de l’artillerie ; il fallait aussi faire vite, car la situation était menaçante. Refaire complètement cette enceinte eût demandé beaucoup de temps et d’argent ; c’est pourquoi cet ingénieur italien, Antoine de Bergame, dont nous avons parlé, se contenta d’ajouter aux murailles deux bastions aux points les plus exposés. Ces bastions reçurent les noms des deux tuteurs ; ils n’étaient pas tout près l’un ds l’autre, comme ceux qu’au même temps on avait élevés à La Mothe, mais aux deux extrémités de la cité : le bastion de Danemark était à l’angle nord-ouest du rectangle, vers la porte Désilles, le bastion de Vaudémont à l’angle sud-est, vers le théâtre actuel. Ce sont, les premiers bastions qu’ait eus Nancy. Plus tard fut construit, derrière le Palais Ducal, le bastion des Dames, mais il appartient à la seconde période de la minorité de Charles III, celle où Nicolas de Vaudémont gouvernait seul (191). En 1552, année où le travail était très actif, la dépense pour ces fortifications se monta à 48.835 fr. 6 gr. (192).
De façon heureuse, les tuteurs lièrent ce renforcement des remparts de Nancy à une très utile opération d’urbanisme, et il nous semble que le mérite en revient surtout à la duchesse qui avait le sens de la grandeur et le goût du luxe. La ville de cette époque n’avait que trois places fort petites, la place des Dames, la place Saint-Evre et la place Notre-Dame, appelée aujourd’hui place de l’Arsenal. C’était sans doute suffisant pour la petite ville qu’était alors Nancy, ce ne l’était pas pour une capitale où résidait habituellement une cour somptueuse. Aucun cortège ne pouvait se déployer sur ces places ; elles ne se prêtaient non plus à aucun de ces divertissements chevaleresques si fort en vogue. Il fallait ménager à l’intérieur des remparts un espace plus spacieux. Or, les maisons de la rue de la Boudière - la portion de la Grande-Rue actuelle qui va de la rue des Maréchaux à la petite Carrière - s’appuyaient à la muraille qui fermait la ville du côté est ; les habitants s’étaient accoutumés à considérer cette muraille comme leur propriété et y avaient percé des fenêtres, ce qui n’eût pas facilité la défense dans le cas d’un nouveau siège. Il fallait mettre fin à ces abus. C’est pourquoi, lorsque fut décidé le bastion de Vaudémont, il s’éleva à quelque distance en avant des murs auxquels il fut ensuite raccordé. La courtine qui, sur le front est, partit de ce bastion pour le joindre au futur bastion des Dames, était à environ 140 mètres en avant de l’ancien mur et l’espace intermédiaire resta libre de toute construction et fut appelé la rue Neuve, plus tard la place de la Carrière, parce qu’il servit aux joutes, jeux de bagues et autres exercices équestres. Nancy doit ainsi à Chrétienne de Danemark un peu de son aspect actuel. C’est elle qui a commencé à en faire une cité aérée, alignée et monumentale.
Enfin, elle sut dans cette opération se procurer des ressources. Elle abandonna aux propriétaires de la rue de la Boudière la portion de muraille qui s’étendait derrière leurs maisons respectives, en leur permettant d’y bâtir comme il leur conviendrait, mais à l’alignement sur la nouvelle place ; elle se réserva les pierres de l’ancienne muraille qui devaient servir à édifier la nouvelle, et imposa aux propriétaires un payement collectif de 10.000 fr. pour prix de l’accroissement de terrain qui leur était ainsi accordé. Et avec une prudence justifiée, elle stipula qu’aucune ouverture ne pourrait plus être faite dans l’ancienne muraille avant que la nouvelle ne fût achevée (193).

CHAPITRE IX
RELATIONS EXTÉRIEURES
I. Relations avec les petits Etats voisins. - II. Relations avec l’Empire. - III. Relations avec la France.

I

Du côté du nord, le duché de Lorraine était limitrophe du temporel de Trèves, et au spirituel l’archidiocèse de Trêves s’étendait sur quelques portions des duchés de Lorraine et de Bar ; enfin, diverses localités étaient contestées ou indivises entre le duc et l’archevêque. Par suite, il y avait entre ces deux princes des rapports fréquents et qui ne paraissent pas avoir été difficiles. En 1545, du côté de Schaumbourg, qui est à l’extrême nord de la Lorraine, sont dressées des bornes pour séparer les territoires lorrains et trévirois (194). En 1546, le bailli d’Allemagne et le prévôt de Sierck vont à Mertzig à une journée avec les officiers de l’archevêque pour régler un différend au sujet de l’abbaye de Fraulautern (195) . En 1549, les mêmes personnages ont une journée à Saint-Avold pour discuter à qui appartient le village de Tholey (196) ; l’affaire ne fut pas liquidée cette fois, car on y revint en 1585 (197). La même année 1549, un nouveau différend se produit au sujet de Schaumbourg (198). Rien de grave dans tout cela, mais seulement l’occasion de tenir des « journées », c’est-à-dire des conférences où l’on parlait et banquetait, mais où l’on ne décidait pas grand’chose, ces questions de limites n’ayant rien d’urgent.
Mêmes bonnes relations des tuteurs avec les princes laïques, bien que plusieurs de ceux-ci fussent luthériens, donc séparés de croyances. En 1545, on place des bornes entre les terres du duc et celles du comte de Nassau-Sarrebruck (199). En 1549, Adam de Pallant, bailli d’Allemagne, et le prévôt de Sierck vont à Simmern à une journée amiable où, par devant le duc Jean de Bavière, on discute avec le chevalier de Helmstat, nous ne savons sur quoi (200). En 1551, un comte palatin, peut-être le beau-frère de Chrétienne, vient à Nancy « au gras temps », c’est-à-dire dans la première moitié de février, et pour le distraire est construit à Saurupt un bastillon, sorte de fort provisoire, qui servira à des exercices guerriers (201).
Les négociations avec les Trois Evêchés sont naturellement plus fréquentes et plus complexes, et, ici, il faut distinguer celles qui se pratiquent avec les évêques et celles qui s’engagent directement avec les villes épiscopales, sortes de républiques ne dépendant plus que pour la forme des évêques. Le plus important des Trois Evêchés était celui de Metz : l’évêque possédait un temporel considérable enclavé dans le duché de Lorraine et la ville de Metz était puissante à la fois par ses milices bourgeoises et par ses richesses. Et c’est avec la ville que nous voyons le gouvernement lorrain en difficulté dès novembre et décembre 1545. Un bourgeois de Metz, Mengin Bocquet, a été arrêté en Lorraine. Sa ville intervient en sa faveur, ce qui est naturel, mais aussi le chapitre de Toul, pour des raisons qui nous échappent, car nous ne possédons que de brèves mentions de cette affaire. Des tractations au sujet de cet emprisonnement s’engagèrent à Dieulouard et se continuèrent à Nomeny, puis à Saint-Dizier-lès-Nancy ; elles mirent en mouvement des gens d’importance, les Treize de Metz, le bailli de Nancy, le procureur général de Lorraine ; nous ignorons quel en fut le dénouement (202).
A cette date, les rapports de la Lorraine avec l’évêché et la ville de Metz étaient compliqués par le fait que l’un des tuteurs, Nicolas, était évêque élu, mais non institué de Metz. Cette situation ambiguë ne dura pas, puisque Nicolas renonça à son évêché dans les premiers mois de 1548 (203), et dès lors ne fut plus partagé entre ses devoirs opposés d’évêque et de tuteur. Quelques mois après, Charles-Quint charge sa nièce, Chrétienne, d’arranger les différends qui se sont élevés entre Nicolas et les magistrats messins au sujet de la juridiction ecclésiastique dans la cité ; il lui donne la mission flatteuse de ménager une transaction équitable après avoir pris l’avis de personnes idoines (204). L’année suivante, le cardinal Jean de Lorraine, qui est redevenu évêque de Metz, et les tuteurs, qui sont ses neveu et nièce, décident de négocier pour régler les différends qui ont surgi entre leurs Etats. L’évêque délègue l’abbé de Bouzonville et le sieur Du Puy du Fou, bailli de l’évêché ; les tuteurs choisissent comme plénipotentiaires les sieurs de Savigny et de Neuflotte ; ces quatre personnages devront se réunir, discuter et arranger les affaires pendantes, évêque et tuteurs promettant d’accepter ce qu’ils auront établi (205).
Avec Toul, les rapports sont assez amicaux, sauf quand, en 1546, les tuteurs veulent faire contribuer l’évêque et le chapitre aux dépenses des fortifications qu’ils élèvent en Lorraine, d’où un conflit que nous avons exposé en traitant des affaires religieuses, et qui fut assez vite pacifié. La ville de Toul était depuis longtemps sous la protection des ducs de Lorraine, et ceux-ci, à leur première entrée à Toul, devaient prêter serment de respecter et même de défendre les franchises et libertés des citadins, ceux-ci leur promettant en retour bonne fidélité. Ce double engagement avait été pris en dernier lieu par le duc Antoine, le 30 janvier 1509 (206). Mais Toul était aussi, depuis le mois de novembre 1300, en la garde du roi de France et il était à prévoir que, de ces deux protecteurs, le plus fort évincerait le plus faible. Henri II était devenu roi le 31 mars 1547 ; dès le mois d’août, il expédiait les lettres par lesquelles il prenait Toul en sa garde, à l’exemple de ses prédécesseurs (207). Cette hâte était significative.
A Verdun, au début, même situation qu’à Metz : Nicolas de Lorraine était administrateur perpétuel de l’évêché. Le cardinal Jean de Lorraine avait été jadis évêque de Verdun et son frère, le duc Antoine, lui avait prêté, pour les besoins de cet évêché, la grosse somme de 120.000 francs. La dette n’avait jamais été remboursée et Nicolas était, plus encore que son oncle, hors d’état de l’éteindre. C’est pourquoi, le 14 décembre 1546, il passa avec sa cotutrice, Chrétienne, une convention par laquelle il cédait à la Lorraine la châtellenie d’Hattonchâtel (208), composée d’une vingtaine de villages et qui avait été jusqu’alors une possession des évêques de Verdun. L’évêché, disait-il, était trop pauvre pour assurer la défense du château-fort d’Hattonchâtel dans les temps difficiles où l’on vivait. Comme la valeur de cette châtellenie excédait celle du prêt fait au cardinal Jean, la Lorraine, en contre-échange, abandonnait à l’évêché la terre de Rembercourt-aux-Pots (209), Le 16 décembre, le cardinal Jean ratifia cet échange et pria le chapitre cathédral de Verdun d’y consentir également (210). L’acquisition était si importante que, peu après, la Lorraine établit à Hattonchâtel un bailliage. Quelques années se passent. Nicolas de Lorraine est sorti du clergé, le cardinal Jean est mort, Verdun a depuis 1548 un nouvel évêque, Nicolas Pseaume, qui, dès le début de son épiscopat, entre en lutte avec les magistrats de Verdun à propos de droits qu’ils ont usurpés au préjudice de l’évêché. Pseaume, qui avait été religieux prémontré avant d’être élevé à l’épiscopat, qui, de plus, était fils d’un simple paysan, avait plus d’attrait pour le côté spirituel de ses fonctions que pour ses attributions temporelles ; il songea à mettre fin à cette lutte déplaisante en cédant au duc de Lorraine le temporel de son évêché. Il fit plus que d’y songer ; il entama à cet effet des négociations dont Charles-Quint eut connaissance ; le 21 octobre 1550, celui-ci écrivit à sa sœur Marie, gouvernante des Pays-Bas, de s’opposer à cette entreprise, « pour l’intérest qu’avec le temps mes affaires en pourroient avoir ». Comme Chrétienne et Nicolas étaient alors à Augsbourg pour une diète qu’il présidait, l’empereur put les avertir directement qu’il ne donnerait jamais son consentement à cette opération, et obtenir aussitôt leur désistement. Il fit aviser Pseaume qu’il ne lui permettrait pas de disposer de son temporel en faveur de qui que ce fût (211). Un an et demi plus tard, Henri II devait en disposer sans sa permission.

II

Les relations avec les petits états limitrophes ou enclavés dans la Lorraine étaient en somme de peu de conséquence. La grande politique se faisait avec ces deux puissants voisins, l’empereur et le roi de France, étant entendu que le premier était à la fois le chef du Saint-Empire et le souverain direct des Pays-Bas et de la Franche-Comté. Nous commencerons par celui-ci et finirons par les rapports avec le roi de France, puisque c’est de ce dernier que devait venir la tourmente qui mettra fin à la tutelle de Chrétienne de Danemark.
Les rapports de la Lorraine avec l’empereur étaient-ils facilités du fait que l’un des tuteurs, et de beaucoup le plus actif, Chrétienne, était apparenté à ce souverain ? Ils étaient plutôt compliqués par suite de l’obligation qui en résultait pour la nièce de servir toujours la politique de son oncle. Ce n’est pas sans raison qu’un historien belge, après avoir rapporté le mariage de Chrétienne avec François, écrira : La voilà donc « condamnée comme toutes ses pareilles au rôle de correspondante et d’espionne au profit de Charles-Quint » (212). Ce rôle, qu’elle joue avec zèle, lui vaut non seulement l’hostilité de la France, mais aussi la méfiance de son peuple, ou tout au moins de sa noblesse qui est la fraction de ce peuple seule agissante et douée de sens politique. Constamment, l’empereur et sa sœur, la gouvernante des Pays-Bas, envoient à Chrétienne des instructions sur ce qu’elle doit faire et la duchesse Jes suit dans la mesure où elle le peut, car elle rencontre de l’opposition dans son entourage : Nicolas de Lorraine penche d’habitude vers la France et, autant qu’on peut le savoir, car ses procès-verbaux n’ont pas été conservés, le Conseil ducal est partisan d’une stricte neutralité ; en 1551, Chrétienne se plaindra que personne dans ce Conseil ne soit favorable à l’empereur, sauf François de Bassompierre (213). Ce personnage était gentilhomme de la chambre de l’empereur et capitaine de sa garde allemande ; il manquait donc d’indépendance à son égard, mais son attachement à l’oncle ne l’avait pas empêché de faire une âpre opposition à la nièce aux Etats de 1545. Son petit-fils, le célèbre maréchal, indique que Charles-Quint avait envoyé François comme ambassadeur extraordinaire auprès de Chrétienne quand celle-ci devint veuve (214).
Outre Bassompierre, l’empereur et la reine de Hongrie eurent divers représentants successifs à la cour de Lorraine. Nous avons vu le rôle important joué, au début de la tutelle, par François Bonvalot, abbé de Luxeuil, que Charles-Quint avait chargé expressément de conseiller sa nièce. Arrivé en 1545, il resta à ce poste au moins pendant la moitié de 1546, nous l’avons dit précédemment (p. 70). Hugues de Villelume, sieur de Montbardon, vint aussi, dès le début de la tutelle, représenter l’oncle auprès de sa nièce, et celle-ci le nomma gouverneur du jeune Charles III (voir supra, p. 76). C’était un Français attaché au connétable de Bourbon et qui l’avait suivi dans sa défection. Le sieur de La Chapelle-Montmoreau, autre serviteur du connétable, était un transfuge comme lui et comme Montbardon ; Brantôme assure que l’empereur l’envoya comme ambassadeur auprès de Chrétienne, qu’il mourut à Nancy et y fut enterré en l’église des Corde’iiers « dans une petite chapelle à droite en entrant, ainsy que m’ont dict ses frères » (215). En 1552, la gouvernante des Pays-Bas envoie auprès de Chrétienne Jean d’Immerseele, seigneur de Bauldry (216). Et nous ne connaissons sans doute pas tous ces plénipotentiaires impériaux.
Du côté lorrain, il n’y a pas, semble-t-il, d’ambassadeur permanent ou temporaire, mais que de messages envoyés à tous propos et qui témoignent d’échanges de vues continuels ! Voici ceux que nous avons relevés parmi bien d’autres qui nous échappent : aussitôt après la mort de son mari (12 juin 1545), Chrétienne envoie à Worms le sieur de Barba pour en faire part à l’empereur. Un peu plus tard, en août ou septembre, Charles étant à Bruxelles, ce sont le sieur de Sellières, gentilhomme de l’hôtel du duc, puis François d’Auzécourt, chevaucheur d’écurie, qui vont le trouver (217). En octobre ou novembre, Nicolas de Semerécourt, autre chevaucheur d’écurie, va à Bruges se rencontrer avec Nicolas Perrenot de Granvelle, le principal ministre de Charles-Quint, et tout à la fin de 1545, ou dans les premiers jours de 1546, Jérôme Delcontz, trésorier de Chrétienne, reçoit 200 écus au soleil pour aller vers l’empereur, qui est’alors dans les Pays-Bas (218). En 1547, c’est toute une délégation qui est chargée de représenter la Lorraine devant l’empereur et les princes réunis en diète à Augsbourg : Pierre du Châtelet, abbé commendataire de Saint-Martin-devant-Metz, qui avait, deux ans auparavant, parlé au nom de Chrétienne devant les Etats de Neufchâteau, Adam, baron de Pallant, bailli d’Allemagne, Dominique Champenois, seigneur de La Neuvelotte ; Pallant est chargé de verser 1.200 et quelques francs au fisc impérial pour droit de reprises du duché de Lorraine et pour droit de sceau de lettres délivrées par l’empereur (219). En 1551, ce sont, d’abord Jean de Nydebourg, officier du duc à Siersberg, puis Claude de Villacourt, prévôt de Château-Salins, qui sont dépêchés en Allemagne (220) ; un peu plus tard, c’est une nouvelle délégation, composée de Louis des Masures, secrétaire de la duchesse, de François de Bassompierre, chef des finances et bailli de Vosges, du sénateur Bellon, qui va vers l’empereur en Allemagne et à qui on alloue 1.445 fr. de frais de route, preuve qu’ils sont allés loin trouver Charles (221).
Par l’entremise de tous ces ambassadeurs et messagers sont négociées et résolues les affaires les plus diverses. Quelques-unes dureront à peu près autant que la tutelle, d’autres seront réglées promptement et une fois pour toutes. Parmi les premières figure l’affaire de Stenay. Cette forteresse barroise, dont nous avons dit au chapitre précédent l’importance stratégique, avait été occupée par le roi François Ier en 1541 et restituée à la Lorraine par le traité de Crépy (18 septembre 1544). Mais dès 1545, la reine Marie de Hongrie propose à son frère d’occuper la place, assurant que Chrétienne n’est pas de force à la défendre si les Français essayent d’y rentrer. Charles-Quint repousse ce projet par trop sans gêne, mais demande que la garnison soit tenue de lui prêter serment comme duc de Luxembourg. Chrétienne, avisée de cette prétention, reconnaît que Stenay relève féodalement du Luxembourg, mais fait observer à son oncle qu’en lui donnant satisfaction elle fournira à la France un prétexte à envahir la Lorraine (222). Charles ne cesse pas pour autant de s’intéresser à Stenay, car, en 1546, Marie lui suggère que le capitaine, les bourgeois et soldats de Stenay, après avoir prêté serment au duc de Lorraine et Bar comme à leur prince immédiat, devront jurer fidélité à l’empereur comme duc de Luxembourg (223). Et quelques jours après, Bonvalot écrit de Nancy à l’empereur que des recherches ont été faites dans les archives lorraines, qu’on y a trouvé la preuve que Stenay (il écrit Astenay) est un fief du Luxembourg, que la garde de la ville a été assurée jusqu’à présent par les seuls bourgeois, que les tuteurs ont recommandé au bailli de Saint-Mihiel d’y résider habituellement, mais qu’il ne l’a pas fait, que les habitants s’efforcent de relever les murailles, mais que la tâche est au-dessus de leurs forces (224). Et sur ce dernier point, les tuteurs sont du même avis. puisqu’ils envoient, nous l’avons dit, un ingénieur italien pour rétablir les fortifications de Stenay. Mais cela ne suffit pas à rassurer l’empereur : le Clermontois, est proche de Stenay et le Parlement de Paris veut y étendre sa juridiction ; Charles voit là une menace pour la forteresse et écrit aux tuteurs de s’y opposer (225). Cette très petite ville donnf aux Impériaux de bien grands soucis.
La Chambre impériale de Spire est aussi l’occasion de rapports permanents entre la Lorraine et l’Empire. Créée en 1495 par Maximilien Ier, installée à Spire en 1530, elle cherche à réaliser l’unité judiciaire du Saint-Empire en recevant les appels des juridictions inférieures ; ses procédures sont rédigées en latin, de manière à l’affranchir des divers idiomes parlés dans ce vaste territoire. Le 20 octobre 1549, les tuteurs nomment pour les représenter à Spire, Michel de Gaden, docteur en droit, avocat en la Chambre impériale, et Nicolas de Lescut, licencié en droit, membre de leur Conseil (226). Ce dernier avait été, en 1542, un des négociateurs du traité de Nuremberg, qui modifiait les rapports de la Lorraine avec l’Empire, et, par suite, il était bien préparé à sa tâche. Malgré ces conditions favorables, les contestations étaient fréquentes. Déjà, en 1532, le duc Antoine avait réclamé contre les empiétements de la Chambre impériale (227). Vers 1547, les tuteurs se plaignent que cette Chambre réduise à rien leur pouvoir judiciaire en prétendant juger les affaires où l’une des parties lui fait appel, et, sans doute par égard pour sa nièce, Charles-Quint leur donne raison (228). Puis, si peu qu’on y recourût, la justice impériale coûtait cher : au seul terme de Noël 1548, le trésorier général verse à la Chambre de Spire 4.323 thalers, soit 10.822 fr. de Lorraine, et il paye encore 34 fr. 6 gr. à Hanus Bermand, marchand à Saint-Nicolas, qui se charge de faire parvenir cette somme de Nancy à Spire (229). Ajoutez-y les frais de route des agents lorrains qui vont constamment à Spire pour y défendre les intérêts de leur maître ; ainsi, Nicolas de Lescut qui, sachant l’allemand, - il a étudié à Heidelberg, - est d’ordinaire chargé de ces missions, touche 40 écus d’or en 1545, 144 fr. en 1546, 200 fr. en 1549 pour voyages à Spire et, ensuite, auprès de l’électeur palatin, beau-frère de Chrétienne (230). Pour finir, une grosse querelle : le 25 mars 1551, Michel de Gaden et Claude Mengin, agents du duc de Lorraine à Spire, protestent par écrit que les 5.606 florins qu’ils ont versés de la part de leur maître au fiscal de l’Empire, n’ont pas été demandés avec équité, que le duc n’en était pas redevable et ne les a payés que pour se soustraire aux menaces du susdit fiscal (231).
Voici maintenant, année par année, quelques affaires promptement réglées. En droit féodal strict, Charles III aurait dû, dès son avènement, aller rendre hommage à l’empereur et reprendre de lui les fiefs qui dépendaient de l’Empire, mais c’était un enfant de deux ans et demi. Aussitôt après les obsèques du duc François Ier, les tuteurs demandèrent à Charles-Quint d’ajourner la cérémonie de l’hommage au temps où le jeune prince serait en âge de le faire en personne. Il leur fut répondu qu’ils devaient faire eux-mêmes et sans délai cet acte que leur pupille réitérerait dès qu’il aurait l’âge. Par suite, en 1547, Nicolas, évêque de Metz, muni d’une procuration de Chrétienne de Danemark, alla faire hommage en leur nom à tous les deux (232). En 1549, après que l’évêque de Verdun eût cédé la châtellenie d’Hattonchâtel à la Lorraine, il fallut un nouvel hommage pour cette terre, et c’est encore Nicolas qui s’en chargea, muni d’une procuration de sa belle-sœur (233).
Cette année 1547 marque l’apogée de Charles-Quint ; il venait, le 24 avril, de battre à Muhlberg les princes luthériens d’Allemagne et, de novembre 1547 à février 1548, il tint à Augsbourg une diète où il put parler en vainqueur et imposer sa loi. Le traité de Nuremberg ayant à peu près mis la Lorraine en dehors de l’Empire, les tuteurs auraient pu se dispenser d’y assister ; ils y allèrent cependant, soit que Chrétienne tînt à rester en relations officielles et étroites avec l’Empire, soit qu’elle trouvât l’occasion bonne pour revoir cette reine de Hongrie qui l’avait élevée et qui accompagnait son frère à Augsbourg. Ils avaient chargé du gouvernement de la Lorraine en leur absence, le maréchal de Lorraine, les sénéchaux de Lorraine et de Bar, quatre baillis et les présidents des deux Chambres des comptes (234). Ils restèrent à peu près quatre mois à Augsbourg ; nous avons dit (p. 143) les fortes dépenses que ce séjour entraîna et (p. 69) l’accord qui fut conclu entre les deux tuteurs, par la médiation de l’empereur, pour régler leurs droits respectifs.
Quand elle s’était rendue de Bruxelles à Augsbourg, en novembre 1547, la reine de Hongrie était passée dans le nord de la Lorraine, à Vaudrevange, sur !a Sarre, où les tuteurs vinrent la joindre pour faire avec elle le reste du voyage ; ils avaient prescrit de chasser, d’acheter gélines et chapons pour la festoyer (235). Au retour, la reine fit un détour pour visiter sa nièce ; elle passa à Blâmont où des réparations furent faites au château pour la mieux recevoir (236) et arriva à Nancy où elle séjourna du 23 au 27 mars. Ces quatre ou cinq jours ne se passèrent pas uniquement en fêtes ; la reine eut des pourparlers avec des membres de la chevalerie lorraine qui faisaient de l’opposition à Chrétienne et tâcha d’arranger leurs différends ; d’autre part, le duc Claude de Guise était venu la saluer de la part du roi de France et, avec lui aussi, la reine négocia dans l’intérêt de la duchesse (237).
Jusqu’alors l’un des tuteurs, l’évêque de Metz, avait été favorable à l’alliance française, ce qui ne laissait pas de gêner sa cotutrice, impérialiste décidée. Les événements mirent fin pour un temps à cet antagonisme. Nicolas était évêque sans être prêtre, donc sans avoir pris d’engagements, et il n’avait pas la vocation ecclésiastique. Dans les premiers mois de 1548, il rentra dans le monde laïque, renonça à ses bénéfices et prit le titre de comte de Vaudémont que nous lui donnerons désormais. En janvier 1549, à Bruxelles, il épousa Marguerite d’Egmont, fille d’un chambellan défunt de Charles-Quint, et celui-ci assista au mariage et ratifia le contrat (238). Cette union achevait le rapprochement de Nicolas et de l’empereur commencé à la diète d’Augsbourg, et, bien que Nicolas fût un homme du second plan, Charles tenait à se l’attacher, car dès le mois d’avril 1548, il lui avait accordé une pension (239).
Peu de temps après ce mariage, l’infant d’Espagne, fils de Charles-Quint, qui sera plus tard Philippe II, traversait le nord de la Lorraine pour se rendre dans les Pays-Bas ; le comte de Vaudémont alla au devant de lui jusqu’à Vaudrevange et le prévôt de Sierck fut chargé de le ravitailler (240). Puis, les deux tuteurs allèrent ensemble à Bruxelles prendre part aux fêtes qui furent données pour l’arrivée du prince. Ils y séjournèrent les seize derniers jours de mars, tout le mois d’avril, les quinze premiers jours de mai 1549, et leur dépense s’éleva à 10.177 fr. (241). Ainsi, quatre mois passés à Augsbourg en 1547-1548, deux mois passés à Bruxelles en 1549, toujours en compagnie de l’empereur et de la reine de Hongrie, c’était de quoi entretenir ou créer l’intimité entre les tuteurs de Charles III et ces hauts personnages. On se rend de menus services : à la fin de cette même année 1549, une contestation s’était élevée entre les tuteurs et Anne de Lorraine, duchesse d’Aerschot ; son père, le duc Antoine, lui avait promis une dot de 100.000 florins d’or, et une bonne partie de cette dot avait été payée, mais on n’était pas d’accord sur la valeur à attribuer au florin, les monnaies de la Lorraine et celles du Brabant étant dissemblables ; Laurent Longin, conseiller de finances de l’empereur, fut prié d’arbitrer le différend (242).
L’année suivante, 1550, ces bonnes dispositions réciproques furent mises à profit pour régler à l’amiable deux affaires bien différentes. D’abord une question de limites, telle qu’il en surgissait alors si fréquemment : il s’agissait des limites entre la Lorraine et la Franche-Comté, en particulier vers le Val-d’Ajol. Comme d’habitude, l’affaire traînait ; dès le 15 août 1548, une lettre close des tuteurs au président de la Chambre des comptes de Lorraine lui prescrivait de faire rechercher dans ses archives tous les documents qui pourraient donner quelque lumière et, pour satisfaire à cet ordre, le greffier de la Chambre était remonté jusqu’à des titres du XIIIe siècle (243). En 1550, les négociateurs désignés pour mener l’affaire à bonne fin étaient, du côté impérial, ce François Bonvalot, qui était venu en Lorraine, dès 1545, pour assister la duchesse, et qui devait assez bien connaître les lieux en litige, puisqu’il était Comtois ; du côté lorrain, Thiébaut Grisart, procureur général du bailliage de Vosges, qui se rendit à Remiremont en janvier ou février pour faire une enquête (244). Ils réussirent dans leur besogne.
Quelques mois plus tard, c’est d’une question de toute autre nature qu’il s’agissait. Depuis sa mort sous les murs de Nancy, le 5 janvier 1477, Charles-le-Téméraire était inhumé dans l’église de la collégiale SaintGeorges, sépulture habituelle des ducs de Lorraine, où le vainqueur, René II, lui avait fait élever un magnifique tombeau par son sculpteur attitré, Jean Crock. Ses descendants ne l’avaient pas oublié du reste et ne s’étaient pas résignés à laisser sa dépouille dans cette sorte de captivité. Au traité de Middelbourg, conclu en 1501 entre René II et l’archiduc Philippe-le-Beau, fils de Marie de Bourgogne, René s’était engagé à rendre à l’archiduc le corps de son aïeul quand il le lui réclamerait pour le mettre dans la sépulture habituelle des ducs de Bourgogne (245). Philippe-le-Beau ne mourut qu’en 1506, mais pendant les dernières années de sa vie, il fut absorbé par les affaires d’Espagne, - il avait épousé l’infante Jeanne d’Aragon, - obligé même de se rendre dans la péninsule, ce qui l’empêcha de donner suite à son projet de translation. En 1518, nouveaux pourparlers entre le duc Antoine et le jeune archiduc Charles, fils de Philippe-le-Beau, qui va devenir l’empereur Charles-Quint (246). Ce souverain paraît avoir eu une sorte de culte pour son bisaïeul, dont il portait le nom. Maître de plusieurs royaumes, il a une prédilection marquée pour les anciennes possessions bourguignonnes, Pays-Bas et Franche-Comté, et au traité de Madrid, en 1526, il stipule, mais en vain, que le duché de Bourgogne lui sera rendu. Il voudrait reconstituer l’ancien et si riche domaine de la maison de Bourgogne. La restitution des ossements du Téméraire appartient au même ordre d’idées : effacer toutes les traces matérielles de la défaite et glorifier son ancêtre, qui, sans doute, s’était montré un médiocre politique, mais dont les hautes ambitions ne lui déplaisaient pas ; Charles de Bourgogne et Charles-Quint étaient également mégalomanes, mais avec plus de savoir-faire chez le second.
Or, en 1550, Charles-Quint a quelques loisirs et quelque tranquillité d’esprit ; l’Allemagne est soumise depuis la bataille de Mühlberg, la France ne pense pas encore à rentrer en guerre. En paix avec les vivants, il peut songer aux morts. Comme d’habitude, c’est sa sœur, la reine. Marie, qui sert d’intermédiaire entre l’empereur et les tuteurs de Lorraine pour cette entreprise qui intéresse avant tout les Pays-Bas. Elle fait d’abord sonder Chrétienne par quelqu’un dont nous ignorons le nom et la qualité, car sa lettre n’est ni signée, ni datée, puis, assurée de son consentement, lui envoie une demande officielle datée de Bruxelles et du 26 août 1550 (247). Charles-Quint est au courant, car dans une lettre à sa sœur écrite à Augsbourg le 29 juillet, il dit savoir que leur nièce désire une exhumation faite sans pompe (248). La reine désigne pour cette funèbre besogne Martin de Cupère, évêque de Chalcédoine et suffragant de Cambray, Christophe de Schauenbourg, justicier des nobles du Luxembourg, Antoine de Beaulaincourt, lieutenant du gouverneur de Lille et roi d’armes de la Toison d’Or. Ces trois personnages se mettent en route sans délai et par Luxembourg et Nomeny gagnent Nancy. Les tuteurs n’y étaient pas et leur absence était sans doute volontaire ; se rendant compte que la restitution du corps du vaincu blesserait l’amour-propre lorrain, ils n’avaient pas voulu y présider ; on les sait à Lunéville le 16 septembre (249), et il semble que de là ils partirent directement pour Augsbourg où Charles-Quint allait tenir une diète. Avant leur départ, ils avaient adressé par écrit des instructions détaillées à maître Jean Billequier, prévôt de la collégiale Saint-Georges (250) et laissé le gouvernement des duchés à Pierre du Châtelet, sénéchal de Lorraine, et à Gérard de Pfaffenhofen, bailli du comté de Vaudémont. L’exhumation et la remise des ossements aux agents impériaux se firent le lundi 22 septembre, après une messe de Requiem, et par Faulx, Nomeny, Metz et Thionville, le cortège gagna Luxembourg où le corps fut déposé provisoirement dans l’église des frères mineurs ; plus tard, il fut transféré à Bruges où Charles fut inhumé à côté de sa fille, Marie de Bourgogne, et où Philippe II leur élèvera un superbe mausolée dans l’église Notre-Dame (251). De toutes ces opérations, il nous reste deux procès-verbaux, l’un assez court, adressé par du Châtelet et Pfaffenhofen aux tuteurs, alors à Augsbourg (252) ; l’autre plus long, parce qu’il a pour objet de justifier toutes les dépenses, rédigé le 8 octobre par Antoine de Beaulaincourt pour le Conseil des finances de l’empereur (253).
Chrétienne et Nicolas étaient arrivés dans les derniers jours de septembre ou dans les premiers d’octobre à Augsbourg où la diète délibérait depuis plusieurs semaines déjà. Une lettre de Charles-Quint nous montre qu’ils y sont encore à la date du 21 octobre et qu’ils sont accompagnés de plusieurs membres de leur Conseil (254). L’avant-veille, 19 octobre, un tournoi avait été donné en l’honneur de Chrétienne et le prix en avait été décerné à l’infant don Philippe (255). A côté de plusieurs affaires secondaires, il semble que l’empereur et sa nièce aient surtout discuté le projet de fiancer le jeune Charles III à Claude de France, fille d’Henri II, projet dont le roi venait de saisir la duchesse (256). Le séjour des tuteurs dans cette ville fut moins long qu’en 1547-1548, car on les voit de nouveau à Nancy le 11 novembre 1550 (257).
En cet automne de 1550, la paix paraissait assurée ; un an plus tard, la guerre entre la France et l’Empire menaçait de nouveau. Quand les tuteurs virent qu’elle était inévitable, ils firent ce qu’avait toujours fait le duc Antoine dans de pareilles conjonctures ; ils s’occupèrent d’assurer la neutralité de la Lorraine. Louis de La Mothe, maître des requêtes, alla en cour de France, Louis des Mazures, secrétaire de la duchesse, fut envoyé auprès de la reine de Hongrie. Ils réussirent dans leurs négociations. Les lettres de neutralité furent accordées par le roi le 12 septembre 1551, par l’empereur le 25 octobre, et Albéric de La Mothe, auditeur en la Chambre des comptes de Bar, fut chargé de publier ces lettres dans les deux duchés (258).

III

Lorsque Chrétienne accéda au pouvoir, François Ier achevait de régner en France. Vieilli prématurément, - il n’avait que 51 ans en 1545, - découragé par ses défaites de l’année précédente et par le traité de Crépy, il avait perdu, semble-t-il, tout esprit d’entreprise et de conquête. Mais la dernière campagne lui ayant révélé combien la France était vulnérable du côté de l’est, il se mit, dès 1546, à parcourir la frontrière de Champagne pour déterminer avec ses ingénieurs en quels points il convenait d’élever des fortifications. Le 21 et le 22 octobre, il était à Ligny, où il avait obtenu précédemment le droit de mettre garnison, et sachant que la duchesse de Lorraine était à Bar-le-Duc, il vint la visiter dans cette ville le 23 octobre (259). Informée d’avance de cette visite, Chrétienne avait prescrit de chasser à Gondreville afin d’avoir des perdrix et des bécasses à offrir au roi (260). Mais si nous savons ce qu’on mangea ce jour-là, nous ignorons tout à fait ce qu’on se dit (261). Il est possible que la visite du roi ait été une simple démarche de courtoisie, bien conforme à sa manière de faire, et qu’aucune question épineuse n’ayant été abordée, les deux interlocuteurs se soient séparés fort contents l’un de l’autre. Il ne faut pas du reste oublier que le duc François, que Chrétienne avait perdu si récemment, était le filleul du roi, avait été élevé à sa cour, et sans doute son souvenir fut évoqué longuement.
Il en alla tout autrement lorsqu’à François Ier eut succédé son fils, Henri II, prince jeune, - il n’avait que deux ans de plus que Chrétienne, - actif, ambitieux, animé d’une véritable haine contre toute la maison d’Autriche. Dès lors, les causes de conflits ne manquèrent pas et nous les examinerons, autant que possible, dans l’ordre chronologique.
Il y eut d’abord cette vieille affaire de la mouvance du Barrois qui, depuis 1301, servait aux rois de France à tenir en bride les comtes et ducs de Bar, puis les ducs de Lorraine et de Bar, à les malmener quand ils montraient trop d’indépendance. En avril 1539, François Ier l’avait encore réglée en permettant au duc Antoine de jouir dans le Barrois de tous droits souverains et de posséder la terre de Clermont-en-Argonne (262). Peu après son avènement, le 29 juin 1548, Henri II renouvela ces concessions en faveur de Charles III, mais pour le temps de sa minorité seulement, et le 22 juillet de la même année, il y ajouta l’exemption pour les habitants du Barrois de tous les impôts levés dans le royaume (263). L’année suivante, deux gentilshommes de la cour de France, d’Aguerre et Fendille, ayant eu une querelle pour une cause futile, le roi les engagea à aller se battre sur les terres et en la présence de Robert de La Marck, seigneur de Sedan. Mais aussitôt les tuteurs protestèrent, disant que le duc de Lorraine, à raison de son titre de marchis, avait la prérogative de présider tous les duels judiciaires qui se feraient entre la Meuse et le Rhin.
Ce titre de marchis et cette présidence des duels étaient des dignités du Saint-Empire romain que le roi de France ne voulait pas connaître. Le combat eut donc lieu à Sedan et sous la présidence de Robert de La Marck, malgré les protestations lorraines (264).
Des contestations plus actuelles et plus pratiques ne tardèrent pas à surgir. L’une était relative à ces travaux aux remparts de La Mothe que nous avons signalés en exposant l’organisation militaire de la Lorraine. L’année qui suivit son avènement, le roi Henri II apprit que les Lorrains augmentaient et modernisaient cette place si facile à défendre, puisqu’elle était située sur un piton isolé, et il en conçut une vive irritation fondée sur une raison de droit :
La Mothe dépendait du duché de Bar que les gens du roi prétendaient être tout entier du royaume (265) et un pareil travail ne pouvait pas s’y faire sans la permission du roi qui n’avait pas été demandée - et sur une raison de fait : le roi appréhendait que La Mothe étant devenue une citadelle redoutable, les soldats de Charles-Quint ne s’y établissent avec la complicité de Chrétienne, qu’il savait toute dévouée à son oncle, et de là ne fissent des courses dans la Champagne et la Bourgogne. Il chargea de ses réclamations son maître d’hôtel Florimond de Biencourt, sieur de Potrincourt, qui arriva à Nancy le 1er mars 1548 et exposa à la duchesse le double grief du roi, donnant à entendre que si satisfaction n’était pas accordée à Sa Majesté, elle enverrait des troupes dans le Barrois mouvant et pourrait même faire prononcer la confiscation de ce fief (266). La menace était sérieuse ; Chrétienne chercha à l’éluder en gagnant du temps, disant qu’elle ne pouvait rien conclure qu’en accord avec le comte de Vaudémont, son cotuteur. Or, Vaudémont venait de partir pour la cour de France, ce qui rendait cet accord impossible pour le moment ; de plus, il entrait en pourparlers avec Henri II et, le 8 mars 1548, signait à Ecouen l’engagement de ne mettre que des Lorrains comme gouverneurs des places fortes, de ne consentir sans permission du roi échange ou aliénation de ces places, de ne jamais traiter du mariage du jeune duc ou de ses soeurs sans la même permission et sans le consentement des plus proches parents, c’est-à-dire des Guises, qui étaient tout dévoués à la France, enfin d’avertir le roi de tout ce qui arriverait en Lorraine et serait de nature à l’intéresser (267). La contradiction était complète entre les deux tuteurs, et, s’en rendant compte, Chrétienne en vint à se mettre en contradiction avec elle-même, parlant de réunir ces Etats généraux qu’elle avait traités avec tant de désinvolture en 1545, pour les faire juges de la question de La Mothe.
Elle n’alla pas jusqu’à cette extrémité. Les deux oncles de son mari, le duc Claude de Guise et le cardinal Jean de Lorraine, s’interposèrent et lui écrivirent des lettres pressantes pour l’engager à donner satisfaction au roi et à avoir une entrevue avec lui (268). Puis Henri II, informé que les travaux de La Mothe se poursuivaient, envoya à Nancy en mai deux nouveaux plénipotentiaires, Vieilleville, gentilhomme de sa chambre, et Ménage, maître des requêtes, qui devaient réitérer ses menaces et engager la duchesse à retirer de La Mothe la grosse artillerie et les munitions et à n’y laisser que de petites pièces et juste assez de poudre pour la défendre contre une surprise (269). Ceux-ci n’obtinrent pas grand’chose, mais comme, sur ces entrefaites, Henri II s’était rendu à Joinville, où le duc de Guise le recevait dans son château, il fut convenu que la duchesse viendrait le trouver dans ce lieu si peu éloigné des frontières de la Lorraine. Chrétienne se prêta assez aisément à cette conversation directe avec le roi, mais en femme avisée elle prit ses précautions. Le jour même de son départ de Nancy, le 12 juin 1548, à cinq heures du matin, elle fit venir un tabellion et quatre témoins et déclara protester d’avance contre toute concession qui, par surprise ou par pression, lui serait arrachée au détriment des droits de son fils.
Acte de cette protestation fut dressé et signé par le tabellion et les témoins (270). Rassurée ainsi et contre le roi et contre elle-même, elle partit avec le comte de Vaudémont pour Joinville où ils furent fort bien reçus par Henri. Ils y restèrent une dizaine de jours au moins et les négociations aboutirent à un accord qui donnait pleine satisfaction au roi : les travaux aux fortifications de La Mothe devaient rester interrompus tant que Charles III serait mineur ; la place ne devait avoir que le strict nécessaire en artillerie et munitions ; enfin, les tuteurs s’engageaient sur leur honneur à ne l’ouvrir à aucun prince (271). En retour, Henri II reconnut à Charles III, pour le temps de sa minorité, les mêmes droits régaliens dont ses aïeux avaient joui dans le Barrois (272).
Comme nous l’avons expliqué en étudiant les fortifications de la Lorraine, les engagements, pourtant si nets, pris en 1548, ne furent pas tenus et nul doute que ce ne soit là le fait de Chrétienne. En 1549, il est vrai, on ne relève aucune dépense faite à La Mothe, si ce n’est 375 fr. par mois pour la solde de la garnison (273). Mais au début de 1550, Chrétienne vient à Le Mothe sans le comte de Vaudémont qu’elle ne veut sans doute initier à ses projets, ou qui craint de se compromettre vis-à-vis du roi (274) ; elle voit l’état d’avancement des travaux, suppute ce qui reste à faire et, en 1551, elle dépense 2.800 fr. pour les fortifications, plus 217 fr. pour amener des munitions dans la place (275), montrant ainsi plus de ténacité dans ses desseins que de sincérité. En 1552, nouvelle dépense de 2.100 fr. pour murer la ville. La garnison qui est de 50 hommes au début de l’année, de 200 en juillet, s’élève à 400 hommes en décembre, ce qui est suffisant pour assurer la défense d’une place d’un aussi faible périmètre et naturellement si forte.
La condition du Barrois mouvant, en tant que fief de la couronne de France, avait des conséquences judiciaires importantes, l’appel aux juridictions royales des jugements rendus par les tribunaux du duc. C’est surtout le Parlement de Paris qui recevait ces appels et il mettait une véritable âpreté à maintenir son droit. De là des relations incessantes et pas toujours faciles entre cette Cour et le gouvernement ducal. Sous le règne de Charles III, la Lorraine aura des agents permanents pour suivre les affaires portées devant le Parlement ; sous la tutelle, il semble que ces agents sont temporaires et s’occupent chaque fois d’une affaire déterminée. Ainsi, le 4 mars 1547, Louis de La Mothe, auditeur en la Chambre des comptes de Bar-le-Duc, reçoit une commission de procureur du duc pour aller soutenir ses droits devant le Parlement dans une question de limites en Clermontois (276). Le 6 septembre de la même année, les tuteurs désignent Jean de Montesert et Jacques Constantin, avocats au Grand Conseil et au Conseil privé du roi, et Jacques Brunet, secrétaire du duc et son solliciteur ordinaire en cour de France, pour poursuivre devant le Conseil privé du roi Etienne Chaloppin, et l’obliger à rendre tous les papiers que les ducs Antoine et François lui avaient confiés (277). Le 27 février 1548, les mêmes personnes reçoivent une nouvelle commission pour agir dans ce même procès, une complication imprévue ayant surgi (278). Le 3 décembre 1549, François Warin, licencié ès lois, avocat à Saint-Mihiel et lieutenant général au bailliage d’Hattonchâtel, est nommé procureur du duc dans un procès qu’il a devant le Parlement contre l’abbé de Lisle-en-Barrois (279) ; le même jour, mission à Louis Isambert, procureur au Parlement, pour agir dans une affaire qui a été jugée par le bailliage de Sens et dont le duc a interjeté appel (280). Le 3 août 1551, Jean Quilly, procureur général au bailliage de Bassigny, est chargé d’intervenir devant les requêtes du Palais à Paris dans le procès entre le duc et Jacques Villemey, receveur de Luxeuil (281).
En juin et juillet de cette même année 1551, des agents français et lorrains tiennent une conférence à Sainte-Menehould pour discuter à qui, du roi et du duc, appartient en dernier ressort la juridiction dans le Barrois mouvant, et les Lorrains vont chercher des précédents jusqu’au XIVe siècle (282).
Ce n’est pas seulement devant le Parlement de Paris que le duc de Lorraine se trouve dans le cas d’ester en justice : le 28 février 1548, il fait choix de plusieurs procureurs au Châtelet de Paris, dont les noms sont restés en blanc dans le document, pour agir en son nom par devant tous juges tant spirituels que temporels (283). Le 9 décembre 1551, Pierre Leclerc, demeurant à Sens, est constitué procureur du duc dans tous les procès qu’il aura à soutenir devant le bailliage de Sens (284). Car les appels des justices du Barrois mouvant étaient portés à ce bailliage de Sens avant de l’être au Parlement de Paris.
D’autres liens avec la France résultaient du fait que deux princes lorrains, frères plus jeunes du duc Antoine, le duc Claude de Guise et le cardinal Jean de Lorraine, étaient en grande faveur à la cour des Valois. Comme ils n’avaient pas du tout oublié leur pays d’origine et s’intéressaient fort à leurs neveu et nièce, Nicolas et Chrétienne, et à leur petit neveu, le duc Charles III, ils servaient volontiers d’intermédiaires entre les deux cours et s’employaient à faire de la conciliation quand les rapports s’aigrissaient. A la fin de mars 1548, Claude de Guise arrive à Nancy pour négocier avec les tuteurs, et aussi avec la reine de Hongrie qui y est de passage ; le 9 du mois suivant, il écrit à Chrétienne pour l’engager à donner satisfaction au roi dans la question de La Mothe, et, en juin, il reçoit en même temps le roi et les tuteurs en son château de Joinville pour les mettre à même de s’expliquer et d’arriver à une transaction. Le cardinal Jean est à
Neufchâteau à la fin de 1545, en même temps que Chrétienne (285), et peut-être assiste-t-il à la tenue des Etats généraux, bien que le procès-verbal de cette assemblée ne le mentionne pas. En 1547, c’est à Gondreville, le lieu habituel de villégiature de la cour de Lorraine, qu’il rencontre la duchesse ; puis il est en même temps qu’elle à Saint-Dié (286). Il est à Nancy en novembre 1549 (287). Il meurt, le 10 mai 1550, à Nogent-sur-Vernisson, près de Montargis, et comme il avait témoigné le désir de reposer près de son père, le duc René II, son corps est ramené à Nancy et inhumé, le 14 juillet, dans l’église des Cordeliers, après de magnifiques cérémonies qu’a décrites Emond du Boullay et auxquelles assistèrent les deux tuteurs, Nicolas de Lorraine et Chrétienne de Danemark (288).
A côté des voyages de Français en Lorraine, il y a des voyages de Lorrains en France. Chrétienne n’y est venue qu’une fois et n’a pas dépassé Joinville où elle rencontra Henri II, mais le comte de Vaudémont est souvent à la cour de France. Il y séjourne en mars 1548 (289). En juillet de la même année, la duchesse envoie vers le roi trois de ses conseillers, les sieurs de Laimont, de Neuflotte et Louis de La Mothe, et les instructions qu’elle leur remet, le 6 juillet, ne portent guère que sur des querelles de mots (290). En mars 1551, Nicolas de Vaudémont vient de nouveau à la cour, pour expliquer, semble-t-il, les raisons qui l’ont fait assister, en octobre précédent, à une diète de l’Empire (291). La même année, le sieur Vigneux, maître d’hôtel du duc, touche 100 écus que la duchesse lui donne pour s’accoutrer avant d’aller à la cour de France traiter les affaires de son maître (292). Si, donc, on ne s’entend pas toujours très bien, ce n’est pas faute de s’être expliqué.
Une dernière question va surgir brusquement entre la France et la Lorraine, celle du mariage futur du jeune Charles III. Maître de deux beaux duchés, ce prince est un parti avantageux, et, d’autre part, le marier en France est un moyen de le rattacher à la politique française et d’annihiler l’influence de sa mère. Celle-ci n’a-t-elle pas formé de projets contraires, n’a-t-elle pas songé à marier son fils dans la maison d’Autriche ou à quelque princesse allemande ? Il serait bien surprenant que Chrétienne, impérialiste si décidée, n’y ait pas pensé, mais nous n’avons point trouvé traces de telles préoccupations. Au contraire les projets de mariage en France se manifestent dès 1550, quand Charles III vient d’avoir sept ans. C’est sans doute Henri II qui en prend l’initiative et propose une de ses filles pour le jeune prince, car au milieu de cette année, les tuteurs demandent son avis à Charles-Quint sur cette combinaison. L’empereur déclare ce parti « très bon et très honorable », mais conseille d’invoquer le très jeune àge des intéressés pour ne rien conclure tout de suite et gagner du temps (293). Il voit bien que le seul fait de décider en principe ce mariage mettrait fin à toutes les contrariétés que sa nièce éprouve du côté de la France, mais, que d’autre part, la Lorraine serait perdue pour lui. Naturellement, les Guises sont favorables à ce mariage qui unirait étroitement leur patrie d’origine à leur patrie d’adoption. Le duc Claude vient de mourir ; ses fils, François, le capitaine, et Charles, le cardinal, ont hérité de son influence à la cour ; dans des lettres qu’ils s’écrivent en 1550, ils parlent du mariage comme tout à fait désirable. Le 11 juillet, le cardinal explique à son frère qu’il faut persuader à la duchesse tutrice de venir à Fontainebleau avec son fils, pour faire la révérence au roi et parler du mariage ; si elle s’y décide, la maison de Lorraine échappera à un grand danger (294). Et, enfin, en ce même mois de juillet 1550, Chrétienne étant allée à Joinville pour être marraine d’une fille du duc François de Guise, la duchesse douairière, veuve du duc Claude, en profita pour la raisonner et faire briller à ses yeux les avantages de l’union projetée (295).
La princesse dont il était alors question pour le jeune duc n’est nommée dans aucun de ces documents. Henri II avait alors deux filles, Elisabeth, née le 2 avril 1545, Claude, née le 12 novembre 1547. C’est certainement de Claude qu’il s’agissait ; elle sera désignée par son nom, en 1552, comme la future épouse du duc et il l’épousera en effet en 1559 ; de plus, en 1550, le roi très chrétien songeait à marier sa fille aînée au jeune roi d’Angleterre, Edouard VI, afin d’avoir son aide pour conquérir les Pays-Bas, et un peu plus tard, en juillet 1551, une convention matrimoniale est arrêtée pour eux (296). Entre Charles et Claude, il y avait une différence d’âge convenable, quatre ans et demi. A la vérité, Claude était bien jeune quand on discutait ainsi son futur mariage, puisqu’elle n’avait pas encore trois ans ; mais c’était alors l’usage de fiancer des enfants au berceau, par suite de combinaisons politiques ; Marguerite d’Autriche avait juste le même âge, moins de trois ans, quand, en décembre 1482, elle fut fiancée à Charles, dauphin de France, qui sera le roi Charles VIII et ne l’épousera pas du reste.
Au milieu de l’année 1551, Henri II revient à la charge pour ce mariage auquel il tient extrêmement, et, poussée à bout, Chrétienne demande conseil à son oncle et à sa tante. Charles-Quint intervient en personne et adresse à Chrétienne, le 22 août, une longue consultation (297). En 1550, il était résigné, sinon favorable au mariage ; maintenant il est tout à fait hostile et affirme qu’il asservira la Lorraine à la France et la détachera complètement de l’Empire. Les membres du Conseil ducal qui préconisent cette union ne sont pas des serviteurs loyaux. Que la duchesse tâche donc de savoir les conditions mises au mariage, afin de les communiquer aux Etats de Lorraine, et bien entendu à l’empereur comme proche parent.
En ce même temps, ou un peu après, il aurait été question pour Charles III d’un autre mariage et non moins prestigieux : la reine régente d’Ecosse, Marie de Lorraine, une fille de Claude de Guise, aurait voulu lui donner sa fille, héritière du trône d’Ecosse, qui devait devenir si célèbre sous le nom de Marie Stuart (298). Née le 5 décembre 1542, celle-ci avait donc deux mois et demi de plus que Charles. L’obstacle, ce n’était pas cette question d’âge, mais le fait que Marie Stuart était promise au dauphin François, et que, dans l’été de 1548, elle avait été amenée en France pour y être élevée en attendant de se marier. Comment
Henri II qui, à défaut d’une grande intelligence, avait au moins de la ténacité et de la suite dans ses idées, aurait-il renoncé sans motifs à ces deux mariages si bien combinés qui lui assuraient, pensait-il, l’alliance de l’Ecosse contre l’Angleterre et de la Lorraine contre l’Empire ? Et comment Marie de Lorraine, qui ne se maintenait en Ecosse que grâce à l’appui du roi de France, lui aurait-elle préféré un duc de Lorraine qui ne pouvait lui être d’aucun secours ? Aussi croyonsnous qu’il n’y a pas grand compte à tenir de cette indication, quoiqu’elle se trouve dans une lettre de Chrétienne à la reine de Hongrie.
Ainsi, le roi de France, qui comprenait bien l’importance stratégique de la Lorraine, avait essayé par tous les moyens de la détacher de l’empereur et de la mettre de son côté. Il n’avait pas réussi et ne pouvait pas réussir, son antagoniste, la duchesse de Lorraine, et lui obéissant à des partis-pris trop opposés. Il avait une violente aversion contre la maison d’Autriche et elle éprouvait une hostilité et une méfiance extrêmes contre tout ce qui était français. La diplomatie ayant échoué, il ne restait plus à Henri II qu’à employer la manière forte et nous allons voir comment il s’y prit.

CHAPITRE X
LA CRISE DE 1552
I. Prodromes de l’invasion. - II. Déposition de Chrétienne. - III. Exil de Chrétienne.

I

Au milieu du XVIe siècle, la Lorraine, qui jusqu’alors avait su rester neutre entre le roi de France et l’empereur, se trouva englobée dans leur querelle. La faute en est surtout aux circonstances qui amenaient la France à tourner vers l’Allemagne une attention portée auparavant vers l’Italie, accessoirement à la duchesse tutrice qui avait inquiété le roi par la façon partiale dont elle observait la neutralité.
Le 15 janvier 1552 avait été signé au château de Chambord un traité secret entre Henri II et les princes protestants d’Allemagne. Le roi s’engageait à soutenir les princes contre Charles-Quint qui les opprimait et dans leurs consciences et dans leurs intérêts temporels. Les princes reconnaissaient à Henri II le titre de vicaire de l’Empire et l’autorisaient à occuper, en vertu de ce titre, les quatre villes impériales qui ne parlaient pas allemand, Cambray, Metz, Toul et Verdun. L’occupation des trois dernières villes devait donner au roi une entrée en Allemagne et lui permettre d’envoyer plus aisément des secours à ses nouveaux alliés. Secret, ce traité ne le resta pas longtemps. Un mois après, son existence et ses principales clauses étaient connues de Chrétienne de Danemark qui avait, semble-t-il, un service de renseignements, autrement dit d’espionnage, bien organisé, et elle s’empressa d’en faire part à la reine de Hongrie, et par elle à l’empereur (299). Dès lors, les correspondances qui nous restent des protagonistes de la politique impériale sont remplies de conjectures apeurées, de questions inquiètes sur ce qui va se passer. Le 4 mars, l’évêque d’Arras, futur cardinal Granvelle, écrit savoir que les Français sont déterminés à se saisir du duché de Lorraine, des comtés de Bourgogne et de Ferrette pour de là entrer, quand il leur plaira, en Allemagne (300). Le 9 mars, la reine de Hongrie informe son frère, Ferdinand, roi des Romains, que les ennemis veulent occuper la Lorraine, Metz, Toul et Verdun, parce que c’est le chemin le plus aisé et le plus fourni de vivres pour passer en Allemagne (301). Le 19 mars, le comte de Mansfeld, gouverneur du Luxembourg, alors de passage à Thionville, signale à la reine que Metz est très menacé et qu’il ne s’y trouve pas un seul homme de guerre (302). Les 22 et 27 mars, la reine transmet ces renseignements à Charles-Quint et ajoute que les électeurs du Rhin feront leur devoir contre l’ennemi si l’empereur leur envoie des troupes. Or, Charles manquait absolument et de soldats et d’argent pour en engager. Et cédant à une panique un peu surprenante dans un esprit aussi ferme, la reine affirme que les Français veulent se saisir du Rhin depuis Strasbourg jusqu’à Cologne (303), attribuant ainsi à Henri II une ampleur de vues qu’il n’avait pas et une armée double ou triple de celle qu’il allait mettre en mouvement.
Si telle était l’émotion à la cour de Bruxelles, on peut imaginer ce que fut le trouble à la cour de Nancy, bien plus directement menacée. Les tuteurs ne tardèrent pas à être fixés sur l’imminence et. la nature du péril. De Reims, le 11 mars, le roi écrivit à Chrétienne qu’il était obligé de faire passer son armée sur les terres de Lorraine, qu’en raison de l’amitié qu’il avait toujours eue pour sa maison, il désirait que ce ne fût pas à la charge des habitants, qu’en conséquence il lui envoyait son maître d’hôtel, le sieur de Potrincourt - le même qui était venu à Nancy en 1548 réclamer l’interruption des fortifications de La Mothe - et le sieu Veau, trésorier des guerres et commissaire général des vivres, pour se concerter avec elle au sujet des rations à fournir à cette armée. Potrincourt et Veau arrivèrent à Nancy le 17 mars ; nous ne savons s’ils eurent une discussion ou un échange de vues avec les tuteurs ; ce qui est certain, c’est qu’ils leur remirent un mémorandum détaillé et précis, indiquant qu’il faudrait nourrir de 90.000 à 100.000 hommes et 40.000 chevaux, et dans quelles conditions cela devrait se faire (304). Il ne s’agissait pas au reste de réquisitions à lever sur le pays, et tout devait être payé exactement après qu’on aurait établi à l’amiable le prix de chaque denrée.
Sur ces entrefaites, le roi était arrivé à Joinville pour se mettre à la tête de ses troupes concentrées entre la Marne et la Meuse. Chrétienne et Nicolas vinrent l’y trouver et y demeurèrent du 31 mars au 3 avril, semble-t-il. Il y eut entre ces trois personnages des conservations longues, importantes et sans doute orageuses, mais qui n’ont guère laissé de traces, de sorte qu’on peut mieux les soupçonner que les connaître. Les tuteurs demandèrent à Henri de respecter la neutralité de la Lorraine et de renoncer à y faire passer son armée. Le roi n’accorda rien et répliqua en parlant du mariage de Charles III avec sa fille Claude comme d’une chose arrêtée et irrévocable. Il ajouta qu’il voulait venir à Nancy « parler à la noblesse », avis gros de menaces, au moins pour la duchesse qui savait combien la chevalerie lorraine lui était hostile (305). Les tuteurs rentrèrent à Nancy justement inquiets et, dès le 9 avril, la reine de Hongrie, sans aucun doute mise au courant, écrivait à son frère, Ferdinand : « Je craings bien que la duché de Lorraine sera celle qui aura la première à souffrir » (306).

II

Au point où nous sommes arrivés, les documents d’archives et les lettres missives, qui nous ont fourni tant de renseignements sûrs, manquent à peu près et nous avons surtout, pour établir la suite des faits, des textes narratifs. Avant d’en faire usage, il est nécessaire d’examiner ce qu’ils valent et dans quelles conditions ils ont été rédigés.
Le principal de ces écrits est celui de Paradin, précieux par les détails où il entre et parce qu’il est tout à fait contemporain des événements. Guillaume Paradin était doyen de la collégiale de Beaujeu, dans le diocèse de Mâcon. Très épris de recherches historiques, il a, outre divers ouvrages sur la Bourgogne, sur la Savoie, sur Lyon, publié l’Histoire de nostre temps (Lyon, 1550, in-folio) ; puis la Continuation de l’histoire de nostre temps (Lyon 1556, in-folio), où sont rapportés les événements dont la Lorraine fut le théâtre en 1552. M. Zeller, qui l’a étudié de près et a été frappé de sa rare précision, estime que l’auteur a dû être renseigné par un témoin oculaire, que même il a eu sans doute en mains un journal de route de l’armée royale (307). Nous irons plus loin et opinerons que Paradin devait avoir vu de ses yeux tout ce qu’il rapporte, qu’il a pu faire partie de l’armée comme aumônier, ou d’un corps de troupes, ou de quelque grand personnage. Sa Continuation porte une dédicace à Jacques d’Albon, maréchal de Saint-André, gouverneur du Lyonnais, Forez, Auvergne, Bourbonnais, Marche, et il relate avec soin, par exemple aux pages 32, 40, 44, les faits et gestes de ce seigneur ; ne serait-ce pas à lui que Paradin se serait attaché ? Dans son récit, ce digne prêtre ne parle jamais de lui-même et garde toujours l’objectivité qui convient à un historien ; malgré tout, certaines pages, par exemple sur la revue de l’armée près de Metz (p. 43-44) et sur l’entrée du roi dans cette ville (p. 45-47) ont le caractère d’impressions personnelles. Ses descriptions de Nancy et de Metz sont pleines d’une admiration qui ne s’expliquerait pas à cent lieues de distance. De même ce qu’il dit (p. 50) de l’ensemble du pays : « Se trouvoyt le plus beau et meilleur pais du monde et par lequel on peut conjecturer la grandeur et richesse du duc de Lorraine ». Il est exact dans tout ce qu’il dit des campagnes traversées par l’armée, dans l’indication des distances entre les localités par exemple ; on regrette seulement qu’il estropie souvent les noms de lieux, surtout ceux qui sont d’origine allemande, mais c’était là un travers de son siècle. De temps à autre, il interrompt son récit pour décrire ce qui l’a intéressé ou rappeler des faits antérieurs. Ainsi il parle (p. 52-53) des mines des Vosges ; (p. 54-56) de la plaine et des villes d’Alsace ; il résume (p. 56-57) l’expédition du duc Antoine contre les Rustauds en 1525. Son exposé nous paraît avoir pour origine un journal où, chaque soir, il écrivait soigneusement ce qui s’était fait et ce qu’il avait vu ou appris, car il n’aurait pas retenu tant de menus détails, de dates, de chiffres, de noms de localités, s’il n’avait pas noté tout cela le jour même. L’ampleur avec laquelle il rapporte ce qu’on appelait alors « Le Voyage d’Allemagne » est encore un indice de sa présence dans l’armée. Sur les 466 pages in-folio de la Continuation, les pages 25 à 108 sont consacrées à ce Voyage d’avril à juillet, et les pages 33 à 42 au séjour, du roi à Nancy les 14, 15 et 16 avril. Ici, quand on voit comme Paradin est informé de tout ce qui se passa entre Henri II et Chrétienne de Danemark, on est encore plus porté à le croire au service d’un grand personnage qui aura assisté à leurs entretiens et les lui aura répétés le jour même (308).
Un autre récit de l’expédition de 1552 est celui qu’a donné François de Rabutin dans ses Commentaires sur le faict des dernières guerres en la Gaule Belgicque (309). Rabutin faisait partie de l’armée, il parle donc de ce qu’il a vu, mais simple gentilhomme au service du duc de Nevers, il n’a vu que les faits de guerre et a ignoré les négociations, les discussions entre le roi et li duchesse ; son récit de ce qui s’est passé à Nancy tient dans une petite page ; il est exact, mais très incomplet et sert principalement à contrôler l’exposé de Paradin et à garantir sa véracité.
Brantôme parle assez longuement du passage d’Henri II à Nancy dans sa notice, que nous avons déjà citée, sur Chrétienne de Danemark (310). Il écrivait un demi-siècle environ après les événements et n’en a pas été témoin, car en 1552, il ne comptait qu’une douzaine d’années et était élève d’un collège de Paris. Mais il a vu plus tard la duchesse Chrétienne et s’est peut-être entretenu avec, elle. Il a causé de ces faits, du moins il nous l’affirme (311), avec de grands personnages qui se trouvaient là ; il était attaché au duc François de Guise qui se tenait tout près du roi pendant ces journées de Nancy et a pu le renseigner ; il a, enfin, lu le récit de Paradin puisqu’il le corrige sur un point que nous dirons plus loin. Son témoignage, bien qu’un peu tardif, n’est donc pas négligeable.
Assurément, l’histoire de Chevrier n’est pas une source, puisqu’elle a été écrite au milieu du XVIIIe siècle, mais elle contient un document (?) qui ne se voit nulle part ailleurs et qui nous oblige à la considérer un moment : le discours que Chrétienne aurait adressé à Henri II pour lui reprocher de la séparer de son fils, et où elle dit : « Je suis mère et je sens trop la voix de la nature pour pouvoir l’étouffer » (312). Langage tout à fait XVIIIe siècle ; Chevrier a rédigé lui-même - c’était assez dans sa manière - le discours qu’il prête à Chrétienne et il n’y a donc pas à en tenir compte.
Après avoir conféré avec Henri II, les tuteurs avaient quitté Joinville vers le 3 avril pour rentrer à Nancy et y faire des préparatifs de défense. Le roi ne tarda pas à les suivre. Il partit de Joinville le 11 avril, arriva à Toul le 13 et y célébra le 14 la fête du Jeudi-Saint. Le même jour, vers deux heures de l’après-midi, il se présentait devant Nancy. Très anti-française et très résolue, la duchesse avait bonne envie de résister ; elle en fut détournée par son beau-frère, Nicolas, qui avait des accointances avec la cour de France, et aussi par son oncle, Charles-Quint, qui, d’Innsbrück, où il résidait alors, lui avait avoué son impuissance à la secourir, et conseillé de se tirer d’affaire au moins mal qu’elle pourrait. Le comte de Vaudémont alla au devant du roi jusqu’à Gondreville. Henri entra à Nancy sans éprouver aucune résistance et s’installa au château ducal où Chrétienne le reçut de bonne grâce (313).
Le lendemain, 15 avril, fut une journée terrible pour la duchesse. C’était le Vendredi-Saint et plus d’une fois Chrétienne dut se dire que, comme le Christ, elle gravissait son Calvaire. Dès le matin, le roi tint son Conseil, puis lui fit connaître que son fils allait être séparé d’elle et envoyé en France pour être élevé auprès du dauphin, qu’elle n’exercerait plus désormais aucune autorité dans les deux duchés, son beau-frère ayant seul le soin de les gouverner, que tous les sujets de l’empereur qui avaient reçu des charges en Lorraine devaient sans délai quitter ce pays. C’était un effondrement pour Chrétienne atteinte dans son orgueil et dans son ambition autant que dans son sentiment maternel. Elle vint trouver le roi dans la grande galerie du palais, disent Paradin et Brantôme, c’est-à-dire dans cette belle salle des Cerfs où siégeaient habituellement les Etats généraux des deux duchés. Les larmes aux yeux, elle se plaignit d’être si durement traitée, ce qu’elle ne méritait pas, vu le grand lieu dont elle était extraite, affirmant au roi qu’elle n’avait rien fait contre son service. Nous verrons plus loin ce que valait cette dernière assertion. Elle insista sur le tort qu’on lui faisait en la séparant de son fils, et les deux historiens français avouent qu’elle était si belle et parlait si bien que tous les assistants étaient émus de pitié, Henri tout le premier, « qui de soy estoit tousjours très courtois aux dames », dit Brantôme.
Le roi répondit. Paradin lui prête un discours assez long et divisé en trois points : 1° considérations assez vagues sur les devoirs des rois ; 2° rappel de tous les bienfaits que la maison de Lorraine a reçus des rois de France ; 3° affirmation qu’il traitera le jeune Charles comme un fils, que la Lorraine et lui se trouveront bien de l’intervention française. Brantôme explique qu’Henri fut beaucoup plus court, que son naturel ne le portait pas à parler longuement, que du reste il n’est pas bienséant à un roi de débiter tant de paroles. Il se contenta de consoler la duchesse, lui disant que son fils ne pouvait être mieux qu’en cour de France, puisqu’il était Français d’origine (par la maison d’Anjou), qu’il avait là beaucoup d’amis et de parents (les Guises), que lui, le roi, lui donnerait sa propre fille pour épouse. Il ne lui cacha pas du reste qu’il voulait le soustraire aux influences impérialistes afin de se l’attacher, et lui rappela que Charles-le-Téméraire, le trisaïeul de Chrétienne, avait tout fait pour enlever la Lorraine à René II, le bisaïeul de Charles III, tandis que la France secourait René et le faisait triompher, d’où il conclut qu’il était bien plus sûr pour un duc de Lorraine de s’appuyer sur le roi de France que sur le descendant de la maison de Bourgogne, c’est-à-dire sur l’empereur.
En somme, dans Paradin et dans Brantôme, Henri II prononce à peu près les mêmes paroles, mais le premier a cédé à la tentation - où sont tombés bien des historiens du XVIe siècle - de lui faire prononcer un discours à la Tite-Live, composé selon les règles de la rhétorique, et par suite invraisemblable, car le roi avait été pris au dépourvu par la démarche de Chrétienne.
Celle-ci, bien entendu, ne fut ni convaincue, ni consolée par les arguments royaux et, en elle, la souveraine devait souffrir autant que la mère, car elle voyait clairement que son fils allait lui échapper et être enrôlé parmi les tenants de la politique adverse. Elle se retira dans sa chambre où le roi la reconduisit courtoisement jusqu’à la porte.
Un détail est à rètenir dans le récit par Brantôme de cette pénible journée. Chrétienne, dit-il, vint trouver le roi « sans s’estonner ny s’abaisser aucunement de sa grandeur » (p. 623). Il ajoute seulement, et Paradin l’indique aussi (p. 36), qu’elle fit au roi une grande révérence. Or, deux documents d’origine non française prétendent qu’elle se jeta à genoux devant Henri. L’un est le compte rendu de cette journée du 15 avril, rédigé dès le lendemain 16, et destiné à l’empereur ; il est fait par l’ordre et peut-être sous la dictée de la duchesse (314). L’autre est un long factum intitulé « Discours des causes de la guerre ouverte entre l’empereur et le roy de France en l’an 1552 ». Il a été écrit, peu de temps après l’événement, nous ne savons par qui, mais vraisemblablement par un sujet de Charles-Quint, car il critique la politique française avec une âpreté extrême (315). Ces deux textes évidemment tendancieux, nous pouvons dire ces deux réquisitoires, attribuent à Chrétienne un geste peu en rapport avec son caractère altier ; ils veulent par là rendre la victime plus touchante et son persécuteur plus odieux. Nous ne croyons pas qu’ils puissent prévaloir contre les récits si précis, si bien informés des deux historiens français.
Le samedi 16 avril se consomma la déchéance de Chrétienne. Le roi réunit la noblesse du pays, entendons ceux des nobles qui résidaient à Nancy et dans les environs, assemblée partielle et improvisée, qui n’avait rien de commun avec une session des Etats généraux. Il expliqua les causes qui l’obligeaient à intervenir dans les affaires de la Lorraine et protesta qu’il ne voulait faire tort ni à la duchesse, ni à son fils. La réplique - qui n’était pas une contradiction - lui fut donnée par « un viel et saige chevalier nommé le baillif de Metz » (316), qui rappela les bienfaits que les ducs de Lorraine avaient reçus de la maison de France et conclut que « quant à eulx ilz adhéroyent de cœur à la nation françoyse, sans toutesfois préjudicier ny déroger à leur prince ». Là-dessus, les nobles lorrains déclarèrent retirer le serment qu’ils avaient prêté à la duchesse tutrice et jurèrent fidélité au duc Charles III (317). Le comte de Vaudémont, devenu seul tuteur et établi gouverneur de Nancy, prêta au roi un serment spécial par lequel il s’engageait à bien garder Nancy, Stenay, La Mothe et toutes autres places au duc son neveu, et à les défendre au besoin contre l’empereur ; il ne laissera entrer dans ces places aucune personne hostile soit au duc, soit au roi de France, et s’il a besoin pour les défendre de plus de forces que la Lorraine peut en fournir, il ne devra en demander qu’au roi (318). Le gouverneur du jeune duc, Montbardon, ce Français passé au service de Charles-Quint, avait été, bien entendu, congédié ; Henri le remplaça par le sieur de La Brosse-Mailly et c’est celui-ci qui, sous l’escorte du sieur de Bourdillon, lieutenant du roi en Champagne, conduisit Charles III à Reims où se trouvait alors le dauphin. Chrétienne avait été avertie qu’elle pouvait accompagner son fils au moins jusqu’à Bar-le-Duc, mais ne le suivit point parce que demeurer seule à Bar lui eut causé « grande desréputation ». Ayant pris ainsi ses sûretés, Henri II fit encore une visite de politesse à Chrétienne et partit le samedi soir pour Metz que ses troupes venaient d’occuper. Il laissait dans Nancy une forte garnison aux ordres du maréchal de Saint-André (319). Il avait assigné des pensions annuelles de 40.000 livres au jeune duc, de 2.000 au comte de Vaudémont (320).

III

Chrétienne de Danemark avait, dans ces quarante-huit heures, reçu une bien rude leçon. Elle était assez intelligente pour la sentir et pour comprendre qu’elle la devait à ses imprudences, mais elle avait trop de superbe et un caractère trop entier pour plier. Et dans les jours qui suivirent, elle ne fit qu’aggraver son cas.
Malgré le risque d’avoir ses lettres interceptées, elle continue à correspondre avec l’empereur et avec la reine de Hongrie. Dans cette « Instruction » du 16 avril destinée à Charles-Quint et que nous venons de citer, celui qui tient la plume pour elle fait un aveu intéressant : c’est au comte de Vaudémont qu’on s’adresse maintenant, « et Madame qui estoit principalle seroit maintenant subalterne, et se diminuera journellement son pouvoir, que seroit chose que causeroit grande irrision aux Lorrayns qui l’ont tousjours haïe sans raison, et sont la vraye cause de toutes ces menées » (321). Ainsi, elle se rend compte qu’elle est impopulaire, mais n’admet pas que ce soit par sa faute. Le dimanche 17, elle adresse à la reine de Hongrie une lettre plus courte, mais significative. Le roi, dit-elle, « a fait emmener mon fils avec une telle rudesse que, si j’eusse été esclave, ils n’en eussent su faire davantage ». Ils m’ont ôté toute autorité, « de sorte que je ne saurois plus demeurer ici avec honneur et réputation ; encore plus, je n’aurai plus le moyen de faire service à Votre Majesté, qu’est l’un de mes plus grands regrets », avouant ainsi ses deux passions dominantes, conserver son prestige et servir la maison d’Autriche. Et elle termine en annonçant qu’elle va se retirer dans son douaire de Blâmont (322).
Elle partit en effet avec ses deux filles, trois jours après avoir été séparée de son fils, donc le mardi 19 avril (323), et ce départ mit fort à l’aise son beau-frère. Vaudémont est de ces hommes indécis et de volonté faible qui se rangent volontiers du côté du succès ; dès le 23 avril, il rejoint l’armée du roi qui marche alors à petites journées vers l’Alsace (324). Il ne néglige rien pour se faire bien venir de l’entourage du roi, offrant par exemple une chaîne d’or de cent écus à Jean Duchier, secrétaire des commandements du roi, qui lui a rendu quelques services (325). La famille de Chrétienne est au courant de tous ces événements ; dès le 20 avril, Marie de Hongrie écrit à son frère, Ferdinand, roi des Romains, pour l’avertir de ce qui s’est passé à Nancy (326) le 26, elle répond à la lettre de sa nièce en date du 17, lui témoignant le grand déplaisir qu’elle a eu à apprendre ces nouvelles, et l’engageant à se retirer dans son douaire (327). Le 28, une lettre adressée à Marie par l’évêque d’Arras, qui est à Innsbrück auprès de Charles-Quint, atteste que celui-ci, malgré son éloignement, est déjà informé de la triste situation de sa nièce (328).
Chrétienne séjourna dans son douaire, tantôt à Blâmont, tantôt à Deneuvre, de la fin d’avril au commencement de juillet. Son beau-frère, qui continuait à lui témoigner des égards, vint la visiter à Blâmont du 11 au 14 juin (329). Elle-même était allée passer à Nancy la journée du 20 mai. Ces deux démarches donnaient à penser qu’elle s’accommodait aux circonstances ; il n’en était rien, elle continuait à vouloir servir sa famille, donnant à la reine de Hongrie des indications qui lui permettaient de s’emparer de Stenay, et l’engageant à occuper Nancy de la même façon (330). De là une correspondance suivie, et alors arriva ce qu’elle eût dû prévoir : une lettre de Chrétienne à sa tante fut interceptée et révéla toute l’intrigue. La sanction ne se fit pas attendre ; ce fut un court billet du roi dont voici le texte :

A ma cousine, la duchesse de Lorraine,
Ma cousine, j’envoye par devers vous le sieur de Rostaing, gentilhomme de ma chambre, présent porteur, pour vous dire et faire entendre aucunes choses de mart (331), dont je vous prie le croire, tout ainsi que vous feriez moy mesmes, priant Dieu, ma cousine, qu’il vous ayt en sa garde. Escript au camp de Estaing (332), le 2e jour de jung 1552 (333).

Au dos du document est libellée cette mention significative : « Crédence (334) du roy pour faire sortir Son Altesse hors des pays de Lorraine ». Ainsi Rostaing était chargé d’enjoindre à Chrétienne, au nom du roi, d’avoir à quitter la Lorraine, puisqu’elle ne voulait pas cesser ses menées. La duchesse entreprit de se justifier et envoya au roi le sieur de Dolan (335). Les instructions qu’elle lui remit nous font connaître les griefs d’Henri et les réponses de la duchesse : « Le roi a sceu comme elle s’est transportée en plusieurs endrois pour la grande affection qu’elle porte aux ennemys dudict sieur roy... au grand dommaige de Monsieur son filz et de ses pays. » - Ce sont là des calomnies ; elle « ne s’est meslée des affaires, seullement en quelques petites choses », et sur l’instance de son beau-frère, le comte de Vaudémont, et de sa belle-sœur, la duchesse d’Aerschot. Elle s’est retirée dans son douaire, qui est fief de l’Empire, et où le roi, insinue-t-elle, n’a rien à voir (336). Henri ne tint aucun compte de ces dénégations et réitéra ses ordres. Il ne resta à Chrétienne qu’à rédiger une protestation, datée de Deneuvre et du 28 juin 1552, où, s’avisant d’un nouvel argument, elle observe que selon la coutume du duché, une veuve est la tutrice légitime de ses enfants tant qu’elle ne se remarie pas (337).
Elle partit peu de jours, semble-t-il, après avoir rédigé cette protestation, et après avoir demandé aux villages de son comté de Blâmont de lui fournir cinq chariots « pour mener ses besoingnes et hardes avec elle aux Allemaingnes » (338). Elle alla à Strasbourg où elle séjourna quelque temps ; elle alla aussi à Sélestat où Claude Mengin, président de la Chambre des comptes de Lorraine, vint la rejoindre pour inventorier les meubles qu’elle avait emportés (339). On la voit encore à Offembourg où un homme de Blâmont vient lui apporter un paquet de lettres (340), puis en septembre à Spire et à Heidelberg (341). Elle était là dans les Etats du comte palatin, Frédéric le Sage, qui avait épousé sa sœur aînée, Dorothée. Il est à croire que Chrétienne et ses filles y firent quelque séjour, puis elles repartirent pour Bruxelles où les accueillit la reine douairière de Hongrie.
La pauvre duchesse s’était trouvée seule et sans aide dans sa lutte contre le puissant Henri II ; son cotuteur, Nicolas, qui avait toujours eu des sympathies françaises et qui voulait gouverner à son tour, s’était tout de suite rallié au vainqueur ; démunis de troupes et d’argent, l’empereur et la reine de Hongrie ne pouvaient rien pour elle ; enfin, la chevalerie lui était hostile, elle-même l’avouait, et l’avait abandonnée. Les gentilshommes n’avaient pas oublié l’intransigeance de la tutrice aux Etats de Neufchâteau, puis tous les griefs de ces sept ans de gouvernement, l’obstination à ne plus réunir les Etats, nombre de places données à des étrangers, l’interdiction des duels, l’incarcération de Nicolas d’Haraucourt, les menaces adressées aux Assises du bailliage de Nancy. Le duc Antoine avait toujours eu l’appui de la chevalerie parce qu’il avait accepté de bonne grâce son contrôle ; ayant écarté tout contrôle, sa belle-fille se trouvait sans soutien à l’heure du péril. Un seul gentilhomme parut vouloir agir en sa faveur ; c’était ce François de Bassompierre qui lui avait fait une si rude opposition aux Etats de Neufchâteau, mais était très attaché à Charles-Quint. En juillet 1548, Chrétienne l’avait nommé chef de ses finances ; quand il vit que la duchesse était dépouillée de son pouvoir, il demanda à être déchargé de cet office, parce que « obstant plusieurs pertinentes raisons à ce le mouvans, il n’y peult vacquer bonnement comme il a faict jusques à présent et qu’il en auroit bien bonne envye ». Et sa démission fut acceptée par lettres patentes du 23 avril 1552 (342). Bassompierre ne s’en tint pas là ; s’il faut en croire la relation, peut-être complaisante de son petit-fils, il se retira dans les Vosges avec quelques troupes et fit mine de résister à Henri II, mais il dut capituler, promettre de sortir de la Lorraine avec ses soldats et de n’y plus rentrer ; enfin, remettre son fils Christophe en otage (343).
Chrétienne avait mérité la désaffection de ses sujets, elle avait aussi mérité la sévérité d’Henri II. Dès 1548, elle n’avait pas tenu sa parole d’interrompre les travaux aux remparts de La Mothe ; plus tard, ayant fait reconnaître la neutralité de la Lorraine pendant la guerre entre la France et l’Empire, elle n’avait pensé qu’à se servir de cette situation pour adresser à sa tante, la reine de Hongrie, des renseignements importants : le 1er septembre 1551, elle lui écrit de Bar-le-Duc que les troupes françaises se concentrent à Attigny, sans doute pour attaquer Stenay (344). En février 1552, c’est elle qui renseigne la reine sur ce traité secret de Chambord que son frère et elle ont tant d’intérêt à connaître (345). En mars, elle lui apprend quels sont les effectifs de l’armée française qui va traverser la Lorraine (346). En mai, elle lui donne des avis qui lui permettent de prendre Stenay, et l’engage à s’emparer de Nancy. Et dans la journée du 15 avril, elle avait affirmé à Henri II n’avoir jamais rien fait contre son Service ! Et dans sa protestation du 28 juin, elle répète qu’elle ne lui a fait aucun tort, ajoutant que pour la chasser, le roi se plaint de quelque écriture chiffrée qu’il dit avoir trouvée, mais elle ne sait ce que c’est (347). Ce roi s’est très légitimement prémuni contre ses machinations ; au moment de pousser jusqu’au Rhin, il eût été fort imprudent en laissant derrière lui une ennemie dangereuse, et l’indignation que montre la duchesse dans ses lettres à Charles-Quint et à Marie de Hongrie ne peut nous émouvoir, même si nous nous plaçons au point de vue lorrain : Chrétienne avait délibérément sacrifié à l’intérêt de sa famille l’intérêt de son duché, qui était de garder la neutralité entre la France et l’Empire, comme l’avait si bien fait le duc Antoine pendant tout son règne.
Ce qui dut augmenter encore l’irritation d’ Henri II, ce fut de voir toujours auprès de Chrétienne sa bellesœur, Anne, duchesse d’Aerschot, une espionne avérée. Cette fille du duc Antoine, née en juillet 1522, par suite dans la force de l’âge, avait été mariée deux fois, et toujours à des familiers de Charles-Quint, d’abord à René de Chalon, prince d’Orange, qui avait été tué en 1544 au siège de Saint-Dizier, puis à Philippe de Croy, duc d’Aerschot, qui était mort en 1549. Elle était la principale informatrice de la reine de Hongrie et elle entretenait des espions en France, dit M. Zeller (348). Elle partageait son temps entre la cour de Bruxelles et celle de Nancy ; en 1552, elle réside à Nancy sans interruption du mois de janvier au mois de mai (349). Paradin assure qu’elle accompagne sa belle-sœur quand celle-ci se rend à Joinville dans les premiers jours d’avril pour négocier avec Henri II (350), et elle la suit encore lorsque, le 15 avril, Chrétienne vient trouver ce prince dans la grande galerie de son palais pour protester contre le traitement qui lui est infligé (351). Le roi dut être fort irrité et inquiet de voir cette femme, qu’il savait toute dévouée à ses ennemis et dont il n’ignorait sans doute pas les machinations, toujours auprès de la duchesse de Lorraine et la confirmant, s’il en était besoin, dans ses sentiments impérialistes, auprès du jeune Charles III, qu’il considérait déjà comme son gendre, et faisant de lui un ennemi de la France.
Notons ici que si le roi a été dur pour Chrétienne, et non sans raison, il ne l’a pas été pour la Lorraine. Celle-ci dut fournir des vivres à l’armée qui la traversait, mais le roi les payait (352). Il avait établi dans ses troupes un ordre qu’on trouvait rarement dans les armées d’alors. Après le départ de Metz, des lansquenets à son service avaient pillé des maisons, pris et tué du bétail ; Henri en fit pendre six et défendit, tant qu’on serait en Lorraine, de rien prendre sans payer, sous peine de la vie. « Par quoy cessèrent telles insolences et se payoit le tout fort bien, suivant l’ordonnance du roy (353). » Henri respecta l’indépendance de la Lorraine et ne s’immisça qu’avec discrétion dans ses affaires ; il la donna à gouverner à quelqu’un qui était tout à fait qualifié pour cette tâche, puisque c’était le frère cadet du dernier duc ; enfin il fiança le jeune Charles III à une de ses filles, alliance assurément très honorable et flatteuse, Charles-Quint lui-même en convenait.
Mais pour arriver à cette union qu’il imposait, car Chrétienne n’y avait jamais donné un consentement formel, il enleva à sa mère cet enfant de neuf ans et l’envoya en France, dans la famille royale. Le procédé nous paraît violent, il dut le paraître moins aux contemporains. En ce temps, lorsque dans les familles royales on fiançait des enfants dont le mariage ne devait être célébré qu’après plusieurs années, la jeune fille - on peut dire parfois la petite fille - était envoyée à la cour de son futur époux pour être élevée auprès de lui, de façon à connaître le mari qu’on lui destinait, la famille où elle devait entrer et le pays où elle allait vivre et régner. Ainsi, Marguerite d’Ecosse est née en 1424, son mariage avec !e dauphin Louis fut décidé en 1428 et elle arriva en France en 1436 ; Marguerite d’Autriche avait trois ans quand elle vint en France en 1482 comme fiancée du dauphin Charles, qu’elle n’épousa pas du reste ; Marie Stuart, née en 1542, fut envoyée en France en 1548 et épousa le dauphin en 1558 ; au siècle suivant, Marie-Adélaïde de Savoie, née en 1685, viendra en France en 1696 et épousera - mariage platonique pour le moment - le duc de Bourgogne en 1697. En 1552, c’est le prince qui est séparé de sa famille et envoyé auprès de sa future épouse ; puis, cette séparation n’est pas volontaire, elle est imposée et se fait littéralement du jour au lendemain. C’est pourquoi, si nous ne plaignons pas Chrétienne de Danemark comme souveraine, nous pouvons au moins la plaindre comme mère.

(A suivre.)


(1) Voir entre autres Arch. M.-et-M., B 26, fol, 6 v°, 11, 22 v°, 24, 25 v°, 29 v°, 31.
(2) H. LEPAGE dans M.S.A.L., 1855, p. 224-230.
(3) La première est publiée dans les Mém. de l’Acad. de Stanislas, 1851, p. 274-280 ; la seconde par ROGÉVILLE, t. II, p. 85-88. - Lud est mort dès 1504, mais son action a pu se continuer après sa mort.
(4) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol. 51 v°.
(5) Ibid., fol. 5 v°.
(6) Ibid.. B 10.356. fol. 1.
(7) Ibid., fol. 10.
(8) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 173 v°.
(9) Voir notre étude sur la Correspondance du duc Charles III avec Berne, dans les Annales de l’Est, 1937, p. 213-256.
(10) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol, 56.
(11) Ibid., B 26, fol. 157.
(12) Ibid., B 26, fol. 142.
(13) Ibid., B. 27, fol. 6 v°.
(14) Ibid., B 10.356, fol. 9 v°.
(15) Ibld., B 23, fol. 26.
(16) Ibid., B 10.357, fol. 58.
(17) lbid., fol. 54. - Mouacourt, cant. Lunéville sud.
(18) Ibid., fol. 56 v°, - Bonneval, prieuré des prémontrés de Nancy, comm. d’Hénaménil, même canton.
(19) Ibid., fol. 46.
(20) Ibid., B 10.356, fol. 18, 22 r.
(21) Ibid., B 10.357, fol. 35 v°, 36. - Vicherey, Vosges, cant. ChàtenoiSi
(22) Ibid., B 27. fol. 18 v°.
(23) Ibid., B 10.356, fol. 14.
(24) Ibid., B 10.357, fol. 15, 31 V.
(25) Ibid., foL 39 v°.
(26) Ibid., fol; 45 v°, 57.
(27) Ibid., B 1076, fol. 150-152.
(28) Ibid.. B 1.085. fol. 256.
(29) Ibid., fol. 250-261.
(30) Ibid., fol. 261 v°.
(31) Ibid., B 10.3516, fol. 7, 11 v° ; B 10.045.
(32) Ibid., B 2.457.
(33) Ibid., B 27, fol. 38 ; B 23, fol. 23 v° ; B 26, fol. 67 v°
(34) Ibid., B 23, fol, 104 v°.
(35) Ibid., B 26, fol. 72 v°, 74. - Dans ces deux lettres patentes, mêmes plaintes que dans les précédentes sur le mauvais état, des bois ; le rédacteur de 1550 copie les lettres de 1547, et il les copie si bien qu’il parle encore de François de Dommartin, oubliant qu’il n’est plus en activité depuis trois ans.
(36) Ibid., B 23, fol. 180 ; B 1.087, fol. 194 v°.
(37) Ibid., B 10.357, fol. 48 v°.
(38) Ibid., B 5.454.
(39) Ibid., B 2.249, fol. 3.
(40) Ibid., B 4.634.
(41) Ibid., B 10.356. fol. 19.
(42) Ibid., B 4.329, 4.634.
(43) Ibid., B 10.357, fol. 31, 49.
(44) Ibid., B 2,238, 4.632, 4,634.
(45) Ibid., B 2.238. ;.
(46) Ibid., B 10.357, fol. 40-42.
(47) Ibid., B 9.527. - Souilly, arrond. Verdun.
(48) Ibid., B 1.077, fol. 66, B 1.078, fol. 81.
(49) M.S.A.L., 1870, p. 262 ; Arch. Meuse, B 1446.
(50) Arch. M.-et-M., B 27, fol. 243 v°.
(51) Ibid., B 26, fol. 275 v°.
(52) LIONNOIS, Hist. de Nancy, t. II, p. 59.
(53) Mandements des 4 et 13 septembre 1545 (Arch. M.-et-M., B 1077. fol. 78),
(54) lbid. B 10.356, fol. 20.
(55) Ibid., B 25, fol. 47. - Condé, Meuse, cant. Vavincourt.
(56) Ibid., B 26, fol. 117 v°. - Pareid., Meuse, cant. Fresnes.
(57) Ibid., B 26, fol. 198 v° - La Chaussée, Meuse, cant. Vigneulles.
(58) Ibid., B 26, fol. 194 v°. - Liffol, Vosges, cant. Neufchâteau.
(59) Ibid., B 26, fol. 157 v°.
(60) Ibid., B 1077. fol. 115.
(61) Voir notre étude Le duc Charles III et l’article de Paris dans les Annales de l’Est, 1930, p. 87-108.
(62) HENNE, Le règne de Charles-Quint en Belgique, t. VIII, p. 392-393.
(63) Ibid., B 1088, fol. 101, 117, 124, 126, 127.
(64) M.S.A.L., 1869, p. 307 ; Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 217, 269 ; B 1087, fol. 203.
(65) Arch. M.-et-M., B 10.356, fol. 16. - Gélaucourt, cant. Colombey.
(66) Ibid., B 23, fol. 23.
(67) Ibid., B 1076, fol. 264.
(68) Ibid., B 2238.
(69) lbid., B 2457. 8462.
(70) Ibid., B 9194, fol. 40 ; B 10,357, fol. 24 v°. - Guemunde, nom ancien de Sarreguemines.
(71) Ibid., B 6660-6662 : B 10.357. fol. 21. 30. 33.
(72) Ibid., B 10.357, fol. 50 v°, - Condé-sur-Moselle, aujourd’hui Custines, cant. Nancy-Est.
(73) Ibid.. B 4328.
(74) Ibid., B 1087.
(75) lbid. B 9196, fol. 42.
(76) Ibid., B 1080, fol. 246-247,
(77) Ibid., B 10.356, fol, 11.
(78) Ibid., B 5688.
(79) Ibid., B 1080, fol. 252.
(80) Ibid., B 9818, fol. 99 v°.
(81) Ibid.. B 2457.
(82) Ibid., B 1078, fol. 163 v° ; B 10.356, fol. 18.
(83) Ibid., B 10.356, fol. 14-15.
(84) Livre des enquéreurs, dans M.S.A.L, 1858, p. 204.
(85) Arch. Meuse, B 2275.
(86) Ibid., B 1375. - Villotte, Meuse. cant. Vaubecourt.
(87) Arch. M.-et-M., B 1076.
(88) Ibid., B 4698.
(89) Ibid., B 5451, 5453.
(90) Ibid., B 6659, 9818, 10.045.
(91) MAUDHEUX, dans Annales de la Soc. d’émulation des Vosges, 1856, p. 168.
(92) LEPAGE, Comm. de la Meurthe, t. II, p. 140.
(93) LEPAGE. ibid. ; Arch. M.-et-M.. B 1077. fol. 85 v°.
(94) ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 579,
(95) Arch. M.-et-M., B 26, fol, 273 v°.
(96) Ibid., B 6176, fol. 42 v°.
(97) STEIN et LEGRAND, La frontière d’Argonne, p. 37.
(98) PFISTER, Hist. de Nancy, t. I, p, 2311 ; DAVILLÉ, Bar-le-Duc, p. 203.
(99) Arch. M.-et-M., B 6817.
(100) Ibid., B 23, fol. 106.
(101) Arch. commun, de Rosières, CC 86 ; LEPAGE, Arch. commun. de la Meurthe, p. 212-213.
(102) Arch. M.-et.-M., B 26, fol. 41. - Bauzemont, cant. Lunéville-Nord.
(103) Ibid., B 33, fol. 127.
(104) CALMET, Biblioth. lorr., col. 632-633.
(105) Arch, M.-et-M., B 1077, fol. 70 v°.
(106) Voir Mém. de l’Acad. de Stanislas, 1935-1936, p. 19.
(107) R.H.L., 1938, p. 88-89 ; A. COLLIGNON, Le mécénat du Cardinal.
(108) Ouvrage analysé plus haut, p: 29.
(109) D’après dom CALMET, Bibliothèque lorr., col. 583.
(110) Vol. in-4 publié à Munich. Voir J.S.A.L., 1879, p. 145-146,
(111) Arch. M-et-M., B 1067, fol. 189.
(112) Ibid., B 1073 fol. 100 : B 1077. fol. 79 : B 1084. Fol. 63 v°.
(113) Ibid., B 7638, fol. 31 v° ; B 1088, fol. 109.
(114) Ibid., B 1084, fol. 66 ; B 1086, fol. 82 V ; B 1088, fol. 84 ; B 1092, fol. 89.
(115) Ibid., B 1077, fol. 73.
(116) Ibid., B 1088, fol. 67 v° ; dans ce compte, ils ne sont désignés que par leurs prénoms.
(117) Ibid., B 7629, fol. 98 ; B 1074, fol. 202 ; 1071, fol. 181.
(118) Ibid., B 1076, fol. 211.
(119) Ibid., B 1084, fol. 61.
(120) LEPAGE, Organisation, p. 13-15.
(121) Arch. M.-et-M., B 9381, fol. 137 v°. - LEPAGE, Organisation, p. 85, 187, donne d’autres formes de ce mot espannisquenectz (qui est dans VOLCYR DE SERROUVILLE, Guerre des Rustauds, p. 29), enspennings, emspennigk.
(122) LEPAGE, Organisation, p. 190 ; PFISTER, Hist. de Nancy, t. II, p. 265. - Dans les Annales de l’Est, 1934, p. 4, PFISTER écrit male paye, sans doute par erreur, car nous n’avons rencontré ce terme dans aucun document.
(123) Arch. M.-et-M., B 1078, fol. 132.
(124) Ibid., B 1088, fol. 139.
(125) Ibid., B 1076, fol. 262.
(126) PFISTER, Hist. de Nancy, t. II, p. 265.
(127) Arch. M.-et-M., B 7251.
(128) lbid., B. 7512.
(129) Ibid., B 1077, fol. 62,
(130) lbid., B 1088, fol. 94.
(131) Ibid., B 1094, fol. 60-61.
(132) Ibid., B 1077, fol. 64.
(133) Ibid., B 1092, fol. 154 ; B 1094, fol. 143.
(134) LEPAGE, Guerre des Rustauds, p. 260.
(135) Arch. M.-et-M., B 1088, fol. 164. - Goin, Moselle, cant. Verny.
(136) Ibid, B 1088, fol. 161-102.
(137) Ibid., B 1092, fol. 153.
(138) Ibid., fol. 150-151,
(139) Ibid., fol. 168.
(140) Ibid., fol. 160.161.
(141) Ibid., fol. 162-166.
(142) Ibid., fol. 148.
(143) Ibid., B 1094, fol. 136.
(144) Ibid., fol. 158,
(145) LEPAGE, Organisation, p. 89-94.
(146) Arch. M.-et-M., B 1092, fol. 161 bis. - Dom CALMET, Hist. de Lorr., 2e édit., t. V, col. 473, nous apprend que les couleurs du duc Antoine étaient jaune, blanc et bleu. Ce prince étant mort depuis huit ans, n’y a-t-il pas là une simple coïncidence ?
(147) PFISTER, Hist. de Nancy, t. II, p. 203-207.
(148) Arch. M.-et-M., B 1069, fol. 247 ; B 1088, fol. 90.
(149) Ibid., B 22, fol. 58. - Mérauvaux, cant. Fresnes-en-Woëvre.
(150) Ibid., B 26, fol. 276 v°. - C’est le Jean II de Ludres du comte de Ludres, Hist. d’une famille, t. I, p. 281 ; Marguerite, sœur de Jean II, avait épousé Jean de Harange.
(151) Ibid., B 1092, fol 158-159.
(152) Ibid., B 1083, fol. 16 v°.
(153) Ibid., B 1069, fol. 190 v°.
(154) Ibid.. B 1080. fol. 237 v°.
(155) Ibid., B 1087, fol. 226-227.
(156) Ibid., B 1081, fol. 231 v°.
(157) Ibid., B 1080, fol. 239 v°, 240.
(158) Ibid., B 1076, fol. 241.
(159) Ibid., B 1087, fol. 228-229.
(160) Ibid., B 1076, fol. 241.
(161) lbid., B 3575.
(162) Ibid., B 1094, fol. 155.
(163) Ibid., B 1077, fol. 121 ; B 6300.
(164) Ibid., B 5687,
(165) lbid., B 4435, 4632.
(166) Ibid., B 10.357, fol. 28, B 9194, 8633, 4437, 4873, 9818.
(167) Ibid., B 1081, fol, 236.
(168) Ibid., B 3691, 5277, 9299, 9527.
(169) Ibid., B 4440, fol. 73 v°, B 5456, 5072.
(170) Ibid., B 5689, 1983.
(171) Ibid., B 5457.
(172) ZELLER. Organisation des frontières, p. 6.
(173) Arch. M.-et-M., B 1079, fol. 130.
(174) Ibid., B 1082, fol. 83.
(175) lbid.. B 1077, fol. 59, 79,
(176) Ibid., B 1084, fol. 79, 80.
(177) Ibid., B 1086, fol. 60 ; B 1088, fol. 60 v° ; B 1092, fol, 64 v°.
(178) Ibid., B 1094, fol. 103 v° ; LEPAGE, Comm. Meurthe, t. II, p. 142, 148.
(179) Arch. M.-et-M., B 7254.
(180) Rasée en 1645, La Mothe a été englobée dans la commune d’Outremécourt, Haute-Marne, cant. Bourmont.
(181) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 657.
(182) Arch. M.-et-M., B 1088, fol. 138.
(183) Ibid., B 1092, fol. 149.
(184) Voir le plan de La Mothe à la fin de l’ouvrage de. Simonnet sur les sièges de cette ville.
(185) Arch. M.-et-M., B 1088, fol. 161,
(186) Ibid., fol. 164.
(187) Ibid., B 3262, fol. 71 vol
(188) Ibid., B 7251 ; publié par LEPAGE dans J.S.A.L., 1853, p. 139-167, 172-192, 196-216.
(189) Comm. Meurthe, t. II, p. 142-143.
(190) Histoire de Nancy, t. II, p. 266. - Le rôle donne simplement le nombre des conduits et LEPAGE et PFISTER estiment qu’un conduit ou feu compte en moyenne six habitants.
(191) Sur ces travaux, cf. PFISTER, dans Annales de l’Est, 1905, p. 22 et ss., et dans Hist. de Nancy, t. II, p. 203.
(192) Arch. M.-et-M., B 1092, fol. 170.
(193) Lettres patentes du 12 février 1552, n. st., dans Arch. M.-et-M., B 27, fol, 102 v°, publiées en partie par LEPAGE, Communes Meurthe, t. II, p. 141.
(194) Arch. M.-et-M., B 9298. - Schaumbourg, régence de Trêves.
(195) Ibid., B 9379, fol. 121. - Fraulautern, abbaye de femmes sur la Sarre, près de la ville actuelle de Sarrelouis,
(196) Ibid., B 9381, fol. 143. - Tholey, près de Schaumbourg.
(197) Bull. de la Soc. des amis de Sarre, 1934, p. 128-131.
(198) Arch. M.-et-M., B 9299.
(199) Ibid., B 9298.
(200) Ibid., B 9381, fol. 142. - Il y a un Simmern dans le cercle de Coblenz.
(201) Ibid., B 1088, fol. 152.
(202) Ibid., B 1076, fol. 266-267.
(203) Mém. de l’Acad. de Stanislas, 1935-1936, p. 12.
(204) Procuration en latin du 16 septembre 1548, à la B, N., Coll. lorr., ms. 223 bis, fol. 84.
(205) Traité du 1er juillet 1549, ibid. ms. 220, fol. 20. - Neuflotte, nom courant de Dominique Champenois, seigneur de Laneuvelotte:
(206) Arch. M.-et-M., B 416, fol. 4 v°.
(207) Benoit PICART, Hist. de Toul, p. 45 des preuves.
(208) Meuse, cant. Vigneulles.
(209) Meuse, cant. Vaubecourt.
(210) Les deux actes sont publiés par CALMET, Hist. de Lorr., 1re édit., t. III, col. 409-413 des preuves.
(211) Papiers d’état du Cardinal Granvelle, t. III, p. 462.
(212) RAHLENBECK, p. 26.
(213) ZELLER dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 391.
(214) Journal de ma vie, t. I, p. 10-13 1
(215) BRANTÔME, t. VII, p. 244. - Lionnois, qui décrit, avec tant de détails, l’église des Cordeliers, ne parle pas de cette sépulture et de cet homme, non plus que PFISTER dans son Histoire de Nancy.
(216) Zeller dans M.S.A.L., 1923-1925, p, 391, n, 4.
(217) Arch. M.-et-M., B 1077, fol, 106-107.
(218) Ibid., fol. 109 v°, 111. - Sachant le crédit de Perrenot, les ducs de Lorraine tenaient à se l’attacher et", dans son règne si court, François 1er lui avait offert six coupes d’argent doré avec couvercles, valant 360 écus d’or et qui ne furent payées qu’en 1547 (lbid.. B 1082, fol. 92).
(219) Ibid., B 23, fol. 95 ; B 1082, fol. 93.
(220) Ibid., B 1088, fol. 124 v°.
(221) Ibid., fol. 125 v°. - Charles-Quint a passé dans le Tyrol une partie de cette année.
(222) HENNE, t. VIII, p. 272-273.
(223) Lettre du 5 mai 1546 dans CALMET, Hist. de Lorr., t. VI, p. 400 des preuves.
(224) Lettre du 18 juin 1546 dans les Papiers d’état de Granvelle, t. III. p. 226.
(225) Lettre en latin du 27 août 1549, dans STEIN et LE GRAND, p. 245.
(226) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 358.
(227) Voir notre étude sur Le traité de Nuremberg dans les Annales de l’Est, 1933, p. 154.
(228) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 656-657.
(229) Arch. M.-et-M., B 1086, fol. 102.
(230) Ibid., B 1077, fol. 111 ; B 1079, fol. 121, ; B 1084, fol. 98.
(231) Ibid., B 405, fol. 110 v°.
(232) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 656.
(233) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 189 v°.
(234) M.S.A.L.. 1869, p. 33.
(235) Arch. M.-et-M., B 10.218, fol. 12-13.
(236) Ibid., B 3262, fol. 65-674
(237) ZELLER dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 365-366.
(238) CALMET, Hist. de Lorr., 1ere édit., t. III, col. 416.
(239) ZELLER, ibid., p. 381.
(240) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 99 ; B 9381, fol. 143 v°.
(241) Ibid., B 1086, fol, 50 v°,
(242) Lettres patentes du 1er décembre 1549, Arch. M.-et-M., B 23, fol. 317 et 320.
(243) B. N., Coll. de Lorr., ms. 217, fol. 69,
(244) Arch. M.-et-M., B 5455.
(245) CALMET, Hist. de Lorr., t. VI, col. 328 des preuves.
(246) J.S.A.L., 1894, p. 148.
(247) Ces deux lettres sont publiées dans le J.S.A.L., 1894, p. 148-150.
(248) Papiers d’Etat de Granvelle, t. III. p. 430.
(249) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 113 v°.
(250) Ces instructions sont publiées par LEPAGE, en appendice à son étude sur la collégiale, dans M.S.A.L., 1849, p. XXIX-XXXI.
(251) HENNE, VIII, 395-396. - Les entrailles de Charles avaient été, selon l’usage, retirées du corps et mises à part dans un vase ; elles restèrent dans la collégiale (M.S.A.L., 1849, p. XXVIII de l’appendice), Celle-ci garda également les drapeaux qui avaient été pris dans la bataille de 1477.
(252) Publié par FOURIER DE BACOURT, dans J.S.A.L., 1894, p. 150 152 ; c’est par erreur qu’il est daté du 20 septembre.
(253) Publié par CH. DE LINAS, dans M.S.A.L., 1855, p. 75-85.
(254) Papiers d’Etat de Granvelle, t. III, P. 462.
(255) Biogr. nationale belge, t. III, col. 801.
(256) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, P. 379-380.
(257) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 137.
(258) ZELLER, ibid., p. 390 ; Arch. M.-et-M;, B 1088, fol. 123-126.
(259) DE THOU, Hist. universelle, t. I, p. 199 ; Catal. des actes de François ler, t. VIII, P. 531 ; Mém. de Du Bellay, t. IV, p. 332.
(260) Arch. M.-et-M., B 6175.
(261) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 360, n, 3.
(262) ZELLER, ibid., p. 399-408.
(263) ZELLER, ibid., p. 419, 423-424.
(264) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 658-664.
(265) ZELLER, ibid., p. 362, n. 2.
(266) Toute cette négociation est exposée dans un rapport de Chrétienne à la reine de Hongrie, nouvelle preuve que la tutrice ne faisait rien sans l’avis de la reine et de l’empereur. Ce rapport est publié par ZELLER, ibid., p, 408-410.
(267) Engagement publié par ZELLER, ibid., p. 410-411.
(268) ZELLER, ibid., p. 366, n. 1 et 370, n. 4. La lettre de Claude de Guise, datée du 9 avril 1548, est ibid., p. 411-412.
(269) Les instructions à ces deux plénipotentiaires sont imprimées par ZELLER, ibid., p. 413-417.
(270) Publié par ZELLER, ibid., p. 417-419.
(271) Engagement du 20 juin 1548 inclus dans des lettres patentes du roi, du 22 juillet, le tout publié par ZELLER, ibid., p. 425-426.
(272) Lettres patentes du même 22 juillet, ibid., p. 423-424.
(273) Arch. M.-et-M., B 1086, fol. 113,
(274) Elle est à La Mothe le 6 février (ibid., B 26, fol. 124) ; nous ne savons pas combien de jours elle y passe.
(275) Ibid., B 1088, fol. 138.
(276) Arch. M.-et-M., B 24, fol. 76 v°.
(277) Ibid., B 23, fol. 92. - Etienne Chaloppin était solliciteur du duo en Lorraine dès 1541. Ses papiers sont à la B.N., Coll. lorr., ms. 469j
(278) Ibid., B 23, fol. 110.
(279) Ibid., B 23, fol. 327. - Lisle-en-Barrois, abbaye cistercienne, Meuse, cant. Vaubecourt.
(280) Ibid., B 23, fol. 321.
(281) Ibid., B 26, fol. 205 v°.
(282) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 735 ; ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 376-377.
(283) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 108 v°.
(284) lbid., B 26, fol. 226.
(285) Ibid., B 4433.
(286) Ibid., B 6176, 8631.
(287) COLLIGNON, Le Mécénat, p. 26, n. 6.
(288) COLLIGNON, ibid., p. 28-29 ; MAROT, Pompes funèbres, p. 35-36.
(289) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 363, 410.
(290) Ibid., p. 420-423.
(291) Ibid., p. 381 ; Arch. M.-et-M., B 1988, fol, 116 v°.
(292) Ibid., B 1088, fol. 103 v°. - Il s’agit de Gérard Le Bouteiller, seigneur de Vigneux, qui avait été nommé à cet office en 1546.
(293) ZELLER, ibid., p. 379.
(294) GUILLEMIN, p. 46 ; Mémoires du duc de Guise, dans la collection Michaud et Poujoulat, t. VI, p. 44
(295) ZELLER, ibid., p, 385-387.
(296) Henri MARTIN, t. VIII, p. 404. - Ce mariage ne se réalisa pas, Edouard VI étant mort en 1553, âgé de seize ans seulement, et Elisabeth épousera, en 1559, le roi d’Espagne, Philippe II.
(297) DRUFFEL, t. I, p. 715-718.
(298) ZELLER, ibid., p. 393, n. 2.
(299) ZELLER, Réunion de Metz, t. I, p. 161-164, 333,
(300) DRUFFEL, t. II, p. 193. - Henri II ne parait pas avoir eu de visées sur le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, mais Granvelle, qui est franc-comtois, se préoccupe du sort de son pays.
(301) lbid., p, 210.
(302) lbid., p. 267.
(303) lbid., p. 282, 298.
(304) Lettre et mémorandum sont publiés par ZELLER, Réunion de Metz, t. I, p. 447-449. Dès le 18 mars, Chrétienne envoyait à sa tante copie de ces deux pièces.
(305) ZELLER, ibid., t. I, p. 357-358, eti dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 393 ; de THOU, Hist. t. II, p. 60-61.
(306) DRUFFEL, t. II, p. £37.
(307) ZELLER, Réunion de Metz, t. I, p. 348.
(308) Il est à noter que, ni dom Calmet, ni Digot, n’ont connu l’ouvrage de Pafadins. Calmet se sert de PIGUERRE, Histoire de France, de 1547 à 1580, Paris, 1582, in-folio, et Digot suit de près Calmet.
(309) Une nouvelle édition de ces Commentaires est donnée par la Société de l’Histoire de France, t. I, en 1932.
(310) Edit. Lalanne, t. IX, p. 622-626.
(311) Ibid., p, 624.
(312) CHEVRIER, Histoire de Lorraine, t. IV, p. 155.
(313) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 667 ; DIGOT, Hist. de Lorr., t. IV, p. 158. - C’est à tort que Digot fait agir le connétable Anne de Montmorency dans cette occupation de Nancy ; le connétable était à Metz dont il s’était rendu maître par surprise le 10 avril ; le roi et lui se retrouveront devant Metz le 18 avril.
(314) Intitulé « L’Instruction que Madame de Lorraine désire être lue à Sa Majesté impériale », et publié par DRUFFEL, t. II, p. :400.
(315) Nous ignorons si ce document a été imprimé ; une copie est aux Arch. de M.-et-M., dans le cartulaire B 416, fol. 117-140. Sur ces vingt-quatre feuillets, un seul (137-138), rapporte le passage d’Henri II à Nancy.
(316) Sans doute, Jean du Puy du Fou, gentilhomme poitevin, qui avait été gouverneur de Nicolas de Lorraine, et que celui-ci avait fait bailli de son évêché de Metz.
(317) PARADIN, p. 39-40.
(318) Le texte de ce serment est publié par ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 429,
(319) PARADIN, p. 40 ; BRANTÔME, p. 623, 626 ; DRUFFEL, p. 403.
(320) PARADIN, p. 35.
(321) DRUFFEL, t. II, p. 400.
(322) HENNE, t. IX, p. 187.
(323) PARADIN, p, 40.
(324) Ibid., p. 49.
(325) Arch. M.-et-M.. B 1092, fol. 102.
(326) ZELLER, Réunion de Metz, t. I, p. 465.
(327) HENNE, t. IX, p. 188.
(328) DRUFFEL, t. II, p. 440.
(329) DEDENON, p. 24-25.
(330) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 396,
(331) Ce mot est-il une contraction pour de ma part ?
(332) Etain, Meuse, arrond. Verdun.
(333) Orig., B. N., Coll., ms.259 bis, fol. 11.
(334) Lettre de créance.
(335) Mentionné comme capitaine des gardes, par LEPAGE, Organisation militaire, p. 154.
(336) Orig. B. N., Coll. lorr., ms. 259 bis, fol. 12.
(337) Ibid., fol. 19. - La Coutume de Lorraine de 1594 édicte cette disposition au titre IV, art. 3.
(338) Arch. M.-et-M., B 3265, fol. 84 v°.
(339) Ibid., B 1092. fol. 117 v°.
(340) Ibid., B 3265, fol. 84. - Offembourg, dans le grand duché de Bade, au sud-est de Kehl.
(341) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 397, note 3.
(342) Arch. M.-et-M., B 27, fol. 58. - C’est ce document qui nous apprend que Bassompierre avait reçu ce poste en juillet 1548, ce que nous ignorions quand nous avons parlé de lui dans le chapitre sur les finances (supra p. 125).
(343) Maréchal DE BASSOMPIERRE, Journal de ma vie, t. I, p. 10-13.
(344) Lettre publiée par AIMOND, p, 531. - Attigny, Ardennes, arrond. Vouziers.
(345) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 390.
(346) Ibid., p. 392, n. 2.
(347) B. N., Coll. lorr., ms. 259 bis, fol. 19.
(348) Réunion de Metz, t. I. p. 333.
(349) Arch. M.-et-M., B 1092, fol. 53.
(350) PARADIN, p, 31.
(351) Ceci est dit dans le rapport que Chrétienne envoie à Charles-Quint, le 16 avril (DRUFFEL, t. II, p. 400).
(352) ZELLER, dans M.S.A.L., 1923-1925, p. 392,
(353) PARADIN, p. 48.
 

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