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Chrétienne de Danemark, Duchesse de Lorraine (2/4)
Émile Duvernoy
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Mémoires de la Société d’archéologie lorraine
Société d’archéologie lorraine
1936

SECONDE PARTIE
LA LORRAINE PENDANT LA TUTELLE


CHAPITRE IV
ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET JUSTICE
I. Administration générale. - II. Justice civile. - III. Justice criminelle. - IV. Le droit de grâce.

I

Chrétienne de Danemark, nous l’avons expliqué plus haut, avait donné nombre de places importantes à des sujets de l’empereur. Elle n’en dut pas moins laisser à des Lorrains la plupart des emplois, et il faut rechercher comment les régents assurèrent le recrutement de Leurs fonctionnaires, jusqu’à quel point ils arrivèrent à s’entendre avec la noblesse et la bourgeoisie de leurs duchés d’où sortaient ces fonctionnaires.
Il ne semble pas que la duchesse en ait voulu à la chevalerie de son âpre opposition dans les Etats de 1545. Chrétienne avait eu le dernier mot et pouvait donc se montrer généreuse ; la politique lui conseillait d’ailleurs de faire de la conciliation. Comme les ducs qui l’avaient précédée, comme plus tard son fils, elle réserva à des membres de ce corps les charges les plus hautes et les plus honorifiques de ses duchés. Ainsi, Pierre du Châtelet, seigneur de Deuilly et Gerbéviller, devint, en 1549, sénéchal du duché de Lorraine ; Claude de Beauvau, seigneur de Sandaucourt, fut fait, la même année, sénéchal du duché de Bar ; Claude d’Aguerre, baron de Vienne-le-Châtel, reçut, en 1550, l’office de maréchal du duché de Bar. Ces trois familles étaient parmi les plus considérables du pays, mais la première seule était autochtone ; les deux autres étaient originaires de l’Anjou et du Béarn et avaient donc la condition de pairs fieffés. Nous parlerons plus loin des baillis qui, dans cette société très hiérarchisée, venaient immédiatement après les sénéchaux et les maréchaux.
Les ducs de Lorraine avaient, au moins depuis René d’Anjou, la prérogative de délivrer des lettres de noblesse, et de créer ainsi, entre la chevalerie et le peuple, une classe intermédiaire qui leur était très dévouée puisqu’elle leur devait tout. Certains historiens ont même pensé que ceux des ducs qui se trouvèrent en conflit avec la chevalerie multiplièrent systématiquement les anoblissements, afin d’opposer les nobles par lettres aux nobles d’origine. Chrétienne, devant qui la vieille aristocratie s’était dressée avec tant d’unanimité, usa-t-elle de ce procédé pour l’affaiblir ? Il ne le semble pas. Avant elle, le duc Antoine, son beau-père, avait anobli en moyenne six ou sept personnes par année de règne. Nous laissons de côté François Ier, son mari, qui ne fit que passer sur le trône ducal. Elle- même délivra, à notre connaissance, quarante lettres de noblesse en sept ans, soit cinq ou six par année. Après sa déposition, Nicolas de Vaudémont, resté seul tuteur, en fera quatre-vingt-cinq pendant un laps de temps égal, ce qui fait une moyenne de douze par an. Cette moyenne sera de huit à neuf quand Charles III gouvernera en personne, et d’une dizaine pendant le règne de son fils, Henri II, qui ne savait rien refuser. C’est donc Chrétienne qui, pendant cet espace de plus d’un siècle, fut la moins prodigue de cette faveur (1).
Par cette modération, elle dut plaire à la chevalerie, mais d’autre part elle l’irrita par une mesure, très justifiée du reste, et qui lui fait honneur : en Lorraine, comme en France, les mœurs de la noblesse étaient violentes et les duels se multipliaient de façon inquiétante, même dans les villes et châteaux où résidaient le duc et ses tuteurs ; pendant que les gentilshommes s’expliquaient à coups d’épée, leurs domestiques tiraient les couteaux et s’entrégorgeaient. Dès le début de sa tutelle, Chrétienne voulut mettre fin à de pareilles scènes et, par un mandement daté de Neufchâteau, où venaient de siéger les Etats généraux, et du 30 décembre 1545, elle prescrivit à Emond Du Boullay, son premier héraut d’armes, de revêtir sa cotte d’armes dès que la cour serait arrivée dans une nouvelle résidence, et de lire à haute voix sur les places, puis de faire afficher l’interdiction de se battre en duel là où habitaient le duc et ses tuteurs, sous peine d’être banni deux ans de la cour et privé de toute charge ; si les duellistes persistaient dans leur entreprise, après avoir été avertis, ordre était donné aux capitaines des gardes de les assommer sur place. Pénalité rigoureuse, mais sans doute nécessaire, et qui du reste ne corrigea guère les batailleurs, bien que la duchesse, faisant la part du feu, n’eût interdit les duels que dans le lieu même où elle habitait ; ce qui le prouve, c’est qu’en 1586, 1591, 1603, 1609, 1614, 1617, 1626, de nouvelles ordonnances, et plus sévères encore, furent promulguées contre le duel (2).
A l’avènement d’un nouveau duc, tous les vassaux devaient lui rendre hommage et déclarer reprendre de lui leurs fiefs, après quoi le duc leur délivrait des lettres constatant qu’ils s’étaient acquittés de ce devoir. Pour la plupart des vassaux, ces reprises se firent en 1549 ; celles des trois années précédentes et des trois années suivantes sont peu nombreuses à côté des reprises de cette seule année. Il paraît probable qu’en 1549, les tuteurs invitèrent les possesseurs de fiefs à faire hommage sans délai au jeune Charles III.
Les lettres de nomination à des offices nous font voir dans quelles catégories sociales la duchesse choisissait ses fonctionnaires. Au sommet de l’échelle administrative, les baillis étaient toujours pris dans la noblesse de race. Les prévôts, qui leur étaient subordonnés, avaient des origines plus complexes : les uns appartenaient à la petite noblesse, souvent c’étaient des anoblis de fraîche date ; les autres étaient roturiers. C’est que les prévôts avaient à la fois des attributions militaires convenant à la noblesse, et des attributions judiciaires et financières dont s’acquittaient mieux les simples bourgeois. Les fonctionnaires spéciaux qui assistaient les baillis : receveurs particuliers, lieutenants généraux et procureurs généraux de bailliages étaient en général des roturiers, parfois des anoblis récents, leurs fonctions exigeant des connaissances que la noblesse n’avait guère. Les greffiers des bailliages, et à plus forte raison les clercs jurés des prévôtés étaient tous roturiers. De roture aussi les tabellions qui étaient toujours nommés par lettres patentes des ducs, et le corps des tabellions était une pépinière pour le recrutement des offices inférieurs ; à raison de leur instruction, le duc choisissait souvent parmi eux receveurs, greffiers et clercs jurés des bailliages et des prévôtés.
La plupart des officiers ducaux, grands ou petits, restent en fonctions jusqu’à leur mort. Pour cause de vieillesse ou de maladie, certains résignent leur office, ou bien en sont relevés par le prince ; dans ces deux cas, il arrive souvent que le fils ou le gendre soit nommé à la place du père et à la demande expresse de celui-ci. Enfin, on rencontre quelques rares exemples de révocations : en 1547, Christophe Jean, clerc juré et contrôleur de la prévôté de Gondreville, est destitué, et, fait assez curieux, c’est un notaire de Toul, Jacques Payelle, qui obtient sa succession (3) ; Regnault Beaufvin, prévôt et gruyer de Saint-Mihiel, est déclaré incapable de tenir cet office, ni quelque office que ce soit, et un autre le remplace (4). La même année, on voit nommé un nouveau receveur et clerc juré d’Epinal, parce que le titulaire, Mengin Cachet, s’est « absenté et rendu fugitif des pays de nostredictz filz et nepveu », disent les tuteurs, qui omettent d’indiquer les raisons de cette fuite (5). Le plus souvent, ils ne précisent pas davantage les motifs des révocations et disent que tel fonctionnaire a été mis de côté « pour certaines causes et considérations » (6).
Si l’on prend à Toul un clerc juré de Gondreville, peut-être parce que cette ville et ce bourg sont tout proches, dans d’autres cas les Lorrains se montrent moins accueillants : un tabellion de Rambervillers demande à instrumenter en Lorraine ; la Chambre des comptes consultée répond qu’il est un homme capable, mais qu’il est sujet de l’évêque de Metz, clerc juré et tabellion à son service, et qu’il serait étrange qu’il vînt opérer dans des lieux appartenant au duc de Lorraine, au détriment d’autres tabellions, sujets de ce prince et payant les aides ordinaires et extraordinaires de ce duché (7).
La Chambre des comptes est appelée en effet à donner son avis sur les candidats aux fonctions publiques, et elle paraît le faire avec soin, après enquête préalable. En 1547, il y a trois candidats à l’office de receveur et clerc juré d’Epinal ; la Chambre en écarte tout de suite un, qui n’a pas les capacités requises ; elle s’informe sur les deux autres auprès du prévôt d’Epinal et du receveur de Dompaire, qui leur reconnaissent un mérite égal ; tout bien pesé, la Chambre présente son candidat (8).
Au milieu du XVIe siècle, l’administration du petit Etat lorrain était assurément rudimentaire, mais elle nous paraît bien ordonnée et fonctionnant de manière satisfaisante. Et enfin, elle n’était pas très coûteuse, comme nous le verrons en étudiant les finances ducales.
 

II

Au duc Antoine étaient dûs des travaux législatifs d’une certaine importance ; le duc Charles III attachera son nom à la rédaction des coutumes ; entre les deux, Chrétienne, dont la domination fut au reste beaucoup plus courte, fait assez pauvre figure quant aux progrès du droit civil ; on ne connaît d’elle qu’un règlement du 5 septembre 1548 renouvelant une ordonnance faite à la prière des Etats de décembre 1519 : que les demandes en désistement d’immeubles seraient intentées devant le juge de leur situation. Encore n’avons-nous pas le texte, mais seulement une brève analyse de ce règlement (9). Cette indigence législative s’explique : d’ordinaire, c’étaient les Etats généraux qui invitaient le duc à faire des réformes, lui signalaient des abus à corriger ; or, aux Etats de novembre 1545, les trois ordres avaient été trop occupés à discuter la question de la tutelle pour penser à autre chose, et pendant les sept ans de sa tutelle, Chrétienne ne convoqua pas d’autre assemblée d’Etats.
Elle s’intéressa d’une autre façon aux questions de justice en prononçant elle-même des arrêts rendus en Conseil. Par exemple, en 1547, Gilles de Sappoignes est en procès avec ses fils, Jean et Guillaume, au sujet de la maison forte de Villers-devant-Ornault (10), au bailliage de Saint-Mihiel; les tuteurs, assistés d’une dizaine de membres de leur Conseil, donnent raison aux enfants et les mettent en possession provisoire de la maison forte (11). En 1549, Pieresson de Noiregoulle, écuyer, seigneur de Batilly, et Alix d’Ourches, sa femme, plaident contre Gérard du Hautoy, écuyer, seigneur de Récicourt, au sujet de la vente de cette terre de Récicourt par les premiers au second, et du droit de la racheter que prétendent avoir les vendeurs ; un arrêt du 13 février 1549, n. st., rendu en Conseil, leur reconnaît ce droit de rachat (12). En 1551, Michel Bouvet, procureur général au bailliage de Bar, agissant au nom du duc, et l’abbaye cistercienne de Lisle-en..Barrois se disputent le droit de haute justice à Seraucourt ; un appointement est passé entre eux, le 17 février 1551, n. st. ; le 27 mai suivant, les tuteurs et leur Conseil chargent Bouvet de requérir devant le bailliage de Bar l’homologation de cet appointement (13).
Voici une autre affaire plus compliquée et aussi plus curieuse ; c’est un procès entre des dames du fameux chapitre noble de Remiremont. Une dame de très haute noblesse, Marguerite du Châtelet, était alors secrète, c’est-à-dire sacristine de l’église, et en cette qualité avait les clés de la pièce appelée trésor où se trouvaient les espèces monnayées et les objets de prix. Un jour, elle constate qu’une de ses compagnes, Marguerite de Choiseul, avec l’aide d’autres dames, s’est introduite dans le trésor et a emporté au dehors un coffre contenant de l’or, de l’argent et des pierreries. A bon droit irritée, elle porte plainte directement devant la duchesse douairière, qui est sans aucun doute très qualifiée pour connaître de ce conflit : femme, et d’un caractère entier, elle a l’expérience de ces passions féminines si âpres et si tenaces, de ces rivalités et susceptibilités si fréquentes entre personnes qui se voient tous les jours. Elle doit comprendre que le désoeuvrement aigrit encore ces mauvaises dispositions. D’accord avec son beau-frère, elle délègue, pour appointer les parties, quelques notables personnages qui échouent, à cause de l’extrême obstination de ces dames. En août 1548, les tuteurs viennent à Remiremont, se déclarent juges compétents, et font comparoir les parties devant eux. Les dames se présentent le 24 août, chacune assistée de ses parents et alliés, de sorte qu’une fraction importante de la chevalerie lorraine est impliquée dans le conflit, comme il adviendra encore soixante ans plus tard, lors du débat entre Catherine de Lorraine et ses chanoinesses. Les défenderesses allèguent qu’elles ont saisi le coffre au nom du chapitre, et que du reste elles l’ont aussitôt remis en place ; puis, grâce à des artifices de procédure, l’affaire est renvoyée au 15 octobre.
Dans l’intervalle, les dames ont le temps de réfléchir et de machiner : elles soutiennent qu’à raison du fait considéré, elles ne sont pas justiciables de Leurs Excellences (les tuteurs), mais du pape seul dont elles relèvent immédiatement. C’était gagner du temps, beaucoup de temps, car le pape est loin et a de plus grands intérêts à traiter que ces querelles de femmes nerveuses. L’affaire est encore remise au 29 octobre, où les tuteurs affirment de nouveau leur compétence, puis au 15 novembre, puis au lundi qui suit les prochaines assises tenues à Nancy, puis au 28 décembre. Enfin, le lendemain de ce jour, le 29 décembre 1548, jugement est prononcé par le Conseil, siégeant à Nancy, et présidé par Chrétienne : Marguerite de Choiseul et ses adhérentes n’avaient pas le droit d’emporter le coffre hors du trésor de l’église ; nous les condamnons à le faire remettre à sa place, en prêtant serment solennel qu’il contient bien tout ce qui s’y trouvait avant ledit enlèvement, et en s’engageant à ne plus rien faire de tel à l’avenir, sous les peines en tel cas requises. Nous les condamnons aux dépens. Quant à l’offense qu’elles ont commise contre l’autorité du duc, nous la leur remettons pour cette fois. Solution très équitable et sans sévérité excessive, qui fait certainement honneur au sens droit de la duchesse et de ceux qui l’assistaient ce jour-là, presque tous hommes de la meilleure noblesse, les baillis de Nancy, de Vosges, de Clermont, de Saint-Mihiel, les sieurs de Saint-Martin, de Savigny, de Sandaucourt, de Neuflotte, le prévôt de la collégiale Saint-Georges et le président de la Chambre des comptes de Lorraine (14).

III

La justice criminelle est redevable à Chrétienne d’un office nouveau, celui de prévôt des maréchaux en Lorraine et Barrois. A la vérité, un certain Jean de Desme avait déjà été investi de cette charge, mais il semble qu’elle ne soit nettement définie que dans les lettres patentes du 14 octobre 1549 qui en pourvoient Claude Richard (15). La juridiction de ce prévôt paraît s’étendre surtout sur les vagabonds de toute sorte et sur les étrangers qui viennent en Lorraine pour y commettre des délits ; il les juge sans délai, mais après avoir pris l’avis des magistrats les plus proches. C’est à peu près de la sorte qu’opérera la maréchaussée au XVIIIe siècle.
En matière criminelle, comme en matière civile, nous rencontrons quelques causes intéressantes et significatives. L’une d’elles dure juste autant que la tutelle de Chrétienne, de 1545 à 1552, et comme elle a déjà été étudiée (16), il nous suffira de la résumer : dom Benoit Juville avait été élu, le 4 avril 1545, abbé du monastère bénédictin Saint-Arnoul de Metz; à peine en fonctions, il eut des altercations violentes avec un de ses moines, Nicole Cornehault, qui, assurait-il, l’avait menacé de son couteau ; il l’expulsa du couvent. L’affaire était en somme d’importance minime et aurait dû en rester là ; mais, pour des motifs qui nous échappent, les régents de Lorraine, puis les Guises, enfin la cour de France prirent parti pour Cornehault et, par contre, la ville de Metz soutint âprement la cause de dom Juville. Des soldoyeurs messins malmenèrent Cornehault ; il y eut même un coup d’arquebuse tiré, mais qui ne blessa personne, et, circonstance aggravante, ceci se passait sur les terres de Lorraine. Tout de suite, le bailli de Saint-Mihiel, dans le ressort duquel l’agression avait eu lieu, assigna devant lui Juville et Cornehault, et comme l’abbé ne vint pas, les biens et revenus qu’il possédait dans le duché de Bar furent séquestrés ; puis, le litige ayant été évoqué devant le Conseil de Lorraine, deux arrêts de cette juridiction rendus en avril et août 1552 attribuèrent à Cornehault les biens confisqués sur Juville et condamnèrent ce dernier aux dépens. L’empereur lui-même avait failli être mêlé à ce singulier débat : la ville de Metz s’était plainte à lui des agissements du gouvernement lorrain, mais ne voulant pas blesser sa nièce, Chrétienne, qu’il aimait beaucoup, Charles-Quint avait refusé d’intervenir.
Plus clair est le procès de Nicolas de Haraucourt d’Acraignes. La famille à laquelle appartenait ce seigneur était une des plus considérables du duché de Lorraine et s’était souvent signalée par son esprit indépendant et frondeur, puisqu’au XVe siècle, plusieurs Haraucourt avaient abandonné René II pour servir Charles le Téméraire. Au XVIe siècle, la façon habituelle de fronder le pouvoir établi était de passer à la Réforme ; c’est ce que firent Nicolas et sa femme, Suzanne de Harange, fille du grand maître de l’artillerie ducale. Les tuteurs en furent-ils informés et voulurent-ils se prémunir contre les mauvais desseins possibles de ce gentilhomme, on ne le sait trop ; ce qu’on sait, c’est qu’en 1549 ou 1550, ils le firent sommer par le bailli de Vosges de leur ouvrir son château de Monthureux-sur-Saône (17), exigence tout à fait conforme au droit féodal. Non seulement Haraucourt refusa, mais il emprisonna des officiers ducaux, ce qui lui valut d’être arrêté à son tour, amené à Nancy et détenu dans la maison du prévôt de cette ville (18). L’incarcération d’un gentilhomme d’aussi bonne race causa une vive émotion parmi les nobles dont certains inclinaient du reste vers le protestantisme. Ceux qui formaient les Assises du bailliage de Vosges témoignèrent leur irritation en refusant de siéger. Peu de temps après, le même incident faillit se produire au Assises du bailliage de Nancy, mais Chrétienne veillait : le 29 janvier 1550, Nicol Bellon, sénateur de Milan, conseiller du duc, comparaît devant ces Assises et déclare que la duchesse régente est informée que les nobles qui les composent menacent de les rompre pour faire remettre en liberté M. de Haraucourt; s’ils persistent dans ce dessein et empêchent ainsi la justice d’être rendue, elle députera d’autres gens en ce siège pour les remplacer. Afin de bien faire voir que la menace est sérieuse, Bellon a amené un tabellion qui rédige séance tenante et lui remet un procès-verbal de cette déclaration (19). Ainsi, Chrétienne qui avait déjà traité les Etats généraux avec beaucoup de désinvolture, s’en prenait maintenant aux Assises de la chevalerie, autre institution essentielle du duché de Lorraine, et paraissait disposée à les remplacer par un tribunal de gradués en droit, c’est-à-dire de roturiers, ce qui ne devait se réaliser qu’un siècle plus tard.
Le comte de Vaudémont était absent quand sa belle-sœur parlait avec cette intransigeance. A son retour, il s’employa sans doute à la calmer, lui fit comprendre la gravité de ce dessein, et l’on aboutit assez vite à un compromis : le 26 février, Adam de Pallant vint signifier à Haraucourt qu’à la supplication de ses parents et amis, les tuteurs consentaient qu’il fût prisonnier sur parole à Nancy, sans en pouvoir sortir sous peine d’être tenu pour convaincu des faits dont il était accusé (20). L’affaire ne se termina que trois ans après, quand Nicolas gouvernait seul, ce qui donne à croire que Chrétienne s’était montrée rigoureuse jusqu’au bout. Des lettres de rémission faites par le comte de Vaudémont, le 20 juin 1553, disent que le procureur général de Lorraine a requis contre Haraucourt la prison et la confiscation des biens, mais plusieurs gentilshommes de l’ancienne chevalerie de Lorraine, ses parents et alliés, ont intercédé en sa faveur ; lui-même a humblement demandé pardon de l’offense commise ; c’est pourquoi le tuteur lui fait grâce et lève le séquestre mis sur ses biens, à la seule condition qu’il paye les dépens du procès (21).
Si Nicolas de Haraucourt avait fait sa soumission, il persista dans ses opinions théologiques : nous le voyons peu après établi à Metz, ville devenue en partie protestante, où deux de ses enfants sont, en 1561 et 1564, baptisés par un ministre. Il mourra en 1574 au service du prince palatin, Jean-Casimir, alors champion décidé de la Réforme (22).
Ceux deux procès avaient un caractère politique assez accusé, mais ils ne touchaient qu’au gouvernement des deux duchés ; au contraire, l’affaire de Claudine Boussart atteint la famille ducale elle-même. Cette personne était femme de chambre de l’épouse du duc Antoine, Renée de Bourbon, qui paraît l’avoir aimée beaucoup : en 1534, elle lui fait obtenir permission d’établir un pressoir dans la maison, dite la cour Vichart, qu’elle possède à Condé-sur-Moselle (23) ; en 1543, elle lui assigne une pension annuelle de 200 francs - juste le même chiffre que la pension du procureur général de Lorraine - parce que Claudine l’a suivie dans plusieurs voyages et soignée lorsqu’elle a été malade (24). Ce poste de femme de chambre est de toute confiance, puisque Claudine a sous sa garde une partie du mobilier et des armures, et même la bibliothèque du duc Antoine (25). La faveur dont elle jouit ne peut qu’exciter la jalousie, et quand Renée de Bourbon meurt, le 26 mai 1539, on accuse Claudine de l’avoir empoisonnée. C’était la coutume, aux XVe et xvi" siècles, et même encore au xvn6, lorsqu’un grand personnage mourait d’un mal que la médecine d’alors ne savait pas expliquer, de crier au poison et d’inculper ses gens, inculpation des plus graves, car l’empoisonnement était puni de la mort sur le bûcher. Tant que vécut le duc Antoine, qui, sans doute, ne voulut pas admettre cette dénonciation, Claudine ne fut pas inquiétée, mais quand son fils lui eut succédé, elle fut arrêtée et ses biens furent séquestrés. A la suite d’une information dont nous n’avons pas gardé trace, son innocence fui reconnue, elle fut élargie et ses biens lui furent rendus. Par deux actes successifs, du 15 avril 1545 et du 16 juin 1546, elle promit de ne pas porter plainte et de ne pas réclamer d’indemnité pour le tort qui lui avait été fait. Sa famille prit le même engagement (26).
Voilà les principales affaires criminelles qui ont été jugées au temps où Chrétienne de Danemark exerçait la tutelle. Pour en finir avec cet objet, il reste à se demander ce qu’elle pensait du crime de sorcellerie. On aimerait à croire que son esprit ferme et éclairé l’élevait au-dessus des préjugés de son temps, que, femme, elle a eu compassion de ces malheureux accusés dont le plus grand nombre étaient des femmes. Mais rien ne permet de lui attribuer de tels mérites. Les bûchers se sont allumés sous son gouvernement, comme avant et après. En 1549, par exemple, Catherine, femme de Claude Bourguignon, âgée de cinquante ans, comparaît devant la justice du chapitre de Saint- Dié et, sans avoir été mise à la question, reconnaît avoir usé de pratiques de sorcellerie pour faire mourir, les gens ou les rendre malades ; cette justice locale décide de la remettre à la volonté du! duc ; le duc, ou plutôt sa mère, renvoie l’inculpée au tribunal des échevins de Nancy qui la condamne à être brûlée en un feu de fagots pour servir d’exemple (27). En 1545, deux sorcières sont brûlées à Frouard ; en 1550, trois le sont à Arches (28). Si on ne voit pas plus d’exécutions par le feu, c’est que les accusations de sorcellerie étaient encore rares à cette époque ; ce qu’on a appelé la grande épidémie de sorcellerie en Lorraine correspond à l’activité judiciaire de Nicolas Remy, qui fut lieutenant général du bailliage de Vosges en 1570, membre du tribunal des échevins de Nancy en 1576, procureur général de Lorraine de 1591 à 1606. Ces quelques cas suffisent à établir que Chrétienne croyait à la sorcellerie avec tous ses contemporains, et même avec certains accusés, par exemple cette Catherine Bourguignon, sorcière d’intention.

IV

Comme tous les souverains, les ducs de Lorraine jouissaient du droit de grâce, et ils l’exerçaient sans contrôle, sans limite aucune, par le moyen des lettres de rémission. Ces lettres avaient encore une autre raison d’être que d’assurer au prince l’exercice de sa prérogative ; elles permettaient d’adoucir à l’occasion la rigueur extrême de la justice criminelle, qui ne connaissait pas alors les circonstances atténuantes et frappait du dernier supplice des actes que punirait maintenant une simple peine de prison.
La presque totalité des lettres de rémission faites par Chrétienne sont accordées pour des meurtres. Nous n’avons pas moins de quatre-vingt-dix-sept rémissions pour meurtres délivrées de juin 1545 à avril 1552, c’est- à-dire en moins de sept ans, ce qui fait une moyenne de quatorze par an. C’est beaucoup, si l’on considère le faible chiffre de la population des deux duchés à cette époque. Mais il faut tenir compte de ce que plusieurs de ces meurtres - et nous les analyserons plus loin - sont tout à fait involontaires, des accidents de chasse, par exemple. Puis, les mœurs étaient rudes, les caractères vifs et irascibles, et enfin, il faut bien le dire, les querelles éclataient le plus souvent à la suite de libations trop copieuses. Si les Lorrains du XVIe siècle n’avaient pas encore l’alcool, ils avaient en abondance des vins assez généreux pour faire perdre la raison, et les lettres de rémission ne manquent pas d’indiquer qu’on en est venu aux mains après boire. Comme on était toujours armé, la tentation était trop forte, après quelques gros mots suivis de quelques bourrades, de faire intervenir épées, couteaux, épieux, voire arquebuses et pistolets, sauf à affirmer ensuite, dans la supplique adressée à la duchesse régente, que le cas de mort est arrivé « au grand regret et déplaisir du remonstrant ».
Chrétienne de Danemark paraît avoir exercé avec beaucoup d’attention et de discernement ce droit de grâce que la jeunesse de son fils laissait entre ses mains. Quand un cas est douteux, qu’on ne voit pas trop de quel côté sont les torts, elle prescrit une enquête sur les antécédents des inculpés, afin de savoir quelle réputation ils ont dans leurs villages, s’ils sont querelleurs, s’ils ont déjà encouru des condamnations; les résultats de ces enquêtes sont résumées dans les lettres de rémission. Elle consulte toujours son conseil ; dans une affaire épineuse, elle demande même l’avis d’ « aultres doctes, scavants et périts en droict » (29). Un nombre assez grand de ces lettres de rémission sont datées du vendredi saint, et alors la duchesse ne manque pas de spécifier qu’elle fait grâce « en l’honneur et révérence de la mort et passion de nostre benoist Saulveur Jhésus-Christ ». On savait bien que ce jour-là, Chrétienne inclinait plus volontiers à la clémence ; aussi les meurtriers et leurs familles attendaient autant que possible cette fête pour la solliciter. Nous remarquons enfin que toutes ces querelles ont éclaté fortuitement et sans qu’on pût prévoir leurs tristes conséquences, ce qui permet d’induire que la duchesse ne graciait jamais quand il y avait préméditation.
Chrétienne gracie le meurtrier s’il s’est trouvé en péril de sa vie et n’a fait que se défendre ; par exemple, en 1549, Pierre Barrois, de Boucq : un certain Robert lui avait précédemment coupé la main gauche d’un coup d’épée et maintenant menaçait de le tuer ; Barrois l’abat d’un coup d’arquebuse (30). En 1551, à Laignières, près de Bar-le-Duc, pour une de ces questions d’intérêt qui exaspèrent si aisément les âmes paysannes, un homme entre en querelle avec une femme, l’insulte et même la frappe, quoiqu’elle soit près d’accoucher ; le mari intervient et tue l’agresseur (31). Dans ces deux cas, les lettres de rémission sont expédiées peu après l’événement ; en voici un où elles se font plus attendre : c’est à Parroy, le jour de Saint-Pierre-ès-liens, 1er août 1549, fête patronale de ce village. Jean Groscolas et trois de ses amis ont célébré cette solennité plus au cabaret qu’à l’église. Ils se disputent et Groscolas tire son épée ; les autres le tuent. Ils ne sont graciés qu’en mars 1552, parce qu’aussitôt le coup fait, ils sont sortis du duché, de peur d’être arrêtés (32).
Même indulgence dans les cas d’injures très graves. Par exemple, en 1546, à Salmagne, une femme en outrage une autre, l’accusant à peu près d’être sorcière ; elle est tuée d’un coup de pierre et la meurtrière échappe à toute vindicte : elle a défendu son honneur (33). En 1548, à Sommerviller, c’est un homme qui traite une jeune femme de ribaude et de paillarde ; un cousin de l’insultée prend sa défense, les deux hommes mettent flamberge au vent et l’insulteur est tué (34).
A plus forte raison celui qui a défendu son honneur de mari n’est-il pas inquiété. Nous en trouvons deux exemples : en 1548, un homme de Rosières-aux-Salines tue l’amant de sa femme (35). En 1550, même drame à Ceintrey : Didier Pelletier est allé au service de la reine d’Ecosse ; pendant son absence, sa femme s’est laissée séduire, et, à son retour, le séducteur l’a accablé de moqueries ; justement exaspéré, Pelletier le tue (36). Tous deux sont absous.
La lettre de rémission est encore d’un usage utile lorsque la culpabilité n’est pas certaine. Ainsi, une querelle éclatant à la suite d’un repas trop copieux, un nommé Gilletel est accablé de coups de poing et on le trouve mort ; son adversaire ne nie pas le fait, mais fait valoir que Gilletel est un ivrogne invétéré et a dû mourir de ses excès plutôt que des coups ; l’explication est admise (37). A deux reprises, en 1548 et 1551, des rixes s’engagent en pleine nuit entre des groupes, et chaque fois un homme reste sur le terrain, sans qu’il soit possible de déterminer lequel de ses antagonistes l’a frappé. La duchesse excuse et s’épargne ainsi le risque d’une erreur judiciaire (38).
Elle sert aussi dans le cas de meurtre involontaire : deux jeunes gens s’amusent à escrimer, l’un avec un bâton, l’autre avec une épée, et dans ce jeu dangereux, le premier reçoit une blessure mortelle ; une enquête ayant établi qu’ils étaient très bons amis, qu’il n’y avait jamais eu de querelle entre eux, le meurtrier involontaire est remis en liberté (39).Même solution pour un homme qui, tirant avec une arbalète sur des oiseaux, a atteint une petite fille de neuf ans (40).
Il semble que dans la catholique Lorraine et sous une duchesse très attachée à l’Eglise, le meurtre de prêtres ne devait jamais être excusé. Mais, hélas ! le clergé d’alors n’était pas toujours très édifiant ; nombre d’ecclésiastiques se montraient brutaux, querelleurs et ivrognes, et ceux qui en venaient aux mains avec eux avaient donc de sérieuses excuses. Ainsi, le jour de la foire de Saint-Mihiel, 4 février, le prévôt avait ordonné aux arbalétriers de la ville de faire des rondes pour maintenir l’ordre ; à 8 heures du soir, l’un d’eux, nommé Jacques Calot, trouve un prêtre, Blaise Robinot, qui se dispute avec un bourgeois et cherche à les séparer ; il ne réussit qu’à exaspérer la querelle et en se défendant tue Robinot. L’enquête faite aussitôt établit que Calot est de bonne fame et sans reproche, qu’au contraire Robinot a mauvaise réputation et qu’il a fallu plusieurs fois l’incarcérer pour divers méfaits. Calot obtient, le 8 juin 1549, des lettres de rémission (41). Même grâce est faite, en 1550, à un aubergiste de Brainville, qui refuse à boire à un prêtre, sachant qu’il s’enivre facilement et qu’alors il cherche querelle à tout le monde et ne veut pas payer son écot ; le client furieux prend un couteau et blesse au bras l’hôtelier qui riposte et le tue (42). Un arquebusier du bailli de, Vosges a occis, on n’explique pas à quel propos, Didier Tournay, curé de Remoncourt ; à la supplication de sa femme et de ses quatre enfants, et sur l’instante prière de sa belle-sœur, la duchesse d’Arschot, Chrétienne lui fait grâce de la vie, mais le bannit à perpétuité et confisque ses biens, ce qui donne à penser qu’il est plus répréhensible que les précédents (43). Ainsi, la tutrice se montre impartiale et sa clémence ne dépend pas de la qualité des personnes en cause.
La duchesse grâcie même quand la victime est une manière de fonctionnaire. Julien Pierre, laboureur à Varney, dans la prévôté de Bar, a noise avec Didier Thiébault qui, chargé de répartir une taille, l’a taxé, affirme-t-il,, outre mesure. Après avoir échangé force injures, les deux hommes saisissent leurs épieux et se jettent l’un sur l’autre ; Thiébault est tué et son adversaire obtient des lettres de rémission, quoique ce pardon puisse encourager d’autres contribuables à régler leurs impôts de la sorte (44). A Longeaux, dans la même prévôté, Jean Virelot, forestier de la gruerie, reproche à un paysan qu’il a trouvé son fils mésusant dans le bois ; on en vient aux coups, le forestier succombe, son adversaire échappe à toute pénalité et n’aura qu’à satisfaire la partie civile (45).
Si les lettres de rémission pour crimes contre les personnes sont fort nombreuses, celles pour les atteintes à la propriété sont des plus rares. Nous en voyons seulement une, en faveur d’un homme qui a volé une bougette, c’est-à-dire une sacoche de cuir, à la foire de Bouzonville en mai 1547 (46). La propriété avait-elle donc plus de valeur que la vie humaine ? Quant aux attentats aux mœurs, non seulement nous ne trouvons aucune lettre qui s’y rapporte, mais, un autre document nous montre avec quelle sévérité ils étaient punis. Deux jeunes gens de Remiremont ou des environs ayant voulu outrager une jeune fille, sont condamnés à mort et pendus ; la tutrice a donc refusé d’user en leur faveur de son droit de grâce (47).
Restent les crimes contre la religion. La sorcellerie en était un. Nous avons dit que, sous la tutelle de Chrétienne, plusieurs sorcières furent exécutées par le feu et nous n’avons pas trouvé une seule lettre de rémission faite par elle en faveur de l’une de ces malheureuses, même quand le cas était douteux. Dans son ouvrage d’ensemble sur La criminalité en Lorraine, qui s’étend du xv. au XVIII6 siècle, Raymond de Souhesmes n’en signale pas une seule pour ce crime. C’est que, de l’avis général, le premier geste du sorcier, quand il se donnait au diable, étant de renoncer à Dieu, un prince chrétien aurait eu horreur de pardonner, ou seulement de mitiger la peine. On était moins sévère pour les atteintes à l’orthodoxie. Antoine de Saulxures, seigneur de Dommartin-sous-Amance, était détenu dans la prison de Nancy pour « les offenses qu’il peut avoir commis et perpétrez contre les édicts et deffences nostres sur le faict de la religion chrétienne... qu’il dict avoir heu faict plus par ignorance que autrement ». Il est du reste « bien délibéré pour l’advenir de faire mieulx ». La duchesse lui pardonne donc, mais il devra fournir caution de ne pas s’éloigner des états du duc, ce qui montre qu’il avait versé dans l’hérésie et qu’on voulait l’empêcher de se réfugier dans quelque état protestant (48).
Dans ces pages, nous n’avons rapporté que les cas de grâce les plus significatifs. Ils suffisent à montrer que, dans l’emploi qu’elle a fait des lettres de rémission, Chrétienne a su concilier assez heureusement les exigences de la justice -et celles de l’humanité et de la bonté, sans du reste s’émanciper des préjugés de son temps, sans être aucunement en avance sur ses contemporains.

CHAPITRE V
AFFAIRES RELIGIEUSES
I. Relations avec le Saint-Siège. - II. Relations avec le clergé séculier. - III. Relations avec le clergé régulier. - IV. Relations avec la Réforme.

I

Un érudit qui a exploré avec soin les archives du Vatican nous assure qu’aucun document de ce vaste dépôt ne se rapporte à la période de la tutelle de Charles III (49). Dans les dépôts français, nous n’avons trouvé qu’un bref du 15 février 1550, par lequel le pape Jules III annonce au jeune duc son avènement et le félicite de ses vertus et de son attachement à la foi catholiques (50). Comme Charles III avait juste sept ans, on ne peut voir dans cette missive qu’une de ces formalités protocolaires dont il n’y a rien à retenir.
Il est cependant probable qu’au cours de ses sept années de gouvernement, Chrétienne a eu quelques rapports avec Rome, mais il n’en est pas resté de traces. On peut conjecturer que, dans, ces rapports, elle a dû suivre l’exemple de son oncle, l’empereur, qui, très attaché à l’Eglise catholique, n’en tenait pas moins tête au pape, et très âprement, dès que ses intérêts politiques étaient en jeu. Elle avait du reste été élevée par Marie de Hongrie qui, ayant des tendances luthériennes, n’avait pas dû lui insuffler une soumission sans réserve au pape. A la fin de sa vie, on verra bien Chrétienne en excellents termes avec les papes ses contemporains, mais alors elle n’a plus de rôle politique ; il ne s’agit plus que de religion, ce qui facilite l’entente.

II

Au regard du spirituel, la plus grande partie des duchés de Lorraine et de Bar était partagée entre les diocèses de Metz, Toul et Verdun ; quelques cantons dans l’extrême nord relevaient du diocèse de Trêves ; quelques paroisses sur les autres frontières étaient rattachées aux diocèses de Strasbourg, de Besançon et de Châlons. Tous ces évêques et archevêques étaient indépendants des ducs sur le territoire desquels s’étendait leur juridiction, cause de difficultés incessantes, parfois même de conflits. Mais, sous la tutelle de Chrétienne de Danemark, du moins au début, cette situation complexe se trouvait bien simplifiée, son cotuteur, Nicolas de Lorraine, étant évêque à la fois de Metz et de Verdun. Avec ces deux évêchés, les litiges, s’il y en eut, purent se régler à l’amiable, et c’est seulement avec l’évêché de Toul que les relations furent parfois tendues.
L’évêque de Toul était alors, et depuis deux ans déjà, Toussaint d’Hocédy, arrivé à la mitre par la protection du cardinal Jean de Lorraine, dont il avait été le secrétaire. Dès le début de son épiscopat, il eut à se plaindre des empiètements des justices ducales sur la juridiction ecclésiastique : le bailli de Vosges et ses subordonnés prétendaient juger les cas d’hérésie, de sorcellerie, d’adultère et autres faits dont devait seule connaître l’officialité ; ils prononçaient en ces matières des condamnations à mort ; ils s’immisçaient aussi dans les causes bénéficiales et de patronage des paroisses, s’emparaient des biens des clercs morts intestats et obligeaient les clercs pourvus de bénéfices à leur payer de fortes sommes pour entrer en possession. Tous ces griefs furent exposés dans une supplique que l’évêque présenta à « Madame la duchesse, Mgr de Vaudémont, tuteurs, et à MM. des Estatz » (51). Cette supplique n’est pas datée, mais comme il n’y a pas eu, quand Chrétienne gouvernait la Lorraine, d’autre session d’Etats que celle de novembre 1545, on peut sans hésiter la placer à cette date ; l’évêque a profité de cette réunion des Etats pour formuler ses plaintes, inutilement du reste, car trop occupés par l’importante question de la tutelle, les Etats n’eurent pas le temps d’aborder cette affaire secondaire et rien n’indique que les tuteurs aient corrigé les abus signalés.
L’année suivante, 1546, nouveau conflit : craignant le retour de la guerre entre la France et l’Empire, les tuteurs voulaient fortifier diverses villes pour assurer la neutralité de la Lorraine, et les sommes qu’ils levaient dans les deux duchés ne suffisant pas à payer cette grosse dépense, ils prétendirent les percevoir aussi dans le temporel de Toul, sous prétexte que les forteresses lorraines couvraient le domaine épiscopal aussi bien que le domaine ducal. Toussaint d’Hocédy repoussa cette étrange prétention et les commissaires lorrains ayant entrepris de lever quand même l’impôt, il se plaignit à l’empereur qui, ne pouvant pas lui donner tort, mais ne voulant pas donner tort à sa nièce, assoupit l’affaire (52).
Il semble que ces deux différends furent assez vite oubliés, car, dès le 10 mars 1547, les tuteurs confirmèrent à l’église Saint-Etienne de Toul, c’est-à-dire à la cathédrale, la protection et la sauvegarde que lui avaient accordées Antoine et François 1er, les ducs de Lorraine, disent-ils, ayant toujours eu en singulière recommandation cette église et ses suppôts (53). Du reste, en 1549, Charles-Quint trouva le moyen de placer un homme de confiance dans le chapitre toulois, sans doute pour prévenir tout nouveau conflit. L’office de chantre de la cathédrale étant devenu vacant, le chapitre avait fait choix de Nicolas de Rogeti ; l’empereur proposa, ou plutôt imposa son fidèle François Bonvalot, qui le représentait depuis quatre ans déjà auprès de la duchesse de Lorraine, et Rogeti dut se retirer (54).
Parfois tendues avec les évêques, qui étaient des princes souverains, souvent étrangers à la région lorraine, comme d’Hocédy, né à Valenciennes,, les relations étaient au contraire fort bonnes avec le clergé des paroisses et des chapitres, recruté principalement dans les duchés de Lorraine et de Bar, et très attaché à ses princes. La bienveillance des tuteurs à son égard se manifeste de différentes façons : François Ier avait fondé dans l’église tout nouvellement achevée de Saint-Nicolas-de-Port une messe quotidienne à dire entre onze heures et midi ; Chrétienne, voulant parfaire l’œuvre de dévotion de son époux, assigne une rente annuelle de 120 francs pour la célébration de cette messe (55). Le chapitre de la collégiale Saint-Nicolas de Darney se plaint que son église, construite au milieu du château de Darney, fait plus figure de grenier que de sanctuaire, qu’elle est placée sous la salle où se tiennent les soldats qui font le guet, de sorte que le bruit y est incessant, que les fidèles de la ville ne peuvent y venir commodément, parce qu’ils trouvent fermée la porte du château, et que si on laisse cette porte ouverte, la sécurité de cette forteresse toute proche de la frontière sera compromise ; le chapitre demande donc l’autorisation de construire une nouvelle église dans un jardin au milieu de la ville. Les tuteurs l’y autorisent et ramènent de quatorze à onze le nombre des prébendes canoniales, le revenu des prébendes supprimées devant servir à payer vicaires et enfants de chœur (56). Ils permettent à Louis de Dommartin, baron de Fontenoy-en-Vosges, seigneur de Bayon et de Thicourt, de donner à la confrérie de la Conception Notre-Dame de Nancy une rente de 350 francs, monnaie messine, faisant 393 francs, monnaie de Lorraine, qu’il perçoit tous les ans sur la saline de Château-Salins (57).
La facilité avec laquelle les tuteurs accordent l’amortissement des biens qui deviennent propriété ecclésiastique prouve aussi leurs bonnes dispositions. De ces amortissements, nous ne citerons que ceux-ci, parce qu’ils sont faits pour des personnages de quelque importance : en 1548, amortissement de rentes et de dîmes données aux églises de Verdun et de Dagonville par Jean Maguillot, chanoine et écolâtre de Verdun (58). En 1549, amortissement de gagnages offerts par Richard de Wassebourg pour l’entretien de la chapelle qu’il a fait construire au milieu du cimetière de Saint-Mihiel (59) ; archidiacre de Verdun, ce Wassebourg était de plus un écrivain de mérite et, en cette même année 1549, il publiait à Paris ses Antiquitez de la Gaule Belgicque, très gros in-folio rempli de faits et aussi de légendes. En 1550, à la prière de Pierre Vautrin, curé de Senon, on amortit une maison et un jardin que son oncle, Léonard Vautrin, scripteur de bulles en cour de Rome, a donnés pour servir à l’entretien de l’église qu’il a fait bâtir à Senon (60) ; Mathieu Lasson, maître de la chapelle du duc Charles III, obtient pareille faveur quand il fonde des obits pour ses père et mère (61) ; et de même les exécuteurs testamentaires de Jean de Chaumont, chanoine à Bar-le-Duc, et aumônier du duc Claude de Guise, qui a prescrit par son testament de fonder une chapelle en l’église paroissiale de Chaumont, son lieu de naissance, et d’y entretenir un chapelain (62). Tous ces amortissements sont accordés sans que les demandeurs aient à payer aucune finance, parce que, disent les tuteurs, « nostre vouloir et désir est que, par tous bons moyens, le service divin soit augmenté ».
Si, dans tous ces arrangements, le duc n’avait en vue que les intérêts de l’Eglise, il pensait beaucoup plus aux siens propres dans la collation des bénéfices. Comme patron de certaines collégiales, il avait le droit de nommer aux places de chanoines vacantes et le titulaire qu’il avait choisi était ainsi mis en possession d’une prébende plus ou moins ronde, selon le degré de richesse du chapitre. Il nommait de même des titulaires de chapelles. Bien vite, trop vite, il fut amené à considérer cette collation de bénéfices comme un moyen commode de récompenser des services et de se faire des obligés sans engager aucune dépense. Les lettres patentes qui nomment un chanoine sont adressées au prévôt et au chapitre de la collégiale où une place est vacante, et ces lettres ne manqùent pas de rappeler explicitement les droits du souverain : « Comme ainsy soit que la collation, provision et totalle disposition des prébendes et chanoinies de ladicte église compète et appartient de plain droict à nostre dict filz, à cause de patronnaige... ». Elles n’omettent pas non plus de faire l’éloge du nouveau titulaire : « Pour les bonnes mœurs, mérites, vertus et honnestes conversations que scavons estre en la personne de... », formule invariable, ne précisant rien, s’appliquant donc à tous les sujets, et dont on se demande jusqu’à quel point elle garantit vraiment la vocation et la préparation du candidat.
L’examen de quelques-unes de ces lettres patentes conférant des bénéfices fera voir à quelles catégories de personnes le duc, ou plutôt sa mère, réserve la plupart de ces libéralités. Nous rappelons que, d’après la convention de Deneuvre du 6 août 1545, la duchesse seule, à l’exclusion de son beau-frère, nomme aux bénéfices dont son fils possède la collation. Il y a d’abord les clercs attachés à la cour, auxquels on veut assurer un titre honorable et de plus forts revenus. Ainsi, en 1547, Chrétienne fait don à Antoine de Vinaize, un de ses chapelains, de la chapelle de saint Nicolas, érigée en l’église d’Auzéville, vacante par décès du titulaire (63) ; son aumônier, Antoine Jardinier, reçoit la chapelle de saint Pierre au château de Bouconville, vacante de même (64) ; Jean Picart, aumônier du duc, est gratifié de la chapelle Notre-Dame, située dans la collégiale de La Mothe, libre également par décès (65). En 1548, le sieur Guyot, chapelain du comte de Vaudémont, cotuteur, est fait chanoine de l’ancienne et illustre collégiale Saint-Georges de Nancy, à la place de Christophe de Graveron, résignataire (66). En 1549, ce Mathieu Lasson, maître de chapelle du duc, que nous avons déjà rencontré à propos d’un amortissement de biens d’Eglise, reçoit une prébende de chanoine dans la collégiale Saint-Jean de Vaudémont (67) ; Jean Ancel, autre aumônier de Charles III, reçoit l’expectative d’une prébende de chanoine dans la collégiale Saint-Maxe de Bar-le-Duc, actuellement occupée par Florentin Oudart (68) ; Antoine de Vinaize, déjà pourvu d’une chapelle en 1547, reçoit encore celle de sainte Anne dans le château de Clermont-en-Argonne (69). En 1550, Jean Ancel, qui, peut-être, attend encore sa place de chanoine à Saint-Maxe de Bar, est invité à prendre patience par le don de la cure de Méligny-le-Grand, vacante par la mort de François de Gennes (70). En 1551, Antoine Dartys, clerc de la chapelle ducale, reçoit une prébende en la collégiale Saint- Georges, vacante par la mort de Jean Billiquet, prévôt de cette collégiale (71). En 1552, Jean Bégin, prêtre, organiste de la chapelle ducale, est gratifié d’une prébende en la collégiale Saint-Maur d’Hattonchâtel (72), et Antoine Vinaize, qui a déjà éprouvé deux fois la munificence de la duchesse, et qui est maintenant aumônier d’e ses filles, reçoit la promesse de la première prébende qui viendra à vaquer, soit à la collégiale Saint-Georges de Nancy, soit à la collégiale Notre- Dame de La Mothe, à son choix (73).
Au moins, tous ces personnages étaient-ils déjà dans les ordres avant de recevoir leur prébende. Ce n’est pas le cas de Jean de Potsimsberg, sommelier d’échansonnerie à la cour ducale, auquel Chrétienne assure, en 1551, la première prébende de chanoine qui sera vacante en la collégiale Saint-Jean de Vaudémont; il est laïque, mais la duchesse d’Arschot, belle-sœur de Chrétienne, le recommande chaudement, disant qu’il a « grande dévotion d’être d’Eglise » (74).
Quand les clercs attachés au duc et à sa mère sont pourvus, il reste encore quelques places pour d’autres, par exemple François Thiébault, d’Herbéviller, jadis clerc de chapelle du défunt cardinal Jean de Lorraine, oncle de François Ier, à qui est promise, en 1550, la première prébende de chanoine vacante en la collégiale Sainte-Croix de Pont-à-Mousson, et Jean Chobillon, fils d’un valet de chambre du même cardinal, qui reçoit, en 1551, une promesse analogue pour la collégiale Saint-Pierre de Bar-le-Duc (75). François de Bassompierre, premier maître d’hôtel du duc et bailli de Vosges, place de même deux de ses clercs : en 1546, Jean Bouchet, « pédagogue » de ses enfants, reçoit la première place de chanoine qui sera vacante en la collégiale de Vaudémont, et, en 1549, son chapelain, François Wolkier, est nommé chanoine en la collégiale Saint-Gengoult de Briey (76). Ce même Bassompierre et Montbardon, gouverneur du jeune duc, s’intéressent à Didier Xaubourel, fils de Bertrand Xaubourel, auditeur en la Chambre des comptes de Lorraine et contrôleur de la dépense ordinaire du duc ; grâce à leur protection, en un même jour, 14 janvier 1551, Didier reçoit trois bénéfices : la première prébende canoniale qui sera vacante en la collégiale de Vaudémont, la chapelle du château de Bouconville et la Maison-Dieu de Mussey-devant-Bar (77).
Les fonctionnaires, même de rang moyen, font placer de pareille manière leurs fils et neveux, et, par là, semble-t-il, le souverain peut récompenser leurs services sans avoir à augmenter leur traitement. On voit ainsi pourvus de canonicats ou de chapellenies les fils de Claude Vyon, auditeur en la Chambre des comptes de Nancy, et d’e Jean de Rosières, auditeur en celle de Bar (78) ; les fils, d’Antoine Guillaume, gouverneur des salines de Château-Salins, et de Pierre Vannesson, prévôt d’Hattonchâtel (79) ; un neveu d’Humbert Mathieu, sénéchal de La Mothe (80). Dans l’entourage immédiat du duc obtiennent le même avantage pour leurs fils d’assez hauts personnages, comme Poirson de Bourgogne, contrôleur de la dépense de l’hôtel, et Jean Beaufort, grand veneur (81), mais même de très humbles serviteurs, un fauconnier, un jardinier, un maître-queux (82).
Un népotisme, moins scandaleux que celui qui sévissait à Rome en ce temps, intervenait aussi dans le recrutement du clergé : en 1547, Nicole Richard, chanoine de Darney, obtient du duc la permission de céder sa prébende, pour en jouir seulement après sa mort, à son neveu, Claude Richard (83). En 1550, Claude Laguerre, protonotaire, reçoit le droit de succéder à son oncle, Gérard Laguerre, dans la prébende que celui-ci possède en l’église Saint-Pierre de Bar (84).
Enfin des prébendes étaient assez facilement données à de jeunes clercs étudiant à l’Université de Paris, parce qu’à la date où nous sommes, la Lorraine n’avait pas encore d’Université ; et de toutes les raisons qui faisaient concéder des prébendes, celle-ci est la meilleure, puisqu’elle montre le souci de faire entrer dans le clergé des hommes instruits. Nous voyons ainsi : en 1547, Robert Blancheverre, à qui est assurée’ la première prébende qui viendra à vaquer en la collégiale de Vaudémont ; en 1548, Thiébault Apvrillet, qui obtient la même promesse pour la collégiale de La Mothe ; en 1549, Jean Lescuyer, qui reçoit la chapelle de saint Jean-Baptiste en l’église paroissiale d’Etain, vacante par décès ; Gérard Le Briseur, fils de Georges Le Briseur, maître de la monnaie à Nancy, nommé coadjuteur, avec droit de succession, de son parrain, Gaspard de Ludres, chanoine et écolâtre de la collégiale Saint-Georges de Nancy ; Jean de Rosières, fils d’un auditeur en la Chambre des comptes de Bar, fait coadjuteur, avec succession éventuelle, d’un chanoine de Saint-Pierre de Bar ; Louis Raulin, fils de Pierre Raulin, maître de la fourrière de l’hôtel ducal, à qui est promise la première prébende vacante à Saint-Pierre de Bar (85).
En Lorraine, comme ailleurs, cette intrusion du pouvoir laïque dans des affaires purement ecclésiastiques, cette subordination des intérêts spirituels à des combinaisons temporelles donnaient des résultats médiocres. Qu’une dizaine d’années s’écoulent et, en 1563, le concile de Trente restreindra le droit de patronage, décidant de plus que l’évêque peut toujours rejeter les sujets que les patrons lui présentent pour une prébende, s’il les trouve incapables (86).

III

Nous avons montré ailleurs la politique assez contradictoire d’un duc de Lorraine du XIIe siècle à l’égard de l’église régulière : très dur et rapace avec l’antique ordre bénédictin devenu riche et tiède, il est plein de prévenances et de générosité pour les ordres nouveaux de Citeaux et de Prémontré, qui sont pauvres et dans toute la ferveur de leur origine (87). Chrétienne, elle, ne s’est pas trouvée dans une situation aussi complexe. Les nouveaux ordres créés pour lutter contre le protestantisme ne s’étaient pas encore implantés en Lorraine quand elle gouvernait ce pays ; les jésuites ne s’y établiront que dans la seconde moitié du XVIe siècle, les capucins que dans la première moitié du xvne. Elle n’est en présence que d’ordres anciens et souvent bien relâchés, bien éloignés de la rigueur première de leurs règles. Le moment n’est pas encore venu où ces ordres chercheront, et avec succès, à se réformer, à revenir à leur austérité primitive. La duchesse n’en a pas moins avec eux des rapports empreints de bienveillance, d’estime et de confiance.
Il faut observer du reste que la famille ducale avait des liens étroits avec un au moins de ces ordres, et l’un de ceux qui étaient restés le plus fidèles à leur institution, celui des religieuses franciscaines de sainte Claire. La duchesse Philippe de Gueldres, veuve de René II, mère du duc Antoine, avait fait profession, en décembre 1519, dans le monastère des clarisses de Pont-à- Mousson. Jusqu’à la fin de sa vie., Antoine eut pour elle beaucoup d’égards, lui envoyant sans cesse des cadeaux de toute sorte, et faisant aussi des libéralités à son couvent. En 1544 encore, donc tout à la fin de sa vie, il fait charroyer à Pont-à-Mousson douze queues de vin de Bar, plus de quatre mille litres, de quoi désaltérer pendant longtemps un grand nombre de nonnes (88). Les tuteurs suivirent son exemple, faisant porter, entre autres, des fromages de Gondreville à Philippe en 1545 et 15416 (89). Quoiqu’elle eût renoncé aux pompes de ce monde, on l’appelait toujours la reine de Sicile. Mais elle déclinait. Elle avait vu mourir son mari, son fils, son petit-fils, et ces cruelles épreuves avaient achevé de ruiner sa santé déjà ébranlée par des mortifications excessives. Dans le compte du domaine de Pont-à-Mousson pour 1546 se lit le long relevé de la « dépense faicte par les médicins quy ont estez auprès de la royne durant les infirmitez de maladie à elle survenue » (90). Elle mourut le 28 février 1547. Née en 1464, elle avait donc de quatre-vingt-deux à quatre-vingt-trois ans (91). Bien qu’elle eût quitté là cour depuis vingt-huit ans déjà, son trépas ne laissa pas de causer quelque émotion : elle était la veuve de René II, dont le triomphe sur le duc de Bourgogne avait donné tant de gloire à la maison de Lorraine, et elle-même lui avait apporté l’auréole de la sainteté. Emond Du Boullay, dans son ouvrage quasi-officiel, s’étend sur la maladie et les derniers instants de la reine ; il décrit ses obsèques et reproduit son épitaphe (92). Quelques jours après. sa mort, Chrétienne de Danemark et Nicolas affirmèrent leur volonté de maintenir les fondations pieuses qu’elle avait faites -et prièrent l’abbé de Sainte-Marie-aux-Bois de les prévenir si quelqu’un tentait de s’y opposer (93). Tous les ans, ils allouaient 150 francs aux clarisses de Pont-à-Mousson, à cause de leur pauvreté « et en contemplation de feu la royne de Secille, en son vivant relligieuse audict couvent » (94).
Les autres ordres d’hommes et de femmes bénéficièrent de ces bonnes dispositions des tuteurs. L’amortissement des biens qu’ils acquièrent leur est accordé tout aussi facilement qu’au clergé séculier. Ainsi, en 1548, dom Nicole Loupvent, grand-prieur de l’abbaye de Saint-Mihiel, achète un terrain dans cette ville pour y élever une chapelle sur le modèle du Saint-Sépulcre de Jérusalem qu’il avait vu et étudié au cours d’un pèlerinage en Terre-Sainte ; il dote cette chapelle d’un revenu de 60 francs par an pour y assurer le service divin (95). Le tout est amorti et cette chapelle, qui fut démolie vers 1756, a une place dans l’histoire de l’art : on croit que les personnages qui composent le fameux Sépulcre de Ligier Richier avaient été sculptés pour y être établis (96). En 1551, un gagnage acheté par l’abbaye de L’Etanche, ordre de Prémontré, et qui rapporte 500 francs en argent et 35 setiers de vin, est amorti et, en raison de la pauvreté de ce monastère, les tuteurs le dispensent de payer aucune finance (97).
C’est à des religieux que Chrétienne s’adresse pour leur faire prêcher les sermons de Carême, soit en sa présence, soit à l’église Saint-Evre de Nancy, qui est la paroisse de la cour. On voit ainsi employés un franciscain, un trinitaire de Metz, et d’autres dont les comptes ne disent pas à quelle famille religieuse ils appartiennent. Tous reçoivent des honoraires assez élevés.
Les dons purs et simples aux couvents d’hommes et de femmes ne se voient que dans des cas exceptionnels, par exemple 25 francs en 1547 aux observantins de Neufchâteau, pour les aider à payer les stalles du chœur de leur église (98). Ce qui paraît le plus souvent c’est l’attribution à ces maisons de redevances annuelles : les religieuses du couvent de Lunéville - sans doute les sœurs grises de sainte Elisabeth - touchent 30 francs par an, pour faire dire à l’intention du duc trois msses basses dans leur chapelle (99) ; les dominicaines de Nancy prétendent avoir droit tous les ans à dix petits florins sur la ferme des ventes de Mirecourt et, quoiqu’elle n’ait pas retrouvé le titre afférent, la Chambre des comptes est d’avis de les satisfaire (100).
Le duc Antoine a concédé aux sœurs hospitalières de Château-Salins une certaine quantité de braise à prendre tous les ans, et comme le commis qui doit la leur remettre fait quelques difficultés, la même Chambre le menace d’en avertir Leurs Excellences (les tuteurs) (101). Ceux-ci confirment aux dominicaines de Nancy l’affouage dans la forêt de Haye qui leur a été octroyé par le duc Charles II et par sa femme, Marguerite de Bavière (102). Les sœurs hospitalières installées au faubourg de Nancy, devant la porte Saint-Nicolas, perçoivent tous les ans 20 livres sur les moulins de Nancy (103).
Une libéralité curieuse et assez fréquente est d’allouer une somme à des religieux ou religieuses pour les aider à acheter les harengs dont ils se nourriront pendant l’Avent et le Carême. Les religieuses hospitali’ères du faubourg de Nancy, celles de Lunéville, d’Ormes, de Dieuze, les cordeliers de Raon et de Mirecourt, les clarisses de Neufchâteau reçoivent des dons de ce genre (104). Ces observantins de Neufchâteau, dont le duc a déjà payé les stalles, reçoivent encore 9 francs pour les harengs qu’ils mangeront pendant l’Avent et 14 francs pour une tonne entière de ce poisson qu’ils consommeront pendant le Carême de 1547 (105). Les tuteurs étendent même leur sollicitude à des moines étrangers à leurs duchés, aux frères mineurs de Toul, qui reçoivent des secours analogues en 1546 (106).
On le voit, ces libéralités ducales sont, avec beaucoup de discernement, réservées aux ordres pauvres, et surtout aux ordres voués au soin des malades. Les ordres riches, par exemple ceux de saint Benoit, de Cîteaux, de Prémontré, sont laissés à l’écart. Dans le même esprit, Chrétienne permet deux fois, en 1548 et 1551, aux trinitaires de. Lamarche de quêter dans les Etats de son fils pour le rachat des chrétiens captifs outre-mer (107).
Le droit de patronage qu’avait le duc sur les monastères comme sur les chapitres lui permettait quelquefois d’intervenir dans les abbayes situées hors de ses Etats. Ainsi, les bénédictines de Saint-Pierre- aux-Nonnains, à Metz, étaient en lutte avec leur abbesse, Anne d’Haussonville. Un compromis intervint et le duc fut prié de le ratifier, « comme estant ledict monastère des fiefz et fondation des prédécesseurs de nostredict filz », explique Chrétienne dans ses lettres patentes du 22 mars 1550, lettres qui ne nous font connaître ni la nature du différend, ni celle de l’accord (108). Un autre monastère, d’hommes celui-ci, où le duc avait le droit de patronage et de présentation, était l’abbaye bénédictine de Saint-Martin-devant-Metz. En 1541, le duc Antoine y avait nommé abbé ce Pierre du Châtelet, sieur de Sorcy, qui harangua au nom de la tutrice les Etats généraux de novembre 1545. Quelques années après, Pierre eut, semble-t-il, des velléités de renoncer à ce bénéfice, car, en 1551, Chrétienne lui accorda la permission de le résigner entre les mains du pape en faveur de telle personne idoine qu’il désignerait (109). Il ne donna pas suite à ce projet et resta abbé de Saint-Martin, même quand il fut devenu, en 1565, évêque de Toul.

IV

Antoine est le premier duc de Lorraine qui eut affaire à la Réforme. Il la connut sous deux aspects : le soulèvement anabaptiste, à la fois social et religieux, qu’il réprima impitoyablement en Alsace et dans la Lorraine de langue allemande ; la doctrine de Luther contre laquelle il fit deux ordonnances, en 1523 et 1539, afin d’empêcher sa diffusion en Lorraine. Lorsque Chrétienne arriva au pouvoir en 1545, l’anabaptisme avait disparu, le luthéranisme était toujours menaçant et une nouvelle forme religieuse, le calvinisme, venait de surgir. L’Institution chrétienne de Jean Calvin a été publiée en latin dès 1535 ou 1536, en français en 1541. Calvin a habité Strasbourg, tout près de la Lorraine, de 1538 à 1546, et y a exercé les fonctions de pasteur et de professeur de théologie. Son livre et son enseignement ont certainement été connus dans la Lorraine de langue française, mais les tuteurs ne s’en rendirent pas compte, tenant sans doute Calvin pour un simple disciple de Luther, quand ils légiférèrent contre les nouvelles croyances. Chrétienne avait l’exemple de son oncle Charles-Quint qui traitait avec une extrême rigueur les réformés des Pays-Bas, qui peut-être même l’invita à sévir. Dès le 24 septembre 1545, quelques semaines après leur entrée en charge, ce qui prouve qu’ils considéraient le péril comme pressant, Chrétienne et Nicolas publièrent à Deneuvre une ordonnance qui ne parle que de « Martin Luther et de ses complices », et qui renouvelle à peu près les prescriptions d’Antoine (110).
Par cette ordonnance, il est défendu à toutes gens, nobles, roturiers et clercs, de prêcher ou laisser prêcher, en public ou dans des réunions privées, la doctrine luthérienne et tout dogme contraire à la commune observance de l’Eglise, de mettre en vente et d’acheter des livres luthériens, de faire du prosélytisme pour cette doctrine, le tout à peine de prison et de confiscation des biens. Tous ceux qui possèdent des livres luthériens devront, sous la même peine, les apporter d’ici à deux mois à l’abbé de Chaumouzey, ou à l’abbé de Saint-Martin-devant-Metz (Pierre du Châtelet), ou à Jean Billequel, prévôt de la collégiale Saint-Georges de Nancy. Tous les sujets qui connaîtraient des infractions à cette ordonnance doivent, sous peine d’amende arbitraire, signaler les infracteurs à leurs prévôts et baillis. Comme les tuteurs n’ignorent pas que certains de ces officiers inclinent vers la Réforme, ils prescrivent à tous d’exécuter strictement cette ordonnance ; s’ils s’y refusent ou agissent avec négligence, ils perdront leurs offices et la moitié de leurs biens. Il arrive que des sujets cherchent à vendre leurs biens pour passer dans d’autres pays où ils pourront vivre à leur guise ; les officiers ducaux devront rechercher si ces vendeurs ne sont pas suspects de luthéranisme et, dans l’affirmative, confisquer leurs biens ; si la vente est fictive, le soi-disant acheteur sera mis à l’amende. Les tuteurs affirment ensuite qu’ils ne veulent pas empiéter sur le droit, qui appartient aux évêques, de connaître du cas d’hérésie ; ils les exhortent à faire leur devoir avec diligence et ordonnent à leurs officiers de leur porter en cela aide et confort. Tous ceux qui ne gardent pas le dimanche et les fêtes, qui méprisent les images, qui mangent de la chair aux jours prohibés, seront punis de confiscation ou d’amende, suivant l’importance du délit. Même punition pour les marchands qui vendraient dans les terres du duc des livres hérétiques et pour les propriétaires de maisons qui y laisseraient tenir des conventicules.
Cette ordonnance fut imprimée à Metz par les soins de Nicole Péra, aumônier du feu duc (111), et répandue dans tout le pays. On observera qu’elle n’édicte pas la peine de mort, comme le fait l’ordonnance d’Antoine en 1539. C’est en vertu de celle-ci que Jacques Chobard, régent d’école à Saint-Mihiel, avait été brûlé vif en 1545, à la fin du règne du duc François (112). Nous ne connaissons pas d’exécution semblable pendant la régence de Chrétienne. Elle laissa sans doute dormir la sévère ordonnance de 1539 et se contenta de faire appliquer les peines plus douces prescrites par son ordonnance de 1545. Elle ne fit pas d’autre ordonnance que celle-là contre les Réformés. C’est son fils, Charles III, qui renouvellera et complétera la législation antiprotestante de la Lorraine.

CHAPITRE VI
LES FINANCES
I. Institutions financières. - II. Les recettes. - III. Les dépenses. - IV. Balance des recettes et des dépenses. - V. Les emprunts.

I

Lorsque Chrétienne de Danemark arriva au pouvoir, elle trouva la Lorraine munie d’une organisation fiscale assez complète et qui avait déjà fait ses preuves de solidité et d’efficacité. Elle y apporta quelques retouches, y ajouta même quelques rouages. C’est tout cela qu’il nous faut en premier lieu examiner et discriminer.
Les plus importants de ces organes, les plus anciens aussi, car ils dataient au moins du commencement du XVe siècle, étaient les deux Chambres des comptes de Nancy et de Bar-le-Duc, chaque duché possédant la sienne complètement indépendante de l’autre. Toutes deux avaient du reste les mêmes attributions que l’historien de l’une d’elles range sous quatre chefs : vérifier les comptes envoyés par tous les comptables du duché, répartir les impôts, administrer le domaine, y compris les forêts, les mines et les salines, juger toutes les contestations relatives aux monnaies (113). A cette liste déjà bien fournie, il faut ajouter un cinquième chef, la vérification des aveux et dénombrements présentés par les vassaux. Si les auditeurs et les présidents de chaque Chambre arrivaient à s’assimiler ces matières si diverses, c’est qu’ils passaient presque toute leur vie dans leurs fonctions. Tels les deux contemporains de Chrétienne qui, après avoir fait longuement leurs preuves dans l’emploi d’auditeur, furent : Nicolas Mengin, président de la Chambre des comptes de Lorraine de 1532 à 1552, et René Boudet, président de la Chambre des comptes de Bar de 1544 à 1567.
Pour la vérification de leurs comptes, les receveurs et autres agents de finances doivent venir dans la capitale du duché et comparaître devant la Chambre. Celle-ci leur adresse une Lettre pour les inviter à apporter leurs écritures à telle date, et le délai qu’elle leur laisse n’est jamais bien long, une semaine en général. Si un receveur est malade, il obtient avec peine que l’opération soit retardée. Si un autre décède en charge, la Chambre se hâte d’apurer la situation avec le concours de sa veuve et assure la transmission à son successeur des deniers en caisse et des grains provenant de redevances en nature. Sa vigilance s’étend même aux comptes des corporations ouvrières : en 1549, le maître des drapiers de Mirecourt est convoqué pour rendre les comptes de ce métier (114).
La répartition des impôts se fait toujours en présence du bailli de la circonscription intéressée, mais l’accord n’est pas toujours facile entre ce haut fonctionnaire et la Chambre. On le vit en 154,6 quand il fallut répartir une taille sur le comté de Vaudémont. Le bailli, sans doute pour faire pièce à la Chambre, refusa d’y venir ; la Chambre expédia le travail avec l’aide du receveur et du contrôleur du comté, après leur avoir fait prêter serment. Puis, sans se fâcher, elle opina qu’il valait mieux que le bailli ne s’occupât plus des tailles, qu’il se cantonnât dans les affaires de justice, son véritable domaine (115).
La Chambre n’a pas seulement à répartir les impôts, elle examine jusqu’à quel point les exigences fiscales sont conciliables avec les franchises de telle ou teille localité. Elle accorde des réductions sur l’aide ordinaire - dite aide Saint-Remy, parce qu’elle se lève vers le temps de la fête de ce saint (1er octobre) - si les réclamations des contribuables lui paraissent justifiées. De même, elle consent des réductions aux fermiers du domaine, s’il s’est produit quelque événement qui a diminué leurs recettes : inondation, incendie, passage de soldats ennemis, etc.
Toutes ces opérations si variées, et souvent si minutieuses, nous sont suffisamment connues, au moins pour le duché de Lorraine, parce qu’à partir du moment où Chrétienne gouverne, elles sont consignées dans une collection officielle, celle des « Rapportz, missives, mandemens et ordonnances faictz en la Chambre des comptes à Nancy », qui commence en janvier 1546 (116). Ou bien Chrétienne de Danemark a pris l’initiative de cet utile enregistrement des opérations de la Chambre, ou tout au moins elle a approuvé cette innovation.
Les tuteurs ne se contentèrent pas de ces deux Chambres dont chacune était particulière à un duché ; ils voulurent avoir un organe commun pour tout leur état et, par une ordonnance de 1549, créèrent une Chambre des finances, composée d’un petit nombre de personnes, qui était au-dessus des Chambres des comptes, jugeait en dernier ressort et devait rechercher et redresser tous les abus, supprimer les dépenses inutiles (117). Cette Chambre deviendra en 1567 le Conseil des finances, ce nouveau terme la différenciant nettement des deux Chambres des comptes et la rapprochant au contraire du Conseil ducal.
A la tête de cette Chambre, les tuteurs placèrent un personnage appelé Chef des finances. Longtemps avant, en 1483, on avait vu Louis Merlin revêtu du titre de Général des finances, mais comme dans l’intervalle personne n’avait reçu un titre analogue, c’était un emploi à peu près nouveau. Sous Antoine, une partie au moins de ces fonctions étaient dévolues au grand maître de l’hôtel du prince, par exemple Jean d’Aguerre, nommé grand maître en 1541, et dont un acte de 1547 nous apprend qu’il avait le soin de certifier les mémoires à régler (118). Le chef des finances de Chrétienne de Danemark était ce François de Bassompierre, bailli de Vosges, qui Pavait si vivement combattue aux Etats de 1545, ce qui montre que la duchesse n’avait pas de rancune, et peut-être aussi qu’elle tenait à s’attacher cet adversaire redoutable. Nous n’avons plus les lettres patentes qui le nomment et nous ne connaissons son élévation à ee poste que par une mention du compte de 1551, disant que les tuteurs lui ont alloué 100 francs pour avoir vaqué à l’assiette de l’aide ordinaire (119). Tandis que les autres officiers de finances, auditeurs des Chambres des comptes, trésoriers et receveurs généraux, sont des roturiers, tout au plus des anoblis, les chefs des finances sont tous pris dans la meilleure noblesse : après Bassompierre, on verra Claude d’Aguerre, baron de Vienne, en 1559 ; Henri d’Anglure, sieur de Melay, en 1560 ; Jean de Beauvau, sieur de Pange, en 1576. C’est le seul poste où des gentilshommes de l’ancienne chevalerie puissent maniter de l’argent sans déroger.
Au contraire, le contrôleur général des finances est un roturier, ou tout au plus un anobli. D’abord il y en eut un dans chaque duché ; à dater de 1523, les deux offices se fondent en un seul et, bien qu’unique, cet agent est assez maigrement payé : 100 écus valent 171 fr. 10 gr. de Lorraine en 1545 (120). Le titulaire de ce poste était alors Jean Beurges, d’une famille du Barrois anoblie en 1464 ; en 1553, il aura pour successeur Bertrand Xaubourel. Ses fonctions sont d’assister aux séances des deux Chambres des comptes et peut-être d’y tenir l’office de ministère public ; il semble aussi qu’il fait des tournées d’inspection dans les diverses prévôtés pour voir si tout s’y passe régulièrement (121).
Les Chambres des comptes et la Chambre des finances étaient des organes de contrôle. Les organes de gestion étaient le trésorier général et les deux receveurs généraux. Il y avait un seul trésorier général pour les deux duchés, tandis que chaque duché avait un receveur général. L’origine de ces derniers est fort ancienne, comme celle des Chambres des comptes, et ils préexistent certainement à la réunion de la Lorraine et du Barrois. Le trésorier général, lui, est une création de René II : en 1481, on voit ce titre porté par Antoine Gelé. Le vieux roi de Sicile, René Ier, était mort le 10 juillet 1480 et sa disparition consommait, au profit de son petit-fils, René Il, la réunion des deux duchés, d’où la nécessité d’un agent financier qui leur fût commun. Les trésoriers généraux contemporains de Chrétienne de Danemark sont Didier Bertrand, de 1518 à 1544, et Quiriace Fournier, de 1545 ou 1546 à 1563.
Le trésorier général encaisse les sommes qui lui sont versées par les deux receveurs généraux, non pas tous les ans, mais dans, les années où ils ont un excédent. Ainsi, il reçoit : en 1547, 1.202 fr. du receveur général de Lorraine, rien du receveur général du Barrois (122) ; en 1548, rien ni de l’un ni de l’autre (123) ; en 1551, 1.000 fr. du receveur de Lorraine, 14.000 de celui du Barrois (124). Le trésorier général manie de bien plus grosses sommes que les receveurs généraux ; ainsi, en 1546, ses recettes sont de 251.191 fr., celles du receveur général de Lorraine de 23.759 fr. seulement (125). Et cependant, en cette année, les recettes du trésorier n’occupent que vingt-neuf feuillets, quand celles de ce receveur en couvrent cent soixante-sept; c’est que, chez le premier, on trouve un petit nombre de grosses recettes, chez le second, un grand nombre de recettes minimes, produits des prévôtés, des passages, des terres acensées, avec les noms de tous les contribuables écrits pour certaines prévôtés. Pour les dépenses, nous remarquons que celles de l’armée ne sont pas réunies dans le même compte : le trésorier général paye la solde de la garnison de La Mothe (126), et le receveur général de Lorraine règle les dépenses de l’artillerie qui ne sont pas très fortes, 1.075 fr. pour le personnel, 3.630 fr. pour le matériel (127). De même, une partie des gages et des pensions est assignée sur la caisse du trésorier général, une autre sur la caisse du receveur général, sans qu’on voie très bien d’après quelles règles se faisait cette répartition.
Au temps de la tutelle, le receveur général de Lorraine était Humbert Pierrot, qui resta en place de 1539 à 1553 et eut pour successeur Laurent Courcol (128) ; le duché de Bar eut pour receveurs généraux Jean Preudhomme de 1523 à 1547, Wannault Collesson de 1547 à 1565 (129).
Outre ces trois fonctionnaires qui étaient permanents, le petit état lorrain en eut un quatrième qui paraît l’avoir été moins. Il commence à en être question à la fin du règne de René II, sous le nom bizarre de Chambre aux deniers, qui s’applique à l’homme même et non à la caisse dont il a la garde (130). En 1492, il inscrit 68.384 fr. de recettes, 70.078 fr. de dépenses, ce qui laisse un déficit de 1.694 fr. Les recettes proviennent des sommes envoyées par la duchesse pendant que le duc est à Paris, ou versées par les receveurs de Lorraine et du comté de Vaudémont, par les officiers des salines. Les dépenses sont les menus plaisirs du duc, les gages de ses officiers et les emplettes faites par son maître d’hôtel, des achats d’étoffes, les dépenses de la duchesse, enfin les sommes versées pour l’achat de Boulay (131).
Ces comptes se continuent sous la même dénomination pendant une partie des règnes de René II et d’Antoine, puis ce titre de Chambre aux deniers est remplacé par celui d’argentier (132). Il semble bien que c’est le même emploi sous un nouveau nom. La caisse de l’argentier est alimentée par les salines, qui lui versent le produit des quatre derniers mois de l’année financière, septembre à décembre, par tout ou partie des bénéfices de la monnaie, par des prélèvements sur l’aide ordinaire, par les emprunts que le duc a contractés. Avec ces ressources, l’argentier paye les dépenses de l’hôtel du duc, les gages de ses officiers et des officiers au service de son fils, le duc de Bar, la solde des archers et des Suisses de sa garde, les menus plaisirs du prince et les dons fait par lui, les voyages de la famille ducale et de divers messagers, des achats de chevaux, les mémoires des fournisseurs (133).
A l’avènement de Charles III, l’argentier était ce Quiriace Fournier qui devint trésorier général de Lorraine en 1545 ou 1546 et le resta jusqu’en 1563, personnage qui eut la confiance de Chrétienne de Danemark, car en outre de ces importantes fonctions, elle le nomma registrateur des lettres patentes le 1er décembre 1546 et auditeur en la Chambre des comptes de Lorraine le 20 novembre 1551 (134). Il eut pour successeur Nicolas de La Ruelle, argentier et successeur de Charles III (135).
Voilà une organisation financière assez compliquée, et bien inutilement, faute d’unification des caisses. Il est à croire que le duc s’y reconnaissait, et encore mieux la Chambre des comptes qui assurait dans ces services si divers une certaine unité. Un progrès vers cette unité sera réalisé lorsqu’en 1572 Charles III réunira les fonctions des trésoriers et des receveurs généraux (136). Grâce à ce contrôle de la Chambre, tous les comptes qui nous ont été laissés par ces divers comptables ont des caractères communs : ils sont tenus avec grand soin et les dépenses, même les moindres, sont justifiées et expliquées longuement, de sorte que ces comptes fournissent des détails très utiles sur la vie politique, religieuse, intellectuelle, économique des duchés. Les registres qu’ils remplissent sont faits d’un très beau et solide papier vergé avec filigrane, tous à peu près du même format grand in-quarto ; l’écriture en est posée et en général facile à lire. Ils notent les sommes en francs barrois, gros et deniers, c’est-à-dire dans la monnaie officielle du pays ; quelquefois en livres de France, quand ils relatent un voyage fait dans le royaume. A cette époque, l’année, en Lorraine et dans la plus grande partie du Barrois, commençait au 25 mars, c’est-à-dire à la fête de l’Annonciation ; mais on avait une année financière distincte de l’année civile, qui s’ouvrait au 1er janvier et finissait au 31 décembre, de sorte que chaque compte s’étendait sur partie de deux années civiles consécutives. Il en était de même en France sous François Ier (137), et comme, au XVe et au XVIe siècles, les institutions de la Lorraine s’inspirent volontiers de celles du royaume voisin, il est fort probable que cette année financière est un emprunt de la Lorraine à la France. Il est fort probable aussi que cette année partant du 1er janvier a acheminé à la réforme du calendrier que réalisera dans les deux duchés une ordonnance du 15 novembre 1579 prescrivant de se servir exclusivement du style du 1er janvier en toutes écritures publiques et privées.
Dans cette année financière ainsi délimitée, les payements se font en deux termes, saint Jean-Baptiste et Noël, qui la divisent en deux parties égales, à un jour près.
Les documents financiers du temps de la tutelle ne se composent que de registres de comptes ; les pièces justificatives de ces comptes, qui sont souvent d’un si grand intérêt, n’ont pas été conservées. C’est seulement à la fin du XVIe siècle qu’on trouve à peu près constamment les liasses de pièces à l’appui des comptes jointes aux registres.
L’un de ces registres de comptabilité vaut qu’on s’y arrête. Il a pour titre : « Extraictz des comptes généraulx et particuliers des receptes du duché de Lorraine, renduz depuis l’année 1545 jusques à l’année 1552 inclusivement », titre beaucoup trop modeste, car en réalité ce registre présente également les comptes du duché de Bar, et il inscrit les dépenses aussi bien que les recettes (138). Son contenu correspond exactement aux fonctions de Chrétienne comme tutrice, sauf que les années 1545 et 1552, où elle n’a gouverné que six et quatre mois, y. figurent tout entières, un exercice ne pouvant pas commodément être divisé. Il est donc très probable que ces « Extraictz » ont été opérés sur l’ordre de Chrétienne de Danemark, qui a voulu laisser un tableau complet de son administration, nouvelle preuve de l’attention qu’elle portait aux questions de finances.
Un dernier aspect de l’organisation financière est la frappe des monnaies. Où se pratiquait-elle ? Au XIVe siècle, le duché de Lorraine avait eu jusqu’à quatre ateliers monétaires, à Nancy, Neufchâteau, Prény et Sierck (139). Le duché de Bar, de son côté, avait à Saint-Mihiel un atelier qui disparut après la réunion des deux duchés (140). Bien que le duc Antoine, dans une ordonnance monétaire, parle à plusieurs reprises de « battre en nos monnoies... » (141), il semble probable qu’au XVIe siècle, un seul de ces ateliers subsistait, celui de Nancy. Du moins n’avons-nous trouvé mention d’aucun autre. De 1531 à 1552, le maître de la monnaie de Nancy fut Georges Briseur (142). Dans cet atelier - on n’ose pas encore employer le terme pompeux d’Hôtel des monnaies - des pièces furent frappées à l’effigie du jeune Charles III. Il y en a deux types : l’un, sans date, émis sans doute en 1547 ou 1548, le figure tout enfant, sans aucun attribut princier ; l’autre type, daté de 1550, représente un enfant beaucoup plus grand, portant cuirasse et couronne (143). Aucune pièce de monnaie n’est à l’effigie des tuteurs, mais des jetons de la Chambre des comptes de Lorraine les représentent en face l’un de l’autre. Quand la crise de 1552 eut dépossédé Chrétienne et laissé tout le pouvoir au seul Nicolas, celui-ci, pour bien affirmer sa récente élévation, et peut-être aussi pour triompher de sa belle-sœur, émettra, en 1552, à son effigie une monnaie dont la frappe ne fut pas considérable, car elle est aujourd’hui très rare (144).
Si, du point de vue de la numismatique pure, nous passons au point de vue économique, nous voyons que la frappe des monnaies fut, pendant la minorité de Charles III, l’occasion de bénéfices appréciables. En voici le chiffre fort variable pour les diverses années de la tutelle à deux : 1545, 7.926 fr. ; 1546, 6.958 fr. ; 1547, 3.525 fr. ; 1548, 4.535 fr. ; 1549, 7.094 fr. ; 1550, 5.373 fr. ; 1551, 31.339 fr. ; 1552, 19.684 fr. (145).

II

Pour donner un aperçu de la nature des recettes des deux duchés, nous résumons ici celles du compte du trésorier général pour 1546 (146). Ces recettes y sont marquées en francs barrois, gros et deniers ; en vue de simplifier, nous laisserons de côté gros et deniers, de sorte que l’addition finale ne sera plus tout à fait exacte. Elle l’était dans le compte original qui était soumis au contrôle sévère de la Chambre des comptes; à la fin du registre, on lit que ce compte de 1546. a été clos et approuvé en la Chambre des comptes de Nancy le 20 juillet 1547.
Reliquat de l’an précédent 4.103 fr.
Saline de Château-Salins 10.799 fr.
» Salone 19.821 fr.
» Moyenvic 47.195 fr.
» Marsal 26.200 fr.
» Dieuze 21.321 fr.
Monnaie de Nancy 6.958 fr.
Passage de Raon 2.661 fr.
» Bruyères 363 fr.
Comté de Vaudémont 4.620 fr.
Yerre de Blâmont, néant, parce qu’elle appartient à Madame (147).
Terre de Boulay 506 fr.
Pêche de l’étang de Lindre 6.500 fr.
Aide ordinaire de la châtellenie de Dieuze. 967 fr.
Prévôté de Guemunde (Sarreguemines).. 359 fr.
Pêche de l’étang de Biécourt, néant, parce que compte en est tenu par le receveur de Neufchâteau.
Prévôté de Sierck 1.000 fr.
» Hattonchâtel 2.216 fr.
» Schaumbourg 887 fr.
Aide ordinaire du bailliage de Nancy 11.380 fr.
» Vosges 15.173 fr.
Les receveurs généraux de la Lorraine et du Barrois n’ont rien versé cette année.
Aide ordinaire de Pont-à-Mousson 300 fr
Part qui revient au duc dans l’aide ordinaire et triennale de l’évêché de Metz. 2.139 fr.
Reliquat, versé par le greffier de la Chambre des comptes, de la décime accordée en 1542 contre le Turc 1.000 fr.
Achat par Nicolas Mangeterre de l’office de boutavant des salines de Dieuze... 800 fr.
Grains vendus dans le duché de Lorraine. 11.465 fr.
» Bar 35.736 fr.
Total des recettes 251.191 fr.
Quelques articles de ce compte de recettes demandent explication. Il relate les recettes de deux passages seulement, ceux de Raon-l’Etape et de Bruyères, et nous avons constaté l’existence d’une vingtaine de passages, au milieu du XVIe siècle, dans le seul duché de Lorraine. C’est que les recettes d’autres passages figurent dans le compte du receveur général de Lorraine ; d’autres encore sont à la suite des prévôtés dont ils dépendent (148). Il en est de même du produit de la pêche des étangs, qui formait une ressource appréciable : un seul de ces étangs, celui de Lindre, figure dans le compte du trésorier général, mais une vingtaine d’autres sont inscrits dans le compte du receveur général pour la même année (149), et d’autres encore, de moindre étendue sans doute, doivent être cherchés, comme celui de Biécourt, dans les comptes des prévôtés.
Nous n’avons pu découvrir ce qu’est cette aide levée tous les trois ans sur le temporel de Metz et dont une part revenait au duc de Lorraine. Etait-ce une forme du droit de garde ? De 2.139 fr. en 1546, elle monte à 2.683 fr. en 1549. Etant triennale, elle devrait reparaître en 1552, mais le trésorier général écrit dans son compte de cette année : « Néant receu, par refus de l’évêque, et en soit faicte la poursuyte » (150).
Quant aux aides payées par les duchés de Lorraine et de Bar, elles étaient de deux sortes : l’aide ordinaire, ou aide Saint-Remy, qui, de toute ancienneté, était levée chaque année sur les sujets directs du duc seulement ; l’aide générale qui atteignait tous les habitants des deux duchés, et qui ne pouvait être répartie et perçue qu’avec l’autorisation des Etats généraux. Comme il n’y eut pas de session d’Etats autre que celle de 1545 pendant la tutelle de Chrétienne et de Nicolas, nous n’avons pas à nous occuper de l’aide générale, dont le produit était très variable selon que l’assemblée avait plus ou moins accordé. Au contraire, l’aide ordinaire variait peu : pendant les années qui nous occupent, son produit a oscillé pour le bailliage de Nancy entre 10.037 et 12.023 francs, pour le bailliage de Vosges entre 14.535 et 16.772 francs (151).
Ce qui contribuait à donner à cette aide un caractère de fixité, c’est que le souverain consentait assez facilement à aborner certaines communautés et certains particuliers, c’est-à-dire à les faire payer à forfait. Ainsi, en mai 1550, le curé de Vagney, dans la prévôté d’Arches, remontre que les mainmortables qui lui appartiennent en ce lieu sont taxés d’une manière si excessive que beaucoup passent sur d’autres terres, et pour retenir ces pauvres gens, les tuteurs les abornent à 18 gros par ménage (152). Mais alors, en septembre de la même année, c’est toute la communauté de Vagney qui se plaint que son ban est fort stérile, et que les habitants ont beaucoup de mal à payer l’aide, et elle obtient un abornement encore plus avantageux, 16 gros par ménage ordinaire, 8 gros par ménage de veuve (153). En 1551, les gens de Goherey, dans la prévôté de Dompaire, sont abornés à deux francs par conduit (ou ménage), parce que, le nombre des conduits du lieu ayant diminué, chaque conduit subsistant paye trop quand l’impôt se répartit (154). Ceux des gens de Corcieux, dans la prévôté de Bruyères, dont le duc est le seigneur immédiat, sont également si fort surtaxés que beaucoup passent sur les terres d’autres seigneurs du même ban, ce qui augmente la cote de ceux qui restent ; ils sont abornés à 30 gros par conduit ordinaire, à 15 par conduit de veuve (155).
On a vu que le produit du domaine et celui des salines, celui-ci surtout, entrent pour une forte part dans l’ensemble des recettes. Un document, qui dépasse les limites de la tutelle à deux, nous apprend que, de 1545 inclus à 1557 inclus, soit en treize ans, les recettes du domaine du seul duché de Lorraine se sont accrues de 32.330 francs, celles des salines de 47.428 francs (156). Pour le domaine proprement dit, cette augmentation s’explique en, partie par le fait que les tuteurs ont racheté divers biens qui avaient été aliénés ou engagés : en 1547, la terre de Norroy-le-Sec, près de Briey, pour 13.449 frs. ; en 1550, certaines mines du Val de Liepvre pour 22.800 fr. ; en 1551, la terre de Grand pour 1.200 fr. (157).
On a vu également, à la fin du tableau des recettes que la vente des grains produisait de fortes sommes, surtout dans le duché de Bar. Une portion des impôts était en effet payée en nature et des grains s’amoncelaient ainsi dans les diverses prévôtés. En général, on vendait aux enchères ou le tout, ou la moitié de ces grains, blé, seigle, avoine, le reste devant servir à la consommation de l’hôtel ducal ou à d’autres emplois, par exemple, en 1545, aux réquisitions faites par l’armée impériale (158) ; de plus, les gages de divers fonctionnaires étaient payés en blé, et enfin, à diverses dates, de grandes quantités de grains furent stockées dans la forteresse de La Mothe en prévision d’un siège.
Un autre mode de payement en nature des impôts était de remettre de la cire et du miel aux agents du prince ; l’élevage des abeilles a toujours été très pratiqué et très productif en Lorraine (159). Le miel remplaçait le sucre, alors inconnu ou très rare ; la cire servait à éclairer les résidences ducales, à faire des dons aux églises pour leur luminaire ordinaire et surtout pour les obits des ducs ou pour leurs obsèques (160), enfin à compléter le traitement de certains fonctionnaires (161).

III

Voici le tableau des dépenses de ce même compte du trésorier général en 1546 (162) dont nous avons donné plus haut les recettes :
Dépense ordinaire de l’hôtel ducal 71.680 fr.
Dépense faite par la cour à Condé (163) de la fin d’août au début de novembre 1.172 fr.
Gages des gentilshommes du duc 45.091 fr.
Sommes payées par mandements 9.967 fr.
A Sébastien Boucquet, médecin du duc, premier versement des 2.000 fr. que les tuteurs lui allouent pour ses longs services 666 fr.
Aux héritiers de Louise de Beauvau, jadis gouvernante de la princesse d’Orange (164) 300 fr.
Gages de la garde du corps 6.500 fr.
Gratification à cette garde 525 fr.
Gages de la garde suisse 1.335 fr.
Entretien des chevaux du duc 1.200 fr.
Dépense de frère Augustin et des civettes dont il a la garde (165) 213 fr.
Indemnité à Georges d’Altdorff 600 fr.
A Henri de Lenoncourt, jadis lieutenant du duc Antoine en sa compagnie d’ordonnance 1.500 fr. Dons en deniers à divers 6.341 fr. Parties extraordinaires et menus plaisirs de Madame et de Mgr de Metz 1.965 fr.
A la princesse d’Orange, en déduction de ce qui lui est dû pour sa dot 16.750 fr.
A la reine d’Ecosse, pour dernier payement de ce que le duc Antoine lui avait assigné en dot à son premier mariage (166) 9.000 fr.
A Mgr de Metz, moitié de ce qui lui est versé tous les ans pour sa part d’héritage (167) 12.000 fr.
Au cardinal, Jean de Lorraine, deux versements de 1.000 écus chacun 6.750 fr.
Remboursement aux quatre gouverneurs d’Epinal de ce qu’ils ont prêté en 1543 au duc Antoine 4.000 fr.
Remboursement à l’abbé de Sainte-Marie-au-Bois de ce qu’il a prêté au même en 1541 500 fr.
Remboursement à Chardin Serrière, bourgeois de Pont-à-Mousson, d’un prêt fait au même en 1543 1.066 fr.
A Hanus Bermant, marchand à Saint-Nicolas, pour harnais d’armes fournis au duc François 580 fr.
Remboursement à Sébastien Boucquet, médecin, du prêt fait au même duc 1.500 fr.
A Jean Dolu, marchand à Paris, pour fournitures au même duc 869 fr.
Voyages et ambassades 7.716 fr.
A Humbert Pierrot, receveur général de Lorraine, pour subvenir aux charges de son office 2.000 fr.
Remboursement au receveur de Gondreville d’un excès de perception de l’aide 92 fr.
Au comte Guillaume de Wied et Mœurs pour l’appointement de Boulay (168) 2.175 fr.
Au change de Strasbourg pour la censive qui lui est due 225 fr.
Achat de chevaux 2.194 fr.
Achat de faucons 45 fr.
Au sieur Ambroise (169), ingénieur des fortifications du comté de Bourgogne, pour visite de places lorraines 1.003 fr.
Aux mortes payes (170) de La Mothe 562 fr.
Obsèques des ducs Antoine et François et de la reine Philippe de Gueldre 3.630 fr.
Parties de selliers 135 fr.
» cordonniers 58 fr.
» éperonniers 10 fr.
» armuriers 115 fr.
» orfèvres 115 fr.
» pelletiers 179 fr.
» apothicaires, y compris les drogues fournies à Philippe de Gueldre de 1544 à 1546 1.054 fr.
» tapissiers et brodeurs 161 fr.
Draps noirs de laine et de soie et luminaire pour les obsèques des ducs Antoine et François 24.360 fr.
Etoffes et linge, y compris les habits des archers et des Suisses de la garde 5.700 fr.
Pour construction de la halle de Dieuze 1.082 fr.
Total des dépenses, 254.683 fr., ce qui laisse un excédent de dépenses de 3.491 fr.
On a remarqué le chiffre élevé des dépenses de la maison ducale : 71.680 fr. sur un total de 254.683 fr., c’est une forte proportion. Et les Lorrains de ce temps le pensaient également, puisque, on l’a vu, aux Etats de 1545, ils avaient demandé que ces dépenses fussent réglées par un certain nombre de gentilshommes qui n’auraient pas manqué de les réduire (171). Le compte du trésorier général inscrit ces dépenses de la cour mois par mois, et leur chiffre, en 1546, varie fort d’un mois à l’autre : 3.253 fr. en mai, 11.197 fr. en décembre (172).
Une dépense analogue est celle qui se fait pour les menus plaisirs des deux tuteurs, Chrétienne et Nicolas : 1.965 fr. A cette date de 1546, le jeune duc n’a que trois ans, et dans cette distribution d’argent, il n’est encore question ni de lui ni de ses sœurs. Mais dès 1548, Chrétienne s’avise qu’il est temps de lui établir un budget personnel et elle prescrit de verser tous les ans au sieur de Montbardon, son gouverneur, 600 écus d’or - 2.025 fr. de Lorraine - pour les menus plaisirs de Charles (173). Cette somme est inscrite dans tous les comptes suivants.
De grosses dépenses, mais tout à fait exceptionnelles, sont celles qu’entraînent les obsèques des ducs Antoine et François et de la vieille duchesse, Philippe de Gueldre, qui est morte le 28 février 1547, et dont pourtant les frais funéraires sont inscrits dans ce même compte de 1546, sans doute parce qu’une partie des objets acquis ont servi pour les trois cérémonies. 3.630 francs d’une part, 24.360 de l’autre, cela fait un total imposant de 27.990 francs, et il est possible que les habillements des archers et des Suisses de la garde aient été renouvelés en vue de ces cérémonies. Puis, ce n’est pas tout de faire aux défunts des obsèques grandioses, il faut leur assurer une sépulture digne d’eux : dès 1547, la duchesse verse 500 francs pour ce tombeau de la reine de Sicile, œuvre de Ligier Richier, qui aujourd’hui encore fait notre admiration ; en 1548, nouveau sersement de 80 francs (174).
Au regard des dépenses de la cour, cette année 1546 paraît une année normale. Les événements des années suivantes détruiront cet équilibre. Ainsi, dans l’hiver de 1547-1548, les tuteurs sont allés retrouver Charles-Quint à Augsbourg où il préside une diète. Il faut tenir son rang et montrer à tous les princes de l’Empire que le duc de Lorraine ne leur est pas inférieur, d’où des largesses onéreuses: Chrétienne et Nicolas dépensent 12:698 francs en novembre et décembre 1547 (175), 13.807 francs en janvier et février 1548 (176), au total 26.505 francs. Il en coûte d’assister à une diète et de contempler cette moitié de Dieu qu’est l’empereur ! Il est vrai que, les tuteurs étant à Augsbourg, les dépenses de la cour nancéienne sont réduites d’autant : 1.955 francs en janvier et 1.996 en février, tandis qu’après le retour de Chrétienne et de Nicolas, la dépense mensuelle oscillera entre 3.000 et 4.000 francs.
En 1552, d’autres événements, que nous exposerons plus loin, ont aussi une répercussion financière. Lorsqu’au mois d’avril, le roi Henri II arrive à Nancy, il y trouve non seulement Charles III, ses sœurs, sa mère et son oncle, mais aussi la duchesse d’Aerschot, fille du duc Antoine, dont nous ne savons pas au juste quand elle est venue rejoindre les siens ; la dépense s’est élevée à 5.995 francs en janvier, 4.917 en février, 6.211 en mars, dernier mois normal. Mais en avril, la duchesse d’Aerschot retourne à Bruxelles, Charles III est envoyé à Paris ; puis, en mai, Chrétienne et ses filles sont obligées de quitter la Lorraine. Avant de se séparer de son beau-frère, elle arrête avec lui un « abut », c’est-à-dire une convention en vertu de laquelle le trésorier général verse pour le reste de l’année : à la duchesse et à ses filles, 12.840 francs, à raison de 60 francs par jour pendant 214 jours ; à Nicolas, 6.420 francs, à raison de 30 francs par jour pendant le même laps de temps (177).
La dépense de 1546 pour achat de chevaux, 2.194 francs, et de faucons, 45 francs, parait avoir été exceptionnelle, car en 1547, elle n’est plus que de 563 francs pour les chevaux, en 1548 de 590 francs pour les chevaux, de 20 francs pour les faucons.
Nous ne songeons pas à confronter ainsi, année par année, toutes les dépenses, grosses ou menues, inscrites sur les registres du trésorier général de Lorraines. Nous retenons seulement un article d’un intérêt particulier, celui des médecins et chirurgiens. Le compte de, 1546 ne nomme qu’un seul médecin du duc, Sébastien Boucquet. Dans le compte de 1548, il est deux fois question de ce personnel : d’abord, les médecins en service, Antoine Lepois avec 1600 francs de gages, Antoine Champier 600, Jean Malomont 400 et le chirurgien, maître Philippe, 300 (178) ; puis les médecins qui ont soigné le duc François, M. de Morley (179), Sébastien Boucquet, Jean Malomont, Antoine Lepois, Antoine Champier, qui touchent collectivement 400 francs (180).
Ces énumérations de dépenses publiques sont fort intéressantes et instructives. Elles apprennent bien des faits politiques et économiques, font connaître bien des institutions qu’autrement on ignorerait tout à fait. Mais elles nous causent aussi quelques déceptions. Trop souvent, la façon plus que discrète dont sont expliquées des dépenses assez élevées satisfait mal notre curiosité. En 1548, par exemple, 1.000 francs sont payés au bailli de Vosges « pour certaines causes » et 600 au sieur de Saint-Martin « en considération de dépenses qu’il a faites pour le service du duc » (181). Il y a des débours énigmatiques, comme ces 200 écus d’or, valant 675 francs, versés au sieur de Saint-Denis, homme d’affaires du cardinal Jean de Lorraine (182). Aucune explication n’est donnée de ce payement. S’agissait-il d’acheter la conscience de cet agent ? Ailleurs on voit que des courriers sont partis de Nancy pour Paris, pour Bruxelles, pour une ville d’Allemagne. A qui sont destinées les dépêches qu’ils portent et que disent ces dépêches ? Nous ne le savons nullement, et sans doute le trésorier général qui inscrivait le salaire de ces courriers n’en savait pas davantage.

IV

Comment s’équilibrent les recettes et les dépenses, et en premier lieu, y avait-il une prévision des unes et des autres, autrement dit un budget ? Le .mot est récent puisqu’il a été emprunté à l’anglais au XIXe siècle, mais la pratique qu’il désigne est très ancienne en France. Là, une ordonnance de 1314 prescrivit de noter à l’avance « par estimacion » et en chiffres ronds les diverses recettes et dépenses du royaume (183). Au XVe et au XVIe siècles, ce tableau annuel s’appelle l’« Etat général des finances » et une ordonnance de 1523 prescrit sa rédaction en trois exemplaires, destinés au roi, au chancelier, au trésorier de l’épargne (184). Comme, à la fin du Moyen Age et encore plus au XVIe siècle, les institutions de la Lorraine s’inspirent largement des institutions françaises, il paraît très probable qu’on avait dans les duchés quelque chose d’analogue à ce qui se faisait dans le royaume voisin. Mais nous n’avons retrouvé aucun de ces « Etats généraux ». Il est à supposer que, chaque exercice étant clos, on les aura détruits comme pièces de peu d’importance, alors qu’on gardait soigneusement les comptes (185).
Les registres du trésorier général nous donnent les totaux des recettes et des dépenses relevés avec la dernière précision et l’indication du reliquat ou du déficit de chaque année, et au dessous l’approbation de la Chambre des comptes conférée quelques mois après la clôture de l'exercice. Voici ces totaux, en francs seulement, pour les années du gouvernement de Chrétienne de Danemark.
 
      EXCÉDENT
ANNÉE RECETTES DÉPENSES des recettes  des dépenses
1545 222.619 218.515 4.103
1546 251.191 254.683   3.491
1547 244.230 269.429   25.199
1548 254.337 286.415   32.077
1549 319.184 248.363 70.821
1550 421.444 330.582 90.862
1551 346.345 280.383 65.962
1552 490.415 440.911 49.503

Ainsi, la première année inscrit un léger reliquat, les trois suivantes sont déficitaires et le déficit s’aggrave d’une année à l’autre, les quatre dernières présentent de sérieux reliquats. Ces variations s’expliquent par deux sortes de causes.
D’abord, comme le compte de dépenses de 1546 nous l’a fait voir, les tuteurs ont, cette année-là, unie dépense extraordinaire, près de 28.0,00 francs, pour les obsèques ducales. De plus, en 1546 et années suivantes, ils font un gros effort - sur lequel nous reviendrons plus loin - pour payer les dettes des deux derniers ducs, Antoine et François.
D’autre part, la duchesse s’est trouvée, au début de sa tutelle, dans une situation difficile ; ne voulant plus convoquer d’Etats généraux, de peur d’y rencontrer une opposition véhémente comme en novembre 1545, elle ne peut donc solliciter le vote d’aides générales ; essayer de lever ces aides sans l’autorisation des Etats serait une entreprise des plus téméraires qui l’exposerait à une révolution. Il lui faut donc se contenter des ressources ordinaires qui ne suffisent pas à payer les dépenses, d’où ce déficit toujours croissant. C’est alors qu’elle se décide à puiser dans une caisse qui était réservée sans doute aux cas d’extrême péril. Pour protéger les frontières de la Lorraine et maintenir la neutralité, les Etats avaient accordé, en mai 1535, une aide de 3 francs par conduit à prendre une fois pour toutes ; en avril 1544, une aide 9 gros par feu et par mois à lever pendant les mois de mai, juin, juillet et août (186). Les sommes produites par ces impôts n’avaient pas été entièrement dépensées sur le moment, et ce qui en restait avait été réservé pour le cas de nouvelles alertes. C’est là que les tuteurs puisent des sommes toujours plus fortes, et ces prélèvements sont inscrits dans les comptes sous la rubrique « Deniers extraordinaires pris au coffre des deniers de l’ayde général accordé par les Estatz à feu Monseigneur le duc Antoine ». Ils y prennent : en 1548, 3.905 francs ; en 1549, 14.694 francs ; en 1550, 13.346 francs ; en 1551, rien ; en 1552, année où, par suite de l’expédition d’Henri II, la guerre menace de nouveau, 50.000 francs (187). Ainsi s’expliquent, au moins en partie, les excédents de recettes des dernières années de la tutelle.

V

Les précédents ducs, François Ier, Antoine et même René II, avaient laissé des dettes assez importantes que les tuteurs eurent soin d’éteindre dès les premières années de leur gestion. Si, comme nous le croyons, l’initiative de ces remboursements revient surtout à Chrétienne, nous y voyons la preuve qu’en matière d’argent, elle aime les situations nettes. Nous n’avons pas trouvé trace d’emprunts faits. par elle et elle veut en finir avec les emprunts de ses prédécesseurs.
Quand le taux de ces emprunts est spécifié, ce qui ne se voit que rarement, c’est toujours le taux de cinq pour cent. Ceci confirmerait le fait que le duc Antoine aurait établi ce taux par une ordonnance du 1er avril 1535 (188). Cet intérêt raisonnable parait s’être maintenu pendant la minorité de Charles III. Mais quand, un peu plus tard, la Lorraine sera menacée à la fois par les huguenots français et par leurs auxiliaires allemands, il sera bien vite dépassé : en 1570, au plus fort de ces incursions, Charles III sera réduit à emprunter à huit pour cent (189). L’année suivante, il fixera l’intérêt à sept pour cent (190) et c’est à ce taux qu’il empruntera, même dans cette année 1587 où la Lorraine courut les plus grands périls, et où, pour lever et payer une armée, le duc dut contracter tant de dettes.
Quant aux prêteurs, ils appartiennent à toutes les classes de la société et il ne semble pas qu’il y ait eu alors en Lorraine, comme en France, une catégorie spéciale des gens de finances (191). Prêtait qui avait de l’argent liquide, par exemple des membres de la haute noblesse, comme Ferry de Lignivillie, seigneur de Tantonville, qui a fourni 2.000 francs à René II, et Jean d’Haussonville, qui en a avancé 5.000 au duc François (192), Jean, comte de Salm, seigneur de Viviers, maréchal de Lorraine, qui a prêté au duc François 2.000 écus d’or au solleil valant 6.750 francs de Lorraine (193). On voit aussi, parmi les créanciers du duc, des fonctionnaires de tout rang, par exemple un bailli d’Allemagne, dont le nom manque, qui a prêté 6.000 francs (194), Nicolas Mengin, président de la Chambre des comptes de Lorraine, à qui sont dus 7.687 francs (195), Louis de Lescut, lieutenant du bailli de Nancy, qui a prêté 4.000. francs au duc Antoine (196), Jean Beurges, contrôleur général de Lorraine, qui en a versé 6.000 au duc François (197), un prévôt de Blâmont qui a avancé 4.000 francs au même (198).
Les prêteurs sont moins nombreux dans la bourgeoisie qui n’était sans doute pas très riche. On voit cependant un bourgeois de Pont-à-Mousson, Chardin Serrières, qui a prêté 1.066 francs au duc Antoine en 1543, et ce médecin dont il a été question dans le tableau des dépenses, Sébastien Boucquet, qui a fourni 1.500 francs au duc François (199). D’autre part, les quatre gouverneurs d’Epinal, agissant au nom de leur ville, qui est prospère, ont prêté 4.000 francs au duc Antoine en cette même année 1543 où il lui fallait armer pour défendre sa neutralité (200).
Le clergé également figure parmi les créanciers des ducs, mais pour des sommes modestes. Dans le clergé séculier, Gilles de Trèves, doyen de la collégiale Saint- Maxe de Bar, et fondateur dans cette ville d’un collège qui portait son nom, a prêté 2.800 francs au duc François (201). Dans le clergé régulier, on voit mentionnées l’abbaye de Belchamps pour 500 francs, celle de Sainte- Marie-au-Bois pour la même somme, et celle de Saint- Sauveur en Vosges pour 1.012 francs (202).
On aimerait savoir, mais on ignore jusqu’à quel point ces prêts ont été librement consentis. Plus tard, dans des jours d’urgente nécessité, le duc Charles III sera obligé de recourir à des sortes d’emprunts forcés. Et il y avait eu également des circonstances critiques et des périls pressants sous les règnes d’Antoine et de François Ier.

(A suivre.)


(1) LEPAGE et GERMAIN, Complément au nobiliaire, p. 256 et ss.
(2) ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 482-484. - SOUHESMES, Etude sur la criminalité, p. 106, croit que cette mesure de Chrétienne est inspirée par les canons du concile de Trente contre le duel ; mais c’est en 1563 seulement que ce concile a condamné le duel (SARPI, t. II, p. 743). Il s’est ouvert le 13 décembre 1545, quelques jours avant que Chrétienne fît son mandement, et il eut tout d’abord à s’organiser, à régler des questions de procédure et de préséances, avant de songer à légiférer.
(3) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 59 v°.
(4) Ibid., fol. 85 v°.
(5) lbid., fol. 71.
(6) lbid., fol. 10 v° : B 26. fol. 166 v°.
(7) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol. 27 v°.
(8) Ibid., B 10.356, fol. 17.
(9) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 351.
(10) Peut-être Villers-devant-Orval, province belge de Luxembourg, arrond. Virton, cant. Florenville.
(11) Arrêt du 1er septembre 1547 (Arch. M.-et-M., B 24, fol. 102).
(12) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 204 v°. - Batilly, cant Briey ; Récicourt, cant. Clermont-en-Argonne.
(13) Ibid., B 26, fol. 177 v°. - Lisle-en-Barrois, cant. Vaubecourt ; Seraucourt, cant. Triaucourt.
(14) Tout ce litige est relaté dans les lettres patentes du 29 décembre 1548 (Arch. M.-et-M., B 23, fol. 195-200). Dans le même registre, fol. 360 v°, est une commission au bailli d’Epinal pour exécuter la sentence.
(15) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 355 v°.
(16) Par M. Gaston ZELLER dans. l’Annuaire de la Société d’archéologie de Metz, 1928, p. 571-578 ; il est aussi question de oe litige dans la Gallia christiana, t. XIII, col. 910.
(17) Chef-lieu cant. de l’arrond. Mirecourt.
(18) SOUHESMES, La criminalité, p. 143.
(19) B. N., Coll. lorr., 259 bis, fol. 1.
(20) Arch. M.-et-M., B 416, fol. 357 V.
(21) Ibid., B 28, fol. 8.
(22) POIRIER, Metz, Documents généalogiques, p. 313 ; Mém. Acad. Stanislas, 1883, p. 189 ; LA CHENAYE-DESBOIS, Dict. de la noblesse, t. X, p. 272.
(23) LEPAGE, Comm. Meurthe, 1.1, p. 261. - Condé, aujourd’hui Custines, cant. Nancy-Est.
(24) Arch. M.-et-M., B 1071, fol. 231 v° ; B 1076, fol. 220 v°, 223.
(25) Invent. des ducs de Lorr., p. VIII-XII ; Mém. Acad. de Stanislas, 1880, p. 323.
(26) Arch. M.-et-M., B 622, nos 49-51. Sur ce procès, cf. DUMONT, Justice criminelle, t. II, p. 147 ; Louis LALLEMENT, dans J.S.A.L., 1858, p. 122-134 ; Dr DONNADIEU, L’hérédité, p. 99.
(27) Arch. M.-et-M., B 8633.
(28) Ibid., B 1076. fol. 268 ; B. 2460, fol. 108.
(29) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 101.
(30) Ibid., B 26, fol. 232.
(31) Ibid., B 23, fol. 334 v°.
(32) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 171 v°. - Parroy, canton Lunéville-Sud.
(33) Ibid., B 23, fol. 5, v°. - Salmagne, arr. Bar-le-Duc, cant. Ligny.
(34) Ibid., B 23, fol. 120. - Sommerviller, cant. Lunéville-Nord.
(35) Ibid., B 23, fol. 165 v°.
(36) Ibid., B 26, fol. 169. - Ceintrey, cant. Haroué.
(37) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 62.
(38) Ibid., B 23, fol. 226 v° ; B 26, fol. 271.
(39) Ibid., B 23, fol. 221.
(40) Ibid., B 26, fol. 64.
(41) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 289.
(42) Ibid., B 26, fol. 75 v°. - Brainville, Haute-Marne, cant. Bourmont.
(43) Ibid., B 26, fol. 137.
(44) Ibid., B 23, fol. 101.
(45) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 89.
(46) Ibid., B 23, fol. 72. - Bouzonville, chef-lieu cant. de l’arr. Thionville.
(47) lbid., B 2108, fol. 74.
(48) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 74, rémission citée par Souhesmes, p. 230. - Dommartin-sous-Amance, cant. Nancy-Est.
(49) Mgr BONNARD, p. 32.
(50) B. N., Coll. lorr., 222, fol. 29.
(51) Biblioth. de l’Institut. Collect. Godefroy, ms. 338, fol. 1&4.
(52) B. PICART, Hist. de Toul, p. 634-635 ; PIMODAN, p. 11 ; Eug. MARTIN, Hist. des diocèses, t. I, p. 594.
(53) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 61.
(54) Eug. MARTÍN, op. cit., t. I, p. 596.
(55) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 178.
(56) Lettres patentes du 16 février 1552, n. st. (Arch. M.-et-M., p, 27, fol. 27 v°).
(57) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 319. - Fontenoy-en-Vosges est dans le canton de Bains, Thicourt dans le canton de Faulquemont.
(58) Ibid., B 23, fol. 171 v°. - Dagonville, cant. Commercy.
(59) Ibid., B 26, fol. 77.
(60) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 77.
(61) Ibid., B 26, fol. 66.
(62) Ibid., B 26, fol. 5 v°. - Chaumont-sur-Aire, cant. Vaubecourt.
(63) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 63. - Auzéville, cant. Clermont-en-Argonne.
(64) Ibid., B 23, fol. 56 v°. - Bouconville, cant. Saint-Mihiel.
(65) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 64 v°.
(66) Ibid., B 23, fol. 133 v°.
(67) lbid., B 23, fol). 340. - Vaudémont, cant. Vézelisie.
(68) Ibid., B 23, fol. 267.
(69) lbid., B 23, fol. 204 v°.
(70) Ibid., B 26, fol. 83 v°. - Mélignry-le-Grand, cant. Void.
(71) Ibid., B 26, fol. 267.
(72) lbid., B 27, fol. 33 v°. - Hattonchâtel, cant. Vigneulles.
(73) Arch. M.-et-M., B 27, fol. 204.
(74) Ibid., B 26, fol. 234.
(75) Ibid., B 26, fol. 106, 175 v°. - Herbéviller, cant. Blâmont.
(76) Ibid., B 23, fol. 14 v°, 359.
(77) Ibid., B 26, fol. 7-9. - Bouconville, cant. Saint-Mihiel.
(78) Ibid., B 23, fol. 15 v°, 255 V.
(79) Ibid., B 23, fol. 134 v, ; B 27, fol. 152 v°.
(80) Ibid., B 23, fol. 106.
(81) Ibid., B 23, fol. 100 ; B 26, fol. 261.
(82) Ibid., B 23, fol. 31, 93 v° ; B 27. fol. 208.
(83) Ibid., B 23, fol. 55 v°.
(84) Ibid., B 26, fol. 113.
(85) Ibid., B 23, fol. 64, 155 v°, 279 v°, 329 v°, 311 v°, 178.
(86) SARPI, t. II, p. 740.
(87) Mathieu Ier, chap. III.
(88) Arch. Meuse, B 548, fol. 186.
(89) Arch. M.-et-M., B 6174, fol. 40 v° ; B 6175, fol. 41 v°.
(90) Ibid., B 8140, fol. 144-145.
(91) D’ordinaire, on la vieillit en mettant sa naissance en 1462 ; il paraît certain que ses parents se sont mariés en décembre 1463.
(92) La vie et trespas, fol. Q 9, 3-5.
(93) Lettre du 17 mars 1547 dans J.S.A.L., 1870, p. 159-160.
(94) Arch. M.-et-M., B 8141, fol. 140 v°.
(95) Ibid., B 23. fol. 274 v°.
(96) Paul DENIS, Ligier Richier, p. 312.
(97) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 198. - L’Etanche, comm. de Deuxnouds-aux-Bois, cant. Vigneulles.
(98) Ibid., B 4436.
(99) Ibid., B 1076, fol. 176 v°.
(100) Ibid., B 10.356, fol. 16 v°.
(101) Ibid., B 10.357, fol. 31 v°.
(102) Ibid., B 23, fol. 20 v°.
(103) Ibid., B 1076, fol. 18 v°.
(104) Ibid., B 1082, 4436, 5277 (fol. 67 v°), 9819.
(105) Ibid., B 4436.
(106) Ibid., B 6175.
(107) Ibid., B 23, fol. 146 v° ; B 26, fol. 241 v°.
(108) Ibid., B 26. fol. 146 v°.
(109) Ibid., B 26, fol. 255 v° ; H. LEPAGE, L’abbaye de Saint-Martin, dans M.S.A.L. 1878, p. 165 ; dom CALMET, Hist. maison du Châtelet, p. 192-195.
(110) ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 565-569.
(111) Arch. M.-et-M., B 1077, fol. 107 yo.
(112) H. DANNREUTHER, dans Mém. de la Soc. des lettres de Bar- le-Duc, 1883, p. 95-96.
(113) A. DE MAHUET, Biographie de la Chambre des comptes de Lorraine, p. VI.
(114) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol. 49.
(115) Arch. M.-et-M., B 10.356, fol. 8.
(116) Ibid., B 10.356 et ss. On lit sur le premier registre : 1545, mais comme dès les premières lignes il est question des tuteurs, nous avons la preuve qu’il faut entendre 1546 de notre calendrier. - Il n’y a pas de collection analogue pour la Chambre des comptes de Bar.
(117) Cette ordonnance, dont les dates de mois et de jour sont restées en blanc, est analysée par Henri LEPAGE dans M.S.A.L. 1869, p. 195-197, d’après l’original sur parchemin (Arch. M.-et-M., B 844, n° 43). Elle compte de 70 à 80 articles non numérotés. Lepage constate qu’elle est en grande partie illisible et qu’on n’en peut déchiffrer que quelques passages. Il va sans dire qu’elle est encore plus illisible en 1936 qu’en 1869.
(118) Arch. M.-et-M., B 10.356, fol. 21.
(119) Ibid., B 1088, fol. 102.
(120) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 195.
(121) M.S.A.L., 1869, p. 213-214.
(122) Arch. M.-et-M., B 1082, fol. 13. 14.
(123) Ibid., B 1084, fol. 13, 14.
(124) Ibid., B 1088, fol. 15, 17.
(125) lbid., B 1078, 1080.
(126) Ibid., B 1079, fol. 132.
(127) Arch. M.-et-M., B 1080, fol. 229-245.
(128) Les comptes de ces receveurs sont aux Archives de Meurthe-et-Moselle, mêlés dans l’ordre chronologique aux comptes du trésorier général et d’autres agents.
(129) Leurs comptes sont aux Archives de la Meuse, B 539 et ss.
(130) « Papier et compte des, receptes et despences faictes par Jehan d’Amance, chambre aux deniers de Mgr le duc. » (Arch. M.-et-M., B 989.) Ce compte, qui s’applique à l’exercice 1491-92, est le deuxième présenté par Jean d’Amance ; le premier manque. Les comptes suivants donnent toujours au comptable ce même titre de « Chambre aux deniers », et dans, celui de 1494-95 (B 993), on voit que Jehan d’Amance est en réalité Jehan Gerlet, d’Amance.
(131) Arch. M.-et-M., B 989.
(132) Henri LEPAGE qui donne quelques indications sur les receveurs et trésorier dans ses Offices des duchés de Lorraine et de Bar (M.S.A.L., 1869, p. 208-9), ne dit rien de l’argentier.
(133) Compte de 1544 (B 1073).
(134) Arch. M.-et-M., B 24, fol. 15 v° ; B 26, fol. 233 v°. On ignore à quelle date exacte il devint trésorier général, les lettres patentes de 1544 et 1545 n’existant plus.
(135) Le plus ancien compte qui nous reste de ce La Ruelle est de 1557 (B 1114), mais il est intitulé « Compte sixiesme ». Dès 1548, il est qualifié argentier du duc, avec 200 fr. de gages. (Ibid., B 1084. fol. 45)
(136) M.S.A.L., 1869, p. 209.
(137) Voir le compte de 1523 publié par DOUCET dans le Bull. histor. du Comité des travaux histor., 1920, p. 32.
(138) Arch. M.-et-M., B 1091, in-4° de 282 feuillet. - Les archives possèdent deux autres registres récapitulatifs analogues, B 1051 pour les années 1524 à 1532, B 1113 pour les années 1545 à 1557.
(139) Henri LEPAGE dans M.S.A.L.. 1875. D. 8.
(140) MAXE-WERLY, Recherches sur les monnayeurs, p. 82-95.
(141) Ordonn. du 20 déc. 1511, dans ROGÉVILLE, Dict., t. II, p. 95-96.
(142) H. LEPAGE, op. cit., p. 48-49.
(143) L. WIÉNEE dans M.S.A.L., 1900, p. 108-114.
(144) WIÉNER, op. cit., et DE SAULCY, Recherches sur les monnaies, p. 129-130.
(145) Arch. M.-et-M., B 1091, fol. 92-93.
(146) Ibid., B 1079, fol. 1-29.
(147) Chrétienne de Danemark, à qui elle avait été donnée en douaire.
(148) Par exemple les recettes du passage de Nancy., Arch. de M.-et-M., B 7549-7685.
(149) Ibid., B 1080, fol. 151-157.
(150) Arch. M.-et-M., B 1092, fol. 14 v°.
(151) Ibid., B 1091, fol. 9, 12, 21.
(152) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 103 v°.
(153) Ibid., B 26, fol. 111.
(154) Ibid., fol 28.
(155) Ibid., fol. 246. - Dans tous ces abornements, il ne s’agit que de l’aide ordinaire ou aide Saint-Remy.
(156) Ibid., B 1113, fol. 49.
(157) Arch. M.-et-M., fol. 32.
(158) Ibid., B 1077, fol. 123 ; B 10.356, fol. 19.
(159) Cf. Pierre BOYÉ, Les abeilles, la cire et le miel en Lorraine, dans M.S.A.L., 1906, p. 5-108.
(160) La cire ne coûtant rien, on en faisait une consommation énorme à l’enterrement des membres de la maison ducale : pour Antoine, on met 650 cierges rien que sur le catafalque ; quand le corps du duc François arrive à Saint-Nicolas, les bourgeois et écoliers qui vont le recevoir portent un millier de cierges ; quoique Philippe de Gueldre ait des obsèques bien simplifiées, puisqu’elle a renoncé au monde, on envoie à Pont-à-Mousson 157 livres de cire pour faire le luminaire ; il y a plus de 2.000 cierges à l’enterrement de la duchesse Claude en 1575 (P. MAROT, Recherches sur les pompes funèbres, p. 29, 30, 38, 40).
(161) Voici deux exemples de gages partie en argent, partie en nature : Humbert de Donoourt, capitaine de Châtenois, reçoit par an 60 fr., 30 résaux de blé, 40 résaux d’avoine ; Philippe des Sales, capitaine de Neufchâteau, reçoit par an 200 fr., un muid de sel, douze chars de foin, six livres de cire, plus un cent de poissons sur un étang des Vosges chaque fois qu’il est péché. (Arch. M.-et- M., B 1076, fol. 198, 200.)
(162) Arch. M.-et-M., B 1079, fol. 32 à 164.
(163) Condé-sur-Moselle, aujourd’hui Custines, cant. Nancy-Est.
(164) Anne de Lorraine, fille du duc Antoine, avait épousé en août 1540, René de Châlon, prince d’Orange.
(165) Cf. J.S.A.L., 1898, p. 89.
(166) Marie de Lorraine, fille de Claude, premier duc de Guise, nièce d’Antoine. Née en 1515, elle épousa, en 1534, Louis d’Orléans, duc de Longueville, qui mourut peu après, et se remaria en 1538 à Jacques V, roi d’Ecosse.
(167) L’autre moitié lui est payée par le receveur général du duché de Bar. Il s’agit de Nicolas de Lorraine, évêque de Metz, l’un des tuteurs.
(168) En 1528, le duc Antoine avait acheté à ce comte moitié de la ville de Boulay.
(169) Ambrosio Precipiano, ingénieur italien.
(170) Soldats de seconde catégorie qui tiennent garnison dans les forteresses et s’opposent aux soldats qui font campagne.
(171) Cf. plus haut, p. 125.
(172) Arch. M.-et-M., B 1078, fol. 32.
(173) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 86.
(174) lbid., B 1082. fol. 94 : B 1084. fol. 8fl.
(175) Ibid., B 1082, fol. 28-29.
(176) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 30-31.
(177) Ibid., B 1092, fol. 53, 54.
(178) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 46. - On trouve ailleurs le nom complet du chirurgien, Philippe Dautreppe.
(179) Bartolomeo Castel San-Nazar, seigneur de Morley, né à Côme, devenu vers 1520 médecin du duo Antoine. Cf. M.S.A.L.,. 1887, p. 5-35.
(180) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 79 v°.
(181) Ibid., B 1084, fol. 85 v°.
(182) Ibid., même fol.
(183) BOUSTRIC dans les Notices et extraits des manuscrits, t. XX, 21 partie, 1862, p. 209-213.
(184) Voir les travaux de MM. JACQUETON, Documents relatifs à l’administration financière ; MEYNIAL, dans la Revue histor. de droit, 1920-1921 ; Roger DOUCET, dans le Bull. histor. du Comité, 1920.
(185) De même aujourd’hui, dans les Archives départementales, les budgets des communes. sont supprimés après quelques années, tandis que leurs comptes sont gardés perpétuellement.
(186) Voir nos Etats généraux de Lorraine. D. 218. 454.
(187) Arch. M.-et-M., B 1091, fol. 9-22.
(188) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 644, signale cette ordonnance, mais ajoute qu’il ne la publie point parce qu’elle lui paraît suspecte. Nous n’avons pu en découvrir le texte.
(189) Arch. M.-et-M., B 539, n° 18.
(190) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 644.
(191) Voir l’ouvrage de SPONT sur Semblançay.
(192) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 175 v°, 190V.
(193) Ibid., B 1077, fol. 89.
(194) Ibid., B 9379.
(195) Ibid., B 1082, fol. 115.
(196) Ibid., B 1076, fol. 185.
(197) Ibid., B 1084, fol. 112.
(198) Ibid., B 1088, fol. 133.
(199) Ibid., B 1078, fol. 106, 108.
(200) Arch. M.-et-M., fol. 104.
(201) Ibid., B 1082, fol. 115.
(202) Ibid., B 1078, fol. 115 ; B 1086, fol. 96.

 

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