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								II 
								Au duc Antoine étaient dûs 
								des travaux législatifs d'une certaine 
								importance ; le duc Charles III attachera son 
								nom à la rédaction des coutumes ; entre les 
								deux, Chrétienne, dont la domination fut au 
								reste beaucoup plus courte, fait assez pauvre 
								figure quant aux progrès du droit civil ; on ne 
								connaît d'elle qu'un règlement du 5 septembre 
								1548 renouvelant une ordonnance faite à la 
								prière des Etats de décembre 1519 : que les 
								demandes en désistement d'immeubles seraient 
								intentées devant le juge de leur situation. 
								Encore n'avons-nous pas le texte, mais seulement 
								une brève analyse de ce règlement (9). Cette 
								indigence législative s'explique : d'ordinaire, 
								c'étaient les Etats généraux qui invitaient le 
								duc à faire des réformes, lui signalaient des 
								abus à corriger ; or, aux Etats de novembre 
								1545, les trois ordres avaient été trop occupés 
								à discuter la question de la tutelle pour penser 
								à autre chose, et pendant les sept ans de sa 
								tutelle, Chrétienne ne convoqua pas d'autre 
								assemblée d'Etats. 
								Elle s'intéressa d'une autre façon aux questions 
								de justice en prononçant elle-même des arrêts 
								rendus en Conseil. Par exemple, en 1547, Gilles 
								de Sappoignes est en procès avec ses fils, Jean 
								et Guillaume, au sujet de la maison forte de 
								Villers-devant-Ornault (10), au bailliage de 
								Saint-Mihiel; les tuteurs, assistés d'une 
								dizaine de membres de leur Conseil, donnent 
								raison aux enfants et les mettent en possession 
								provisoire de la maison forte (11). En 1549, 
								Pieresson de Noiregoulle, écuyer, seigneur de 
								Batilly, et Alix d'Ourches, sa femme, plaident 
								contre Gérard du Hautoy, écuyer, seigneur de 
								Récicourt, au sujet de la vente de cette terre 
								de Récicourt par les premiers au second, et du 
								droit de la racheter que prétendent avoir les 
								vendeurs ; un arrêt du 13 février 1549, n. st., 
								rendu en Conseil, leur reconnaît ce droit de 
								rachat (12). En 1551, Michel Bouvet, procureur 
								général au bailliage de Bar, agissant au nom du 
								duc, et l'abbaye cistercienne de Lisle-en..Barrois 
								se disputent le droit de haute justice à 
								Seraucourt ; un appointement est passé entre 
								eux, le 17 février 1551, n. st. ; le 27 mai 
								suivant, les tuteurs et leur Conseil chargent 
								Bouvet de requérir devant le bailliage de Bar 
								l'homologation de cet appointement (13). 
								Voici une autre affaire plus compliquée et aussi 
								plus curieuse ; c'est un procès entre des dames 
								du fameux chapitre noble de Remiremont. Une dame 
								de très haute noblesse, Marguerite du Châtelet, 
								était alors secrète, c'est-à-dire sacristine de 
								l'église, et en cette qualité avait les clés de 
								la pièce appelée trésor où se trouvaient les 
								espèces monnayées et les objets de prix. Un 
								jour, elle constate qu'une de ses compagnes, 
								Marguerite de Choiseul, avec l'aide d'autres 
								dames, s'est introduite dans le trésor et a 
								emporté au dehors un coffre contenant de l'or, 
								de l'argent et des pierreries. A bon droit 
								irritée, elle porte plainte directement devant 
								la duchesse douairière, qui est sans aucun doute 
								très qualifiée pour connaître de ce conflit : 
								femme, et d'un caractère entier, elle a 
								l'expérience de ces passions féminines si âpres 
								et si tenaces, de ces rivalités et 
								susceptibilités si fréquentes entre personnes 
								qui se voient tous les jours. Elle doit 
								comprendre que le désoeuvrement aigrit encore 
								ces mauvaises dispositions. D'accord avec son 
								beau-frère, elle délègue, pour appointer les 
								parties, quelques notables personnages qui 
								échouent, à cause de l'extrême obstination de 
								ces dames. En août 1548, les tuteurs viennent à 
								Remiremont, se déclarent juges compétents, et 
								font comparoir les parties devant eux. Les dames 
								se présentent le 24 août, chacune assistée de 
								ses parents et alliés, de sorte qu'une fraction 
								importante de la chevalerie lorraine est 
								impliquée dans le conflit, comme il adviendra 
								encore soixante ans plus tard, lors du débat 
								entre Catherine de Lorraine et ses chanoinesses. 
								Les défenderesses allèguent qu'elles ont saisi 
								le coffre au nom du chapitre, et que du reste 
								elles l'ont aussitôt remis en place ; puis, 
								grâce à des artifices de procédure, l'affaire 
								est renvoyée au 15 octobre. 
								Dans l'intervalle, les dames ont le temps de 
								réfléchir et de machiner : elles soutiennent 
								qu'à raison du fait considéré, elles ne sont pas 
								justiciables de Leurs Excellences (les tuteurs), 
								mais du pape seul dont elles relèvent 
								immédiatement. C'était gagner du temps, beaucoup 
								de temps, car le pape est loin et a de plus 
								grands intérêts à traiter que ces querelles de 
								femmes nerveuses. L'affaire est encore remise au 
								29 octobre, où les tuteurs affirment de nouveau 
								leur compétence, puis au 15 novembre, puis au 
								lundi qui suit les prochaines assises tenues à 
								Nancy, puis au 28 décembre. Enfin, le lendemain 
								de ce jour, le 29 décembre 1548, jugement est 
								prononcé par le Conseil, siégeant à Nancy, et 
								présidé par Chrétienne : Marguerite de Choiseul 
								et ses adhérentes n'avaient pas le droit 
								d'emporter le coffre hors du trésor de l'église 
								; nous les condamnons à le faire remettre à sa 
								place, en prêtant serment solennel qu'il 
								contient bien tout ce qui s'y trouvait avant 
								ledit enlèvement, et en s'engageant à ne plus 
								rien faire de tel à l'avenir, sous les peines en 
								tel cas requises. Nous les condamnons aux 
								dépens. Quant à l'offense qu'elles ont commise 
								contre l'autorité du duc, nous la leur remettons 
								pour cette fois. Solution très équitable et sans 
								sévérité excessive, qui fait certainement 
								honneur au sens droit de la duchesse et de ceux 
								qui l'assistaient ce jour-là, presque tous 
								hommes de la meilleure noblesse, les baillis de 
								Nancy, de Vosges, de Clermont, de Saint-Mihiel, 
								les sieurs de Saint-Martin, de Savigny, de 
								Sandaucourt, de Neuflotte, le prévôt de la 
								collégiale Saint-Georges et le président de la 
								Chambre des comptes de Lorraine (14). 
								III 
								La justice criminelle est 
								redevable à Chrétienne d'un office nouveau, 
								celui de prévôt des maréchaux en Lorraine et 
								Barrois. A la vérité, un certain Jean de Desme 
								avait déjà été investi de cette charge, mais il 
								semble qu'elle ne soit nettement définie que 
								dans les lettres patentes du 14 octobre 1549 qui 
								en pourvoient Claude Richard (15). La 
								juridiction de ce prévôt paraît s'étendre 
								surtout sur les vagabonds de toute sorte et sur 
								les étrangers qui viennent en Lorraine pour y 
								commettre des délits ; il les juge sans délai, 
								mais après avoir pris l'avis des magistrats les 
								plus proches. C'est à peu près de la sorte 
								qu'opérera la maréchaussée au XVIIIe siècle. 
								En matière criminelle, comme en matière civile, 
								nous rencontrons quelques causes intéressantes 
								et significatives. L'une d'elles dure juste 
								autant que la tutelle de Chrétienne, de 1545 à 
								1552, et comme elle a déjà été étudiée (16), il 
								nous suffira de la résumer : dom Benoit Juville 
								avait été élu, le 4 avril 1545, abbé du 
								monastère bénédictin Saint-Arnoul de Metz; à 
								peine en fonctions, il eut des altercations 
								violentes avec un de ses moines, Nicole 
								Cornehault, qui, assurait-il, l'avait menacé de 
								son couteau ; il l'expulsa du couvent. L'affaire 
								était en somme d'importance minime et aurait dû 
								en rester là ; mais, pour des motifs qui nous 
								échappent, les régents de Lorraine, puis les 
								Guises, enfin la cour de France prirent parti 
								pour Cornehault et, par contre, la ville de Metz 
								soutint âprement la cause de dom Juville. Des 
								soldoyeurs messins malmenèrent Cornehault ; il y 
								eut même un coup d'arquebuse tiré, mais qui ne 
								blessa personne, et, circonstance aggravante, 
								ceci se passait sur les terres de Lorraine. Tout 
								de suite, le bailli de Saint-Mihiel, dans le 
								ressort duquel l'agression avait eu lieu, 
								assigna devant lui Juville et Cornehault, et 
								comme l'abbé ne vint pas, les biens et revenus 
								qu'il possédait dans le duché de Bar furent 
								séquestrés ; puis, le litige ayant été évoqué 
								devant le Conseil de Lorraine, deux arrêts de 
								cette juridiction rendus en avril et août 1552 
								attribuèrent à Cornehault les biens confisqués 
								sur Juville et condamnèrent ce dernier aux 
								dépens. L'empereur lui-même avait failli être 
								mêlé à ce singulier débat : la ville de Metz 
								s'était plainte à lui des agissements du 
								gouvernement lorrain, mais ne voulant pas 
								blesser sa nièce, Chrétienne, qu'il aimait 
								beaucoup, Charles-Quint avait refusé 
								d'intervenir. 
								Plus clair est le procès de Nicolas de 
								Haraucourt d'Acraignes. La famille à laquelle 
								appartenait ce seigneur était une des plus 
								considérables du duché de Lorraine et s'était 
								souvent signalée par son esprit indépendant et 
								frondeur, puisqu'au XVe siècle, plusieurs 
								Haraucourt avaient abandonné René II pour servir 
								Charles le Téméraire. Au XVIe siècle, la façon 
								habituelle de fronder le pouvoir établi était de 
								passer à la Réforme ; c'est ce que firent 
								Nicolas et sa femme, Suzanne de Harange, fille 
								du grand maître de l'artillerie ducale. Les 
								tuteurs en furent-ils informés et voulurent-ils 
								se prémunir contre les mauvais desseins 
								possibles de ce gentilhomme, on ne le sait trop 
								; ce qu'on sait, c'est qu'en 1549 ou 1550, ils 
								le firent sommer par le bailli de Vosges de leur 
								ouvrir son château de Monthureux-sur-Saône (17), 
								exigence tout à fait conforme au droit féodal. 
								Non seulement Haraucourt refusa, mais il 
								emprisonna des officiers ducaux, ce qui lui 
								valut d'être arrêté à son tour, amené à Nancy et 
								détenu dans la maison du prévôt de cette ville 
								(18). L'incarcération d'un gentilhomme d'aussi 
								bonne race causa une vive émotion parmi les 
								nobles dont certains inclinaient du reste vers 
								le protestantisme. Ceux qui formaient les 
								Assises du bailliage de Vosges témoignèrent leur 
								irritation en refusant de siéger. Peu de temps 
								après, le même incident faillit se produire au 
								Assises du bailliage de Nancy, mais Chrétienne 
								veillait : le 29 janvier 1550, Nicol Bellon, 
								sénateur de Milan, conseiller du duc, comparaît 
								devant ces Assises et déclare que la duchesse 
								régente est informée que les nobles qui les 
								composent menacent de les rompre pour faire 
								remettre en liberté M. de Haraucourt; s'ils 
								persistent dans ce dessein et empêchent ainsi la 
								justice d'être rendue, elle députera d'autres 
								gens en ce siège pour les remplacer. Afin de 
								bien faire voir que la menace est sérieuse, 
								Bellon a amené un tabellion qui rédige séance 
								tenante et lui remet un procès-verbal de cette 
								déclaration (19). Ainsi, Chrétienne qui avait 
								déjà traité les Etats généraux avec beaucoup de 
								désinvolture, s'en prenait maintenant aux 
								Assises de la chevalerie, autre institution 
								essentielle du duché de Lorraine, et paraissait 
								disposée à les remplacer par un tribunal de 
								gradués en droit, c'est-à-dire de roturiers, ce 
								qui ne devait se réaliser qu'un siècle plus 
								tard. 
								Le comte de Vaudémont était absent quand sa 
								belle-sœur parlait avec cette intransigeance. A 
								son retour, il s'employa sans doute à la calmer, 
								lui fit comprendre la gravité de ce dessein, et 
								l'on aboutit assez vite à un compromis : le 26 
								février, Adam de Pallant vint signifier à 
								Haraucourt qu'à la supplication de ses parents 
								et amis, les tuteurs consentaient qu'il fût 
								prisonnier sur parole à Nancy, sans en pouvoir 
								sortir sous peine d'être tenu pour convaincu des 
								faits dont il était accusé (20). L'affaire ne se 
								termina que trois ans après, quand Nicolas 
								gouvernait seul, ce qui donne à croire que 
								Chrétienne s'était montrée rigoureuse jusqu'au 
								bout. Des lettres de rémission faites par le 
								comte de Vaudémont, le 20 juin 1553, disent que 
								le procureur général de Lorraine a requis contre 
								Haraucourt la prison et la confiscation des 
								biens, mais plusieurs gentilshommes de 
								l'ancienne chevalerie de Lorraine, ses parents 
								et alliés, ont intercédé en sa faveur ; lui-même 
								a humblement demandé pardon de l'offense commise 
								; c'est pourquoi le tuteur lui fait grâce et 
								lève le séquestre mis sur ses biens, à la seule 
								condition qu'il paye les dépens du procès (21). 
								Si Nicolas de Haraucourt avait fait sa 
								soumission, il persista dans ses opinions 
								théologiques : nous le voyons peu après établi à 
								Metz, ville devenue en partie protestante, où 
								deux de ses enfants sont, en 1561 et 1564, 
								baptisés par un ministre. Il mourra en 1574 au 
								service du prince palatin, Jean-Casimir, alors 
								champion décidé de la Réforme (22). 
								Ceux deux procès avaient un caractère politique 
								assez accusé, mais ils ne touchaient qu'au 
								gouvernement des deux duchés ; au contraire, 
								l'affaire de Claudine Boussart atteint la 
								famille ducale elle-même. Cette personne était 
								femme de chambre de l'épouse du duc Antoine, 
								Renée de Bourbon, qui paraît l'avoir aimée 
								beaucoup : en 1534, elle lui fait obtenir 
								permission d'établir un pressoir dans la maison, 
								dite la cour Vichart, qu'elle possède à 
								Condé-sur-Moselle (23) ; en 1543, elle lui 
								assigne une pension annuelle de 200 francs - 
								juste le même chiffre que la pension du 
								procureur général de Lorraine - parce que 
								Claudine l'a suivie dans plusieurs voyages et 
								soignée lorsqu'elle a été malade (24). Ce poste 
								de femme de chambre est de toute confiance, 
								puisque Claudine a sous sa garde une partie du 
								mobilier et des armures, et même la bibliothèque 
								du duc Antoine (25). La faveur dont elle jouit 
								ne peut qu'exciter la jalousie, et quand Renée 
								de Bourbon meurt, le 26 mai 1539, on accuse 
								Claudine de l'avoir empoisonnée. C'était la 
								coutume, aux XVe et xvi" siècles, et même encore 
								au xvn6, lorsqu'un grand personnage mourait d'un 
								mal que la médecine d'alors ne savait pas 
								expliquer, de crier au poison et d'inculper ses 
								gens, inculpation des plus graves, car 
								l'empoisonnement était puni de la mort sur le 
								bûcher. Tant que vécut le duc Antoine, qui, sans 
								doute, ne voulut pas admettre cette 
								dénonciation, Claudine ne fut pas inquiétée, 
								mais quand son fils lui eut succédé, elle fut 
								arrêtée et ses biens furent séquestrés. A la 
								suite d'une information dont nous n'avons pas 
								gardé trace, son innocence fui reconnue, elle 
								fut élargie et ses biens lui furent rendus. Par 
								deux actes successifs, du 15 avril 1545 et du 16 
								juin 1546, elle promit de ne pas porter plainte 
								et de ne pas réclamer d'indemnité pour le tort 
								qui lui avait été fait. Sa famille prit le même 
								engagement (26). 
								Voilà les principales affaires criminelles qui 
								ont été jugées au temps où Chrétienne de 
								Danemark exerçait la tutelle. Pour en finir avec 
								cet objet, il reste à se demander ce qu'elle 
								pensait du crime de sorcellerie. On aimerait à 
								croire que son esprit ferme et éclairé l'élevait 
								au-dessus des préjugés de son temps, que, femme, 
								elle a eu compassion de ces malheureux accusés 
								dont le plus grand nombre étaient des femmes. 
								Mais rien ne permet de lui attribuer de tels 
								mérites. Les bûchers se sont allumés sous son 
								gouvernement, comme avant et après. En 1549, par 
								exemple, Catherine, femme de Claude Bourguignon, 
								âgée de cinquante ans, comparaît devant la 
								justice du chapitre de Saint- Dié et, sans avoir 
								été mise à la question, reconnaît avoir usé de 
								pratiques de sorcellerie pour faire mourir, les 
								gens ou les rendre malades ; cette justice 
								locale décide de la remettre à la volonté du! 
								duc ; le duc, ou plutôt sa mère, renvoie 
								l'inculpée au tribunal des échevins de Nancy qui 
								la condamne à être brûlée en un feu de fagots 
								pour servir d'exemple (27). En 1545, deux 
								sorcières sont brûlées à Frouard ; en 1550, 
								trois le sont à Arches (28). Si on ne voit pas 
								plus d'exécutions par le feu, c'est que les 
								accusations de sorcellerie étaient encore rares 
								à cette époque ; ce qu'on a appelé la grande 
								épidémie de sorcellerie en Lorraine correspond à 
								l'activité judiciaire de Nicolas Remy, qui fut 
								lieutenant général du bailliage de Vosges en 
								1570, membre du tribunal des échevins de Nancy 
								en 1576, procureur général de Lorraine de 1591 à 
								1606. Ces quelques cas suffisent à établir que 
								Chrétienne croyait à la sorcellerie avec tous 
								ses contemporains, et même avec certains 
								accusés, par exemple cette Catherine 
								Bourguignon, sorcière d'intention. 
								IV 
								Comme tous les souverains, 
								les ducs de Lorraine jouissaient du droit de 
								grâce, et ils l'exerçaient sans contrôle, sans 
								limite aucune, par le moyen des lettres de 
								rémission. Ces lettres avaient encore une autre 
								raison d'être que d'assurer au prince l'exercice 
								de sa prérogative ; elles permettaient d'adoucir 
								à l'occasion la rigueur extrême de la justice 
								criminelle, qui ne connaissait pas alors les 
								circonstances atténuantes et frappait du dernier 
								supplice des actes que punirait maintenant une 
								simple peine de prison. 
								La presque totalité des lettres de rémission 
								faites par Chrétienne sont accordées pour des 
								meurtres. Nous n'avons pas moins de 
								quatre-vingt-dix-sept rémissions pour meurtres 
								délivrées de juin 1545 à avril 1552, c'est- 
								à-dire en moins de sept ans, ce qui fait une 
								moyenne de quatorze par an. C'est beaucoup, si 
								l'on considère le faible chiffre de la 
								population des deux duchés à cette époque. Mais 
								il faut tenir compte de ce que plusieurs de ces 
								meurtres - et nous les analyserons plus loin - 
								sont tout à fait involontaires, des accidents de 
								chasse, par exemple. Puis, les mœurs étaient 
								rudes, les caractères vifs et irascibles, et 
								enfin, il faut bien le dire, les querelles 
								éclataient le plus souvent à la suite de 
								libations trop copieuses. Si les Lorrains du 
								XVIe siècle n'avaient pas encore l'alcool, ils 
								avaient en abondance des vins assez généreux 
								pour faire perdre la raison, et les lettres de 
								rémission ne manquent pas d'indiquer qu'on en 
								est venu aux mains après boire. Comme on était 
								toujours armé, la tentation était trop forte, 
								après quelques gros mots suivis de quelques 
								bourrades, de faire intervenir épées, couteaux, 
								épieux, voire arquebuses et pistolets, sauf à 
								affirmer ensuite, dans la supplique adressée à 
								la duchesse régente, que le cas de mort est 
								arrivé « au grand regret et déplaisir du 
								remonstrant ». 
								Chrétienne de Danemark paraît avoir exercé avec 
								beaucoup d'attention et de discernement ce droit 
								de grâce que la jeunesse de son fils laissait 
								entre ses mains. Quand un cas est douteux, qu'on 
								ne voit pas trop de quel côté sont les torts, 
								elle prescrit une enquête sur les antécédents 
								des inculpés, afin de savoir quelle réputation 
								ils ont dans leurs villages, s'ils sont 
								querelleurs, s'ils ont déjà encouru des 
								condamnations; les résultats de ces enquêtes 
								sont résumées dans les lettres de rémission. 
								Elle consulte toujours son conseil ; dans une 
								affaire épineuse, elle demande même l'avis d' « 
								aultres doctes, scavants et périts en droict » 
								(29). Un nombre assez grand de ces lettres de 
								rémission sont datées du vendredi saint, et 
								alors la duchesse ne manque pas de spécifier 
								qu'elle fait grâce « en l'honneur et révérence 
								de la mort et passion de nostre benoist Saulveur 
								Jhésus-Christ ». On savait bien que ce jour-là, 
								Chrétienne inclinait plus volontiers à la 
								clémence ; aussi les meurtriers et leurs 
								familles attendaient autant que possible cette 
								fête pour la solliciter. Nous remarquons enfin 
								que toutes ces querelles ont éclaté fortuitement 
								et sans qu'on pût prévoir leurs tristes 
								conséquences, ce qui permet d'induire que la 
								duchesse ne graciait jamais quand il y avait 
								préméditation. 
								Chrétienne gracie le meurtrier s'il s'est trouvé 
								en péril de sa vie et n'a fait que se défendre ; 
								par exemple, en 1549, Pierre Barrois, de Boucq : 
								un certain Robert lui avait précédemment coupé 
								la main gauche d'un coup d'épée et maintenant 
								menaçait de le tuer ; Barrois l'abat d'un coup 
								d'arquebuse (30). En 1551, à Laignières, près de 
								Bar-le-Duc, pour une de ces questions d'intérêt 
								qui exaspèrent si aisément les âmes paysannes, 
								un homme entre en querelle avec une femme, 
								l'insulte et même la frappe, quoiqu'elle soit 
								près d'accoucher ; le mari intervient et tue 
								l'agresseur (31). Dans ces deux cas, les lettres 
								de rémission sont expédiées peu après 
								l'événement ; en voici un où elles se font plus 
								attendre : c'est à Parroy, le jour de 
								Saint-Pierre-ès-liens, 1er août 1549, fête 
								patronale de ce village. Jean Groscolas et trois 
								de ses amis ont célébré cette solennité plus au 
								cabaret qu'à l'église. Ils se disputent et 
								Groscolas tire son épée ; les autres le tuent. 
								Ils ne sont graciés qu'en mars 1552, parce 
								qu'aussitôt le coup fait, ils sont sortis du 
								duché, de peur d'être arrêtés (32). 
								Même indulgence dans les cas d'injures très 
								graves. Par exemple, en 1546, à Salmagne, une 
								femme en outrage une autre, l'accusant à peu 
								près d'être sorcière ; elle est tuée d'un coup 
								de pierre et la meurtrière échappe à toute 
								vindicte : elle a défendu son honneur (33). En 
								1548, à Sommerviller, c'est un homme qui traite 
								une jeune femme de ribaude et de paillarde ; un 
								cousin de l'insultée prend sa défense, les deux 
								hommes mettent flamberge au vent et l'insulteur 
								est tué (34). 
								A plus forte raison celui qui a défendu son 
								honneur de mari n'est-il pas inquiété. Nous en 
								trouvons deux exemples : en 1548, un homme de 
								Rosières-aux-Salines tue l'amant de sa femme 
								(35). En 1550, même drame à Ceintrey : Didier 
								Pelletier est allé au service de la reine 
								d'Ecosse ; pendant son absence, sa femme s'est 
								laissée séduire, et, à son retour, le séducteur 
								l'a accablé de moqueries ; justement exaspéré, 
								Pelletier le tue (36). Tous deux sont absous. 
								La lettre de rémission est encore d'un usage 
								utile lorsque la culpabilité n'est pas certaine. 
								Ainsi, une querelle éclatant à la suite d'un 
								repas trop copieux, un nommé Gilletel est 
								accablé de coups de poing et on le trouve mort ; 
								son adversaire ne nie pas le fait, mais fait 
								valoir que Gilletel est un ivrogne invétéré et a 
								dû mourir de ses excès plutôt que des coups ; 
								l'explication est admise (37). A deux reprises, 
								en 1548 et 1551, des rixes s'engagent en pleine 
								nuit entre des groupes, et chaque fois un homme 
								reste sur le terrain, sans qu'il soit possible 
								de déterminer lequel de ses antagonistes l'a 
								frappé. La duchesse excuse et s'épargne ainsi le 
								risque d'une erreur judiciaire (38). 
								Elle sert aussi dans le cas de meurtre 
								involontaire : deux jeunes gens s'amusent à 
								escrimer, l'un avec un bâton, l'autre avec une 
								épée, et dans ce jeu dangereux, le premier 
								reçoit une blessure mortelle ; une enquête ayant 
								établi qu'ils étaient très bons amis, qu'il n'y 
								avait jamais eu de querelle entre eux, le 
								meurtrier involontaire est remis en liberté 
								(39).Même solution pour un homme qui, tirant 
								avec une arbalète sur des oiseaux, a atteint une 
								petite fille de neuf ans (40). 
								Il semble que dans la catholique Lorraine et 
								sous une duchesse très attachée à l'Eglise, le 
								meurtre de prêtres ne devait jamais être excusé. 
								Mais, hélas ! le clergé d'alors n'était pas 
								toujours très édifiant ; nombre 
								d'ecclésiastiques se montraient brutaux, 
								querelleurs et ivrognes, et ceux qui en venaient 
								aux mains avec eux avaient donc de sérieuses 
								excuses. Ainsi, le jour de la foire de 
								Saint-Mihiel, 4 février, le prévôt avait ordonné 
								aux arbalétriers de la ville de faire des rondes 
								pour maintenir l'ordre ; à 8 heures du soir, 
								l'un d'eux, nommé Jacques Calot, trouve un 
								prêtre, Blaise Robinot, qui se dispute avec un 
								bourgeois et cherche à les séparer ; il ne 
								réussit qu'à exaspérer la querelle et en se 
								défendant tue Robinot. L'enquête faite aussitôt 
								établit que Calot est de bonne fame et sans 
								reproche, qu'au contraire Robinot a mauvaise 
								réputation et qu'il a fallu plusieurs fois 
								l'incarcérer pour divers méfaits. Calot obtient, 
								le 8 juin 1549, des lettres de rémission (41). 
								Même grâce est faite, en 1550, à un aubergiste 
								de Brainville, qui refuse à boire à un prêtre, 
								sachant qu'il s'enivre facilement et qu'alors il 
								cherche querelle à tout le monde et ne veut pas 
								payer son écot ; le client furieux prend un 
								couteau et blesse au bras l'hôtelier qui riposte 
								et le tue (42). Un arquebusier du bailli de, 
								Vosges a occis, on n'explique pas à quel propos, 
								Didier Tournay, curé de Remoncourt ; à la 
								supplication de sa femme et de ses quatre 
								enfants, et sur l'instante prière de sa 
								belle-sœur, la duchesse d'Arschot, Chrétienne 
								lui fait grâce de la vie, mais le bannit à 
								perpétuité et confisque ses biens, ce qui donne 
								à penser qu'il est plus répréhensible que les 
								précédents (43). Ainsi, la tutrice se montre 
								impartiale et sa clémence ne dépend pas de la 
								qualité des personnes en cause. 
								La duchesse grâcie même quand la victime est une 
								manière de fonctionnaire. Julien Pierre, 
								laboureur à Varney, dans la prévôté de Bar, a 
								noise avec Didier Thiébault qui, chargé de 
								répartir une taille, l'a taxé, affirme-t-il,, 
								outre mesure. Après avoir échangé force injures, 
								les deux hommes saisissent leurs épieux et se 
								jettent l'un sur l'autre ; Thiébault est tué et 
								son adversaire obtient des lettres de rémission, 
								quoique ce pardon puisse encourager d'autres 
								contribuables à régler leurs impôts de la sorte 
								(44). A Longeaux, dans la même prévôté, Jean 
								Virelot, forestier de la gruerie, reproche à un 
								paysan qu'il a trouvé son fils mésusant dans le 
								bois ; on en vient aux coups, le forestier 
								succombe, son adversaire échappe à toute 
								pénalité et n'aura qu'à satisfaire la partie 
								civile (45). 
								Si les lettres de rémission pour crimes contre 
								les personnes sont fort nombreuses, celles pour 
								les atteintes à la propriété sont des plus 
								rares. Nous en voyons seulement une, en faveur 
								d'un homme qui a volé une bougette, c'est-à-dire 
								une sacoche de cuir, à la foire de Bouzonville 
								en mai 1547 (46). La propriété avait-elle donc 
								plus de valeur que la vie humaine ? Quant aux 
								attentats aux mœurs, non seulement nous ne 
								trouvons aucune lettre qui s'y rapporte, mais, 
								un autre document nous montre avec quelle 
								sévérité ils étaient punis. Deux jeunes gens de 
								Remiremont ou des environs ayant voulu outrager 
								une jeune fille, sont condamnés à mort et pendus 
								; la tutrice a donc refusé d'user en leur faveur 
								de son droit de grâce (47). 
								Restent les crimes contre la religion. La 
								sorcellerie en était un. Nous avons dit que, 
								sous la tutelle de Chrétienne, plusieurs 
								sorcières furent exécutées par le feu et nous 
								n'avons pas trouvé une seule lettre de rémission 
								faite par elle en faveur de l'une de ces 
								malheureuses, même quand le cas était douteux. 
								Dans son ouvrage d'ensemble sur La criminalité 
								en Lorraine, qui s'étend du xv. au XVIII6 
								siècle, Raymond de Souhesmes n'en signale pas 
								une seule pour ce crime. C'est que, de l'avis 
								général, le premier geste du sorcier, quand il 
								se donnait au diable, étant de renoncer à Dieu, 
								un prince chrétien aurait eu horreur de 
								pardonner, ou seulement de mitiger la peine. On 
								était moins sévère pour les atteintes à 
								l'orthodoxie. Antoine de Saulxures, seigneur de 
								Dommartin-sous-Amance, était détenu dans la 
								prison de Nancy pour « les offenses qu'il peut 
								avoir commis et perpétrez contre les édicts et 
								deffences nostres sur le faict de la religion 
								chrétienne... qu'il dict avoir heu faict plus 
								par ignorance que autrement ». Il est du reste « 
								bien délibéré pour l'advenir de faire mieulx ». 
								La duchesse lui pardonne donc, mais il devra 
								fournir caution de ne pas s'éloigner des états 
								du duc, ce qui montre qu'il avait versé dans 
								l'hérésie et qu'on voulait l'empêcher de se 
								réfugier dans quelque état protestant (48). 
								Dans ces pages, nous n'avons rapporté que les 
								cas de grâce les plus significatifs. Ils 
								suffisent à montrer que, dans l'emploi qu'elle a 
								fait des lettres de rémission, Chrétienne a su 
								concilier assez heureusement les exigences de la 
								justice -et celles de l'humanité et de la bonté, 
								sans du reste s'émanciper des préjugés de son 
								temps, sans être aucunement en avance sur ses 
								contemporains. 
								CHAPITRE V 
								AFFAIRES RELIGIEUSES 
								I. Relations avec le Saint-Siège. - II. 
								Relations avec le clergé séculier. - III. 
								Relations avec le clergé régulier. - IV. 
								Relations avec la Réforme. 
								 
								I 
								Un érudit qui a exploré avec 
								soin les archives du Vatican nous assure 
								qu'aucun document de ce vaste dépôt ne se 
								rapporte à la période de la tutelle de Charles 
								III (49). Dans les dépôts français, nous n'avons 
								trouvé qu'un bref du 15 février 1550, par lequel 
								le pape Jules III annonce au jeune duc son 
								avènement et le félicite de ses vertus et de son 
								attachement à la foi catholiques (50). Comme 
								Charles III avait juste sept ans, on ne peut 
								voir dans cette missive qu'une de ces formalités 
								protocolaires dont il n'y a rien à retenir. 
								Il est cependant probable qu'au cours de ses 
								sept années de gouvernement, Chrétienne a eu 
								quelques rapports avec Rome, mais il n'en est 
								pas resté de traces. On peut conjecturer que, 
								dans, ces rapports, elle a dû suivre l'exemple 
								de son oncle, l'empereur, qui, très attaché à 
								l'Eglise catholique, n'en tenait pas moins tête 
								au pape, et très âprement, dès que ses intérêts 
								politiques étaient en jeu. Elle avait du reste 
								été élevée par Marie de Hongrie qui, ayant des 
								tendances luthériennes, n'avait pas dû lui 
								insuffler une soumission sans réserve au pape. A 
								la fin de sa vie, on verra bien Chrétienne en 
								excellents termes avec les papes ses 
								contemporains, mais alors elle n'a plus de rôle 
								politique ; il ne s'agit plus que de religion, 
								ce qui facilite l'entente. 
								II 
								Au regard du spirituel, la 
								plus grande partie des duchés de Lorraine et de 
								Bar était partagée entre les diocèses de Metz, 
								Toul et Verdun ; quelques cantons dans l'extrême 
								nord relevaient du diocèse de Trêves ; quelques 
								paroisses sur les autres frontières étaient 
								rattachées aux diocèses de Strasbourg, de 
								Besançon et de Châlons. Tous ces évêques et 
								archevêques étaient indépendants des ducs sur le 
								territoire desquels s'étendait leur juridiction, 
								cause de difficultés incessantes, parfois même 
								de conflits. Mais, sous la tutelle de Chrétienne 
								de Danemark, du moins au début, cette situation 
								complexe se trouvait bien simplifiée, son 
								cotuteur, Nicolas de Lorraine, étant évêque à la 
								fois de Metz et de Verdun. Avec ces deux 
								évêchés, les litiges, s'il y en eut, purent se 
								régler à l'amiable, et c'est seulement avec 
								l'évêché de Toul que les relations furent 
								parfois tendues. 
								L'évêque de Toul était alors, et depuis deux ans 
								déjà, Toussaint d'Hocédy, arrivé à la mitre par 
								la protection du cardinal Jean de Lorraine, dont 
								il avait été le secrétaire. Dès le début de son 
								épiscopat, il eut à se plaindre des empiètements 
								des justices ducales sur la juridiction 
								ecclésiastique : le bailli de Vosges et ses 
								subordonnés prétendaient juger les cas 
								d'hérésie, de sorcellerie, d'adultère et autres 
								faits dont devait seule connaître l'officialité 
								; ils prononçaient en ces matières des 
								condamnations à mort ; ils s'immisçaient aussi 
								dans les causes bénéficiales et de patronage des 
								paroisses, s'emparaient des biens des clercs 
								morts intestats et obligeaient les clercs 
								pourvus de bénéfices à leur payer de fortes 
								sommes pour entrer en possession. Tous ces 
								griefs furent exposés dans une supplique que 
								l'évêque présenta à « Madame la duchesse, Mgr de 
								Vaudémont, tuteurs, et à MM. des Estatz » (51). 
								Cette supplique n'est pas datée, mais comme il 
								n'y a pas eu, quand Chrétienne gouvernait la 
								Lorraine, d'autre session d'Etats que celle de 
								novembre 1545, on peut sans hésiter la placer à 
								cette date ; l'évêque a profité de cette réunion 
								des Etats pour formuler ses plaintes, 
								inutilement du reste, car trop occupés par 
								l'importante question de la tutelle, les Etats 
								n'eurent pas le temps d'aborder cette affaire 
								secondaire et rien n'indique que les tuteurs 
								aient corrigé les abus signalés. 
								L'année suivante, 1546, nouveau conflit : 
								craignant le retour de la guerre entre la France 
								et l'Empire, les tuteurs voulaient fortifier 
								diverses villes pour assurer la neutralité de la 
								Lorraine, et les sommes qu'ils levaient dans les 
								deux duchés ne suffisant pas à payer cette 
								grosse dépense, ils prétendirent les percevoir 
								aussi dans le temporel de Toul, sous prétexte 
								que les forteresses lorraines couvraient le 
								domaine épiscopal aussi bien que le domaine 
								ducal. Toussaint d'Hocédy repoussa cette étrange 
								prétention et les commissaires lorrains ayant 
								entrepris de lever quand même l'impôt, il se 
								plaignit à l'empereur qui, ne pouvant pas lui 
								donner tort, mais ne voulant pas donner tort à 
								sa nièce, assoupit l'affaire (52). 
								Il semble que ces deux différends furent assez 
								vite oubliés, car, dès le 10 mars 1547, les 
								tuteurs confirmèrent à l'église Saint-Etienne de 
								Toul, c'est-à-dire à la cathédrale, la 
								protection et la sauvegarde que lui avaient 
								accordées Antoine et François 1er, les ducs de 
								Lorraine, disent-ils, ayant toujours eu en 
								singulière recommandation cette église et ses 
								suppôts (53). Du reste, en 1549, Charles-Quint 
								trouva le moyen de placer un homme de confiance 
								dans le chapitre toulois, sans doute pour 
								prévenir tout nouveau conflit. L'office de 
								chantre de la cathédrale étant devenu vacant, le 
								chapitre avait fait choix de Nicolas de Rogeti ; 
								l'empereur proposa, ou plutôt imposa son fidèle 
								François Bonvalot, qui le représentait depuis 
								quatre ans déjà auprès de la duchesse de 
								Lorraine, et Rogeti dut se retirer (54). 
								Parfois tendues avec les évêques, qui étaient 
								des princes souverains, souvent étrangers à la 
								région lorraine, comme d'Hocédy, né à 
								Valenciennes,, les relations étaient au 
								contraire fort bonnes avec le clergé des 
								paroisses et des chapitres, recruté 
								principalement dans les duchés de Lorraine et de 
								Bar, et très attaché à ses princes. La 
								bienveillance des tuteurs à son égard se 
								manifeste de différentes façons : François Ier 
								avait fondé dans l'église tout nouvellement 
								achevée de Saint-Nicolas-de-Port une messe 
								quotidienne à dire entre onze heures et midi ; 
								Chrétienne, voulant parfaire l'œuvre de dévotion 
								de son époux, assigne une rente annuelle de 120 
								francs pour la célébration de cette messe (55). 
								Le chapitre de la collégiale Saint-Nicolas de 
								Darney se plaint que son église, construite au 
								milieu du château de Darney, fait plus figure de 
								grenier que de sanctuaire, qu'elle est placée 
								sous la salle où se tiennent les soldats qui 
								font le guet, de sorte que le bruit y est 
								incessant, que les fidèles de la ville ne 
								peuvent y venir commodément, parce qu'ils 
								trouvent fermée la porte du château, et que si 
								on laisse cette porte ouverte, la sécurité de 
								cette forteresse toute proche de la frontière 
								sera compromise ; le chapitre demande donc 
								l'autorisation de construire une nouvelle église 
								dans un jardin au milieu de la ville. Les 
								tuteurs l'y autorisent et ramènent de quatorze à 
								onze le nombre des prébendes canoniales, le 
								revenu des prébendes supprimées devant servir à 
								payer vicaires et enfants de chœur (56). Ils 
								permettent à Louis de Dommartin, baron de 
								Fontenoy-en-Vosges, seigneur de Bayon et de 
								Thicourt, de donner à la confrérie de la 
								Conception Notre-Dame de Nancy une rente de 350 
								francs, monnaie messine, faisant 393 francs, 
								monnaie de Lorraine, qu'il perçoit tous les ans 
								sur la saline de Château-Salins (57). 
								La facilité avec laquelle les tuteurs accordent 
								l'amortissement des biens qui deviennent 
								propriété ecclésiastique prouve aussi leurs 
								bonnes dispositions. De ces amortissements, nous 
								ne citerons que ceux-ci, parce qu'ils sont faits 
								pour des personnages de quelque importance : en 
								1548, amortissement de rentes et de dîmes 
								données aux églises de Verdun et de Dagonville 
								par Jean Maguillot, chanoine et écolâtre de 
								Verdun (58). En 1549, amortissement de gagnages 
								offerts par Richard de Wassebourg pour 
								l'entretien de la chapelle qu'il a fait 
								construire au milieu du cimetière de 
								Saint-Mihiel (59) ; archidiacre de Verdun, ce 
								Wassebourg était de plus un écrivain de mérite 
								et, en cette même année 1549, il publiait à 
								Paris ses Antiquitez de la Gaule Belgicque, très 
								gros in-folio rempli de faits et aussi de 
								légendes. En 1550, à la prière de Pierre 
								Vautrin, curé de Senon, on amortit une maison et 
								un jardin que son oncle, Léonard Vautrin, 
								scripteur de bulles en cour de Rome, a donnés 
								pour servir à l'entretien de l'église qu'il a 
								fait bâtir à Senon (60) ; Mathieu Lasson, maître 
								de la chapelle du duc Charles III, obtient 
								pareille faveur quand il fonde des obits pour 
								ses père et mère (61) ; et de même les 
								exécuteurs testamentaires de Jean de Chaumont, 
								chanoine à Bar-le-Duc, et aumônier du duc Claude 
								de Guise, qui a prescrit par son testament de 
								fonder une chapelle en l'église paroissiale de 
								Chaumont, son lieu de naissance, et d'y 
								entretenir un chapelain (62). Tous ces 
								amortissements sont accordés sans que les 
								demandeurs aient à payer aucune finance, parce 
								que, disent les tuteurs, « nostre vouloir et 
								désir est que, par tous bons moyens, le service 
								divin soit augmenté ». 
								Si, dans tous ces arrangements, le duc n'avait 
								en vue que les intérêts de l'Eglise, il pensait 
								beaucoup plus aux siens propres dans la 
								collation des bénéfices. Comme patron de 
								certaines collégiales, il avait le droit de 
								nommer aux places de chanoines vacantes et le 
								titulaire qu'il avait choisi était ainsi mis en 
								possession d'une prébende plus ou moins ronde, 
								selon le degré de richesse du chapitre. Il 
								nommait de même des titulaires de chapelles. 
								Bien vite, trop vite, il fut amené à considérer 
								cette collation de bénéfices comme un moyen 
								commode de récompenser des services et de se 
								faire des obligés sans engager aucune dépense. 
								Les lettres patentes qui nomment un chanoine 
								sont adressées au prévôt et au chapitre de la 
								collégiale où une place est vacante, et ces 
								lettres ne manqùent pas de rappeler 
								explicitement les droits du souverain : « Comme 
								ainsy soit que la collation, provision et 
								totalle disposition des prébendes et chanoinies 
								de ladicte église compète et appartient de plain 
								droict à nostre dict filz, à cause de 
								patronnaige... ». Elles n'omettent pas non plus 
								de faire l'éloge du nouveau titulaire : « Pour 
								les bonnes mœurs, mérites, vertus et honnestes 
								conversations que scavons estre en la personne 
								de... », formule invariable, ne précisant rien, 
								s'appliquant donc à tous les sujets, et dont on 
								se demande jusqu'à quel point elle garantit 
								vraiment la vocation et la préparation du 
								candidat. 
								L'examen de quelques-unes de ces lettres 
								patentes conférant des bénéfices fera voir à 
								quelles catégories de personnes le duc, ou 
								plutôt sa mère, réserve la plupart de ces 
								libéralités. Nous rappelons que, d'après la 
								convention de Deneuvre du 6 août 1545, la 
								duchesse seule, à l'exclusion de son beau-frère, 
								nomme aux bénéfices dont son fils possède la 
								collation. Il y a d'abord les clercs attachés à 
								la cour, auxquels on veut assurer un titre 
								honorable et de plus forts revenus. Ainsi, en 
								1547, Chrétienne fait don à Antoine de Vinaize, 
								un de ses chapelains, de la chapelle de saint 
								Nicolas, érigée en l'église d'Auzéville, vacante 
								par décès du titulaire (63) ; son aumônier, 
								Antoine Jardinier, reçoit la chapelle de saint 
								Pierre au château de Bouconville, vacante de 
								même (64) ; Jean Picart, aumônier du duc, est 
								gratifié de la chapelle Notre-Dame, située dans 
								la collégiale de La Mothe, libre également par 
								décès (65). En 1548, le sieur Guyot, chapelain 
								du comte de Vaudémont, cotuteur, est fait 
								chanoine de l'ancienne et illustre collégiale 
								Saint-Georges de Nancy, à la place de Christophe 
								de Graveron, résignataire (66). En 1549, ce 
								Mathieu Lasson, maître de chapelle du duc, que 
								nous avons déjà rencontré à propos d'un 
								amortissement de biens d'Eglise, reçoit une 
								prébende de chanoine dans la collégiale 
								Saint-Jean de Vaudémont (67) ; Jean Ancel, autre 
								aumônier de Charles III, reçoit l'expectative 
								d'une prébende de chanoine dans la collégiale 
								Saint-Maxe de Bar-le-Duc, actuellement occupée 
								par Florentin Oudart (68) ; Antoine de Vinaize, 
								déjà pourvu d'une chapelle en 1547, reçoit 
								encore celle de sainte Anne dans le château de 
								Clermont-en-Argonne (69). En 1550, Jean Ancel, 
								qui, peut-être, attend encore sa place de 
								chanoine à Saint-Maxe de Bar, est invité à 
								prendre patience par le don de la cure de 
								Méligny-le-Grand, vacante par la mort de 
								François de Gennes (70). En 1551, Antoine Dartys, 
								clerc de la chapelle ducale, reçoit une prébende 
								en la collégiale Saint- Georges, vacante par la 
								mort de Jean Billiquet, prévôt de cette 
								collégiale (71). En 1552, Jean Bégin, prêtre, 
								organiste de la chapelle ducale, est gratifié 
								d'une prébende en la collégiale Saint-Maur d'Hattonchâtel 
								(72), et Antoine Vinaize, qui a déjà éprouvé 
								deux fois la munificence de la duchesse, et qui 
								est maintenant aumônier d'e ses filles, reçoit 
								la promesse de la première prébende qui viendra 
								à vaquer, soit à la collégiale Saint-Georges de 
								Nancy, soit à la collégiale Notre- Dame de La 
								Mothe, à son choix (73). 
								Au moins, tous ces personnages étaient-ils déjà 
								dans les ordres avant de recevoir leur prébende. 
								Ce n'est pas le cas de Jean de Potsimsberg, 
								sommelier d'échansonnerie à la cour ducale, 
								auquel Chrétienne assure, en 1551, la première 
								prébende de chanoine qui sera vacante en la 
								collégiale Saint-Jean de Vaudémont; il est 
								laïque, mais la duchesse d'Arschot, belle-sœur 
								de Chrétienne, le recommande chaudement, disant 
								qu'il a « grande dévotion d'être d'Eglise » 
								(74). 
								Quand les clercs attachés au duc et à sa mère 
								sont pourvus, il reste encore quelques places 
								pour d'autres, par exemple François Thiébault, 
								d'Herbéviller, jadis clerc de chapelle du défunt 
								cardinal Jean de Lorraine, oncle de François 
								Ier, à qui est promise, en 1550, la première 
								prébende de chanoine vacante en la collégiale 
								Sainte-Croix de Pont-à-Mousson, et Jean 
								Chobillon, fils d'un valet de chambre du même 
								cardinal, qui reçoit, en 1551, une promesse 
								analogue pour la collégiale Saint-Pierre de 
								Bar-le-Duc (75). François de Bassompierre, 
								premier maître d'hôtel du duc et bailli de 
								Vosges, place de même deux de ses clercs : en 
								1546, Jean Bouchet, « pédagogue » de ses 
								enfants, reçoit la première place de chanoine 
								qui sera vacante en la collégiale de Vaudémont, 
								et, en 1549, son chapelain, François Wolkier, 
								est nommé chanoine en la collégiale Saint-Gengoult 
								de Briey (76). Ce même Bassompierre et 
								Montbardon, gouverneur du jeune duc, 
								s'intéressent à Didier Xaubourel, fils de 
								Bertrand Xaubourel, auditeur en la Chambre des 
								comptes de Lorraine et contrôleur de la dépense 
								ordinaire du duc ; grâce à leur protection, en 
								un même jour, 14 janvier 1551, Didier reçoit 
								trois bénéfices : la première prébende canoniale 
								qui sera vacante en la collégiale de Vaudémont, 
								la chapelle du château de Bouconville et la 
								Maison-Dieu de Mussey-devant-Bar (77). 
								Les fonctionnaires, même de rang moyen, font 
								placer de pareille manière leurs fils et neveux, 
								et, par là, semble-t-il, le souverain peut 
								récompenser leurs services sans avoir à 
								augmenter leur traitement. On voit ainsi pourvus 
								de canonicats ou de chapellenies les fils de 
								Claude Vyon, auditeur en la Chambre des comptes 
								de Nancy, et d'e Jean de Rosières, auditeur en 
								celle de Bar (78) ; les fils, d'Antoine 
								Guillaume, gouverneur des salines de 
								Château-Salins, et de Pierre Vannesson, prévôt 
								d'Hattonchâtel (79) ; un neveu d'Humbert 
								Mathieu, sénéchal de La Mothe (80). Dans 
								l'entourage immédiat du duc obtiennent le même 
								avantage pour leurs fils d'assez hauts 
								personnages, comme Poirson de Bourgogne, 
								contrôleur de la dépense de l'hôtel, et Jean 
								Beaufort, grand veneur (81), mais même de très 
								humbles serviteurs, un fauconnier, un jardinier, 
								un maître-queux (82). 
								Un népotisme, moins scandaleux que celui qui 
								sévissait à Rome en ce temps, intervenait aussi 
								dans le recrutement du clergé : en 1547, Nicole 
								Richard, chanoine de Darney, obtient du duc la 
								permission de céder sa prébende, pour en jouir 
								seulement après sa mort, à son neveu, Claude 
								Richard (83). En 1550, Claude Laguerre, 
								protonotaire, reçoit le droit de succéder à son 
								oncle, Gérard Laguerre, dans la prébende que 
								celui-ci possède en l'église Saint-Pierre de Bar 
								(84). 
								Enfin des prébendes étaient assez facilement 
								données à de jeunes clercs étudiant à 
								l'Université de Paris, parce qu'à la date où 
								nous sommes, la Lorraine n'avait pas encore 
								d'Université ; et de toutes les raisons qui 
								faisaient concéder des prébendes, celle-ci est 
								la meilleure, puisqu'elle montre le souci de 
								faire entrer dans le clergé des hommes 
								instruits. Nous voyons ainsi : en 1547, Robert 
								Blancheverre, à qui est assurée' la première 
								prébende qui viendra à vaquer en la collégiale 
								de Vaudémont ; en 1548, Thiébault Apvrillet, qui 
								obtient la même promesse pour la collégiale de 
								La Mothe ; en 1549, Jean Lescuyer, qui reçoit la 
								chapelle de saint Jean-Baptiste en l'église 
								paroissiale d'Etain, vacante par décès ; Gérard 
								Le Briseur, fils de Georges Le Briseur, maître 
								de la monnaie à Nancy, nommé coadjuteur, avec 
								droit de succession, de son parrain, Gaspard de 
								Ludres, chanoine et écolâtre de la collégiale 
								Saint-Georges de Nancy ; Jean de Rosières, fils 
								d'un auditeur en la Chambre des comptes de Bar, 
								fait coadjuteur, avec succession éventuelle, 
								d'un chanoine de Saint-Pierre de Bar ; Louis 
								Raulin, fils de Pierre Raulin, maître de la 
								fourrière de l'hôtel ducal, à qui est promise la 
								première prébende vacante à Saint-Pierre de Bar 
								(85). 
								En Lorraine, comme ailleurs, cette intrusion du 
								pouvoir laïque dans des affaires purement 
								ecclésiastiques, cette subordination des 
								intérêts spirituels à des combinaisons 
								temporelles donnaient des résultats médiocres. 
								Qu'une dizaine d'années s'écoulent et, en 1563, 
								le concile de Trente restreindra le droit de 
								patronage, décidant de plus que l'évêque peut 
								toujours rejeter les sujets que les patrons lui 
								présentent pour une prébende, s'il les trouve 
								incapables (86). 
								III 
								Nous avons montré ailleurs la 
								politique assez contradictoire d'un duc de 
								Lorraine du XIIe siècle à l'égard de l'église 
								régulière : très dur et rapace avec l'antique 
								ordre bénédictin devenu riche et tiède, il est 
								plein de prévenances et de générosité pour les 
								ordres nouveaux de Citeaux et de Prémontré, qui 
								sont pauvres et dans toute la ferveur de leur 
								origine (87). Chrétienne, elle, ne s'est pas 
								trouvée dans une situation aussi complexe. Les 
								nouveaux ordres créés pour lutter contre le 
								protestantisme ne s'étaient pas encore implantés 
								en Lorraine quand elle gouvernait ce pays ; les 
								jésuites ne s'y établiront que dans la seconde 
								moitié du XVIe siècle, les capucins que dans la 
								première moitié du xvne. Elle n'est en présence 
								que d'ordres anciens et souvent bien relâchés, 
								bien éloignés de la rigueur première de leurs 
								règles. Le moment n'est pas encore venu où ces 
								ordres chercheront, et avec succès, à se 
								réformer, à revenir à leur austérité primitive. 
								La duchesse n'en a pas moins avec eux des 
								rapports empreints de bienveillance, d'estime et 
								de confiance. 
								Il faut observer du reste que la famille ducale 
								avait des liens étroits avec un au moins de ces 
								ordres, et l'un de ceux qui étaient restés le 
								plus fidèles à leur institution, celui des 
								religieuses franciscaines de sainte Claire. La 
								duchesse Philippe de Gueldres, veuve de René II, 
								mère du duc Antoine, avait fait profession, en 
								décembre 1519, dans le monastère des clarisses 
								de Pont-à- Mousson. Jusqu'à la fin de sa vie., 
								Antoine eut pour elle beaucoup d'égards, lui 
								envoyant sans cesse des cadeaux de toute sorte, 
								et faisant aussi des libéralités à son couvent. 
								En 1544 encore, donc tout à la fin de sa vie, il 
								fait charroyer à Pont-à-Mousson douze queues de 
								vin de Bar, plus de quatre mille litres, de quoi 
								désaltérer pendant longtemps un grand nombre de 
								nonnes (88). Les tuteurs suivirent son exemple, 
								faisant porter, entre autres, des fromages de 
								Gondreville à Philippe en 1545 et 15416 (89). 
								Quoiqu'elle eût renoncé aux pompes de ce monde, 
								on l'appelait toujours la reine de Sicile. Mais 
								elle déclinait. Elle avait vu mourir son mari, 
								son fils, son petit-fils, et ces cruelles 
								épreuves avaient achevé de ruiner sa santé déjà 
								ébranlée par des mortifications excessives. Dans 
								le compte du domaine de Pont-à-Mousson pour 1546 
								se lit le long relevé de la « dépense faicte par 
								les médicins quy ont estez auprès de la royne 
								durant les infirmitez de maladie à elle survenue 
								» (90). Elle mourut le 28 février 1547. Née en 
								1464, elle avait donc de quatre-vingt-deux à 
								quatre-vingt-trois ans (91). Bien qu'elle eût 
								quitté là cour depuis vingt-huit ans déjà, son 
								trépas ne laissa pas de causer quelque émotion : 
								elle était la veuve de René II, dont le triomphe 
								sur le duc de Bourgogne avait donné tant de 
								gloire à la maison de Lorraine, et elle-même lui 
								avait apporté l'auréole de la sainteté. Emond Du 
								Boullay, dans son ouvrage quasi-officiel, 
								s'étend sur la maladie et les derniers instants 
								de la reine ; il décrit ses obsèques et 
								reproduit son épitaphe (92). Quelques jours 
								après. sa mort, Chrétienne de Danemark et 
								Nicolas affirmèrent leur volonté de maintenir 
								les fondations pieuses qu'elle avait faites -et 
								prièrent l'abbé de Sainte-Marie-aux-Bois de les 
								prévenir si quelqu'un tentait de s'y opposer 
								(93). Tous les ans, ils allouaient 150 francs 
								aux clarisses de Pont-à-Mousson, à cause de leur 
								pauvreté « et en contemplation de feu la royne 
								de Secille, en son vivant relligieuse audict 
								couvent » (94). 
								Les autres ordres d'hommes et de femmes 
								bénéficièrent de ces bonnes dispositions des 
								tuteurs. L'amortissement des biens qu'ils 
								acquièrent leur est accordé tout aussi 
								facilement qu'au clergé séculier. Ainsi, en 
								1548, dom Nicole Loupvent, grand-prieur de 
								l'abbaye de Saint-Mihiel, achète un terrain dans 
								cette ville pour y élever une chapelle sur le 
								modèle du Saint-Sépulcre de Jérusalem qu'il 
								avait vu et étudié au cours d'un pèlerinage en 
								Terre-Sainte ; il dote cette chapelle d'un 
								revenu de 60 francs par an pour y assurer le 
								service divin (95). Le tout est amorti et cette 
								chapelle, qui fut démolie vers 1756, a une place 
								dans l'histoire de l'art : on croit que les 
								personnages qui composent le fameux Sépulcre de 
								Ligier Richier avaient été sculptés pour y être 
								établis (96). En 1551, un gagnage acheté par 
								l'abbaye de L'Etanche, ordre de Prémontré, et 
								qui rapporte 500 francs en argent et 35 setiers 
								de vin, est amorti et, en raison de la pauvreté 
								de ce monastère, les tuteurs le dispensent de 
								payer aucune finance (97). 
								C'est à des religieux que Chrétienne s'adresse 
								pour leur faire prêcher les sermons de Carême, 
								soit en sa présence, soit à l'église Saint-Evre 
								de Nancy, qui est la paroisse de la cour. On 
								voit ainsi employés un franciscain, un 
								trinitaire de Metz, et d'autres dont les comptes 
								ne disent pas à quelle famille religieuse ils 
								appartiennent. Tous reçoivent des honoraires 
								assez élevés. 
								Les dons purs et simples aux couvents d'hommes 
								et de femmes ne se voient que dans des cas 
								exceptionnels, par exemple 25 francs en 1547 aux 
								observantins de Neufchâteau, pour les aider à 
								payer les stalles du chœur de leur église (98). 
								Ce qui paraît le plus souvent c'est 
								l'attribution à ces maisons de redevances 
								annuelles : les religieuses du couvent de 
								Lunéville - sans doute les sœurs grises de 
								sainte Elisabeth - touchent 30 francs par an, 
								pour faire dire à l'intention du duc trois msses 
								basses dans leur chapelle (99) ; les 
								dominicaines de Nancy prétendent avoir droit 
								tous les ans à dix petits florins sur la ferme 
								des ventes de Mirecourt et, quoiqu'elle n'ait 
								pas retrouvé le titre afférent, la Chambre des 
								comptes est d'avis de les satisfaire (100). 
								Le duc Antoine a concédé aux sœurs hospitalières 
								de Château-Salins une certaine quantité de 
								braise à prendre tous les ans, et comme le 
								commis qui doit la leur remettre fait quelques 
								difficultés, la même Chambre le menace d'en 
								avertir Leurs Excellences (les tuteurs) (101). 
								Ceux-ci confirment aux dominicaines de Nancy 
								l'affouage dans la forêt de Haye qui leur a été 
								octroyé par le duc Charles II et par sa femme, 
								Marguerite de Bavière (102). Les sœurs 
								hospitalières installées au faubourg de Nancy, 
								devant la porte Saint-Nicolas, perçoivent tous 
								les ans 20 livres sur les moulins de Nancy 
								(103). 
								Une libéralité curieuse et assez fréquente est 
								d'allouer une somme à des religieux ou 
								religieuses pour les aider à acheter les harengs 
								dont ils se nourriront pendant l'Avent et le 
								Carême. Les religieuses hospitali'ères du 
								faubourg de Nancy, celles de Lunéville, d'Ormes, 
								de Dieuze, les cordeliers de Raon et de 
								Mirecourt, les clarisses de Neufchâteau 
								reçoivent des dons de ce genre (104). Ces 
								observantins de Neufchâteau, dont le duc a déjà 
								payé les stalles, reçoivent encore 9 francs pour 
								les harengs qu'ils mangeront pendant l'Avent et 
								14 francs pour une tonne entière de ce poisson 
								qu'ils consommeront pendant le Carême de 1547 
								(105). Les tuteurs étendent même leur 
								sollicitude à des moines étrangers à leurs 
								duchés, aux frères mineurs de Toul, qui 
								reçoivent des secours analogues en 1546 (106). 
								On le voit, ces libéralités ducales sont, avec 
								beaucoup de discernement, réservées aux ordres 
								pauvres, et surtout aux ordres voués au soin des 
								malades. Les ordres riches, par exemple ceux de 
								saint Benoit, de Cîteaux, de Prémontré, sont 
								laissés à l'écart. Dans le même esprit, 
								Chrétienne permet deux fois, en 1548 et 1551, 
								aux trinitaires de. Lamarche de quêter dans les 
								Etats de son fils pour le rachat des chrétiens 
								captifs outre-mer (107). 
								Le droit de patronage qu'avait le duc sur les 
								monastères comme sur les chapitres lui 
								permettait quelquefois d'intervenir dans les 
								abbayes situées hors de ses Etats. Ainsi, les 
								bénédictines de Saint-Pierre- aux-Nonnains, à 
								Metz, étaient en lutte avec leur abbesse, Anne 
								d'Haussonville. Un compromis intervint et le duc 
								fut prié de le ratifier, « comme estant ledict 
								monastère des fiefz et fondation des 
								prédécesseurs de nostredict filz », explique 
								Chrétienne dans ses lettres patentes du 22 mars 
								1550, lettres qui ne nous font connaître ni la 
								nature du différend, ni celle de l'accord (108). 
								Un autre monastère, d'hommes celui-ci, où le duc 
								avait le droit de patronage et de présentation, 
								était l'abbaye bénédictine de 
								Saint-Martin-devant-Metz. En 1541, le duc 
								Antoine y avait nommé abbé ce Pierre du 
								Châtelet, sieur de Sorcy, qui harangua au nom de 
								la tutrice les Etats généraux de novembre 1545. 
								Quelques années après, Pierre eut, semble-t-il, 
								des velléités de renoncer à ce bénéfice, car, en 
								1551, Chrétienne lui accorda la permission de le 
								résigner entre les mains du pape en faveur de 
								telle personne idoine qu'il désignerait (109). 
								Il ne donna pas suite à ce projet et resta abbé 
								de Saint-Martin, même quand il fut devenu, en 
								1565, évêque de Toul. 
								IV 
								Antoine est le premier duc de 
								Lorraine qui eut affaire à la Réforme. Il la 
								connut sous deux aspects : le soulèvement 
								anabaptiste, à la fois social et religieux, 
								qu'il réprima impitoyablement en Alsace et dans 
								la Lorraine de langue allemande ; la doctrine de 
								Luther contre laquelle il fit deux ordonnances, 
								en 1523 et 1539, afin d'empêcher sa diffusion en 
								Lorraine. Lorsque Chrétienne arriva au pouvoir 
								en 1545, l'anabaptisme avait disparu, le 
								luthéranisme était toujours menaçant et une 
								nouvelle forme religieuse, le calvinisme, venait 
								de surgir. L'Institution chrétienne de Jean 
								Calvin a été publiée en latin dès 1535 ou 1536, 
								en français en 1541. Calvin a habité Strasbourg, 
								tout près de la Lorraine, de 1538 à 1546, et y a 
								exercé les fonctions de pasteur et de professeur 
								de théologie. Son livre et son enseignement ont 
								certainement été connus dans la Lorraine de 
								langue française, mais les tuteurs ne s'en 
								rendirent pas compte, tenant sans doute Calvin 
								pour un simple disciple de Luther, quand ils 
								légiférèrent contre les nouvelles croyances. 
								Chrétienne avait l'exemple de son oncle 
								Charles-Quint qui traitait avec une extrême 
								rigueur les réformés des Pays-Bas, qui peut-être 
								même l'invita à sévir. Dès le 24 septembre 1545, 
								quelques semaines après leur entrée en charge, 
								ce qui prouve qu'ils considéraient le péril 
								comme pressant, Chrétienne et Nicolas publièrent 
								à Deneuvre une ordonnance qui ne parle que de « 
								Martin Luther et de ses complices », et qui 
								renouvelle à peu près les prescriptions 
								d'Antoine (110). 
								Par cette ordonnance, il est défendu à toutes 
								gens, nobles, roturiers et clercs, de prêcher ou 
								laisser prêcher, en public ou dans des réunions 
								privées, la doctrine luthérienne et tout dogme 
								contraire à la commune observance de l'Eglise, 
								de mettre en vente et d'acheter des livres 
								luthériens, de faire du prosélytisme pour cette 
								doctrine, le tout à peine de prison et de 
								confiscation des biens. Tous ceux qui possèdent 
								des livres luthériens devront, sous la même 
								peine, les apporter d'ici à deux mois à l'abbé 
								de Chaumouzey, ou à l'abbé de 
								Saint-Martin-devant-Metz (Pierre du Châtelet), 
								ou à Jean Billequel, prévôt de la collégiale 
								Saint-Georges de Nancy. Tous les sujets qui 
								connaîtraient des infractions à cette ordonnance 
								doivent, sous peine d'amende arbitraire, 
								signaler les infracteurs à leurs prévôts et 
								baillis. Comme les tuteurs n'ignorent pas que 
								certains de ces officiers inclinent vers la 
								Réforme, ils prescrivent à tous d'exécuter 
								strictement cette ordonnance ; s'ils s'y 
								refusent ou agissent avec négligence, ils 
								perdront leurs offices et la moitié de leurs 
								biens. Il arrive que des sujets cherchent à 
								vendre leurs biens pour passer dans d'autres 
								pays où ils pourront vivre à leur guise ; les 
								officiers ducaux devront rechercher si ces 
								vendeurs ne sont pas suspects de luthéranisme 
								et, dans l'affirmative, confisquer leurs biens ; 
								si la vente est fictive, le soi-disant acheteur 
								sera mis à l'amende. Les tuteurs affirment 
								ensuite qu'ils ne veulent pas empiéter sur le 
								droit, qui appartient aux évêques, de connaître 
								du cas d'hérésie ; ils les exhortent à faire 
								leur devoir avec diligence et ordonnent à leurs 
								officiers de leur porter en cela aide et 
								confort. Tous ceux qui ne gardent pas le 
								dimanche et les fêtes, qui méprisent les images, 
								qui mangent de la chair aux jours prohibés, 
								seront punis de confiscation ou d'amende, 
								suivant l'importance du délit. Même punition 
								pour les marchands qui vendraient dans les 
								terres du duc des livres hérétiques et pour les 
								propriétaires de maisons qui y laisseraient 
								tenir des conventicules. 
								Cette ordonnance fut imprimée à Metz par les 
								soins de Nicole Péra, aumônier du feu duc (111), 
								et répandue dans tout le pays. On observera 
								qu'elle n'édicte pas la peine de mort, comme le 
								fait l'ordonnance d'Antoine en 1539. C'est en 
								vertu de celle-ci que Jacques Chobard, régent 
								d'école à Saint-Mihiel, avait été brûlé vif en 
								1545, à la fin du règne du duc François (112). 
								Nous ne connaissons pas d'exécution semblable 
								pendant la régence de Chrétienne. Elle laissa 
								sans doute dormir la sévère ordonnance de 1539 
								et se contenta de faire appliquer les peines 
								plus douces prescrites par son ordonnance de 
								1545. Elle ne fit pas d'autre ordonnance que 
								celle-là contre les Réformés. C'est son fils, 
								Charles III, qui renouvellera et complétera la 
								législation antiprotestante de la Lorraine. 
								CHAPITRE VI 
								LES FINANCES 
								I. Institutions financières. - II. Les recettes. 
								- III. Les dépenses. - IV. Balance des recettes 
								et des dépenses. - V. Les emprunts. 
								 
								I 
								Lorsque Chrétienne de 
								Danemark arriva au pouvoir, elle trouva la 
								Lorraine munie d'une organisation fiscale assez 
								complète et qui avait déjà fait ses preuves de 
								solidité et d'efficacité. Elle y apporta 
								quelques retouches, y ajouta même quelques 
								rouages. C'est tout cela qu'il nous faut en 
								premier lieu examiner et discriminer. 
								Les plus importants de ces organes, les plus 
								anciens aussi, car ils dataient au moins du 
								commencement du XVe siècle, étaient les deux 
								Chambres des comptes de Nancy et de Bar-le-Duc, 
								chaque duché possédant la sienne complètement 
								indépendante de l'autre. Toutes deux avaient du 
								reste les mêmes attributions que l'historien de 
								l'une d'elles range sous quatre chefs : vérifier 
								les comptes envoyés par tous les comptables du 
								duché, répartir les impôts, administrer le 
								domaine, y compris les forêts, les mines et les 
								salines, juger toutes les contestations 
								relatives aux monnaies (113). A cette liste déjà 
								bien fournie, il faut ajouter un cinquième chef, 
								la vérification des aveux et dénombrements 
								présentés par les vassaux. Si les auditeurs et 
								les présidents de chaque Chambre arrivaient à 
								s'assimiler ces matières si diverses, c'est 
								qu'ils passaient presque toute leur vie dans 
								leurs fonctions. Tels les deux contemporains de 
								Chrétienne qui, après avoir fait longuement 
								leurs preuves dans l'emploi d'auditeur, furent : 
								Nicolas Mengin, président de la Chambre des 
								comptes de Lorraine de 1532 à 1552, et René 
								Boudet, président de la Chambre des comptes de 
								Bar de 1544 à 1567. 
								Pour la vérification de leurs comptes, les 
								receveurs et autres agents de finances doivent 
								venir dans la capitale du duché et comparaître 
								devant la Chambre. Celle-ci leur adresse une 
								Lettre pour les inviter à apporter leurs 
								écritures à telle date, et le délai qu'elle leur 
								laisse n'est jamais bien long, une semaine en 
								général. Si un receveur est malade, il obtient 
								avec peine que l'opération soit retardée. Si un 
								autre décède en charge, la Chambre se hâte 
								d'apurer la situation avec le concours de sa 
								veuve et assure la transmission à son successeur 
								des deniers en caisse et des grains provenant de 
								redevances en nature. Sa vigilance s'étend même 
								aux comptes des corporations ouvrières : en 
								1549, le maître des drapiers de Mirecourt est 
								convoqué pour rendre les comptes de ce métier 
								(114). 
								La répartition des impôts se fait toujours en 
								présence du bailli de la circonscription 
								intéressée, mais l'accord n'est pas toujours 
								facile entre ce haut fonctionnaire et la 
								Chambre. On le vit en 154,6 quand il fallut 
								répartir une taille sur le comté de Vaudémont. 
								Le bailli, sans doute pour faire pièce à la 
								Chambre, refusa d'y venir ; la Chambre expédia 
								le travail avec l'aide du receveur et du 
								contrôleur du comté, après leur avoir fait 
								prêter serment. Puis, sans se fâcher, elle opina 
								qu'il valait mieux que le bailli ne s'occupât 
								plus des tailles, qu'il se cantonnât dans les 
								affaires de justice, son véritable domaine 
								(115). 
								La Chambre n'a pas seulement à répartir les 
								impôts, elle examine jusqu'à quel point les 
								exigences fiscales sont conciliables avec les 
								franchises de telle ou teille localité. Elle 
								accorde des réductions sur l'aide ordinaire - 
								dite aide Saint-Remy, parce qu'elle se lève vers 
								le temps de la fête de ce saint (1er octobre) - 
								si les réclamations des contribuables lui 
								paraissent justifiées. De même, elle consent des 
								réductions aux fermiers du domaine, s'il s'est 
								produit quelque événement qui a diminué leurs 
								recettes : inondation, incendie, passage de 
								soldats ennemis, etc. 
								Toutes ces opérations si variées, et souvent si 
								minutieuses, nous sont suffisamment connues, au 
								moins pour le duché de Lorraine, parce qu'à 
								partir du moment où Chrétienne gouverne, elles 
								sont consignées dans une collection officielle, 
								celle des « Rapportz, missives, mandemens et 
								ordonnances faictz en la Chambre des comptes à 
								Nancy », qui commence en janvier 1546 (116). Ou 
								bien Chrétienne de Danemark a pris l'initiative 
								de cet utile enregistrement des opérations de la 
								Chambre, ou tout au moins elle a approuvé cette 
								innovation. 
								Les tuteurs ne se contentèrent pas de ces deux 
								Chambres dont chacune était particulière à un 
								duché ; ils voulurent avoir un organe commun 
								pour tout leur état et, par une ordonnance de 
								1549, créèrent une Chambre des finances, 
								composée d'un petit nombre de personnes, qui 
								était au-dessus des Chambres des comptes, 
								jugeait en dernier ressort et devait rechercher 
								et redresser tous les abus, supprimer les 
								dépenses inutiles (117). Cette Chambre deviendra 
								en 1567 le Conseil des finances, ce nouveau 
								terme la différenciant nettement des deux 
								Chambres des comptes et la rapprochant au 
								contraire du Conseil ducal. 
								A la tête de cette Chambre, les tuteurs 
								placèrent un personnage appelé Chef des 
								finances. Longtemps avant, en 1483, on avait vu 
								Louis Merlin revêtu du titre de Général des 
								finances, mais comme dans l'intervalle personne 
								n'avait reçu un titre analogue, c'était un 
								emploi à peu près nouveau. Sous Antoine, une 
								partie au moins de ces fonctions étaient 
								dévolues au grand maître de l'hôtel du prince, 
								par exemple Jean d'Aguerre, nommé grand maître 
								en 1541, et dont un acte de 1547 nous apprend 
								qu'il avait le soin de certifier les mémoires à 
								régler (118). Le chef des finances de Chrétienne 
								de Danemark était ce François de Bassompierre, 
								bailli de Vosges, qui Pavait si vivement 
								combattue aux Etats de 1545, ce qui montre que 
								la duchesse n'avait pas de rancune, et peut-être 
								aussi qu'elle tenait à s'attacher cet adversaire 
								redoutable. Nous n'avons plus les lettres 
								patentes qui le nomment et nous ne connaissons 
								son élévation à ee poste que par une mention du 
								compte de 1551, disant que les tuteurs lui ont 
								alloué 100 francs pour avoir vaqué à l'assiette 
								de l'aide ordinaire (119). Tandis que les autres 
								officiers de finances, auditeurs des Chambres 
								des comptes, trésoriers et receveurs généraux, 
								sont des roturiers, tout au plus des anoblis, 
								les chefs des finances sont tous pris dans la 
								meilleure noblesse : après Bassompierre, on 
								verra Claude d'Aguerre, baron de Vienne, en 1559 
								; Henri d'Anglure, sieur de Melay, en 1560 ; 
								Jean de Beauvau, sieur de Pange, en 1576. C'est 
								le seul poste où des gentilshommes de l'ancienne 
								chevalerie puissent maniter de l'argent sans 
								déroger. 
								Au contraire, le contrôleur général des finances 
								est un roturier, ou tout au plus un anobli. 
								D'abord il y en eut un dans chaque duché ; à 
								dater de 1523, les deux offices se fondent en un 
								seul et, bien qu'unique, cet agent est assez 
								maigrement payé : 100 écus valent 171 fr. 10 gr. 
								de Lorraine en 1545 (120). Le titulaire de ce 
								poste était alors Jean Beurges, d'une famille du 
								Barrois anoblie en 1464 ; en 1553, il aura pour 
								successeur Bertrand Xaubourel. Ses fonctions 
								sont d'assister aux séances des deux Chambres 
								des comptes et peut-être d'y tenir l'office de 
								ministère public ; il semble aussi qu'il fait 
								des tournées d'inspection dans les diverses 
								prévôtés pour voir si tout s'y passe 
								régulièrement (121). 
								Les Chambres des comptes et la Chambre des 
								finances étaient des organes de contrôle. Les 
								organes de gestion étaient le trésorier général 
								et les deux receveurs généraux. Il y avait un 
								seul trésorier général pour les deux duchés, 
								tandis que chaque duché avait un receveur 
								général. L'origine de ces derniers est fort 
								ancienne, comme celle des Chambres des comptes, 
								et ils préexistent certainement à la réunion de 
								la Lorraine et du Barrois. Le trésorier général, 
								lui, est une création de René II : en 1481, on 
								voit ce titre porté par Antoine Gelé. Le vieux 
								roi de Sicile, René Ier, était mort le 10 
								juillet 1480 et sa disparition consommait, au 
								profit de son petit-fils, René Il, la réunion 
								des deux duchés, d'où la nécessité d'un agent 
								financier qui leur fût commun. Les trésoriers 
								généraux contemporains de Chrétienne de Danemark 
								sont Didier Bertrand, de 1518 à 1544, et 
								Quiriace Fournier, de 1545 ou 1546 à 1563. 
								Le trésorier général encaisse les sommes qui lui 
								sont versées par les deux receveurs généraux, 
								non pas tous les ans, mais dans, les années où 
								ils ont un excédent. Ainsi, il reçoit : en 1547, 
								1.202 fr. du receveur général de Lorraine, rien 
								du receveur général du Barrois (122) ; en 1548, 
								rien ni de l'un ni de l'autre (123) ; en 1551, 
								1.000 fr. du receveur de Lorraine, 14.000 de 
								celui du Barrois (124). Le trésorier général 
								manie de bien plus grosses sommes que les 
								receveurs généraux ; ainsi, en 1546, ses 
								recettes sont de 251.191 fr., celles du receveur 
								général de Lorraine de 23.759 fr. seulement 
								(125). Et cependant, en cette année, les 
								recettes du trésorier n'occupent que vingt-neuf 
								feuillets, quand celles de ce receveur en 
								couvrent cent soixante-sept; c'est que, chez le 
								premier, on trouve un petit nombre de grosses 
								recettes, chez le second, un grand nombre de 
								recettes minimes, produits des prévôtés, des 
								passages, des terres acensées, avec les noms de 
								tous les contribuables écrits pour certaines 
								prévôtés. Pour les dépenses, nous remarquons que 
								celles de l'armée ne sont pas réunies dans le 
								même compte : le trésorier général paye la solde 
								de la garnison de La Mothe (126), et le receveur 
								général de Lorraine règle les dépenses de 
								l'artillerie qui ne sont pas très fortes, 1.075 
								fr. pour le personnel, 3.630 fr. pour le 
								matériel (127). De même, une partie des gages et 
								des pensions est assignée sur la caisse du 
								trésorier général, une autre sur la caisse du 
								receveur général, sans qu'on voie très bien 
								d'après quelles règles se faisait cette 
								répartition. 
								Au temps de la tutelle, le receveur général de 
								Lorraine était Humbert Pierrot, qui resta en 
								place de 1539 à 1553 et eut pour successeur 
								Laurent Courcol (128) ; le duché de Bar eut pour 
								receveurs généraux Jean Preudhomme de 1523 à 
								1547, Wannault Collesson de 1547 à 1565 (129). 
								Outre ces trois fonctionnaires qui étaient 
								permanents, le petit état lorrain en eut un 
								quatrième qui paraît l'avoir été moins. Il 
								commence à en être question à la fin du règne de 
								René II, sous le nom bizarre de Chambre aux 
								deniers, qui s'applique à l'homme même et non à 
								la caisse dont il a la garde (130). En 1492, il 
								inscrit 68.384 fr. de recettes, 70.078 fr. de 
								dépenses, ce qui laisse un déficit de 1.694 fr. 
								Les recettes proviennent des sommes envoyées par 
								la duchesse pendant que le duc est à Paris, ou 
								versées par les receveurs de Lorraine et du 
								comté de Vaudémont, par les officiers des 
								salines. Les dépenses sont les menus plaisirs du 
								duc, les gages de ses officiers et les emplettes 
								faites par son maître d'hôtel, des achats 
								d'étoffes, les dépenses de la duchesse, enfin 
								les sommes versées pour l'achat de Boulay (131). 
								Ces comptes se continuent sous la même 
								dénomination pendant une partie des règnes de 
								René II et d'Antoine, puis ce titre de Chambre 
								aux deniers est remplacé par celui d'argentier 
								(132). Il semble bien que c'est le même emploi 
								sous un nouveau nom. La caisse de l'argentier 
								est alimentée par les salines, qui lui versent 
								le produit des quatre derniers mois de l'année 
								financière, septembre à décembre, par tout ou 
								partie des bénéfices de la monnaie, par des 
								prélèvements sur l'aide ordinaire, par les 
								emprunts que le duc a contractés. Avec ces 
								ressources, l'argentier paye les dépenses de 
								l'hôtel du duc, les gages de ses officiers et 
								des officiers au service de son fils, le duc de 
								Bar, la solde des archers et des Suisses de sa 
								garde, les menus plaisirs du prince et les dons 
								fait par lui, les voyages de la famille ducale 
								et de divers messagers, des achats de chevaux, 
								les mémoires des fournisseurs (133). 
								A l'avènement de Charles III, l'argentier était 
								ce Quiriace Fournier qui devint trésorier 
								général de Lorraine en 1545 ou 1546 et le resta 
								jusqu'en 1563, personnage qui eut la confiance 
								de Chrétienne de Danemark, car en outre de ces 
								importantes fonctions, elle le nomma 
								registrateur des lettres patentes le 1er 
								décembre 1546 et auditeur en la Chambre des 
								comptes de Lorraine le 20 novembre 1551 (134). 
								Il eut pour successeur Nicolas de La Ruelle, 
								argentier et successeur de Charles III (135). 
								Voilà une organisation financière assez 
								compliquée, et bien inutilement, faute 
								d'unification des caisses. Il est à croire que 
								le duc s'y reconnaissait, et encore mieux la 
								Chambre des comptes qui assurait dans ces 
								services si divers une certaine unité. Un 
								progrès vers cette unité sera réalisé lorsqu'en 
								1572 Charles III réunira les fonctions des 
								trésoriers et des receveurs généraux (136). 
								Grâce à ce contrôle de la Chambre, tous les 
								comptes qui nous ont été laissés par ces divers 
								comptables ont des caractères communs : ils sont 
								tenus avec grand soin et les dépenses, même les 
								moindres, sont justifiées et expliquées 
								longuement, de sorte que ces comptes fournissent 
								des détails très utiles sur la vie politique, 
								religieuse, intellectuelle, économique des 
								duchés. Les registres qu'ils remplissent sont 
								faits d'un très beau et solide papier vergé avec 
								filigrane, tous à peu près du même format grand 
								in-quarto ; l'écriture en est posée et en 
								général facile à lire. Ils notent les sommes en 
								francs barrois, gros et deniers, c'est-à-dire 
								dans la monnaie officielle du pays ; quelquefois 
								en livres de France, quand ils relatent un 
								voyage fait dans le royaume. A cette époque, 
								l'année, en Lorraine et dans la plus grande 
								partie du Barrois, commençait au 25 mars, 
								c'est-à-dire à la fête de l'Annonciation ; mais 
								on avait une année financière distincte de 
								l'année civile, qui s'ouvrait au 1er janvier et 
								finissait au 31 décembre, de sorte que chaque 
								compte s'étendait sur partie de deux années 
								civiles consécutives. Il en était de même en 
								France sous François Ier (137), et comme, au XVe 
								et au XVIe siècles, les institutions de la 
								Lorraine s'inspirent volontiers de celles du 
								royaume voisin, il est fort probable que cette 
								année financière est un emprunt de la Lorraine à 
								la France. Il est fort probable aussi que cette 
								année partant du 1er janvier a acheminé à la 
								réforme du calendrier que réalisera dans les 
								deux duchés une ordonnance du 15 novembre 1579 
								prescrivant de se servir exclusivement du style 
								du 1er janvier en toutes écritures publiques et 
								privées. 
								Dans cette année financière ainsi délimitée, les 
								payements se font en deux termes, saint 
								Jean-Baptiste et Noël, qui la divisent en deux 
								parties égales, à un jour près. 
								Les documents financiers du temps de la tutelle 
								ne se composent que de registres de comptes ; 
								les pièces justificatives de ces comptes, qui 
								sont souvent d'un si grand intérêt, n'ont pas 
								été conservées. C'est seulement à la fin du XVIe 
								siècle qu'on trouve à peu près constamment les 
								liasses de pièces à l'appui des comptes jointes 
								aux registres. 
								L'un de ces registres de comptabilité vaut qu'on 
								s'y arrête. Il a pour titre : « Extraictz des 
								comptes généraulx et particuliers des receptes 
								du duché de Lorraine, renduz depuis l'année 1545 
								jusques à l'année 1552 inclusivement », titre 
								beaucoup trop modeste, car en réalité ce 
								registre présente également les comptes du duché 
								de Bar, et il inscrit les dépenses aussi bien 
								que les recettes (138). Son contenu correspond 
								exactement aux fonctions de Chrétienne comme 
								tutrice, sauf que les années 1545 et 1552, où 
								elle n'a gouverné que six et quatre mois, y. 
								figurent tout entières, un exercice ne pouvant 
								pas commodément être divisé. Il est donc très 
								probable que ces « Extraictz » ont été opérés 
								sur l'ordre de Chrétienne de Danemark, qui a 
								voulu laisser un tableau complet de son 
								administration, nouvelle preuve de l'attention 
								qu'elle portait aux questions de finances. 
								Un dernier aspect de l'organisation financière 
								est la frappe des monnaies. Où se 
								pratiquait-elle ? Au XIVe siècle, le duché de 
								Lorraine avait eu jusqu'à quatre ateliers 
								monétaires, à Nancy, Neufchâteau, Prény et 
								Sierck (139). Le duché de Bar, de son côté, 
								avait à Saint-Mihiel un atelier qui disparut 
								après la réunion des deux duchés (140). Bien que 
								le duc Antoine, dans une ordonnance monétaire, 
								parle à plusieurs reprises de « battre en nos 
								monnoies... » (141), il semble probable qu'au 
								XVIe siècle, un seul de ces ateliers subsistait, 
								celui de Nancy. Du moins n'avons-nous trouvé 
								mention d'aucun autre. De 1531 à 1552, le maître 
								de la monnaie de Nancy fut Georges Briseur 
								(142). Dans cet atelier - on n'ose pas encore 
								employer le terme pompeux d'Hôtel des monnaies - 
								des pièces furent frappées à l'effigie du jeune 
								Charles III. Il y en a deux types : l'un, sans 
								date, émis sans doute en 1547 ou 1548, le figure 
								tout enfant, sans aucun attribut princier ; 
								l'autre type, daté de 1550, représente un enfant 
								beaucoup plus grand, portant cuirasse et 
								couronne (143). Aucune pièce de monnaie n'est à 
								l'effigie des tuteurs, mais des jetons de la 
								Chambre des comptes de Lorraine les représentent 
								en face l'un de l'autre. Quand la crise de 1552 
								eut dépossédé Chrétienne et laissé tout le 
								pouvoir au seul Nicolas, celui-ci, pour bien 
								affirmer sa récente élévation, et peut-être 
								aussi pour triompher de sa belle-sœur, émettra, 
								en 1552, à son effigie une monnaie dont la 
								frappe ne fut pas considérable, car elle est 
								aujourd'hui très rare (144). 
								Si, du point de vue de la numismatique pure, 
								nous passons au point de vue économique, nous 
								voyons que la frappe des monnaies fut, pendant 
								la minorité de Charles III, l'occasion de 
								bénéfices appréciables. En voici le chiffre fort 
								variable pour les diverses années de la tutelle 
								à deux : 1545, 7.926 fr. ; 1546, 6.958 fr. ; 
								1547, 3.525 fr. ; 1548, 4.535 fr. ; 1549, 7.094 
								fr. ; 1550, 5.373 fr. ; 1551, 31.339 fr. ; 1552, 
								19.684 fr. (145). 
								II 
								Pour donner un aperçu de la 
								nature des recettes des deux duchés, nous 
								résumons ici celles du compte du trésorier 
								général pour 1546 (146). Ces recettes y sont 
								marquées en francs barrois, gros et deniers ; en 
								vue de simplifier, nous laisserons de côté gros 
								et deniers, de sorte que l'addition finale ne 
								sera plus tout à fait exacte. Elle l'était dans 
								le compte original qui était soumis au contrôle 
								sévère de la Chambre des comptes; à la fin du 
								registre, on lit que ce compte de 1546. a été 
								clos et approuvé en la Chambre des comptes de 
								Nancy le 20 juillet 1547. 
								Reliquat de l'an précédent 4.103 fr. 
								Saline de Château-Salins 10.799 fr. 
								» Salone 19.821 fr. 
								» Moyenvic 47.195 fr. 
								» Marsal 26.200 fr. 
								» Dieuze 21.321 fr. 
								Monnaie de Nancy 6.958 fr. 
								Passage de Raon 2.661 fr. 
								» Bruyères 363 fr. 
								Comté de Vaudémont 4.620 fr. 
								Yerre de Blâmont, néant, parce qu'elle 
								appartient à Madame (147). 
								Terre de Boulay 506 fr. 
								Pêche de l'étang de Lindre 6.500 fr. 
								Aide ordinaire de la châtellenie de Dieuze. 967 
								fr. 
								Prévôté de Guemunde (Sarreguemines).. 359 fr. 
								Pêche de l'étang de Biécourt, néant, parce que 
								compte en est tenu par le receveur de 
								Neufchâteau. 
								Prévôté de Sierck 1.000 fr. 
								» Hattonchâtel 2.216 fr. 
								» Schaumbourg 887 fr. 
								Aide ordinaire du bailliage de Nancy 11.380 fr. 
								» Vosges 15.173 fr. 
								Les receveurs généraux de la Lorraine et du 
								Barrois n'ont rien versé cette année. 
								Aide ordinaire de Pont-à-Mousson 300 fr 
								Part qui revient au duc dans l'aide ordinaire et 
								triennale de l'évêché de Metz. 2.139 fr. 
								Reliquat, versé par le greffier de la Chambre 
								des comptes, de la décime accordée en 1542 
								contre le Turc 1.000 fr. 
								Achat par Nicolas Mangeterre de l'office de 
								boutavant des salines de Dieuze... 800 fr. 
								Grains vendus dans le duché de Lorraine. 11.465 
								fr. 
								» Bar 35.736 fr. 
								Total des recettes 251.191 fr. 
								Quelques articles de ce compte de recettes 
								demandent explication. Il relate les recettes de 
								deux passages seulement, ceux de Raon-l'Etape et 
								de Bruyères, et nous avons constaté l'existence 
								d'une vingtaine de passages, au milieu du XVIe 
								siècle, dans le seul duché de Lorraine. C'est 
								que les recettes d'autres passages figurent dans 
								le compte du receveur général de Lorraine ; 
								d'autres encore sont à la suite des prévôtés 
								dont ils dépendent (148). Il en est de même du 
								produit de la pêche des étangs, qui formait une 
								ressource appréciable : un seul de ces étangs, 
								celui de Lindre, figure dans le compte du 
								trésorier général, mais une vingtaine d'autres 
								sont inscrits dans le compte du receveur général 
								pour la même année (149), et d'autres encore, de 
								moindre étendue sans doute, doivent être 
								cherchés, comme celui de Biécourt, dans les 
								comptes des prévôtés. 
								Nous n'avons pu découvrir ce qu'est cette aide 
								levée tous les trois ans sur le temporel de Metz 
								et dont une part revenait au duc de Lorraine. 
								Etait-ce une forme du droit de garde ? De 2.139 
								fr. en 1546, elle monte à 2.683 fr. en 1549. 
								Etant triennale, elle devrait reparaître en 
								1552, mais le trésorier général écrit dans son 
								compte de cette année : « Néant receu, par refus 
								de l'évêque, et en soit faicte la poursuyte » 
								(150). 
								Quant aux aides payées par les duchés de 
								Lorraine et de Bar, elles étaient de deux sortes 
								: l'aide ordinaire, ou aide Saint-Remy, qui, de 
								toute ancienneté, était levée chaque année sur 
								les sujets directs du duc seulement ; l'aide 
								générale qui atteignait tous les habitants des 
								deux duchés, et qui ne pouvait être répartie et 
								perçue qu'avec l'autorisation des Etats 
								généraux. Comme il n'y eut pas de session 
								d'Etats autre que celle de 1545 pendant la 
								tutelle de Chrétienne et de Nicolas, nous 
								n'avons pas à nous occuper de l'aide générale, 
								dont le produit était très variable selon que 
								l'assemblée avait plus ou moins accordé. Au 
								contraire, l'aide ordinaire variait peu : 
								pendant les années qui nous occupent, son 
								produit a oscillé pour le bailliage de Nancy 
								entre 10.037 et 12.023 francs, pour le bailliage 
								de Vosges entre 14.535 et 16.772 francs (151). 
								Ce qui contribuait à donner à cette aide un 
								caractère de fixité, c'est que le souverain 
								consentait assez facilement à aborner certaines 
								communautés et certains particuliers, 
								c'est-à-dire à les faire payer à forfait. Ainsi, 
								en mai 1550, le curé de Vagney, dans la prévôté 
								d'Arches, remontre que les mainmortables qui lui 
								appartiennent en ce lieu sont taxés d'une 
								manière si excessive que beaucoup passent sur 
								d'autres terres, et pour retenir ces pauvres 
								gens, les tuteurs les abornent à 18 gros par 
								ménage (152). Mais alors, en septembre de la 
								même année, c'est toute la communauté de Vagney 
								qui se plaint que son ban est fort stérile, et 
								que les habitants ont beaucoup de mal à payer 
								l'aide, et elle obtient un abornement encore 
								plus avantageux, 16 gros par ménage ordinaire, 8 
								gros par ménage de veuve (153). En 1551, les 
								gens de Goherey, dans la prévôté de Dompaire, 
								sont abornés à deux francs par conduit (ou 
								ménage), parce que, le nombre des conduits du 
								lieu ayant diminué, chaque conduit subsistant 
								paye trop quand l'impôt se répartit (154). Ceux 
								des gens de Corcieux, dans la prévôté de 
								Bruyères, dont le duc est le seigneur immédiat, 
								sont également si fort surtaxés que beaucoup 
								passent sur les terres d'autres seigneurs du 
								même ban, ce qui augmente la cote de ceux qui 
								restent ; ils sont abornés à 30 gros par conduit 
								ordinaire, à 15 par conduit de veuve (155). 
								On a vu que le produit du domaine et celui des 
								salines, celui-ci surtout, entrent pour une 
								forte part dans l'ensemble des recettes. Un 
								document, qui dépasse les limites de la tutelle 
								à deux, nous apprend que, de 1545 inclus à 1557 
								inclus, soit en treize ans, les recettes du 
								domaine du seul duché de Lorraine se sont 
								accrues de 32.330 francs, celles des salines de 
								47.428 francs (156). Pour le domaine proprement 
								dit, cette augmentation s'explique en, partie 
								par le fait que les tuteurs ont racheté divers 
								biens qui avaient été aliénés ou engagés : en 
								1547, la terre de Norroy-le-Sec, près de Briey, 
								pour 13.449 frs. ; en 1550, certaines mines du 
								Val de Liepvre pour 22.800 fr. ; en 1551, la 
								terre de Grand pour 1.200 fr. (157). 
								On a vu également, à la fin du tableau des 
								recettes que la vente des grains produisait de 
								fortes sommes, surtout dans le duché de Bar. Une 
								portion des impôts était en effet payée en 
								nature et des grains s'amoncelaient ainsi dans 
								les diverses prévôtés. En général, on vendait 
								aux enchères ou le tout, ou la moitié de ces 
								grains, blé, seigle, avoine, le reste devant 
								servir à la consommation de l'hôtel ducal ou à 
								d'autres emplois, par exemple, en 1545, aux 
								réquisitions faites par l'armée impériale (158) 
								; de plus, les gages de divers fonctionnaires 
								étaient payés en blé, et enfin, à diverses 
								dates, de grandes quantités de grains furent 
								stockées dans la forteresse de La Mothe en 
								prévision d'un siège. 
								Un autre mode de payement en nature des impôts 
								était de remettre de la cire et du miel aux 
								agents du prince ; l'élevage des abeilles a 
								toujours été très pratiqué et très productif en 
								Lorraine (159). Le miel remplaçait le sucre, 
								alors inconnu ou très rare ; la cire servait à 
								éclairer les résidences ducales, à faire des 
								dons aux églises pour leur luminaire ordinaire 
								et surtout pour les obits des ducs ou pour leurs 
								obsèques (160), enfin à compléter le traitement 
								de certains fonctionnaires (161). 
								III 
								Voici le tableau des dépenses 
								de ce même compte du trésorier général en 1546 
								(162) dont nous avons donné plus haut les 
								recettes : 
								Dépense ordinaire de l'hôtel ducal 71.680 fr. 
								Dépense faite par la cour à Condé (163) de la 
								fin d'août au début de novembre 1.172 fr. 
								Gages des gentilshommes du duc 45.091 fr. 
								Sommes payées par mandements 9.967 fr. 
								A Sébastien Boucquet, médecin du duc, premier 
								versement des 2.000 fr. que les tuteurs lui 
								allouent pour ses longs services 666 fr. 
								Aux héritiers de Louise de Beauvau, jadis 
								gouvernante de la princesse d'Orange (164) 300 
								fr. 
								Gages de la garde du corps 6.500 fr. 
								Gratification à cette garde 525 fr. 
								Gages de la garde suisse 1.335 fr. 
								Entretien des chevaux du duc 1.200 fr. 
								Dépense de frère Augustin et des civettes dont 
								il a la garde (165) 213 fr. 
								Indemnité à Georges d'Altdorff 600 fr. 
								A Henri de Lenoncourt, jadis lieutenant du duc 
								Antoine en sa compagnie d'ordonnance 1.500 fr. 
								Dons en deniers à divers 6.341 fr. Parties 
								extraordinaires et menus plaisirs de Madame et 
								de Mgr de Metz 1.965 fr. 
								A la princesse d'Orange, en déduction de ce qui 
								lui est dû pour sa dot 16.750 fr. 
								A la reine d'Ecosse, pour dernier payement de ce 
								que le duc Antoine lui avait assigné en dot à 
								son premier mariage (166) 9.000 fr. 
								A Mgr de Metz, moitié de ce qui lui est versé 
								tous les ans pour sa part d'héritage (167) 
								12.000 fr. 
								Au cardinal, Jean de Lorraine, deux versements 
								de 1.000 écus chacun 6.750 fr. 
								Remboursement aux quatre gouverneurs d'Epinal de 
								ce qu'ils ont prêté en 1543 au duc Antoine 4.000 
								fr. 
								Remboursement à l'abbé de Sainte-Marie-au-Bois 
								de ce qu'il a prêté au même en 1541 500 fr. 
								Remboursement à Chardin Serrière, bourgeois de 
								Pont-à-Mousson, d'un prêt fait au même en 1543 
								1.066 fr. 
								A Hanus Bermant, marchand à Saint-Nicolas, pour 
								harnais d'armes fournis au duc François 580 fr. 
								Remboursement à Sébastien Boucquet, médecin, du 
								prêt fait au même duc 1.500 fr. 
								A Jean Dolu, marchand à Paris, pour fournitures 
								au même duc 869 fr. 
								Voyages et ambassades 7.716 fr. 
								A Humbert Pierrot, receveur général de Lorraine, 
								pour subvenir aux charges de son office 2.000 fr. 
								Remboursement au receveur de Gondreville d'un 
								excès de perception de l'aide 92 fr. 
								Au comte Guillaume de Wied et Mœurs pour 
								l'appointement de Boulay (168) 2.175 fr. 
								Au change de Strasbourg pour la censive qui lui 
								est due 225 fr. 
								Achat de chevaux 2.194 fr. 
								Achat de faucons 45 fr. 
								Au sieur Ambroise (169), ingénieur des 
								fortifications du comté de Bourgogne, pour 
								visite de places lorraines 1.003 fr.  
								Aux mortes payes (170) de La Mothe 562 fr. 
								Obsèques des ducs Antoine et François et de la 
								reine Philippe de Gueldre 3.630 fr. 
								Parties de selliers 135 fr. 
								» cordonniers 58 fr. 
								» éperonniers 10 fr. 
								» armuriers 115 fr. 
								» orfèvres 115 fr. 
								» pelletiers 179 fr. 
								» apothicaires, y compris les drogues fournies à 
								Philippe de Gueldre de 1544 à 1546 1.054 fr. 
								» tapissiers et brodeurs 161 fr. 
								Draps noirs de laine et de soie et luminaire 
								pour les obsèques des ducs Antoine et François 
								24.360 fr. 
								Etoffes et linge, y compris les habits des 
								archers et des Suisses de la garde 5.700 fr. 
								Pour construction de la halle de Dieuze 1.082 fr. 
								Total des dépenses, 254.683 fr., ce qui laisse 
								un excédent de dépenses de 3.491 fr. 
								On a remarqué le chiffre élevé des dépenses de 
								la maison ducale : 71.680 fr. sur un total de 
								254.683 fr., c'est une forte proportion. Et les 
								Lorrains de ce temps le pensaient également, 
								puisque, on l'a vu, aux Etats de 1545, ils 
								avaient demandé que ces dépenses fussent réglées 
								par un certain nombre de gentilshommes qui 
								n'auraient pas manqué de les réduire (171). Le 
								compte du trésorier général inscrit ces dépenses 
								de la cour mois par mois, et leur chiffre, en 
								1546, varie fort d'un mois à l'autre : 3.253 fr. 
								en mai, 11.197 fr. en décembre (172). 
								Une dépense analogue est celle qui se fait pour 
								les menus plaisirs des deux tuteurs, Chrétienne 
								et Nicolas : 1.965 fr. A cette date de 1546, le 
								jeune duc n'a que trois ans, et dans cette 
								distribution d'argent, il n'est encore question 
								ni de lui ni de ses sœurs. Mais dès 1548, 
								Chrétienne s'avise qu'il est temps de lui 
								établir un budget personnel et elle prescrit de 
								verser tous les ans au sieur de Montbardon, son 
								gouverneur, 600 écus d'or - 2.025 fr. de 
								Lorraine - pour les menus plaisirs de Charles 
								(173). Cette somme est inscrite dans tous les 
								comptes suivants. 
								De grosses dépenses, mais tout à fait 
								exceptionnelles, sont celles qu'entraînent les 
								obsèques des ducs Antoine et François et de la 
								vieille duchesse, Philippe de Gueldre, qui est 
								morte le 28 février 1547, et dont pourtant les 
								frais funéraires sont inscrits dans ce même 
								compte de 1546, sans doute parce qu'une partie 
								des objets acquis ont servi pour les trois 
								cérémonies. 3.630 francs d'une part, 24.360 de 
								l'autre, cela fait un total imposant de 27.990 
								francs, et il est possible que les habillements 
								des archers et des Suisses de la garde aient été 
								renouvelés en vue de ces cérémonies. Puis, ce 
								n'est pas tout de faire aux défunts des obsèques 
								grandioses, il faut leur assurer une sépulture 
								digne d'eux : dès 1547, la duchesse verse 500 
								francs pour ce tombeau de la reine de Sicile, 
								œuvre de Ligier Richier, qui aujourd'hui encore 
								fait notre admiration ; en 1548, nouveau 
								sersement de 80 francs (174). 
								Au regard des dépenses de la cour, cette année 
								1546 paraît une année normale. Les événements 
								des années suivantes détruiront cet équilibre. 
								Ainsi, dans l'hiver de 1547-1548, les tuteurs 
								sont allés retrouver Charles-Quint à Augsbourg 
								où il préside une diète. Il faut tenir son rang 
								et montrer à tous les princes de l'Empire que le 
								duc de Lorraine ne leur est pas inférieur, d'où 
								des largesses onéreuses: Chrétienne et Nicolas 
								dépensent 12:698 francs en novembre et décembre 
								1547 (175), 13.807 francs en janvier et février 
								1548 (176), au total 26.505 francs. Il en coûte 
								d'assister à une diète et de contempler cette 
								moitié de Dieu qu'est l'empereur ! Il est vrai 
								que, les tuteurs étant à Augsbourg, les dépenses 
								de la cour nancéienne sont réduites d'autant : 
								1.955 francs en janvier et 1.996 en février, 
								tandis qu'après le retour de Chrétienne et de 
								Nicolas, la dépense mensuelle oscillera entre 
								3.000 et 4.000 francs. 
								En 1552, d'autres événements, que nous 
								exposerons plus loin, ont aussi une répercussion 
								financière. Lorsqu'au mois d'avril, le roi Henri 
								II arrive à Nancy, il y trouve non seulement 
								Charles III, ses sœurs, sa mère et son oncle, 
								mais aussi la duchesse d'Aerschot, fille du duc 
								Antoine, dont nous ne savons pas au juste quand 
								elle est venue rejoindre les siens ; la dépense 
								s'est élevée à 5.995 francs en janvier, 4.917 en 
								février, 6.211 en mars, dernier mois normal. 
								Mais en avril, la duchesse d'Aerschot retourne à 
								Bruxelles, Charles III est envoyé à Paris ; 
								puis, en mai, Chrétienne et ses filles sont 
								obligées de quitter la Lorraine. Avant de se 
								séparer de son beau-frère, elle arrête avec lui 
								un « abut », c'est-à-dire une convention en 
								vertu de laquelle le trésorier général verse 
								pour le reste de l'année : à la duchesse et à 
								ses filles, 12.840 francs, à raison de 60 francs 
								par jour pendant 214 jours ; à Nicolas, 6.420 
								francs, à raison de 30 francs par jour pendant 
								le même laps de temps (177). 
								La dépense de 1546 pour achat de chevaux, 2.194 
								francs, et de faucons, 45 francs, parait avoir 
								été exceptionnelle, car en 1547, elle n'est plus 
								que de 563 francs pour les chevaux, en 1548 de 
								590 francs pour les chevaux, de 20 francs pour 
								les faucons. 
								Nous ne songeons pas à confronter ainsi, année 
								par année, toutes les dépenses, grosses ou 
								menues, inscrites sur les registres du trésorier 
								général de Lorraines. Nous retenons seulement un 
								article d'un intérêt particulier, celui des 
								médecins et chirurgiens. Le compte de, 1546 ne 
								nomme qu'un seul médecin du duc, Sébastien 
								Boucquet. Dans le compte de 1548, il est deux 
								fois question de ce personnel : d'abord, les 
								médecins en service, Antoine Lepois avec 1600 
								francs de gages, Antoine Champier 600, Jean 
								Malomont 400 et le chirurgien, maître Philippe, 
								300 (178) ; puis les médecins qui ont soigné le 
								duc François, M. de Morley (179), Sébastien 
								Boucquet, Jean Malomont, Antoine Lepois, Antoine 
								Champier, qui touchent collectivement 400 francs 
								(180). 
								Ces énumérations de dépenses publiques sont fort 
								intéressantes et instructives. Elles apprennent 
								bien des faits politiques et économiques, font 
								connaître bien des institutions qu'autrement on 
								ignorerait tout à fait. Mais elles nous causent 
								aussi quelques déceptions. Trop souvent, la 
								façon plus que discrète dont sont expliquées des 
								dépenses assez élevées satisfait mal notre 
								curiosité. En 1548, par exemple, 1.000 francs 
								sont payés au bailli de Vosges « pour certaines 
								causes » et 600 au sieur de Saint-Martin « en 
								considération de dépenses qu'il a faites pour le 
								service du duc » (181). Il y a des débours 
								énigmatiques, comme ces 200 écus d'or, valant 
								675 francs, versés au sieur de Saint-Denis, 
								homme d'affaires du cardinal Jean de Lorraine 
								(182). Aucune explication n'est donnée de ce 
								payement. S'agissait-il d'acheter la conscience 
								de cet agent ? Ailleurs on voit que des 
								courriers sont partis de Nancy pour Paris, pour 
								Bruxelles, pour une ville d'Allemagne. A qui 
								sont destinées les dépêches qu'ils portent et 
								que disent ces dépêches ? Nous ne le savons 
								nullement, et sans doute le trésorier général 
								qui inscrivait le salaire de ces courriers n'en 
								savait pas davantage. 
								IV 
								Comment s'équilibrent les 
								recettes et les dépenses, et en premier lieu, y 
								avait-il une prévision des unes et des autres, 
								autrement dit un budget ? Le .mot est récent 
								puisqu'il a été emprunté à l'anglais au XIXe 
								siècle, mais la pratique qu'il désigne est très 
								ancienne en France. Là, une ordonnance de 1314 
								prescrivit de noter à l'avance « par estimacion 
								» et en chiffres ronds les diverses recettes et 
								dépenses du royaume (183). Au XVe et au XVIe 
								siècles, ce tableau annuel s'appelle l'« Etat 
								général des finances » et une ordonnance de 1523 
								prescrit sa rédaction en trois exemplaires, 
								destinés au roi, au chancelier, au trésorier de 
								l'épargne (184). Comme, à la fin du Moyen Age et 
								encore plus au XVIe siècle, les institutions de 
								la Lorraine s'inspirent largement des 
								institutions françaises, il paraît très probable 
								qu'on avait dans les duchés quelque chose 
								d'analogue à ce qui se faisait dans le royaume 
								voisin. Mais nous n'avons retrouvé aucun de ces 
								« Etats généraux ». Il est à supposer que, 
								chaque exercice étant clos, on les aura détruits 
								comme pièces de peu d'importance, alors qu'on 
								gardait soigneusement les comptes (185). 
								Les registres du trésorier général nous donnent 
								les totaux des recettes et des dépenses relevés 
								avec la dernière précision et l'indication du 
								reliquat ou du déficit de chaque année, et au 
								dessous l'approbation de la Chambre des comptes 
								conférée quelques mois après la clôture de 
								l'exercice. Voici ces totaux, en francs 
								seulement, pour les années du gouvernement de 
								Chrétienne de Danemark. 
  
		
			|   | 
			  | 
			  | 
			EXCÉDENT | 
			 
			
				| ANNÉE | 
				RECETTES | 
				DÉPENSES | 
				des recettes | 
				 des dépenses | 
				 
				
					| 1545 | 
					222.619 | 
					218.515 | 
					4.103 | 
					 
					
						| 1546 | 
						251.191 | 
						254.683 | 
						  | 
						3.491 | 
						 
						
							| 1547 | 
							244.230 | 
							269.429 | 
							  | 
							25.199 | 
							 
							
								| 1548 | 
								254.337 | 
								286.415 | 
								  | 
								32.077 | 
								 
								
									| 1549 | 
									319.184 | 
									248.363 | 
									70.821 | 
									 
									
										| 1550 | 
										
										421.444 | 
										
										330.582 | 
										
										90.862 | 
										 
										
											| 1551 | 
											
											346.345 | 
											
											280.383 | 
											
											65.962 | 
											 
											
												| 1552 | 
												
												490.415 | 
												
												440.911 | 
												
												49.503 | 
												 
												 
												
								Ainsi, la première année 
								inscrit un léger reliquat, les trois suivantes 
								sont déficitaires et le déficit s'aggrave d'une 
								année à l'autre, les quatre dernières présentent 
								de sérieux reliquats. Ces variations 
								s'expliquent par deux sortes de causes. 
								D'abord, comme le compte de dépenses de 1546 
								nous l'a fait voir, les tuteurs ont, cette 
								année-là, unie dépense extraordinaire, près de 
								28.0,00 francs, pour les obsèques ducales. De 
								plus, en 1546 et années suivantes, ils font un 
								gros effort - sur lequel nous reviendrons plus 
								loin - pour payer les dettes des deux derniers 
								ducs, Antoine et François. 
								D'autre part, la duchesse s'est trouvée, au 
								début de sa tutelle, dans une situation 
								difficile ; ne voulant plus convoquer d'Etats 
								généraux, de peur d'y rencontrer une opposition 
								véhémente comme en novembre 1545, elle ne peut 
								donc solliciter le vote d'aides générales ; 
								essayer de lever ces aides sans l'autorisation 
								des Etats serait une entreprise des plus 
								téméraires qui l'exposerait à une révolution. Il 
								lui faut donc se contenter des ressources 
								ordinaires qui ne suffisent pas à payer les 
								dépenses, d'où ce déficit toujours croissant. 
								C'est alors qu'elle se décide à puiser dans une 
								caisse qui était réservée sans doute aux cas 
								d'extrême péril. Pour protéger les frontières de 
								la Lorraine et maintenir la neutralité, les 
								Etats avaient accordé, en mai 1535, une aide de 
								3 francs par conduit à prendre une fois pour 
								toutes ; en avril 1544, une aide 9 gros par feu 
								et par mois à lever pendant les mois de mai, 
								juin, juillet et août (186). Les sommes 
								produites par ces impôts n'avaient pas été 
								entièrement dépensées sur le moment, et ce qui 
								en restait avait été réservé pour le cas de 
								nouvelles alertes. C'est là que les tuteurs 
								puisent des sommes toujours plus fortes, et ces 
								prélèvements sont inscrits dans les comptes sous 
								la rubrique « Deniers extraordinaires pris au 
								coffre des deniers de l'ayde général accordé par 
								les Estatz à feu Monseigneur le duc Antoine ». 
								Ils y prennent : en 1548, 3.905 francs ; en 
								1549, 14.694 francs ; en 1550, 13.346 francs ; 
								en 1551, rien ; en 1552, année où, par suite de 
								l'expédition d'Henri II, la guerre menace de 
								nouveau, 50.000 francs (187). Ainsi 
								s'expliquent, au moins en partie, les excédents 
								de recettes des dernières années de la tutelle. 
								V 
								Les précédents ducs, François 
								Ier, Antoine et même René II, avaient laissé des 
								dettes assez importantes que les tuteurs eurent 
								soin d'éteindre dès les premières années de leur 
								gestion. Si, comme nous le croyons, l'initiative 
								de ces remboursements revient surtout à 
								Chrétienne, nous y voyons la preuve qu'en 
								matière d'argent, elle aime les situations 
								nettes. Nous n'avons pas trouvé trace d'emprunts 
								faits. par elle et elle veut en finir avec les 
								emprunts de ses prédécesseurs. 
								Quand le taux de ces emprunts est spécifié, ce 
								qui ne se voit que rarement, c'est toujours le 
								taux de cinq pour cent. Ceci confirmerait le 
								fait que le duc Antoine aurait établi ce taux 
								par une ordonnance du 1er avril 1535 (188). Cet 
								intérêt raisonnable parait s'être maintenu 
								pendant la minorité de Charles III. Mais quand, 
								un peu plus tard, la Lorraine sera menacée à la 
								fois par les huguenots français et par leurs 
								auxiliaires allemands, il sera bien vite dépassé 
								: en 1570, au plus fort de ces incursions, 
								Charles III sera réduit à emprunter à huit pour 
								cent (189). L'année suivante, il fixera 
								l'intérêt à sept pour cent (190) et c'est à ce 
								taux qu'il empruntera, même dans cette année 
								1587 où la Lorraine courut les plus grands 
								périls, et où, pour lever et payer une armée, le 
								duc dut contracter tant de dettes. 
								Quant aux prêteurs, ils appartiennent à toutes 
								les classes de la société et il ne semble pas 
								qu'il y ait eu alors en Lorraine, comme en 
								France, une catégorie spéciale des gens de 
								finances (191). Prêtait qui avait de l'argent 
								liquide, par exemple des membres de la haute 
								noblesse, comme Ferry de Lignivillie, seigneur 
								de Tantonville, qui a fourni 2.000 francs à René 
								II, et Jean d'Haussonville, qui en a avancé 
								5.000 au duc François (192), Jean, comte de 
								Salm, seigneur de Viviers, maréchal de Lorraine, 
								qui a prêté au duc François 2.000 écus d'or au 
								solleil valant 6.750 francs de Lorraine (193). 
								On voit aussi, parmi les créanciers du duc, des 
								fonctionnaires de tout rang, par exemple un 
								bailli d'Allemagne, dont le nom manque, qui a 
								prêté 6.000 francs (194), Nicolas Mengin, 
								président de la Chambre des comptes de Lorraine, 
								à qui sont dus 7.687 francs (195), Louis de 
								Lescut, lieutenant du bailli de Nancy, qui a 
								prêté 4.000. francs au duc Antoine (196), Jean 
								Beurges, contrôleur général de Lorraine, qui en 
								a versé 6.000 au duc François (197), un prévôt 
								de Blâmont qui a avancé 4.000 francs au même 
								(198). 
								Les prêteurs sont moins nombreux dans la 
								bourgeoisie qui n'était sans doute pas très 
								riche. On voit cependant un bourgeois de 
								Pont-à-Mousson, Chardin Serrières, qui a prêté 
								1.066 francs au duc Antoine en 1543, et ce 
								médecin dont il a été question dans le tableau 
								des dépenses, Sébastien Boucquet, qui a fourni 
								1.500 francs au duc François (199). D'autre 
								part, les quatre gouverneurs d'Epinal, agissant 
								au nom de leur ville, qui est prospère, ont 
								prêté 4.000 francs au duc Antoine en cette même 
								année 1543 où il lui fallait armer pour défendre 
								sa neutralité (200). 
								Le clergé également figure parmi les créanciers 
								des ducs, mais pour des sommes modestes. Dans le 
								clergé séculier, Gilles de Trèves, doyen de la 
								collégiale Saint- Maxe de Bar, et fondateur dans 
								cette ville d'un collège qui portait son nom, a 
								prêté 2.800 francs au duc François (201). Dans 
								le clergé régulier, on voit mentionnées l'abbaye 
								de Belchamps pour 500 francs, celle de Sainte- 
								Marie-au-Bois pour la même somme, et celle de 
								Saint- Sauveur en Vosges pour 1.012 francs 
								(202). 
								On aimerait savoir, mais on ignore jusqu'à quel 
								point ces prêts ont été librement consentis. 
								Plus tard, dans des jours d'urgente nécessité, 
								le duc Charles III sera obligé de recourir à des 
								sortes d'emprunts forcés. Et il y avait eu 
								également des circonstances critiques et des 
								périls pressants sous les règnes d'Antoine et de 
								François Ier. 
								(A 
								suivre.)  
												
								(1) LEPAGE et 
								GERMAIN, Complément au nobiliaire, p. 256 et ss. 
								(2) ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 482-484. - 
								SOUHESMES, Etude sur la criminalité, p. 106, 
								croit que cette mesure de Chrétienne est 
								inspirée par les canons du concile de Trente 
								contre le duel ; mais c'est en 1563 seulement 
								que ce concile a condamné le duel (SARPI, t. II, 
								p. 743). Il s'est ouvert le 13 décembre 1545, 
								quelques jours avant que Chrétienne fît son 
								mandement, et il eut tout d'abord à s'organiser, 
								à régler des questions de procédure et de 
								préséances, avant de songer à légiférer. 
								(3) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 59 v°. 
								(4) Ibid., fol. 85 v°. 
								(5) lbid., fol. 71. 
								(6) lbid., fol. 10 v° : B 26. fol. 166 v°. 
								(7) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol. 27 v°. 
								(8) Ibid., B 10.356, fol. 17. 
								(9) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 351. 
								(10) Peut-être Villers-devant-Orval, province 
								belge de Luxembourg, arrond. Virton, cant. 
								Florenville. 
								(11) Arrêt du 1er septembre 1547 (Arch. 
								M.-et-M., B 24, fol. 102). 
								(12) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 204 v°. - 
								Batilly, cant Briey ; Récicourt, cant. 
								Clermont-en-Argonne. 
								(13) Ibid., B 26, fol. 177 v°. - Lisle-en-Barrois, 
								cant. Vaubecourt ; Seraucourt, cant. Triaucourt. 
								(14) Tout ce litige est relaté dans les lettres 
								patentes du 29 décembre 1548 (Arch. M.-et-M., B 
								23, fol. 195-200). Dans le même registre, fol. 
								360 v°, est une commission au bailli d'Epinal 
								pour exécuter la sentence. 
								(15) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 355 v°. 
								(16) Par M. Gaston ZELLER dans. l'Annuaire de la 
								Société d'archéologie de Metz, 1928, p. 571-578 
								; il est aussi question de oe litige dans la 
								Gallia christiana, t. XIII, col. 910. 
								(17) Chef-lieu cant. de l'arrond. Mirecourt. 
								(18) SOUHESMES, La criminalité, p. 143. 
								(19) B. N., Coll. lorr., 259 bis, fol. 1. 
								(20) Arch. M.-et-M., B 416, fol. 357 V. 
								(21) Ibid., B 28, fol. 8. 
								(22) POIRIER, Metz, Documents généalogiques, p. 
								313 ; Mém. Acad. Stanislas, 1883, p. 189 ; LA 
								CHENAYE-DESBOIS, Dict. de la noblesse, t. X, p. 
								272. 
								(23) LEPAGE, Comm. Meurthe, 1.1, p. 261. - 
								Condé, aujourd'hui Custines, cant. Nancy-Est. 
								(24) Arch. M.-et-M., B 1071, fol. 231 v° ; B 
								1076, fol. 220 v°, 223. 
								(25) Invent. des ducs de Lorr., p. VIII-XII ; 
								Mém. Acad. de Stanislas, 1880, p. 323. 
								(26) Arch. M.-et-M., B 622, nos 49-51. Sur ce 
								procès, cf. DUMONT, Justice criminelle, t. II, 
								p. 147 ; Louis LALLEMENT, dans J.S.A.L., 1858, 
								p. 122-134 ; Dr DONNADIEU, L'hérédité, p. 99. 
								(27) Arch. M.-et-M., B 8633. 
								(28) Ibid., B 1076. fol. 268 ; B. 2460, fol. 
								108. 
								(29) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 101. 
								(30) Ibid., B 26, fol. 232. 
								(31) Ibid., B 23, fol. 334 v°. 
								(32) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 171 v°. - Parroy, 
								canton Lunéville-Sud. 
								(33) Ibid., B 23, fol. 5, v°. - Salmagne, arr. 
								Bar-le-Duc, cant. Ligny. 
								(34) Ibid., B 23, fol. 120. - Sommerviller, 
								cant. Lunéville-Nord. 
								(35) Ibid., B 23, fol. 165 v°. 
								(36) Ibid., B 26, fol. 169. - Ceintrey, cant. 
								Haroué. 
								(37) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 62. 
								(38) Ibid., B 23, fol. 226 v° ; B 26, fol. 271. 
								(39) Ibid., B 23, fol. 221. 
								(40) Ibid., B 26, fol. 64. 
								(41) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 289. 
								(42) Ibid., B 26, fol. 75 v°. - Brainville, 
								Haute-Marne, cant. Bourmont. 
								(43) Ibid., B 26, fol. 137. 
								(44) Ibid., B 23, fol. 101. 
								(45) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 89. 
								(46) Ibid., B 23, fol. 72. - Bouzonville, 
								chef-lieu cant. de l'arr. Thionville. 
								(47) lbid., B 2108, fol. 74. 
								(48) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 74, rémission 
								citée par Souhesmes, p. 230. - Dommartin-sous-Amance, 
								cant. Nancy-Est. 
								(49) Mgr BONNARD, p. 32. 
								(50) B. N., Coll. lorr., 222, fol. 29. 
								(51) Biblioth. de l'Institut. Collect. Godefroy, 
								ms. 338, fol. 1&4. 
								(52) B. PICART, Hist. de Toul, p. 634-635 ; 
								PIMODAN, p. 11 ; Eug. MARTIN, Hist. des 
								diocèses, t. I, p. 594. 
								(53) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 61. 
								(54) Eug. MARTÍN, op. cit., t. I, p. 596. 
								(55) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 178. 
								(56) Lettres patentes du 16 février 1552, n. st. 
								(Arch. M.-et-M., p, 27, fol. 27 v°). 
								(57) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 319. - 
								Fontenoy-en-Vosges est dans le canton de Bains, 
								Thicourt dans le canton de Faulquemont. 
								(58) Ibid., B 23, fol. 171 v°. - Dagonville, 
								cant. Commercy. 
								(59) Ibid., B 26, fol. 77. 
								(60) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 77. 
								(61) Ibid., B 26, fol. 66. 
								(62) Ibid., B 26, fol. 5 v°. - 
								Chaumont-sur-Aire, cant. Vaubecourt. 
								(63) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 63. - Auzéville, 
								cant. Clermont-en-Argonne. 
								(64) Ibid., B 23, fol. 56 v°. - Bouconville, 
								cant. Saint-Mihiel. 
								(65) Arch. M.-et-M., B 23, fol. 64 v°. 
								(66) Ibid., B 23, fol. 133 v°. 
								(67) lbid., B 23, fol). 340. - Vaudémont, cant. 
								Vézelisie. 
								(68) Ibid., B 23, fol. 267. 
								(69) lbid., B 23, fol. 204 v°. 
								(70) Ibid., B 26, fol. 83 v°. - Mélignry-le-Grand, 
								cant. Void. 
								(71) Ibid., B 26, fol. 267. 
								(72) lbid., B 27, fol. 33 v°. - Hattonchâtel, 
								cant. Vigneulles. 
								(73) Arch. M.-et-M., B 27, fol. 204. 
								(74) Ibid., B 26, fol. 234. 
								(75) Ibid., B 26, fol. 106, 175 v°. - 
								Herbéviller, cant. Blâmont. 
								(76) Ibid., B 23, fol. 14 v°, 359. 
								(77) Ibid., B 26, fol. 7-9. - Bouconville, cant. 
								Saint-Mihiel. 
								(78) Ibid., B 23, fol. 15 v°, 255 V. 
								(79) Ibid., B 23, fol. 134 v, ; B 27, fol. 152 
								v°. 
								(80) Ibid., B 23, fol. 106. 
								(81) Ibid., B 23, fol. 100 ; B 26, fol. 261. 
								(82) Ibid., B 23, fol. 31, 93 v° ; B 27. fol. 
								208. 
								(83) Ibid., B 23, fol. 55 v°. 
								(84) Ibid., B 26, fol. 113. 
								(85) Ibid., B 23, fol. 64, 155 v°, 279 v°, 329 
								v°, 311 v°, 178. 
								(86) SARPI, t. II, p. 740. 
								(87) Mathieu Ier, chap. III. 
								(88) Arch. Meuse, B 548, fol. 186. 
								(89) Arch. M.-et-M., B 6174, fol. 40 v° ; B 
								6175, fol. 41 v°. 
								(90) Ibid., B 8140, fol. 144-145. 
								(91) D'ordinaire, on la vieillit en mettant sa 
								naissance en 1462 ; il paraît certain que ses 
								parents se sont mariés en décembre 1463. 
								(92) La vie et trespas, fol. Q 9, 3-5. 
								(93) Lettre du 17 mars 1547 dans J.S.A.L., 1870, 
								p. 159-160. 
								(94) Arch. M.-et-M., B 8141, fol. 140 v°. 
								(95) Ibid., B 23. fol. 274 v°. 
								(96) Paul DENIS, Ligier Richier, p. 312. 
								(97) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 198. - 
								L'Etanche, comm. de Deuxnouds-aux-Bois, cant. 
								Vigneulles. 
								(98) Ibid., B 4436. 
								(99) Ibid., B 1076, fol. 176 v°. 
								(100) Ibid., B 10.356, fol. 16 v°. 
								(101) Ibid., B 10.357, fol. 31 v°. 
								(102) Ibid., B 23, fol. 20 v°. 
								(103) Ibid., B 1076, fol. 18 v°. 
								(104) Ibid., B 1082, 4436, 5277 (fol. 67 v°), 
								9819. 
								(105) Ibid., B 4436. 
								(106) Ibid., B 6175. 
								(107) Ibid., B 23, fol. 146 v° ; B 26, fol. 241 
								v°. 
								(108) Ibid., B 26. fol. 146 v°. 
								(109) Ibid., B 26, fol. 255 v° ; H. LEPAGE, 
								L'abbaye de Saint-Martin, dans M.S.A.L. 1878, p. 
								165 ; dom CALMET, Hist. maison du Châtelet, p. 
								192-195. 
								(110) ROGÉVILLE, Dictionn., t. I, p. 565-569. 
								(111) Arch. M.-et-M., B 1077, fol. 107 yo. 
								(112) H. DANNREUTHER, dans Mém. de la Soc. des 
								lettres de Bar- le-Duc, 1883, p. 95-96. 
								(113) A. DE MAHUET, Biographie de la Chambre des 
								comptes de Lorraine, p. VI. 
								(114) Arch. M.-et-M., B 10.357, fol. 49. 
								(115) Arch. M.-et-M., B 10.356, fol. 8. 
								(116) Ibid., B 10.356 et ss. On lit sur le 
								premier registre : 1545, mais comme dès les 
								premières lignes il est question des tuteurs, 
								nous avons la preuve qu'il faut entendre 1546 de 
								notre calendrier. - Il n'y a pas de collection 
								analogue pour la Chambre des comptes de Bar. 
								(117) Cette ordonnance, dont les dates de mois 
								et de jour sont restées en blanc, est analysée 
								par Henri LEPAGE dans M.S.A.L. 1869, p. 195-197, 
								d'après l'original sur parchemin (Arch. 
								M.-et-M., B 844, n° 43). Elle compte de 70 à 80 
								articles non numérotés. Lepage constate qu'elle 
								est en grande partie illisible et qu'on n'en 
								peut déchiffrer que quelques passages. Il va 
								sans dire qu'elle est encore plus illisible en 
								1936 qu'en 1869. 
								(118) Arch. M.-et-M., B 10.356, fol. 21. 
								(119) Ibid., B 1088, fol. 102. 
								(120) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 195. 
								(121) M.S.A.L., 1869, p. 213-214. 
								(122) Arch. M.-et-M., B 1082, fol. 13. 14. 
								(123) Ibid., B 1084, fol. 13, 14. 
								(124) Ibid., B 1088, fol. 15, 17. 
								(125) lbid., B 1078, 1080. 
								(126) Ibid., B 1079, fol. 132. 
								(127) Arch. M.-et-M., B 1080, fol. 229-245. 
								(128) Les comptes de ces receveurs sont aux 
								Archives de Meurthe-et-Moselle, mêlés dans 
								l'ordre chronologique aux comptes du trésorier 
								général et d'autres agents. 
								(129) Leurs comptes sont aux Archives de la 
								Meuse, B 539 et ss. 
								(130) « Papier et compte des, receptes et 
								despences faictes par Jehan d'Amance, chambre 
								aux deniers de Mgr le duc. » (Arch. M.-et-M., B 
								989.) Ce compte, qui s'applique à l'exercice 
								1491-92, est le deuxième présenté par Jean d'Amance 
								; le premier manque. Les comptes suivants 
								donnent toujours au comptable ce même titre de « 
								Chambre aux deniers », et dans, celui de 1494-95 
								(B 993), on voit que Jehan d'Amance est en 
								réalité Jehan Gerlet, d'Amance. 
								(131) Arch. M.-et-M., B 989. 
								(132) Henri LEPAGE qui donne quelques 
								indications sur les receveurs et trésorier dans 
								ses Offices des duchés de Lorraine et de Bar (M.S.A.L., 
								1869, p. 208-9), ne dit rien de l'argentier. 
								(133) Compte de 1544 (B 1073). 
								(134) Arch. M.-et-M., B 24, fol. 15 v° ; B 26, 
								fol. 233 v°. On ignore à quelle date exacte il 
								devint trésorier général, les lettres patentes 
								de 1544 et 1545 n'existant plus. 
								(135) Le plus ancien compte qui nous reste de ce 
								La Ruelle est de 1557 (B 1114), mais il est 
								intitulé « Compte sixiesme ». Dès 1548, il est 
								qualifié argentier du duc, avec 200 fr. de 
								gages. (Ibid., B 1084. fol. 45) 
								(136) M.S.A.L., 1869, p. 209. 
								(137) Voir le compte de 1523 publié par DOUCET 
								dans le Bull. histor. du Comité des travaux 
								histor., 1920, p. 32. 
								(138) Arch. M.-et-M., B 1091, in-4° de 282 
								feuillet. - Les archives possèdent deux autres 
								registres récapitulatifs analogues, B 1051 pour 
								les années 1524 à 1532, B 1113 pour les années 
								1545 à 1557. 
								(139) Henri LEPAGE dans M.S.A.L.. 1875. D. 8. 
								(140) MAXE-WERLY, Recherches sur les monnayeurs, 
								p. 82-95. 
								(141) Ordonn. du 20 déc. 1511, dans ROGÉVILLE, 
								Dict., t. II, p. 95-96. 
								(142) H. LEPAGE, op. cit., p. 48-49. 
								(143) L. WIÉNEE dans M.S.A.L., 1900, p. 108-114. 
								(144) WIÉNER, op. cit., et DE SAULCY, Recherches 
								sur les monnaies, p. 129-130. 
								(145) Arch. M.-et-M., B 1091, fol. 92-93. 
								(146) Ibid., B 1079, fol. 1-29. 
								(147) Chrétienne de Danemark, à qui elle avait 
								été donnée en douaire. 
								(148) Par exemple les recettes du passage de 
								Nancy., Arch. de M.-et-M., B 7549-7685. 
								(149) Ibid., B 1080, fol. 151-157. 
								(150) Arch. M.-et-M., B 1092, fol. 14 v°. 
								(151) Ibid., B 1091, fol. 9, 12, 21. 
								(152) Arch. M.-et-M., B 26, fol. 103 v°. 
								(153) Ibid., B 26, fol. 111. 
								(154) Ibid., fol 28. 
								(155) Ibid., fol. 246. - Dans tous ces 
								abornements, il ne s'agit que de l'aide 
								ordinaire ou aide Saint-Remy. 
								(156) Ibid., B 1113, fol. 49. 
								(157) Arch. M.-et-M., fol. 32. 
								(158) Ibid., B 1077, fol. 123 ; B 10.356, fol. 
								19. 
								(159) Cf. Pierre BOYÉ, Les abeilles, la cire et 
								le miel en Lorraine, dans M.S.A.L., 1906, p. 
								5-108. 
								(160) La cire ne coûtant rien, on en faisait une 
								consommation énorme à l'enterrement des membres 
								de la maison ducale : pour Antoine, on met 650 
								cierges rien que sur le catafalque ; quand le 
								corps du duc François arrive à Saint-Nicolas, 
								les bourgeois et écoliers qui vont le recevoir 
								portent un millier de cierges ; quoique Philippe 
								de Gueldre ait des obsèques bien simplifiées, 
								puisqu'elle a renoncé au monde, on envoie à 
								Pont-à-Mousson 157 livres de cire pour faire le 
								luminaire ; il y a plus de 2.000 cierges à 
								l'enterrement de la duchesse Claude en 1575 (P. 
								MAROT, Recherches sur les pompes funèbres, p. 
								29, 30, 38, 40). 
								(161) Voici deux exemples de gages partie en 
								argent, partie en nature : Humbert de Donoourt, 
								capitaine de Châtenois, reçoit par an 60 fr., 30 
								résaux de blé, 40 résaux d'avoine ; Philippe des 
								Sales, capitaine de Neufchâteau, reçoit par an 
								200 fr., un muid de sel, douze chars de foin, 
								six livres de cire, plus un cent de poissons sur 
								un étang des Vosges chaque fois qu'il est péché. 
								(Arch. M.-et- M., B 1076, fol. 198, 200.) 
								(162) Arch. M.-et-M., B 1079, fol. 32 à 164. 
								(163) Condé-sur-Moselle, aujourd'hui Custines, 
								cant. Nancy-Est. 
								(164) Anne de Lorraine, fille du duc Antoine, 
								avait épousé en août 1540, René de Châlon, 
								prince d'Orange. 
								(165) Cf. J.S.A.L., 1898, p. 89. 
								(166) Marie de Lorraine, fille de Claude, 
								premier duc de Guise, nièce d'Antoine. Née en 
								1515, elle épousa, en 1534, Louis d'Orléans, duc 
								de Longueville, qui mourut peu après, et se 
								remaria en 1538 à Jacques V, roi d'Ecosse. 
								(167) L'autre moitié lui est payée par le 
								receveur général du duché de Bar. Il s'agit de 
								Nicolas de Lorraine, évêque de Metz, l'un des 
								tuteurs. 
								(168) En 1528, le duc Antoine avait acheté à ce 
								comte moitié de la ville de Boulay. 
								(169) Ambrosio Precipiano, ingénieur italien. 
								(170) Soldats de seconde catégorie qui tiennent 
								garnison dans les forteresses et s'opposent aux 
								soldats qui font campagne. 
								(171) Cf. plus haut, p. 125. 
								(172) Arch. M.-et-M., B 1078, fol. 32. 
								(173) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 86. 
								(174) lbid., B 1082. fol. 94 : B 1084. fol. 8fl. 
								(175) Ibid., B 1082, fol. 28-29. 
								(176) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 30-31. 
								(177) Ibid., B 1092, fol. 53, 54. 
								(178) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 46. - On 
								trouve ailleurs le nom complet du chirurgien, 
								Philippe Dautreppe. 
								(179) Bartolomeo Castel San-Nazar, seigneur de 
								Morley, né à Côme, devenu vers 1520 médecin du 
								duo Antoine. Cf. M.S.A.L.,. 1887, p. 5-35. 
								(180) Arch. M.-et-M., B 1084, fol. 79 v°. 
								(181) Ibid., B 1084, fol. 85 v°. 
								(182) Ibid., même fol. 
								(183) BOUSTRIC dans les Notices et extraits des 
								manuscrits, t. XX, 21 partie, 1862, p. 209-213. 
								(184) Voir les travaux de MM. JACQUETON, 
								Documents relatifs à l'administration financière 
								; MEYNIAL, dans la Revue histor. de droit, 
								1920-1921 ; Roger DOUCET, dans le Bull. histor. 
								du Comité, 1920. 
								(185) De même aujourd'hui, dans les Archives 
								départementales, les budgets des communes. sont 
								supprimés après quelques années, tandis que 
								leurs comptes sont gardés perpétuellement. 
								(186) Voir nos Etats généraux de Lorraine. D. 
								218. 454. 
								(187) Arch. M.-et-M., B 1091, fol. 9-22. 
								(188) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 644, 
								signale cette ordonnance, mais ajoute qu'il ne 
								la publie point parce qu'elle lui paraît 
								suspecte. Nous n'avons pu en découvrir le texte. 
								(189) Arch. M.-et-M., B 539, n° 18. 
								(190) ROGÉVILLE, Dictionn., t. II, p. 644. 
								(191) Voir l'ouvrage de SPONT sur Semblançay. 
								(192) Arch. M.-et-M., B 1076, fol. 175 v°, 190V. 
								(193) Ibid., B 1077, fol. 89. 
								(194) Ibid., B 9379. 
								(195) Ibid., B 1082, fol. 115. 
								(196) Ibid., B 1076, fol. 185. 
								(197) Ibid., B 1084, fol. 112. 
								(198) Ibid., B 1088, fol. 133. 
								(199) Ibid., B 1078, fol. 106, 108. 
								(200) Arch. M.-et-M., fol. 104. 
								(201) Ibid., B 1082, fol. 115. 
								(202) Ibid., B 1078, fol. 115 ; B 1086, fol. 96. 
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