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Episodes de l'histoire des routiers en Lorraine

Henri LEPAGE

NDLR : Dans le chapitre XIII des Vieux Châteaux de la Vezouze, E. Ambroise évoque "'un bandit fameux, surnommé l'archiprêtre". Pareillement, Edmond de Martimprey, dans Les sires et Comtes de Blâmont, nous dit que Thiébaut "appela donc à son aide les bandes d'aventuriers connus sous le nom de Bretons et commandés par un chef nommé l'Archiprêtre".


JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DU COMITÉ DU MUSÉE LORRAIN.
SEPTEMBRE ET OCTOBRE 1866.

Dans le cours des années 1362 à 1365, la Lorraine, le Barrois et les Trois-Evêchés furent dévastés par des troupes d'aventuriers, que les chroniqueurs désignent sous le nom de Bretons, bien que ce fussent non seulement des Bretons, mais encore des Anglais, des Normands, des Gascons, des Picards et d'autres gens de tous pays, attirés par l'attrait du pillage. Ces routiers avaient pour chef le descendant d'une maison (1) qui tenait un rang distingué dans la noblesse de Périgord : il s'appelait Arnauld de Cervolle, mais on le désignait plus communément sous le surnom de l'Archiprêtre ; surnom qui lui venait apparemment de ce que, quoique chevalier et marié, il possédait, à titre de commende ou de bénéfice, un archiprêtré, celui de Vezzins ; localité dont on ignore la véritable situation.
Il parait pour la première fois dans l'histoire à l'occasion de la bataille de Poitiers, donnée le 18 septembre 1386. II y fut blessé et fait prisonnier avec le roi Jean. Sa rançon ayant été payée par le seigneur d'Audenham, maréchal de France, il revint dans ce pays l'année suivante. Ne connaissant d'autre occupation que la guerre et le pillage, l'Archiprêtre se mit alors à la tête d'une troupe de routiers, formée dans le Limousin, l'Auvergne et les pays voisins du Rhône. Après avoir ravagé la Provence, rançonné le pape et toute sa cour, il passa en Bourgogne, où il commit les mêmes brigandages, puis rentra en Provence en 1358.
[...]
Les routiers avaient à peine quitté le service du comte de Vaudémont, qu'ils étaient rappelés en Lorraine par un autre seigneur, qui avait besoin de leur dangereux secours : c'était Thiébaut de Blâmont, alors en guerre avec l'évêque de Strasbourg et le comte de Salm.
«  En celle année (1364), dit la Chronique du doyen de Saint-Thiébaut, ot li comte de Blammont grant guerre encontre l'évesque de Strasbourg et le josne seignour de Salm, seignour de Vivier, et espécialement encontre le sire Thiébaus de Havestenne (Ravestein) ;... dont il advint à la fin que ledit comte ammoinat les Bretons en son aide, et chevauchait en Aussay (Alsace) et en la terre du seignour de Salme;... et demourait ledit comte en pays tout à sa volontey, et demourait par l'espasse de trois sepmaines ; et après il s'en rallont par de costé Morehenges, et retournont arrière en l'aide de Pierre de Bar encontre ceulx de Metz. »
La Chronique raconte ainsi cette nouvelle expédition des routiers, sous la date de 1365 : «  En celle année ot Pierre de Bar, filz de sire Henry de Bar, chevalier, grant guerre contre ceulx de Metz pour la ville de Naweroy (2)... Et ot Pierre de Bar en son ayde Gremment et plusiours autres Bretons, que le comte de Blammont ot heu avec luy quand il ot heu guerre contre ceulx d'Aussay. A la fin, devers la Penthecouste, ly Archeprestre, avec aucune mauvaise gens sans foy, en la somme de plus de xl. m. (3), qui ne prisoient leur vie une angevinne, vinrent on vaulx de Metz à grant hoste, et allont passer Moselle encontre Moulin et vinrent à Magney ; dont il advint que nos boins citains de Metz... orent teil conseil, pour autant que ly Archeprestre et ses compaignons demandoient une somme d'argent pour aller oultre mer, ensy comme le Roy de France lor avoit ordonné ; car ilz eussent fourfayt tout le pays, sy comme ilz firent en Aussay, où ly Empire de toute l'Allemaigne fut esté perdue ; dont ceulx de Metz leur donnont x. m. florins ;... et ly conseil flst tant que ly autres viij furent trouveit, par ency qu'ilz debvoient avoir bonne paix...
«  Après, ledit Archeprestre passa sauve, et s'en allait jusques à Strasbourg à grant force, que ly Emperour et toute Allemaigne ne leur flrent oncques rien ; mais que de tant qu'ilz brixont les passages, parquoy ils ne polrent passer le Rhin ; et quant il ot esté en Aussay par l'espace d'un moy, adonq ly Emperour s'en forfait de gens, et les poursuirent en jusques à Sainct-Nicoolay-de-Port, sans rien mesfaire ; et là se despartit la compaignie (4). »
La Chronique ajoute : «  Item, en ladite année (1565), après la S.-Remy, vinrent les Bretons en la comté de Lucembourg, dont ly duc de Brabant les en chaissait, en jusques delà Bar-le-Duc ; toutes voyes, aucuns en furent retenus et pendus. »
Suivant Dom Calmet (5), les routiers se seraient ensuite jetés sur les terres de l'évêché de Toul, où ils auraient commis d'affreux ravages ; un de leurs chefs s'était emparé de la forteresse de Brixey, où il se maintint, malgré les efforts du duc de Lorraine et de l'évêque Jean de Heu, lequel, après l'avoir inutilement assiégé, fut obligé de lui délivrer douze cents florins pour l'obliger à se retirer.
Ceci se passait en 1367. Le 19 novembre de l'année précédente, le roi de France et les ducs de Lorraine et de Bar avaient fait une alliance «  pour résister et contrester à la male volonté et propos que aucunes gens de compaigne » auraient ou pourraient avoir de porter dommage à eux et à leurs sujets (6).
Sur la fin de 1369, l'Archiprêtre avait quitté la conduite des compagnies et était revenu en France, où il passa tranquillement le reste de ses jours. Il mourut en Provence, l'année suivante, laissant deux enfants, Philippe et Marguerite. 

(1) Celle de Cervole, Cervolle ou Servola. - Voy., dans les Mémoires de l'ancienne Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXV, p. 153-168, l'Histoire d'Arnaut de Cervolle, dit l'Archiprêtre, par le baron de Zurlauben.
(2) Norroy-le-Veneur.
(3) Il est permis de supposer que le chroniqueur exagère quelque peu : il n'est guère présumable, en effet, qu'Arnauld de Cervolle pût être à la tête d'une armée de 40,000 hommes.
(4) Suivant une chronique citée par Dom Calmet, le duc Jean aurait attaqué, vaincu et dispersé les routiers près de Saint-Nicolas ; mais les chroniques de Metz, dont l'autorité est plus grande, ne parlent pas de ce fait d'armes.
(5) Histoire de Lorraine, t. II, c. 533.
(6) Voy. Annales du Barrois, p. 488


Autre relation sur les misères en Lorraine causées par les routiers :

Histoire démocratique et anecdotique des pays de Lorraine, de Bar et des trois Evêchés (Metz, Toul, Verdun), depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution française.
Tome 2
J.-B. Ravold
Éditeur C. Bayle (Paris) - 1889

En 1360, après la paix inaugurée par le traité de Bretigny, le Barrois et la Lorraine eurent à repousser le brigandage de seize mille soldats licenciés. C'était la première attaque des Bretons que nous retrouverons plus loin. Adhémar, évêque de Metz, contribua à la victoire et mourut peu après, laissant engagés, par ses folles guerres, les plus beaux domaines du diocèse.
Jean Ier, de retour dans ses États, épousa Sophie de Wurtemberg. Chevrier s'amuse du récit de D. Calmet, annonçant qu'à cette occasion, il y avait bonne chère, des violons et des fontaines de vin. Le jour même des noces, le duc assembla solennellement autour de lui quarante des principaux seigneurs de Lorraine et de Bar, jura lui-même et leur fit jurer une paix universelle jusqu'au lendemain de Pasques communiant en l'an mil sept cent sexante-trois.
L'ardeur belliqueuse de Jean Ier manquant d'aliment pendant cette paix, ce duc alla chercher au loin des périls et des combats. Il passa en Bretagne et lutta à côté de Duguesclin à la bataille d'Auray où il fut fait prisonnier avec ce grand capitaine. A peine remis en liberté il courut, au lieu du roi de France. Jean II (le Bon?), son parrain, offrir ses services aux chevaliers teutoniques menacés par Olger, duc de Lithuanie, et remporte près de Thorn, une victoire complète. De Lithuanie, Jean revint guerroyer en Champagne avec le comte de Vaudémont, au profit du Dauphin.
Pendant ces courses aventureuses du duc, son pays était désolé par les incursions et les ravages des Bretons, bandits anglais, normands, gascons, picards, etc., «  touttes maulvaises gens sans foy, sans loy, lesquels ne prisoient leur vie une angevine. » Ces routiers (2) avaient pour chef Arnould de Cervolle. dit l'Archiprêtre, noble périgourdin, odieux personnage qui épousa une noble demoiselle et fit souche de hauts et puissants seigneurs.
Appelé dans notre pays par Eudes de Grancey. désireux de l'avoir pour auxiliaire contre le duc Robert de Bar, l'Archiprêtre ravagea la Lorraine et surtout le Barrois(3). Après de longues dévastations, le duc de Bar, pour l'éloigner, lui paya vingt mille florins d'or. Presqu'en même temps, l'évêque de Toul, pour récupérer le château de Brixey, occupé par des bandits, leur versa douze cents florins d'or.
Vers 1364 (D. CALMET, t. II, p. 554) Henri V, comte de Vaudémont (on ne sait à propos de quoi), commença à ravager les terres de la Lorraine. Jean s'allia avec le duc de Bar, les évêques de Toul et de Verdun et les bourgeois de Metz, puis, ensemble, ils portèrent la guerre dans le comté de Vaudémont où ils mirent tout à feu et à sang. Henri Y prit à sa solde l'Archiprêtre avec lequel il traita d'égal à égal et qui, de son côté, le qualifiait de «  très cher et très amé frère. » (LEPAGE.) Vaudémont l'amena avec ses bandes en Lorraine où ils commirent une infinité de désordres et se saisirent même de quelques forts destinés à renfermer leurs butins. Enfin on en vint aux mains près de Saint-Blin. Les Lorrains, pour la première fois, se servirent de canons. (LEPAGE) Vaudémont fut battu. «  On lui tua dix mille hommes et on prit quatre cents prisonniers (4). Vaincu, mais non réduit, Henri refusait la paix avec opiniâtreté. Grâce au roi de France et A l'empereur Charles IV, elle fut cependant conclue, vers l'an 1365. »
Tous ces maux accumulés à la fois, ces combats sans avantage de part ni d'autre, avaient réduit la Lorraine à un état d'épuisement et de misère extrêmes. La peste qui sur vint, acheva de désoler le pays. Déjà auparavant le peuple pour se mettre â couvert de la fureur des Bretons, s'était retiré dans les bois et les montagnes où il périt un grand nombre de ces pauvres gens. » (Hist. de Toul, 1707, p. 108.)
En 1365 (CLOUET, Verd.. t. III, pp. 318-19), soixante mille routiers, sans les valets et poursuivants, furent conduits par l'Archiprêtre et Pierre de Bar (sire de Pierrefort) par Metz où on offrit dix-huit mille florins aux chefs pour qu'ils menassent ailleurs «  leurs maudits chiens enragés. » L'évêque de Metz, Thierry de Boppart, étant à Vic, donna de beaux coursiers aux chefs qui dirent de lui que «  c'étoit un des biaulx prélats qu'ils eussent oncques veus » (5).
Ces bandes se dirigèrent vers l'Alsace qu'elles ravagèrent. Battues par l'Empereur, elles refluèrent vers La Lorraine qu'elles parcoururent pendant près d'un an. Jean les accabla, une première fois entre Laneuveville et Saint-Nicolas, et peu après, en défit trois mille près de Thionville. Dispersées un instant, ces bandes ne tardèrent pas à se reformer. A la suite de ses deux succès Jean fit avec le roi Charles V et le comte de Bar, pour deux ans, une alliance que confirma le traité de Vaucouleurs (1367).
Cette louable pacification n'empêcha pas les Messins, les Barisiens, le sire de Pierrefort et plusieurs autres seigneurs de se faire une guerre opiniâtre. Des châteaux pris et repris, des champs ravagés, des brigands pendus et décapités, des princes, des chevaliers jetés dans les fers : tels furent les résultats de cette lutte insensée. Dans les plaines de Ligny, le duc de Bar tombe avec soixante gentilshommes au pouvoir des Messins (6) qui assiègent ensuite les tours de Gondrecourt et de Mussey et le château de Belleville dont ils s'emparent (1368).
Après une trêve, la guerre s'allume de nouveau entre les Messins et les Lorrains. Ceux-ci surprennent la ville de Marsal, le jour de Saint-Vincent 1369 ; mais, dès le lendemain l'évêque Thierry de Boppart les oblige d'en sortir. La joie de Marsal devint dès lors une expression proverbiale pour signifier une joie promptement évanouie.
Le duc de Bar, en acceptant de payer aux Messins une rançon de soixante mille florins d'or pour lesquels le duc Jean se rendit caution, recouvra la liberté (7). Furieux, et sous prétexte qu'on avait doublé le chiffre exigé pour son rachat, il ravagea deux fois les terres des Messins sans que les bourgeois, occupés à combattre d'autres ennemis, pussent exercer des représailles (1370) (8).
L'année suivante, le sire de Pierrefort uni au duc de Lorraine, portèrent ensemble le fer et la flamme sur les rives de la Moselle. Les Messins, réduits à l'extrémité, appelèrent à leur secours trois chefs d'aventuriers qui coururent presque toute la Lorraine, y commirent mille cruautés, ruinèrent Neuf-château, Rosières, presque toutes les villes du Saunois et rentrèrent dans Metz chargés de butin. Le duc de Lorraine les suivit et assiégea inutilement la ville pendant trois mois. A la fin, il envoya aux Messins un héraut portant un gantelet de fer ensanglanté pour les défier au combat. Ils s'y refusèrent. La querelle fut vidée par deux champions qui «  s'essayèrent par trois coups de glaive, trois coups de dague et trois coups de hache, sans succomber ni l'un ni l'autre. Après cette joute, on fit une trêve, et les troupes lorraines se retirèrent au commencement de novembre.
Quant aux bandits, ils redoublaient leurs ravages. Treize cents Bretons venaient encore de désoler les rives de la Moselle, depuis Metz jusqu'à Neufchâteau ; l'odieux sire de Pierrefort reprenait ses anciennes hostilités, quand Metz et la Lorraine, victimes de ces calamités, cessèrent de s'attaquer ; malheureusement, le duc de Bar revint à la charge. Pendant deux années, le pillage, les incendies, les violences de toute espèce désolèrent les malheureuses campagnes. Ainsi, un jour, les Barisiens vinrent surprendre les dames de Metz qui dansaient en plein champ, non loin des murs de la ville. Les Messins avertis, poursuivirent ces brigands, en tuèrent plusieurs, ramenèrent en ville les autres la corde au cou et leur firent restituer les pierreries, les écharpes et les couronnes enlevées aux dames. On trancha la tète à cinq et on en pendit dix-neuf. (Hist. de Metz, t. II, p. 272.) Sous le coup de l'indignation, les citains investirent Sampigny et Solgne, s'emparèrent de ce dernier château dont ils exterminèrent sans pitié les défenseurs.
Enfin, on se lassa de ces dévastations sans fruit, sans gloire. Déjà, au mois de février 1372 les princes lorrains et barisiens, les évêques des villes libres françaises avaient conclu, à Pont-à-Mousson, un traité d'alliance pour six années; peu après, les Messins et Pierre de Bar y accédèrent. Par ce traité ils s'engageaient à défendre et à protéger de toute leur puissance les églises, les personnes consacrées à Dieu, les marchands et les passants, dans toute l'étendue des terres de leur obéissance; d'empêcher les incendies, les vols et autres violences qu'on pourrait exercer dans leurs états; de punir ceux qui commettraient de tels désordres, et de laisser libre passage, par terre et par eau, à tous leurs sujets respectifs, en payant les droits accoutumés et établis depuis trente ans. (Hist.de Metz, t. II, p. 575.) Alors les aventuriers durent quitter le pays. Malheureusement les traités jurés sur l'honneur et sur l'Evangile étaient enfreints presqu'aussitôt que conclus; cependant ce dernier eut une durée assez longue.
C'est pendant cette trêve qu'une maladie nerveuse, épidémique, frappa les vallées de la Moselle et du Rhin. C'était une danse convulsive, nommée danse de Saint-Jean, de Saint-Guy ou de Saint-Witte (1374). Le prêtre à l'autel, le juge sur son siège se sentaient agités de cette manie (9). Lorsqu'on se rencontrait dans les rues, la contagion agissait : un danseur en entraînait plusieurs autres. On chercha à ce mal des esprits des remèdes du même genre. Un pèlerinage réussit beaucoup : un moyen physique fut celui-ci : fouler les malades aux pieds dans le temps que l'épuisement les avait jetés sur la terre ou leur serrer fortement le ventre vers le nombril. (BEXON, p. 95.)
A Metz, quinze cents personnes furent atteintes de cette affection. Les gens instruits ne se méprenaient pas sur sa nature et la guérissaient par le massage ; d'autres, qui l'attribuaient au démon, employaient les exorcismes. Plusieurs femmes, perdant toute pudeur, se prostituaient publiquement ; d'autres se laissèrent corrompre et tombèrent dans d'autres excès, (Hist. de Metz, t. II pp. 567-68.)
A peine était-on revenu de la terreur causée par cette étrange aberration mentale qu'un corps d'aventuriers comptant quatre mille lances, faisant douze ou quinze mille hommes, conduits par Enguerrand de Coucy et appelés, dit-on, par le duc de Lorraine, se présenta aux portes de Metz. Les routiers menaçaient de saccager le pays si on ne leur donnait de l'or et des vivres. Les magistrats municipaux intimidés leur comptèrent trente-quatre mille francs, à condition qu'ils respecteraient le territoire de la République qui avait alors trois lieues de rayon. L'évêque, Tierry de Boppart, à son tour, dut verser seize mille francs pour en délivrer le domaine épiscopal. Cette somme, considérable pour l'époque, acheva de ruiner ses finances : aussi le prélat fut-il obligé d'engager une partie des villes et des villages de son diocèse (10), de vendre au gouvernement municipal son droit de battre monnaie, pour soutenir une guerre de trois années contre les ducs de Lorraine et de Bar, guerre que Jean lui avait déclarée à propos des salines de Salonne et d'Amelincourt. Thierry eut d'abord quelques avantages et remporta une victoire près de Briey ; mais, après une série de succès et de ravages où, dans un seul jour, on saccagea complètement cinquante villages messins, il fut obligé de recevoir les conditions de paix des deux princes confédérés.
La Lorraine une fois pacifiée, Jean se rendit en Bourgogne pour guerroyer contre les Anglais ; pendant ce temps, des aventuriers anglais ou Grands-Bretons pénétrèrent jusque dans nos contrées et firent sauter le château de Commercy.


(1) La rareté des vivres, si grande en 1359, s'accrut encore, en 1360 et en 1368. Des accidents de température détruisirent la récolte dans quantité de vignobles (Foug, Trondes, etc.) Il n'y eut rien à treuiller (pressurer). A Metz les denrées de première nécessité se vendaient à des prix excessifs. Le froment y valait onze sous messins et trois deniers la quarte ; l'avoine six sous trois deniers, le vin quinze deniers. La culture des champs avait été abandonnée dans nombre de localités à raison de l'occupation du pays par les Anglais. (SERVAIS, t.1, p. 107.)
(2) Les officiers, armés de cuirasses, portaient des habits longs riches, et avaient la tête couverte d'une coeffe pointue ou d'un chapeau de fer ; les soldats au contraire, couverts de haillons, allaient nu-pieds. (GRAVIER, p. 174.)
(3) Dans ce pays les revenus du domaine furent insuffisants pour faire face â tous les besoins. On créa un impôt appelé prières, mot qui était synonyme de celui d'aide. - En 1356 on leva des prières pour la délivrance du duc, arrêté un instant et relâché sans condition sur les frontières de Flandres. (SERVAIS, t. I, pp. 49 et 153.) - La détresse était universelle. Les maisons les plus opulentes (ibid., p. 53) manquaient du nécessaire. Pour comble de misère une maladie épidémique vint à éclater. L'Histoire de Toul par B. PICARD nous apprend que la peste régna dans cette ville avec tant de violence qu'il y périt le quart delà population. On fermait la cité aux campagnards misérables pour écarter la contagion. L'épidémie gagna, en août, la prévôté de Pont-à-Mousson. »
A l'occasion de la paix (1301) on se livra en réjouissance â des divertissements. A cet effet, on fit, le 15 mai, sur les villages de la sénéchaussée de Lamothe une (crée d'argent pour payer les graisses qui furent envoyées an Pont pour la feste de M. le duc. (SERVAIS, p. 115.)
(4) H. Lepage (A. L.,an.1866, p.207) attribue, au contraire, la victoire au comte Henri Y. Pris en service par le comte de Vaudémont contre les ducs de Lorraine et de Bar, l'Archiprêtre les vainquit et les força â implorer la paix. Le duc de Lorraine dut payer trente et celui de Bar, vingt mille florins. Robert ordonna, le 22 septembre 1303 «  la levée d'un aide extraordinaire destiné â fournir «  la rançon » qu'il devait au comte de Vaudémont et â l'Archiprêtre. L'aide fut levée dans les prévôtés de Stenay, Marville, Longwy et Longuyon. »
On a contesté (LEPAGE) la victoire au combat de Saint-Blin au profit du comte de Vaudémont et des routiers. D. Calmet, constate lui-même la défaite des ducs de Lorraine et de Bar, sur les frontières de la Champagne.
«  Le comte de Vaudémont (Hist de Lorr., t. I, col. cciv, liste généalog. des comtes de Vaud., édit. 1728) remporta la victoire et fit mille ravages dans les terres de ses ennemis... »
(5) L'effroi que causaient les grandes compagnies Bretons) qui s'alliaient tantôt avec un seigneur tantôt avec un autre, était tel dans certains villages, en février et mars 1305, que la culture des terres y fut abandonnée. On n'osait même, par moment, sortir des villes closes,
pour s'engager sur les routes. (SERVAIS, p. 105.)
(6) Metz, comme nous l'avons déjà vu, prenait depuis longtemps à sa solde des seigneurs qui, moyennant finance, combattaient pour elle.
On possède (RÉGIN) plusieurs quittances de deux mille florins d'or touchés par des gentilshommes qui avaient servi la république avec huit ou dix de leurs gens (pp. 353-54).
Ainsi, en 1310, Metz prit à sa solde un chevalier qui devait marcher avec vingt gens d'armes équipés, moyennant 1005 écus d'or, une fois payés ; 25 sols de Metz pour chaque chevalier et 20 pour chaque écuyer, par semaine (p. 330.
- Dans la guerre de 1350, Metz avait à sa solde les sires de Forbach, de Wolmerange, de Serrières, de Raville, de Monclerc. de Condé, de Ludes, de Létricourt, de Mulneheim, de Rembeaupierre et quantités d'autres. Elle paya, à l'un 1,200 écus, à l'autre 1,000, â celui-ci 500, 400, 300, selon le nombre des écuyers, gentilshommes ou vassaux qu'ils s'obligeaient à fournir, sans préjudice de l'entretien et des appointements journaliers, montant ordinairement à 30 sous par semaine pour un chevalier et 25 sous pour un écuyer. (Ibid. pp. 338-339.)
- Les autres belligérants agissaient de même. Ainsi (SERVAIS), en 1358, un gentilhomme guerroyant pour le comte de Bar, en obtint 60 florins d'or, à titre d'indemnité pour un coursier noir qu'il avait perdu, le 20 octobre (p. 69).
- Au nombre des gens d'armes qu'en 1385, Robert de Bar opposa aux Allemands figure Habborzat de Heylimer qui s'engagea à le servir «  on armes et chevaux moyennant 50 francs d'or, payables en deux années. Une des conditions acceptées par le duc, lui imposait l'obligation de racheter le gentilhomme dans le cas où il tomberait entre les mains de l'ennemi, et celle de l'indemniser des pertes qu'il pourrait faire pendant la guerre. t. II, p. 98.»
(7) Marie de France, sa femme, fit faire des levées d'argent sur les contribuables du duché (1309) pour la rédemption du corps du duc. La châtellenie de Bourmont y fut comprise pour 616 livres, 7 sols, 11 deniers. Le clergé de la châtellenie en paya une partie. (Ibid., p. 209.)
II existe encore aux archives départementales de l'ancienne Chambre des Comptes de Lille (carton R, n° 922) une lettre du roi Charles V au pape Urbain V, par lesquelles il le prie d'autoriser la levée de deniers sur les églises des diocèses de Cambrai, de Liège et du pays de Flandre pour la rançon de son très-aimé frère, le duc de Bar. Cette levée fut autorisée par le pontife de Rome. (SMYTTERE,p. 42.)
Après le traité de Bretigny et à la suite de l'invasion des Anglais dans le Barrois, on dut lever les prières avec accompagnement de gens d'armes (pp. 102 ou 109).
Mentionnons ici un fait fort rare dans les annales historiques. - Au printemps de 1370, en avril, croit-on, le feu prit au château de Bar, et, pour l'éteindre, on employa, faute d'eau, le vin qui se trouvait dans les caves. Il ne fallut pas moins de 62 muids ou 23 queues (50 pièces de 180 litres) pour arrêter le progrès des flammes. La position du château où l'on ne pouvait se procurer de l'eau, qu'en la tirant d'un puits excessivement profond explique la nécessité où l'on se trouva de recourir â un moyen si peu usité de soustraire un édifice aux ravages du feu. (SERVAIS, p. 218.)
(8) Sous l'épiscopat de Philippe de Ville, Robert, duc de Bar, fit un emprunt de 2,500 florins aux chanoines de Toul. Ce prince n'ayant pas voulu rendre cette somme, sans prétexte qu'ils étaient redevables d'une pareille somme pour des droits de gaule, les chanoines l'excommunièrent solennellement. Benoit VIII confirma la censure et jeta un interdit sur le Barrois, interdit qui ne fut levé qu'après que ce prince eût rendu les 2,500 florins et 3,000 autres pour les dommages qu'il avait causés sur les terres du chapitre durant l'interdit. (BENOIT, pp. 510-511.)
(9) Une chronique de Metz en fait la description dans les bouts rimés suivants :
C'était une pitié admirable
Et merveille très-pitoyable ;
Car tous les plus reconfortés
Estoient fort espouvantes.
  Fut en donnant, fut en veillant
  Fut sur poure (pauvre), ou sur vaillant (riche)
  Où que la fortune tombait
  Tantôt danser les convenoit.
Le prestre en faisant son office,
Le seigneur séant en justice
Le laboureur en sa labeur
Sur qui tombait la douleur.
  Et dansaient neuf eu dit jours
  Sans avoir ni repos ni séjour
  Ou plus ou moins à l'adventure
  Comme est le mal aux créatures.
(10) Quelques villages étaient presque déserts, beaucoup de cultivateurs n'ayant plus rien «  à traire â forteresse » quand retentissait le cri d'alarme, se réfugiaient dans les villes où on les recevait à bourgeoisie. Le chapitre demandait que ses hommes retournassent à la glèbe, une fois le péril passé. Les communes refusaient de les rendre : on fit intervenir l'empereur qui annula ces bourgeoisies illégales, en remontant â dix ans. (CLOUET, t. III, p. 351.) Ajoutons que, vers cette époque, on en avait fini avec les communes populaires; partout s'organisaient aristocratiquement, dans les cités d'Empire, les notables citains, prenant pour eux, comme privilège, ce que les anciennes chartes avaient dit en termes généraux des cires et burgenses... C'était, en général, une noblesse de cloche, c'est-à-dire, de beffroi municipal qui s'affirmait. (Ibid., p. 362.)

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