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Charles Vally - Fusillé pour l'exemple en 1917
Voir aussi Charles Vally - Fusillé pour l'exemple en 1917 - Le procès


En 1917, les tribunaux militaires prononcèrent 3 427 condamnations dont 554 à mort, et 49 mutins devaient être finalement exécutés.

Voici l'histoire de Charles Vally (1892-1917), d'Herbéviller, 2ème classe à la 8ème compagnie du 60ème Bataillon de Chasseurs à Pied, fusillé pour l'exemple le 20 juin 1917 à Chacrise dans l'Aisne.

Charles Vally (1892-1917)

Charles Justin Vally (né à Azerailles le 17 février 1868, décédé à Herbéviller le 15 mai 1929), marchand ambulant de faïences, épouse à Azerailles le 27 septembre 1894, Marie Paradis Jacquemin (née à Sainte Marguerite le 20 janvier 1857), dont il a déjà eu un enfant, Charles, né le 8 février 1892 à Raon l'Etape.
Le couple aura ensuite un second fils, Louis né en 1894 (à Hurbache dans les Vosges le 12 mai 1894, décédé en 1963), et une fille, Marie (née en 1895, et décédée à quelques mois).

En 1914, la famille Vally est domiciliée à Herbéviller, où  le jeune Charles Vally, journalier, se marie juste avant la guerre.
Mobilisé à Nancy (matricule 1244), Charles Vally rejoint le 60ème bataillon de chasseurs à pied

 60ème bataillon de chasseurs à pied

Le 60ème bataillon de chasseurs à pied est un régiment de réserve mobilisé en août 1914, qui va très vite être rudement éprouvé.
Sur la seule année 1914 : dès le 19 août le bataillon protège le passage du Donon à Grand-Fontaine : 13 tués, 40 blessés, 16 disparus. Le 22 août à Vexaincourt : 11 tués, 13 blessés, 8 disparus. Et les listes s'allongent quasiment chaque jour. Après la bataille de la trouée de Charmes, le bataillon est transféré en Artois. Neuville-Vitasse, le 2 octobre 1914 : 22 tués, 38 blessés et 13 disparus. Les 3 et 4 octobre : 23 tués, 164 blessés, 179 disparus. Et les listes continuent à s'allonger ainsi à chaque page du Journal de Marches et Opérations.
En 1915, le bataillon participe à la seconde bataille de l'Artois, en 1916 à Verdun et à la bataille de la Somme. L'offensive Nivelle, est lancée le 16 avril 1917.
 
A la déclaration de guerre l'effectif du bataillon est de 1125 sous-officiers et chasseurs. Voici les relevés de perte sur l'ensemble de la guerre, selon l'Historique du bataillon :
 
  Tués Blessés
Campagne des Vosges (août-septembre 1914) 155 242
Bataille d'Arras (septembre-octobre 1914) 144 312
Campagne de Belgique (octobre-novembre 1914) 87 189
Combat d'Ecurie (novembre 1914) 50 36
Hiver 1914-1915 51 35
Première offensive d'Artois (mai 1915) 108 171
Mai-septembre 1915 217 220
Deuxième offensive d'Artois (septembre 1915) 122 179
Octobre 1915-Février 1916 21 69
Verdun (mars 1916) 24 30
Saint-Mihiel, Mandres 9
Offensive de la Somme (août-octobre 1916) 68 132
Aisne (novembre 1916-mai 1917) 13 53
Chemin des Dames (juin 1917) 3 21
Alsace (septembre 1917-janvier 1918) 35 99
Oise (Mars-avril 1918) 6 15
Haute-Alsace (mai-juillet 1918) 2 11
Marne (juillet-septembre 1918) 36 202
Belgique 93 187
  1244 720

En mai 1917, le total des pertes s'évalue donc à 1069 tués (95 % de l'effectif d'origine) et 1668 blessés (148 %).

Le 20 mai 1917, le bataillon est enfin en repos à Blérancourdelle, avant de devoir retourner au Chemin des Dames, combat où 200 000 soldats français trouveront la mort, et qui se poursuivra jusqu'en octobre.
Mais dès le 15 mai, le front est secoué par des mutineries dans plus de 150 unités, concernant des troupes au repos que l'on veut renvoyer à l'assaut

Mutinerie

Ainsi, fin mai 1917, le chef de bataillon du 60ème BCP, le commandant Belléculée, est confronté à la fatigue de ses soldats, qui manifestent leur mécontentement.
Le Journal de Marches et Opérations du 60ème Bataillon de Chasseurs à Pied indique à la date du 1er juin :
«  Une partie des caporaux et des chasseurs du Bataillon prend part à une manifestation ayant pour but de réclamer repos et permissions.
A 16 heures, ces manifestants, peu bruyants d'ailleurs, se rendent en colonne à Blérancourt puis sous l'intervention d'officiers du Bon regagnent sans tumulte le Cantt de Blérancourdelle »

Dans la nuit du 4 au 5 juin, des chasseurs des 8ème et 9ème compagnie protestent contre l'ordre de se mettre en tenue pour quitter leur abri. Le JMO indique à la date du 4 juin :
«  Dans la nuit du 4 au 5 des caporaux et chasseurs de la 8e et de la 9e Cie refusent de quitter leur abri pour se porter en réserve. Le Capne Adjt Maj. vient personnellement leur donner l'ordre de se porter sur les nouveaux emplacements prévus. Devant l'inexécution de son ordre, le Capne Adjt Maj. lit l'art. du code «  refus d'obéissance en présence de l'ennemi ». Le lendemain matin ces mutins sont rassemblés à Cour Soupir à 10 heures, ils sont désarmés, déséquipés et, fortement encadrés, sont conduits à Limé. Le Capne Ct la 9e Cie prend le Comt de la colonne. ».

Condamnations

Les condamnations figurent dans le JMO à la date du 19 juin :
«  Ordre de Bon n° 222
Condamnations
Le Conseil de Guerre de la 77e division dans sa séance du 10 Juin 17 a condamné à la peine de mort avec dégradation militaire, pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi les militaires ci-après du 60e B.C.P.
Ordre général n° 457
Duguez Emile François, Capal 9e Cie
Chester Jules Alfred, Id.
Leblan Marcel, 1e cl. 9e Cie
Delor René Lourant, Id.
Capelle André Isaac 2e cl. 9e Cie
Proyer Louis Jean Marcel, id.
Majoulet Etienne Jean Bte, id.
Rey Urbain Louis, id.
Beulens Gaston Valentin, id.
Caserne Coblentz
D.P. 47 le 16 juin 17
Le Capne adjt Maj. Dumay
Comt par i. le 60e B.CP.
Signé Dumay

Ordre de Bon n° 223
Condamnations
Le Conseil de Guerre de la 77e division dans sa séance du 12 Juin 1917 a condamné à la peine de mort avec dégradation militaire, pour refus d'obéissance en présence de l'ennemi les militaires dont les noms suivent du 60e B.C.P.
Ordre Gal n° 469
Vally Charles, 2e cl. 8e Cie
Flourac Louis, Clairon 8e Cie
Liénard Victor Achille, 2e cl.  id.
Chevalier Marcel, 2e cl. id.
Gauthier Emile Edmond 2e cl. id.
Chauveau Marcel 2e cl. id.
Caserne Coblentz
le 16 juin 17
Le Capne adjt Maj. Dumay
Comt le 60e B.C.P.
Signé Dumay
 »

Exécution

Sur les 16 condamnés du 60ème BCP, au final seuls Charles Vally et le clairon Louis Flourac seront exécutés, les autres condamnations étant soit annulées, soit commuées en travaux forcés à perpétuité.

Le mercredi 20 juin 1917, à Chacrise, au sud de Soissons, dans un champ près du moulin de Fay, sont fusillés quatre soldats : Joseph Bonniot, soldat au 97ème RI, Victor Degouet, soldat au 159ème RI, et les deux chasseurs du 60ème BCP, Louis Flourac et Charles Vally.

«  L'an 1917, le 20 juin à 5 heures, nous Guyot Amédée, sergent commis greffier près le conseil de guerre de la 77e division d'infanterie [...], nous nous sommes transportés à Chacrise pour assister à l'exécution de la peine de mort avec dégradation militaire prononcée le 12 juin 1917 par le dit conseil de guerre en réparation du crime de refus d'obéissance en présence de l'ennemi contre le nommé Vally Charles du 60e bataillon de chasseurs à pied, né le 8 février 1892 à Raon-l'Etape (Vosges). [...]
Arrivé sur le lieu de l'exécution, nous greffier soussigné, nous avons donné lecture au condamné en présence de M. le commandant Ducimetière, juge audit conseil de guerre [...].
Aussitôt après cette lecture, il a été procédé à la dégradation militaire et un piquet d'infanterie, composé conformément aux prescriptions réglementaires, s'est approché et a fait feu sur le condamné qui est tombé mort, ainsi que la constaté le médecin major commis à cet effet.
En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-verbal...
» Le commis greffier


Télégramme annonçant les exécutions de Chacrise au Grand quartier général de Compiègne (20 juin 1917).

Soupçons de tirage au sort

De fortes présomptions de tirages au sort pèsent sur cette affaire, et une enquête sera ordonnée en 1925. Dans La grève des tranchées: les mutineries de 1917 (Ed. Imago 2005), Denis Rolland écrit :
«  [...] dix-neuf chasseurs refusèrent d'obéir. Parmi eux, Charles Vally se fit remarquer par ses protestations et les excitations à la désobéissance qu'il adressait à ses camarades ; à l'ordre formel de se mettre en tenue pour partir qui lui était donné par l'adjudant-chef Harant et le sous-lieutenant Nybelen, Vally répondit par un refus. Il était, dit le lieutenant, "le grand orateur de la bande". La demande ayant été rejetée, en 1931, la veuve de Charles Vally, remariée avec M. Claverie, introduit une nouvelle demande. Elle allègue qu'elle est en mesure de prouver par divers témoignages l'innocence de son mari. En fait, des personnes entendues pour cette nouvelle requête, il ne sort aucun fait nouveau. La direction du contentieux de la justice militaire, interrogée par le ministère de la Justice, motive son rejet en précisant que «  l'une des personnes entendues, M. Didierjean Louis, demeurant à Glonville (Meurthe-et-Moselle) déclare bien "qu'à la suite du refus de désobéissance commis par un groupe, il fallait des condamnations à mort pour l'exemple et que le sort est tombé sur Vally : mais il est constant que ni Vally ni ses coaccusés n'ont été choisis par la voie du sort pour être jugés par le conseil de guerre, et qu'ils ont bien personnellement et individuellement commis les actes à raison desquels ils ont été condamnés ».

Et dans Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective 1914-2009 (Ed. Odile Jacob 2009), Nicolas Offenstatd ajoute :
«  Dans la mutinerie du 60e bataillon de chasseurs en juin 1917, six soldats sont condamnés à mort mais quatre voient leur peine commuée. Or rien dans le dossier du conseil de guerre ne permet de justifier cette décision de commutation. Le rapport dit d'un des deux fusillés, Charles Vally, que c'est un «  esprit indiscipliné, très renfermé, il jouissait sur ses camarades d'un ascendant qu'il employait mal. Il tenait parfois des propos anarchistes ; mais aux tranchées et au feu il faisait assez bien son devoir ». Les rapports des soldats dont la peine est commuée en travaux forcés à perpétuité n'ont cependant rien à lui envier : «  Un esprit dangereux, très indiscipliné, poussant ses camarades à la désobéissance [...] il donnait l'impression d'être veule et lâche » ; «  esprit indiscipliné et rebelle ; il passait en outre pour un peureux et un lâche aux tranchées. » Ni le passé des condamnés ni leur action lors du refus de désobéissance - tous réclament repos et permissions - ne distinguent ces deux soldats des deux fusillés. Une note d'un fonctionnaire du ministère de la Justice sur l'affaire Vally confirme cette constatation : «  La culpabilité de Vally n'est pas contestable. Sans doute, il paraît peu conforme à l'équité que, dans un cas de mutinerie collective, telle que celle à laquelle Vally a participé, quelques hommes seulement considérés comme les meneurs soient poursuivis et sévèrement condamnés (en l'espèce, à la peine de mort, et exécutés) mais juridiquement le fait que tous les coupables n'ont pas été punis ne peut servir à une instance en révision. » Lorsque la famille de Vally argue du tirage au sort pour demander la réhabilitation, le propos doit être pris au sérieux. »

Ajoutons que Vally n'était pas considéré comme un mauvais soldat : ainsi, si l'Historique du 60ème Bataillon de Chasseurs à Pied, écrit en 1919 par la Capitaine Antiglio (7ème compagnie), n'évoque pas les évènements de juin (se contentant de reprendre la citation de l'adjudant major Dufay : «  Ayant pris le commandement de son bataillon dans des circonstances difficiles, s'est admirablement acquitté de la mission qui lui était confiée. [...] »,) mais indique cependant le chasseur Vally cité à l'ordre du bataillon dans la Somme en 1916/début 1917.

Mémoire

Charles Vally a été inhumé dans le cimetière de Chacrise, et sa tombe a disparu.
Louis Flourac (né le 5 juillet 1893, et qui, comme Vally, se bat depuis le début du conflit) aura attendu jusqu'en 2007 que son nom figure sur le monument aux morts communal de Saint-Ybars dans l'Ariège. A l'inverse, le nom de Charles Vally figure depuis longtemps sur le monument aux morts d'Herbéviller ; certes, il ne figurait pas à la création du monument, inauguré en 1926, lorsque les noms étaient répartis sur les flancs gauche et droit de la colonne. On ignore quand la plaque actuelle a remplacé ces noms latéraux, quasiment effacés par le temps, et donc quand Charles Vally a été ajouté. Mais rien ne s'opposait d'ailleurs à un ajout dès l'origine, car la réglementation en la matière reste très floue et seul l'usage prime dans l'esprit de la loi du 25 octobre 1919, relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France pendant la Grande Guerre.
Le tribunal de Nancy l'a rappelé le 14 septembre 2004: «  aucun texte législatif ou réglementaire ne détermine les conditions d'inscription d'un nom sur les monuments aux morts communaux ».

 

Rédaction : Thierry Meurant

 

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