Nouvelle
biographie générale : depuis les temps les plus reculés jusqu'à
nos jours
Tome 41, publiée sous la direction de M. le Dr. Hoefer
Ed. Firmin-Didot frères (Paris) - 1862
REGNIER
(Claude-Ambroise), duc DE MASSA, homme d'État français, né à
Blamont (Meurthe), le 6 avril 1736, mort à Paris, le 24 juin
1814. L'un des avocats les plus distingués de Nancy, il se
prononça pour les principes de la révolution avec une chaleur
qui lui valut d'être élu député du tiers état aux états
généraux. Le 7 avril 1790, il parut pour la première fois à la
tribune de l'Assemblée constituante, où il s'éleva contre
l'institution des jurés en matière civile, qu'il fit rejeter
ainsi que le projet relatif à l'ambulance des juges d'appel. Le
28 août, il proposa un décret d'accusation contre le vicomte de
Mirabeau, qui avait enlevé les cravates et les enseignes de son
régiment, et à l'époque de l'insurrection de Nancy il défendit
la municipalité de cette ville contre les attaques des jacobins,
et approuva la conduite du marquis de Bouillé. Le 22 juin 1791,
il fut envoyé avec le titre de commissaire dans les départements
des Vosges, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, pour y prévenir ou
faire cesser les troubles auxquels pouvait donner lieu la fuite
de Louis XVI. Regnier, qui, quoique modéré, siégeait au côté
gauche à la Constituante, parvint à se faire oublier pendant l'
Assemblée législative et la Convention, et ne reparut sur la
scène politique qu'après le neuf thermidor. Nommé en septembre
1795 membre du Conseil des anciens par son département, il
s'opposa vigoureusement (19 décembre) à l'admission de
Jean-Jacques Aymé, et, tour à tour secrétaire puis président du
Conseil ( février 1796), il se prononça contre le retour des
prêtres exilés ou déportés. II ne prit aucune part aux
événements du 18 fructidor (4 septembre 1797). II repoussa la
proposition de Boulay de la Meurthe (1797) tendant à expulser de
France les nobles qui n'auraient point donné de gages à la
révolution. Réélu au même Conseil en 1799, il appuya Courtois
demandant la fermeture du club du Manège, et convaincu que le
Directoire ne pouvait assurer ni le repos ni la grandeur du
pays, il prêta activement les mains au coup d'État du 18
brumaire, et fut un de ceux qui la veille se réunirent chez
Lemercier, président du Conseil des anciens, pour préparer le
succès de cette conspiration. Regnier, après avoir prononcé un
discours sur les dangers dont le Corps législatif était entouré,
présenta le décret qui transférait les deux Conseils à
Saint-Cloud. Après cette journée, il fut élu président de la
commission législative intermédiaire du Conseil des anciens.
Membre du conseil d'État, à son organisation, il fut d'abord
chargé des détails des domaines nationaux, et devint ensuite
l'un des rédacteurs du Code civil. Dans la discussion de ce
magnifique travail législatif, il se fit remarquer par son
talent de jurisconsulte, par sa parole incisive et par cette
puissance da logique qui l'avaient placé au premier rang dans le
Conseil des anciens. Bonaparte n'oublia pas les services que lui
avait rendus Regnier : le 14 septembre 1802, il le nomma
grand-juge, ministre de la justice, en réunissant momentanément
alors entre ses mains les attributions du ministère de la
police, que Fouché reprit le 10 juillet 1804, après la
découverte de la conspiration de Georges Cadoudal et
l'arrestation de Pichegru, contre lesquels Regnier avait dirigé
toutes les poursuites. Nommé grand officier de la Légion
d'honneur ( 14 juin 1804), il obtint le grand cordon de l'ordre
(2 février 1805) et le titre de duc de Massa ( 15 août 1809). Le
département de la Meurthe le porta (24 janvier 1811) candidat au
sénat conservateur. Regnier quitta le portefeuille de la justice
(19 novembre 1813), et reçut en échange le titre de ministre
d'État et de président du corps législatif, quoiqu'il ne fit
point partie de cette assemblée : un sénatus-consulte venait de
lui enlever le droit de présenter sa candidature à la
présidence, choisie dans son sein. Cet acte et les motifs
énoncés pour le justifier blessèrent vivement le corps
législatif, déjà mécontent de la marche des affaires. Regnier y
fut assez froidement accueilli, et dans les discussions qui
eurent lieu au sujet des communications faites par le
gouvernement, on prétend que l'un des membres de la commission
chargée de les examiner (Flaugergues), interrompu par le duc de
Massa en ces termes : « Ce langage est inconstitutionnel », lui
répondit: « II n'y a ici d'inconstitutionnel que votre présence
». Après la première abdication, Regnier écrivit, le 8 avril
1814, au gouvernement provisoire pour savoir s'il était encore
président du Corps législatif. Il ne reçut point de réponse;
mais la chute de son maître et ses disgrâces personnelles
minèrent probablement la santé de Regnier, car il mourut deux
mois et demi après.
Son fils REGNIER ( Nicolas-François-Sylvestre), duc de MASSA,
qui porta d'abord le titre de comte de Gronau, né à Nancy, le 31
décembre 1783, suivit la carrière administrative. Auditeur au
conseil d'État, il fut sous-préfet à Salins, préfet de l'Oise
(30 septembre 1813), préfet du Cher (14 juillet 1815), et se
démit de ces fonctions lorsqu'il fut nommé pair de France, le 10
juillet 1816. II continua de siéger au Luxembourg sous le règne
de Louis-Philippe, devint commandeur de la Légion d'honneur le
30 avril 1836, et mourut le 20 avril 1851. Il était gendre du
maréchal Macdonald. H. F-T.
Biogr. univ. et portat. des contemp. - Fastes de la Légion
d'honneur, t. II. - Moniteur univ., 1789-1814. - De Courcelles,
Hist. des Pairs de France.
Le
Plessis-Piquet, ancien Plessis-Raoul
Georges Teyssier
1885
CLAUDE-AMBROISE
RÉGNIER, DUC DE MASSA
(1808-1817)
C'étaient Son Excellence monseigneur Claude-Ambroise Régnier,
grand juge, ministre de la justice, décoré du grand aigle de la
Légion d'honneur, et Charlotte Lejeune, son épouse, demeurant en
leur hôtel, place Vendôme, qui avaient acheté le Plessis-Piquet
au prix de 150 000 francs, dont 25 000 pour le mobilier.
Régnier était né à Blamont (Meurthe), le 6 avril 1746. Avocat au
parlement de Nancy, il avait embrassé ardemment les idées
nouvelles, fut élu député du tiers état et envoyé en qualité de
commissaire de la République dans les Vosges, le Haut-Rhin et le
Bas-Rhin, pour y prendre toutes les mesures que pourrait rendre
nécessaires le voisinage des émigrés et des princes allemands
possessionnés en Alsace. En 1795, nommé membre du Conseil des
Anciens par son département, il fut choisi comme secrétaire et
bientôt après comme président.
L'âge et la cruelle expérience de ces années de terreur avaient
modifié ses idées. Il favorisa le retour des émigrés, fit fermer
le club du Manège, et, au retour de Bonaparte d'Egypte, il le
soutint résolument, présenta le décret du 18 brumaire
transférant les deux Conseils à Saint-Cloud et contribua par là
puissamment au succès du coup de main militaire. Bonaparte ne
l'oublia pas et le combla de ses faveurs.
Membre du Conseil d'État dès l'origine, ses études premières au
barreau de Nancy le désignèrent pour la rédaction du Code civil.
Le 14 septembre 1802 il fut fait grand juge et ministre de la
justice, fonctions auxquelles il joignit jusqu'en 1804 la
direction de la police. Grand-officier de la Légion d'honneur en
1804, grand-cordon en 1805, il fut fait duc de Massa le 15 août
1809.
Il venait d'acheter le Plessis. A cette époque les environs de
Sceaux étaient fort à la mode. La princesse Borghèse habitait à
Châtenay et Napoléon chassait souvent dans les bois de Meudon et
de Verrières.
À part l'achat du cimetière préparé par son prédécesseur, le duc
de Massa n'apporta pas de changement à la propriété.
En 1811. il fut élu par le département de la Moselle membre du
Sénat conservateur. L'empereur, refusant au Corps législatif le
droit d'élire son président, nomma Régnier à cette fonction,
avec le titre de ministre d'Etat.
Ce fut le comble de sa fortune; puis vinrent les revers, 1814,
enfin l'abdication. Régnier ne survécut pas à sa grandeur et à
la puissance de celui qui l'avait faite. Il mourut quelques mois
après, le 24 juin 1814.
Sa femme, son fils, le comte de Gronau, et sa fille, mariée au
baron de Mansay-Thiry, prirent le parti de vendre le Plessis.
Mais le retour de l'île d'Elbe, Waterloo, la seconde entrée des
alliés à Paris - ils mirent un poste au château du Plessis -
rendirent toute affaire impossible. Enfin, en 1817, ils firent
afficher que le château du Plessis-Piquet était à vendre ou à
louer.
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