BLAMONT.INFO

Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

 Présentation

 Documents

 Recherche

 Contact

 
 Plan du site
 Historique du site
 
Texte précédent (dans l'ordre de mise en ligne)

Retour à la liste des textes

Texte suivant (dans l'ordre de mise en ligne)

 

La vannerie dans la Meurthe - 1865


Revue des eaux et forêts
1865

La vannerie dans la Meurthe

Quand l'homme et la femme, chassés du paradis terrestre, durent songer à vivre de leur travail, durent se nourrir et se vêtir sommairement, ils fabriquèrent probablement, pour premier meuble, un panier; c'est-à-dire qu'ils entrelacèrent quelques branches, soit pour se faire un abri contre l'eau du ciel ou contre les feux du soleil asiatique, soit pour porter d'un lieu à un autre les fruits cueillis ça et là. Nous pouvons même nous rendre un compte assez exact de ce qui se passait alors, en voyant ce qui se passe aujourd'hui chez des peuplades indolentes des îles et continents brûlés par le soleil des tropiques. Là, tout est panier, depuis la hutte tissée en larges bandes de bois ou déjoues, jusqu'aux vases à porter l'eau, tissés aussi finement que de la batiste, jusqu'aux vêtements, jusqu'à ces nattes immenses, si souples et si solides.
C'est dans les pays chauds qu'est né l'art du vannier, non-seulement parce que dans ces heureux pays la vannerie suffit aux besoins élémentaires des habitants, mais parce que dans les pays chauds naissent les végétaux les plus propres à ce genre d'industrie: les bambous, les palmiers, les joncs et roseaux, eu un mot, toute cette famille de végétaux à bois et écorce souples, forts et fins comme des fils de soie.
Dans le Nord, la matière première des vanniers se borne à l'osier. Les autres bois ne peuvent servir que d'accessoires. Il a donc fallu que l'industrie vint au secours de la nature, et que l'on apprît à distinguer les différentes sortes d'osier, le bon moment pour le couper, les moyens les plus prompts pour le peler, lui garder sa blancheur et sa souplesse, le fendre et le changer en fibres bien égales. Tout cela constitue l'art du vannier.
Cet art ne s'exerce pas avec la même activité et le même bonheur sur tous les points de la France. D'abord, dans telle province, le panier de toutes formes est plus en usage que dans telle autre. Mais la facilité de rapports et de circulation aidant, la fabrication n'a plus été influencée par les besoins locaux. Le plus ou moins de terrains propres à la culture de l'osier, le prix de main-d'oeuvre, et un peu le hasard, ont transporté la fabrication au nord ou au midi, à l'est ou à l'ouest.
Nous venons de parler des terrains propres à la culture de l'osier. C'est qu'en effet il y a d'énormes différences dans la qualité du bois, selon que l'osier a été planté dans des terrains d'alluvion, gras et profonds, ou dans des terrains mous et légers. Les premiers produisent un osier à grands jets, fins, flexibles, sans moelle. Les autres donnent un jonc à grosse moelle, et par cela même sans force et sans souplesse. Les terrains d'alluvion, gras et profonds, sont d'autant plus favorables que la racine de l'osier pivote et s'enfonce autant que le permet l'épaisseur de la couche de terre. C'est dans ces sols propices que se récolte l'osier à écorce jaune, à tige bien droite et que les vanniers ont baptisé du nom pittoresque de romarin ou queue de renard.
Nous avons en France beaucoup de terrains bons pour cette culture. Nous sommes arrivés promptement à exporter non-seulement des ouvrages de vannerie, mais des osiers propres à être mis en oeuvre, et liés en bottes de 20 kilogrammes. On les envoie ainsi préparés en Angleterre, en Belgique, aux Etats-Unis. Osier ou vannerie, ces exportations représentent une valeur de plus de 3 millions de francs par an.
Nos vanniers ne sont pas encore parvenus à faire, comme les naturels des pays dont nous parlions tout à l'heure, des paniers à mettre de l'eau ou du lait : c'est dommage : mais ils excellent dans la vannerie élégante, dans la vannerie artistique, si nous pouvons parler ainsi. Et grâce au jonc qu'ils font venir d'Espagne, des bambous qu'ils font venir de l'Inde, et qu'ils mêlent à l'osier, ils tissent des objets qui semblent sortir de la main des fées. Nous ne croyons pas commettre une bien grande indiscrétion, en disant que beaucoup de paniers se vendent comme originaires de Java, de Bornéo, etc., et qui jamais n'ont quitté le beau pays de France.


La Meurthe est précisément un des départements producteurs d'osier destiné à la meilleure vannerie ; c'est aussi un département qui possède beaucoup de terrains mouillés. Or, on ne se fait pas une idée assez exacte de ce que peut valoir une oseraie. On a vu, et souvent, des oseraies bien organisées produire, par hectare, 500 et 600 bottes d'osier. Et les bottes, sans être pelées et blanchies, valent couramment 1 fr. 50 c. C'est donc un revenu possible de 700 à 900 francs par hectare, tiré d'un terrain trop humide pour être utilisé autrement. Cela ne vaut-il pas la peine qu'on y songe ? Il faut sans doute un travail préparatoire pour atteindre ce résultat.
Il faut pratiquer des fossés, il faut biner la terre, et, si elle garde trop d'eau, la drainer économiquement avec des lits d'épine noire. Puis, ce travail fait, on devra chaque année, après la coupe, curer les fossés et jeter la bourbe sur les plants. Mais c'est, en définitive, une besogne facile et prompte.
Pourtant, la culture de l'osier et l'industrie de la vannerie ont été très-longtemps sans importance aucune dans notre département. Il a fallu qu'un de nos lorrains revînt dans le pays pour donner l'essor à ce genre de travaux. M. Moitrier était d'abord simple ouvrier vannier à Paris. Devenu chef de maison, il planta de l'osier à quelques lieues de Paris, à Antony, où il a une petite propriété. Puis il pensa qu'il ferait acte de patriotisme en transportant dans la Meurthe le centre de ses opérations.
L'arrondissement de Lunéville, notamment, a des terrains essentiellement favorables à la culture de l'osier. A Ogéviller, à Buriville, à Fréménil, à Domjevin, l'osier est d'une qualité supérieure à tous les osiers connus.
C'est de ce côté qu'opéra d'abord M. Moitrier. Depuis qu'il est dans la Meurthe, M. Moitrier a fait planter environ 30 hectares d'oseraies et entretient de deux à trois cents ouvriers. On fait, dans ses ateliers, depuis le panier d'emballage jusqu'aux ouvrages les plus fins et les plus charmants, caprices de la mode qui règne dans la vannerie comme partout.
Est-il besoin de faire ressortir l'avantage de cette introduction d'une industrie nouvelle dans notre contrée ? La vannerie est une occupation presque toujours attrayante. Elle n'entraîne pas une grande dépense de forces, même dans ses applications les plus grossières. Les articles courants peuvent être confiés aux femmes. C'est un travail qui n'exige que du goût et du soin. Le jonc et les autres matières premières amenés des pays inter-tropicaux sont encore plus faciles à manier que l'osier. Puis enfin, la vannerie peut être une ressource pour les jours d'hiver, quand tous les autres travaux sont suspendus. Nous ne parlons même pas de l'amélioration immense résultant de la mise en valeur des terrains marécageux. Tout cela est déjà compris, et nous avons, dans la Meurthe, plus de 200 hectares d'oseraies.
Il faut dire aussi que la vannerie n'est pas seulement le tissage des paniers, l'entrecroisement de l'osier, du noisetier, du châtaignier, du chêne, etc. Il faut des ouvriers pour couper l'osier; il en faut pour le peler et le mettre en bottes; il en faut pour le teindre en noir, en bleu, en vert, en brun, en rouge. C'est une industrie considérable, et qui peut devenir telle surtout dans notre département. Nous avons donc rempli un devoir en signalant les efforts de M. Moitrier aux sympathies de tous.
A. Lemachois. (Journal de la Meurthe et des Vosges.)

Mentions légales

 blamont.info - Hébergement : Amen.fr

Partagez : Facebook Twitter Google+ LinkedIn tumblr Pinterest Email