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Histoire du Blâmontois des origines à la Renaissance (4/9)
Abbé Alphonse Dedenon (1865-1940)
1931

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L'Histoire du Blâmontois des origines à la Renaissance est tombée dans le domaine public en 2010. Cette version numérique intégrale permet de faciliter les recherches, y compris dans l'édition papier publiée en 1998 par Le livre d'histoire.
Le présent texte est issu d'une correction apportée après reconnaissance optique de caractères, et peut donc, malgré le soin apporté, contenir encore des erreurs.
Par ailleurs, les notes de bas de page ont été ici renumérotées et placées en fin de chaque document.

NDLR :
L'abbé Dedenon a laissé dans ses carnets des notes manuscrites indiquant diverses corrections à apporter à ce texte.


TROISIÈME PARTIE
Les Comtes de Blâmont

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PANOPLIE BLAMONTAISE


I
Le berceau de la Maison de Blâmont

1° L'Alleu du Blanc-Mont

Les premiers documents qui mentionnent Blâmont comme centre habité ne sont pas antérieurs au XIIe siècle. C'est alors une petite seigneurie en ébauche, possédée par Agnès de Langstein et qui est tout juste suffisante pour permettre à la noble châtelaine d'ajouter à ses autres titres celui de «  Dame de Blâmont ». Cet alleu ressemble aux autres du même temps. Il occupe tout l'angle compris entre la Vesouze et la Voise, avant leur jonction. Près de s'abaisser jusque là en pente douce, le plateau du Blanc-Mont, nommé en cet endroit «  plateau de Hey » à cause des bocages qui l'encombrent, présente une anfractuosité très prononcée, une sorte de promontoire anguleux et abrupt. Son sommet parut tout indiqué pour une demeure seigneuriale : une maison forte y fut construite. N'y cherchez pas un site pittoresque comme à Dabo, à Mousson ou à Pierre-Percée. Sin aspect néanmoins a de quoi enchanter les yeux, quand il est bien ensoleillé au milieu du paysage mouvementé qui l'entoure.
Situé près d'une route très fréquentée, le modeste embryon se développa facilement. Il devint une station qui se munit d'une palissade, puis une résidence confortable, qui s'abrita derrière un cercle de murailles. On ignore les noms des premiers fondateurs; cependant des indices sérieux les font chercher dans l'antique famille des Folmar de Lunéville.
Cette riche famille avait, en effet, des possessions échelonnées tout le long de l'ancienne voie qui va du Donon au Léomont. A Frémonville, qui est un lieu tout proche, deux fils de Folmar III avaient pu détacher une bonne portion de ces biens, pour les donner, en 1034, à l'abbaye de Saint-Rémy qu'ils protégeaient, Notre alleu pouvait bien faire corps avec ce domaine.
D'autre part, en face de l'alleu et sur la rive gauche de la Vesouze, vivait un groupe de manants, serrés autour d'une église dédiée à Saint Maurice, qui pouvait prétendre à une haute antiquité sous le nom de GirovilIe. Or ce petit centre paroissial relevait de l'abbaye alsacienne de Hugoncourt, alors que tous les environs étaient. sous la dépendance des monastères vosgiens (1). Pourquoi cette exception, sinon parce que les Folmar étaient intervenus là pour donner à l'abbaye alsacienne qu'ils avaient fondée une nouvelle preuve de leur bienveillance ?
Dès lors, la présence d'Agnès de Langstein, «  Dame de Blâmont », nous apparait toute naturelle : c'est la conséquence de son premier mariage avec Godefroy, qui est un descendant des Folmar. Son acte d'autorité sur Giroville, à la date de 1138, s'explique aussi (2), de même que son insistance à rappeler le souvenir de Godefroy et de son fils Villaume, sans faire allusion au comte de Salm.
A la mort d'Agnès; les. enfants survivants de son premier mariage recueillent sen héritage, mais ne le gardent pas longtemps. Ce sont : Conrad de Pierre-Percée et Mathilde, mariée à Bencelin de Turquestein. On sait que, vers 1200, leur apanage à tous deux était passé au comte Henri de Salm par des conventions qui nous échappent. Que devint l'alleu du Blanc-Mont pendant ces quelques soixante ans ? On l'ignore presque totalement. On y signale, sans autre précision, la présence d'un certain André, qui doit être le même qu' André de Parroy, et d'un certain Bonus Valetus, dont la signature se lit dans un acte non daté, mais antérieur à 1187. Tous deux se donnent la qualité de «  miles de Bladmont », tout comme Garsirius, le fondateur de l'église de Harbouey, qui se dit «  miles de Deneuvre ». Ces personnages sont évidemment des intendants chargés de régir le domaine, en l'absence de leur maître.
Après eux, voici un prévôt nommé Maheu ou Mathieu; mais le moine Richer, qui nous en parle, en se faisant l'écho de l'opinion publique déjà cancanière, en trace un portrait peu flatteur. C'est, dit-il, le mauvais génie du comte de Salm; il domine l'esprit de son maître, le fait plier à toutes ses injonctions et l'entraîne aux pires vexations contre les moines. Bien plus, insinuant, perfide, indiscret, il a capté les bonnes grâces de la comtesse et passe pour lui avoir donné des enfants. Mais il s'est fait expulser et, après avoir erré comme un vagabond, il est venu mourir à Sarrehourg comme un maudit. Ce sont, du moins, les propos du chroniqueur de Senones.
Quoi qu'il en soit, pendant que Giroville, noyau primitif et centre paroissial, va rester stationnaire et devenir simple faubourg, la maison forte, transformée bientôt en château, est à la veille de s'augmenter d'un bourg et même d'un autre faubourg, sous l'impulsion d'un fils cadet de Salm, qui viendra l'habiter.
 

 2° Ferry de Salm

Ferry second fils de Henri II de Salm, nous est connu. Il fut l'ancêtre de tous les Sires de Blâmont dont nous allons retracer les brillantes destinées (3). S'il conserva sur son écu les croisettes de Salm, ses descendants les supprimeront et le blason de Blâmont ne comportera plus, après lui, que les deux saumons adossés d'argent, sur champ de gueules. Son apanage reçut le nom de comté. à cause du titre de comte qui lui venait de sa famille.
Quand Henri II, alourdi par les ans, se sentit incapable de gérer seul toutes ses possessions éparses, il résolut de s'associer ses deux fils. C'était vers 1220. Après avoir reçu l'assentiment de l'évêque Bertram, son ami, il avait établi Henri III, son ainé, à la tête du château de Deneuvre. Il envoya Ferry à Blâmont et il garda pour lui la vouerie de Senones, qu'il administra en restant dans son château de l'Ober-Salm.
En réalité. Ferry n'obtenait qu'une part chétive : un domaine peu étendu et une demeure modeste, à peine pourvue des éléments que réclame le moindre château-fort.
Comme complément, son père avait ajouté la «  conservation de Domèvre », qui procurait des revenus certains, mais peu abondants. Pourtant ce lot, comme tout franc alleu, jouissait d'une indépendance entière et comportait tous les droits féodaux. «  Le seigneur de ce lieu, disait la charte de Parroy, est si grand seigneur qu'il ne tient sa ville que de Dieu et de son épée... qu'il peut la vendre et dépendre, sans prendre congé ni à roy, ni à prince quel qu'il soit...» Ferry pouvait tenir le même langage et il en profita pour agir en maître avec ses sujets, leur imposer la corvée et exiger d'eux les redevances perçues dans toutes les seigneuries, à l'occasion du tabellionnage, de la gruerie, de la burerie.
Le moine Richer est aussi sévère pour notre héros que pour les autres membres de la famille de Salm et le portrait qu'il en tracé' n'est guère avantageux. Il tient en ces simples mots : «  Prince cupide et dur jusqu'à l'injustice, mais dont l'ambition connut d'humiliants revers, châtiments certains, infligés par la justice de Dieu. » Nous voudrions, pour l'ancêtre de la brillante Maison de Blâmont, une appréciation plus favorable, quoique nous n'hésitions pas à en atténuer la sévérité, Cil raison de sa provenance. Nous voudrions, en particulier, supprimer l'infamant reproche de barbarie qu'il aurait encouru, si, comme le prétend Richer, il avait expulsé honteusement son père de Blâmont et l'avait contraint de regagner à pied l'Ober-Salm. Il nous plairait de pouvoir louer, sans réserve, sa carrière peu longue et pourtant pleine de profits pour sa famille. Mais quel chevalier fut au-dessus de tout reproche, dans ce milieu en formation ? Ferry fut de sa race et de son temps et le désir d'augmenter l'importance de sa seigneurie le fit succomber parfois à de viles tentations.
Les mauvais penchants du fils s'accusèrent surtout après la mort du vieillard octogénaire, à l'occasion de la succession. Ferry parut oublier sa qualité de cadet et méconnaître les droits de son neveu, Henri IV de Salm, placé à Deneuvre sous la tutelle de sa mère. Pour mieux dépouiller l'adolescent, incapable encore de se défendre, il essaya d'usurper la vouerie de Senones, en 1245. Les moines protestèrent, en citant l'audacieux au tribunal de leur protecteur, l'évêque de Metz. C'était alors Jacques de Lorraine (1239-1260), bien connu comme rusé politique. Le comte poursuit ses sévices contre l'abbé Beaudouin. Il tourne ensuite ses exigences du côté de ses sujets de l'abbaye, les force à lui soumettre leurs différends et même à se déclarer coupables de l'avoir offensé. Ce n'est pas tout. Il s'attaque à l'église conventuelle et ne lui laisse comme serviteurs, que deux charpentiers, un cuisinier, un acranteur, un lavandier, un cordonnier et deux pêcheurs; Enfin il opprime tout le val de Senones sous le poids de ses caprices.
La châtellenie de Deneuvre, où sa belle-soeur a son douaire, est ensuite l'objet de ses vexations. Toutes ces insolences durent deux ans.
Mais, pendant ce temps, son neveu Henri IV et atteint l'âge d'homme et se dispose à mettre un terme à tant d'injustices. Après un beau mariage contracté avec Lorette de Castres, sa cousine, il acquiert une certaine puissance et sait se ménager des alliés fidèles. Puis, avec des troupes aguerries, il accourt de son château de Hunolstein ou Hunepierre (4), fond sur les terres de son oncle et lui demande réparation par les armes pour tous les dommages subis.
Cette vigoureuse riposte n'était pas attendue. Ferry eut beau recourir à l'aide du comte de Bar, devenu alors son beau-frère, il eut le dessous et finit par être prisonnier de son neveu. Toutes ces luttes, dont les traces apparaissent peu chez nous, furent mêlées à d'autres du même genre qui avaient pour théâtre le pays de Bar. La paix fut très onéreuse pour le vaincu. Non seulement elle imposa une rançon. et des réparations énormes, mais elle mit en sérieux danger l'indépendance de l'imprudent chevalier que menaçait une ruine prochaine.
Pour se remettre à flot, Ferry recourt à son cousin, Jacques de Lorraine, évêque de Metz, mais c'est pour être enfoncé davantage. Cet évêque, dit Meurisse (5), grand seigneur, comptant beaucoup sur sa force et sachant allier à la violence la plus fine diplomatie, reçut avec joie ses ouvertures et chercha le moyen de trouver largement son compte, en apaisant la querelle de ses parents. Il arrêta donc les hostilités et prépara un accommodement tel qu'en l'acceptant les deux partis furent soumis. à son autorité et devinrent vassaux de l'évêque de Metz. Ainsi fut arrêté, à son début, l'essor des deux florissantes seigneuries de Blâmont et de Salm qui, au jugement de l'évêque, étaient une menace pour le temporel de son Eglise. Ainsi s'évanouit, après une courte durée, une indépendance précieuse, d'où pouvait sortir, plus tard, une prospérité solide.
Les négociations traînèrent eu longueur. Le 13 janvier 1246, Ferry est aux abois, il manque d'argent et supplie l'évêque de lui prêter cinq cents livres de Messins «  pour pouvoir retenir le chastel de Blancmont, par paix faisant avec son cousin, Henri de Salm» (6). L'évêque y consent, mais, à condition que Ferry «  repanrale devant dit chastel et quant qui append (tout ce qui en dépend) de son. devant dit Seigneur et cousin Jacques, liegement en fief et hommaige dedans dous mois après la paix... à peine de mille marcs d'argent, s'il ne tenait ces conventions ». Ainsi fut fait, mais au prix de l'indépendance féodale d'un fief qui sera désormais vassal des évêques de Metz.
Toute l'année 1246 se passa en négociations pénibles. Le comte fut constamment retenu prisonnier, soit de son neveu, soit des bourgeois de Metz, ses créanciers. L'année 1247 fut encore plus mauvaise ; la fièvre rongeait l'infortuné : nouveau sujet pour Richer de le dire puni de Dieu. Enfin la paix fut conclue et la succession si épineuse réglée par l'entremise de l'évêque Jacques de Lorraine.
Il est inutile. de dire que chacune des parties sortit diminuée de la lutte et que l'arbitre en sut tirer un abondant profit. Le sire de Blâmont dut abandonner ses prétentions sur la vouerie de Senones., sur la possession de Pierre-Percée et de l'Ober-Salm, et ne retint que la promesse d'occuper Deneuvre, à la mort de sa belle-soeur ou quand cesserait son usufruit, avec la jouissance de sa terre de Blâmont, asservie comme nous l'avons montré. Il ne fut plus haut et puissant Seigneur, comme les sires de Parroy, et resta seulement Haut Homme de l'évêque de Metz. Ses premières lettres de foi et hommage en cette qualité sont datées du 10 novembre. Sept jours après, sa femme renouve1a la même formalité, parce que le château lui fut donné en douaire. Le comte devait désormais prêter main-forte à son suzerain dans toute réquisition de sa part, ne jamais favoriser ses adversaires, recevoir, le cas échéant, au bourg de Blâmont, « autant des gens de l'évêque qu'il plaira à celui-ci, sauf que le donjon ne sera pas rendable ». Cette obligation engage le comte et tous ses hoirs vis-à-vis de tous lès évêques «  qui après lui seront » (7). On sait qu'en 1506, René II remplit encore cette. formalité de l'hommage, en prenant possession du comté que lui léguait le dernier héritier de la famille de Blâmont. Du chef de cette dépendance, le comté subit dans son essor de fréquentes entraves, dut maintes fois renoncer à des alliances avantageuses et, tenu en tutelle par les évêques, rester inférieur au duché de Lorraine et au comté de Bar que, sans cela, la puissance de Salm lui aurait permis d'égaler.
Henri IV de Salm, neveu de Ferry, avait pu se vanter d'avoir remporté un vrai triomphe sur son oncle, néanmoins il se retirait, comme lui, blessé. et victime de Jacques de Lorraine, son astucieux protecteur et parent. Il recouvrait la vouerie de Senones avec l'Ober-Salm et la seigneurie de Pierre-Percée. Il était confirmé dans la possession de Viviers, Morhange et autres fiefs du Saulnoy, renfermés dans la dot de sa femme. Mais il allait être pris dans les filets de la diplomatie épiscopale, qui sut semer à foison les pièges sous ses pas. C'est ainsi que le jeune comte, après mille tracas, dut fermer ses salines de Morhange, arrêter ses forges du Donon alors en plein rendement, et même engager Pierré-Percée, sauf à le reprendre en fief, comme son oncle avait fait pour Blâmont.
De guerre lasse, Henri IV alla vivre dans son comté de Castres et laissa les coudées franches à l'intriguant prélat, qui ne manqua pas d'asseoir sur notre Blâmontois une suprématie presque universelle. Encore un peu, les fautes de Ferry auraient tué, dans son germe, le comté qu'il espérait fonder. Par bonheur, un de ses fils put, quelque trente ans plus tard et après la disparition du redoutable évêque, faire reculer l'emprise envahissal1teetrendre au jeune Etat si éprouvé une place vraiment brillante.
Mais Ferry ne cessait pas d'être besogneux. Un acte de 1254 nous le montre frappant à la porte du duc de Lorraine et en obtenant, comme fiefs, la moitié des bans de Domjevin et de Lafrimbole, sous réserve qu'après son décès, son second fils «  serait homme lige du duc et, à défaut de mâle la femelle » (8). Il se laisse donc enlacer de tous côtés et c'est peut-être pour prendre sa revanche qu'il tracasse les monastères inoffensifs de la région. Voici, en 1254, un exploit peu glorieux : Les porcs de Haute-Seille étaient à la glandée et paissaient sans défiance quand arrivent soudain des gens de Ferry qui cernent le troupeau, maltraitent ses gardiens et s'en vont en poussant devant eux les animaux trop docile (9). L'abbé fit de vives réclamations. Ferry, loin de les admettre, soutient ses gens et il faut que l'évêque de Metz vienne terminer un litige si peu glorieux. Le reste est à l'avenant, faisant peu honneur à la lige d'une famille qui aura, plus tard, grand mérite. Les revers continuent, abrégeant certainement une vie qui s'éteint prématurément autour de la cinquantaine, vers l'an 1255 : Le lieu de la sépulture est inconnu.
En décrivant la vie familiale de Ferry, M. de Martimprey commet des inexactitudes que des indications précises et sûres nous permettent de rectifier. Il semble, en particulier, ne connaître qu'un mariage de ce comte, alors qu'il en contracta deux; il ne mentionne à son foyer que trois fils, dont il intervertit l'ordre, alors qu'il y eut en plus une fille et peut-être plusieurs autres enfants qui ne sont pas connus.
Ferry était probablement marié vers 1220, quand il vint s'installer à Blâmont. Le nom de sa femme apparait dans un acte de 1229, à propos d'un accord passé entre le comte et l'abbé Widric de Senones. Il s'agit de régler le sort d'un pré, situé à Crévic, qui est dans la dot de cette femme, car elle est dite «  Dame de Dombasle ». Son prénom est Jeanne et sa famille d'origine habite ce dernier lieu. On ne sait rien d'elle, sinon qu'elle dut mourir, vers 1240, après avoir donné au comte les trois enfants que plusieurs auteurs placent en dernier lieu : Geoffroy, l'aîné, Thomas et Philippe, une fille dont on ne sait que le nom. D'autre part, en 1242, Ferry avait certainement épousé Jeanne, fille de Henri II, comte de Bar, car à cette date remonte un pacte ou alliance de famille en vue de sa défense contre tous, excepté contre l'évêque de Metz, qui unit Ferry de Blâmont et Thiébaut II de Bar, frère de Jeanne, et qui devrait subsister, quand même cette Jeanne mourrait la première.
La similitude du nom a fait croire à quelques auteurs que l'une et l'autre Jeanne était la même personne, mais M. Schaudel a fait juste ment remarquer l'invraisemblance de cette opinion. Jeanne de Bar s'est remariée, après 1255, à Louis comte de Chiny et a vécu jusqu'en 1298, au milieu d'incidents qui dénotent une entière vigueur. Ce détail suffit amplement à établir que Ferry eut deux femmes successives, qui portèrent chacune le nom de Jeanne. C'est la seconde qui fut la mère d'Henri Ier, le plus célèbre des sires de Blâmont.

3° Les enfants de Ferry de Salm

La seconde femme de Ferry, Jeanne de Bar, possédait, par bonheur, les qualités que l'Ecriture loue dans la femme forte. Avec sagesse et patience elle sut relever les affaires que son mari laissait en souffrance. Elle éteignit les dettes, rétablit la discipline et remit sur pied une fortune ébranlée. Elle avait dans sa dot la terre de Bouligny-Amermont, la mairie de Pienne, la terre d'Etain et différents fiefs à Jaulny, Corny et Marly (10); elle en consacra tous les revenus à sa besogne de redressement. En deux ans, l'équilibre était assuré. C'était la tâche de la « Maim-bournie », nom donné à la tutelle dans nos régions.
La mère prit le même soin pour éduquer des enfants dont le plus jeune ne dépassait pas douze ans et qui deviendront illustres.
On peut croire que, gagnée par ses affections de famille, Jeanne délaissa alors le fief médiocre de Blâmont pour aller vivre dans le milieu de Bar, beaucoup plus animé. Néanmoins l'impression favorable de son passage parmi nos ancêtres fut de longue durée et la postérité la désigna, jusque très tard, sous le nom de «  Dame de Blâmont » (11).
Elle était jeune encore. Ses mérites la signalèrent à l'attention du sire Louis, comte de Chiny et de Looz, qui sollicita sa main. L'alliance était de tout point honorable, la veuve accepta de convoler en secondes noces et le mariage fut célébré en 1257.
Dès ce moment, Jeanne cesse d'appartenir à notre histoire. Cependant nous prenons plaisir à relater que la seconde partie de son existence la dédommagea des ennuis de la première. Près du comte Louis elle eut un sort brillant et heureux; comme le montra le fameux tournoi de Chauvency qu'elle présida. Bientôt après, la piété des deux époux s'affirma par la fondation du prieuré de Suxy (12), en un lieu sauvage où avait séjourné le célèbre ermite saint Thiébaut. Trois enfants leur naquirent, mais, aucun d'eux ne fit souche, Tous deux enfin choisirent leur sépulture dans l'abbaye d'Orval, où Jeanne suivit son mari, le 30 août 1298 (13).
Quand la comtesse eut quitté Blâmont, Geoffroy, fils aîné de son premier mari, était assez âgé pour prendre en mains la succession paternelle. D'après B. Picard et D. Calmet, il s'était déjà fait homme-lige de l'évêque de Metz, en 1251, pour l'aider dans sa lutte contre le duc de Brabant et de Luxembourg et contre tous les Allemands. Une pièce des archives nationales (B. 10021) le mentionne, le 21 juin 1253, comme devant reprendre vingt livrées de terres dans un rayon de trois lieues autour de Toul, pendant les six mois : qui suivront la nomination de l'évêque de Toul (14). Cet évêque fut Gilles de Sorcy (1253-1269) et sa parenté avec la famille de Bar est bien connue. Une autre pièce de nos archives départementales (B. 578) montre Haymonin, de Faucogney faisant foi et hommage au sire de Blâmont. Et c'est tout ce qu'on sait d'un seigneur dont la vie fut courte, 1266 son frère Henri lui avait déjà succédé. Quand et comment mourut-il ? Fut-il marié ? Ces questions nous semblent oiseuses, puisque nulle réponse ne peut leur être donnée. Un mot s'impose pour expliquer la présence à Blâmont d'un sire de Faucogney. La seigneurie de ce nom située près de Luxeuil, sur le Breuchin (Haute-Saône). Haymonin, dont il est question plus haut, était un allié de la famille de Bar et lui avait rendu service. Geoffroy de Blâmont put ainsi le connaître et l'attirer près de lui. A quel titre reçut-il son hommage? Peu importe. Une preuve de son séjour et de son activité nous est restée dans la création d'un petit étang sur le ban d'Autrepierre, à la source du Danube. Le nom de Rancogney, donné à cet étang, n'est autre que celui d'un affluent du Breuchin. Il a dû être choisi par cet écuyer. On retrouvera, plus tard, mêlés aux affaires du Blâmontois, des descendants, non de cet Haymonin, qui ne fit pas souche, mais de la famille de Faucogney, florissante en Franche-Comté.
Thomas de Blâmont fut un frère de Geoffroy. Sa vie est mieux connue. Son enfance seule s'écoula dans la seigneurie natale. Il dut suivre sa seconde mère dans le pays d'Ardenne et s'y perfectionner dans le métier des armes. Cependant il finit par entrer dans les Ordres, après avoir exercé longtemps, à Reims, la fonction de vidame, qui était une charge militaire autant qu'ecclésiastique. Les historiens lui prêtent des goûts mondains et le disent entreprenant et batailleur (15). Vers 1280, sans quitter sa charge de vidame, Thomas vient à Verdun, s'inscrit dans un Ordre de chevalerie spécial et offre aux Dames de Saint-Maur la protection de son épée. Il reçoit, en retour, l'usufruit du domaine de Baleicourt, avec la promesse de nombreuses prières, avant et après sa mort, s'il l'améliore. Marguerite de Bar, tante du chevalier, s'est retirée parmi ces Dames, après avoir quitté Deneuvre. Grâce à son appui, elle fut bientôt nommée abbesse du monastère.
Le vidame est intrigant. Il est élu Princier du Chapitre de Verdun et entre en lutte avec l'évêque. Mais voici, en 1284, un incident célèbre, relaté par B. Picard et D. Calmet. Conrad Probus, évêque de Toul, obligé par ses bourgeois de s'éloigner à Liverdun, voudrait reprendre sa capitale et demande l'aide du Princier qui promet quarante hommes. Ceux-ci trouveront, en un lieu fixé, quarante partisans de l'évêque. L'attaque sera ouverte à minuit et dirigée contre une porte secrète donnant accès au palais épiscopal. Des bateaux permettront de franchir les fossés et des affidés, introduits à l'intérieur, faciliteront l'entrée une fois maîtres du palais, les assaillants envahiront les rues et, la surprise aidant, la ville sera facilement reprise. En effet, «  la vigile de la Saint-Mathieu, emmy la nuit, quand on chantait les Matines, Thomas, frère de Monseigneur de Blâmont et nepveu de Monseigneur de Bar, se présenta aux nefs mises aux fossés et par un lieu de murs, lors désert, qui est entre les murs de l'église et le palais et entra dans la dicte ville de Toul pour la subjecter ». Un plan si bien conçu devait réussir, mais un vrai prodige venu du ciel le fit échouer. Une bonne femme priait, à cette heure, aux pieds d'une Madone très honorée des bourgeois. Soudain, elle entend une voix qui l'invite à jeter l'alarme dans la ville endormie, parce qu'un malheur la menace. Elle hésite longtemps. Mais voilà que l'image de pierre remue un pied, et prouve ainsi que l'ordre vient d'en haut et que le danger presse. La ferme va réveiller les gardiens. Les citains prennent les armes, découvrent «  les ennemys quasi au point du jour et d'iceulx ennemys, les ungs furent noyés et les autres tuéz, en nombre de mors occis quarante et noyez sept ; plusieurs des tués étaient de Liverdun... Et fut tiré d'un traict d'arbalestre en la cuisse de Monsieur de Blâmont, dans les fosséz en ressortant. Benict soit Dieu qui délivra la cité » (16). Telle est, du moins, la version donnée par le cartulaire des archives municipales.
La cité reconnaissante ayant fait adapter à la statue miraculeuse un sabot de métal, la Vierge en garda le titre de Notre-Dame au pied d'argent. Cette déconvenue guérit, dit-on, Thomas de Blâmont de son goût pour les aventures militaires, mais ne lui inspira pas de rancune contre la Vierge qui l'avait si fort contrarié. On sait qu'il partagea la dévotion touloise et fit, plus tard, une fondation en l'honneur de Notre-Dame au Pied-d'Argent.
Thomas, fortement appuyé par le roi de France, fut nommé évêque de Verdun, en 1303, mais n'eut guère le temps de se distinguer dans cette charge, car la mort l'emporta deux ans plus tard. Il encourut, néanmoins, aux yeux de la postérité, deux graves reproches : celui d'avoir accepté trop facilement les empiètements de Philippe le Bel sur le Temporel de son Eglise et celui d'avoir suivi l'exemple de ce prince dans l'altération des monnaies. Les pièces qu'il fit frapper sous le nom de «  Double-Loyaux », à l'image des «  Double-Royaux » de France (17), eurent un cours forcé avec une valeur double, pour un même poids de métal. Cette ruse, qui fut imitée aussi en Lorraine, déchaîna partout les plus vifs mécontentements.
Le prélat fit un testament en faveur de son Eglise. En lui léguant les bois, moulin et étang de Lemmes près de Souilly (Meuse), il recommandait de distribuer des aumônes, le jour de son anniversaire. Mort, le 23 juin 1305, il reçut la sépulture dans la chapelle Saint-Martin, située au côté droit de la Cathédrale. Un mausolée portant sa statue. et une inscription fut érigé sur sa tombe (18).
Le village de Verdenal, autrefois Verdunois, près de Blâmont, tient certainement son nom du passage à Verdun de ce haut personnage, mais nous ne savons pour quelle raison. Il se composait jadis de deux parties, séparées par le Danube : la rive droite, longtemps appelée rue d'Herbéviller, dépendait de la seigneurie de ce lieu; la rive gauche, au contraire, était blâmontaise et on peut croire qu'elle fut organisée ou dotée par Thomas de Blâmont.

4° Physionomie du Blâmontois au XIIIe siècle

Aspect social de la région

Au XIIIe siècle, la France étalait ses incomparables splendeurs : beaux gestes des chevaliers, prouesses des croisades, merveilles d'architecture ogivale, prodiges de science théologique et même miracles de sainteté. Au même moment, la Lorraine présentait un tableau. moins attachant. Elle était troublée par des démêlés mesquins qui mettaient, sans cesse, aux prises trois champions toujours en présence : les ducs de Lorraine, les comtes de Bar et les évêques de. Metz,
Jusqu'alors le chastel du plateau de Hey reste informe. C'est un simple donjon ou tour carrée et massive, qui abrite des dépendances peu gracieuses. En dessous, le bourg descend vers la Vesouze et s'accroît avec les sujets qui arrivent. Du côté de l'ouest, le long de la voie ancienne, un terrain vague offre un bel espace pour le marché qui se tient quatre fois par an. Comme son accès est facile et que le milieu est plus peuplé, le succès de ces assises commerciales augmente chaque année et fait oublier le marché du Donon. Des maisons de laboureurs s'aperçoivent plus bas, alignées le long de la Voise. Tout ce quartier s'appellera «  faubourg du vieil marché. D'autre part, Giroville tend à se rapprocher, par dessus la Vesouze, du nouveau centre dont l'activité s'accentue; ce sera son second faubourg, A-t-on songé au four et au moulin banal ? Peut-être. Du moins, les moeurs du temps les réclament, ainsi que les «  Plaids annaux » ou assises judiciaires, que la coutume a fixées à la Saint-Maurice et à la Saint-Georges. Les prévôts n'avaient pu réaliser ces institutions. Le Maître, une fois présent, en mit sur pied l'ébauche et l'homme de haute valeur qui va succéder à Ferry leur donnera une impulsion qui portera la seigneurie au faîte de la puissance.
Sur divers points des alentours, on peut apercevoir des familles assez opulentes pour essayer de créer, elles aussi, des seigneuries analogues à celle de Blâmont. Nous les étudierons plus tard. On les voit poindre à Badonviller, Hattigny, Couvay, Montigny, Ogéviller. Mais les évêques de Metz exercent sur ces régions une suprématie temporelle qui semble arrêter leur essor. Briser cet ombrage gênant sera une lourde tâche pour les comtes que l'avenir tient en réserve.
Le menu peuple, répandu dans les villages, avance peu à peu dans la conquête de ses libertés et améliore son sort, en obtenant de ses maîtres des concessions toujours plus amples. Il tire profit de la terre qu'il travaille et préfère les servitudes champêtres à la redoutable «  corvée d'Ost » ou de guerre. Car son humeur tranquille lui fait redouter les chevauchées des hommes d'armes, qui laissent derrière elles la ruine et les pleurs. Pourtant, s'il le faut, le paysan sait accourir au château pour monter la garde et suivre le chevalier qui part en expédition. La corvée, du reste, n'a rien d'exagéré. Les hommes d'armes - et on désigne ainsi le cavalier tout équipé avec deux hommes d'escorte - ne sont levés qu'en nombre limité; un ou deux par village et pour un temps très court : trois jours d'absence. Tout autre service n'est plus gratuit et obligatoire, mais donne lieu à l'indemnité des gens de guerre.
La population, variable avec chaque centre, mais très faible en somme, se recrute sur place et avec des chances diverses contre les maladies et les autres causes de mortalité. Tous les villages qui existent encore de nos jours occupent leur place. Plusieurs autres ont été détruits. Les derniers venus, Verdenal et Chazelles (19), sont du XIIIe siècle, comme nous l'avons vu. A ce peuple disséminé les monastères et les prieurés dispensent, comme autrefois, les secours spirituels, mais ils sont en train de perdre, vis-à-vis de lui, leur suprématie temporelle, ce qui ne les empêche pas de recevoir des dons ou de pratiquer des échanges qui consolident leur patrimoine,

Aspect religieux de la région

Aux prieurés mentionnés plus haut, il nous faut ajouter celui du Chesnois, fondé, après 1200, en faveur de l'abbaye de Chaumousey, par des bienfaiteurs qui semblent appartenir à la famille des comtes de Lunéville. Il eut une chapelle dédiée à saint Barthélemy, qui subsista jusqu'à la Révolution sur le ban d'Emberménil, non loin de la gare actuelle. Il servit longtemps d'église-mère pour Domjevin, Frisonviller et Manonviller.
I.e prieuré de Xures reçut, en 1283, une importante dotation du sire Albert de Mouacourt.
Saint-Rémy de Lunéville avait cédé à Haute-Seille, vers 1155, deuxgranges, nommées Gracums et Gemmeneis (20), situées sur le ban de Frémonville ; mais, comme dédommagement, un habitante de ce lieu, Pierre, archidiacre de Toul, au temps de Pierre de Brixey (1179); lui concéda la cure de Frémonville, avec deux parts de la dîme et ce qu'il possédait lui-même en ce lieu. Un abbé Jean. céda le moulin à Thomassin dit Bourguignon, pour quarante livres de Messins. Le reste demeura dans les possessions de l'abbaye jusqu'à la Révolution.
Saint Sauveur, peuplé de chanoines réguliers depuis 1188, allait atteindre le faîte de sa prospérité. Eudes de Sorcy, évêque de Toul (1219-1228), loue les bonnes relations qu'entretiennent, les religieux de ce c1oître avec ceux de Haute Seille. Il n'y a que vingt chanoines au maximum, mais ils sont pieux; ils propagent le culte de la Sainte Vierge sous le titre de Consolatrice des affligés et de Refuge des Pécheurs, ils gagnent l'estime des sires de Blâmont ainsi que celle de leurs écuyers; ils, reçoivent de toute la contrée les marques d'une sympathie chaude et fidèle (21). En 1264, Henri de Blâmont, les prendra sous sa sauvegarde particulière. Vers 1280, on leur donnera des terres à Gogney et à Ibigny; en 1286, des terres à Badonviller et à Azoudange; en 1309, des terres à Maizières-les-Vic, Misselange et Videlange; en 1332, tout l'avoir de Liétard de Couvav, devenu leur abbé.


Cliché du «  Pays Lorrain » - Vierge ancienne honorée dans l'église abbatiale de Saint-Sauveur

Les Cisterciens de Haute-Seille ont, de leur côté, toutes les faveurs des comtes de Salm. Leur avoir s'agrandit vite, entre 1145 et 1245 (22). Dix années désastreuses, entre 1275 et 1285, à cause des démêlés survenus entre le comte de Blâmont et l'évêque de Metz. La détresse est si grande que les religieux sont sur le point de mourir de faim. Le pape Nicolas s'en émeut, en l'apprenant, et presse les évêques de Toul et de Metz de les secourir. Bouchard d'Avesnes leur donne alors les églises de Mattoncourt et de l.andange, avec la chapelle d'Ommeray (1285). Conrad Probus, de Toul, leur accorde la desserte de Giroville, qu'ils garderont jusqu'à la Révolution.
Puis la tourmente cesse et les acquisitions recommencent. Mais l'abbaye subira l'influence des évêques de Metz et des comtes de Salm et nous la verrons plusieurs fois en conflit avec les comtes de Blâmont

Les Templiers

Cette revue sommaire des établissements religieux nous amène à parler des Templiers, dont les maisons furent nombreuses dans la région. Leur vogue dans le Blâmontois parait extraordinaire. Le crédit de saint Bernard, qui dicta leur règle, la faveur des évêques de Metz, partisans des croisades, la générosité des Folmar de Lunéville, les privilèges et exemptions accordés par les papes, sont autant de causes qui expliquent leur succès. Leurs richesses ne furent pas sans danger pour leur ferveur. Néanmoins leur activité n'est niée par personne et leur souci du progrès, peut-être même du confort, les a poussés à créer des maisons en grand nombre et en bonne place à l'écart des villages, à établir des chaussées et à former des étangs là où une digue suffisait à barrer une vallée humide et étroite. Si ce dernier point est exact, on peut croire que le Blâmontois suivit largement leur exemple, car nombreux sont les étangs qui furent établis sur les rivelets qui serpentent dans ses vallons.
Les premières maisons de Templiers dans le pays de Metz remontent à 1138, mais dans notre contrée elle n'apparaissent qu'un siècle après. Leur nombre dans le Blâmontois étonne quelque peu. Certains auteurs, comme Gravier, soupçonnent qu'il y a là une barrière opposée à l'influence des Bénédictins de la Vôge ou une précaution prise par les évêques de Metz pour garantir leur «  Temporel évêchois », Ainsi nomment-ils les possessions épiscopales dans nos parages. C'est peut-être une supposition gratuite, Il n'en est pas moins vrai que les établissements des Templiers s'échelonnent à la limite du diocèse, comme s'ils avaient dessein d'en garder la frontière. Signalons-les avec certaines particularités que nous transmet H Lepage dans ses «  Communes ».
Entre Parroy et Emberménil, une maison, dont la plan : est marquée par de nombreux débris de tuiles et de briques portant la trace du feu.
A Domjevin, une maison occupant la hauteur qui domine le village, où fut retrouvée, en 1770, une chaussée cimentée qui rejoignait le chemin de Blâmont à. Lunéville.
Entre Autrepierre et Amenoncourt, sur le haut d'Hélimont, au lieu dit l'Abbaye, une maison importante, si l'on en juge par la place qu'elle


Dessin de J. Divoux
Eglise d'Amenoncourt - Choeur attribué aux templiers

occupait sur le sol (23). Tous les débris portent nettement la trace du feu. La famille des comtes de Lunéville, qui, de longue date, possédait un fief à Amenoncourt, semble avoir été l'auteur de cette fondation. Le choeur actuel de l'église, bien. qu'un peu dénaturé; offre des caractères très nets de l'architecture en usage à cette époque : nervures de la voûte, colonnettes et chapiteaux fleuronnés. C'est, sans doute, une oeuvre des Templiers.
A Foulcrey, une maison, située au lieudit : Le Temple.
A Hattigny, maison située en plein village, puisque la tour actuelle de l'église, remarquable par l'épaisseur de ses murs, passe. pour avoir servi de tour d'angle à un cloître de Templiers.
Les maisons. suivantes étaient situées dans le diocèse de Toul, mais en des lieux subordonnés au pouvoir temporel des évêques de Metz. A Mignéville, au lieu dit : la Haye du Château, sur un coteau séparant la Blette de la Verdurette, une maison en forme de tour carrée, dont la base se voyait naguère encore, et mesurait 16 mètres de côté. Enfin, à Badonviller, une maison dont on avait oublié l'existence, mais dont M. Schaudel vient de retrouver la trace dans un acte, qui mentionne les Templiers comme anciens seigneurs de cette ville, du moins pour un quart. En quel endroit convient-il de placer leur maison? Aucun document ne l'indique, mais il est dans la direction de Pierre-Percée une maison isolée dont le nom de Jérusalem pourrait bien révéler l'intervention des chevaliers de Terre-Sainte, plutôt que celle de Henri II de Salm, l'ancien croisé.
Toutes ces maisons n'eurent pas la même importance, quelques-unes n'étaient sans doute que de simples granges ou métairies. Mais toutes furent anéanties vers 1312. Dans le pays de Metz, on se contenta, d'une expulsion avec attribution des biens aux Chevaliers teutoniques. Dans le Blâmontois, l'exécution fut plus sévère, car les débris révèlent à peu près partout l'action du feu. Le comte de Blâmont, d'autre part, fit une large part à la confiscation pour son profit. Cette rigueur s'explique pat les événements. En 1300 avait eu lieu, dans nos parages, une irruption de Messins, qui avait fait grand tort aux populations, surtout à Domjevin et à Marainviller. Les Templiers, très dévoués aux évêques de Metz ont, peut-être, trop favorisé cette agression et subi, peu après, l'effet du ressentiment populaire.
Les Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem héritèrent des possessions, laissées par les Templiers, leurs malheureux confrères. On connaît les commanderies de Lunéville et de Gelucourt, placées sous le patronage de saint Georges. Celle de Lunéville recueillit, en particulier, les droits accordés à l'église d'Amenoncourt par le comte Hugues, en 1201. L'indulgence plus grande, dont bénéficièrent ces chevaliers, s'explique par les bienfaits qu'ils savaient rendre comme hospitaliers. Leur connaissance des besoins éprouvés dans les longs voyages leur donna d'idée d'ouvrir toutes grandes leurs portes aux voyageurs. Elle les poussa aussi à secourir les victimes de toutes les maladies pestilentielles qu'on rapportait de l'Orient : le feu Saint-Antoine, le Mal des Ardents. Enfin, elle fit entrer dans les moeurs les Maisons-Dieu, les Ladreries, les Hôpitaux de toutes sortes, qui furent, dans la suite, si secourables à toutes les misères humaines.

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Cliché du «  Pays Lorrain » - Statuettes conservées dans l'église de Saint-Sauveur

(A suivre)


(1) Pibon. évêque de Toul, atteste, en 1085, que les églises de Giroville, Lafrimbole, Varcoville et Niederhoff appartiennent à Hugoncourt. Les droits de ce monastère sur ces églises, ainsi que sur celles de Tanconville et de Parux, seront cédés, en 1244, à Haute-Seille pour deux cent vingt marcs d'argent. Gérôme, abbé de Haute-Seille, et son voué, le comte de Habisborn, passeront le contrat et, Roger, évêque de Toul, le confirmera, en confiant à l'abbé la desserte de Giroville. Conrad Probus, successeur de ce dernier, fera, en 1285, une nouvelle confirmation du traité, en raison de la grande pauvreté de Haute-Seille.
(2) Agnès donne à Saint-Sauveur la neuvième partie de tout ce qui se dîme en grains, vin, fromages, porcs, chevaux, dans les villages de Giroville, Couvay, Blémerey, Herbéviller : la terre de Harbouey avec les hommes et femmes qui l'habitent;, la moitié de l'église et du village de Raon-lès-Leau; le revenu des meules extraites de ce lieu; le produit de la forêt jusqu'à l'endroit appelé Loudamont, c'est-à-dire : le Donon, d'après l'interprétation traditionnelle.
(3) La notice de M. le comte E. de Martimprey Sur «  les sires et comtes de Blâmont » sera notre guide constant dans cette étude. Nous remercions-vivement M. de la Lance et les autres survivants de l'estimable auteur de nous avoir permis d'utiliser, à notre aise, Ce travail si bien documenté.
(4) Le château de Hiunolstein ou Hunalpierre, près de Deux-Ponts, faisait partie de l'apanage de Lorette de Castres. Richer s'est trompé en appelant celle forteresse Ribeaupierre (Rappolstein, aujourd'hul Ribeauvillé), qui est en Alsace et appartenait alors à des descendants d'Egenolfe d'Urselingen, seigneurs qui n'ont rien de commun avec les comtes de Salm.
(5) Histoire des évêques de Metz, I, p. 458.
(6) Cartulaire de Metz, I, p. 410;. et de Martimprey. Pièces justificatives, L
(7) Arch. dép. M.-et-M., D. 574, et cart. Blâmont, B. 345.
(8) Biblioth. Nationale, fond latin, n° 10021.
(9) Arch. dép. M.-et-M., H 542.
(10) Tous, ces lieux, situés dans le Pays-Haut, comme nous disons encore, étaient du comté de Bar.
(11) Nous reproduisons, d'après D. Calmet, un sceau de cette dame, daté de 1271. Au recto : femme debout tenant un petit chien, le fond semé de poissons (chiny); en exergue : S. Joanna, comtesse de Chineio et Domina Albimentis; au verso : écu, chargé de deux, barbeaux adossés sur champ de gueules semé de croisettes (Bar et Salm). Arch. dép. M.-et-M., H 571.
(12) Ce nom, dit la légende, fut choisi parce que le pieux ermité aimait à méditer et à répéter ces mots : «  Mel et favum suxi », j'ai sucé le miel et son rayon, allusion au psaume XVIII, qui proclame les jugements de Dieu plus doux que le miel (dulciora super mel et favum).
(13) BERTHOLET (tome V donne son épitaphe : «  Joanna, comitissa de Looz et de Chiny - Domina de Blâmont religione leci permota hic sibi sepulturam - testamento elegit »
(14) Mettensia II, LXXXII et p. 117.
(15) Abbé CLOUET : Histoire de Verdun t. III.
(16) LEPAGE : Archivas de Toul.
(17) Elles portaient en exergue, les unes : legalis, les autres : regalis.
(18) Roussel nous a t:onserve cette épitaphe dans son Histoire de Verdun :
qui Salmone natus, in Barri stirpe creatus
Urbis praelatus fuit hujus, adest tumulatus,
Nomen ei Thomas Blamontis. Christe, reponas
Hunc infra zonas horum, quos jure coronas
anno milleno ter centeno quoque deno
quinque minus dat humo bapbtisans hunc
bene sumo.
(19) Ce nom de Chazelles semble dériver du vieux mot Xoixel, marchand ambulant ou l'étalage. On se demande quelle colonie de marchands a été établie là, sous le patronage de sainte Madeleine.
(20) Ces deux métairies marécageuses furent converties en étangs, connus sons les noms de Gresson et de Gimeis ou Geminy, ce dernier à l'orée du bois Andrébocht donné à l'abbaye par Henri de Salm.
(21) E. CHATTON : op. cit., p. 82.
(22) Voir le détail de leurs acquisitions dans la notice de M. de Martimprey sur Haute-Seille (M.S.A.L., 1887) : en 1145, grange de Hermaménil, près de Remoncourt:; en 1180, terres de Maizières-les-Vic; en 1186, droits forestiers sur Azerailles et Chenevières; en 1211, moulin de Moussey, donné par un seigneur de Réchicourt; en 123l, moulin de Frisonviller (Domjevin), donné par Henri. de Salm; en 1244, cession par Jérémie, abbé de Hugoncourt, de ses droits sur Giroville, Lafrimbole, Parux, Varcoville et Niederhoff.
(23) Des pierriers, formés par les débris des constructions, présentent un rectangle de cent mètres de côté sur quarante. Plusieurs pièces de monnaies trouvées là n'ont pas été conservées. La tradition parle encore des richesses fabuleuses qui ont jeté le discrédit sur l'Ordre entier : Une lettre, conservée aux archives départementales (H 1373), relate sérieusement que, vers 1740, le curé Emond trouva dans la vigne, qui était toute proche, des pièces d'or assez nombreuses pour remplir un corbillon. La même tradition veut que les Templiers aient tous péri, rejetés dans le feu, par les gens qui incendiaient leur couvent.
 

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