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Tableau sur le siège de Blâmont


Journal de la Société d'archéologie et du comité du Musée lorrain
1858 - Louis Lallement

NOTE SUR DEUX TABLEAUX QUI SE TROUVENT AU CHATEAU DE CHATILLON, PRÈS DE CIREY (MEURTHE).

Il existe au château de Châtillon deux tableaux représentant deux de ces hauts faits qui illustrent l'histoire de Lorraine, en même temps qu'ils honorent les familles de leurs auteurs : l'un représente l'héroïque défense de Blâmont par le capitaine Klopstein, en 1636; l'autre, la capitulation si honorable de Mandres-aux-Quatre-Tours, après une glorieuse résistance opposée par une garnison de dix-huit hommes à une armée de six mille ennemis (1633).
Chacun de ces tableaux a 1 mètre 20 centimètres de largeur sur 0 m. 90 cent, de hauteur.
Sur le premier, on lit des vers latins qui se trouvent reproduits dans une note détaillée écrite au dos même du tableau, et ainsi conçue:

CRUENTA ALBI-MONTIS OBSIDIO. - Siège sanglant de Blâmont.
La ville de Blâmont en Lorraine fut attaquée en (septembre) 1587 par l'armée des Reïtes protestants d'Allemagne, qui étoient sous la conduite du duc de Bouillon. Matthias Klopstein, issu d'origine noble en Allemagne, qui avoit suivi le comte de Vaudémont, fils du grand duc Charles III de Lorraine, au retour d'une expédition contre les protestants de ce pays, et qui servoit dans les trouppes du duc Charles III en qualité de capitaine de Lansquenets, se jetta dans cette place avec deux compagnies de gens d'armes, pour soutenir Thomas Kiecler qui en étoit gouverneur, et s'y deffendit si bien, qu'après avoir tué près de deux cens hommes, il obligea l'ennemy à se retirer.
En l'an 1636, Jean-Matthias KIopstein, vulguairement appellé le capitaine KIopstein, gouverneur de cette ville, neveu du précédent, mit le feu à la ville, à l'approche du général Bernard Saxe-Weïmar, qui commandoit l'armée de Suède, et se retira dans le château où il fut attaqué par laditte armée. Il s'y deffendit pendant plusieurs jours avec tant de valeur, qu'il y soutint deux assauts. Mais enfin accablé par la multitude des ennemis, et le secours promis luy manquant, il fut forcé dans le corps-de-logis de la place. Les assiégeans, irrités de sa résistance, firent passer la garnison au fil de l'épée, et attacher le gouverneur, tout percé de coups et demi mort, à la porte du château; sous prétexte qu'il avoit eu la témérité de résister à une armée commendée par un prince du sang.
Nicolas-Louis de KIopstein, chanoine de Saint-Diez, son arrière petit-neveu, pour donner de l'émulation à ses descendans, et perpétuer dans la famille cette action de valeur, en a fait peindre le tableau, et mis au bas les vers suivans:
Principis et patriae victor dùm jura tuetur
Morte triomphali victus in arce perit
Joannes-Matthias de KIopstein, nobilis Lotharus,
Urbis et arcis rector impavidus. Anno 1636.

Explication des vers latins en vers françois:
Tandis qu'au haut des murs pour ton roy légitime (1)
Tu braves les dangers en héros magnanime,
Par la foule vaincu tu descends au tombeau,
La corde est pour toy seul un triomphe nouveau.

Dans la forteresse, on voit les Lorrains commandés par Jean-Matthias KIopstein : leurs uniformes sont aux couleurs jaune et rouge; leur grand étendard est fond jaune avec une grande croix rouge : au point de jonction des bras de cette croix, se trouve l'écu des alérions couronné; à chacun des quatre angles du drapeau se voit une croix de Lorraine à deux croisillons. L'armée suédoise, en uniforme bleu, - escortée de sa musique, et portant son drapeau, aux trois couronnes, - monte à l'assaut en bon ordre.
Au bas du tableau, près de l'inscription latine que nous avons rapportée, sont peintes les armoiries des Klopstein : D'or, à la fasce d'azur, accompagnée en chef de deux lionceaux naissans de sable, et en pointe de deux mains frappantes avec des pierres qui jettent des flammes; timbré d'un lionceau de l'écu issant d'un armet morne, le lambrequin aux métaux et couleurs de l'écu.

Sur le second tableau, on lit:
TRIUMPHALIS EXITUS DE CASTRO DE MANDRES AD QUATUOR TURRES.
Sortie triomphale de la forteresse de Mandres-aux-Quatre-Tours.
Puis, au bas, des vers latins que nous allons retrouver, comme pour le premier tableau, dans une inscription placée derrière la toile, et que nous reproduisons également tout entière:
«  Mandres-aux-Quatre-Tours, entre Pont-à-Mousson, Toul, Saint-Mihiel, sur le chemin de Nancy, étoit une forteresse dans laquelle François-Louis de Mauljean, gentilhomme lorrain, colonel de cavalerie an service du duc Charles IV, - qui, par ses alliances, tient à la Maison du Châtelet de Cirey-en-Vosges, à celles de la Tour-en-Voëpvre, de Lavaux de Saint-Ouen, de Chatenois, - se jetta avec dix-sept hommes d'armes et y fit si bonne contenance pendant plusieurs jours, qu'il y fixa le général françois avec une armée de six mil hommes, ne voulant laisser derrière luy aucune forteresse. Le colonel de Mauljean usa de toutes sortes de ruses de guerre pour amuser l'ennemy, affin de donner du tems au Duc de jetter du secours dans la ville de La Motte, dont les François alloient faire le siège. Enfin, après avoir usé toutes ses provisions de bouche et munitions de guerre, et après avoir arrêté l'ennemy pendant plusieurs jours en luy faisant paroitre beaucoup plus de monde qu'il n'en avoit, il obtint du général françois une capitulation honorable, autant par son adresse que par son courage. Il sortit avec tous les honneurs de la guerre, tambours battans, drapeaux déployés, mèches allumées, chariots couverts, à condition néanmoins qu'il ne reprendroit les armes qu'un an après la reddition du fort et qu'il se retireroit à Marsal sous là garde des trouppes françoises, suivant la capitulation qui a été longtems dans la famille des Mauljean, qui vient de finir dans celle de Klopstein, qui en descend par Marie-Gabrielle de Mauljean, petite-nièce du colonel François-Louis de Mauljean. Le présent tableau exprime l'action, et les vers le courage et l'adresse du colonel.
Turribus egreditur ditatus Martis honore
Quas custodierat mentis et artis ope
Francisais Ludovicus de Mauljean, nobilis
Lotharus cohortis proefectus.
Et en françois :
Mauljean, couvert d'honneur, sort de la forteresse
Qu'il avoit deffendù par ruse et par adresse.

Nota. Ce François-Louis de Mauljean avoit été sergent-major de bataille au siège de Saint-Mihiel, et, à la reddition de cette place & Louis XIII qui étoit présent à ce siège, il fut envoyé à la Bastille comme prisonnier de. guerre avec le colonel Salin, qui étoit commendant de laditte ville, pour avoir répondu à ce monarque, qui s'étoit plaint à eux de leur résistance dans une place qui n'étoit point tenable: «  Que si Sa Majesté leurs avoit confié la garde d'un moulin à vent, ils se seraient crûs déshonorés de l'avoir abandonné sans ses ordres. » Ainsi en parle l'historien du siège de Saint-Mihiel.

Au premier plan, on voit le château de Mandres avec ses quatre tours, environné d'eau de toutes parts : sur le pont-levis, qui est baissé, deux sentinelles françaises gardent la forteresse. La petite garnison lorraine sort de la place en bon ordre, en uniforme aux couleurs lorraines (jaune et rouge), l'arme au bras, drapeau déployé; le colonel de Mauljean, qui la commande, est a cheval, l'épée à la main. Un fourgon couvert suit cette petite troupe. L'armée française assiégeante est rangée autour du château.
Au fond, on aperçoit le village de Mandres et un autre château, aussi flanqué de plusieurs tours, et qui doit être celui de Beaumont.
A l'un des angles du tableau, figurent les armoiries des Mauljean : d'azur, à la fasce d'argent, surmontée en chef de deux roses de même, et pour cimier un rosier au naturel portant trois roses d'argent, environnées de deux cornets componnés d'argent et d'azur, le tout porté d'un armet morné d'argent, couvert d'un lambrequin aux métail et couleur de l'écu.
(Voir, sur les deux sièges de Blâmont : Dom Calmet, Notice de la Lorraine, article Blâmont, au t. I, col. 152-155; - M. Digot. Histoire de Lorraine, tome IV, page 240; et tome V, page 268.
Voir, sur la défense et la capitulation de Mandres : Dom Calmet, op. cit., art. Mandres-aux-Quatre-Tours, au t. I, col. 720. Voir encore Dom Pelletier, Nobiliaire de Lorraine, art. Klopstein.) Dom Calmet, à l'article Blâmont dans sa Notice de Lorraine, donne d'intéressants détails sur la famille Klopstein, qui s'est toujours distinguée, - dit-il, - par son attachement inviolable aux intérêts des Ducs, ce qui lui a mérité les louanges du Peuple et la » confiance du Souverain. » (2)
Les deux précieux monuments que nous venons de décrire sont pieusement conservés par le chef de cette noble famille. Ils sont en ce moment confiés, pour être restaurés, à notre collègue M. Louis Alnot. Nous en avertissons ceux de nos lecteurs qui désireraient les examiner.

L. L.

(1) Il serait plus exact de dire.: «  pour ton duc légitime. »
(2) Il parle notamment d'un autre membre d cette famille, François, qui soutint au péril de sa vie en perdant ses biens, les droits légitimes de Charles IV dans la place de Marsal.

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