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Histoire de l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domèvre  (8/10)

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Mémoires de la Société d'archéologie lorraine - 1898

HISTOIRE DE L'ABBAYE DE SAINT-SAUVEUR ET DE DOMEVRE 1010-1789
Par M. l'abbé CHATTON

QUATRIÈME PARTIE
L'abbaye de Domèvre depuis la réforme de saint Pierre Fourier jusqu'à la grande Révolution (1625-1789)


CHAPITRE VII
EMPIÉTEMENTS PROGRESSIFS DES VOUÉS DE L'ABBAYE DE DOMÈVRE AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES.

Sommaire : I. Empiétements progressifs des voués à Domèvre. - II. A Arracourt. - III. A Burthecourt.

Nous avons vu à quoi se réduisaient, au XIIe siècle, les droits des voués de l'abbaye de St-Sauveur, soit à Burthecourt, soit à Domèvre (1). Si nous considérons au XVIIe et au XVIIIe siècles les successeurs de ces premiers voués, ils nous apparaissent méconnaissables tant ils ont accru la somme de leurs revenus, et multiplié leurs droits utiles et honorifiques au détriment des abbés. Il serait intéressant pour l'histoire de suivre ce mouvement d'absorption progressive depuis son origine jusqu'à la Révolution ; mais, avant le XVIe siècle, les vicissitudes de la lutte des deux pouvoirs rivaux nous échappent à cause de la rareté des documents. Nous consignerons seulement les faits qui sont tombés dans le champ de nos observations au XVIIe et au XVIIIe siècle, et qui ont eu pour théâtre les trois grandes seigneuries de l'abbaye.
Domèvre. - Les ducs de Lorraine, en succédant aux anciens seigneurs de Blâmont et de Lunéville, avaient hérité de leur qualité de voués de Domèvre, et leurs droits de voués, en prenant de l'extension, s'étaient confondus peu à peu avec leurs droits de souverains. Nous avons constaté plus haut (2) combien les habitants de Domèvre au XVIe siècle étaient turbulents et avides d'étendre indéfiniment les concessions qui leur avaient été faites: il avait fallu toute l'autorité du duc régnant peur contenir leur insubordination et modérer leurs entreprises continuelles contre les droits des abbés. Ce besoin qu'avaient eu les abbés de recourir fréquemment à leurs souverains pour les défendre contre les usurpations de leurs sujets féodaux et leurs ennemis du dehors, les avait mis de plus en plus à la discrétion de leurs puissants protecteurs. Ils avaient éloigné un danger pour en courir un autre; car comment le voyageur qui a été arraché aux mains des voleurs pourrait-il ne pas ouvrir sa bourse à son libérateur et comment pourrait-il se dérober aux revendications de ce libérateur, si celui-ci devient exigeant?
Le bon duc Antoine et Charles III ne paraissent pas avoir voulu exploiter cette situation avantageuse; en tout temps, on les voit prêter aide et protection aux abbés de Domèvre avec beaucoup d'équité et de désintéressement ; mais pendant l'occupation française, sous Léopold et ses successeurs, on profita du pouvoir acquis, pour porter de rudes coups aux privilèges des seigneurs ecclésiastiques de Domèvre.
Pour être juste, il faut avouer que les empiétements nouveaux étaient souvent provoqués par les officiers du duc, qui voulaient satisfaire leur ambition personnelle, et montrer leur dévouement en faisant du zèle pour accroître les droits de leurs maîtres. - A la fin des guerres du XVIIe siècle, Germain Jacquot était venu s'établira Domèvre et s'y était marié. L'abbé Mathias Allaine, par bienveillance, en avait fait son procureur d'office ; mais, n'ayant pas été content de ses services, il s'était cru obligé de le destituer (3). Jacquot pour se venger était allé intriguer près du bureau des finances afin d'obtenir la charge de prévôt de Domèvre. Cette charge dont on avait oublié l'existence, et qui consistait, au XVIe siècle, à gérer les intérêts des voués, n'avait eu et ne devait avoir qu'une importance médiocre. Jacquot, qui en avait eu connaissance en compulsant les anciens titres du monastère, se crut capable de la faire valoir ; il en offrit 200 livres et l'obtint.
Aussitôt qu'il eut ses lettres de provisions, il se mit à assembler la communauté contre la volonté de l'abbé ; il annonça aux habitants qu'il était leur gouverneur ; qu'il prétendait avoir le pas sur les officiers de l'abbé ; qu'il était exempt de la justice seigneuriale et avait tout commandement sur les sujets de Domèvre. L'abbé, ayant rencontré par hasard son sergent qui convoquait la communauté sans sa permission, lui interdit d'aller plus loin. Jacquot fit aussitôt dresser un procès-verbal dans lequel il accusait l'abbé Mathias Allaine d'ameuter la population et de s'opposer à l'exécution des lettres de Son Altesse Royale. L'accusé y répondit par une requête motivée où il demandait d'être maintenu en possession du droit de faire exercer la justice et la police par son maire et par ses échevins, avec défense au sieur Jacquot de le troubler dans ses droits. Celui-ci avait trop visiblement dépassé les limites de son mandat pour être soutenu ouvertement; mais il se tira d'affaire en prétendant qu'on avait calomnié ses intentions.
Il ne demeura pas longtemps en repos. En septembre 1703 l'abbé Mathias Allaine se voit obligé de protester de nouveau contre l'invasion de ses droits par le prévôt. Dans un long mémoire qu'il adresse au duc, il affirme que Jacquot a été maintes fois surpris en flagrant délit de mensonges les plus audacieux et qu'il est notoirement indigne de sa charge. Malgré tout, Jacquot, soutenu par le procureur général, triomphe en obtenant peu à peu l'objet de ses revendications. - Jusqu'alors la fête du village avait été annoncée au nom de Notre Dame, au nom du seigneur abbé, et au nom des conservateurs (4), sans les désigner nommément ; un arrêt du 1er mars 1704 ordonna que Son Altesse serait désormais nommée la première. Contrairement aux droits anciens de l'abbé, le même arrêt décida que Germain Jacquot connaîtrait des actions personnelles, possessoires, mixtes et même criminelles; qu'il aurait la préséance sur les officiers de l'abbé dans les actes publics et dans les cérémonies ; qu'il ne serait justiciable que devant le lieutenant général du bailliage de Lunéville; qu'il serait exempt des corvées et prestations personnelles dues à l'abbé, à l'exception de celles de charrues ; qu'il pourrait se choisir un greffier et autres officiers nécessaires à l'acquit de sa charge ; qu'il recevrait de S. A. R. les commandements qui devraient être mis à exécution par les habitants; que les comptes de fabrique, débits de ville, deniers patrimoniaux, seraient rendus devant le maire et le syndic, et que Jacquot pourrait y assister sans présider; que l'abbé aurait la liberté de convoquer deux fois l'an les plaids annaux, si bon lui semblait ; qu'il les présiderait s'il était là, mais qu'en son absence, la présidence appartiendrait à Jacquot (5). Si l'on compare cette décision avec les lettres du duc Antoine et de Charles III (6), on voit qu'elle opérait une véritable révolution dans le droit coutumier de Domèvre.
Autrefois les officiers de l'abbé jugeaient seuls les délits forestiers comme les autres délits qui relevaient de la haute, moyenne et basse justice; l'abbé avait seulement consenti à partager les profits des amendes et confiscations avec les conservateurs lorsque ceux-ci étaient mandés pour lui prêter main-forte. Bientôt après, les officiers de ces derniers réussirent à s'ingérer dans les jugements, sous prétexte de modérer les amendes; un peu plus tard ils prétendirent juger seuls (7) sans le concours des officiers de l'abbé, «  Dans la suite on voudra encore faire davantage, s'écrie l'abbé Collin, jusqu'à ce qu'à la fin on chasse les religieux de leur maison et de leurs biens ». En effet, Jacquot, qui s'était fait nommer prévôt sans avoir de prévôté à régir (8), voulut encore se faire donner le titre de substitut en la gruerie de Domèvre ; après avoir obtenu de nommer lui-même deux forestiers pour la conservation des bois communaux, il demanda encore que le marteau qui servait à marquer les forêts, et dont l'abbé avait la garde et l'usage, fût enfermé désormais dans une armoire à trois clefs, dont la première serait entre les mains de lui prévôt, la seconde entre les mains de l'un de ses officiers, et la troisième seulement entre les mains de l'abbé ; enfin, il chercha à faire déclarer que les marques apposées dans les bois sans sa participation fussent considérées comme nulles.
Dans une requête adressée à Léopold en février et en juin 1707, l'abbé Collin proteste de toutes ses forces contre les usurpations continuelles du prévôt, «  disant qu'il luy doit estre bien douloureux de veoir que M. Vignolles, procureur général es Chambres des Comptes de Lorraine et Barrois (9), se soit tellement laissé surprendre par les artifices de Germain Jacquot, qu'il a eu la complaisance de luy prester son nom pour traduire le suppliant à la Chambre des Comptes de Nancy, et pour faire tous les jours de nouvelles entreprises contre l'église de Domèvre... » Cet imposteur «  est heureux d'avoir trouvé un si beau moyen pour satisfaire la passion qu'il a de détruire l'abbaye de Domèvre jusques dans ses fondements, mais plus heureux encore d'estre soutenu dans son dessein par M. le procureur général... »
Dans les débats de cette époque, lorsque les droits des abbés étaient enveloppés de quelque obscurité, ils n'échappaient guère à la menace de suppression ; lorsqu'ils étaient établis par des titres anciens ou par les textes précis des lettres du duc Antoine, de Christine de Danemarck et de Charles III, on invoquait des prétextes spécieux pour s'y soustraire peu à peu. Il semble que les idées régnantes émises par les philosophes, les légistes et certaines gens du peuple avaient gagné l'esprit des juges en Lorraine comme en France (10). On trouvait alors que les églises et les abbayes, grâce à des libéralités persévérantes, étaient devenues trop riches, et on s'efforçait de les dépouiller insensiblement. On professait que le souverain était le seul vrai propriétaire de ses Etats, que sa volonté était la source unique des lois, et qu'ainsi il pouvait reprendre, légitimement ce que ses prédécesseurs avaient accordé. Le despotisme de Richelieu et de Louis XIV, pendant l'occupation française, avait disposé les esprits à cette conception du pouvoir souverain : «  On nous répète sans cesse, écrit l'abbé Collin en 1707, que la volonté du souverain ou les arrêts de ses officiers sanctionnés par son authorité, forment le droit, quels que soient les usages précédents et les concessions antérieures. » Un peu plus tard, en 1738, M. Voyart constatait cet état des esprits en écrivant à l'abbé de Domèvre à la suite d'un procès perdu devant le parlement de Metz, malgré les apparences de son bon droit et l'éloquente plaidoirie de Me Pagel : «  Aujourd'hui l'Eglise n'est pas favorisée ; loin de luy donner, l'on profite de toutes les occasions qui naissent pour luy prendre. Je me garderai bien de faire dans votre autre affaire la moindre poursuite » (11).
Le malheur pour les abbés était, qu'en bas comme en haut, on était disposé à les dépouiller. Le P. Collin écrivait en 1707 : «  Les habitants de Domèvre sont si difficiles qu'à peine l'abbé peut-il les obliger à ce qu'ils luy doivent ; et souvent ils luy disputent les droits les mieux établis ; s'il faisait quelque chose contre les intérêts du domaine de Son Altesse ou les leurs, ils ne manqueraient pas d'en donner avis à la Cour ou à monsieur le procureur général. Autant d'habitants qui sont à Domèvre, autant de surveillants de la conduite de l'abbé et des religieux (12). »
Le successeur de l'abbé Collin n'eut pas moins à se plaindre des vexations et des envahissements des représentants des voués de Domèvre. Il écrivait à S. A. R. le 28 déc. 1728 contre Joseph Jacquot, «  ce jeune homme non marié, âgé d'environ 23 ans, digne héritier de feu Germain Jacquot son père. » «  Il vient de mettre au jour une requête présentée à Votre Altesse Royale le 15 avril 1704, remplie de faits infamants et grossièrement inventés contre le sieur abbé de Domepvre et son prieur, dont la seule lecture fait horreur, et que Germain Jacquot son père, tout hardi qu'il était, n'avait osé publier. Il terrorise la population ; au moindre mot peu respectueux, il appelle les archers et fait conduire en prison. »
La même année (1728), le même Joseph Jacquot présente une requête pour demander que les derniers plaids annaux soient annulés, qu'ils soient tenus de nouveau et que lui-même y dicte les conclusions qu'on devra observer, et qu'enfin il soit autorisé à «  échaquer les amendes ». Et on lui accorde toujours satisfaction, au moins en partie.
On gagnait trop à émettre des prétentions contre l'abbé pour qu'on songeât à s'arrêter. En 1738, on essaya de lui enlever son droit de chasse, jusqu'alors incontesté. Cette fois l'adversaire de l'abbé, était Claude Marchal, ancien lieutenant colonel au service de l'empereur, lequel ne prétendait pas moins que d'être haut, moyen et bas justicier à Domèvre. En 1736, ayant acensé les revenus du domaine à Domèvre, pour 400 livres de France (13), il soutint qu'en sa qualité de censitaire, il avait seul le droit de chasse sur le territoire. Le procès commencé en 1738 n'était pas encore fini en 1767 ; le résumé de ce litige n'occupe pas moins de 30 p. in-f° dont nous faisons grâce au lecteur (14).L'affaire n'ayant pu être terminée juridiquement, l'abbé continua à jouir du droit de chasse mais par moitié seulement avec le domaine : c'était un nouveau progrès au protit des rivaux de l'abbaye.

II. Arracourt. - Nous n'avons jamais connu le texte des premiers arrangements conclus entre les abbés de S. Sauveur et les voués d'Arracourt, mais ces arrangements ne pouvaient différer notablement de ceux qui avaient été stipulés avec les voués de Burthecourt et de Domèvre (15).
D'après ce traité, les abbés devaient rester seigneurs fonciers et hauts justiciers d'Arracourt. Au XVIIe siècle, ils y jouissaient encore du droit de passage (16), de tarpage (17), de troupeau à part, de four et de moulin banal, de relèvement, d'embanies (18), et enfin du droit de créer les officiers de la mairie et de faire crier la fête du lieu.
C'est à s'attribuer de plus en plus ces divers droits qu'aspiraient les voués. Les lettres de reprises faites le 11 janvier à la Chambre royale de Metz, par l'abbé Lebègue, nous apprennent à quel degré d'appropriation ils étaient arrivés avant 1682 : «  De ladite abbaye de Domèvre dépend de la terre et seigneurie d'Arracourt dans laquelle terre et seigneurie nous étions seigneurs hauts justiciers, moyens et bas, comme il conste par la fondation de notre dite abbaye, laquelle nous a esté enlevée depuis si longtemps que nous ne pouvons savoir ny par qui, ny comment cette aliénation s'est faite, si ce n'est par un evesque de Metz qu'on avait pris pour seigneur voué ; laquelle haute justice est depuis très longtemps repartagée entre plusieurs seigneurs qui la possèdent présentement (19). »
Les seigneurs qui, à cette époque et vers la fin du XVIIe siècle, avaient succédé aux évéques de Metz comme voués d'Arracourt étaient : François Lançon, écuyer, conseiller au parlement de Metz, haut justicier d'Arracourt et Ogéviller en partie (20) ; Jean-François de Fiquelmont, chevalier, baron de Parroy, commandant une compagnie de chevau-légers de S. A. R. ; Nicolas Gillet, écuyer, seigneur de Vaucourt, auquel succéda sa veuve, dame Françoise d'Autriche ; Jean Arnollet, lieutenant des gardes du corps de S. A. R.
Tous ces coseigneurs d'Arracourt se concertèrent pour enlever d'abord aux religieux de Domèvre le droit exclusif de troupeau à part. Le procès fut pendant au bailliage d'Epinal de 1692 à 1695 ; à la fin, les droits de l'abbaye, étant établis par des titres certains et par une possession immémoriale, furent confirmés par une sentence du 28 janvier.
- Les voués ne se découragèrent pas. L'année suivante ils firent des démarches pour évoquer l'affaire devant le parlement de Metz. C'est alors que les religieux, pour éviter les nouveaux frais d'un procès interminable et redoutant peut-être un échec, préférèrent renoncer au bénéfice de la sentence d'Epinal en faisant des concessions à leurs concurrents.
A la même époque, les voués contestèrent pareillement à l'abbé le droit de passage et ils réussirent à le faire disparaître, car il n'en est plus question dans les plaids annaux du XVIIIe siècle que comme d'une lettre morte.
Mais le droit qu'ils envièrent le plus et à l'expropriation duquel ils travaillèrent avec le plus de persévérance, fut celui qui attribuait à l'abbé le pouvoir exclusif de créer le maire d'Arracourt. En 1672, ils avaient déjà adressé à Domèvre une plainte collective dans laquelle ils priaient les religieux de changer le maire moderne, qui ne s'acquittait pas de ses fonctions et qui n'usait de son autorité que pour se venger et opprimer les habitants. - En 1687 (22 mars), l'un d'eux écrivait encore au procureur de l'abbaye : «  Je suis obligé de vous importuner encore par ce billet pour vous envoyer, et à monsieur l'abbé, l'extrait d'un compte rendu à deffunt monsieur le comte de Tornielle, au droit duquel je suis depuis l'an 1625, par lequel on voit clairement les droits que nous avons tous au village d'Arracourt, et que, bien loin que monsieur l'abbé ait sujet de se plaindre que nous l'ayons troublé dans la possession de ses droits, nous pouvons faire un maire pour la perception des nôtres (21). »
Un peu plus tard, le droit contesté fut momentanément enlevé aux deux parties par une autorité souveraine. La Lorraine était alors occupée par les troupes françaises ; Louis XIV, usant de son droit du plus fort, légiférait dans notre pays suivant son bon plaisir. Aussi le 19 janvier 1693, le prévôt d'Einville-au-Jard envoya au nom du roi cette signification aux habitants d'Arracourt :
«  Ayant plu à Sa Majesté le roi très chrétien de créer, dans toutes les prévôtés de Lorraine, des prévôts royaux, avec suppression des maires des villages dont la haute justice lui appartient, et cela par édit du mois de mai 1691, vérifié par le parlement de Metz le 9 juillet suivant ; le sieur Barret a été mis en possession de la prévôté d'Einville de laquelle dépend Arracourt, dont la haute justice pour une partie appartient au roi ; et, comme les habitants d'Arracourt cherchent à se soustraire à sa juridiction, sous prétexte qu'ils ont un maire qui a été nommé par l'abbé et les religieux de Domèvre (lesquels n'ont pas la haute justice du lieu); et, comme les maires sont supprimés et leurs fonctions attribuées aux prévôts, il déclare aux habitants que dorénavant ils n'ayent à reconnaître d'autre juge que le requérant et défend au maire ci-devant d'exercer aucunes fonctions, sinon il proteste qu'il le prendra à partie pour le faire condamner à l'amende, dommages et intérêts. »
Cet édit ne fut pas longtemps en vigueur en France (22) ; il eut encore moins de durée en Lorraine, car le traité de Ryswick (1697) rendit le duché à Léopold. Cet événement remit les institutions du pays dans leur ancien état, et les abbés de Domèvre exercèrent de nouveau leur droit de créer le maire d'Arracourt. Les seigneurs voués, à leur tour, recommencèrent leur stratégie pour s'emparer delà mairie, en prétendant nommer un titulaire aussi bien que l'abbé, puis en essayant de persuader aux religieux que leur droit de nommer le maire ne leur rapportait aucun profit, qu'il leur occasionnait des difficultés, et qu'il leur serait avantageux de le leur céder, à eux seigneurs voués. L'un d'eux, en effet, le comte de Monthureux (qui avait succédé au sieur Lançon), après avoir affirmé au Chanoine-procureur de Domèvre que les titres des voués les autorisaient à nommer un maire pour la perception de leurs droits (lequel conjointement avec le maire nommé par l'abbaye, veillerait à l'administration de la justice à Arracourt), ajoute dans une lettre du 12 décembre 1752 : «  Monsieur Busselot et moi désirons, Monsieur, n'avoir nulle difficulté avec vous pour un droit qui, sans vous être profitable, vous fait un tort considérable. Nous serions charmés de finir les choses à l'amiable et de mériter votre amitié... Messieurs les Chanoines de Lunéville qui se trouvaient dans le même cas à Pessincourt, de nommer le maire privativement au roi qui est haut justicier, se trouvent au moment d'en être privés » (23).
En 1734 le 3 juin, le même comte de Monthureux insiste : «  Nous avons eu l'honneur, dit-il, de vous proposer de nous vendre les droits de la justice foncière, qui ne vous rapporte rien et qui ne peut que vous occasionner des procès que vous cherchez à éviter. »
En 1762 le sieur Busselot exhale ses plaintes contre le chapitre de Domèvre de ce qu'il avait donné les fonctions de maire à Jacques Poirson, qui était maître de poste et le plus riche propriétaire du lieu. «  En courant le bidet, dit il, et en conduisant équipages, il ne peut voir aux cas pressants ; ensuite, étant le plus fort laboureur du lieu, et étant exempt des redevances seigneuriales à cause de son office de maire, ce choix fait perdre 15 ou 16 paires de rentes aux seigneurs (24). »
Les années suivantes, ce sont les mêmes récriminations, les mêmes instances de plus en plus pressantes, mêlées à des menaces de concurrence. On sent qu'à la prochaine occasion où l'abbaye aura besoin du bienveillant concours des voués dans une affaire difficultueuse quelconque, elle sera obligée de leur céder son droit d'instituer le maire d'Arracourt. Cependant cette révolution, sur le point d'être accomplie, croyons-nous, fut arrêtée par les graves événements de 1793.

III. - Burthecourt-aux-Chènes. - Le texte de la charte de Simon Ier établit clairement que les voués de Burthecourt au XIIe siècle, n'avaient droit qu'à quelques menues redevances en argent et en nature, et au tiers des profits de haute justice ; mais l'exercice de la justice tout entière, la seigneurie foncière et le droit de créer les officiers, demeuraient complètement en la possession des abbés de Saint-Sauveur (26.
Nous constatons ici qu'un grand pas avait été fait dès avant le XVIIe siècle par les successeurs du duc Simon ou par ses représentants qui portaient aussi le nom de voués. Un acte de 1628 nous laisse entrevoir le chemin qui avait déjà été parcouru (26). Burthecourt, autrefois franc- alleu, était alors incorporé à la mairie du Vermois qui comprenait six villages : Ville, Lupcourt, Gérarcourt, Azelot, Manoncourt, Burthecourt (27). Cependant le maire du Vermois avait un lieutenant dans chacun de ces villages, et ces lieutenants portaient aussi le nom de maires fonciers. Celui de Burthecourt était encore choisi par l'abbé de Domèvre, mais il n'avait plus qu'un rôle très effacé comme nous l'allons voir.
Son Altesse Royale était devenue haut, moyen et bas justicier sur toute l'étendue du Vermois ; elle créait le maire et les officiers de justice, qui connaissaient tous les excès et délits qui se commettaient : «  Tous faitz de crimes qui se commettent esdits six villages, se doibvent reporter au mayeur dudit Vermois par les lieutenants qu'il a en chacun d'iceux (lequel maire du Vermois) se fait se saisir des délinquants qu'il peut tenir 24 heures, » dresse procès- verbal du crime et fait conduire le prévenu à Nancy.
«  Les maires fonciers desdits lieux (des six villages) sont tenus de faire rapport au mayeur du Vermois dans 24 heures après lesdits excès et délits perpétrez ; pour leur droit, doibvent avoir demy septier de vin. » - «  Tous profits, émoluments de jeux de quilles, cartes, dèz, et tous autres qui se font esdits villages de Ville, Lupcourt, Gérardcourt et Azelot, appartiennent audit mayeur (du Vermois) ; même tous joueurs d'instruments, de goubelets, batheleurs et autres semblables ne doibvent jouer sans permission à peine d'amende ou de perdre leurs instruments, sauf à Burthecourt, comme dit est, » - «  Le cri de la fête se fait, en chacun village de par Son Altesse, par son mayeur ou son lieutenant, sauf à Burthecourt, où le sr abbé de Saint Sauveur est foncier, auquel son Altesse a permis d'établir un mayeur et de faire crier la fête tant en son nom qu'en celui du sr abbé. »
En résumé dès le XVIe siècle (28) et peut être dès longtemps auparavant, les voués de Burthecourt avaient soustrait aux abbés de Saint-Sauveur la haute justice tout entière et presque complètement la moyenne et la basse justice, au moins dès le XVIIe siècle. Si les abbés ont encore droit d'instituer un maire, ce droit est présenté comme une concession qu'on pourrait retirer ; ce maire n'a guère d'autres fonctions que celles de faire acquitter les redevances seigneuriales par ceux qui possèdent des héritages sur le territoire, d'annoncer la fête et de percevoir quelques menus profits sur les jeux. Non seulement il ne juge pas avec les échevins, mais ce n'est que par faveur qu'il a le droit d'arrêter un délinquant : on ne le lui accorde que pour lui laisser l'occasion de gagner un demi-setier devin.
En réalité il n'est pas plus, pour le maire du Vermois, que ce qu'est un garde champêtre de nos jours; il est si peu de chose, que même le sergent du Vermois peut gager le bétail qu'il surprend au dommage sur le ban de Burthecourt.
Cependant ces empiétements devenus légaux par le fait d'une possession de longue durée, n'avaient pas été consignés dans des actes officiellement reconnus par les deux parties. Au XVIIIe siècle, l'abbé Piart voulut reconquérir ses anciens droits perdus ; il écrivit de longs mémoires pour protester contre l'usurpation, et pour démontrer par les anciens titres, qu'il revendiquait avec raison la qualification de haut justicier de Burthecourt. Mais il était trop tard, le terrain perdu était au pouvoir du plus fort et la prescription avait créé des droits à celui ci ; tout le résultat des efforts de l'abbé fut de ralentir peut-être le mouvement d'expropriation. Voici les faits.
Vers 1706, le sieur de Mahuet, baron du Saint-Empire, conseiller et secrétaire d'Etat de S. A. R., intendant de son hôtel et de ses finances, voulut agrandir sa seigneurie de Lupcourt et proposa au duc de lui acheter sa mairie du Vermois avec tous les droits qu'elle comportait. Il lui représenta, dans une requête, que plusieurs de ces droits avaient été aliénés par les ducs ses prédécesseurs et cédés à des particuliers, comme ceux de colombier, de troupeaux à part, de pargies (29) et de corvées, et que les recettes de haute justice étaient considérablement réduites soit par les frais des plaids annaux et des procédures criminelles, soit par l'entretien des enfants trouvés que procurait souvent le voisinage de Nancy et de Saint-Nicolas.
Léopold, après avoir consulté son Conseil, céda pour 3.000 fr., au baron de Mahuet, la mairie du Vermois avec ses droits reconnus d'ancienneté (30).
L'intendant de Mahuet devenu successeur des ducs en qualité de voués de Burthecourt, résolut de faire reconnaître officiellement par écrit, des droits qui n'étaient que consacrés par l'usage. En 1707, la veille de la tenue des plaids annaux, il écrivit un billet de sa propre main et l'envoya au sieur Grandemange, de Saint-Nicolas, qui était alors procureur d'office de l'abbé de Domèvre pour la terre de Burthecourt. Dans ce billet, il le priait de ne pas manquer de faire insérer, dans les plaids annaux de Burthecourt et Xandronviller, qu'il y est haut et moyen justicier; que l'abbé n'a que certains menus droits et qu'en cela les choses restent comme d'ancienneté. L'année suivante, le baron étendit plus loin ses prétentions. Le matin des plaids annaux, le 9 janvier 1708, il se présenta à Burthecourt devant l'abbé, venu exprès pour la circonstance, et lui apporta les plaids annaux déjà tout rédigés à sa façon. Dans le texte, il s'y intitulait haut et moyen justicier; il s'attribuait la connaissance de toutes actions civiles, criminelles, personnelles et mixtes, le cri de la fête en son nom tout d'abord, la création des officiers, un droit de 10 fr. pour les nouveaux entrants, et plusieurs autres émoluments.
Cette nouveauté n'échappa point à l'abbé Collin; mais celui-ci, pour ne pas se faire un ennemi d'un personnage aussi puissant que l'intendant, et pensant d'ailleurs que la formule n'était pas sensiblement en désaccord avec la réalité des faits, n'osa former opposition; cependant Humbert, seigneur de Xandronviller, qui était intéressé à ce qu'il n'y eût aucun changement, protesta si bien, qu'on se sépara sans signer l'acte des plaids. Les années suivantes, le baron ne reparut plus à ces assemblées, et on se déroba plus facilement à ses prétentions.
Mais son fils, le sieur de Mahuet de Lupcourt, conseiller, secrétaire de S. A. R., «  plus vif et plus entreprenant que son père », s'avisa bientôt de tenir des plaids séparément de ceux de l'abbé, et à d'autres jours ; il créa une justice à part, un lieutenant de maire, un échevin, un sergent, un greffier, et ordonna que les habitants de Burthecourt, qui portaient leur grain au moulin de Flavigny, seraient bannaux de son moulin de Lupcourt. En 1727, l'abbé Piart ayant fait opposition à ces entreprises, le comte y répondit en faisant défense aux habitants de Burthecourt de comparaître devant le maire de l'abbé pour quelque cause que ce fût; fit condamner celui-ci, malgré son appel au bailliage de Nancy, pour exercice illicite de fonctions de juge, et le priva de l'exemption des impôts, privilège dont il avait joui jusqu'alors. Bien plus, en 1731, le comte travailla si bien l'esprit de la population, qu'elle ne voulut plus signer les plaids annaux de l'abbé, qui se tenaient de temps immémorial (31). L'abbé dressa procès verbal du refus des habitants et réitéra ses protestations (9 janvier 1731).
L'abbé écrivit alors un long mémoire qu'il envoya à cinq avocats des plus distingués de Nancy (Fournier, Marcol aîné, Brazy, Bayon et Breyé), pour les consulter et leur demander s'il ne pourrait pas faire des poursuites pour maintenir du moins son maire dans l'exemption de la subvention ; et le conseil, composé de ces avocats, le dissuada d'entreprendre un procès de ce genre, parce que la jurisprudence d'alors ne laissait aucun espoir de succès, le comte étant haut justicier.
Nous ignorons la suite de ces affaires litigieuses dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais nous pouvons tirer de notre étude cette conclusion générale, qui s'applique à l'histoire des trois seigneuries de l'abbaye de Domèvre :
Les voués, aspirant sans cesse à s'approprier les droits temporels des abbés, ont suivi partout la même méthode pour arriver au terme de leur ambition : ils se sont efforcés d'abord d'accaparer la haute justice, puis la justice tout entière; ils sont parvenus à créer des officiers semblables à ceux des abbés. Ces officiers n'ont eu d'abord qu'un mandat restreint ; bientôt, ils ont prétendu que leur concours était nécessaire aux premiers, pour éviter des abus ; peu à peu ils sont arrivés à supplanter leurs homonymes et à les exclure. Depuis longtemps on pouvait deviner l'issue de cette lutte, car c'était la lutte du pot de terre contre le pot de fer.

CHAPITRE VIII
ÉTAT DU TEMPOREL DE L'ABBAYE DE DOMÈVRE AU XVIIIe SIÈCLE
Sommaire : I. Conflits et procès à l'occasion du temporel de l'abbaye - II. Statistique des revenus de l'abbaye. - III. Principales charges. - IV. Bilan.

I. - CONFLITS ET PROCÈS
En aucun temps plus qu'au XVIIIe siècle, les biens de l'abbaye de Domèvre ne furent disputés avec acharnement devant les tribunaux. C'est à peine si l'on peut compter le nombre de procès qui furent engagés. Nous ne parlerons que des principaux (32).
1° Procès avec le marquis du Châtelet, baron de Cirey (1698-1739) (33). - Nous l'avons vu plus haut, la comtesse Agnès de Langstein avait donné à l'abbaye de Saint-Sauveur la moitié du ban de Raon-les-Leau (34). Cette portion de territoire était occupée par de vastes forêts, mais ses limites étaient incertaines ; elles devinrent encore plus confuses après les troubles de la guerre de Trente ans.
Des contestations s'étant élevées à ce sujet, en 1698, entre l'abbé Allaine et le marquis Pierre du Châtelet, baron de Cirey (35), les parties terminèrent leur différend par un arrangement, qu'elles eurent le tort de ne pas faire revêtir des formalités requises pour le rendre officiel. On fit placer douze bornes sur le terrain litigieux, qui comprenait environ 600 arpents, situés entre les sources de la Sarre, celles du ruisseau de Châtillon et la roche Parmentier (36) ; ces bornes portaient une crosse entre deux S. du côté des possessions de l'abbaye (37), et les lettres D. C. du côté des possessions du marquis du Châtelet. Ces contestations, qui s'étaient renouvelées entre temps, prirent un caractère plus aigu en 1733. L'abbé Piart ayant refusé de reconnaître la validité de la transaction de 1698, la querelle s'envenima si fort que le marquis, frère cadet du précédent (38), écrivit à l'abbé, le 2 mai 1733 : «  Je vous Jure, Monsieur, que, pour tout mon bien, je ne voudrais être l'auteur de votre lettre ; elle donnerait ample matière non seulement à commentaire, mais à timpaniser. » Leurs démêlés occupent de volumineux dossiers ; ils durèrent jusqu'en 1739, Finalement, l'abbé Piart perdit son procès devant presque tous les tribunaux, et fut condamné aux dépens par la Table de marbre de Metz. Cette affaire fort embrouillée lui coûta plusieurs milliers de francs, sans compter beaucoup de désagréments ; elle fut même compliquée d'une question de souveraineté, parce que l'abbé soutenait que le délit prétendu, avait été commis sur les terres de Lorraine, et non sur celles de l'évêché de Metz. Ce dernier débat fut tranché par une commission nommée par les souverains des pays limitrophes, contrairement encore aux prétentions de l'abbé.
2° Conflit et procès avec le prince Marc de Beauveau-Craon (1730-1752) (39). - L'immense domaine qui avoisinait les forêts que possédait l'abbaye à Raon-les-Leau avait été partagé en trois lots, en 1567, par Africain d'Haussonville, baron de Saint-Georges et d'Orne, seigneur de Turquestein, etc., chambellan du duc de Lorraine. Le premier lot fut pour les héritiers de feu Balthasard d'Haussonville, maître d'hôtel du duc de Lorraine ; le second pour les seigneurs et dames de Châtillon, représentés au XVIIIe siècle par le baron de Cirey, dont nous venons de parler ; le troisième lot, fut pour les barons d'Haussonville. Dans les premières années du XVIIe siècle, le premier et le troisième lot, c'est- à-dire celui de Turquestein et celui de Saint-Georges, furent acquis par François de Vaudémont, cadet de la maison de Lorraine. Or, on connaît les folles prodigalités du duc Léopold pour son grand-écuyer, Marc de Beauvau-Craon (40).
En 1720, il lui donna le lot de la baronnie de Saint-Georges et celui de Turquestein. - En 1730, en se basant sur les indications assez vagues du titre de partage de l'an 1567, on remarqua un déficit de 2.190 arpents dans le lot de Saint-Georges. Naturellement, on accusa les voisins de les avoir accaparés; on les réclama d'abord à l'abbé Collin, qui prouva qu'il ne détenait que son bien. On se rabattit sur le prieur de Saint Quirin, qui ne put se défendre d'une façon aussi victorieuse ; le parlement se crut fondé à lui retirer 1.497 arpents par arrêt du 24 janvier 1744. Comme les forêts commençaient à acquérir de la valeur par leur exploitation, on voulut récupérer le reste de ce qu'on disait avoir été distrait, et, en 1736, on revint à la charge contre l'abbé Piart. Le promoteur de tous ces procès n'était pas, paraît-il, le propriétaire Marc de Beauvau, mais les agitateurs étaient les officiers qui administraient sa fortune.
L'abbé Piart, au contraire, rend hommage aux qualités de ce prince en ces termes : «  C'est le seigneur qui aime le plus la justice et l'équité, qui hait les chicanes et les mauvais procès; qui est le plus poli, le plus gracieux, le plus débonnaire, le plus désintéressé, le plus chrétien, en un mot le plus accompli qui se voie. » - Après une longue et coûteuse procédure, le parlement de Metz, par arrêt du 22 janvier 1752, condamna l'abbé de Domèvre à se dessaisir de 413 arpents en faveur du prince. - Il paraît bien que, dans ces deux procès, les droits respectifs des parties étaient très sujets à controverse, puisqu'il fallut tant d'années aux juges pour s'éclairer et trouver des raisons assez plausibles pour se prononcer. C'est à cette occasion que Voyart écrivait de Metz à l'abbé, après une éloquente plaidoirie de Me Pagel, son avocat : «  Aujourd'huy, l'Eglise n'est pas favorisée ; loin de luy donner, on profite de toutes les occasions qui naissent pour luy prendre. »
3° Procès avec les habitants d'Azelot (1724-1735 ...) (41). - Les bois du finage de Burthecourt avaient une superficie d'environ 500 arpents. En 1520, il y eut une transaction en vertu de laquelle cent jours seulement furent réservés à l'abbaye ; le reste fut abandonné aux habitants de Burthecourt. Des titres attestaient que les choses étaient encore en cet état en 1594, et même en 1658. En 1595, les habitants d'Azelot furent accusés d'avoir anticipé sur les bois de l'abbaye; des poursuites furent intentées devant les tribunaux jusqu'en 1709. De 1709 à 1723, il y eut un apaisement grâce à l'intervention du baron de Mahuet, mais en 1723 le procès reprit son cours. La sentence était rédigée et allait être édictée en faveur de l'abbé, lorsque le Sr de Tervenus annonça que les habitants d'Azelot étaient allés se jeter aux pieds de Son Altesse Royale pour la supplier de nommer un commissaire qui vint sur les lieux. L'affaire était encore pendante en 1735. Néanmoins les habitants d'Azelot, qui avaient lait preuve d'une grande passion et d'une grande ténacité, finirent par triompher, car la carte topographique dressée en 1764 par Gaspard Mathieu n'assigne plus que 65 arpents à l'abbaye (42).
4° Procès avec les héritiers de Bouchard de Gémingotte, seigneur de Herbéviller-Lannoy (1724-1746). - En 1724 était mort L.-A. Bouchard de Gémingotte, seigneur de Herbéviller- Lannoy, qui avait légué, par testament, aux Chanoines de Domèvre une rente annuelle de 500 livres, à charge de venir dire une messe, les jours de dimanche et de fête, à Herbéviller, et d'en dire une chaque jour à l'abbaye pour la famille du testateur. Celui ci laissait à ses héritiers la faculté de se libérer en fournissant aux religieux le capital correspondant à cette rente, au taux de 5 0/0 ; mais il avait oublié d'exprimer si la livre devait être comptée au cours de France ou de Lorraine. Comme la livre de France valait environ le double de la livre de Lorraine, les religieux prétendirent qu'il fallait supputer selon le cours de France, parce que le testateur résidait en France, avait fait son testament en France et était mort en France. Les héritiers, au contraire (43), prétendant connaître les intentions du défunt et ayant à solder des créanciers qui étaient en Lorraine, soutenaient qu'il fallait calculer le capital au cours de Lorraine (44). Après de longs procès inutiles, on finit par signer une transaction vers 1746.
5° Procès avec le seigneur de Juvrecourt (1666-1604). - Charles Henry Aubertin, seigneur de Juvrecourt, enseigne des mousquetons de S. A., réclamait aux Chanoines de Domèvre une redevance annuelle de dix resaux d'avoine pour la sauvegarde du gagnage de l'abbaye, situé sur le ban de Bathelémont. Ils la lui contestèrent. Le procès était pendant devant le bailliage de Lunéville en 1666 ; les parties finirent par signer une transaction. - A la fin du XVIIe siècle, les Chanoines s'étant qualiliés seigneurs hauts, moyens et bas justiciers de la rue de Bathelémont, dite la Cour l'Abbé, Charles Aubertin y fit opposition et assigna les religieux devant le parlement de Metz. Pour éviter de grands frais, ils terminèrent leur différend à l'amiable.
Par devant notaire, le P. Collin, délégué du chapitre, renonça à toutes ses prétentions, devant le titre que produisit Ch. Aubertin, à savoir les lettres patentes du duc Henri, datées du 19 décembre 1623, par lesquelles il déclarait céder cette rue dite «  la Cour l'Abbé » au sieur Siméon Aubertin de Juvrecourt, chancelier de l'évêché de Metz, avec droits de haute, moyenne et basse justice. Cette vente avait été confirmée aussi par Charles IV, le 31 janvier 1626 (45).

II. - STATISTIQUE APPROXIMATIVE DES PROPRIÉTÉS ET DES REVENUS DE L'ABBAYE DE DOMÈVRE AU XVIIIe SIÈCLE (46)

  EN TERRE ou EN NATURE EN ARGEN
A Domèvre. - La haute, moyenne et basse justice exercée par un maire et deux échevins.
600 jours de terre et 200 fauchées de prés avec les bâtiments nécessaires pour leur exploitation. Toutes les terres cultivées, tant de la mense abbatiale que de la mense conventuelle, rapportaient, en 1717, environ 107 paires, dont 15 étaient le produit du labourage des domestiques.
600 jours de champ
200 jours de prés
107 paires
1000 livres
La totalité des grosses et menues dîmes qui rapportaient, bon an mal an, environ 40 paires 40 paires 370 livres
Vingt jours de verger et vingt-deux jours de vignes qui coûtaient 230 écus de façon et de fourniture et ne produisaient, bon an mal an, que cent mesures de vin de vin 100 mesures  
Une forêt de 296 arpents dont on ne tirait guère de profit que pour le chauffage du couvent 296 arpents de bois  
L'argent prêté à 5 0/0 par les anciens abbés produisait, en 1640, environ 700 livres   700 livres
Un moulin banal qui, en 1712, était admodié   450 livres
Un battant   200 livres
La pèche de la rivière (47) pour les deux tiers (l'autre tiers appartenait au domaine) rapportait seulement un peu plus de 8 livres   8 livres
Une huilerie qui rapportait 12 quartes d'huile, plus 100 paires de grains, plus 40 livres 12 quart, d'h
100 paires de grains
40 livres
Les droits de relèvement et les amendes, environ   14 livres
Une forge.    
A Saint-Sauveur. - Une scie à faire des planches de sapin qui, en 1710, était admodiée   407 livres
Des forêts immenses dont les limites n'étaient pas bien connues et qui, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, donnèrent lieu à des procès. A la fin du XVIIIe siècle, il restait encore 2750 arpents, tant à Saint-Sauveur qu'à Raon-les-Leau 2750 arpents de forêts  
La totalité des dîmes    
Environ 50 jours de terres arables, mais peu productives 50 jours  
Des prés produisant 32 charrées de foin  
La ferme de la Bergerie qui, en 1640, comptait 32 jours de terre, - et des prés produisant 12 charrées de foin 32 jours de terre
12 charrées de foin
 
A Arracourt. - La seigneurie foncière, au moulin, un droit de passage et 5 portions de bois contenant ensemble 440 arpents 440 arpents  
En 1751, les terres, rentes et profits du bois étaient admodiés   640 livres
Et le moulin   150 livres
A Burthecourt-aux-Chênes. - La seigneurie foncière, les deux tiers des dîmes de Burthecourt, de Lupcourt et d'Azelot, admodiées   964 livres
Forêts 65 arpents  
A Bathlémont. - Une maison appelée la «  Cour-l'Abbé », admodiée   20 livres
La moitié des grosses et menues dîmes et un gagnage, le tout valant   637 livres
A Autrepierre. - Depuis 1688, une rente de   3 1. 4 sols
A Amenoncourt. - Rentes   18 livres
A Ancerviller. - Terres admodiées   45 livres
A Angomont. - Terres arables, en deniers   30 livres
A Azerailles et Glonville. - Terres admodiées en 1632   160 livres
Au XVIIIe siècle   73 livres
A Badonviller. - Le tiers des grosses et menues dîmes   13 livres
A Barbas. - Une maison admodiée   24 livres
La totalité des grosses et menues dîmes rapportait
(En 1621, elles rapportaient 56 paires.) 
40 paires 360 livres
Le casuel de Domèvre et de Barbas, au minimum   60 livres
A Blémerey, Gondrexon, Reillon et Chazelles. - Tant les terres que les prés et les dîmes   960 livres
A Blâmont. - Une maison laissée à l'abbé de Haute-Seille par un bail à vie, moyennant une redevance annuelle de   30 livres
Une autre maison louée   5 livres
A Bréménil. - Avant 1632, terres et prés   90 livres
A Cirey. - Prés et autres menues redevances   95 livres
Le curé de Cirey devait, sur le revenu de son bénéfice   40 livres
Les trois quarts des grosses dîmes (elles étaient laissées au curé)    
A Couvaix. - Terres admodiées   54 livres
A Destry, près Morhange. - Les deux tiers des grosses et menues dîmes admodiées   330 livres
A Emberménil. - Prés et terres arables, quelques rentes en argent et en chapons ; avant 1632, environ   200 livres
Les deux tiers de la contrée dite Faillifontaine : 16 reseaux, tantôt en blé et tantôt en avoine, soit   80 livres
A Harbouey. - Le curé donnait, sur le revenu de son bénéfice   40 livres
La ferme de Monney rapportait
La communauté devait 400 francs du principal au commencement du XVIIIe siècle
40 paires 400 livres
A Igney. - Les deux tiers des grosses dîmes.    
A Ibigny. - Terres et prés   140 livres
Le tiers des grosses dîmes d'Ibigny, Saint- Georges, Richeval et Hablutz. En 1621 47 paires 450 livres
A Leintrey. - Terres, prés, rentes   100 livres
Les deux tiers des dîmes. (En 1621 : 80 paires plus 2 charrées de foin ou 8 francs, au choix de l'abbé)   760 livres
A Lupcourt. - Part des religieux dans la seigneurie foncière   80 livres
A Neuviller. - Terres et prés   45 livres
A Neuves-Maisons et Vacqueville.- Terres, prés et chenevières   80 livres
A Parux. - Terres et prés   40 livres
A Pexonne et Saint-Maurice. - Prés   12 livres
A Petitmont. - Les trois quarts des dîmes    
A Réchicourt-Ia-Petite. - Dîmes   460 livres
A Repaix. - Terres et prés   30 livres
A Raon-sur-Plaine dit «  les Leau », «  situé sur la route de Badonviller à Strasbourg, par les montagnes. »    
Les terres, chaumes, droits seigneuriaux admodiés en 1709   85 livres
Au commencement du XVIIIe siècle, la scie du Paquis et la scie Saint-Nicolas rapportaient environ   530 livres
La scie de la Grande-Goutte et la scie Saint Pierre, sur la Plaine, vers les Donons   530 livres
La scie Saint-Epvre, sur le Riuval, et la scie l'Abbé   200 livres
Les trois scies Notre-Dame, Saint-Augustin et Saint-Guérin, dans la vallée des chevaux
«  On vend de temps à autre quelques pièces de sapin pour bois de maronnage, tant à Saint-Sauveur qu'à Raon-sur-Plaine, à vil prix, à cause de l'éloignement et de la difficulté d'en profiter.  »
  200 livres
A Sornéville et Moncel   970 livres
Au Val de Bon-Moutier. - Prés, chenevières   20 livres
Les trois quarts des dîmes    
A Vého. - Terres et prés   60 livres
A Verdenal. - Rentes   4 livres

A cette énumération de revenus qui provenaient des propriétés situées en Lorraine, il faut ajouter au moins mille livres (toutes charges déduites) pour le montant des revenus tirés des terres de France non mentionnées ici.
Une autre source de recettes était la somme des rentes provenant de capitaux placés à intérêts. De ce chef, la maison avait réussi à se créer un revenu supplémentaire de 900 fr. dans la seule période de 1602 à 1636 (48).

II. - PRINCIPALES CHARGES DE L'ABBAYE

1° Le don gratuit. - Le don gratuit était l'impôt payé à l'Etat par le clergé. Il ne faut pas se faire illusion sur ce mot en croyant que ce don était spontané et volontaire ; c'était une redevance aussi obligatoire, au moins au XVIIIe siècle, que celle des octrois modernes ; toute la différence, c'est qu'elle n'était pas levée par les percepteurs ordinaires du fisc, mais par des commis nommés par la chambre diocésaine (49).
En 1738, l'abbé Piart refusa de solder sa cote-part qui montait à mille livres. Claude Royer, brigadier de la maréchaussée de Nancy, vint exprès à Domèvre lui signifier d'avoir à payer cette subvention offerte à Stanislas par le clergé, et rendue obligatoire par un mandement de l'évêque de Toul. L'abbé lui répondit qu'il respectait l'ordre et le mandement par lui lu, mais que sa conscience, les droits et privilèges de son abbaye «  ne luy permettaient point de se conformer aux susdits ordres, nonobstant le respect et soumissions profondes pour tout ce qui pouvait avoir rapport à S. M. le roy de Pologne, son auguste Souverain. Et ce : 1° parce que les saints canons de l'Eglise lui défendent de payer aucun subside pécuniaire aux puissances laïques, si préalablement il ne conste un induit spécial de Notre Saint Père le pape qui le permette ainsy; - 2° parce que le seigneur évêque de Toul, ny aucune assemblée de son diocèse, ne sont en autorité ou droit, soit possession, d'imposer de semblables taxes, ny exercer aucun acte de juridiction soit spirituelle, soit temporelle, sur ladite abbaye de Domèvre, depuis sa fondation en 1010 ; mais, au contraire, des titres positifs justifient que ladite abbaye est indépendante dudit seigneur évêque et immédiatement sujette au Saint-Siège apostolique; - 3° qu'il ne parait pas que Sa Majesté, notre Auguste Souverain, ait rien ordonné au sujet dont il s'agit ; que cependant ledit sieur abbé, par respect et soumission à un ordre et mandement qui fait mention de Sa Majesté et de Monsieur l'évêque de Toul, et d'assemblée dans son diocèse, voulait se maintenir dans toutes les règles chrétiennes et n'empêchait en aucune manière que je soussigné (brigadier de la maréchaussée) fis ce que je jugerais à propos en vertu dudit mandement, contre la teneur et forme duquel il protestait cependant » Cette affaire, dont nous ne connaissons pas la suite, s'est terminée sans doute par la capitulation de l'abbé Piart; en tout cas, à partir de 1759, l'abbaye paya régulièrement sa part, qui alla toujours en augmentant. En 1761 et 1763, la taxe des deux années montait à la somme énorme de 2282 livres. En 1774, la seule mense des Chanoines versa 1198 livres (50).

2° Pension des Oblats. - Au XVIIIe siècle, les oblats étaient des pensionnaires, ordinairement d'anciens soldats invalides, qui étaient nourris et entretenus dans les couvents sans être contraints à la règle des religieux. Ce terme, qui signifie offerts, leur a été donné sans doute en souvenir de ces hommes qui, dès les premiers siècles du moyen âge, se consacraient, corps et biens, au service du saint patron de leur église ou de quelque monastère. Stanislas, par un édit enregistré par la cour souveraine au mois d'août 1749, décida que les maisons religieuses ayant 1000 livres de revenus donneraient cinquante écus de pension aux oblats qu'elles ne voudraient pas entretenir chez elles, et que les autres maisons moins riches donneraient 75 livres (51).
On dit que le roi de France usait du droit d'imposer des oblats aux abbayes depuis fort longtemps. En Lorraine, pour ce qui concerne Domèvre, nous n'avons trouvé de trace de cet usage qu'à partir du règne de Léopold. Il semble qu'il n'y eut jamais qu'un seul soldat à la fois pour jouir du privilège.

3° Charges de l'abbaye à cause des dîmes perçues dans plusieurs paroisses, et à cause de plusieurs bénéfices occupés par elle. - D'après l'usage suivi dans le diocèse de Toul, chaque curé avait droit au tiers des dîmes, c'était son fixe ; ses obligations étaient de construire ou reconstruire, réparer, entretenir, paver le choeur de son église. Les autres décimateurs ecclésiastiques, tels que les chapitres et les monastères, avaient à leur charge les murailles et la toiture de la nef ; les paroissiens devaient contribuer à la construction ou entretien du clocher, des lambris ou de la voûte, des fenêtres et du pavé de la nef. La Cour souveraine confirma cet usage par un arrêt du 22 février 1707. Pour ce qui regardait la fourniture des vases sacrés, ornements, livres, luminaires, etc., il n'y a pas eu de jurisprudence constante, on s'en tenait aux coutumes locales des doyennés.
Voici la liste des localités où les Chanoines étaient décimateurs en tout ou en partie :
Saint-Georges, Ibigny, Hablutz, Cirey, Val-de-Bon-Moutiers, Harbouey, Cirey, Barbas, Domèvre, Badonviller, Pierre-Percée, Fenneviller, Raon-sur-Plaine, Repaix, Chazelles, Blémerey, Reillon, Gondrexon, Leinlrey, Vého, Emberménil, Igney, Réchicourt-la-Petite, Bathelémont, Bauzemont, Sornéville, Moncel, Lupcourt, Azelot, Burthecourt, Xandronviller.

4° Amortissement. - Une ordonnance de Léopold du 10 janvier 1700 enjoignit à tous les ecclésiastiques de main-morte de donner une déclaration des biens qu'ils possédaient dans le duché de Lorraine. Le but de cette ordonnance était de faire payer un droit dit d'amortissement, qui équivalait au moins au sixième de la valeur des biens acquis. De ce fait, l'abbaye de Domèvre paya au fisc la somme de 2200 livres (52) en 1712, pour les acquêts faits par elle depuis 1642.

5° Entretien du personnel et des bâtiments ; diverses dépenses ordinaires. - A partir du XVIIIe siècle on comptait toujours au moins quatorze religieux de choeur et deux frères adjuteurs, résidant à l'abbaye de Domèvre. Pour nourrir ce personnel, il fallait au moins dépenser 1800 écus, c'est-à-dire environ 5400 livres.
Il y avait treize domestiques nécessaires à la maison, tant pour cultiver la terre que pour certains ouvrages mécaniques. Leurs gages étaient modestes en comparaison de ceux d'aujourd'hui ; ils ne montaient pas à plus de 200 écus en tout, soit à 600 livres (53).
A moins de cas extraordinaire de grande détresse, on fixait la quotité des aumônes. On distribuait 600 livres en argent pendant le courant de l'année et 52 resaux de blé, c'est-à-dire un par semaine. C'était une dépense totale de près d'un millier de livres.
Au commencement du XVIIIe siècle, l'abbé nourrissait un invalide, auquel il donnait 4 resaux de blé et 12 écus d'argent ; c'était peut-être un des oblats dont nous avons parlé.
Les menus frais pour conserver en bon état les bâtiments réguliers et ceux de la basse-cour, s'élevaient d'ordinaire à la somme de 5 à 600 livres.
Pour les maîtres d'école de Barbas et de Domèvre. 54 liv.
Pour les ornements et objets du culte 600 liv.
Enfin, au XVIII siècle, l'abbaye payait encore plusieurs pensions dont nous ignorons l'origine. Ainsi, en 1766, nous trouvons cette mention dans les livres de comptes :
Pour la pension de M. l'abbé Alliot, échue à la Purification : 853 liv.
Pareille somme à l'abbé de Ligniville : 853 liv.
A l'abbé Moreau : 171 liv.
A l'abbé de Clairlieu : 426 liv.
De même, en 1753, pension de M. de Vandières et de M. de Frémion : 3.800 liv., soit, au cours de Lorraine : 4.520 liv.

IV. - BILAN (54)
Quelques chiffres représentant le total des recettes et des dépenses donneront une idée plus exacte de la moyenne du budget de l'abbaye :
Année 1667-1668
Mense abbatiale. - Recettes : 3.048 fr.
Dépenses : 2.892 fr.
Mense conventuelle. - Recettes ordinaires 1.442 fr.
- extraordinaires. 995 fr. (total 2437 fr)
Dépenses : 2.395 fr.
(Le tout sans compter les recettes ni les dépenses en nature.)

Année 1717-1718
Pour les deux menses. - Recettes en argent : 10.462 livres.
Dépenses : 10.222 livres.
Recettes en grains : Blé, 428 resaux.
Avoine, 343 resaux.
Dépenses : Blé, 383 resaux.
Avoine, 241 resaux.

Année 1751-1732
Recettes. - Mense abbatiale 6.740 fr.
- Mense conventuelle 13.907 fr.

Année 1748-1749
Recette totale : 31429 livres, sans le reliquat de l'année précédente, qui était de 9.463 livres.

Année 1751-1735
Recettes. - De la mense abbatiale 19.158 livres.
- De la mense canoniale 15.754
- extraordinaires 9.318
Total 44.230 livres.
Dépenses : 34.347 livres.

Total des recettes de la mense abbatiale du 1er août 1764 au 11 juin 1768 : 47.000 livres (55).

(A suivre)


(1) Plus haut, chap. IV de la Ire partie, p. 44-45.
(2) IIIe partie, chap. II, p. 101 et p. 144 à 150.
(3) Arch. dep., H. 1389.
(4) Le mot conservateur était synonyme de voués.
(5) Arch. dép., H. 1389.
(6) Voir plus haut chap. II et III de la IIIe partie - (biographie de l'abbé Nicolas Malriat, compétence des officiers de justice de l'abbé).
(7) Déjà en 1665, un arrêt de la Chambre des comptes datée du 1er juillet avait corrigé cette entreprise en ne leur permettant de juger que conjointement avec les officiers de l'abbé.
(8) En 1698, par édit du mois d'août, Léopold avait supprimé tous les juges bailliagers, prévôts, gruyers et officiers subalternes tant de police que de domaine et finance dans toute l'étendue de ses Etats.
(9) Charles-Arnould Vignolles, procureur général de la Chambre des comptes de Lorraine (1698-1713). Il avait été reçu avocat au parlement de Metz en 1671. Rogéville le qualifie d'homme très éloquent. (Rogéville, Jurisprud. des trib. de Lorr., p. XXXII.)
(10) C'était l'époque où la Cour souveraine était en conflit avec l'évêque de Toul au sujet de la publication du Rituel par l'une des parties, et du code Léopold par l'autre : «  La puissance séculière travaillait de toutes ses forces à réduire l'autorité de l'Eglise et à faire passer les clercs sous sa domination. » (Guillaume, Hisr. du diocèse de Toul, t. III, p. 475.)
Sur ces longues contestations voir : Thibaut, Histoire des loix et usages de Lorr. et Barr. dans les matières bénéficiales. (Nancy, 1763, in-f°.) Les conférences de la Malgrange, l'appel au pape mieux informé, de Bourcier, et les pièces les plus intéressantes de ce conflit ont été publiées dans cet ouvrage, p. CXVIII à CLXXXVI. - Voir aussi Digot, Hist. de Lorr., t. VI, p. 32 à 35. - Guilaume, Hist. du diocèse de Toul, t. III, p. 461 et suiv.
(11) Arch. dép., H. 1415.
(12) Arch. dép., H. 1389.
(13) «  Droits du domaine à Domèvre : la charrue paie une paire et demie, il y en a 22, ce qui fait un produit de 33 paires de reseaux blé et avoine à 15 livres de France l'une 493 ' 00
Chaque charue doit 12 deniers 1 20
3 gros par feu 8 00
Sur l'étang de grève, il est dû un cens de 12 00
Les amendes peuvent produire annuellement 12 00
Le tiers du droit de pèche 15 00
Le petit passage 36 00
Les saules de la rivière sont admodiés 4 16
Le droit de chasse peut valoir 18 00
3 chapons de cens 2 5
Total 604 ' 3
«  Voilà ce que peut valoir le domaine à Domèvre, mais il est acensé à perpétuité 400 livres. » Arch. dép., H. 396.
(14) Arch. dép., H. 1372, 1400 et 1407.
(15) Voir 1re partie de cette Histoire, p. 44-46, et pièces justificatives
(16) En 1488, ce droit avait été contesté par Didier Moycette, marchand à Port, qui avait passé à Arracourt avec un troupeau de brebis et de châtrons (chevreaux) ; mais il fut condamné à se soumettre, par le bailli et les échevins de Nancy par sentence du 24 juillet. Pour satisfaire à ce droit de passage : «  Tous chars chargés de marchandises devaient 1 gros ; la charrette 2 blancs ; le char chargé de sel 1 blanc ; la charrette chargée de sel 2 deniers ; le cheval chargé de marchandises 6 deniers, et l'homme 1 denier. Tous chars et charrettes chargés de vin devaient par chacun fond de tonneau 3 deniers, qui font 6 deniers par tonneau. Le boeuf 4 d. ; la vache 3 d.; le cheval roussin 6 d.; la jument ou poutre 3 d.; pour cent brebis à laine, on en devait une.» Arch. dép., H. 1426 et 1428.
(17) Qui consistait à lever la 24" gerbe de tous champs ensemencés. (Ibid.)
(18) Le droit de relèvement était une redevance que payaient les héritiers à l'occasion du décès d'un propriétaire d'immeubles. Le droit d'embanies était la faculté d'interdire au troupeau communal l'accès de certaines terres.
(19) Arch. dép., H. 1426. Aussi, à partir de 1687 jusqu'à la fin du XVIIe siècle, on inséra la formule suivante dans le texte des plaids annaux : «  L'abbé et les Chanoines de Domèvre sont seigneurs fonciers du fond et de la roye dudit Arracourt, sans préjudice de leurs prétentions sur la haute, moyenne et basse justice, qui leur a appartenu par cy devant, auxquels seuls et privativement de tous autres seigneurs, voués ou autres, appartient de créer et d'instituer la justice. » (Voir les plaids annaux d'Arracourt au XVIIe et au XVIIIe siècle. Arch. dép., H. 1428.)
(20) A partir de 1702, il fut conseiller à la Cour souveraine de Lorraine (Krug-Basse, Histoire du parlement de Lorraine et Barrois, dans les Annales de l'Est, juillet 1896, p. 388),
(21) Arch. dép., H. 1426.
(22) Le prétexte de cette législation était que ceux qui occupaient ces emplois (de maires) étaient le plus souvent élus par brigue et par cabale et que, n'ayant qu'un temps très court à demeurer en charge, ils ne pouvaient prendre qu'une très légère connaissance des affaires et qu'ainsi leur service n'était d'aucune utilité. Le vrai motif était l'embarras des finances de Louis XIV, qui se créait des ressources en vendant ces charges. (Voir Dalloz, Jurisprudence, art. Communes.)
(23) Arch. dép. H. 1426. On lit encore dans la même lettre : «  Le terrain où est bâtie ma maison d'Arracourt était autrefois chargé envers votre abbaye d'une redevance en chapons ; par l'acquisition que fit M. Lançon de ce terrain, il hypothéqua pour payement de ces chapons d'autres maisons qui lui en devaient. Je vous serais très obligé de vouloir bien me marquer combien ce terrain doit de chapons à l'abbaye de Domèvre cl les particuliers qui acquittent cette charge... »
(24) Ibid. - La paire était un résal de blé et un résal d'avoine. - Dans une autre lettre de Busselot, on lit en post-scriptum : «  Nostre parlement est occupé depuis huit jours à l'examen des statuts des Jésuites. Il a déja donné refus d'enregistrer la dernière déclaration du roy en leur faveur; il continue ses séances après les fêtes. Ce premier refus ne fait pas espérer un heureux traitement pour le fond, d'autant que plusieurs, qui ci-devant leur paraissaient dévoués, semblent aujourd'hui leur estre contraires. Il transpire que Busembaum, avec un autre livre de sa morale, seront condamnés au feu. »
(25) Voir le chap. IV de la 1re partie, et les pièces justificatives n° 3.
(26) Arch. dép., H. 1403.
(27) Saint-Hilaire, Xandronviller, et la cense de Bédonvillé dépendaient aussi de cette mairie comme écarts des villages précédents.
(28) Voir plus haut les plaids annaux de Burthecourt au XVIe siècle (II partie, chapitre IV de cette Histoire, p. 114-116.)
(29) Les pargies étaient des amendes qui étaient adjugées aux seigneurs, lorsque des bestiaux avaient été surpris au dommage ; elles étaient payées sans préjudice de ce qui était encore dû aux propriétaires qui avaient souffert le dommage.
(30) On disait qu'elle, valait bien 20.000 fr. et qu'en 1731 le fils du baron ne l'aurait pas cédée pour 25.000
(31) C'est du moins l'accusation de l'abbé Piart (Arch. dép., H. 1440).
(32) Plus haut, les chapitres III et VII laissent entrevoir le nombre presque infini des contestations survenues au sujet des droits féodaux de l'abbaye et des cures dont les religieux avaient le patronage.
(33) Arch. dép., H. 1412 et 1415.
(34) Voir Pièces justificatives, n° 1.
(35) Pierre-Denis, marquis du Châtelet, baron de Cirey, chambellan de S. A. R., capitaine dans le régiment des gardes, mort en 1739.
(36) Voir la carte topographique. - (Arch. dép., H. 1413 et 1416- 1417.)
(37) S. S. étaient les initiales de Saint-Sauveur.
(38) René-François, marquis du Châtelet, chambellan de S. A. R., colonel des gardes et général-major des troupes de S. A. R. - Il épousa en 1710 Marie Fleming.
(39) Arch. dép., H. 1445.
(40) La raison de ces prodigalités était la passion qu'il avait pour la femme de son grand-écuyer, disent les historiens. Marc de Beauvau-Craon (1679-1754) avait épousé, en 1704, Anne-Marguerite de Ligniville. - Sur ce sujet, Cf. Baumont, Etudes sur le règne de Léopold (1894), p. 269.
(41) Arch. dép., H. 1408.
(42) Arch. dép., H. 1409.
(43) Les héritiers étaient : Anne Bouchard, dame de Buriville, son frère René Bouchard, et leur beau-frère, le sieur Lecomte, seigneur de Grossieux.
(44) Herbéviller était terre d'évêché, et Domèvre était terre lorraine.
(45) Arch. dép., H. 1438.
(46) D'après plusieurs pièces comparées (Arch. dép., H. 1391.) - (La paire était un resal de blé et un résal d'avoine.)
(47) La portion qui appartenait à l'abbaye commençait au ruisseau de Barbezieux, qui découlait de l'étang de Vilvacourt,et allait jusqu'au ruisseau qui découlait de l'étang d'Albe.
(48) Arch. dép., H. 1470.
(49) Le 1er don gratuit est de 1525 le second de 1569 (Digot. V. p. 74).
Aux XVIe et XVIIe siècles, il n'était que temporaire. L'abbé Mathieu (aujourd'hui Mgr l'archevêque de Toulouse, dans son Ancien Régime, p. 168) dit que le don gratuit remplaçait pour le clergé l'imposition des vingtièmes payés par les autres contribuables; c'est inexact, puisque le 1er impôt du 20e, d'origine française, ne fut introduit en Lorraine qu'en 1749 et que déjà sous le duc Antoine et sous Charles III le don gratuit était payé par le clergé. L'impôt du 20e fut même rendu obligatoire pour le clergé à partir du 1er janvier 1756 (Arch. dép., H. 1381).
(50) A ce genre de contributions on peut rattacher des dépenses comme celles-ci :
En 1720, pour la décime ducale de l'abbaye 370 francs.
En 1729-30, pour le joyeux avènement de S. A. R. 1253 livres.
(51) Thibaut. - Histoire des loix et usages de Lorr., en matière bénéficiale, p. 184.
(52) Arch. dép., B. 132 f° 17.
(53) A la date de 1692 nous lisons : «  Manon, notre maîtresse servante doit avoir 12 écus depuis Noël l692 jusqu'à Noël 1693. - Au père de Manon, donné 90 fr. de blé sur ses gages. Sa soeur Bichon ne doit avoir cette année que sa nourriture, une paire de souliers et des hardes, a savoir 6 aunes de toile. »
(54) Voir surtout les registres ou liasses, Arch. dép., H. 1379, 1391, 1474, 1476, 1492 et 1493.
(55) Le P. Benoit, dans son Pouillé du diocèse de Toul publie en 1711, n'estime la mense abbatiale qu'à 2000 livres et la mense conventuelle à 3000; mais ce doit être sans tenir compte des revenus en nature.

 

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