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1791 - L'abbé Grégoire écrit à ses anciens paroissiens


Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.
Henri Grégoire
Ed. Paris, Dupont 1837

Réponse de M. Grégoire, évêque de Blois, à ses paroissiens d'Embermesnil et Vaucourt.

Paris le 4 août 1791,

Mes CHERS ENFANS, Je puis bien vous appeler ainsi, car j'ai toujours eu pour vous la tendresse d'un père, la lettre touchante que la municipalité d'Embermesnil m'écrivit au mois de mars en votre nom, attendrit mon coeur jusqu'aux larmes : j'ai tardé d'y répondre jusqu'à ce que j'eusse un successeur. Vous avez, ainsi que moi, désiré le révérend père Nicolas; les électeurs du district ont secondé nos vues. Je suis charmé que vous passiez sous la conduite de celui qui me remplaçant depuis mon départ, vous éclairait par ses instructions et vous édifiait par sa conduite. Je bénis la providence, qui, dans sa bonté, accomplit ainsi ses desseins à votre égard. Pour compléter mes voeux, je désire que Vaucourt soit érigé en cure ; j'ai fait des démarches, et récemment encore j'ai écrit sur cet objet à votre prélat l'éveque de Nancy.
En me séparant de vous, mes chers paroissiens, mon coeur éprouve une vive émotion. Depuis mon départ de la Lorraine, mes regards se sont tournés fréquemment vers le lieu où j'ai coulé une partie de mes jours, où j'ai encore une tendre mère, où pendant plusieurs années j'ai rempli au milieu de vous les fonctions saintes du ministère évangélique. Le plus grand sacrifice que j'aie jamais fait a été de consentir à être évêque, dans un moment où cette dignité n'est entourée pour ainsi dire que d'épines. Et tandis que les voeux de beaucoup de départemens m'appelaient sur leurs sièges, je n'en aurais accepté aucun, si je n'avais été décidé par des personnes sages qui dirigent mon ame et qui m'y engageaient au nom de la religion et de la patrie. Je sentais combien il était douloureux de m'arracher à mes parens, à mes amis, à mes paroissiens, pour aller résider à cent lieues de vous. D'ailleurs, quel accroissement de travail ! Je n'avais que cinq ou six cents ames à conduire; j'en ai présentement près de deux cent mille: ce fardeau serait bien au-dessus de mes forces; mais j'espère que Dieu sera, comme il fut toujours, mon guide et mon appui. J'ignore si je suis loin du terme de ma carrière; mais si elle se prolonge, et que dans quelques années mon diocèse soit parfaitement organisé, après avoir tant travaillé, sans doute il me sera permis de penser à la retraite après laquelle je soupire; et peut-être irai-je achever ma vie et mourir dans les lieux.qui m'ont vu naitre. Je ne vous dis pas adieu, car j'espère vous revoir bientôt, vous revoir tous les ans, vous revoir surtout dans l'éternité, dans cette région nouvelle, où tout cri cessera, où toute larme sera essuyée, où nous, gouterons le bonheur que Dieu prépare à ceux qui lui sont fidèles : c'est-là, mes amis, que doivent tendre nos efforts. J'ai vu des tous les états, de tous les pays, et plus j'avance, plus je me pénètre de cette vérité que vous avez lue dans l'écriture et souvent entendue de ma bouche : c'est que tout est vanité excepté aimer Dieu et le servir. La vie est un éclair: depuis que j'ai commencé à etre votre pasteur, combien n'en avez-vous pas vu tomber autour de vous et disparaitre du séjour des vivans ! La mort moissonne tous les jours et nous attend.
Vous connaissez, mes frères, tous mes travaux pour vous conduire au bien, pour développer l'éducation de vos enfans. Ils conserveront sans doute et le fruit de mes soins et le souvenir de ce que j'ai fait pour eux. Témoins de mes discours et de ma conduite, je crois pouvoir vous interpeller comme Samuel, et dire que je vous ai prêché de paroles et d'exemple. Quel compte n'aurais-je pas à rendre à Dieu, si par une complaisance coupable, j'avais toléré les vices ! Je suis bien aise de vous faire remarquer ici la contradiction de mes ennemis :quand j'étais parmi vous, ils me reprochaient mon ; quand, venu ici, j'ai attaqué des abus qui intéressaient leur cupidité et leur amour-propre, ils m'ont noirci parleurs impostures. La calomnie m'a persécuté parce que je combattais, et je le ferai partout, les ambitieux, les intrigans, les despotes et les méchans, parce que, travaillant pour le bonheur général, j'avais surtout à cour celui du peuple des campagnes. Je n'ai pas toujours réussi, mais au moins je trouve dans mon ame le témoignage consolant d'avoir fait tout ce qui dépendait de moi comme député et comme ministre des autels. Quant à leurs outrages dont je m'honore, j'en fais le sacrifice à Dieu. Les méchans peuvent compter sur ma résolution inébranlable de les mépriser et de leur faire du bien.
Dieu perpétue parmi vous le ministère de Jésus-Christ et l'enseignement des vérités saintes. Mes amis, soyez toujours soumis aux lois de la religion et de l'état, aux hommes que le ciel vous donne pour vous diriger : vous avez un curé selon le coeur de Dieu; ne contristez pas son ame, et que dans votre docilité il trouve une consolation aux peines de son ministère. Son fardeau est plus pesant que le votre.
Dans toutes les paroisses il est des brebis égarées qui, fuyant leur pasteur, lui dérobent la connaissance et la direction de leur coeur. Voyez si ceux qui agissent ainsi ne sont pas les plus mauvais chrétiens. Voyez si ceux qui se montrent les ennemis de leurs curés ne sont pas presque toujours les plus mauvais sujets d'une paroisse. Je l'ai éprouvé moi-même au milieu de vous ; il en est qui ont eu de grands torts à mon égard, je leur pardonne volontiers; mais d'une telle conduite que leur revient il-aujourd'hui, que leur en reviendra-t-il à l'avenir ?
Veillez à l'éducation de vos enfans, fréquentez les sacrémens, trop négligés par quelques personnes et surtout par certains hommes; aidez-vous, aimez-vous les uns et les autres; que la charité unisse vos cours; soyez une société de frères. Je crois avoir quelques droits à vos prières, je ne vous oublierai pas dans les miennes. Vous me serez toujours chers; et si jamais je puis encore vous être utile, je me croirai heureux de concourir à votre bonheur. Je vous embrasse tous en Jésus-Christ, et je souhaite que la paix du Seigneur soit toujours au milieu de vous.
GRÉGOIRE,
Evêque de Blois.

 

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