| Dans son «  Histoire des 
				cent-jours de la Restauration et de la Révolution de 1830 », 
				l'historien Jacques Antoine Dulaure (1755-1835) fait remarquer 
				toute la particularité de la Paix de Frémonville :«  Le chef du 2e corps-franc de la Meurthe obtint le plus 
				grand honneur qu'un chef de partisans puisse désirer, d'après 
				les idées reçues parmi les militaires des nations civilisées. 
				Seul et au nom du Gouvernement de son pays, il stipula d'égal à 
				égal avec toutes les forces de la coalition. Le traité de paix 
				qu'il signa vers la fin de juillet, à Frémonville, parut assez 
				important au Gouvernement de cette époque pour mériter d'être 
				inséré au Moniteur ».
 
 Et la considération des troupes russes pour le chef des 
				partisans français n'est pas issue de la
				capture manquée des trois empereurs 
				ennemis, intervenue le 10 juillet 1815, puisqu'il semble que la 
				convention ait été rédigée par les russes dès le 7 juillet.
 Devons-nous alors - suivre le raisonnement de Dulaure, et constater un cas rare, où un officier, très subalterne, signe 
				avec les autorités de la puissance ennemie un traité de paix au 
				nom de son gouvernement, avec insertion dans les textes 
				officiels ?
 - ou voir dans l'insertion au Moniteur une simple action de 
				propagande du gouvernement de Louis XVIII, visant à démontrer la 
				magnanimité de ses alliés russes et leur volonté d'apaisement, 
				tout en calmant les ultimes ardeurs belliqueuses des derniers 
				partisans de l'Empire déchu, puisque Napoléon ayant abdiqué 
				depuis le 22 juin 1815, Brice ne peut plus, à la date de 
				signature du 19 juillet, être le représentant légal de la France 
				?
 Mais Dulaure précise, 
				concernant Brice, que «  
				l'historien ne peut négliger d'ajouter que le Gouvernement de 
				Louis XVIII le fit condamner à mort, quelques mois plus tard, 
				par un conseil de guerre. ».
				Toute l'ambiguïté repose sur les mots : «  au nom du 
				Gouvernement de son pays »... et sur le fait que, bien 
				qu'ayant protesté lors du coup d'état du 18 brumaire, l'ancien 
				député Jacques-Antoine Dulaire avait bénéficié d'un poste en 
				1808, alors que Louis XVIII ne pouvait lui pardonner d'avoir 
				voté la mort de Louis XVI sans sursis et sans appel. Dulaire ne 
				cache pas cette acrimonie dans la phrase accablant Louis XVIII 
				de «  Gouvernement, aussi implacable envers les défenseurs de 
				la France que servile envers l'étranger ».
 Il reste cependant une autre hypothèse : la convention de 
				Frémonville a-t-elle été volontairement datée par les Russes au 
				7 juillet, car le retour de Louis XVIII à Paris, et donc le 
				début de son nouveau règne, n'est intervenu que le 8 juillet ? 
				En datant la convention du 7, Brice aurait ainsi été 
				"officiellement" en mesure de signer au nom du gouvernement 
				français en vigueur à cette date...
 
 Histoire des 
				cent-jours de la Restauration et de la Révolution de 1830.Jacques Antoine Dulaure
 Ed. Paris : Poirée, 1845
 Cependant, d'énormes masses 
				armées accouraient prendre part non plus aux batailles mais à la 
				curée que leur offrait la France, de nouveau soumise aux 
				Bourbons, et paralysée dans l'ensemble de ses moyens de défense. 
				Un mois après la rentrée de Louis XVIII à Paris, onze cent 
				quarante mille soldats étrangers protégeaient ce monarque contre 
				le désespoir de la Nation. L'attitude de la population des 
				provinces qu'eurent à traverser, pour se répandre dans 
				l'intérieur du royaume, les armées de la coalition, parut si 
				redoutable aux généraux russes et autrichiens, qu'avant de 
				passer outre ils publièrent des proclamations propres à refouler 
				dans les coeurs des citoyens d'un pays menacé d'invasion tout 
				sentiment de dévouement patriotique. Nous croyons devoir 
				reproduire ici quelques extraits, de ces proclamations comme un 
				hommage rendu par nos ennemis eux-mêmes au patriotisme des 
				populations qu'ils voulaient comprimer par la terreur. Les 
				menaces qu'elles contenaient honorent, à notre avis, ceux à qui 
				l'on se croyait obligé de les adresser. «  Tout individu, disait 
				le Russe Barclay de Tolly, qui, sans appartenir à aucun corps 
				régulier de troupes françaises, sera pris les armes à la main, 
				sera livré à une Commission militaire, et sa sentence, exécutée 
				dans les vingt-quatre heures. Les maires, ou, à leur défaut, les 
				notables des villes et des communes dans l'arrondissement 
				desquelles un acte quelconque d'hostilité aura été commis contre 
				mes troupes, seront arrêtés et jugés par la Commission 
				militaire, s'ils se refusent à livrer les coupables. » - «  Les 
				communes qui feront de la résistance à main armée, disait le 
				général autrichien, baron de Frimont, émigré français, seront 
				pillées et incendiées ; tous les individus qui seront pris les 
				armes à la main sans être revêtus de l'uniforme qui caractérise 
				un soldat seront fusillés. » L'Alsace, les Vosges, la Lorraine, 
				la Bourgogne, virent tomber sous le plomb des alliés de Louis 
				XVIII d'intrépides paysans que les menaces n'avaient point 
				effrayés. Tant que les places fortes de ces contrées refusèrent 
				de recevoir les armées alliées, les campagnes environnantes 
				imitèrent et secondèrent leur résistance. Les généraux russes, 
				bavarois, saxons et autrichiens, harcelés parles corps-francs, 
				trouvèrent bientôt plus d'avantages à traiter régulièrement avec 
				les chefs de ces corps, qu'ils avaient tout d'abord regardés 
				comme des brigands placés en dehors du droit des gens, qu'à 
				continuer une guerre qui, en se propageant, pouvait les mettre 
				aux prises avec la population toute entière. Le chef du 2e 
				corps-franc de la Meurthe obtint le plus grand honneur qu'un 
				chef de partisans puisse désirer, d'après les idées reçues parmi 
				les militaires des nations civilisées. Seul et au nom du 
				Gouvernement de son pays, il stipula d'égal à égal avec toutes 
				les forces de la coalition. Le traité de paix qu'il signa vers 
				la fin de juillet, à Frémonville, parut assez important au 
				Gouvernement de cette époque pour mériter d'être inséré au 
				Moniteur. Ce traité honore et le colonel Brice et les braves 
				qu'il commandait. Nous le reproduisons ici pour prouver à nos 
				lecteurs ce que peut le dévouement des plus humbles citoyens 
				dans les grandes crises politiques ; le voici :Convention conclue entre le colonel Orloff, etc., etc., au nom 
				des Hautes Puissances alliées, d'une part ;
 Et le chef d'escadron Brice, commandant le 2e corps de chasseurs 
				volontaires de la Meurthe, au nom du Gouvernement français, 
				d'autre part :
 Dès ce moment, toutes les hostilités cessent entre les troupes 
				alliées et celles commandées par le chef d'escadron Brice.
 Le chef d'escadron Brice s'engage à déposer les armes à 
				Frémonville, et à dissoudre son corps dans les vingt-quatre 
				heures de la ratification de la présente convention par le 
				commandant en chef du 7e corps d'armée de Sa Majesté Impériale 
				de toutes les Russies, dans les Vosges. Quant aux parties 
				détachées de son corps, M. Brice enverra les ordres en 
				conséquence, et nominera les chefs qui les commandent et les 
				lieux où ils se trouvent.
 Le chef d'escadron Brice, et MM. les officiers sous ses ordres, 
				savoir :
 Les capitaines Rioux, Georges, Golsard-du-Vivier, Parmentier, 
				Lété, l'adjudant-major Klein, les lieutenans Schmideling, 
				Garnier, Conrad, Devency, Gauthier, Maréchal, les 
				sous-lieutenans Parmentier, Service, Rauche, et le 
				maréchal-des-logis Jacquot, s'engageront, chacun sous leur 
				pa-role d'honneur, en rentrant dans leurs foyers, autres que les 
				places fortes qui n'ont pas encore arboré le pavillon blanc, à 
				ne rien entreprendre contre les Hautes-Puissances alliées, à 
				moins qu'ils n'y soient autorisés par leur Gouvernement 
				légitime, reconnu des Puissances alliées ;
 Ils conserveront leurs armes et bagages.
 Le chef d'escadron Brice et les officiers sous ses ordres 
				désigneront les endroits de leur domicile où ils désirent 
				rentrer après la dissolution du corps ; et, si quelques-uns de 
				ces officiers préféraient se retirer ailleurs que dans leur 
				domicile, il leur sera délivré des passe-ports à Nancy.
 Il ne sera fait aucune recherche contre ceux qui ont servi dans 
				le 2e corps de chasseurs volontaires, non plus que contre leurs 
				parens, soit dans leurs personnes, soit dans leurs propriétés.
 
 Après avoir rappelé les titres du colonel Brice à l'estime des 
				patriotes français, l'historien ne peut négliger d'ajouter que 
				le Gouvernement de Louis XVIII le fit condamner à mort, quelques 
				mois plus tard, par un conseil de guerre. Un exil de plusieurs 
				années le déroba à la haine de ce Gouvernement, aussi implacable 
				envers les défenseurs de la France que servile envers 
				l'étranger.
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