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1803 - Implantation des Solitaires de la Retraite Chrétienne à Domèvre
 


Né à Bonnetage le 28 décembre 1750, Antoine-Sylvestre Receveur est ordonné prêtre le 10 juin 1775. Vicaire à Saint-Julien, puis à Fontenelles, il abandonne ses fonctions en 1786 pour se consacrer à la société de la Retraite Chrétienne, communauté chrétienne de prière, travail, instruction des enfants, dans une vie solitaire et sans prononcer de voeux. Il édifie des bâtiments à cet usage, qu'il inaugure le 19 novembre 1789 avec 70 disciples, hommes et femmes ; à compter de 1791, la communauté reçoit de nombreux chrétiens effectuant en son sein des retraites de plusieurs jours. Mais à partir de mai 1792, il doit se réfugier en Suisse pour fuir les décrets d'arrestation émis par les administrateurs du Doubs, qui suppriment l'institut de la Retraite le 21 août 1792.
En octobre 1792, sa communauté des solitaires est expulsée de France, et les bâtiments vendus et démolis. Antoine-Sylvestre Receveur reconstitue sa communauté dans le canton de Fribourg, mais il en est chassé en octobre 1795, et se réfugie à Augsbourg. En 1798, il quitte l'Allemagne pour l'Italie, où s'étaient déjà établis quelques membres de sa communauté.
En 1803, les Solitaires organisent leur retour en France : c'est ainsi qu'on les voit tenter une implantation à Domèvre d'avril à décembre 1803.


Vie du vénérable Antoine-Sylvestre Receveur, prêtre du diocèse de Besançon, fondateur de la Retraite Chrétienne (1750-1804)
Jean-Marie Suchet
Ed. Paris 1894

[avril 1803]
Peu après le frère Jean-Baptiste, le P. Alexis Cour était parti de Rome avec une colonie, dans le dessein de gagner, la France. Il s'était dirigé vers Constance, Bâle et Nancy, et avait trouvé, au mois de juillet, une résidence en Lorraine, à Domèvre, près de Blamont, arrondissement de Lunéville. Il s'était logé dans une ancienne abbaye, où les cinq sœurs qui le suivaient occupaient quatre petites chambres.
Mais deux d'entre elles abandonnèrent la communauté, et le P. Alexis lui-même était parti du côté de la Franche-Comté ou de la Suisse. Il revint cependant retrouver la petite colonie, et les trois sœurs qui restaient demandaient. à avoir un renfort de solitaires. Ce vœu fut exaucé.
Il y avait alors à Tolmazzo, diocèse d'Udine, une communauté de sept sœurs de la Retraite, sans prêtre pour les diriger. Le peuple et le clergé désiraient beaucoup les conserver au milieu d'eux, pour l'instruction de la jeunesse. Seulement, les prêtres de la ville voulaient avoir sur elles toute autorité spirituelle et s'opposaient à l'admission d'un prêtre de la Retraite à la tête de la communauté. C'était en faire de simples maîtresses d'école sous la direction du clergé paroissial. Le P. Receveur s'y opposa, et, conformément à ses instructions, les sœurs de Tolmazzo, auxquelles se joignirent cinq sœurs de Rome, se mirent en route pour aller se réunir à la colonie du P. Alexis, à Domèvre.
Le trajet était long. Elles passèrent à Inspruck, Einsiedeln, Bâle, Colmar, et arrivèrent à Domèvre au mois d'octobre. La communauté se composait alors d'une quinzaine de sœurs. Le P. Alexis y travaillait beaucoup et avec fruit. Il avait une école de dix-sept garçons. Les sœurs instruisaient les jeunes filles du pays. Le père dirigeait aussi beaucoup de pénitents dans une grande salle de l'ancienne abbaye. Cette communauté improvisée était fort intéressante. Mais elle portait ombrage au curé de la paroisse, qui, par ses tracasseries, l'obligea de se transporter ailleurs, comme nous le verrons plus loin.
Après le frère Jean-Baptiste et le P. Alexis Cour, ce fut le tour du P. Receveur de quitter l'Italie pour n'y plus revenir. Avant son départ, il alla se prosterner aux pieds de Pie VII, qui lui donna une précieuse relique de la vraie croix et le bénit, lui et les siens, avec effusion de cœur. Il se rendit à Orvieto, au mois de février, partit ensuite pour Pise, où il offrit, le 21 février, ses hommages à Mgr d'Espuig, qui allait être nommé cardinal. Il vit avec peine ce prélat persister dans son projet de transformer la société de la Retraite, en voulant faire des sœurs des institutrices de paroisses. Son principal grief contre la Société, c'étaient ses dettes. Heureusement, des dons inattendus, providentiels, permirent de les éteindre, et le supérieur écrit à son vicaire, à Rome, de faire son possible pour qu'on n'y retombe pas.
Il prévoyait, pour un temps rapproché, la nécessité du départ général de la Société. «  Il faut bien, écrit-il, se garder d'en parler avant qu'il soit résolu. Mais il faut, à tout prix, conserver la résidence de Rome. » Sa première intention, en partant, était de rejoindre, près de Nancy, le P. Alexis. Au mois de juin, il se rendit à Einsiedeln, et il écrit : «  Quoique j'aie une horrible répugnance à me produire dans le malheureux diocèse de Besançon, il faut cependant bien y trimer et m'y aller cacher, si j'apprends aux Ermites que quelques restes de sujets et de pécunes m'y attendent. »
En effet, le 14 juillet il était caché dans une maison des Fontenelles, chez Pagnot. Il écrit à l'abbé Boucon de venir l'y trouver : «  Je ne puis, dit-il, ni voir ni être vu qu'en cachette. » Il écrit qu'il est effrayé de l'état des choses, dans les montagnes, sous le rapport religieux, et de la confiance qu'on témoigne aux constitutionnels. Mais son ami Boucon est solide dans les principes. «  Malmené et cité devant le prétet, à cause de son zèle pour nous, il ne veut cependant pas quitter le pays. »
Le P. Receveur sait avec quelle ardeur le frère Jean- Baptiste le réclame à Aix. Il y arrive enfin le 20 août, avec un certain esprit de défiance, car il craint qu'au milieu de tous ces mouvements, le frère n ait perdu «  son attachement à nos voies de la croix, » défiance et prévention injustes qu'il avait déjà exprimées dans une lettre du 20 avril, en disant : «  Le frère Jean-Baptiste n'est plus avec nous sicut heri et nudius tertius. »
Arrivé à Aix, le Père se présente seul à la maison de la Pureté. Une petite Madeleine Pelas, portière, ouvre à cet inconnu. Il entre sans mot dire et avance. Elle crie : «  Monsieur, on n'entre pas, que demandez-vous? Le Père rit et avance toujours. Alors Madeleine appelle le frère Jean-Baptiste. Elle le voit se jeter au cou de l'inconnu, et bientôt les sœurs tomber à genoux à ses pieds. Elle comprend alors que c'est le P. Antoine. Il la félicite de sa conduite.
Aussitôt il visite la maison, où tout est encore délabré. C'est quelque chose comme Sainte-Marthe de Rome, dans les premiers jours. Il faut clore les portes et les fenêtres, réparer l'église, tout restaurer à grands frais, et l'on est pauvre. Mgr de Cicé était à Marseille. Il va le voir, en reçoit bon accueil, et trouve en lui un prélat sympathique à la Retraite. Avant tout il faut commencer les réparations nécessaires. Mlle de Cicé est là pour prêter son concours. Elle quête dans les bonnes familles de la ville ; on répare la chapelle, on trouve des ornements et des vases sacrés, modestes mais suffisants, pour rétablir le culte divin le plus tôt possible, dans l'ancienne église du couvent.
Pendant ce temps, les autres solitaires d'Italie se disposaient à rentrer en France. Le 23 juin 1803, un convoi de cinq sœurs partait d'Orvieto, sous la conduite du frère Claude Blessemaille, avec une recommandation du cardinal Archettus, évêque de Sabine. Cette colonie, dont faisaient partie Marie Joyon et Reine Racine, se dirigeait vers la Provence, où elle avait annoncé son débarquement à Marseille, pour le 7 août. Le P. Receveur alla à leur rencontre au jour indiqué. «  Nous avons eu nez de bois, dit-il. Enfin, les voici ce soir, 19 août, arrivées les cinq en bonne santé, avec le frère Claude, aussi brave homme que jamais, nous apportant seize louis, bien édifiants au milieu de mes ruines d'église, de couvent et de tout. »
Les sœurs qui rentraient alors en France devaient quitter la robe blanche et prendre un habit séculier. Elles espéraient reprendre les habits de solitaires le 14 septembre, à l'Exaltation de la sainte Croix ; mais Mgr l'archevêque ne le jugea pas encore à propos. Les frères et les sœurs durent se contenter de porter des vêtements de couleur grise. C'est pourquoi on les appela vulgairement, en Provence, les frères gris et les sœurs grises.
Toutefois le P. Receveur écrivait : «  Il est probable que la Providence rétablira notre Société en France. Je n'en vois point qui puisse y être admise, si celle-ci ne l'était pas.... Je suis approuvé pour tout le diocèse d'Aix, qui en comprend sept des anciens, et il ne manque pas ici d'occasions de prêcher et d'instruire toutes sortes de personnes. Mgr l'archevêque vient de m'admettre au nombre de ses prêtres.... J'ai mes patentes en règle, et verbalement il permet de donner même aux gens du dehors des retraites, mais avec discrétion. »
Le personnel de la maison de la Pureté augmentait sensiblement, mais le P. Receveur ainsi que le frère Jean-Baptiste étaient épuisés et avaient besoin de repos. La maison était un peu réparée. Les solitaires n'avaient pas encore leur église. Ils espéraient en jouir bientôt, grâce à Mlle de Cicé, et y faire leurs exercices. C'est le 10 septembre, fête du saint Nom de Marie, que l'exercice du culte fut autorisé dans la chapelle de l'établissement.
Quelques semaines après son arrivée à Aix, le P. Antoine avait réussi à fonder une école de petites filles qui devint bientôt fort nombreuse : «  Notre école, dit-il, croît tous les jours. Les enfants ont des inclinations et une ignorance à faire peur; des têtes plus dures que celles de partout, à ce qu'il me semble. » Ces pauvres enfants, il les visitait souvent, les interrogeait sur le catéchisme. Il en prépara quelques-unes à la première communion.
On reconnut bientôt la nécessité d'un externat : «  Je n'y ai consenti, dit-il, que par la nécessité de concourir à l'instruction d'une jeunesse qui fait pitié, et de nous maintenir dans cette maison de la Pureté, si vaste, si retirée, si favorablement disposée pour les retraites. » Il eût préféré sans doute n'avoir que des pensionnaires internes. Mais une de ses maximes était que quand on ne peut prendre les bonnes œuvres en long, il faut les prendre en large.
Le développement que prenait la maison d'Aix obligeait le P. Antoine à renforcer le contingent rentré en France, en appelant encore une partie de ses enfants de Rome. Il leur écrivit, à ce sujet, des lettres touchantes et pleines des sentiments d'une tendresse toute paternelle. Il leur ordonne de former deux convois à destination de France, et de les munir de passeports, dont l'un, en cas de besoin, portera Carcassonne, et l'autre Aix. Il promet à ceux qui restaient à Rome d'aller bientôt leur donner les exercices de la retraite. Mais Dieu devait en disposer autrement.
Les deux divisions demandées partirent de Rome le 3 novembre 1803, avec la bénédiction du Saint- Père et les recommandations du P. Brun. Elles entreprenaient, à la garde de Dieu, un long voyage de trois cents lieues, auquel ne manquèrent pas les incidents, tantôt douloureux, tantôt consolants. Enfin, après quatre mois de voyage, les solitaires arrivèrent à Aix au commencement de mars 1804.
Le P. Charles Bretenière était alors dans cette ville, où son supérieur l'avait appelé. Le P. Antoine dut lui-même se rendre à Domèvre, auprès du P. Alexis Cour, qui réclamait impérieusement sa présence. Il partit le 21 novembre 1803 pour la Lorraine. Le P. Charles et le frère Jean-Baptiste l'accompagnèrent jusqu'à une lieu au delà de la ville d'Aix. Ils s'embrassèrent au moment de se séparer, ne pensant pas qu'ils ne se reverraient plus en ce monde.
A Domèvre, il y avait dix-huit sœurs faisant leurs exercices régulièrement, ne portant pas encore l'habit de pénitence. Le P. Receveur, en arrivant dans cette communauté, fut témoin du zèle avec lequel le P. Alexis y travaillait. Mais ses pouvoirs étaient contestés par le curé de la paroisse, et le P. Receveur, à ce sujet, se rendit aussitôt à Nancy.
L évêque le reçut avec affabilité, lui dit que, dans les circonstances présentes, il ferait tort au curé de Domèvre si, sans sa participation, il accordait des pouvoirs aux prêtres de la Retraite; qu'il fallait obtenir son agrément ; que pour une chapelle dans l'établissement, on ne pouvait en obtenir sans le gouvernement; que, du reste, il approuvait la Société et lui laissait faire tout le bien qu'elle pourrait.
Il remit au Père une lettre pour le curé de Domèvre, qui en parut fort mécontent et ne voulut rien céder.
Le 19 décembre, le P. Receveur partit pour chercher un autre asile, qu'il trouva à Lixheim, bourg à sept lieues de Domèvre. La translation de la communauté eut lieu après les fêtes de Noël. Le curé de Lixheim se montra fort heureux de posséder les solitaires dans sa paroisse. Ils y jouirent d'un certain calme, «  en attendant la tempête. »

 

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