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Août/septembre 1914 - La cavalerie en Lorraine


Revue militaire générale
Janvier/décembre 1920

L'ACTION DE LA CAVALERIE EN LORRAINE
(AOUT-SEPTEMBRE 1914)

LA COUVERTURE

A la date du 5 août, les 2e et 10e D. C., affectées à la IIe armée, étaient à leurs bases de concentration en Lorraine. Elles devaient coopérer en premier lieu à l'action du 20e C. A., chargé de la couverture au nord et à l'est de Nancy.
La 2e D. C. du général Lescot comprenait deux brigades de dragons (général Lucas et colonel de Guitaud), une brigade de légère (général de Contades), un groupe d'artillerie à cheval et une compagnie cycliste. Le 2e bataillon de chasseurs à pied de Lunéville lui était rattaché. Mobilisée d'urgence aux derniers jours de juillet, elle avait gagné les bords du Sanon, porté ses avant-postes au nord du canal de la Marne au Rhin et déjà pris le contact avec les premières patrouilles ennemies dans la région de Serres-Bathelémont.
La 10e D. C. du général Conneau, de formation récente, comprenait seulement deux brigades de dragons : la 10e (général Chêne) et la 15e (général Grellet), trois batteries à cheval et une compagnie cycliste. Elle avait débarqué aux environs de Barizey-la-Côte, pris ses cantonnements à Coyviller, Manoncourt, Rosières-aux-Salines et lancé ses premières découvertes. Sur la foi d'un faux renseignement prétendant que des forces ennemies étaient parvenues à Xures et s'avançaient par la vallée du Sanon, elle avait été alertée le 7 à midi, avait rapidement passé la Meurthe et, par Hudiviller, s'était portée vers Deuxville, en direction d'Einville-au- Jard. Sur le soir, elle venait prendre ses cantonnements à Lunéville et, pour quelques jours, occupait les quartiers de cavalerie. Elle procédait aux premières mesures de sûreté.
Un escadron était porté à Marainviller sur la route d'Avricourt. On faisait fouiller les accès de la forêt de Parroy. Les cantonnements étaient cerclés; la place d'alarme était au champ de courses de Jolivet.
Le lendemain à la première heure, un détachement constitué par le groupe cycliste, un escadron de dragons et une section de mitrailleuses, était porté à Emberménil, à la lisière est de la forêt de Parroy, au long de laquelle s'échelonnaient les avant-postes, que venait bientôt renforcer le bataillon de chasseurs détaché à cet effet de la 2e D. C. Le gros de la division se tenait, dès lors, rassemblé et aux écoutes, en arrière des bois, vers la ferme Froide-Fontaine. La liaison était établie avec la 6e D. C., qui apparaissait au revers occidental des Vosges, aux environs d'Ogéviller en avant du 21e C. A. (Ire armée).
A Lunéville, l'apparition de cette nombreuse cavalerie - qui semblait revenir du côté de l'ennemi, alors que déjà le canon s'était fait entendre au nord dans la région occupée par la 2e D. C. - ne fut pas tout d'abord sans causer quelque surprise. L'émoi ne dura qu'un instant et c'est dans le plus grand calme que se firent les premières installations. Des hôpitaux étaient aménagés. Les voitures automobiles réquisitionnées pour le personnel de la Croix-Rouge allaient et venaient de la ville aux avant-postes. Toutes les voies d'accès vers l'ennemi étaient barricadées aux issues et défendues par des territoriaux.
A l'intérieur, la vie semblait rester normale. Les régiments rentraient avant la nuit. On regardait passer et repasser les troupes en tenus de corvée allant aux distributions ou ramenant les chevaux de l'abreuvoir, l'état-major et les chefs de corps se rendant au château pour la conférence du jour, et tout cela donnait comme une impression de grandes manoeuvres. Le soir, cependant, les lumières se voilaient; le silence se faisait et alors on sentait de plus près battre le coeur de la cité et se recueillir les patriotiques énergies d'un peuple à l'avant-garde, au regard immédiat de la frontière.
Durant les premières journées, des incidents assez sérieux étaient venus marquer les prises de contact dans les secteurs attribués aux 2e et 6e D. C. Par contre, à part quelques escarmouches aux avant-postes, rien de bien saillant ne s'était manifesté dans la zone intermédiaire. Nos reconnaissances battaient le pays et nos détachements faisaient preuve d'une incroyable hardiesse. Ils ne rencontraient aucun rassemblement important d'ennemis, mais fréquemment de petits groupes d'un effectif variant de cinq, dix à trente chevaux, au plus un escadron. Partout où ils les ont aperçus, ils les ont chargés. Sans souci du danger, dans la plaine découverte comme au long des bois ou des villages, notre ardente jeunesse a couru à cheval à l'ennemi au devant comme au travers des balles et devant pareille virtuosité, la cavalerie allemande, devenue tout à coup réservée, n'a su montrer qu'une ingénieuse prudence.
Le 9 août, le lieutenant de Batz, du 15e dragons, entrait au galop dans Avricourt avec son peloton, chassait devant lui un groupe de uhlans et courait à une barricade au centre du bourg. Il pouvait, malgré la fusillade, ramener tout son monde avec quelques blessés seulement.
Le lendemain, le lieutenant Verny, du 20e dragons, chargeait un peloton de uhlans, tuait l'officier de sa main et mettait le reste en fuite.
Le 12 août, le lieutenant des Étangs du 15e dragons, en reconnaissance avec son peloton vers Leintrey, Vého et les environs, se laissait attirer par une patrouille de cavaliers ennemis et arrivait malencontreusement sur des fantassins en embuscade, qui le recevaient par un feu nourri; il s'échappait, mais apercevait à 600 mètres et venant sur lui une troupe de soixante à soixante-dix chevaux allemands. Sans hésiter, il courait à eux et les chargeait. Il payait de sa vie sa magnifique témérité.
Les habitants de Chazelles ont recueilli son corps ainsi que celui du maréchal des logis Caron, tué à ses côtés, et les ont pieusement inhumés. «  Rameaux verts mordus par la cognée, tombés sous le ciel bleu. », ils dorment côte à côte leur fier sommeil, à deux pas des anciennes tranchées de l'ennemi.
Cette folle bravoure a été la merveille de ces premiers jours où la cavalerie remplissait sa mission de couverture. Partout il en a été ainsi, et partout où la cavalerie allemande a vu venir la nôtre à forces égales, elle s'est dérobée. Ainsi, dès le début, la cavalerie française prit l'ascendant sur sa rivale. Dans la suite de la campagne, d'ailleurs, la cavalerie allemande ne s'est jamais montrée en masse là où allaient nos divisions, dont les opérations ont donc pu se développer en toutes facilités.

L'OFFENSIVE VERS LA SARRE

Le 6 août, un ordre général - n° 1 - daté de Neufchâteau, avait fait connaître que le général de Castelnau, membre du Conseil supérieur de la guerre, prenait le commandement de la IIe armée et du secteur de couverture de la basse Meurthe.
Au cours des journées qui suivirent, les renseignements sur l'ennemi s'étaient remarquablement précisés. On savait dès le 10 août que les Bavarois occupaient en deuxième ligne, au nord de la Seille, les positions fortement retranchées de Delme, de Château-Salins, de Juvelise, et s'étendaient à leur gauche jusqu'aux étangs de Réchicourt; que les lisières sud et ouest de la forêt de Château-Salins étaient organisées; que les digues des étangs vers Réchicourt étaient rompues en vue d'une inondation de la vallée de la Seille, et tout semblait indiquer que devant nous, en Lorraine, l'ennemi devait se tenir sur la défensive pendant que se porterait sur un autre théâtre le principal effort de ses attaques.
De notre côté, les Ire et IIe armées s'avançaient. Déjà l'armée Dubail progressait à l'ouest des Vosges, et la 6e D. G. vers Domvre voyait poindre à sa droite les têtes de colonne du 8e C. A. Le bruit se répandait qu'une de nos divisions d'infanterie avait franchi le col du Bonhomme et marchait vers Colmar.
L'armée Castelnau se concentrait vers Nancy et le 16e C. A. avait poussé jusqu'à Lunéville. Nos avant-gardes avaient accentué leurs pressions sur l'ennemi et partout celui-ci avait repassé la frontière. Des ordres généraux exaltaient le moral en signalant les défauts de l'obusier allemand, dont les projectiles éclataient haut et étaient inoffensifs, ou bien arrivaient au sol, creusaient une excavation et faisaient fougasse. On disait l'ascendant pris par la cavalerie sur celle de l'adversaire. La nouvelle de la prise de Mulhouse se répandait et les coeurs s'exaltaient. Le 14 août, on décidait de passer résolument à l'offensive.
La IIe armée se porterait vers la Seille et dans les directions de Juvelise-Réchicourt. Le 16e C. A., à sa droite, marcherait sur Dieuze et Rorbach.
L'armée Dubail, à l'ouest des Vosges, conjuguerait son mouvement vers le nord avec celui de l'armée Castelnau et, à sa gauche, le 8e C. A. marcherait sur Lorquin et Sarrebourg.
Entre les deux, les 2e, 10e et 6e D. C., réunies en un C. G., aux ordres du général Conneau, devraient agir en liaison avec les corps d'armée voisins, voler en Lorraine annexée et pousser offensivement vers la Sarre.
Le 17 août, dans l'après-midi, le corps de cavalerie montait à cheval par une pluie battante, se portait à gauche sur Moussey, au centre sur Igney, à droite vers Foulcrey, et de vive allure, lance haut et sabre au clair, franchissait la frontière à la nuit tombante.
Au centre du dispositif, la 10e D. C, dépassait Avricourt, traversait la forêt de Réchicourt et venait cantonner à Gondrexange. Le 15e dragons, à l'avant-garde, poussait à quelques kilomètres plus loin et bivouaquait près d'Hertzing.
Le lendemain, on marchait vers la Sarre. La 10e D. C. devait aller en direction de Haut-Clocher. Elle suivait la route de Sarrebourg sous le couvert de son même régiment d'avant-garde et arrivait à Bébing lorsqu'une reconnaissance d'officier faisait savoir que, dans son parcours au travers des bois en direction de Kerprich, elle avait été accueillie par des coups de fusil et avait eu trois chevaux tués ou blessés. La division continuait sa marche, prenait par les bois de Rintnig et, à 6 heures, débouchait sur le plateau de Langatte. Le régiment d'avant-garde poussait rapidement sur Haut-Clocher et, sous les premières salves de l'artillerie ennemie tirant des hauteurs de la cote 302, faisait attaquer le village; les cyclistes l'abordaient de front, deux pelotons à cheval le tournaient par la gauche.
Une vingtaine de uhlans, qui tenaient les lisières et avaient quelque peu tiraillé à cheval, s'échappaient au plus vite laissant deux blessés entre nos mains.
Un peu après, la division recevait l'ordre de se porter par Haut-Clocher vers la Sarre, en direction de Gosselming. Au moment où les régiments débouchaient de la crête au nord de Kerprich-aux-Bois, ils étaient pris sous le feu de la batterie tirant toujours des hauteurs au delà du ravin qui descend vers Dolving.
Le mouvement était contremandé.
A gauche, la 2e D. C. devenue la division Varin, était parvenue à Langatte. Sur un ordre du corps de cavalerie, cette division se mettait également en marche vers la Sarre; elle attaquait Rigoureusement et, sous le feu de son canon, la première ligne de défense de la Tuilerie, des cotes 302 et 293 nous était abandonnée.
La 6e D. C., à droite, poussait son régiment d'avant-garde jusque dans Sarrebourg.
Sur tout le front, le corps de cavalerie se heurtait à des organisations solides de l'infanterie allemande. Nos batteries dès lors prenaient leurs objectifs et un .combat assez violent d'artillerie s'engageait; il se prolongeait durant tout le cours de la journée et reprenait le lendemain, de concert avec les Rimailho du 8e C. A. en position au nord-est de Bébing. La 6e D. C., faisant place aux avant-gardes de notre infanterie, évacuait Sarrebourg et ralliait le corps de cavalerie.
Le 20 août, la première grande bataille de la guerre s'engageait. Les 20e, 15e et 16e C. A. de la IIe armée, toutes divisions en ligne, attaquaient furieusement le front Morhange-Beresdorff- Rorbach. Plus à l'est, la Ire armée, en des dispositions commandées par le danger que faisait courir à sa droite le mouvement de fortes colonnes ennemies venant de Saverne, poussait offensivement le 8e C. A. sur la Sarre, tout, en le faisant soutenir du côté menacé.
Dès la première heure, le corps de cavalerie s'était rassemblé en entier aux abords de Langatte. Les officiers étaient réunis et mis au courant de la situation :
«  Pendant la nuit du 19 au 20, le 8e C. A. attaquait partie sur Sarrebourg et au nord, partie sur le front Sarrahof-Dolving- Gosselming-Saint-Jean-de-Bassel. L'effort principal devait se porter sur Gosselming, en direction d'Oberstinzel, avec pour objectif de premier plan le pont sur la Sarre. La percée faite, la cavalerie devait s'élancer, courir sur les derrières de l'ennemi et se rabattre vers Saverne. » Suivaient les prescriptions de détail. L'ordre à la cavalerie se terminait ainsi : «  La manoeuvre pouvait avoir des résultats incalculables. Pour réussir, elle devait être menée à la houzarde. Il y aurait des pertes,... mais comme Nelson à Trafalgar, le général comptait que chacun ferait son devoir. »
Hélas ! le temps passait. En regardant par delà les étangs en direction du 16e C. A., on voyait la fumée d'éclatement des shrapnels, qui d'abord avait été en progressant vers le nord, refluer maintenant dans le sens opposé. Du côté de Gosselming et de Dolving le bruit de la fusillade, confusément entendu dans la matinée au travers du brouillard, s'éteignait peu à peu. Bientôt des groupes de notre infanterie s'en revenaient et la nouvelle se répandait que l'attaque du 8e C. A. sur Gosselming avait échoué.
Sur tout le front des Ire et Ils armées, les Allemands passaient à l'offensive. L'ordre général de la retraite était donné. Il était enjoint à la cavalerie d'avoir à déblayer le terrain et de regagner ses cantonnements.

Colonel MONSENERGUE.

Revue militaire 1920
Revue Militaire Générale. - Colonel Monsenergue. - L'action de la Cavalerie en Lorraine (Août-Septembre 1914). - La Couverture du 5 au 14 août 1914.

Revue militaire 1920
Revue Militaire Générale. Colonel Monsenergue. - L'action de la Cavalerie en Lorraine (Août-Septembre 1914).
CROQUIS N° 2

 

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