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Enquête agricole
1867


ARRONDISSEMENT DE LUNÉVILLE.
SÉANCE DU 21 NOVEMBRE 1866.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE BENOIST, DÉPUTÉ.
Le 21 novembre, à 9 heures du matin, la Commission chargée de l'Enquête agricole dans le département de la Meurthe, s'est réunie dans l'une des salles de l'hôtel de ville de Lunéville.
[...]
M. MANGENOT, vétérinaire à Blamont.
Les cultivateurs économes font encore leurs affaires, mais ils ont beaucoup de peine et de travail.
Il y a plus de bien-être et de luxe.
Les récoltes de 1863, 1864, 1865, n'ont pas été mauvaises.
Mais les cultivateurs se plaignaient de vendre moins cher et de ne pas couvrir les frais de culture et de récolte.
La main-d'oeuvre est plus chère.
Il est vrai que le bétail se vend mieux ; mais l'an dernier, vu la pénurie des fourrages, les cultivateurs ont été obligés de vendre du bétail à bas prix.
Il n'y a pas un plus grand nombre de cultivateurs dans le malaise depuis dix ans. Il y en a pourtant toujours un grand nombre qui sont pauvres.
On est mieux logé et nourri.
La situation actuelle est meilleure que l'ancienne, parce qu'il y a plus d'aisance.
La production du bétail a augmenté beaucoup depuis dix ans; on a amélioré les races.
Mais on use des jeunes chevaux comme s'ils étaient faits, c'est un tort ; et à l'âge de quatre ou cinq ans, les chevaux sont tarés pour avoir travaillé trop jeunes.
On cultive plus de prairies artificielles.
On trouve que les prestations sont une lourde charge, on désirerait qu'elles fussent mieux réparties.
Il faudrait aussi réprimer plus fortement l'empirisme qui fait beaucoup de tort à la culture. Ces guérisseurs font des remèdes secrets, ils ne doutent de rien quand on leur présente un animal malade et le plus souvent le font périr.
[...]
MM. CUNY, secrétaire de la mairie de Blamont;
  MAYER, huissier à Blamont.
M. CUNY. Le commerce des grains se fait maintenant à domicile ou sur échantillon; aussi il n'y a plus maintenant de marché de grains.
J'ai terminé mon commerce de grains, il y a trois ans. Le système nouveau de liberté est bon pour les personnes qui se trouvent sur les lignes de chemin de fer. Maintenant tous les marchés se font en gare.
M. MAYER. Je ne connais pas de fermes louées moins cher; au contraire, elles ont augmenté plutôt. Ce sont des fermiers débutants qui relouent plus cher, pourtant je n'ai jamais saisi aucun fermier. Toutefois ils sont rares ceux qui ont fait de bonnes affaires.
M. CUNY. Les fermiers, en général, manquent d'intelligence, ne font pas de prairies artificielles, de plantes sarclées.
La valeur des terres a augmenté.
La situation générale est quatre fois meilleure qu'il y a quinze ans, pour les manoeuvres comme pour les cultivateurs.
L'aisance a fait de grands progrès dans le canton. Il n'y a eu aucune souffrance depuis dix ans.
M. MAYER. Chez nous les choses vont bien. Depuis dix ans je n'ai jamais saisi un cultivateur. Dans le canton de Baccarat, au contraire, on fait un plus grand nombre de saisies, mais je ne sais pas si c'est chez les cultivateurs.
Les valeurs mobilières se répandent maintenant pas mal dans le canton, mais cela ne détourne pas des achats de terre.
La valeur de la terre a augmenté et ceux qui achètent payent comptant.
Les notaires ne prêtent plus d'argent. La situation hypothécaire est bien meilleure qu'il y a dix ans.
Dans une vente le cultivateur achète à crédit, payable au 11 novembre. Il paye toujours.
[...]

SÉANCE DU 22 NOVEMBRE 1866.

PRÉSIDENCE DE M. LE BARON DE BENOIST, DÉPUTÉ.
Le 22 novembre, à 9 heures du matin, la Commission chargée de l'Enquête agricole dans le département de la Meurthe s'est réunie dans l'une des salles de l'hôtel de ville de Lunéville.
[...]
M. COLSON, propriétaire à Blamont.
Je cultive 160 hectares de terre depuis vingt ans.
J'ai été notaire pendant treize ans ; je connais parfaitement le pays.
Lorsqu'on dit aux cultivateurs : Si le blé vous revient trop cher, faites autre chose; on donne un conseil impossible à suivre. Le manque de chemins d'exploitation empêche de faire des prairies artificielles. Il faudrait donner aux conseils municipaux le droit de créer des chemins et de faire payer la création et l'entretien par les propriétaires intéressés. Il vaudrait mieux donner au conseil général le droit de créer ces chemins et de forcer les propriétaires à contribuer à leur entretien. Si le conseil général est trop occupé, c'est le cas de faire vivre le conseil général d'agriculture institué par la loi de 1850; ce conseil, composé de véritables agriculteurs, aurait eu une grande mission : signaler et réformer tous les abus agricoles, et rendrait de grands services.
La vaine pâture empêche de produire sur une plus grande échelle des masses de fourrages qui permettraient de faire plus de bétail, plus d'engrais, et de développer la production du blé, qu'il faudra toujours produire.
Il faut donner au conseil général du département le droit de réglementer la vaine pâture et même de la supprimer.
La vaine pâture empêche la culture des prairies artificielles.
La production de la viande de boeuf et de vache pourrait remplacer avantageusement celle de la viande de mouton, qui resterait dans les grandes cultures.
La production du blé a été moins avantageuse depuis la liberté du commerce. Il ne peut en être ainsi ; si plusieurs personnes peuvent vendre la même marchandise, on l'aura à meilleur marché que si on ne la trouve que chez un seul marchand. Il n'y a pas besoin que le blé de Hongrie soit arrivé en France pour produire la baisse : il suffit qu'il puisse arriver.
Nous avons eu, il est vrai, autrefois des prix plus bas que dans les années dernières; mais si alors les blés étrangers avaient pu venir en France, les prix auraient été encore plus bas. Maintenant que les portes sont toujours ouvertes, le blé étranger pouvant toujours entrer, son influence s'exerce sur notre marché.
Je suis d'avis de mettre un droit protecteur de 2 francs par hectolitre, tant que le blé n'est pas au-dessus de 25 francs les 100 kilogrammes; ce droit représenterait les charges que supporte le blé français. Le principe de l'échelle mobile est charmant, l'application peut en être difficile ; aussi un droit fixe de 2 francs supprimerait ces difficultés.
M. LE PRÉSIDENT. Croyez-vous qu'une augmentation de 1 fr. 50 cent, par quintal sur la vente de votre blé vous tirerait de vos maux ?
R. Outre le blé, nous souffrons de bien d'autres côtés. Dans les campagnes, ceux qui s'enrichissent ne sont pas cultivateurs. Le cultivateur souffre beaucoup; il y a de la prospérité dans nos villages là où l'on touche des revenus, et où on ne supporte pas les dépenses de la culture. Les manoeuvres sont les seigneurs du village, ce sont les instruments de la culture qu'on paye très-cher ; ce ne sont pas là les cultivateurs.
Toute la culture, tous les cultivateurs, ceux qui font produire à la terre, sont malheureux.
Les fermages, depuis trente ans, ont peu changé; depuis six ans, il y a eu un peu de baisse.
Les terres aux environs des villages, des villes, se vendent bien. Les cultivateurs aux environs des villes prospèrent, parce qu'ils peuvent écouler avantageusement leurs produits.
Dans la campagne, on ne peut vendre qu'à des courtiers qui parcourent les fermes. Les courtiers qui viennent acheter le blé dans les fermes, le revendent avant d'avoir terminé l'achat. Au marché, on vendait au prix courant; maintenant on ignore les cours, les prix: c'est fâcheux.
On a supprimé la caisse de Poissy ; c'est un malheur. Maintenant on vend à des spéculateurs à meilleur marché; ceux-ci revendent aux bouchers à un prix plus élevé. Tout le bénéfice passe dans les mains de ces spéculateurs (de ces chevillards).
La caisse de Poissy fournissait des fonds aux bouchers pour acheter directement leurs animaux. Depuis la suppression de cette caisse, s'est établie cette compagnie qui, en s'interposant entre le producteur et le boucher, enlève à celui-ci le bénéfice qu'il réalisait autrefois. Il serait bon de rétablir cette caisse.
Il faudrait abaisser les droits sur les sucres et les alcools, pour favoriser l'établissement de sucreries et distilleries nouvelles. Il faudrait changer en impôt direct le droit sur les vins, délivrer ainsi de l'exercice, des droits de consommation; ne faire porter le droit sur le sel que sur celui qui est consommé pour l'alimentation; diminuer les droits de mutation ; favoriser la reconstitution des parcelles; imposer les livrets aux ouvriers agricoles, en y mentionnant les conditions de l'engagement.

M. CAYET, propriétaire à Blamont.
J'ai cultivé pendant trente ans ; j'ai loué mes terres, et je loue bien : de 15 à 20 francs le jour de 20 ares. On me paye très-bien. Dans un autre endroit, je ne loue que 30 francs l'hectare.
Les fermiers ont plus de facilités à payer, lorsque le blé est à bon marché. Si on avait eu trois années comme 1864, le blé serait maintenant à 15 francs et les terres se trouveraient hors de prix, parce que tout le monde aurait voulu en acheter.
La situation des manoeuvres et des petits cultivateurs n'a jamais été plus heureuse que dans ces dernières années. Aussi en entendant toutes les plaintes qu'on faisait sur leurs souffrances, je ne me contentais pas de rire dans ma barbe, je riais tout haut.
Il n'y a que la main-d'oeuvre qui est chère ; il faudrait aussi moins de tracas de la part des gardes champêtres, des gardes-pêche et des gardes-chasse. La loi sur la chasse est draconienne; on devrait ne donner que des amendes moins fortes. Les sangliers nous retournent nos champs, nous ne pouvons les affûter. Il faudrait donner plus de droits aux louvetiers; les formalités à remplir pour faire une battue font qu'elle arrive lorsqu'elle ne peut plus avoir de résultat.
Il faudrait prévenir le dommage plutôt que de le réprimer; il faut autant que possible éviter les chicanes dans les villages, et vivre en famille en se supportant les uns les autres.
J'ai été condamné à 63 francs d'amende, en vertu d'une loi de 1663, pour avoir laissé une brindille sur le bord d'une rivière qui avait été déclarée flottable, quoiqu'on n'y flotte plus.
Il y a trop de zèle chez les employés secondaires.
L'arrêté sur l'echardonnage est mal exécuté.
Le détournement des eaux pour les irrigations est trop coûteux. Il y a un droit de 134 fr. 35 cent, que l'on est obligé de payer, et on n'arrive qu'après beaucoup de temps à obtenir la permission que l'on demande.
Il faudrait diminuer le droit sur l'échange des parcelles contiguës et sur les achats de parcelles voisines.
Il faudrait augmenter la compétence des juges de paix, simplifier les procédures en matière de licitation, etc., de manière à supprimer le plus possible les avoués, qui sont la plaie de la société ; prendre les juges de paix dans le canton ; réviser le cadastre, faire une nouvelle évaluation de la valeur imposable ; diminuer les frais de procédure en général ; ne plus défricher les forêts, n'en plus vendre non plus.
[...]

SÉANCE DU 23 NOVEMBRE 1866.

PRÉSIDENCE M. LE BARON DE BENOIST, DÉPUTÉ.
Le 23 novembre, à 9 heures du matin, la Commission chargée de l'Enquête agricole dans le département de la Meurthe s'est réunie dans l'une des salles de l'hôtel de la préfecture.
[...]
M. MATHIS, de Grandseille, canton de Blamont.
Je fais valoir par moi-même depuis très-longtemps.
Le manque de bras augmente beaucoup le prix de revient. On manque aussi d'engrais, et à la suite de plusieurs années mauvaises, j'ai été obligé de laisser inculte une partie de ma ferme.
Le manque de bras a augmenté depuis l'établissement des chemins de fer.
Je suis entouré de villages peu nombreux, quelques ouvriers les ont quittés pour la ville.
L'impôt frappe maintenant davantage les mauvaises terres qu'autrefois. On loue facilement les bonnes; celles qui ne produisent pas 10 hectolitres payent 25 p. % de leur valeur. Il est plus avantageux de les laisser incultes ; il est très-difficile d'en tirer parti.
Il serait donc nécessaire de faire une nouvelle évaluation de la matière imposable et de réviser le cadastre.
J'ai laissé 60 à 70 hectares incultes, on y met les moutons lorsqu'il y vient quelque chose. Je crois que ces terres viennent d'un défrichement très-ancien de trois cents ans au moins. Ce sont des terres argilo-siliceuses.
Si les céréales pouvaient se maintenir au taux de 25 francs les 100 kilogrammes, ce serait bon.
Dans les bonnes terres, l'hectolitre revient à 14 francs; dans les mauvaises terres, il revient à 18 francs.
J'ai 180 hectares, j'en abandonne moitié. J'ai 36 à 40 bêtes à cornes et 200 moutons. La laine se vend un peu plus cher depuis quelques années; nous vendons 2 francs le kilogramme.
Le Gouvernement devrait chercher à empêcher l'émigration; on fait tout pour les villes et rien pour les campagnes.
Les trains de plaisir sont trop nombreux, leur influence est nuisible.
Les défrichements sont très-mauvais. Les premières récoltes et la superficie font gagner dans les premiers temps; puis on abandonne le terrain.
Il faudrait obliger les domestiques à avoir des livrets. Les domestiques sont devenus plus exigeants, ont plus de tendance à la débauche. On les remplace difficilement. La multiplicité des cabarets provoque les dérangements des domestiques.
Je connais une ferme qui était louée 20 francs l'hectare il y a quinze ans; elle est louée 13 francs maintenant. Ce sont des terres froides, dont une bonne partie est abandonnée depuis dix ans. Il y a, dans la partie que j'habite, beaucoup d'inégalités dans la qualité du sol.
Il serait bon de faire plus de chemins d'exploitation pour sortir de l'assolement triennal.
Pour les assurances contre la grêle, le Gouvernement devrait s'en charger, il faut étudier le meilleur système. On pourrait y arriver par une remise d'impôt à ceux qui sont grêlés ou en accordant des modérations plus considérables.
L'assurance serait moins forte si on la payait au Gouvernement plutôt qu'à une compagnie.
Une chose très-fàcheuse aussi pour les propriétaires de prés situés sur les grands ruisseaux, c'est la manière d'agir de MM. les ingénieurs hydrauliques, qui entraînent souvent les commissions syndicales, peu au courant de la législation, à des curages et redressements de ruisseaux défavorables aux prairies en les dépréciant d'une manière anomale, et en occasionnant des frais énormes. Je puis citer un fait qui s'est passé, il y a peu, dans l'arrondissement de Lunéville pour le curage de l'Euron, canton de Bayon : on a dépensé sur quatre communes environ 44,000 francs. Pour un pré loué 54 francs, il a fallu payer, pour curage et redressement du ruisseau, 407 francs, c'est-à-dire le revenu de huit ans. Quand il est question d'un élargissement de ruisseau, il faudrait que les intéressés fussent prévenus à domicile, pour qu'au moins ils pussent donner leur avis sur l'opportunité et la manière de faire le travail.

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