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                       Harbouey - La dime 
						de Money - 1723-1726 
						 
						   
                      
						Recueil d'autorités et de réflexions sommaires sur les 
						faux et vrais principes de la jurisprudence en matières 
						de dimes  
						M. Gabriel 
						Ed. Bouillon 1784 
						[...] XIX. Quoique 
						j'aie cité l'arrêt d'Harbouey, comme je n'en ai dit que 
						deux mots, il ne sera pas inutile d'en expliquer plus au 
						long l'espece. L'abbaye de Domevre posséde une cense 
						appellée Money, enclavée dans le ban d'Harbouey, mais 
						qu'on prétendoit avoir son ban & territoire particulier. 
						L'existence de ce ban particulier n'étoit pas avouée, 
						mais elle n'étoit pas non plus contestée ; & il n'étoit 
						pas question des terres dont on prétendoit qu'il étoit 
						composé. Mais outre ces terres, il y en avoit d'autres 
						dépendantes de la cense à Money, éparses dans le ban d'Harbouey, 
						& reconnues pour en dépendre, dont Pierre Charpentier, 
						fermier de l'abbaye de Domevre, enleva les gerbes en 
						1723, sans rien laisser pour la dime. 
						Elle appartenoit à Harbouey pour un tiers au curé, qui 
						est toujours un chanoine régulier, nommé par l'abbé de 
						Domevre. Les deux autres tiers appartenoient au marquis 
						de Bissy & au comte de Pindray. En conséquence du 
						rapport dressé par les Pauliers contre Charpentier, le 
						28 Juillet, ces deux seigneurs formerent contre lui, le 
						5 Août, demande au bailliage de Vic, tendante à ce qu'il 
						fut condamné de leur payer la dime des fruits décimables 
						par lui perçus sur le ban d'Harbouey. Le 21 du même 
						mois, les abbé, prieur, & chanoines réguliers de Domevre, 
						prirent son fait & cause, & soutinrent que toutes les 
						terres dépendantes de leur métairie franche de Money 
						êtoient exemptes de dimes. Le bailliage de Vic, fans 
						égard à leur intervention, fit droit sur la demande 
						principale, par sentence du 22 Juillet 1774. Ils en 
						porterent l'appel au parlement, & dirent pour griefs que 
						la dime de leur cense de Money leur appartenoit, & que 
						quand elle ne leur auroit pas appartenu, ils l'auroient 
						prescrite par tems immémorial. Le marquis de Bissy & le 
						Sr. de Pindray répondoient qu'il ne s'agissoit pas de 
						leur cense de Money, ni de son prétendu ban, dont on 
						vouloit bien, quant à présent, supposer l'existence, & 
						dont on se réservoit de leur contester la dime, si on le 
						jugeoit à propos : que quant à présent, il n'étoit 
						question que des terres qu'ils avouoient eux-mêmes être 
						répandues dans le ban d'Harbouey : que dans ce ban ils 
						n'avoient aucune part à la dime, dont un tiers 
						appartenoit au curé, & les deux autres étoient inféodés 
						: que tous les auteurs distinguoient le droit de lever 
						la dime, qu'ils appelloient droit actif, & que les 
						ecclésiastiques & tous autres, ayant la capacité de 
						posséder les dimes, pouvoient acquérir par prescription 
						du droit, de ne point payer de dime, ou d'en être 
						exempt, qu'on nomme droit passif, & que les 
						ecclésiastiques ne peuvent pas plus prescrire que les 
						laïcs : que les appellans ne pouvoient alléguer aucun 
						droit sur le ban d'Harbouey, puisqu'ils convenoient 
						qu'ils n'y étoient pas décimateurs ; que tout se 
						réduisoit par conséquent à savoir s'ils avoient pû 
						acquérir par prescription le droit passif, ou 
						l'exemption de la dime sur leurs terres situées dans ce 
						ban : qu'eux-mêmes, dans leur requête originaire, 
						n'avoient réclamé d'autre droit que cette exemption : 
						qu'elle ne pouvoit se prouver que par un titre formel, 
						suivant le chap. A nobis X. de decimis, qui porte: 
						Quilibet decimas solvere teneatur, nisi à prestatione 
						ipsarum specialiter sit exemptus. D'où Grimaudet, des 
						dimes, liv. 3, ch. 1, a tiré cette regle générale, que 
						tous empereurs, rois, princes, ecclésiastiques & laïcs, 
						riches & pauvres, sont sujets à payer les dimes, sinon 
						que, par privilege, ils soient exemptés. Cette maxime 
						est de tous les auteurs. Van-Espen, après avoir rapporté 
						les textes du droit canon, en conclut : Terras à 
						monachis possessas, nullatenus à decimis eximi, nisi 
						speciale exemptionis privilegium ostendant, part. 2, tit. 
						33, cap. 7, n. 10. Recepta sententia est, nec 
						consuetudine, nec consensu, nec prescriptione acquiri 
						posse exemptionem, etiam si totis mille annis nihil 
						esset solutum. D'Argentré, sur la cout. de Bretagne, 
						art. 266, cap. 22, n. 9. Les clercs doivent payer la 
						dime comme les séculiers; personne ne peut alléguer de 
						prescription ou de possession de ne la point payer: il 
						ne faut excepter de cette regle générale que les 
						ecclésistiques & les communautés régulieres, qui ont un 
						titre légitime d'exemption. Loix ecclés. part. 4, ch. I, 
						art. 11. A quoi ils ajoutoient deux arrêts du grand 
						conseil : l'un du 31 Août 1660, rapporté au 2e. tom. de 
						l'ancienne édition du journ. des audiences, par lequel 
						l'abbé & les religieux de St. Pierre de Châlons ont été 
						condamnés de payer la dime des héritages par eux 
						possédés, en la paroisse de Savigny, nonobstant un 
						terrier de 1633, où il étoit dit que ces héritages 
						étoient exempts de dime de toute ancienneté, & la 
						possession centenaire de cette exemption. L'autre du 4 
						Août 1664, rendu en faveur de la dame veuve du Sr. de 
						Chevoire, par lequel les religieuses de N. D. d'Orsan, 
						ordre de Fontevrault, l'un de ceux qui font exempts de 
						dime, furent condamnéés de payer la dime inféodée des 
						héritages qu'elles possédoient au lieu de la Jariole, 
						dimes qu'elles n'avoient jamais payées, & qu'elles s'étoient 
						réservées par des baux successifs, & étoient en 
						possession de percevoir sur leurs fermiers. Cet arrêt 
						est rapporté par Duperray, des dimes, liv. 2, ch. 17, 
						qui dit qu'il a jugé trois grandes questions. La 
						premiere, que le privilege des papes, qui accorde aux 
						religieux l'exemption de la dime, n'a pas lieu lorsque 
						les dimes sont inféodées. La seconde, que l'exemption 
						des dimes inféodées ne se peut acquérir par 
						prescription, non plus que celle des dimes 
						ecclésiastiques. Nullus sive clericus, sive laïcus sit, 
						prescribere libertatem nullas solvendi decimas potest, 
						etiam si viveret per mille annos; soit que les dimes 
						soient ecclésiastiques, ou inféodées. La troisieme, que 
						les religieux qui jouissent de l'exemption, ne peuvent 
						pas la convertir en perception, ni se réserver la dime 
						par leurs baux. Tels étoient les moyens que les intimés 
						proposoient par leurs réponses à grief, du 19 Juillet 
						1725. 
						Par une requête d'emploi, du 4 Septembre suivant, les 
						appellans repliquerent: Je copierai leurs termes, que 
						d'Héricourt & Duperray font deux auteurs modernes, que 
						les deux arrêts du grand conseil, dont les intimés se 
						prévalent, ont entraîné, contre tout ce qui est établi 
						par les autres, & par les arrêts du parlement de Paris, 
						qui ne s'accorde pas toujours avec le grand conseil, ce 
						dernier tribunal se faisant une espece de principe 
						d'adopter & d'établir des regles toutes differentes de 
						celles qui sont suivies dans les cours... Les autorités 
						qui établissent que la prescription a lieu en matiere de 
						dime, ne se bornent pas au droit actif, mais s'étendent 
						également au droit passif... C'est ce qui est bien 
						déterminé par Henrys, tom, I, liv. I, ch. 3, quest. 25, 
						qui dit qu'un ecclésiastique peut prescrire contre 
						l'autre, non-seulement le droit de dime, mais encore la 
						franchise de n'en point payer de ses héritages; & qu'un 
						chapitre ayant un domaine dans la dimerie d'un autre, 
						sans avoir payé la dime, il est certain que cette 
						possession lui en acquiert l'exemption, suivant 
						plusieurs arrêts rendus au parlement de Paris, dont un, 
						entr'autres, a été rendu en faveur des religieux de St. 
						Antoine, contre le prieur de Reudan & autres... Fevret, 
						dans son traité de l'abus., au n. 5 du ch. I du liv. 6, 
						dit que les personnes laïques étoient incapables & ne 
						pouvoient alléguer la prescription des dimes, ni qu'ils 
						en fussent exempts, pour ne les avoir payé, même par 
						tems immémorial. Mais c'est autre chose, quant à l'eglise; 
						d'autant que l'incapacité, qui en en la personne du 
						laïc, ne se rencontre pas en celle de l'ecclésiastique, 
						QVAE CAPAX EST POSSESSIONIS AC PRESCRIPTIONIS DECIMARVM. 
						Les appellans ajoutoient que suivant d'Héricourt, il 
						falloit excepter la regle générale que les dimes sont 
						imprescriptibles, quant au droit passif de n'en point 
						payer, les communautés régulieres qui ont un titre 
						légitime d'exemption, & qu'ils en avoient deux : la 
						donation qui leur a été faite 1185, des deux tiers de la 
						dîme de Money, par celui qui possédoit alors les dimes 
						inféodées; & leurs qualités de Curés primitifs de la 
						paroisse d'Harbouey. Mais il est évident que d'Héricourt 
						n'entend parler que des ordres qui ont obtenu des papes 
						le privilege de ne pas payer la dime de leurs héritages, 
						& les appellans avouoient n'être pas du nombre : & leur 
						titre de 1185 étoit sans signature, sans sceaux, ni sans 
						aucune mention de sceaux, & sans aucun autre caractere 
						d'authenticité. Il ne parloit d'ailleurs que de la dime 
						de Money, dont il ne s'agissoit pas, & ne faisoit pas 
						mention des terres du ban d'Harbouey, dont il étoit 
						question. 
						La qualité de curé primitif étoit justifiée par le 
						Poulié du diocese de Toul, & l'abbé de Domevre étoit en 
						possession de nommer en tout tems, à la cure ; mais pour 
						qu'elle pût être de quelque considération, il auroit 
						fallu que les terres en question appartinssent aux 
						appellans, en cette qualité de curés primitifs. Cela ne 
						paroissoit, en façon quelconque ; rien n'annonçoit que 
						ni la cense de Money en général, ni les terres en 
						dépendantes sur le ban d'Harbouey en particulier, 
						fussent un domaine de la cure : le tout paroissoit, au 
						contraire, une très-ancienne propriété de l'abbaye. 
						Ainsi, quoique la qualité de curé primitif ait peut-être 
						influé sur l'arrêt du 26 Septembre 1725, par lequel la 
						cour admit les appellans à faire preuve qu'ils étoient 
						en possession immémoriale de ne point payer la dime des 
						héritages en question, il semble avoir jugé dans la 
						these générale que ceux qui ont qualité pour posséder 
						des dimes, peuvent en prescrire l'exemption. Il est à 
						remarquer que cet arrêt a chargé les appellans de 
						prouver la possession immémoriale. Ainsi la cour a pensé 
						que le tems ordinaire de la prescription, qui contre 
						deux seigneurs laïcs eût été borné à 20 ans dans la 
						coutume de l'évêché, n'étoit pas suffisant. La preuve 
						faite, il est intervenu arrêt définitif, qui a infirmé 
						la sentence, & a renvoyé les appellans, comme ayant pris 
						le fait & cause de leur fermier, de la demande contre 
						lui formée. II est du 14 Juillet 1726.  |