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Les vieux Châteaux de la Vesouze

Emile AMBROISE
Le Pays Lorrain - 1909

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Chapitre XVII

L'étude d'Emile AMBROISE a été publiée par "Le Pays Lorrain", répartie en 15 parties, sur les années 1908 et 1909. Si les dix-huit chapitres du texte ne concernent pas uniquement Blâmont, nous avons cependant choisi d'en reprendre ici l'intégralité. 

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CHAPITRE XVII

LE TEMPOREL DE METZ - BACCARAT - LES CONTREMANDS
LE BAN DE LA RIVIERE - OGEVILLER

La châtellenie de Baccarat consiste en douze «  tant bourgs que villages », au nombre desquels Vacqueville, Montigny, Brouville et Brouvelotte, Reherrey, Vaxainville, Merviller et Neufmaisons, sont dans la vallée de la Vesouze. «  Monseigneur est prince régalien, sous sa majesté impériale, haut justicier... et à lui, en cette qualité, appartiennent la création et destitution de tous officiers et ministres de justice, ensemble tous les fruits, profits, revenus et émoluments... à la réserve seulement de ce qui est attribué aux seigneurs voués. » (1).
Tel est le protocole traditionnel qui se lisait aux plaids-annaux, affirmant à côté des droits régaliens des évêques de Metz, la suprématie, historique de l'Empire Germanique, en plein pays lorrain.
Mais sous cette fière apparence des textes officiels, on ne trouve, si l'on recherche qu'elle était dès le XIIIe siècle la vraie situation de cette châtellenie de Baccarat, que confusion et contradiction, résultat d'un étonnant mélange de territoires et de souverainetés.
L'évêque de Metz, propriétaire et seigneur de Baccarat depuis les temps carlovingiens, s'était vu dans l'impossibilité de défendre seul ce lointain domaine. Il avait donc cédé à la nécessité des temps en le confiant à un seigneur voué.
Tout naturellement il avait choisi le plus puissant de ses voisins, c'était le sire de Blâmont.
Celui-ci s'était comporté comme tous les. voues. Il avait exigé, sous prétexte de protection, des droits étendus dans le domaine confié à sa garde.
C'est ainsi· que les seigneurs de Blâmont, voués de l'Evêchè, s'étaient installés à Deneuvre, ce vieux poste romain, établi au débouché, dans la vallée de la Meurthe, de la voie de Langres à l'Alsace par le Donon. - L'antique tour du Bacha avait·été restaurée, et la bourgade ceinte de murailles, était devenue une solide forteresse, d'où les seigneurs voués, rayonnant dans le pays sous prétexte de protection, s'étaient taillés une opulente seigneurie, entre Meurthe et Mortagne, avec Magnières comme poste avancé, serrant de près le château que l'évêque avait à Moyen.
La. ville de Deneuvre devait suivre le sort de Blâmont, c'est-à-dire qu'elle était destinée a devenir lorraine à la mort du dernier comte, Olry, évêque de Toul.
Cette cession, lorsqu'elle se réalisa en 1506, eut les plus curieux résultats, en ce sens que, héritiers des comtes de Blâmont, les ducs de Lorraine, étaient devenus les propres vassaux de leur éternel ennemi, l'évêque de Metz, en même temps que les seigneurs voués de sa châtellenie de Baccarat.
En réalité, soit en face des comtes de Blâmont, retranchés dans leurs châteaux de Deneuvre et de Magnières, soit en face des puissants. ducs de Lorraine, les êvêques de Metz n'étaient plus guère que des souverains nominaux dans les villages de leur châtellenie, d'autant plus que les abbayes, celle de Senones surtout, y exerçaient par le patronage de presque toutes les cures, une influence égale à la leur.
Ces autorités toujours présentes et agissantes à côté de l'évêque éloigné et impuissant, étaient donc les véritables maîtresses de la contrée; et c' est à elles que les populations avaient recours.
Ainsi depuis le XIVe siècle (1317) les habitants de Vacqueville, Brouville, Brouvelotte, Merviller, Reherrey et Hadomeix, avaient acheté la protection et sauvegarde du comte de Blâmont moyennant une redevance de dix tournois par feu (2).
Une autre institution féodale, l'usage si curieux du contremand, avait encore puissamment contribué à mélanger, au sein même de chaque village, les autorités et les souverainetés. Se contremander ou tourner la thuile sont des expressions équivalentes. Voici par quelles cérémonies bizarres et compliquées, les sujets de l'Évêché pouvaient parvenir à se soustraire à la juridiction épiscopale pour passer sous l'autorité des seigneurs, voués (3).
Lorsqu'un sujet de l'évêque doit se contremander, il est nécessaire, en premier lieu, qu'il aille trouver le doyen et lui donne d'abord, un gros «  pour son droit ». Ensuite il faut qu'il éteigne le feu par toute sa maison, qu'il détache et renverse par terre tout ce qui n'est pas cloué, et qu'ayant lâché son bétail au dedans de la maison, il la tienne depuis le lever jusqu'au coucher du soleil ouverte de toutes parts; le bétail libre et hors de tous liens, sans qu'il soit loisible au maître, ni à la maîtresse de rentrer chez eux jusqu'au lendemain.
Pendant ce temps, le doyen visite la maison aux fins de reconnaître s'il y a eu quelque négligence ou omission dans l'accomplissement, de toutes ces solennités ; et s'il en trouve, le contremand est déclaré mal fait, le sujet maladroit «  mulcté » d'une amende arbitraire, et le bien confisqué.
Si le sujet a réussi à échapper aux embûches de cette procédure insidieuse, le doyen le reconduit dans sa maison «  y fait feu et fumée» et le reconnaît comme sujet de son nouveau seigneur.
Au contraire, un sujet du comte de Blâmont passe à l'évêque avec la plus grande, facilité. «  Il n'est nécessaire qu'il observe aucune desdites formalités ou cérémonies » ; il lui suffit de signaler sa volonté au prévôt et de payer un gros.
Cet usage si bizarre n'est pas spécial à la châtellenie de Baccarat ; on le retrouve ailleurs, notamment dans une des possessions de l'abbaye de Saint-Sauveur, à Burthecourt-aux-Chênes, petit village du canton de Saint-Nicolas: «  Si l'abbé de Flavigny fait tort aux gens de Burthecourt, ils peuvent tourner la thuile. » Il leur suffit de «  venir devant le maire et de lui dire : Je fais contremand contre Monseigneur, et tourne la thuile, puis de s'en aller hors de la seigneurie de l'abbé », sans quoi s'ils y sont trouvés après le coucher du soleil, tous leurs biens et corps sont à la volonté dudit seigneur (4).
La complication des formalités du contremand, quand il s'agissait de quitter la seigneurie de l'évêque, opposée à la simplicité des moyens propres à s'y soumettre, parait bien révéler que les populations avaient une tendance à se désaffectionner d'un maître qu'elles ne voyaient jamais. Aussi, à plusieurs reprises, les évêques, notamment Henry Dauphin en 1322, s'efforcèrent-ils de supprimer cet entrecour, en «  obligeant les hommes et femmes de corps à retourner chacun dans les villages dont ils étalent sortis, pour y garder la foi qu'ils devaient à leur seigneur ».
Mais il ne semble pas que ces mesures aient prévalu contre l'usage, puisque, lors de la réunion du comté de Blâmont au duché de Lorraine, on voit que, dans les villages de Brouville, Reherrey et Merviller, et par l'effet, des contremands qui s'y pratiquaient, le duc a des sujets qui ressortissent à sa prévôté de Deneuvre, échappant ainsi aux tailles et contributions qui frappaient, dans ces mêmes villages, les habitants demeurés sous la dépendance du châtelain de Baccarat.
C'était donc une confusion générale de droits et de juridictions, au milieu de lesquelles les droits historiques de l'évêque, en dépit des formules séculaires, s'effaçaient de jour en jour devant la puissance effective et l'activité des prévôts lorrains. Peut-être ne faut-il pas chercher ailleurs la raison pour laquelle les habitants de Baccarat et des villages voisins ont tant de peine à comprendre qu'ils n'ont jamais été sujets lorrains.

LES PLAIDS-ANNAUX

Les plaids-annaux se tiennent à Baccarat.
Ils débutent «  le mardi après les grands rois » par ceux du ban de Vacqueville (5). A la réquisition du capitaine, tous les sujets sont tenus de se réunir au château «  à cause qu' en icelui ils réfugient leurs biens pour y être gardés et conservés ». Là tous les officiers et ministres de la justice se démettent entre les mains du châtelain, des fonctions qu'ils ont exercées l'année précédente. Les «  vieux jurés » c'est-à-dire les jurés sortants dressent une liste de ceux qu'ils jugent «  les plus propres et les plus capables » à remplir ces diverses fonctions, ainsi que «  six hommes » propres à être eux-mêmes jurés. - Le vendredi suivant, qui est le jour où s'ouvrent les plaids-annaux du bourg de Baccarat. le châtelain choisit et désigne, sur la liste ainsi dressée, les divers fonctionnaires et deux jurés qui auront à remplir, l'année suivante, les mêmes fonctions, et pour cela, seront affranchis de leurs rentes annuelles.
Ainsi sont nommés l'échevin, trois forestiers, deux «  bannaux-bangards » le doyen de Vacqueville, celui de Brouville, appelé aussi Sajus, le grand doyen, dont les fonctions consistent à faire rentrer les rentes en grain et les amendes de justice.
Quelques-unes de ces fonctions sont gratuites, d'autres lucratives, d'autres obligent à certaines redevances. - De ce nombre, est l'office de maire, qui primitivement, était dévolu comme les autres sur l'avis des jurés; mais le châtelain avait fini par s'arroger la prérogative d'y pourvoir seul, et l'élu devait payer 470 francs, plus 300 francs pour les vins. Il fallait donc être riche pour remplir cet emploi dont les profits d'ailleurs n'étaient point a dédaigner car «  ledit maire


La Tour des Voués à Baccarat.

demeure franc de toutes rentes et aides ordinaires, a droit à autant de chaufours que bon lui semble, lève deux resaux blé froment et deux resaux d'avoine, prend une charrée de foin au breuil des seigneurs et autres menus droits ».
La situation des sujets de l'Évêché, au point de vue des charges fiscales, apparaît comme assez lourde, et par conséquent explique l'usage si répandu du contremande.
Tous laboureurs demeurant et domiciliés dans la châtellenie, et y faisant charrue entière doivent douze quarterons de blé (6) ou seigle. et autant d'avoine, et en outre pour chaque resal deux gros d'argent (7), à raison de chaque quarteron un blanc. Chaque conduit paie en outre trois poules le jour de la Saint-Martin ; ceux qui sont devenus veufs avant la Saint-Laurent n'en paient qu'une.
La justice est rendue à Baccarat le jour des plaids-annaux, par les divers fonctionnaires assemblés, en présence du châtelain et d'un prévôt qui représente les seigneurs voués ; les causes «  y sont vuidées promptement », après quoi Monseigneur offre à dîner à tous le corps de justice, châtelain, maire, clerc-juré et doyen de chaque village.
Mais en réalité plusieurs de ces villages échappaient presque totalement à l'autorité des évêques de Metz. Senones a le patronage et les dames de Montigny et y possède en outre un alleu, qui comprend le moulin avec les terres cultes et incultes qui en dépendaient.(8), et dans ce même village il y a des seigneurs particuliers dont les terres figurent dans l'énumération des fiefs de Blâmont (9). La cure de Merviller, appartient à Haute-Seille ; celle de Vacqueville à Senones avec une seigneurie dont la constitution remontant au Xe siècle, englobe neuf familles de, serfs. - Le domaine de l'évêque dans ce village, qui porte pourtant
son nom (Episcopi-villa) se réduit à un grand breuil qui se cultive par corvée. Les habitants étaient tenus d'en entretenir les clôtures sous la responsabilité d'un, officier spécial qui payait pour cette onéreuse fonction deux resaux d'avoine et deux chapons, maïs était exempt des autres rentes. «  Le breuil se coupe et fane par les habitants du doyenné de Brouville, et se charroye par ceux de Vacqueville jusqu'à Baccarat, en donnant à chacun des faucheurs une miche de pain, pesant une livre 1/2, aux faneurs deux miches » (10).
Tout auprès de Brouville, se trouvait le château ou plutôt la maison-forte de Brouvelotte ou Brouillotte, poste important que les sires de Blâmont n'ont eu garde de négliger et qu'ils se sont attaché par des alliances de famille.
On trouve mêlés à tous les événements locaux, des seigneurs Liétard et Bernard de Brouville (11).
A Mignéville la prépondérance de Blâmont s'affirme plus encore. Les sujets doivent venir en armes au château de Blâmont, et l'évêque n'y conserve que des droits nominaux ainsi qu'à Buriville (12).
Cette châtellenie de Baccarat nous retrace ainsi le tableau des empiétements


LES TOURS d'OGÉVILLER

successifs des seigneurs voués, sur les terres d'Eglise, et de la confusion que leur ingérence y avait créée.
La région voisine va nous fournir un exemple très curieux et, croyons-nous, peu connu de l'extrême complication qui régnait sur les frontières indécises des petits états féodaux fondés au hasard des coups d'épée, des alliances ou des combinaisons de l'intérêt

LE BAN DE LA RIVIËRE

L'extrémité de la forêt de Mondon, au nord-est, porte le nom de bois du ban de la rivière (13).
La rivière dont il s'agit est la Verdurette, et le ban, un territoire dont la destinée, au moyen âge, a été d'être toujours indivis entre seigneurs d'origines diverses, au point qu'on ne savait plus au juste à quelle nationalité on devait le rattacher.
Le ban de la rivière avait comme centre l'important village d'Hablainville, chef-lieu d'une immense paroisse englobant Reclonville, Petonville, Vaxainville et Buriville, et d'une seigneurie qui s'étendait aussi sur Petonville, et au-delà de la Vesouze sur Saint-Martin.
La paroisse, avec ses dîmes, faisait partie, comme tout le pays environnant, du domaine primitif de l'abbaye de Senones. Le village de Petonville est cité dans l'un des plus anciens documents relatifs à cette abbaye, un diplôme du roi Chilpéric (661), et l'on a remarqué que dans cet acte qui fixe les limites du domaine monastique, c'est le seul village qui soit nommé «  tout le reste ne sont que des fontaines, des ruisseaux, des montagnes, des chaumes, des chemins ».
La seigneurie appartenait indivisément aux évêques de Metz et aux seigneurs de Salm, et outre le curé, qui habitait Hablainville, un vicaire résident a Reclonville desservait cette église et celle de Vaxainville.
Mais à une époque inconnue, au lieu d'Ogéviller, situé au débouché de la rivière dans la vallée de la Vesouze et sur le territoire de Reclonville, les seigneurs de Blâmont élevèrent un château-fort, dans lequel ils établirent un de leurs vassaux fidèles, François d'Herbéviller chevalier, qui fit souche et se tailla un domaine aux dépens des autres seigneurs du lieu (14).
Ce nouveau venu fit si bien qu'il devint seigneur foncier pour un tiers dans le village même de Hablainville, déjà indivis entre Metz et les comtes de Salm ; puis il s'étendit aux alentours, et obligea les populations voisines à monter la garde dans son château ; Petonville et· Saint:Martin durent fournir un corps d'arquebusiers (15). Chaque conduit de Hablainville dut fournir un homme pour raire le guet, ou payer un droit de garde ou watherie, qui variait de un à deux gros. Les femmes payaient trois poules, même si elles étaient veuves.
Ces redevances étaient légitimes; le château protégeait le pays et servait de refuge. Mais les anciens seigneurs n'ayant rien abdiqué de leurs droits, elles constituaient une aggravation des charges déjà établies, et une complication ajoutée aux autres
A Vaxainville c'est l'évêque de Metz, par son châtelain de Baccarat, qui fait le maire. Celui-ci, à son tour, élit un échevin et un doyen, lequel recueille les redevances qui sont de dix gros par conduit et dix gros par charrue, l'un plus, l'autre moins, selon la portée de leurs moyens (16). Au contraire, à Saint-Martin, le maire est nommé par les officiers de Blâmont et ceux d'Ogéviller, et ses fonctions se continuent pendant trois ans, contrairement à l'usage général. Il y a deux échevins dont le premier est exempt de moitié des rentes, et le second «  n'a nulle franchise ». Mais cette municipalité, à laquelle se joint le doyen, constitue (particularité remarquable) un corps de justice autonome qui, après avoir prêté serment, statue sur les causes ordinaires (17); tandis que dans tout le comté de Blâmont, le prévôt seul avait des pouvoirs judiciaires.
De même à Ogéviller les privilèges de justice restent partagés entre l'évêque et les comtes de Salm. Il en résulte deux seigneuries qui, plus tard, se subdivisent pour en former quatre, et comme conséquence, les tailles et redevances se cumulent; six livres à chacun des quatre seigneurs, un resal et demi de blé et autant d'avoine à chacun d'eux ; trois poules par conduit, deux journées de corvée à la fenaison, autant à la moisson, et des charrois pour conduire au château trois voitures de bois (18).
Il reste de ce château d'Ogéviller deux tours debout au fond de la vallée. On peut y pénétrer et, par la brèche, voir au rez-de-chaussée de l'une d'elles, une sorte de cellier voûté, au premier une salle également voûtée, éclairée par d'étroites fenêtres percées dans un mur de deux mètres. La cheminée, une pierre d'évier, l'emplacement de l'escalier qui donnait accès aux étages supérieurs sont encore parfaitement visibles. On n'accédait à cette salle que par les galeries, aujourd'hui démolies; qui reliaient les tours entre elles.
La tradition dit, qu'il y en avait sept.
De ce donjon redoutable, le seigneur d'Ogéviller, sans trop de souci du droit de ses voisins, avait étendu sa puissance autour de lui; d'abord à Manonviller sur le moulin et une partie du. village, puis sur Buriville (19), puis à Embermênil. (20).
A Manonviller (21), il superpose des droits nouveaux a ceux que les habitants paient déjà à leurs seigneurs primitifs, qui sont notamment les chanoines de Lunéville. Dans ce village, on paie déjà par chaque conduit douze deniers forts (faisant un gros et cinq deniers de Lorraine], six quarterons d'avoine et quatre poules, plus un sou par bête tirante, la vache six deniers, et enfin la rente annuelle de la Saint-Remy, à un taux arbitraire car elle «  se taxe suivant le rôle des laboureurs, plus ou moins fort ».
A ces impôts viennent s'ajouter au profit des seigneurs d'Ogéviller seuls (22) un droit qui est tel «  qu'une personne mourant et délaissant maison ou autre héritage censable auxdits seigneurs, les hoirs ou héritiers sont obligés de relever dans la quarantaine à peine de la réunion des dits héritages au domaine de la seigneurie, c'est-à-dire, de payer quatre pots de vin d'Allemagne et quatre de vin de pays, au prix qu'il se vend lors du relèvement ». Nous trouvons ici un exemple, de la transformation en une taxe frappant l'héritier et non l'héritage, de l'ancienne servitude de main-morte, et qui a bien le caractère d'un rappel de la servitude plutôt que d'un impôt, puisque ces huit pots de vin représentent moins de vingt litres (23). Il n'est pas moins curieux de constater que cet usage dura jusqu'aux derniers jours de l'ancien régime, et fut encore publié aux derniers plaids-annaux qui se tinrent le 6 octobre 1789 (24).
La seigneurerie d'Ogéviller entra dans le domaine des sires de Fénétrange, puis dans celui de Salm, par le mariage de Béatrix qui s'en trouva l'héritière à la fin du XVe siècle (25). Mais elle ne tarda pas à tomber dans l'indivision, et dés lors perdit toute importance en tant que forteresse. C'était le sort de Parroy et de tant d'autres châteaux qui furent voués à l'abandon et à la ruine, du jour où ils eurent plusieurs maîtres; aucun de ceux-ci n'ayant intérêt à entretenir un poste militaire au profit de parents qui pouvaient devenir des compétiteurs.
Il n'opposa aucune résistance aux soldats de Richelieu qui le fit raser en 1636, comme tous les châteaux de la région.
C'est dans la seigneurie du ban de la rivière plus qu'en toute autre contrée, que s'exerçait, en raison même de l'indivision qui y régnait, cet usage du contremand dont nous avons parlé. L'évëque de Metz a contremand à Hablainville contre les seigneurs de Badonviller (Salm) et ceux d'Ogéviller, qui y jouissent de la souveraineté indivisément et «  indifféremment sur tous les sujets » ; et ceux-ci ont les mêmes droits à Brouville, Reherrey et Merviller où c'est l'évêque qui est souverain (26).
En définitive, lorsque le morcellement féodal fit place aux états modernes, lorsque le comté de Blâmont fut devenu lorrain, que la France se fut annexé l'évêché de Metz et son temporel, alors que le comté. de Salm aux mains des Rhingraves conservait son autonomie de principauté allemande, il devint impossible d'assigner une nationalité définie aux habitants du ban de la rivière, et d'y tracer une frontière. Bien plus, lors des élections des députés à l'assemblée constituante, on discuta longtemps pour savoir qui pourrait voter - la qualité de Français étant indispensable, - et où l'on voterait, à Vic Évêché ou à Blâmont Lorraine. Dans la plupart des documents. Vaxainville et Buriville sont mentionnés comme terre d'Évêché, mais pour les autres, il règne une confusion complète qui nous apparaît comme une synthèse des complications possibles et des abus du système féodal, évoquant, par un tableau pris sur le vif, les souffrances qu'un tel régime, se survivant à lui-même, pendant de longs siècles, a fait peser sur les générations qui l'ont subi.

(La fin au prochain numéro)

Emile AMBROISE.


(1) Lepage. Comm. de la Meurthe Vo Baccarat, I. 72, 73.
(2) Lepage. Comm., II. 66.
(3) Lepage. Comm., I. 73.
(4) Hist. de l'abbaye de Domèvre. M. Arch. lorr. 18, p. 115
(5) Comm. de la Meurthe. I. 73
(6) Environ 175 litres, il y a 8 quartes dans le resal, qui (à Lunéville) vaut 117 litres.
(7) Il faut 12 gros pour un franc barrois, et chaque gros vaut 30 deniers.
(8) Comm. de la Meurthe, II. 60, 1. 474.
(9) Ibidem, I. 30.
(10) Comm.. de la Meurthe. II. 599.
(11) Ibidem, I. 70, 72, 202.
(12) Ibidem, I. 207 II. 40
(13) Voir la carte de l'état-major.
(14) Comm. de la Meurthe. I, 326-456. II. 230-250
(15) Ibidem, II. 474.
(16) Ibidem, II. Vo. Vaxainville.
(17) Comm. de la Meurthe II. 474.
(18) Ibidem, II. 250.
(19) Comm. de la Meurthe. II. 207
(20) I. 32. Idem.
(21) I. 726. Idem.
(22) Ibidem, I. 727.
(23) Le pot valait 2 litres 45.
(24) Comm. de la Meurthe, I. 729.
(25) J. Arch. lorr., 1860. p. 92 et Comm. de la Meurthe, Il. 256 I. 256.
(26) Comm. de la Meurthe, I. 72

 

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