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Les vieux Châteaux de la Vesouze

Emile AMBROISE
Le Pays Lorrain - 1908

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Chapitre V

L'étude d'Emile AMBROISE a été publiée par "Le Pays Lorrain", répartie en 15 parties, sur les années 1908 et 1909. Si les dix-huit chapitres du texte ne concernent pas uniquement Blâmont, nous avons cependant choisi d'en reprendre ici l'intégralité. 

Il n'existait pas à notre connaissance de version en mode texte de ce document, permettant recherche et manipulation aisée : le présent texte est issu d'une correction apportée après reconnaissance optique de caractères, et peut donc, malgré le soin apporté, contenir encore des erreurs. Pour cette raison, vous pouvez consulter en PDF le document d'origine ci-contre.

Par ailleurs, les notes de bas de page ont été ici renumérotées et placées en fin de ce document.

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CHAPITRE V

LA FEODALITÉ. - LE CHATEAU. - LE VILLAGE LORRAIN. - LES SERFS.
LES CHARTES. - LES REDEVANCES.


LA FÉODALITÉ

Nous avons décrit la formation des seigneuries féodales qui se sont partagé la vallée de la Vesouze. Elles y sont définitivement assises et constituées vers le milieu du XIIe siècle.
Nous voudrions maintenant essayer de pénétrer dans leur vie Intérieure, et de voir quel était, sous la domination de ces seigneuries laïques, qu'encadraient et morcelaient les domaines de Metz et des grandes abbayes, le sort des populations indigènes auxquelles elles s'étaient imposées par droit de conquête,

LE CHATEAU

Sous la domination romaine on trouvait au centre de chaque exploitation rurale un groupe de maisons servant au logement des esclaves, des colons, des bestiaux. Il avait un nom emprunté à sa situation topographique ou aux particularités de la culture: Chenevières, Rosières, Vigneules.
Plus tard, on donna à ces agglomérations des noms de saints: Domjevin (Dominus Jovinus). Domèvre (Dominus Aper), Damelevières (Domina Libaria).Très souvent s'y ajoutait ln dénomination : Villa que l'on peut franciser, à la condition de n'y attacher que l'idée d'une habitation rustique et non celle d'un séjour de plaisance.
Ces dénominations sont devenues celles d'une foule de hameaux et de villages (1): Bionville, Brouville, Buriville, Glonville, Mignéville, Pétonville, Vaxainville, Vacqueville.
Les noms des lieux qui se terminent en Viller, sembleraient avoir plutôt une origine germaine, et par conséquent plus récente : Ogéviller (Ogiévilleir), Badonviller (Badonvilleir), Herbéviller (Heirbervilleir), Marainviller (Marrnvilleir) (2). De même les sons en Ménil, Bénaménil (Bernardménil), Thiébauménil (Théobaldménil).
Sous le régime féodal, qu'établit la domination franque, chaque propriétaire s'installe an milieu de sa terre; il y vit librement, et l'alleu devient la propriété par excellence, celle qui ne doit rien à personne, qui a pour prérogative de faire de son possesseur le justicier de tout homme qui l'habite, C'est la terre salique. Elle ne peut échoir aux femmes, parce qu'il faut un bras toujours armé pour la défendre (3).
Là, le conquérant germain a établi sa maison très médiocre au début, couverte en bardeaux, entourée par la main des serfs de palissades derrière lesquelles tout le monde se réfugie en cas d'alarme.
Plus tard, selon les circonstances, il l'a transportée sur une éminence plus propre à la défense, a remplacé les palissades par des fossés et des murailles ; il en a fait le Château «  la Court » et cette nouvelle dénomination fixe le nom d'une foule de villages, où, vraisemblablement, se sont élevées les premières demeures seigneuriales: Amenoncourt, Gélacourt, Avricourt, Vaucourt, etc.
Le détenteur de l'alleu est maître chez lui, mais s'il rencontre un voisin plus fort, il est vite réduit à se lier à lui par un lien de dépendance qui a pour corollaire un devoir de protection. Il devient vassal, et, en fait, dès le XIIIe siècle, presque tous les seigneurs du pays se sont groupes de cette manière, autour des comtes de Lunéville, de Blâmont ou de Salm, dont la puissance s'accroît avec le nombre de leurs fiefs.
Les sires de Montigny, de Parux. de Buriville subissent le vasselage du comte de Salm et finissent par disparaître, ceux d'Herbéviller, de Barbas, d'Ogéviller, de Brouville, sont des hommes-liges des sires de Blâmont. Quelques terres gardent toutefois pendant longtemps leur privilège, au moins nominal, de Franc-Alleu.
Telles Foulcrey qui, seul de tous nos villages, conserve ce titre jusqu'a la fin du XVIIe siècle (4), et la ferme de Méhon prés Lunéville, sur la porterie de laquelle on peut lire encore aujourd'hui ces mots, depuis longtemps vides de sens : «  Seigneurie en Franc aloeud » (5).

LE VILLAGE.

Le seigneur vit des produits de sa terre. Il la fait cultiver par ses manants. C'est la corvée, et ce terme de servitude, appliqué par extension aux terres sur lesquelles il s'exerçait, sert encore à désigner les grands et fertiles territoires communaux qui constituaient la part du seigneur.
Ce que le maître ne pouvait exploiter directement, il le concédait, à des conditions déterminées, aux gens de main-morte qui peuplaient la seigneurie; mais la redevance en nature ou en argent qui était alors imposée au tenancier sous le nom de Cens, avait le double caractère d'un loyer correspondant à la jouissance du fonds, et d'une taxe commémorative de la servitude originaire. La terre salique conservait sur ses démembrements une prééminence imprescriptible, analogue à celle du seigneur sur son vassal.
Chaque lot, ainsi concédé, comprend la quantité de terres arables et de pré nécessaires à l'existence d'une famille (6), le même lot lui reste affecté héréditairement; en sorte que dans l'usage, comme dans la transaction, on ne sépare pas l'une de l'autre. La manse comprend la terre et la famille qui la cultive, et le même système s'applique bientôt aux mines, aux carrières de meules, qui s'exploitent dans les flancs du Donon, et surtout à la pêche des étangs et des rivières. Il y a des manses de pêcheurs, c'est-à-dire des familles attachées au lot de rivière où elles pêchent pour leur maître, et qui jouissent de quelques terrains spécialement réservés à leur subsistance (7).
Avant de faire, sur son domaine, une part aux serfs, le seigneur a fait celle du prêtre qui dessert l'église ou la chapelle qu'il a bâtie.
Partant, il a acquis le droit d'y placer un clerc de son choix. Il demeure ainsi le patron de la paroisse, lorsque celle-ci, à défaut de château, forme le centre matériel et religieux des manses qui se sont groupées autour de son clocher (8).
II reste de grands cantons de terres inoccupées, et surtout la forêt qui n'a de valeur qu'aux abords des habitations. Ces cantons sont aux seigneurs, car «  il n'y a pas de terre sans seigneur », mais chacun y prend ce qui est nécessaire à son chauffage et aux réparations des maisons.
Le seigneur y lâche ses troupeaux de porcs; il autorise, moyennant des redevances convenues, les manants à faire de même; et ainsi prennent naissance les usages forestiers et les droits d'affouage qui donneront lieu à tant de contrats, de débats et de procès, quand la forêt aménagée avec méthode sera devenue une des grandes richesses du sol (9).
La présence du maître sur ses terres, la fixité des familles, l'attribution à chacune d'elles d'une portion du domaine dont elle garde les produits, a créé, en dépit des rigueurs du servage, un état général si favorable au développement des campagnes, que l'on s'accorde à penser qu'en aucun temps le sol lorrain n'a été plus peuplé ni mieux cultivé qu'au IXe siécle.
Dès cette époque lointaine, le village lorrain s'est trouvé constitué avec sa paroisse dont les limites sont restées fixes depuis dix siècles, ses terrains indivis devenus des communaux, ses droits de pâture, d'affouage, de pacage, ses méthodes d'assolement; et, il est curieux de constater que cette forte constitution du sol organisée pour le profit des classes privilégiées, a survécu non seulement aux guerres et aux révolutions économiques, mais aux privilèges eux-mêmes dont elle assurait la prépondérance. Les usages et la mentalité qu'elle a créés, nous le verrons. par d'intéressants détails, sont encore bien vivants de nos jours.

LA MAIN-MORTE

Ce n'est pas à dire qu'un tel régime, oeuvre de la force et fruit de la conquête, ne fut pas lamentablement oppressif.
Dans la rigueur première du système féodal, le paysan, quelle qu'ait été son origine d'homme libre ou de colon, est traité comme serf, puisqu'il n'y a pas, de juge entre son seigneur et lui. On vend les serfs comme la terre ou la fonction servile à laquelle ils sont voués. C'est ainsi que l'abbaye, de Senones reçoit en aumône deux familles de pêcheurs ; que Maffride, en 1076, donne à l'abbaye de Moyenmoutier, son alleu de Buriville avec un serf et une servante (10); que l'abbé de Haute-Seille, acquiert à Remoncourt, en 1162, un jeune serf appelé Aladon (11); que Bernard de Brouville donne à l'abbaye de Senones trois filles serves, à charge que ces filles et leurs hoirs paieront un cens (12), et encore deux sujettes de main-morte, filles pareillement d'un sujet mainmortable ; enfin; que Jean, comte de Salm, en 1301 cède à Henry de Blâmont, six hommes-en remplacement d'un pareil nombre qu'il lui avait tués (13). Ainsi s'explique que dans un même village, certaines maisons dépendaient de tel seigneur, et le surplus d'un autre.
Sous ce régime de dépendance absolue, le serf ne peut quitter le seigneur, même pour se marier, Toute tentative pour échapper à cette loi inexorable, le met en état de forfuyance ou de formariage, c'est-à-dire à la discrétion de son seigneur.
S'il vit en homme libre, il meurt en esclave, c'est-à-dire qu'il ne peut transmettre par héritage le bien qu'il a reçu pour le cultiver. C'est la main-morte (2), et, tout au moins en principe, ce régime impitoyable a subsisté très longtemps dans certaines seigneuries laïques ou ecclésiastiques.



Porte à Domjevin.

A Moussey, terre d'église, s'il arrive qu'un bourgeois vienne de décéder sans enfants procréés en légitime mariage, les héritiers collatéraux n'héritent point si ce n'est du consentement de l'abbé de Haute-Seille (14).
Jusqu'à la fin du XVe siècle, à Parux, la condition des paysans est telle que «  les sujets, hommes et femmes, ayant meubles et héritages... allant de vie à trépas, sans héritiers
légitimes en ligne directe... le, seigneur prenait, levait et possédait les biens meubles et héritages par manière de morte-main... par quoi les frères, soeurs, prochains parents et amis,... en restaient frustrés et privés ».
Dans ce village, qui était une de ces rares localités conservées à l'état d'alleu, c'est-à-dire indépendante des comtes de Blâmont ou de Salm, ses voisins, ce n'est qu'en 1494 que le seigneur «  oyant et considérant la remontrance de ses pauvres gens habitants de Parux..... dont il a été ému de pitié....» les a affranchis de la main-morte et leur a donné le droit d'hériter les uns des autres.
Un tel état de servitude, digne de toute pitié, si on le considère, au point de vue du paysan, n'était point avantageux non plus pour le seigneur. Sa rigueur même favorisait les désertions «  par quoi les villages tendaient à dépopulation et ruine » ; et, puisqu'il fallait bien que la terre fût cultivée, le seigneur trouvait son intérêt à ne point la retirer aux héritiers.
C'est ainsi que, à la longue. et dans la pratique: presque générale, la main-morte et le formariage se transformèrent en une simple taxe pécuniaire, quelquefois très légère, que durent payer les héritiers pour entrer en possession du bien.
Mais toujours cette taxe conserve son caractère primitif de rachat de la servitude, car, d'une part. elle frappe chaque héritier et non la succession, et d'autre part elle est fixe et non proportionnelle à la valeur de l'héritage (15).
Nous allons en voir plusieurs exemples.

LES DROITS ET USAGES

Presque nulle part, les droits et usages locaux ne nous sont parvenus sous leur forme primitive ; les documents où on les trouve consignés, sont les plaids annaux, réunions annuelles des habitants de chaque seigneurie, où se vidaient les procès, se taxaient. les redevances, se prononçaient les amendes, où se lisaient enfin «  à haute et intelligible voix » les usages du lieu.
Or il n'existe pour ainsi dire pas de procès-verbaux de ces assises rurales antérieurs à la fin du XVIe siècle. A cette époque, la servitude originaire s'est transformée, et surtout, à des degrés variables mais partout sensibles, s'est fait sentir l'influence du mouvement communal du XIIe siècle qui, pour notre Lorraine, se traduit par l'application plus ou moins atténuée des libertés dont la charte de Beaumont en Argonne, est restée le type célèbre.
La charte de Beaumont et les autres concessions féodales qui s'inspirèrent de son esprit, constituent un progrès immense, en ce qu'elles cessent de considérer l'habitant des campagnes comme un simple accessoire de la terre, comme l'outil employé a. sa mise en valeur; désormais l'homme sera compté pour quelque chose (16).
Quelle que soit son origine. libre, serf ou colon, il n'y aura plus à le distinguer par là. Tous seront bourgeois (17), c'est-à-dire libres de leur personne et de leurs biens, à la condition de payer les redevances convenues, comme prix des franchises accordées.
Ces redevances sont généralement établies depuis longtemps ; un long usage les a confirmées comme loi de la terre. Elles vont être rappelées et minutieusement énumérées dans la charte.
Elles étaient mal définies, sujettes à mille aggravations arbitraires; désormais elles seront fixes, limitées, et quand il s'y sera conformé, le paysan ne devra plus rien et n'aura rien à craindre de la justice des officiers du seigneur (18).
Ceux-ci d'ailleurs ne seront plus a l'entière dévotion du maître. Les bourgeois interviendront désormais dans leur nomination, plus ou moins directement. Les juges seront pris parmi les habitants, et leurs fonctions, ordinairement annuelles, vont faire d'eux à la fois les représentants du seigneur et les mandataires de la collectivité des habitants; et ainsi va se trouver constituée la personnalité civile des communes rurales.
Enfin si les délits prévus restent nombreux et sévèrement punis, le tarif des peines applicables à chacun d'eux, met fin aux cruautés d'un arbitraire sans frein.
On conçoit que de si grands changements dans l'état des personnes et des biens, ne se soient pas accomplis sans une vive résistance de la part des seigneurs, Aucun d'ailleurs n'en a doté ses sujets volontairement (19). C'est l'Eglise qui, dans notre pays a donné l'exemple. Après l'archevêque de Reims, nous voyons l'évêque de Toul, Pierre de Brixey, entrer dans cette voie libérale, en affranchissant le bourg de Liverdun, 1178. Mais il n'est pas suivi par son collègue de Metz, et nous ne trouverons aucune commune libre, dans les domaines évêchois de la Vallée de la Vesouze. En revanche, un duc de Lorraine, Ferry III s'engage résolument dans le mouvement rénovateur (20).
En dix ans, il affranchit presque tous les bourgs de son domaine : en 1257, Laneuveville-lès-Nancy; en 1263, Frouard et Pompey; en 1264, Dompaire; l'année suivante, 1265, Amance, Gerbéviller, Lunéville, Saint-Nicolas et Nancy; et enfin Laneuveville-les-Raon, en 1266. Son libéralisme s'inspire comme celui des rois de France, du souci de développer la prospérité de ses Etats, et d'abattre l'omnipotence des seigneurs, en se conciliant par les liens de la reconnaissance, les sympathies du peuple. Mais il rencontre devant lui une hostilité générale de la part des seigneurs qui sont presque ses égaux.
Furieux de l'Influence que les affranchissements lui ont créée dans le pays, ils tendent traîtreusement une embuscade, à leur duc, dit une légende, et l'enferment dans la tour de Maxéville (1269). Le duc, rendu à la liberté, tirera bien quelque vengeance de cet audacieux attentat, mais il n'osera plus braver par l'octroi de nouvelles chartes, les ressentiments de ses nobles ligués contre lui.
Ni les comtes de Salm, ni ceux de Blâmont ne donnèrent à leurs états la charte de Beaumont, Cependant des usages s'y établirent petit à petit, qui, sans supprimer expressément le formariage, la mainmorte, la taille et la corvée, adoucirent assez la situation du paysan, pour que l'on puisse considérer comme abolis en fait, les plus durs résultats de la servitude primitive
Ce sont ces situations intermédiaires entre le servage et la liberté, que nous allons retrouver dans les villages de la Vesouze, non pas définies par des documents positifs; mais révélées par les souvenirs dont les archives communales ont conservé des traces plus ou moins altérées, suffisantes cependant, nous l'espérons, pour nous aider à reconstituer le tableau de la vie rurale, en, ces temps lointains.
Il y ont laissé une empreinte si forte que, par plus d'un détail, on peut dire qu'ils y vivent encore aujourd'hui.

LES REDEVANCES

L'intérêt d'une énumération des redevances qui chargeaient le peuple, résiderait surtout dans la possibilité d'en estimer la valeur.
C'est malheureusement très difficile, et c'est à peine si l'on peut espérer en s'attachant à quelques données générales, s'en faire, une idée superficielle.
Il nous semble qu'il faut distinguer tout d'abord les redevances stipulées en nature et celles stipulées en argent.

A. - REDEVANCES EN NATURE:

Le prix des denrées communes, blé, avoine, etc., a subi de telles variations selon les temps et selon les circonstances locales, qu'il est presque sans intérêt d'en rechercher la valeur-argent. Ceux qui devaient des rentes en grains n'achetaient pas ce qu'us livraient; ils le produisaient ; en sorte qu'il est' plus juste d'envisager ces redevances comme un prélèvement sur le labeur de l'ouvrier, sur le temps employé à la culture, à la semaille, a la récolte, que de s'en représenter la valeur en argent.
Le labeur fourni, le temps employé sont des données à peu prés constantes,

 
Maison à Domjevin.

tandis que la valeur du produit récolté est soumise à des fluctuations déconcertantes.
Ainsi, dans les débuts du XVIIe siècle, époque de calme et de prospérité, (1610-1620) la valeur du blé varie de 9 à 14 francs l'hectolitre (21).
En 1570, il avait valu 10,25 (22).
Au milieu de la crise de l'invasion française (1630-1640), il passe de 8 à 27 francs (23).
Lorsque l'occupation française s'est établie et consolidée, le blé retombe à 8 francs (24), et après le retour de Charles IV, à 3,90 (25).
Au cours de la guerre de Trente Ans, la valeur d'un chapon a varié de 8 gros (2/3 de francs) à deux francs barrois.
Pour l'avoine on trouverait des écarts analogues, entre 8 et 36 francs; et comme la valeur même de l'argent a varié dans des proportions énormes, il devient bien difficile de s'y reconnaître. Il est donc beaucoup plus facile, et en même temps tout aussi juste de ne s'attacher qu'au temps consacré a la corvée, au labeur que représente la quantité de blé, d'avoine, ou de vin prélevée par le seigneur.

B. - REDEVANCES EN ARGENT

Dans les déclarations de droits, lues aux plaids-annaux, on les voit presque toujours exprimées en francs, gros et deniers. Le franc, ou franc barrais, était la monnaie de compte la plus usitée, mais il n'existait pas comme numéraire.
A part de petites pièces d'argent appelées deniers, c'était la monnaie frappée à Toul, Metz, Verdun, en France, en Alsace, en Champagne qui circulait en Lorraine. La plus répandue était la livre des comtes de Tours, ou livre tournois.
Jusqu'au XVe siècle la livre tournois fut l'équivalent du franc barrois; mais plus tard, le rapport de leur valeur respective se modifia dans de telles proportions, que le franc ne valut plus que 2/3 de la livre, puis au XVIIIe siècle 1/3 seulement,
Mais la livre a subi elle-même d'énormes dépréciations. En sorte que le franc barrois, de 67 francs qu'il représentait en 1100, était tombé
à 20 francs en 1250;
à 10 - 1400;
à. 5.50 1500;
à 0.80 1650
a 0.33 1790 (26)
D'où cette première conséquence que les redevances stipulées en francs barrois a une époque très ancienne, sont allées s'atténuant dans des proportions énormes, au point de ne plus représenter que 1/100 de leur valeur initiale.


La maison d'un manant
(Dépendances du château de Lannoy à Herbéviller)

Ainsi un cens de cent francs, constitué au XVe siècle, aurait représenté 666 francs de notre monnaie actuelle. Mais, acquitté en monnaie courante en 1790, il ne représentait plus que 33 francs.
Ainsi, à a fin de l'ancien régime, les cens et les rentes. qui frappaient un si grand nombre d'héritages de temps immémorial, ne représentaient plus que des charges pécuniaires très légères, comparativement à la rigueur de l'impôt qu'elles avaient. représenté à l'origine.
Mais d'autre part, l'argent étant au moyen Age, beaucoup plus rare qu'aujourd'hui, s'échangeait contre des quantités beaucoup plus considérables d'objets usuels. en sorte que sa puissance, était suivant les uns le quadruple, suivant les autres le quintuple de ce qu'elle est aujourd'hui (27). Une taille de six francs par famille, doit être envisagée comme un impôt de trente francs. La taxe de dix francs, imposée aux taverniers de Thiébauménil, représentait un impôt de cinquante francs.
Lorsque les amendes pour délits champêtres rapportaient, comme à Bénaménil, cent cinquante francs c'était un émolument équivalent à sept cent cinquante francs de notre monnaie.
Cette valeur considérable de l'argent explique pourquoi tant de taxes n'atteignent pas même un franc, et sont exprimées en gros et deniers; originairement elles étaient des taxes relativement onéreuses.
Le franc comprenant 240 deniers, le gros est de 20 deniers, il en faut douze pour un franc, le sol est de 12 deniers, il en faut vingt pour le franc. Une taxe de cinq gros, chiffre très fréquent, représente donc 5/12 du franc; mais au XIIIe siècle, le franc valant vingt francs d'aujourd'hui, et sa puissance étant quintuple, cette taxe modique en apparence, pouvait valoir près de quarante francs; en 1790, elle n'est plus, représenté que par quelques centimes.

(A suivre)

Emile AMBROISE.


(1) Digot, Hist., I, 235. Guyot. Forêts lorraines. M. Arch. lorr.
(2) Lepage, M. Arch. lorr., 1861, p. 298, 275, 276, 290, 277, 306.
(3) Martin, Hise. dde l'évêché de Toul, 97 à 103 - Guyot, Forêts lorr. M. Arch. lorr. 1884, 263, 267. Loi du Fans-Saliens, LXII, 68
(4) Etat de la Lorraine. D. Arch. 1859
(5) Sur l'origine des alleus en Lorraine. Bonvalor. Hist. du droit des inst., p. 145 er 154
(6) Guyot. Forêts lorraines M. Arch. lorr 1884. 264
(7) Guyot. Forêts lorr M. Arch. lorr., 1884, 285. «  Dao piscatores cum uxoribus et fillis et terra ipsorum quae pertinet ad beneficium piscaturae (Calmet, II. pr. CXXX Charte de 1097)
(8) Martin, Hist. du diocèse de Toul, I, 97-103.
(9) Benoit. M. Arch. lorr., 1866, 176. Guyot, Foêts lorr. passim.
(10) Lepage, Comm., Vo Buriville, l, 207.
(11) Id.,II, 401.
(12) Docum. de l'Hist. des Vosges, V. p. 125 et Lepage, Communes, Vo Ogéviller
(13) M. Arch. lorr., 1890, 167. Tr. Ch. Blâmont, I, 34, et Bonvalot, Hist. des Tiers-Etat, 197. " (2) Guyot, Forêts lorraines M. Arch. lorr., 1884, p. 324
(14) Comm. de la Meurthe. Vo Moussey.
(15) Bonvalot, Hist. des Tiers-Etat, p. 52.
(16) Le Tiers état en Lorraine, Bonvalot, 91.
(17) Bonvalot, 220
(18) Bonvalot, 218
(19) Bonvalot, 145
(20) Bonvalot, 140
(21) Remarques de Jean Vuarin. D. Arch. Iorr. 1859. Années 1611 à 1620.
(22) Hist. de S. Sauveur M. Arch. lorr, 1897. 140.
(23) Id. Années 1630, 1640.
(24) Id. 1650-1665.
(25) Comptes du Châtelain de Blâmont pour 1668.
(26) Monnaies lorraines. M. Arch. lorr. 1883, p. 85 et 86.
(27) M. Arch. lorr, 1888, p. 3. 1886. p. 19.
 

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