| 
                 Bulletin de 
				l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de 
				Belgique  
				1857 
				Communication et lecture - 
				Les Valois et les Nassau (1572-1574) ; par M. Théodore Juste, 
				correspondant de l'Académie. 
				[...] 
				Tandis que Charles IX brûlait d'obtenir la couronne impériale, 
				Catherine de Médicis nourrissait d'autres desseins. Voyant la 
				santé défaillante du roi, elle avait d'abord cherché à retenir 
				en France le duc d'Anjou, qu'elle préférait à tous ses autres 
				enfants; mais Charles IX, toujours jaloux de son frère, ayant 
				exigé son départ pour la Pologne, Catherine conçut un projet que 
				les complications de cette époque pouvaient seules justifier. «  
				Elle forma, dit M. de Sismondi, le projet bizarre de mettre son 
				fils Henri, le plus ardent promoteur de la Saint-Barthélemy, à 
				la tête des protestants de Hollande, pour défendre contre 
				Philippe II la liberté de conscience des Pays-Bas. Henri devait 
				profiter de la sympathie que les évangéliques de Pologne 
				venaient de témoigner aux huguenots, armer avec leur concours et 
				celui de la France une flotte à Dantzick, y faire monter un 
				grand nombre des plus vaillants champions de son nouveau 
				royaume, et la conduire dans les ports de Hollande. » L'auteur 
				de l'Histoire des Français, s'appuyant du témoignage de de Thou 
				et de d'Aubigné, ajoute que Catherine, déjà assurée de 
				l'agrément du roi de Danemark, envoya le comte de Retz en 
				Allemagne pour y lever des troupes, et Schonberg auprès du 
				prince d'Orange pour mettre la dernière main au traité que cet 
				ambassadeur avait précédemment ébauché avec Louis de Nassau. 
				Harlem venait de succomber (12 juillet 1573), et les Espagnols 
				menaçaient Alckmaar. «  Dans sa situation désespérée, le prince 
				d'Orange, dit M. de Sismondi, était prêt à accueillir une aide 
				temporaire, de quelque part qu'elle lui vint. Les articles 
				proposés par Schonberg furent signés, et le roi de Pologne fut 
				élu chef pour les guerres de Flandre contre le roi d'Espagne 
				(1). » 
				Charles IX s'était proposé de conduire lui-même le duc d'Anjou 
				jusqu'à la frontière; mais une maladie grave l'ayant obligé de 
				s'arrêter à Villers-Coterets, Catherine de Médicis et ses autres 
				enfants accompagnèrent Henri de Valois en Lorraine. La 
				séparation se fit à Blamont. Louis de Nassau s'y trouvait, de la 
				part de l'électeur palatin, pour saluer la reine mère et le roi 
				de Pologne. Des conférences importantes eurent lieu entre ces 
				divers personnages. Louis de Nassau y apprit officiellement que 
				Charles IX avait promis d'embrasser la cause des Pays-Bas, «  aultant et aussy avant que les princes protestants la vouldront 
				embrasser, » soit ouvertement, soit en secret, et sans tenir 
				compte de l'argent qu'il avait déjà fourni. Après avoir donné 
				cette assurance, Henri de Valois, tant en son nom et pour le 
				royaume de Pologne que comme député du roi de France, déclara 
				qu'il s'associait à cette résolution. Quant au duc d'Alençon, 
				qui n'avait pu voir Louis de Nassau en particulier, il lui dit à 
				l'oreille, en lui pressant la main, que le prince d'Orange 
				pouvait compter sur lui. Au surplus, on convint que les villes 
				et pays, dont on s'emparerait avec l'aide du roi de France et 
				des princes d'Allemagne, ne seraient plus placés sous le pouvoir 
				direct de Charles IX, mais bien «  soubz la subjertion de 
				l'Empire », afin d'engager tous les souverains allemands à 
				soutenir la cause du prince d'Orange, et d'empêcher par cette 
				adhésion les Espagnols de recruter encore des soldais au delà du 
				Rhin. Telles sont les informations que Louis de Nassau donna 
				lui-même au prince, son frère, sur les incidents qui marquèrent 
				l'entrevue de Blamont (2). Ces détails jettent un jour plus vif 
				sur les négociations poursuivies avec la cour de France, mais 
				sans infirmer entièrement les renseignements fournis par de Thou 
				sur le rôle qui devait être assigné au roi de Pologne dans la 
				nouvelle guerre. A Blamont même, on avait décidé que ce prince 
				débarquerait en Hollande dès le printemps avec la flotte 
				polonaise et les troupes allemandes. 
				La mort de Charles IX, survenue le 30 mai 1574, et les 
				commencements difficiles du règne de Henri III vinrent suspendre 
				l'effet des graves résolutions concertées entre les Nassau et 
				Catherine de Médicis. Il reste, toutefois, démontré que, même 
				après le massacre de la Saint-Barthélemy, les démarches les plus 
				actives, combinées avec les offres les plus étendues, furent 
				faites directement par le prince d'Orange et son frère, afin 
				d'armer la France contre Philippe II, d'arracher au successeur 
				de Charles-Quint la Hollande et la Zélande, d'encourager le 
				soulèvement des autres provinces, et même d'étendre sur les 
				Pays-Bas le protectorat des Valois, à défaut de la suzeraineté 
				tutélaire de l'Empire. 
				 
				(1) Histoire des Français, t. XIX, pp. 231-253. 
				(2) Lettre de Louis de Nassau au prince d'Orange, décembre 1573, 
				dans les Archives de la maison d'orange, L. IV, 1re part., p. 
				278-281.  |