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Cahier de doléances - 1789 - Herbéviller-Launoy


Cahiers de doléances des bailliages des généralités de Metz et de Nancy pour les Etats généraux de 1789
Charles Etienne
Ed. 1907
Baillage de Vic

HERBÉVILLER-LAUNOY

Cahier contenant six feuillets, cotés et paraphés par nous, Jean Vourion, haut-juge et maire d'Herbéviller-Launoy, pour servir à l'inscription du procès-verbal de l'assemblée des habitants dudit lieu et des doléances qu'ils se proposent de présenter.
Vourion.

Cejourd'hui dix-sept mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, en l'assemblée convoquée le jour d'hier au son de la caisse, et aujourd'hui au son de la cloche, en la manière accoutumée, sont comparus en la maison commune de ce lieu, par-devant nous, Jean Vourion, haut-juge et maire d'Herbéviller-Launoy, les habitants soussignés, tous nés Français, âgés de vingt-cinq ans, compris aux rôles des impositions, habitants de ce village, composé de cent-vingt feux, lesquels, pour obéir aux ordres de Sa Majesté, portés par ses lettres données à Versailles le 7 février 1789, pour la convocation et tenue des États généraux de ce royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu'à l'ordonnance de M. le président, lieutenant-général, dont ils nous ont déclaré avoir parfaite connaissance, tant par la lecture qui vient de leur en être faite, que par la lecture et publication ci-devant faites au prône de la messe de paroisse par M. le curé, le quinze du présent mois, et par la lecture, publication et affiches pareillement faites, le même jour, à l'issue de la dite messe de paroisse, au-devant de la porte de l'église, nous ont déclaré qu'ils allaient d'abord s'occuper de la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances ; et, en effet, y ayant vaqué, ils nous ont représenté ledit cahier, qui a été signé par ceux desdits habitants qui savent signer et par nous, après l'avoir coté par premier et dernier feuillet et paraphé ne varietur au bas d'icelles, lesquelles doléances, plaintes et remontrances ont été rédigées comme s'ensuit.
Vourion.

HERBEVILLER-LAUNOY

Les habitants d'Herbéviller-Launoy, pénétrés de la bonté paternelle d'un Roi qui ne désire que la prospérité du royaume, le bien de tous et de chacun de ses sujets, voudraient n'avoir à lui faire entendre que l'expression de leur bonheur ; mais telle est l'étendue des maux sous lesquels ils gémissent, qu'ils ne peuvent lui proposer que des plaintes et des doléances.
Ils les réduisent à trois chefs les impôts, la justice et les droits seigneuriaux.

Les impôts
Le fardeau en est devenu accablant ce n'est qu'en s'imposant les plus dures privations, qu'en prenant même sur sa subsistance, que le peuple parvient à les acquitter ; sans parler des haines, des animosités, des murmures, des réclamations qu'excite chaque année, dans chaque communauté, la répartition de ces impôts, à combien n'exposent-ils pas le pauvre citoyen de contraintes et de vexations de toutes espèces qui aggravent encore sa misère !
Et peut-il ne pas gémir lorsqu'il voit à côté de lui tant de privilégiés exempts de plusieurs de ces impositions qui l'accablent ? lorsqu'il ne peut se dissimuler à lui-même que ces contributions, fruit de ses sueurs et des plus douloureuses épargnes, qu'on lui arrache avec tant de dureté, sont absorbées en grande partie en pensions accordées à des personnes dont l'aisance excitait déjà sa convoitise ; en appointements attachés à des charges inutiles à nourrir et même à enrichir cette foule de commis des Fermes, qui sont ses espions et ses persécuteurs, et tant d'autres employés pour qui la recette et la manutention des différentes branches d'impositions sont une source d'opulence qu'ils n'acquièrent qu'à ses dépens ?
Les remèdes à tant d'abus ruineux et offensants pour le peuple paraissent être
1° La suppression de toutes les charges qui ne sont pas indispensables pour l'administration de l'État ;
2° Celle des pensions qui ne sont pas la récompense de vrais services rendus à la Nation ; et la réduction à un taux très modique de celles qu'on croira devoir conserver d'après un examen sévère ;
3° Celle, dans l'intérieur du royaume, de tous les impôts indirects qui exigent des bureaux, des commis, et des préposés, sous quelle dénomination [que] ce puisse être, à l'exception du papier timbré, du contrôle et du sceau, dont il est à désirer que les droits soient modérés leur excès empêchant la classe la plus nombreuse de la Nation, les citoyens les moins aisés de recourir au ministère des notaires, et de donner à leurs conventions le degré nécessaire de solidité. Le meilleur moyen d'en simplifier la perception, de la rendre la moins coûteuse possible, ne serait-il pas de la mettre à l'enchère, au rabais, dans le chef-lieu de chaque arrondissement ? Il n'en est point où on ne trouvât des personnes solvables et intelligentes qui s'en chargeraient à bas prix ;
4° Dans tout l'intérieur du royaume, l'interdiction de la culture du tabac ; la suppression des salines qui consomment du bois à pure perte ; et au moins la diminution des manufactures à feu, telles que les verreries et les faïenceries qui ne l'enchérissent que pour alimenter le luxe ;
5° La liberté à quiconque de vendre du sel provenant de nos marais salants, sur lequel il pourrait être prélevé, au profit de l'État, dans le lieu même où il se fait, un droit léger dont la perception entraînerait peu de frais ;
6° Egalement liberté à quiconque de vendre du tabac provenant de nos colonies, sur lequel l'État n'imposerait qu'un droit peu onéreux, afin que, ce tabac restant à un prix modique, il y eût moins de tentation à en introduire en contrebande. La contrebande, d'ailleurs, pourrait être efficacement empêchée par le cordon de gardes et de commis établis sur les frontières du royaume pour la perception des droits d'entrée et de sortie sur les marchandises qu'on jugerait à propos d'en grever et ces places de gardes et de commis devenues honorables, puisqu'ils seraient, au service de la Nation et du Roi, ne pourrait-on pas [en] faire la retraite et la récompense d'anciens militaires de toutes les classes ? ce qui serait encore un soulagement pour les finances ;
7° La conversion de tous les impôts directs connus sous le nom de vingtièmes, tailles, subvention, capitation, ponts et chaussées, etc., etc., etc., dont la répartition est si difficile et ordinairement si injuste, en un seul impôt territorial, perçu en nature sur toutes les redevances seigneuriales, moulins, étangs, bois, et généralement sur toutes les productions de la terre sans exception ni de personnes ni d'espèces, fixé à une quotité proportionnée au besoin de l'État. Cet impôt, le seul juste, parce qu'il est le seul qui puisse être exactement proportionné à la fortune des contribuables, le seul dont la perception n'entraîne aucuns frais inutiles, le seul qui n'expose pas le peuple à mille avanies, devrait être affermé dans chaque communauté pour un temps limité en totalité ou en partie ; et le fermier serait tenu d'en remettre le canon aux termes fixés entre les mains de celui qui serait chargé d'en faire la recette au chef-lieu de chaque bailliage ou à la capitale de la province. On pourrait encore confier le soin d'en faire le recouvrement et le transport sans frais à la maréchaussée ; bien entendu que le taux de cet impôt serait moins fort pour les terrains dont l'exploitation exige des frais et des avances, tels que les terres arables, que pour les bois, étangs, prés et autres terrains qui produisent d'eux-mêmes et sans culture. Et comme la récolte des foins et des regains est exposée à beaucoup de dangers, à raison des pluies et des débordements, et qu'il importe qu'elle n'éprouve aucun retard ; que d'ailleurs il arrive souvent que dès que l'herbe commence à pousser, le laboureur, dépourvu de foins, est forcé d'en aller prendre dans ses prés pour nourrir son bétail, il paraît indispensable d'autoriser quiconque exploite une prairie à pactiser à l'amiable avec le fermier de l'impôt territorial, et même de contraindre celui-ci à consentir à l'estimation qui serait faite par deux experts, dont un nommé par lui, et l'autre par celui qui exploite la prairie, sermentés sans frais par les officiers des lieux.
8° Mais les fonds de terre ne sont pas les seuls objets imposables : si les impôts ne portaient que sur eux, ils tomberaient en non-valeur, et la culture en serait bientôt abandonnée il est donc essentiel et même juste qu'ils pèsent sur les maisons qui ne sont pas nécessaires à l'exploitation des terres, c'est-à- dire sur les seuls châteaux et maisons de plaisance dans les campagnes, sur toutes les maisons des villes, sur les richesses mobiliaires et sur l'industrie.
9° Or Ces châteaux, ces maisons de plaisance et celles des villes ont une valeur qu'il est aisé d'apprécier, soit d'après les contrats d'acquisition et les partages, soit d'après l'estimation qu'il serait facile d'en faire comparativement aux autres du même local ; c'est d'après cette évaluation qu'elles doivent être taxées.
10° Il n'y a de richesses mobiliaires susceptibles de taxation que l'argent prêté à intérêts ; il sera soumis à l'impôt si la loi autorise le débiteur à retenir, sur la rente qu'il paye, une portion proportionnelle à la taxe imposée sur les biens-fonds, et déclare nulles toutes conventions contraires à cette disposition, faite entre le créancier et le débiteur, de façon que celui-ci ait toujours action pour la réclamer.
11° Sous le nom d'industrie, on comprend les manufactures, négoce, commerce et professions de toute espèce ; il est aussi bien important que ces différentes branches d'industrie soient assujetties à l'impôt, sans quoi tout le monde abandonnerait les travaux de l'agriculture, si pénibles, si peu honorés, pour s'attacher à quelqu'une de ces branches ordinairement moins difficiles et plus lucratives ; or, en supposant que chacune d'elles ne soit pas aujourd'hui trop surchargée, il est facile de conserver à l'Etat cette branche de revenus ; prenons pour exemple l'impôt mis sur les cuirs : il est aisé de savoir ce qu'il produit de net aux coffres du Roi ; que cette somme soit répartie sur les différentes provinces du royaume et que les tanneurs, mégissiers, etc., de chaque province, se répartissent ensuite entre eux, à proportion de ce qu'ils fabriquent, la somme imposée à leur province ; la même opération peut se faire pour les maîtres de forges, les marchands de vin, et généralement toutes espèces de manufactures, de commerces et de professions.
12° Enfin, que dans chaque province il soit établi des États provinciaux dont les membres soient librement élus, chargés de veiller aux intérêts de la province, à la police, et à tout ce qui a rapport à son administration.

De la justice
La justice qui devrait être la sauvegarde du peuple est devenue un véritable fléau pour lui par les longueurs et les frais des procédures, l'éloignement des tribunaux, surtout par l'interprétation arbitraire des lois, leur obscurité, leur complication, leur multiplicité, leur différence et même leur opposition dans des lieux voisins les uns des autres.
Ces abus sont devenus tels que la plupart des citoyens n'ont aucune connaissance des lois qui régissent leurs biens ; qu'ils n'osent se fier à la loi qui paraît fixer leurs droits, de peur que quelqu'interprétation ou quelqu'usage n'en ait dénaturé le sens ; que lors même qu'il est sûr de l'avoir en sa faveur, il redoute de poursuivre ses droits les plus incontestables par la crainte des frais excessifs, des déplacements, des longueurs et des chicanes.
Il serait donc essentiel pour le peuple que toutes les anciennes lois, que toutes les différentes coutumes fussent abolies ; qu'en leur place il fût composé un code unique pour tout le royaume, simple, clair et précis, du texte duquel le juge ne pût jamais s'écarter ; qu'il fût établi une forme de procédure plus facile, moins longue et moins coûteuse ; alors, tous les Français n'ayant qu'une loi, qu'il serait facile à chaque citoyen de connaître, les procès seraient moins fréquents ; et pour en rendre le jugement plus facile et moins dispendieux pour les parties, on pourrait donner à chacun des tribunaux actuellement existants, ou à ceux qui paraîtront devoir être établis, des arrondissements mieux ordonnés et qui faciliteraient l'administration de la justice.
La différence des mesures, leurs formes, leur diversité, est encore une chose embarrassante pour le peuple, une source d'erreurs et de fraudes dont il est souvent la victime. Depuis longtemps on réclame une unité de mesure pour tout le royaume les mesures de contenance cubique méritent la préférence parce qu'il est plus aisé d'en vérifier la capacité : on pourrait employer pour ces mesures le pied-cube et ses sous- divisions, le pied de roi pour l'aunage, et la toise de roi pour l'arpentage.

Droits seigneuriaux
Ils sont encore une autre surcharge pour le peuple cependant, quelqu'onéreux qu'ils soient, comme ils font partie d'une propriété, il n'ose en solliciter la suppression. Mais n'est-il pas fondé à réclamer contre la banalité des moulins, la trop grande multiplication des colombiers, et les ravages des pigeons ?
Cette banalité est une vexation pour le peuple, sans utilité réelle pour le propriétaire. Celui-ci, dans l'ordre actuel des choses, n'a aucun intérêt à choisir un meunier fidèle et entendu.
Celui qui lui rend le plus, pourvu qu'il soit solvable, est celui qu'il doit préférer. Le meunier lui-même n'a aucun intérêt de moudre avec économie, bien sûr que les banaux ne peuvent lui échapper mais, la banalité une fois supprimée, le meunier aura l'intérêt le plus pressant à moudre avec économie et fidélité, puisque ce sera pour lui le seul moyen de s'accréditer et de gagner la confiance : le maître lui-même aura intérêt à choisir un bon meunier, crainte de décréditer son moulin : le public sera mieux servi, et le moulin rendra le même produit, parce que ceux que la banalité force aujourd'hui à y aller, iront volontairement ; ne fût-ce que parce que ce moulin est plus à leur portée, et qu'y étant bien servis, ils n'auront aucun intérêt à aller ailleurs.
Pour remédier aux dégâts que font les pigeons, n'est-il pas juste d'en régler le nombre proportionnellement à l'étendue de chaque finage, et d'interdire au propriétaire la liberté de les laisser sortir dans tout le temps qu'ils peuvent nuire aux différentes espèces de semailles et de récoltes?

Telles sont les plaintes.et doléances que les habitants d'HerbévilIer-Launoy se trouvent forcés à présenter au Roi, et dont ils espèrent le redressement de sa justice et de sa bonté.
Séb. Georges ; Clément Calot ; Vourion ; G. Antoine ; Jean Housselle ; Claude Simon ; F. Munier.
Et de suite lesdits habitants, après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu'ils sont tenus de nommer, en conformité desdites lettres du Roi, et règlement y annexé, et les voix ayant été par nous recueillies, en la manière accoutumée, la pluralité des suffrages s'est réunie en faveur des sieurs Jean Vourion, haut-juge et maire de Launoy, et de Sébastien Georges, greffier de la Tour, qui ont accepté ladite commission, et promis de s'en acquitter fidèlement...
Desquelles nomination de députés, remise de cahier, pouvoirs et déclarations nous avons à tous les susdits comparants donné acte, et avons signé avec ceux desdits habitants qui savent signer, et avec lesdits députés, notre présent procès-verbal, ainsi que le duplicata que nous avons présentement remis auxdits députés pour constater leurs pouvoirs.
G. Antoine ; Clément Calot ; Claude Simon ; Jean Housselle ; F. Munier ; Séb. Georges ; Vourion.

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