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Les églises dévastées de Meurthe-et-Moselle  - 1914-1918


L'Immeuble et la construction dans l'Est
15 mars 1925


Les églises dévastées de Meurthe-et-Moselle

En même temps que la Coopérative des Régions dévastées de Meurthe-et-Moselle, la Société coopérative de reconstruction des Eglises dévastées du diocèse de Nancy et de Toul, a tenu son assemblée générale en l'une des Galeries Poirel.
On y a entendu divers rapports très intéressants ; on y a discuté maints et maints projets, et, pour la première fois, je crois, on y a fait l'éloge de toute notre famille du bâtiment, architectes, entrepreneurs, peintres-verriers, sculpteurs et ouvriers des divers corps de métiers.
Il est certain que, depuis six ans bientôt, tous les gens du bâtiment, presque tous de bons et vaillants Lorrains, ont accompli une oeuvre extraordinaire, au prix de quels efforts persévérants, de quelles sérieuses difficultés, devant des entraves sans cesse, renouvelées, des chinoiseries de bureaux, des circulaires qui se chevauchaient en se contredisant, et surtout avec quels payements : ces bons en papier, ces obligations décennales ou sexennales, qui peuvent entrer dans un portefeuille de rentier, mais ne sont pas une monnaie courante pour payer les matériaux hors de prix et régler les salaires énormes des ouvriers !

Pour se rendre un compte exact et très précis de tout ce qui a été fait pour la reconstruction des églises dévastées de Meurthe-et-Moselle, il faudrait nécessairement faire le tour du diocèse, de Cirey à Longwy, de Nomeny à Fey-en-Haye et visiter chacune des oeuvres de nos architectes et de nos entrepreneurs. Une telle randonnée est impossible à qui ne dispose pas de rapides moyens de locomotion. Jusqu'à ce jour, il nous a été donné de visiter à peine une douzaine d'églises, parmi les 378 détruites ou plus ou moins endommagées par les bombardements.
Et nous avons signalé, au fur et à mesure des travaux, les réparations exécutées dans les églises Saint-Léon, Saint-Epvre, Sacré-Coeur de Nancy, Cathédrale, Dieulouard, Varangéville, Malzéville, Essey, Mont-sur-Meurthe, Gerbéviller, etc.
Il faut donc nous contenter, pour aujourd'hui, de reproduire une partie du substantiel et si intéressant rapport de M. l'abbé Fiel, secrétaire de la coopérative, sur l'oeuvre accomplie à ce jour. C'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de nos architectes et entrepreneurs lorrains, et, à ce titre, ce rapport intéresse toute la grande famille du bâtiment.
Voici que dit le chanoine Paul Fiel :
«  La Coopérative des églises compte 101 communes adhérentes, représentant 103 édifices, dont 44 n'appelaient que des réparations peu importantes, et dans lesquelles l'exercice du culte n'a jamais cessé.
Comme dans les 275 autres du département dans le même cas, ces dernières auraient pu facilement être restaurées sous le régime des avances, avant même la constitution de la Coopérative des églises.
Par l'expérience du dossier de ces 14 nouveaux adhérents, et la lecture difficile de leurs comptes de dommages de guerre, sans regretter d'avoir cédé aux instances des autorités locales dans l'embarras, le Conseil a décidé de ne plus accepter de nouvelles demandes.
L'oeuvre de la société est, avant tout, la reconstruction des 89 églises totalement sinistrées.
Le programme général de 1924 représentait l'aménagement intérieur des églises, c'est-à-dire vitraux, autels, bancs, confessionnal, cloches, horloge, etc. A peu d'exceptions près, il est réalisé, ou tout au moins, les marchés sont en voie d'exécution.
Dans la statistique de détail, il convient de classer à part les églises de Longwy-Haut et de Nomeny, monuments historiques ; ces deux édifices ont un régime à part et, pour eux, notre bureau n'est guère qu'un organisme financier. Il nous plaît cependant de louer les architectes et les entrepreneurs qui restaurent, avec un goût parfait, le gothique pur de Nomeny et le style Vauban de Longwy-Haut.
L'église de Hussigny ne rentre pas non plus dans le cadre général. Le Conseil se félicite d'avoir activement et heureusement collaboré avec les autorités locales et les sociétés minières pour l'agrandissement de l'église. Les travaux sont en bonne voie, et nous pouvons espérer que, pour l'hiver prochain, Hussigny et Godbrange auront une église dont la dimension sera en rapport avec le chiffre de la population.
Les 86 autres églises auraient pu facilement être livrées au culte avant la fin de 1924. si la collaboration des maires, curés, architectes, entrepreneurs, artistes et fournisseurs avaient eu partout son maximum d'activité ; 64 seulement l'ont été. Pour 20 églises, on a trop différé la commande des vitraux (ce qui expose l'édifice aux dégradations), de l'autel principal et du mobilier indispensable (ce qui a retardé l'occupation de l'église).
Dans deux communes seulement, le gros oeuvre n'est pas terminé : pour l'une, je craindrais d'être en dehors de la vérité en parlant de l'activité de l'entrepreneur; pour l'autre, ni notre Conseil, ni l'entrepreneur, qui est un des maîtres du bâtiment, ne peuvent être rendus responsables du retard.
Par contre, il nous plaît de citer le cas de l'église de Morville-sur-Seille qui, après nous avoir causé bien des soucis, détient le record de la rapidité, sans préjudice aucun de la qualité. Commencée le 15 avril 1924, elle aurait pu être livrée au culte pour la Noël suivante, si la commande des verrières avait été passée à temps.
L'état général d'avancement des 103 églises confiées à notre Société s'établit donc comme suit:
Eglises réparées et dans lesquelles le culte n'a pas cessé 14
Eglises reconstruites livrées au culte 64
Eglises à rendre prochainement au culte 20
Monuments historiques (Nomeny, Longwy) 2
Eglise agrandie (Hussigny) 1
Eglises en voie de construction 2
Total 103
Le montant des indemnités accordées pour ces 103 églises (immeubles, matériel et mobilier) est de 49 millions, auxquels il convient d'ajouter environ trois millions d'indemnités achetées ou reçues en donation, soit au total 52 millions, qui représentent les intérêts engagés ou indemnités confiées à la Coopérative.
Au 31 décembre 1924, le trésorier avait payé des travaux ou des honoraires pour la somme de 39 millions; sur cette somme, 9 millions 1/2 seulement ont été versés en espèces par l'Etat ; le reste a été obtenu sous forme d'obligations décennales ou fourni par l'emprunt spécial de la Coopérative des églises de Nancy ou l'emprunt départemental.
Pour l'année 1924, pendant que l'Etat versait 0 fr. 64 en espèces, il donnait 100 francs en obligations décennales.
L'Etat se libère actuellement de la majeure partie de sa dette des dommages de guerre en obligations, dont il crédite le sinistré au taux de 97 % environ, obligations qui cotent péniblement aujourd'hui 74 % en Bourse.
Pas plus que le sinistré individuel, la Coopérative n'a le moyen d'attendre le remboursement au pair de ces obligations; et la réalisation officielle de ces valeurs représente une perte qui est aujourd'hui de 25 %. A ce taux, même avec une participation des entrepreneurs au déficit... ce serait la faillite à brève échéance.
On a déjà essayé de vendre pour deux millions de ces fameuses obligations, et l'on estime - sans garantie de l'avenir si troublé - que la perte provenant de ces obligations et des emprunts sera de quatre millions environ pour la seule Coopérative des Eglises de Meurthe-et-Moselle.

A côté de ces difficultés d'ordre financier, les autres sont de minime importance.
Instruit par les féconds résultats de la visite des chantiers, le bureau de la Coopérative a fait deux fois, en 1924, la tournée des communes adhérentes.
C'est pour la sixième fois que cette Commission a fonctionné sur place, étudiant avec, les curés, les maires, les conseils municipaux, les architectes et les entrepreneurs, ce qui nécessitait un examen ou une discussion.
Comme il l'avait fait l'année précédente à Herbéviller, à l'égard des maires et des curés, le Conseil, à l'occasion, de la bénédiction de l'église de Harbouey, le 6 novembre dernier, a rendu un hommage public aux architectes et entrepreneurs des églises dévastées ; il nous plaît de le rappeler en citant les paroles que le délégué de la Coopérative des églises adressait à l'Evêque de Nancy : «  Il y aura tantôt un an, tout près d'ici, en pareille circonstance, le Conseil d'administration de la Coopérative des églises réjouissait votre coeur paternel en soulignant les efforts héroïques et les mérites incomparables des curés des églises sinistrées. Vous n'avez pas ménagé les éloges à ces vaillants, dont plusieurs ont déjà livré au culte jusqu'à trois et quatre églises neuves. Collaborateurs précieux de la Coopérative, ils ont été ses agents de liaison auprès des municipalités dont nous tenons notre mandat de gestion; et dans cette action étroitement conjuguée des autorités locales, religieuse et civile, notre Conseil d'administration a trouvé une autorité féconde en résultats.
Le moment semble venu d'associer à cet état-major des mairies et des presbytères, les reconstructeurs eux-mêmes, sans lesquels les préliminaires, si brillants soient-ils, n'auraient pas donné la moindre réalisation.
Les architectes ont fort bien accepté les instances, parfois importunes, toujours tenaces, du délégué de la Coopérative des églises, qui les pressait d'étudier un projet et d'établir des devis, afin de soumettre le dossier au Comité des bâtiments civils et d'obtenir, en temps utile, la fixation de l'indemnité par la commission cantonale.

La plupart ont suivi, avec une passion d'artiste, la naissance et le développement de leur oeuvre. L'opiniâtreté avec laquelle certains ont défendu les moindres détails de leur projet, serait un sujet d'admiration, si, en se dérobant à toute solution d'économie, elle n'avait rendu difficile l'aménagement des crédits et créé de réels embarras financiers. L'architecte, qui a su joindre à la conscience et au talent professionnels des qualités d'administrateur prudent, a obtenu des maires et des curés un large crédit d'autorité. Il a pu ainsi faire des suggestions opportunes pour l'étude de l'ameublement, écarter les fabricants en série et conseiller un choix distingué d'artistes.
Jusqu'alors, nous avons parlé discrètement des entrepreneurs ; il eût été prématuré de les louer avant le plein achèvement de leurs travaux.
Au soir de cette fête grandiose, qui sera, cette année, l'une des dernières solennités permises par la température, nous sommes autorisés à formuler un jugement d'ensemble ; c'est un tableau d'honneur de la reconstruction des églises.
Les pierres elles-mêmes de nos églises diront la valeur professionnelle des entrepreneurs, la qualité des matériaux, le soin de les préparer, la consciencieuse exécution des projets, et le souci désintéressé de faire des édifices dignes de leur noble destination.
Nous avions la pleine notion du gros effort demandé aux entrepreneurs par la substitution d'une convention à forfait au marché à la série dont les entreprises auraient parfois côtoyé la catastrophe. Ils sont entrés complètement dans nos vues, envisageant généreusement de ne trouver dans la construction de l'église d'autre profit que la satisfaction morale d'avoir couronné la reconstruction du village par un édifice qui leur fait grand honneur. Tout en construisant bien, ils ont fait vite. »

Telle est la partie substantielle de ce remarquable rapport de M. l'abbé Fiel, qui s'est dévoué de toute son âme à cette oeuvre si belle de la reconstruction de nos églises et de nos villages en ruines, en commençant par Ancerviller, son pays natal.
La rédaction de L'Immeuble n'oublie pas que la seule invitation qu'elle ait jamais reçue depuis trois ans, d'assister à une inauguration d'église ou de village, lui est venue d'Ancerviller et de M. l'abbé Fiel. Nous l'en remercions de tout coeur et nous l'aurions acceptée avec plaisir, si cette localité n'eût pas été si éloignée de Nancy.
Quoi qu'il en soit, on voit par les données ci-dessus, que l'achèvement de nos églises mutilées est en très bonne voie.
Sur 378 églises plus ou moins dévastées, 275 ont vu se continuer le culte, quand même; 103 seulement ont fait appel à la Coopérative. On a vu par le tableau ci-dessus que déjà 64 églises neuves ont été livrées au culte au cours de brillantes cérémonies d'inauguration.
D'ici quelques semaines ou quelques mois, en tout cas en cette année 1925, 20 autres vont suivre en vingt villages différents.
L'oeuvre sera donc terminée pour la fin de l'année, ou bien peu s'en faudra.
Il ne restera plus que les églises historiques de Longwy-Haut et de Nomeny, qui sont entre les mains de l'excellent architecte des Monuments -historiques, M. Paul Charbonnier. C'est dire en quelle beauté elles apparaîtront toutes les deux, peut-être avant deux ans.
Une grande blessée de guerre... d'une guerre terrible d'autrefois... est restée en dehors de ces travaux, de ces réparations nécessaires. Et pourtant elle y a droit autant, sinon plus, que toutes nos autres églises dévastées.
Il s'agit de la grande église lorraine de Saint-Nicolas de Port, pillée, incendiée et dévastée le 11 novembre 1635 par les troupes coalisées des Français, des Croates et des Suédois. Est-ce que la ville de Saint-Nicolas, brûlée et saccagée elle aussi, avec plus de 250 habitants tués, ne serait pas en droit de réclamer des dommages de guerre, pour elle et sa merveilleuse église ? Cette «  basilique », comme on dit faussement, s'en va par pièces et par morceaux... les tours s'effritent, avec des escaliers en ruines, des voûtes effondrées, des baies calfeutrées et privées de meneaux. Il y aurait bien pour quelques millions de travaux à exécuter dans ce temple national des Lorrains.
Pourquoi - ses 103 églises terminées - la Coopérative des églises ne s'intéresserait-elle pas à notre splendide église de Saint-Nicolas de Port ? C'est mon voeu le plus cher... et il y a là un beau travail de longue haleine pour un architecte de valeur et un entrepreneur dévoué.
Et ce serait le plus beau couronnement de l'oeuvre de la Coopérative de nos églises dévastées au cher pays lorrain !

E..B.


 

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