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Les crimes allemands d'après des témoignages allemands

par JOSEPH BÉDIER, Professeur au Collège de France
1915


Les crimes allemands d'après des témoignages allemands
LIBRAIRIE ARMAND COLIN - 1915

Le hasard donc amène d'abord sous ma main le carnet d'un soldat de la Garde prussienne, le Gefreite Paul Spielmann (1. Kompagnie, Ersatz -Bataillon, 1. Garde-Infanterie-Brigade).
Il raconte une alerte de nuit survenue à l'improviste, le 1er septembre, dans un village près de Blamont. A l'appel des clairons, la Garde se réveille, massacre (Fig. 1 et 2) :


Fig.1


Fig.2

«  Les habitants ont fui par le village. Ce fut horrible. Du sang est collé contre toutes les maisons; et, quant aux visages des morts, ils étaient hideux. On les a enterrés tous aussitôt, au nombre de soixante. Parmi eux, beaucoup de vieilles femmes, des vieux et une femme enceinte, le tout affreux à voir, et trois enfants qui s'étaient serrés les uns contre les autres et sont morts ainsi. L'autel et les voûtes de l'église sont effondrés. C'est qu'on avait le téléphone avec l'ennemi. Et, ce matin, 2 septembre, tous les survivants ont été expulsés, et j'ai vu quatre petits garçons emporter sur deux bâtons un berceau où était un enfant de cinq à six mois. Tout cela est affreux à regarder. Coup pour coup ! Tonnerre contre tonnerre ! Tout est livré au pillage... Et j'ai vu aussi une maman avec ses deux petits : et l'un avait une grande blessure à la tête et un oeil crevé. » (1)

Juste répression, dit ce soldat : «  on avait le téléphone avec l'ennemi ». Rappelons qu'aux termes de l'article 50 de la Convention de La Haye de 1907, signée, au nom de S. M. l'Empereur d'Allemagne, par un gentilhomme, le baron Marschall von Bieberstein, «  aucune peine collective, pécuniaire ou autre, ne pourra être édictée contre les populations à raison de faits individuels dont elles ne pourraient être considérées comme solidairement responsables. » Quel tribunal, en cette nuit atroce, a pris la peine d'établir une telle solidarité ?

1. «  [Die Einwohner sind geflüchtet im Dorf. Da sa es] gräulich aus. Das Blut glebt an alle Baute, und was sa man für Gesichter, grässlich sa alles aus. Es wurde sofort sämtliche Tote, die Zahl 60, sofort beerdigt. Fiele alte Frauen, Väter, und eine Frau, welche in Entbindung stand, grauenhaft alles anzusehen. 3 Kinder hatten sich zusammengefast und sind gestorbe. Altar und Decken sind eingestürtzt. Hatte auch Telefon-Verbindung mit dem Feind. Und heut morgen, den 2. 9., da wurden sämtliche Einwohner hinausgetrieben, so sah ich auch 4 Knaben, die eine Wiege trugen auf 2 Stabe mit einem kleinen Kinde 5-6 Monat alt. Schrecklich alles mitanzusehen. Schuss auf Schuss! Donner auf Donner! Alles wird geplündert... (Au verso :) Mutter mit ihren beiden Kinder, der eine hatte eine grosse Wunde am Kopf und ein Auge verloren. »


Comment l'Allemagne essaye de justifier ses crimes
par Joseph.Bédier, 1915

MASSACRE DANS UN VILLAGE PRÈS DE BLAMONT

J'ai donné dans ma précédente brochure (p. 7-8) l'extrait que voici d'un carnet allemand :
«  Les habitants ont fui par le village. Ce fut horrible. Du sang est collé contre toutes les maisons; et quant aux visages des morts, ils étaient hideux. On les a enterrés tous aussitôt, au nombre de soixante. Parmi eux, beaucoup de vieilles femmes, des vieux et une femme enceinte, le tout horrible à; voir, et trois enfants qui s'étaient serrés les uns contre les autres et sont morts ainsi. L'autel et les voûtes de l'église sont effondrés. C'est qu'on avait le téléphone avec l'ennemi. Et ce matin, 2 septembre, tous les habitants ont été expulsés, et j'ai vu quatre petits garçons emporter sur deux bâtons un berceau où était un enfant de cinq à six mois. Tout cela est affreux à regarder. Coup pour coup! Tonnerre contre tonnerre ! Tout est livré au pillage... (Au verso :) Et j'ai vu aussi une mère avec ses deux enfants: et l'un avait une grande blessure à la tête et un oeil crevé (1). »

Que me reproche la Gazette de l'Allemagne du Nord dans la transcription et dans la traduction de ce passage ? Rien.

Rien que mes points de suspension après les mots « Tout est livré au pillage...», « Alles wird geplündert... ». Les quatre mots qui suivent sont difficiles à lire, comme chacun peut le constater sur le fac-similé ci-contre (Fig. A, dernière ligne); je n'avais pas réussi à les déchiffrer, et c'est tout ce que voulaient dire mes points de suspension.


Fig.A

Mais la Gazette de l'Allemagne du Nord, qui a trouvé la vraie lecture («  Hü[h]ner alles ward abges[chlach]let », «  la volaille et le reste a été immolé »), estime que j'ai «  escamoté cette fin de phrase, parce que j'aurais risqué de manifester le caractère innocent de ce pillage de poulets et de comestibles (2) ».

La Gazette a-t-elle par contre communiqué à ses lecteurs le passage entier ? Leur a-t-elle montré les cadavres des vieilles femmes, des vieux massacrés, et le cadavre de la femme enceinte? Elle s'en est bien gardée : elle ne leur a montré que les poulets immolés.

Par ce premier exemple, chacun voit à plein la méthode. A propos de documents qui témoignent de crimes infâmes, soulever aussi souvent que possible quelque ridicule chicane philologique et passer les crimes sous silence : d'un bout à l'autre ce sera la même tactique. Pour en reconnaître le caractère de dissimulation humiliée - qui est par lui-même un aveu, - il n'est pas besoin, en vérité, de savoir l'allemand : du bon sens et de la bonne foi suffiront.
[...]
Je soumets aussi à la Gazette de l'Allemagne du Nord ces trois lignes prises au carnet du lieutenant Y..., du 13e régiment d'artillerie à pied (de Hohenzollern) :
«  24 août. Blamont. Le village a été pillé de fond en comble, et ceux qui y ont cantonné - des Bavarois, je pense - s'y sont conduits en Vandales (3). »

1. «  [DieEinwohner sind geflüchtet im Dorf. Da sa es] gräulich aus. Das Bhut glebt an alle Baute, und was sa man für Gesichter, grässlich sa alles aus. Es wurde sofort samtliche Tote, die Zahl 60, sofortbeerdigt.. Fiele alte Frauen, Väter, und eine Frau, welche in Entbindung stand, grauenhaft alles anzusehen. 3 Kinder hatten sich zusammengefast und sind gestorbe. Altar und Decken sind eingestürtzt. Hatte auch Telefon-Verbindung mit dem Feind. Und heut morgen, den 2. 9., da wurden samtliche Einwohner hinausgetrieben, so sah ich auch 4 Knaben, die eine Wiege trugen auf 2 Stabe mit einem-kleinen Kinde 5-6 Monat alt. Schrecklich alles mitanzusehen. Schuss auf Schuss! Donner auf Donner ! Alles wird geplündert... (Au verso:) Mutter mit ihren beiden Kinder, der eine hatte eine grosse Wunde am Kopf und ein Auge verloren. »

2. Bédier unterschlägt den Rest des Satzes, weil er den harmlosen Charakter dieser Hühner- und Esswaren- «  Plünderung » offenbaren kônnte. » (Article de la Gazette).

3. «  24. Aug. Das Dorf war vollständig ausgeplündert, und wie die Vandalen hatte die Einquartierung - ich vermute die Baiern - gehaust. ».

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