Mémoires de la Société d'archéologie lorraine - 1897
HISTOIRE DE L'ABBAYE DE SAINT-SAUVEUR ET DE DOMEVRE 1010-1789
Par M. l'abbé CHATTON
TROISIÈME PARTIE
L'abbaye de Saint-Sauveur à Domèvre jusqu'à la réforme de saint Pierre Fourier (1569-1625)
CHAPITRE PREMIER
TRANSLATION DE L'ABBAYE DE SAINT-SAUVEUR A DOMEVRE ET VICISSITUDES DU NOUVEAU MONASTÈRE
(1569-1625)
SOMMAIRE : I. Motifs et difficultés de la translation de l'abbaye de Saint-Sauveur à Domèvre. II. Les religieux de Saint-Sauveur possédaient déjà un prieuré à Domèvre. - III. Antiquité du village de Domèvre. - IV. Construction de la nouvelle abbaye. - V. Incendie de 1587 par l'armée du duc de Bouillon. - VI. Destruction totale du village de Barbezieux:, dépendant de l'abbaye. - VII. Travaux de restauration.
I. Nous avons vu que les Chanoines réguliers de Saint-Sauveur, déjà si souvent éprouvés, furent dans une profonde consternation en voyant leur couvent saccagé de nouveau, en 1568 et 1569, par les calvinistes, qui ne dévastèrent pas moins notre pays qu'autrefois les Huns et les Vandales. Il fallait que le désarroi des religieux fût grand pour qu'ils consentissent à déserter le séjour agréable des montagnes ; il fallait que le désespoir d'y trouver la tranquillité ftit bien fort pour qu'ils entreprissent d'affronter les difficultés diplomatiques et les ennuis de plus d'un genre qu'occasionne un changement de résidence. Toutes choses mûrement pesées, l'abbé Nicolas Malriat, sans doute avec l'assentiment de son chapitre et d'après le conseil d'hommes prudents et expérimentés, fit des démarches près du Saint-Siège, à l'évêché de Toul et à la Cour de Lorraine, pour réaliser le projet d'une translation. Il convenait de ne pas trop s'éloigner de l'ancienne habitation, autour de laquelle étaient groupés beaucoup de biens-fonds de l'abbaye et la plupart des paroisses administrées par ses religieux. Il fallait aussi éviter la paisible solitude du désert autrefois préférée par les anciens fondateurs, parce que cet éloignement des grandes communications facilitait un coup de main des bandes armées en rendant impossible tout appel de secours.
Domèvre-sur-Vezouze semblait offrir les conditions les plus avantageuses. Ce village, en effet, était à une distance modérée (1) ; les abbés de Saint-Sauveur y étaient seigneurs temporels-et spirituels; ils y étaient protégés par le voisinage de la forteresse de Blâmont enfin il y avait déjà à Domèvre, sur les terres de l'abbaye, un prieuré avec chapelle capable d'offrir, aux religieux dépouillés, un asile provisoire suffisant, jusqu'à ce qu'on pût élever un édifice plus confortable et plus grandiose. Bien plus, un chanoine y était déjà à demeure, peut-être depuis longtemps, pour y célébrer tous les jours la sainte Messe et même l'abbé y faisait souvent sa résidence pour surveiller de plus près l'exploitation du domaine qui alimentait la table de sa famille religieuse. Le
territoire de Saint-Sauveur, en effet, plus riche en forêts de sapins qu'en sillons où germe le froment, était trop inculte et trop ingrat pour suffire à l'entretien de la population du village et du
cloître. L'abbé faisait expédier de sa cour de Domèvre tous les approvisionnements nécessaires, et ce souci matériel de sa charge le tenait trop souvent éloigné de ceux dont il était le père spirituel pour que cette absence ne fùt pas préjudiciable à l'observation de la règle (2). Cet ensemble de circonstances était décisif en faveur de Domèvre. Il y avait cependant une difficulté : c'est que le prieuré, qu'on avait déjà balti sur la rive droite de la Vezouze, était situé dans le diocèse de Metz, et que l'évêque de Toul, Pierre du Châtelet, n'entendait pas laisser ses religieux s'établir hors des terres de sa juridiction. Il parait qu'on ne pouvait passer outre cette opposition.
Il fallut recourir à la condescendance de l'évêque de Metz et le prier de renoncer aux prétentions qu'il pouvait avoir sur une abbaye transférée dans son diocèse.
Le titulaire de Metz était alors le cardinal de Guise. Dans une requête à lui adressée et datée du 3 décembre 1569, l'abbé Malriat expose toutes les bonnes raisons qu'il a de quitter cette terre hantée par le malheur; il lui rappelle que le feu et le pillage ont fait de l'ancien couvent un tel monceau de décombres, que l'on aurait peine d'y reconnaître les vestiges d'une maison religieuse; il lui fait aussi observer que le transport des matériaux à Saint-Sauveur serait beaucoup plus coùteux à cause des chemins abrupts, et qu'enfin une réédification dans de telles conditions serait de beaucoup au-dessus de ses ressources disponibles.
Il supplie donc « Sa Seigneurerie illustrissime de donner son adhésion, en ce qui le concerne, à une autorisation déjà obligeamment promise par le pape, par le duc de Lorraine et par sa mère la duchesse, douairière du comté de Blâmont ; il le prie de permettre que le monastère qu'on a l'intention de bàtir à Domèvre « demeure dans le mesme estat pour la connaissance du diocésain » qu'il était auparavant, quand il était encore debout sur la colline de Saint-Sauveur. Nous ne possédons pas la réponse du cardinal : vraisemblablement il fit de l'opposition, car les négociations n'étaient pas encore terminées au mois de juin 1571. A cette date, en effet (12 juin), l'évêque de Toul écrit de Sorcy à l'abbé Malriat qu'il a reçu ses instances relatives à l'affaire de Domèvre ; il lui déclare qu'il est tout dévoué à son Ordre, qu'il désire lui donner des marques de sa bienveillance et de sa protection, mais qu'il ne peut consentir à une translation qui doit avoir pour résultat d'enlever une abbaye à son diocèse et de préjudicier à sa juridiction épiscopale. Il ajoute que tel est aussi l'avis de son conseil (3).
Cependant les difficultés s'aplanirent ; les voeux des suppliants furent trouvés justes et agréés, et ce fut l'évêque de Metz qui fit toutes les concessions ; mais nous ne savons s'il les fit de plein gré ou s'il fut obligé d'y acquiescer par ordre de Rome. Une note que nous trouvons dans les mémoires de l'abbaye donne à penser que les religieux étaient déjà installés à la Petite-Domèvre depuis plusieurs années alors que la question de juridiction était encore pendante entre l'évêque de Toul et celui de Metz ; d'après cette note, Grégoire XIIl aurait usé de son autorité suprême pour imposer ses volontés et faire exécuter les bulles précédemment accordées (4). Nous croyons que l'abbé de Saint-Sauveur était allé en personne (5) solliciter ces bulles près du pape Pie V, afin de mieux exposer la situation lamentable de sa communauté et plaider avec plus de chaleur la cause du changement de résidence.
La Cour de Lorraine parait n'avoir apporté aucun obstacle aux projets de l'abbé Malriat ; les lettres accordées par Charles III sont datées de Lunéville, le 14 mai 1570 (6). Elles portent « Scavoir faisons que Nous. les choses que dessus considérées, avons, pour nous et nos successeurs ducs, permis et permettons audit damp Nicolas Malriat de pouvoir transférer et transporter icelle dudit lieu de Saint-Sauveur en Vosges au dit prieuré de Domèvre et illecques faire bastir et édiffier de telle grandeur et étendue que bon lui semblera, ensemble dortoir, chambres et autres logis qu'il verra et connoitra estre plus commodes pour habiter et contenir sesdits religieux et personnes nécessaires à leur service et ministère. Et pour ce faire, avons octroyé et octroyons audit abbé, qu'il puisse s'accommoder du chemin public passant auprès de la petite chapelle dudit prieuré, à condition toutefois qu'il fera incontinent redresser un autre grand chemin par dessus sa vigne.
...(7) »
II. Les autorisations nécessaires étant obtenues ou promises, on se mit à l'oeuvre avec activité pour agrandir les bâtiments du prieuré de Domèvre. Ce prieuré, dit de Saint-Remy, avait été construit de bonne heure, mais à une époque inconnue, sur la rive droite de la Vezouze. Il y avait beaucoup de ces prieurés en Lorraine aux XIIe et XIIIe siècles. On sait qu'à l'origine (8) c'étaient de simples fermes établies pour l'exploitation des terres appartenant à l'abbaye. Peu à peu ces maisons rurales, appelées quelquefois
granges ou celles, grandirent en importance et furent habitées par une petite communauté religieuse.
Nous n'avons aucun document relatant la fondation du prieuré de Saint-Remy à Domèvre; nous savons seulement qu'en 1526 il avait déjà une grande extension, car dans les lettres du duc Antoine, datées de cette année, nous y lisons que l'abbé de Saint-Sauveur peut prendre dans la forêt de Benabois tout ce qui lui est nécessaire pour l'entretien de sa maison de Domèvre, de son moulin battant et de ses usines (9) ; que les banwards ou forestiers, quand ils surprennent des délinquants, doivent les conduire dans la maison de l'abbé, à Domèvre, pour les contraindre à payer les amendes, selon qu'il est d'ancienneté accoustmé. Cette dernière expression semble indiquer que cet usage d'amener les contrevenants à Domèvre existait depuis longtemps, et que, par conséquent, les abbés de Saint-Sauveur y avaient élevé de bonne heure des constructions. Il est certain, en tous cas, qu'au XIVe siècle ils y faisaient déjà une résidence habituelle, puisque dans une charte de l'an 1400 nous trouvons cette clause finale « Datum in curia nostra de Domapro in domo solitae nostrae residentiae, anno dominicae Incarnationis MCCCC. (10). »
III. - Quant au village de Domèvre, il existait certainement au Xe siècle, puisque, au commencement du onzième, en l'an 1010, Berthold, en fondant Saint-Sauveur, légua à cette abbaye la terre de Domèvre avec les hommes qui l'exploitaient « Quod quidem monasterium ex suo proprio dotavit patrimonio, videlicet villa cum hominibus de Domno Apro (11). » Nous pouvons même assurer que cette villa était déjà établie au IXe siècle (12), car Dreux ou Drogon, qui occupait le siège de Toul dès 905, acquit déjà d'un certain chevalier nommé Sigebert la moitié de l'église de Domèvre (13). D'ailleurs, les noms de lieux d'origine chrétienne commençant par la qualification domnus ou domna passent pour les plus anciens de ceux qui sont dus à l'influence de l'évangélisation des peuples (14). Mais si haut qu'on veuille faire remonter l'origine de Domèvre, on ne peut la reporter au delà du VIe siècle, puisque le pieux évêque auquel ce village emprunta son nom (quoique qualifié saint quelques années après sa mort) (15) trépassa seulement vers 507, d'après le calcul des historiens. Toutefois nous n'oserions affirmer que cette localité n'a pu exister à une époque antérieure sous une autre dénomination : la religion chrétienne, qui a parfois approprié à son culte de vieux temples païens, a pu aussi, en baptisant les populations, donner une consécration aux lieux qu'elles habitaient, en substituant aux noms profanes des noms en harmonie avec leur nouvelle croyance. Cette transformation, provoquée par, la foi récemment établie, est peut-être la raison pour laquelle les plus versés dans les lois de la phonétique ne peuvent identifier certains noms topographiques que l'on rencontre dans les plus anciennes chroniques (16).
Domèvre, qui compte aujourd'hui 750 habitants, et qui, il y a 50 ans, en comptait près de 1200, a toujours figuré parmi les villages les plus populeux de la contrée. A l'époque où nous allons étudier son histoire, c'est-à-dire vers 1570, il devait être un peu moins considérable que maintenant, car d'après un état dressé en 1572 pour le paiement de l'aide générale, on voit que le nombre des conduits montait à 77, sans compter le maire, Jean de Neufviller, qui était exempt d'impôts, et les deux pâtres (17). Comme la moyenne des conduits ou ménages était beaucoup plus élevée que de nos jours, et qu'elle représentait au moins cinq ou six personnes, on peut évaluer à 400 environ la population d'alors. La seigneurie de ce village, qui avait appartenu, au Xe, siècle, à Hildernan, puis à Balfride et à Renaud, puis aux religieux de Saint-Maximin de Trèves, puis à Berthold, évêque de Toul, puis à l'abbaye de Saint-Sauveur, avait conservé jusqu'au XVIe siècle des liens de dépendance vis-à-vis des évêques de Metz, puisqu'en l'an 1595 Raoul de Coucy l'engagea au duc Charles III (18).
IV. - Quoi que l'on puisse penser de l'ampleur du village de Domèvre à cette époque et de l'ancienneté de son prieuré, la communauté des chanoines, spoliée et violemment expulsée de sa résidence quatre fois séculaire, fut heureuse de trouver ce refuge si opportun et d'y improviser une installation. Malgré les compétitions persistantes des évêques de Toul et de Metz, on se mit aussitôt à l'oeuvre pour l'aménagement de la maison, car on espérait vaincre les difficultés diplomatiques, et personne n'avait le goùt de retourner sur cette montagne stérile si souvent visitée par le malheur. Les chroniques sont très sobres de détails sur le genre de travaux qui furent entrepris pour l'agrandissement du prieuré. Le P. Gilles Drouin dit simplement dans ses Mémoires (19) « L'abbé de ce temps-là se voyant dans l'impuissance de remettre les bastiments (de Saint-Sauveur), avec le consentement de ses religieux quitta cette demeure et s'en allèrent tous au lieu de Domepvre, proche de Blâmont, qui était un lieu de leur juridiction, et là dressèrent avec beaucoup d'espargne et de peine les bastiments qu'on y veoit à présent ». La note du rédacteur qui écrivit un petit mémoire pour le P. Hugo d'Étival (20) est un peu plus explicite « La translation de l'abbaye de Saint-Sauveur, dit-il, se fit donc à Domèvre en 1569 par bulles du pape Pie V, qui confirme (à l'abbé) son droit de crosse et de mitre avec sa juridiction quasi-épiscopale sur ceux qui en dépendent et par lettres patentes du grand duc Charles de la même année (21). Cette entreprise fut une grande dépense pour cet abbé et les religieux : ils bâtirent à neuf une assez grande église avec sacristie et grand clocher, un cloître pour les religieux et une maison à part pour les étrangers et l'abbé quand ils voudraient y demeurer (22), et tout cela, fut achevé en moins de six ou sept années; aussi le nombre des membres de la communauté était-il réduit à sept ou huit, outre les vicaires et chanoines réguliers répandus dans les paroisses de l'abbaye. » Nous ne sommes pas étonnés d'apprendre du P. Gilles Drouin que les finances de l'abbaye étaient dans un piteux état et qu'on eut bien de la peine à faire les frais de modestes constructions. Avec des revenus aussi ordinaires, et après avoir supporté le désastre de trois incendies et pillages dans l'espace d'un siècle, quelle administration eût pu réaliser des économies ? Sans doute que cette fois encore il fallut tendre une main suppliante aux fidèles charitables de la contrée. Le grand duc Charles III, pour sa part, ordonna par deux fois à son trésorier général de faire parvenir la somme de 1240 fr. pour aider les pauvres religieux à réédifier le couvent (23).
En 1573, le gros oeuvre n'était point encore terminé, car, dans une requête que les religieux adressent au duc de Lorraine, ils lui exposent qu'ils ont été injustement taxés pour le don gratuit à lui oflert par le clergé, et ils se plaignent de la dijreté des officiers chargés de la répartition de cette dette. Ils n'ont eu, disent-ils, « aulcun égard aux ruines, pertes et dommages d'assés fresche mémoire encourus par lesdits remontrans, ny aux grandes charges qu'ils suportent au notable bastiment et édiffication de leur nouvelle esglise et monastère (24) ». - Nous conjecturons que les travaux commencés furent achevés en 1576, mais nous n'avons aucune idée de l'aspect des bâtiments d'alors, de leur disposition et de leur étendue. Ils ont trop peu duré pour qu'on ait eu le temps de nous en dire quelque chose de précis. Les chanoines, en effet, n'étaient pas au terme de leurs épreuves.
V. - La guerre civile entre catholiques et protestants, qui ensanglanta si longtemps le sol de la France (1562-1598) et qui avait déjà été cause de la ruine de Saint-Sauveur en 1568-1569, continuait avec le même acharnement. Les traités de paix qui se concluaient par intervalles n'étouffaient point la haine et l'ambition dans les coeurs; presqu'aussitôt on reprenait les armes. Les deux partis rivaux étaient si passionnés l'un contre l'autre, qu'abjurant tout sentiment de patriotisme, ils n'avaient point honte d'appeler les étrangers à leur secours. Les catholiques s'allièrent à Philippe II, roi d'Espagne, et les protestants sollicitèrent l'appui de leurs coreligionnaires d'Allemagne. La Lorraine, située entre la France et le pays d'Outre-Rhin, servait de grand chemin de communication et était sans cesse piétinée par ces bandes avides de rapines et de destructions. L'année 1587 fut particulièrement calamiteuse pour notre pays. Le fameux duc de Bouillon, Guillaume de la Marck, à la tète de 40,000 reîtres, répandit partout sur son passage la terreur et la dévastation. Entre autres, deux abbayes de Chanoines réguliers furent incendiées par ses ordres. Celle de Belchamp, près Brémoncourt, malgré l'énorme tour carrée qui la protégeait depuis 1399, ne put échapper à la férocité des sectaires et fut livrée aux flammes avec la plupart de ses vieux titres en parchemin.
Domèvre eut le même sort. La tour de l'église s'effondra (25), les cinq cloches, qui pesaient 7 à 8.000 livres, furent fondues par l'ardeur du feu ; l'orgue, qui coûtait près de 2.000 fr. fut consumé la façade du monastère, le cloître, les granges, les bergeries et les étables furent perdus ; le bétail fut saisi et emmené; plus de 600 resaux de blé, valant 12 fr. l'un, plus de 120 voitures de foin, tout le mobilier, toutes les provisions devinrent la proie des flammes. Les bâtiments, pour être rétablis dans l'état où ils étaient, ne devaient pas coûter moins de 30.000 fr. Parmi les meubles qui disparurent, il y en avait, paraît-il, qui avaient une certaine valeur mais la perte que nous déplorons le plus, ce fut celle des archives et de la bibliothèque de la maison. Le mémoire qui nous rapporte ces détails du sinistre (26) nous assure qu'il y avait des écritures de grande conséquence, des chartes et des livres,, et que pour y suppléer, il faudrait dépenser plus de 15.000 fr. Le dommage total était estimé à plus de 54.000 livres, somme très considérable pour cette époque. Les soldats avaient tellement la rage de la destruction, qu'ils n'épargnaient pas même les étangs ils creusaient de longs fossés à travers la chaussée, rompaient les appareils de consolidation, brûlaient les loges et commettaient le plus de dégâts qu'ils pouvaient afin de nuire aux partisans du culte catholique. L'étang d'Albe, qui appartenait aux religieux, et celui de Vilvacourt furent particulièrement maltraités (27). Ce fut le 3 septembre 1587, dit un mémoire manuscrit (28), que l'abbaye de Domèvre fut visitée par l'armée du duc de Bouillon, qui passait avec 40.000 hommes, et ce fut le capitaine Jean de Guitry qui ordonna d'y mettre le feu (29).
VI. - La même année, grâce au même génie de destruction qui animait cette armée, disparut pour toujours, enseveli sous ses décombres, un petit village situé près de Domèvre. Il était assis sur les bords d'un ruisseau qui passe à Barbas et aux environs de l'endroit où la route nationale traverse maintenant ce petit affluent de la Vezouze appelé Vacon.
Barbezieux (c'était son nom) ne fut jamais un village considérable on le regardait plutôt comme un écart de Domèvre. Cependant nous voyons qu'en 1379 (30) il avait déjà une église si ancienne qu'elle tombait en ruines ; il formait déjà une communauté et avait ses prud'hommes pour soutenir ses intérêts ; en 1281, il avait aussi son moulin, celui de Harmont-sur-Vezouze, car, cette année-lu, ce moulin fut donné à l'abbaye de Saint-Sauveur par Stevenins, dit Gérondar de Barbaix, et Cunégonde, sa femme, avec le consentement de Lambelin et Simonin, ses frères (31). Au point de vue féodal, les habitants de Barbezieux étaient soumis aux mêmes obligations que ceux de Domèvre, et il parait même que le corps des justiciers était commun aux uns et aux autres. Nous ne connaissons aucun détail sur la destruction de cette localité nous savons seulement qu'elle fut aussi incendiée par les soldats du duc de Bouillon en 1587 et qu'elle ne se releva jamais de ses cendres (32). Après sa disparition, son territoire fut annexé à celui de Domèvre, et on connaît encore la dénomination des différents cantons qui le composaient. Qu'on nous permette de les citer comme inscription funèbre et monument commémoratif d'une communauté enterrée en cet endroit : Au delà du Pont - Le grand Dourion - La Grande Haye - Devant l'ancien village de Barbezieux - Sur le chemin de Baccarat - Devant la Haute-Borne - Sur le chemin de Blâmont, des Anglisses (33) - Devant le Noir-Bois - Sur Harmont - Val de Barbezieux - A la Croix de pierre - Au- dessus et au-dessous de la tour de Barbezieux - Derrière Trion - Sur le chemin du bois de Trion - Dessous les haies Poirat A la Fontaine de la Quarre - Vatiprey (34).
Toutes ces parcelles réunies n'avaient guère qu'une demi-lieue de longueur et un quart de lieue de largeur.
VII. - L'abbaye de Domèvre, saccagée et presque complètement renversée, demeura encore longtemps dans cet état de délabrement. On avait déjà passé par tant d'épreuves, on traversait des temps si malheureux, l'horizon était encore si menaçant, le peuple, toujours compatissant et charitable, était si pauvre ! Comment eût-on osé s'engager précipitamment dans les énormes dépenses d'une reconstruction ? La guerre, avec toutes ses horreurs, continua encore pendant de longues années, et la peste, avec ses surprises et ses deuils, vint encore augmenter la désolation du premier fléau. Nous apprenons qu'en 1597 la misère était si générale dans le pays d'alentour, que Charles III autorisa l'établissement d'une gabelle à Blâmont pour créer à cette ville quelques menues ressources ; il dut accorder aussi une réduction aux gens de Chazelles pour l'aide ordinaire de la Saint-Remy, parce que le village avait été brûlé au passage de l'armée conduite par le cardinal André, archiduc d'Autriche (35). Tous les villages environnants avaient été rançonnés pour fournir les approvisionnements des gens de guerre (36).
A partir de 1598, après l'apaisement des luttes religieuses, on goûta un peu de repos et on en profita sans doute pour mener à mieux les travaux de restauration commencés par l'abbé Sébastien Malriat (37).
CHAPITRE II
LES ABBÉS DE DOMÈVRE DEPUIS LA RUINE DE SAINT-SAUVEUR JUSQU'A LA RÉFORME DE SAINT PIERRE FOURIER
(1569-1625)
SOMMAIRE: Trois frères du nom de Malriat deviennent successivement abbés de Domèvre. - Le premier surtout est un homme fort intelligent et actif. - Souffle d'indépendance qui porte les sujets de l'abbaye à contester opiniâtrement les droits de leurs supérieurs temporels.
Nicolas Malriat ou Mariat (1552-1504). - Presque aussitôt après la mort de Jean Jacquot, les chanoines de Saint-Sauveur, craignant qu'une longue vacance ne fût préjudiciable à leur monastère, s'assemblèrent capitulairement au son de la cloche pour élire un successeur à l'abbé défunt. Le prieur claustral, Nicolas Malriat, emporta l'unanimité des suffrages. Aussitôt les religieux adressèrent une lettre à l'évêque de Toul pour le prier de faire usage de son autorité d'Ordinaire en confirmant cette élection. L'acte de confirmation, daté de Nancy le 15 novembre 1552, fut donné par Sébastien Mangin, vicaire général de Toussaint d'Hocédy. Dans cet acte on fait l'éloge de l'élu en le présentant comme un homme prudent, distingué, savant, lettré et recommandable par ses vertus : « virum utique providum et discretum, litteraturâ, scientiâ, vitâ, moribus, et honestis artibus commendatum, in sacerdotio et aetate legitima constitutum, in et ex legitimo matrimonio procreatum, in spiritualibus et temporalibus plurimum circumspectum (38). »
Le mandat de cet abbé fut un des plus malaisés à remplir et des moins épargnés par le malheur. Sa tâche fut de défendre fermement les droits temporels de son abbaye constamment menacés, et de rétablir sa communauté à Domèvre après la ruine de Saint-Sauveur en 1569. Depuis longtemps les habitants de Domèvre s'enhardissaient contre l'autorité des abbés de Saint-Sauveur, leurs seigneurs temporels, et depuis longtemps ceux-ci faisaient preuve de patience. Sans doute que les idées protestantes des habitants d'Alsace, qui s'étaient révoltés contre leurs supérieurs et qui avaient pénétré dans notre pays, avaient fait impression sur beaucoup d'esprits, et les avaient disposés à l'insubordination.
Tous les mémoires écrits au milieu du XVIe siècle respirent quelque chose de la difficulté des temps. Les habitants de Domèvre étaient perpétuellement en chicane avec les officiers de l'abbé. En 1554, Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont et tuteur du jeune duc Charles III, fut obligé d'intervenir pour rappeler les mutins à l'obéissance et mettre un frein aux exigences des officiers de la vouerie.
Le 29 septembre, il donna des lettres pour mettre fin à leurs contestations au sujet des corvées, des amendes, de l'usage du Bénabois, et du profit de la rivière, etc, Il y rappelle que pendant que l'empereur avait son camp devant Metz, l'abbé avait commandé à ses sujets de Domèvre d'y charroyer des grains et autres munitions qu'on lui avait enjoint de fournir, et que ceux-ci s'y étaient refusés obstinément. Nicolas, comte de Vaudémont, décide que les habitants seront tenus désormais à trois corvées de charrois à la volonté de l'abbé; à deux corvées de charrue, l'une à la saison qu'on appelle « sommart » vers la Saint-Georges, et la seconde à la saison nommée « à remeure » vers la Saint-Jean. Il maintient à l'abbé toutes les amendes de cinq gros et au-dessous pour celles qui sont plus considérables, le surplus se partagera entre les conservateurs et la communauté. Il confirme pour le reste les dispositions énoncées dans les lettres du duc Antoine en 1526 ; enfin il consent à user de clémence cette fois et ne pas employer la rigueur envers les habitants qui ont refusé de se soumettre à l'autorité de l'abbé, leur seigneur temporel ; il les dispense de l'amende en arrêtant les poursuites, mais leur enjoint de respecter désormais ses ordres. Ces lettres furent rédigées en l'absence de Christine, la duchesse douairière, et d'après l'avis de Dominique Champenois, docteur ès-lois, seigneur de Laneuvelotte, et de Louis de La Mothe, maître des requêtes ordinaires (39).
Le feu de la lutte couvait toujours sous la cendre; environ dix ans après, la guerre était rallumée. Un jour les habitants firent gager l'abbé parce qu'il avait envoyé chercher dans le bois de Xey quelques rameaux de verdure à l'occasion de la Fête-Dieu. Celui-ci protesta en faisant valoir ses droits de seigneur foncier et de haut justicier, et aussi en prétendant que de temps immémorial il avait eu la jouissance de cette forêt. La querelle s'envenima de plus en plus, si bien que les bourgeois en vinrent à contester presque tous les droits que les abbés avaient exercés autrefois paisiblement à Domèvre. Nicolas Malriat implora le secours de son souverain pour faire respecter son autorité méprisée. Charles III avait alors la conservation ou vouerie de Domèvre comme successeur des anciens
seigneurs de Lunéville et sa mère Christine de Danemark avait la même qualité, en tant que dame douairière de Blâmont. Le duc et sa mère, à la prière de l'abbé, s'entendirent en avril 1563 pour confier à Dominique Champenois (seigneur de Laneuvelotte et président des Grands Jours de Saint-Mihiel) et à Louis de La Mothe
(maître des requêtes ordinaires), le mandat de se transporter sur les lieux, d'entendre les récriminations réciproques et d'appointer à l'amiable le différend si faire se pouvait, c'est-à-dire de déterminer et fixer la limite des droits respectifs des parties. Dans le cas d'insuccès pour les accorder, les juges délégués devaient faire un rapport à leur souverain pour qu'il en décidât suivant son bon plaisir. La tentative n'eut aucun résultat; pendant un an et demi, on continua à affirmer des droits d'un côté et à les nier passionnément de l'autre. Nicolas Malriat eut de nouveau recours à son souverain pour le supplier de donner plein pouvoir aux juges qui avaient déjà instruit l'affaire et leur permettre de terminer cette cause juridiquement et d'une façon définitive. Charles III et sa mère s'empressèrent d'être agréables au suppliant leurs lettres de commission sont datées du 4 janvier 1564 (40).
Nicolas Peltre, procureur général de Lorraine, fut adjoint aux habitants pour les aider et pour soutenir les intérêts des conservateurs de Lunéville et de Blâmont le demandeur, c'est-à-dire l'abbé, avait Dominique Colart pour conseiller, et les défendeurs étaient assistés de Cunin Boucher et d'Andreu de Malleloy. De part et d'autre on entassa des documents de toutes sortes à l'appui des prétentions qu'on voulait soutenir tous les papiers réunis ne formaient pas moins de sept volumes.
L'abbé affirmait être seigneur foncier, haut justicier, moyen et bas, sur le territoire de Domèvre avoir le privilège de créer le maire et les officiers de justice avoir le droit de créer des embannies, de jouir de la forêt de Xey autant que la communauté de Domèvre ; de présider les plaids annaux le jour qu'il voudrait avoir droit de
connaître juridiquement les actions criminelles et civiles, aussi bien que les délits de police et les mésus champêtres ; avoir droit de confiscation des biens des condamnés à la peine capitale avoir droit d'ériger des carcans devant sa cour abbatiale, etc.
Les habitants, au contraire, contestaient opiniâtrément ces droits en tout ou en partie, pour flatter les conservateurs ou voués qui avaient toujours été jaloux d'accroitre leur juridiction au détriment de celle du monastère ; ils attribuaient à ceux-ci des droits qui appartenaient notoirement à l'abbé de Saint-Sauveur. Ils soutenaient que l'abbé n'était pas haut justicier, mais le duc de Lorraine ; qu'il n'avait pas le droit de créer seul les échevins, les banwards et autres officiers, mais qu'il était obligé de les choisir parmi ceux qui lui étaient présentés par la communauté ; que ce n'était pas l'abbé qui pouvait établir des embannies (c'est-à-dire interdire temporairement la récolte de certaines terres, la pâture de certaines prairies), mais bien le commun accord des habitants. Quant aux hymbules ils prétendaient, contradictoirement avec l'abbé, qu'ils n'étaient pas à sa nomination, qu'ils pouvaient s'assembler sans son consentement, parce que, disaient-ils, « dans toutes les républicques bien policées, il y a des hymbules et sindicqués pour traicter les affaires communales... », etc.
Il y avait un document qui était décisif en faveur de l'abbé, c'était le texte des plaids annaux de 1546 il énumérait au long et en détail les droits réciproques des parties et comme il avait été proclamé à haute voix dans cette assemblée publique sans soulever de protestation, il avait presque la valeur d'un titre officiel. Les habitants essayèrent encore d'en éluder la force en affirmant qu'après la lecture de cette pièce, il y avait eu des réclamations à haute voix dont on n'avait pas tenu compte ; ils osèrent même prétendre que ce texte n'avait été rédigé tel qu'il était, que longtemps après la séance des plaids annaux et depuis la mort de l'abbé Jean Jacquot, qui les avait présidés. Ils avançaient que l'abbé d'alors, par ses artifices et importunités, avait réussi à faire sceller et antidater cet acte, qui était un faux; et le procureur général de Lorraine, devant ce chef d'accusation, avait menacé de poursuivre le tabellion coupable s'il parvenait à réunir des preuves suffisantes de cette manoeuvre frauduleuse. Après avoir entendu patiemment les allégations interminables des parties, même les insolences des habitants, les juges délégués prononcèrent une sentence qui fut favorable à l'abbé presque sur tous les points. Ils ordonnèrent pourtant d'abattre les deux carcans que Nicolas Malriat avait fait dresser devant sa cour abbatiale, sauf à se pourvoir devant l'autorité souveraine pour les rétablir ; ils déclarèrent que la falsification de l'acte incriminé n'était pas suffisamment démontrée, et que, par conséquent, le procureur n'était pas admis à faire des poursuites (29 janvier 1564) (41).
Les parties belligérantes ne déposèrent pas longtemps les armes. Près de la cour abbatiale de Domèvre il y avait un breuil dépendant de cette maison où les habitants allaient à la corvée de la faulx. Comme l'abbé n'avait que des terres stériles autour des bâtiments de Saint-Sauveur, pour faire sa provision, il résolut de mettre un breuil en embannie, c'est- à-dire d'en interdire l'accès au troupeau communal après la récolte du haut-poil (du foin). En 1565, l'abbé Malriat prit la précaution de faire agréer son projet par Christine de Danemark. Il ajoutait, dans sa pétition, qu'il n'avait aucun endroit spécial pour mener pâturer son troupeau, et que, dernièrement, il avait été « spolié de son bestial par la force et ravissement des pistolliers et autres passants par la dite maison ». Christine, avant d'octroyer cette demande, jugea à propos de la faire communiquer aux habitants pour savoir s'il y avait de justes motifs de s'y opposer. Cette pétition une fois connue, voilà les bourgeois qui éclatent en récriminations de toutes sortes, qui s'agitent, qui font pleuvoir à la cour de Lorraine des plaintes et des sollicitations pressantes pour faire avorter le projet de leur abbé.
Ils présentèrent une requête à Charles III, dans laquelle ils reprochaient à l'abbé Malriat d'entreprendre continuellement contre leurs droits anciens de ne ménager aucune occasion de les harceler et de leur faire du tort ; ils l'accusent même d'avoir arraché des bornes qui servaient de limites entre ses corvées et les héritages de plusieurs particuliers, de faire journellement des dégâts dans leurs forêts; ils reviennent enfin sur plusieurs contestations qui avaient déjà été tranchées plusieurs fois par l'autorité souveraine. Le duc chargea le sieur de Mellay, grand-maître de son hôtel, et le sieur de La Mollie, de faire une enquête sur cette affaire en litige. Il se trouva, d'après le rapport des experts, que les plaintes des habitants étaient mal fondées, et que la requête de l'abbé était juste et raisonnable. Les bornes qu'on l'accusait d'avoir arrachées pour augmenter plus facilement ses terrains n'existaient plus depuis longtemps, et leur enlèvement ne provenait pas de son fait. La communauté ne souffrait pas sensiblement du ban mis sur le breuil, puisqu'elle avait à la disposition de son troupeau toute la prairie qui s'étendait de Domèvre jusqu'à Saint-Martin et Lannoy (Herbéviller). En conséquence, Charles III et Christine, sa mère, accordèrent à Nicolas Malriat l'embannie demandée, à condition que le breuil dont il était propriétaire serait entouré de haies, de fossés, de saules ou de murailles. Ils lui permirent aussi de rétablir devant sa cour abbatiale les deux carcans qu'on lui avait fait abattre, et qu'il désirait replacer pour enferrer et exposer les malfaiteurs ; ils fixèrent à 5 francs les amendes des délits forestiers commis par les déforains, et à 2 gros les amendes des mésus champêtres. Les lettres de Christine sont datées de Blâmont, le 1er décembre 1565, et celles de Charles III sont datées de Nancy, le 20 du même mois. Elles finissent en défendant très expressément de troubler l'abbé dans la jouissance de l'embannie, sous peine d'encourir l'indignation de l'autorité souveraine et d'être condamné à une amende de 5 marcs d'argent.
Réellement Nicolas Malriat n'était pas un homme endormi en face de ses droits méconnus ; c'était un administrateur très actif et très entreprenant pour faire prospérer la maison qu'il avait à gouverner. Vers le mois de juin 1565, il adressait de nouveau une requête à Christine de Danemark pour lui faire observer qu'habituellement les maires qui dépendaient des hauts justiciers étaient exempts soit des corvées de charroi, soit de l'aide générale et autres impositions accordées par les États, et que, néanmoins, les habitants de Domèvre contraignaient son maire à payer ses redevances comme tous les autres sujets. Il lui exposait encore qu'il avait le droit d'embrochage, c'est-à-dire de faire essayer par deux jurés les vins qui étaient destinés à être vendus en détail, de fixer le juste prix de la vente et de confisquer le vin et le tonneau en cas de contravention et que, néanmoins, les habitants refusaient de se soumettre à cette obligation. Christine fait encore droit à cette demande par lettres signées le 12 juin 1565 à Pont-à- Mousson, et Charles III par lettres signées à Nancy le 30 avril de la même année.
Nous avons raconté, au chapitre 1er de la 2e partie (42) comment l'abbaye de Saint-Sauveur fut entièrement ruinée en 1568 et 1569 par une troupe de calvinistes commandée par un capitaine nommé Janly nous avons vu aussi comment Nicolas Malriat s'employa activement à la cour de Lorraine, près des évêques de Toul et de Metz et près du Saint-Siège, pour obtenir l'autorisation de transférer sa communauté à Domèvre. Il mourut le 9 des calendes de février 1574.
Sébastien Malriat (1574-1594). Sébastien était le frère du précédent, Nicolas Malriat. Nicolas, « prélat d'un rare mérite, après avoir bâti à Domèvre tout le corps d'une abbaye, s'appliqua il se pourvoir de bons sujets qui, par leur piété et leurs lumières, pussent y perpétuer la science et la vertu. Dans cette vue, il en envoya dehors faire leurs études de philosophie, de théologie, et, entre autres, Sébastien et Chrétien Malriat, ses deux frères, religieux dans la même abbaye, dont il fit le premier son coadjuteur et curé de Lupcourt. Et cependant il travailla à mettre le temporel de la maison en bon état, pour pouvoir y entretenir une communauté où la discipline régulière s'observât avec honneur et édification, et où il y eùt des sujets en suffisance pour travailler avec fruit au salut des âmes, surtout dans les paroisses dépendantes de son abbaye.
« Sébastien Malriat marcha sur les traces de son aîné et tâcha que l'abbaye de Domèvre fùt comme une école de vertu et de science ; il fit Chrétien Malriat son coadjuteur dans l'espérance qu'il soutiendrait les vues de ses prédécesseurs (43). » Ce court mémoire résume bien tout ce que nous avons il dire de l'administration de Sébastien Malriat.
Le plus grand événement signaler pendant qu'il occupait le siège abbatial, c'est l'incendie de l'abbaye par l'armée du duc de Bouillon en 1587 (44).
A la fin du XVIe siècle, sous le règne de Charles III, on remarque que beaucoup de coutumes locales furent homologuées, c'est-à-dire qu'elles reçurent une rédaction officielle par la reconnaissance qu'en fit l'autorité. Par les soins de l'abbé Sébastien Malriat, les coutumes de sa seigneurie de Burthecourt aux Chênes et Xandronviller furent homologuées en 1584 elles remplissent un grand parchemin et sont très intéressantes à consulter (45). Les titres les plus nombreux qui nous restent de son administration sont des actes de constitution de rente au taux de cinq pour cent. Le 20 mai 1580, il signe un appointement avec le comte de Salm au sujet des limites de leurs bois à Raon-sur-Plaine et des droits de chasse qui appartenaient à l'abbé (46). En mars 1586, il avait encore été obligé de recourir à Son Altesse pour mettre un frein à la rapacité du receveur de Lunéville qui, au nom de Charles III, remplissait les fonctions de voué de Domèvre, et qui, malgré les ordonnances précédentes, empiétait toujours sur les droits de haute justice appartenant aux abbés (47). - En 1588, il avait donné 1.000 fr. pour la fondation de la messe qui se disait tous les dimanches à l'autel placé derrière le maître- autel, et qui était annoncée par le son des grosses cloches (48).
Chrétien Ier Malriat (1594-1614, 23 avril). - Chrétien Malriat était le frère des deux abbés précédents; il occupa la cure de Lupcourt aussitôt sans doute que son frère aîné la quitta pour la crosse et la mitre. Nous possédons une lettre que lui adressa le P. Guérard, abbé de Haute-Seille, le 23 janvier 1604 (49). Celui-ci fait savoir que ses religieux ont assisté aux derniers moments du chanoine de Domèvre qui desservait Cirey, et que, pendant l'intérim, ils s'acquitteront volontiers de toutes les fonctions pastorales. Il profite de cette occasion pour lui faire dire « Mes religieux m'ont récité que c'estoit grand pityé de veoir l'estat de l'église de Cirey », tant la propreté des ornements et l'état du mobilier laissaient à désirer. Habitué sans doute à voir son autel abbatial de Haute-Seille toujours très décent parce qu'il est aux mains d'un nombreux personnel qui en fait l'objet principal de ses occupations et, peut-être, de sa gloire, le P. Guérard s'indigne de ce que la poussière et les araignées trouvent quelque tolérance dans le lieu saint ; il croit que c'est une raison suffisante pour accuser de grave négligence le curé mourant « L'autel (qui est) plein de pouldre et d'araintolle, dit-il, démontre la misère, l'ignorance, indévotion et peu ou poinct de zèle de l'honneur de Dieu de vos curéz. »
L'acte le plus saillant qui date de l'administration de Chrétien Malriat est la lettre que lui délivra, le 12 juin 1613, Jean des Porcelets de Maillane pour continuer les concessions accordées à l'abbaye par ses prédécesseurs. Cet évêque déclare qu'il trouve très juste et très raisonnable qu'un évêque de Toul confirme aux monastères situés dans son diocèse les privilèges qui leur ont été accordés à titre honorifique. C'est pourquoi, avec son autorité d'Ordinaire, à la prière de l'abbé Chrétien Malriat, il s'empresse de ratifier et de maintenir à
l'abbaye de Saint-Sauveur les faveurs, immunités, exemptions, juridictions faites régulièrement ou acquises par un laps de temps suffisant pour établir une prescription légitime, mais il fait une réserve expresse des
attributions que les décrets du Concile de Trente assignent à l'autorité ordinaire (50).
Son successeur, l'abbé Chrétien Fabri, fit placer dans l'église abbatiale de Domèvre une inscription monumentale pour transmettre à la postérité le nom et les mérites des trois abbés Malriat (51). « DEO OPTMO MAXIMO ET ÆTERNÆ MEMORIÆ REVERENDISSIMORUM IN CHRISTO PATRUM NICOLAI, SEBASTIANI ET CHRISTIANI MALRIATI, HUJUS QUONDAM COENOBII ABBATUM MERITISSMIORUIM, QUOS UT NATURA SANGUINE GERMANOS FECIT, SIC VITA, MORIBUS ET DOCTRINA CONJUNCTISSIMOS, AD EJUSDEM PRÆLATURÆ APICEM VIRTUS FELICITER EVEXIT. PRIMUS MONASTERIUM IN SANCTI SALVATORIS AGRO SITUM PRIMIS LUTHERI FURORIBUS DIRUTUM, MAGNO SUMPTU HUC TRANSTULIT; MAJORI PIETATE IN HOC SOLO INSTAURAVIT, DICAVITQUE ANNO DOMINI 1569 ET QUINQUENNIS POST, 9 CAL. FEBRUARII VIVERE DESIIT. ALTER ANNO 1587, GLISCENTE PER AUSTRASIAM EADEM HERSI, NOVAS ÆDES NOVO FURORE INCENSAS RESTAURAVIT. SUPERSTES VIXIT AD 3 NON. SEPTEMBRIS 1594. - ERIGAT IPSIS DEUS AEDES IN COELO QUI DEO SERVISQUE EJUS IN TERRA EREXERUNT. TERTIUS PAR SIT PRAEMIO ET HONORE, QUEM VITÆ MERITUM PAREM FECIT ET SUIS EXTERISQUE CHARISSIMUM. HEU ! DIRA MORS 10 KAL. MAI ANNO 1614 SUSTULIT. - VALE ET PIIS EORUM MANIBUS BENE PRECATUS, VIRTUTUM QUI POTES, ÆMULARE.
« PONEBAT AMORIS SlMUL ET OBSERVANTIÆ MONUMENTUM ANNO 1627, HORUM SUCCESSOR ABBAS CHRISTIANUS FABRI DE RESURRECTIONE BENE COGITANS. »
CHAPITRE III
LA JUSTICE DE DOMÈVRE ET LES SORCIERS A LA FIN DU XVIe SIÈCLE ET AU COMMENCEMENT DU XVIIe
SOMMAIRE. I. - Procédure contre les sorciers à Domèvre (incarcération, information, récolement, confrontation, torture, exécution par le feu). - II. Extraits de quelques interrogatoires et réponses des prévenus. - III. Nombre des accusés.
I. - L'état de l'abbaye durant cette courte période (1569-1625) n'ayant pas été sensiblement différent de celui de la période précédente en ce qui concerne la discipline, le temporel et la juridiction spirituelle, nous n'essaierons pas de former ici de nouveaux chapitres pour traiter ces matières. Mais nous ne pouvons passer sous silence un genre de délit qui fut très fréquent et qui fit très grand bruit à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVIIe. On sait que c'était alors la croyance générale, en Lorraine comme en France et dans le reste de l'Europe, chez les protestants comme chez les catholiques, qu'il y avait des hommes munis de l'étrange pouvoir du diable pour faire des victimes plutôt que des heureux. Dans le pays, ces malfaiteurs étaient appelés sorciers, genots ou triards. - Nous n'avons pas à discuter ici la question de fond ; nous indiquerons sommairement comment procédait la justice de Domèvre pour réprimer leur délit, et nous citerons quelques extraits de leurs interrogatoires à titre d'échantillon (52).
La procédure étant à peu près la même à Domèvre que celle qui était en usage à la même époque sur les seigneuries voisines, nous ne nous y étendrons pas. Le corps des officiers de justice était composé du procureur d'office de l'abbé, du maire, du maître échevin, de deux échevins, d'un greffier et d'un sergent. Le procureur d'office représentait ce qu'on appelle aujourd'hui le ministère public et ne faisait qu'ordonner les poursuites. Le greffier, qui rédigeait tous les actes du procès, était emprunté, pour la circonstance, à la justice de Blâmont. Le sergent faisait à la fois les fonctions d'huissier et de gendarme. La présence du maire n'était pas toujours mentionnée. Les échevins entendaient les accusations, interrogeaient le prévenu, ordonnaient la question, suivant les circonstances, et prononçaient la sentence.
Lorsque le procureur d'office, sur la dénonciation de quelques plaignants, croyait avoir de graves raisons de soupçonner quelqu'un de sortilège, il le faisait appréhender et mettre en prison. Il faisait ajourner (53) les témoins pour recueillir et rédiger leurs dépositions ; on appelait ce commencement de procédure l'information. On relisait aux témoins leurs
affirmations, en leur demandant s'ils les maintenaient et avaient à y ajouter c'était le récolement. On mettait ensuite le prévenu en présence de chacun des témoins, et on rédigeait les explications échangées : c'était la confrontation. On envoyait tout le dossier au tribunal des échevins de Nancy, lesquels statuaient s'il y avait lieu de mettre l'inculpé à la question pour arracher à ses aveux un complément de certitude. Les supplices de la question les plus en usage étaient, en commençant par les moins terribles, les grésillons, l'échelle, les tortillons et l'estrapade, (54). Souvent aussi on dépouillait le patient de ses habits on ne lui laissait qu'une chemise et on lui coupait la barbe et les cheveux, de peur qu'il ne recelât quelque poudre magique. C'était le tribunal des échevins de Nancy qui décidait si le prévenu était suffisamment convaincu et devait être puni de mort.
Les biens du supplicié étaient déclarés confisqués au profit du seigneur haut justicier ; on assemblait le peuple au son de la cloche et on vendait aux enchères tout ce qui avait appartenu à ce malheureux. Presque toujours, ces sortes de condamnés ne possédaient que la misère, et souvent le seigneur, par pitié, faisait des concessions à la veuve ou aux enfants sur le pauvre mobilier menacé.
Des extraits donneront une plus juste idée de la manière de supplicier les coupables. Voici d'abord la formule de condamnation adoptée par les justiciers de Domèvre
« Nous les gens establis pour juges au village de Domepvre près Blâmont par le sieur et Révérend Père abbé de Saint-Salveur. en Vosges, seigneur haut justicier, moyen et bas, dudit lieu, scavoir Jean Thiebauld (55) maistre eschevin, Nicolas Voirion et Didier Criviller ses coeschevins, qui ont vu la procédure extraordinairement faite à Dieudonnée, vefve de Nicolas Colatte (vivant bourgeois et résidant audit Domepvre en la conservation de Blâmont), prevenue de sortilège et vénéfice ; notamment le procès-verbal de la question donnée à la dite Dieudonnée par lequel conste qu'estant hors de question, elle a librement confessé avoir commis plusieurs crimes de sortilège, tant pour avoir renoncé Dieu son Créateur, adhéré au malin esprit, que commis plusieurs meurtres et actz de vénéfices tant à personnes que bestiaulx par certaines pouldres que le dit Maling luy donnoit et dont la mort s'en avoit ensuivy. Pour réparation desquels l'avons condampné et condampnons suivant l'advis et délibération de messieurs les maistre eschevin et eschevins de Nancy du 15e de ce mois à estre mise ès mains de l'exécuteur de haulte justice pour par iceluy estre exposée au carquant dudit Domepvre quelqu'espace de temps à la veue du peuple, puis conduicte au lieu ou on a accoustume exécuter les criminels en tel faict ; et illecq son corps lié à ung poitteau de bois, estranglée, bruslée et son corps rédigée en cendres ; le tout à exemple d'autres ; ses biens déclarez acquis et confisqués à qui il appartiendra, les frais de justice raisonnables sur iceulx préalablement prins. Prononcé en jugement devant l'église parochialle dudit Dommepvre où l'on at accoustumé juger les criminels, ce mercredy 18 décembre 1602, tesmoing le seing du soubsigné tabellion juré au duché de Lorraine, greffier de la dite justice. La dite sentence prononcée, aussy tost la dite Dieudonnée a esté mise entre les mains de Poirson Voirin, l'un des Hault maistres du duché de Lorraine, puis conduicte par lesdits de Justice en la compagnie dudit Domepvre en armes jutsques près et comtigu le pont de Barbezieux, auquel lieu elle a esté délivrée à noble homme Claude Séard, prevot de Blâmont, qui, l'ayant reçue, en auroit fait faire l'exécution près le signe patibulaire dudit Blâmont, du costé dudit Dommepvre, conformément ladite sentence (56). »
(Signé) MALRIAT.
On peut juger des frais et du cérémonial d'une exécution par cette note du receveur de Blâmont pour l'année 1602 (Arch. dép., B. 3322)
A Lois Guillaume de Blâmont pour avoir porté le procès criminel de la dite Jeannote aux sieurs eschevins de Naney pour sur iceluy avoir leur advis : 3 fr.
Pour les peines et vacations desdits eschevins à la vision du procès : 2 fr.
Encore à Lols Guillaume pour derechef avoir porté ledit procès aux dits sieurs eschevins après avoir esté la dite Jeannote appliquée à la question pour avoir leur advis : 3 fr.
Pour la vision dudit procès par les dits sieurs eschevins : 2 fr.
A maistre Claude Leveque, barbier à Blâmont, pour avoir d'ordonnance des sieurs de justice razé la dite Jeannote : 3 fr.
A Colas-Jean Mercier pour gros bois par luy fourni pour le chauffaige de la dite Jeannote pendant sa détention jusqu'a son exécution, 68 fagots valant 4 fr. 2 gros.
A Fiot de Money pour une corde et demie de bois, un demy cent de fagots avec une livre de pouldre employée pour l'exécution de la dite Jeannote : 6 fr. 5 gr. 4 den.
Encore une chandelle pour veiller la dite Jeannote : 6 gr. 12 den.
A Mangin Goudat de Leintrey pour avoir conduit au supplice sur une charrette la dite Jeannote pour sa débilité : 1 fr.
Pour la disnée des officiers et gens de justice en nombre de 16 personnes le jour de l'exécution de la dite Jeannote, à chacun 1 fr. suivant le règlement de messieurs : 16 fr.
Pour les peines, salaires et vacations du sieur clerc juré à l'instruction dudit procès : 4 fr.
A Claude Jeannet, exécuteur de la haute justice à Nancy, pour avoir donné la question par trois diverses fois à la dite Jeannote prévenue et accusée de sortilège : 15 fr.
Encore à Claude Jeannet pour ses despens de cinq journées qu'il avait employées tant en venant, séjournant, donnant la question que pour son retour : 13 fr. 4 gr.
Encore à Claude Jeannet pour avoir exécuté la dite Jeannote : 10 fr.
A Nicolas, cordier d'Ogéviller, pour cordes par luy fournies pour estre employées par l'exécuteur à la dite question : 6 gros.
A Chrétien Marchal de Blâmont pour avoir fourni une chesne, deux crampons un crochet et un marteau servant à la dite question : 1 fr. 3 gr.
« Despense de cinq reseaux et demy employés à faire miches, et distribuées ès habitants des villages de Mignéville, Moitreux, Nohigny et Vardenay, qui auraient gardé les portes de Blâmont (à quoy ils sont assujettis d'ancienneté) pendant les exécutions de six particuliers de Leintrey, du petit Noel de Blemerey, de deu:r autres du village de Domepvre, tous exécutés par le feu pour cause de sortilège» (Arch. dép., B. 3322, Comptes de l'an 1602). - A chacun des hommes qui étaient requis pour garder les portes de ville pendant l'exécution, on donnait 12 michettes, - Le receveur a fourni une liste où sont consignés les noms de 36 habitants de Verdenal, 26 de Mignéville, 17 de Nonhigny et 17 de Montreux ; enfin de 4 tambours et de 9 charpentiers. Ces derniers étaient appelés pour abattre l'arbre qui devait servir de poteau, et sans doute aussi pour façonncr les fagots destinés à faire le bûcher. (Total des michettes 1232, provenant de 5 reseaux et 2 bichets.)
II. - Nous croyons intéressant de reproduire ici quelques fragments de ces curieux procès de sorcellerie qui illustrèrent tristement Domèvre, comme beaucoup d'autres villages voisins, à cette époque. - Jean Bergier, ou plutôt Jean Page, né à Plémont (seigneurie de Haroué), après avoir été berger chez Mme de Ludres, à Haussonville, à l'abbaye de Senones et celle d'Étival, était au service de l'abbaye de Domèvre depuis vingt ans, lorsqu'en 1583 il fut emprisonné pour crime de sortilège. Environ quinze ans auparavant, lorsque les reitres du prince d'Orange étaient de passage à Domèvre, il en avait tué un dans son logis d'un coup de selle de bois et l'avait jeté à la rivière pendant la nuit. Il avait avoué aussi avoir séduit plusieurs filles et leur avoir offert de l'herbe pour leur faire perdre le fruit de leur crime. Trente témoins avaient déposé contre lui pour le convaincre de sortilège. Lorsqu'il fut à la question, il avoua avoir fait un pacte avec le diable, qui s'était présenté à lui sous la forme d'un homme noir nommé maître Parsin. Il avoua aussi en avoir reçu une poudre semblable à de la cendre qui, par son contact, avait la vertu de faire périr hommes et animaux. Il confessa avoir fait plusieurs victimes à Domèvre. Voici comme le prévenu raconte les débuts de son commerce avec Satan.
- Vingt-cinq ans auparavant, étant au service de l'abbé d'Étival et étant fort irrité de voir périr beaucoup de ses moutons, un homme vêtu de noir se présenta à lui : c'était l'Esprit malin. « Sur ce, ledit maling, vestu de noir, luy dict qu'il luy fallait avoir patience et que, s'il voulait croire en luy, qu'il n'aurait jamais besoing de rien. Lequel y consenta. A mesme instant, ledit noir vestu luy fit renoncer Dieu en lui déclarant qu'il estoit maling et qu'il s'appelait maistre Parsin, le touchant de la main sur une de ses espaulles, à laquelle lesdits de justice ont veu quelques marques en forme de griffe rouge. Et qu'environ deux ans après, vers la Saint-Jean-Baptiste, il se trouva auprès de lui ; auquel dict qu'il le fallait aller au sabatz avec les autres, et le transporta à une coste proche de Raon-la-Tappe, nommée la Noire-Coste, auquel lieu y avait grand nombre de gens dansantes, tripoutantes, ne disant rien les ungs aux aultres, où y avait ung qui les commandait pour les mectre en ordre pour rondier, danser et sauter ; et entre le peuple y avait une clarté rouge comme feux qui les éclairait par un jour de jeudi entre nuict et jour, et parce qu'il ne voulait danser avec les aultres, son maistre Parsin le faisait mestre le ventre sur terre et voyait bien que ceulx qui dansaient par ensemble, mais ne scait ce qu'ils disoient.
« Interrogé de ceux qu'il ait congnu, a dict qu'il y en avait du ban d'Estival et d'aultres costiez n'ayant retenu leurs noms.
« Enquis combien de fois il y fut au dit jenot ? - A dict n'avoir aultre souvenance que par cinq fois, assavoir deulx fois pendant qu'il servait audit Estival, et trois fois durant qu'il a résidé à Domepvre, auquel sabatz à chacune fois avoit le ventre sur terre et ne dansoit ni balloit comme les aultres. Ès lieux desquels il hantait, ledit Parsin le transportait et puis le ramenait. Dict aussy que lorsque ledit Parsin les venoit quérir, que c'estoit sur les champs estant dans le ban d'Estival et Domepvre, où il tenoit sa résidence, et les rapportoit audit finage où il résidoit pour lors.
« Interrogé qui est-ce qu'il a connu aux assemblées avec aultres sorciers et sorcieres ?
« A dict n'avoir congneu ny veu que Claudatte, femme de Chrétien Charton de Mignéville. Dict avoir congnoissance avoir veu une nommée Margueritte, femme de Claudon Jean de Metz, de Domepvre ; la femme George le Jal de Herbéviller, nommée Mangeotte; une aultre aussi grande dudit Herbéviller ne sachant son nom ; ung homme dudit Herbéviller ayant barbe blonde, claire et maigre de visage. Ung aultre nommé Noel de Blesmerey avec ung qu'il menoit avec lui, ne sachant qui il étoit, ayant barbe noire. Ung aultre de Barbas qui avait barbe grise. Encore deux aultres hommes dudit Barbas,
l'ung estant jeune homme portant barbe et l'aultre point. Item trois femmes de Cowal et Ancerviller, estant toutes d'une paroche ne sachant leurs noms. Et une aultre femme de Vardenal estant noire et sale, ne sachant son nom. De ceulx et celles cy dessous a dict que s'il les veoyait ou qu'on les amenast devant luy, qu'il leur déclarerait où il les a veu au jenot parce qu'il n'a retenu leurs noms. Dict qu'à chacune fois qu'il se trouvait au jenot, que c'estoit par jour de jeudy aux bois cy devant nomméz où ilz dansoient et tripoutoient, ne sachant aultres maléfices, complices et vénéfices que ce qu'il a confessé cy devant, voulant maintenir jusques à la mort estre véritable ce qu'il en a dict, priant à Dieu, aux seigneurs de justice luy vouloir pardonner et avoir pitié et compassion de luy (57). »
Il fut exécuté le 24 décembre 1583, de la manière que nous avons décrite plus haut.
Les poursuites de la justice étaient souvent décidées à la suite de l'accusation d'un autre sorcier qui l'avait nommé parmi ses complices, sous l'aiguillon de la torture. C'était le cas de Jean Bergier il avait été dénoncé par Demenge Bréhier, exécuté en octobre de lamême année.
Demenge Bréhier était âgé d'environ 70 ans ; il était fils de Mangenot Henry (preuve qu'à cette époque les noms patronymiques ne se transmettaient pas encore régulièrement; la même remarque s'applique à Jean Bergier, dont le père s'appelait Page). - Cent treize témoins avaient fait de longues dépositions contre lui parmi lesquels on remarquait les notables de la paroisse et ceux qui paraissaient les plus honnêtes. Malgré ces nombreuses dépositions, disons-le à la honte de ce temps, nous n'avons relevé aucune accusation accablante contre le prévenu. L'esprit de la population était hanté par la terreur du surnaturel diabolique ; tous les phénomènes surprenants, les épidémies, les coïncidences malheureuses, étaient attribués à l'action du démon. On avait hâte de trouver celui qui avait servi d'instrument ces maléfices. Nous avouons pourtant avoir rencontré ailleurs des dépositions et des constatations plus embarrassantes et plus difficiles à expliquer. En voyant le grand nombre de charges inscrites contre lui, l'accusé s'était écrié qu'il voyait bien qu'il fallait mourir ; il avait supplié les gens de justice de renvoyer tous les témoins, en promettant de faire des aveux sincères. Mais le maitre-échevin, de peur d'être « tancé » par M. l'abbé, voulut procéder régulièrement. Voici un extrait de l'interrogatoire du 20 octobre
« En voyant ledit prévenu que l'on admenait encore tesmoings pour estre confronté, a dict les faire retirer et qu'il diroit vérité.
« Lequel a confessé librement avoir esté aux assemblées avec les aultres sorciers contre lesquels a nommé ceulx que s'ensuyvent
« Assavoir Jean Bergier, demeurant à Domepvre ; un nommé le gros Didier, hardier de l'abbaye ; une nommée Marguerite, femme de Claudon Jean de Metz, de Domepvre ; la femme Chrétien Charton, de Mignéville ; la femme Pierron Chastelain, de Wardenal ; Nicolle, femme de Didier Mengeotte, dudit Domepvre ; la femme Demenge Bastien, dudit lieu. - Priant ledit Brehier prévenu auxdits de justice le renvoyer en prison, et qu'il s'advisera de ceux qu'il a encore veu, pour le tout nommer et déclarer audit abbé comme aussi de confesser ses maléfices et vénéfices (20 octobre 1583)
« Et le lendemain 21 dudit octobre, ledit prévenu a esté tiré hors de prison et dheument examiné pour scavoir d'icelluy sy les personnages qu'il accusa hier estre sorciers, s'il le scavoit bien et s'il les maintiendroit estre telz qu'il les a accusez.
« A dict et confessé de sa pleine volonté vouloir soutenir et maintenir jusques à la mort et jusques aux feux, sans charger sa conscience, qu'ils sont telz sorciers que luy et les avoir veu à l'assemblée appelée genotz avec aultres grand nombre de gens qu'il ne congnoissoit et où ils estoient transportés dans des bois et gadignes où il y avoit grand feux d'aulcungs dansoient et les autres se promenoient et desmenoient.
« Interrogé d'où provenoit. de ce qu'il estoit sorcier et sy c'estoit à cause de sa race ou aultrement ?
« A dict et confessé qu'environ demy an avant que lesdits de Cowal et Gatrot fussent exécutéz en feux, il estoit triste et fasché de ce que l'on ne le payait du bled que l'on lui debvoit, adcause de ses peines et labeurs qu'il avoit eheu à garder le trouppeau des porcs de Domepvre, et que par la famine qu'il avoit, estoit contrainct de manger du pain que les bestes n'en eussent poinct mangé, et qu'à ces causes comme bien triste fasché, désollé, luy estant en ung lieu dict au Hault du Grateux, finage dudit Domepvre, le maling se trouva auprès de luy, noire vestu, qu'il luy dict : Tu es fort fasché et prend grand peine ; sy tu me veux croire et obéyr à moi, tu seras hors de tristesse et te aydera.
« Et sur ce, ledit prévenu retorna en son logis en ramenant son trouppeau au village ; et le jeudy ensuyvant ledit maling se transporta de nuict au logis dudit Bréhier, buttant par deux ou trois fois à la porte, et l'emporta à l'assemblée comme par une forme de vent, et y ayant un peu esté, il fut ramené sy tost en son logis...
« Interrogé à la première fois que le maling se trouva auprès de luy au Gratteux, s'il luy osta de ses cheveux ou s'il le toucha au front et s'il luy dict quelques mots en le séduysant et le persuadant ?
« A répondu que ledit maling et faulx ennemys ne luy toucha la teste sinon que sur les espaulles et luy faisant renoncer Dieu.
« Enquis s'il faisoit ses Pasques, recepvant la sainte hostie après qu'il scavoit confessé au prestre, a répondu qu'il scavoit (s'avait) fait recrémer à la bénédiction de l'église de Saint-Saulveur, peut avoir trois ou quatre ans passés.
« Interrogé, lorsqu'il se transportait à l'assemblée où estoient les sorciers et sorcieres, de ce qu'ils faisoient ?
« A dict que lorsque le faulx ennemys et maling l'appelait et alloit quérir, estoit de nuict et qu'ils s'en alloient en l'aire bien loin et aux bois et gadynes où y avoit grand nombre de sorciers et sorcières. D'aulcungs dansoient et balloient, d'aultres étoient à table ayant chair et rotz cuys, n'y ayant veu pain aulcunement, synon qu'il y avoit des coppes et goblets d'argent où ilz buvoient dedans du vin comme rouge et du blancz, et que dedans aulcungs goblets il y a veu et luy semble, a son advis, que c'estoit du vin.
« Enquis lorsquil estoit transporté en l'air s'il voyoit les estoilles et le temps cler ?
« A dict que ouy et que sy tost que l'on avoit fait le past à l'assemblée, sy tost après estoit ramené en l'air en son logis.... (58). »
III. - Comme nous l'avons dit, quand, une fois, on avait été dénoncé comme complice par un sorcier qui avait maintenu son accusation jusqu'à la mort, on était très suspect et on n'était pas loin d'être appréhendé et mis à la question. Aussi plusieurs prenaient la fuite quand ils étaient avertis que leur nom avait été prononcé par quelque condamné. Nous avons retrouvé les traces des procédures instruites (dans d'autres seigneuries) contre presque toutes les personnes dénoncées dans les aveux que nous avons cités plus haut. Ce qu'il y a de curieux à noter, c'est que, dans les divers aveux faits en des lieux différents et par des accusés différents, ce sont, pour la plupart, les noms des mêmes complices qui sont articulés. On peut conjecturer par là combien furent nombreuses les exécutions capitales dans notre pays, surtout de l'an 1580 à 1620, car nous croyons que les condamnations étaient dans la proportion de huit ou neuf sur dix accusations.
Voici les noms que nous avons relevés en ce qui concerne Domèvre
Jean Bergier et Demenge Bréhier furent livrés au dernier supplice en 1583. - En 1593, on procéda contre Jean Pierson. - En 1602, on exécuta Adeline, femme de Claude Coquel et Dieudonnée veuve de Nicolas Colatte et autres. - En 1624, il n'y eut pas moins de cinq condamnations et exécutions : Jeannon, femme d'Étienne Vacourt, le 2 mars; Mengeotte, femme de Colas Gérard, le 23 mars ; Pierson-Didier Mougeotte, le 6 mai ; Demenge Bergier, le 18 juillet ; Demenge Bastien, le 5 août, périrent par la corde et par le feu. Les victimes n'étaient pas moins nombreuses dans les villages voisins de Domèvre : on en compte quatorze à Domjevin, de l'an 1591 à 1613, et six à Leintrey, en l'an 1602. Tous ces gens étaient pauvres et misérables, et, par conséquent, on ne peut soupçonner leurs juges de les avoir condamnés pour des motifs intéressés. On avait une pleine persuasion qu'ils étaient homicides et causes volontaires d'une infinité de maux ; et, dès lors, on ne croyait pas pouvoir leur faire endurer des supplices trop cruels. D'ailleurs, la plupart avaient à leur actif d'autres crimes plus certains que celui de sortilège (59).
(A suivre)
(1) De Domèvre à Saint-Sauveur Il y a environ 4 lieues.
(2) Cf. Arch. dép., H. 1375 et 1384.
(3) Arch. dép., H. 1375.
(4) Arch. dép., H. 1384.
(5) « ...Damp Nicolas Malriat.... s'aurait retiré par supplication vers Nostre Saint-Père et lui faire entendre la désolation et ruine que dessus. » (Lettres patentes de Chartes III, 14 mai 1570.)
(6) Elles sont publiées par le Gallia christiana, t. XIII, Instrum. col. 537-538 (édition Palmé).
(7) Le contexte des lettres de Charles III suppose qu'il cette époque on n'était pas tenu de demander au souverain la permission d'établir une maison religieuse dans ses États. Cet usage fut rendu obligatoire au commencement du XVIIIe siècle. (Cf. Thibault, Hist. des lois et de Lorraine en matière bénéficiale, p. 111.)
(8) Sur l'origine et l'importance progressive des prieurés, voir : André, Dictionnaire de droit canonique ; Benoît Picart, Pouillé du diocèse de Toul, t. l, p- 38-39.
(9) Arch. dép., H. 1374.
(10) Arch. dép., H. 1374.
(11) Richer, lib. II, cap. XVI.
(12) Le roi Arnou, ayant donné a un seigneur nommé Hildeman une partie de la seigneurie de Domèvre, et ce seigneur ayant été accusé auprès du roi Louis III, son fils, d'avoir anticipé sur le terrain qui ne lui appartenait pas, Louis confisqua ce qu'avait possédé Hildeman, et donna, en 910, à Balfrido et à Rénaud toute la seigneurie de Domèvre avec l'église, les champs, les prés, les eaux, les serfs de l'un et l'autre sexe. (Lepage, Statistique. D. Calmet, Notice, t. I, art. Domèvre.)
(13) « Adquisivit etiam à Sigeberto quodam milite in Bertricicurte mansum unum cum ecclesia et mediatem ecclesiae Domni apri.
» (Historiaoria. episcoporum Tullens., cap. XXXII,)
(14) Giry, Manuel de diplomatique, p. 396 (in-8", Paris, 1894).
(15) Cf. Benoît Picart, Hist. de Toul, p. 226.
(16) « Multis in locis quibus ecclesia a nomine Sancti tantum designata est, jam paulatim evanuit antiquae villae appellatio; frequentiore usu vicit titulus ecclesiae quo fit ut tam multi in Gallia hodie vici sint qui antiqui domini nomen obliti, a Sancto vocabulum detraxerunt. » (Imhart de la Tour, De Ecclesiis eusticanis aetate Carolingica, p. 6. - Bordeaux, 1890.)
(17) Arch. dép., B. 3280.
(18) Cf. Lepage, Statistique, et D. Calmet, Notice. - Pourtant, en 13 4, un chevalier nommé Jean de Borre reprit du duc Ferry tout ce qu'il avait Domèvre.
(19) Bibliothèque de Nancy, n° 115, n° 153.
(20) Arch. dép., H. 1382.
(21) On voit que l'auteur n'avait point de manuscrits sous les yeux en écrivant ou qu'il ne s'était pas donné la peine de faire des recherches dans les archives de l'abbaye, car l'ancien monastère ne fut pas brûlé vers 1565. comme il l'avance, mais en 1568 ; de même la bulle de Pie V et les lettres de Charles III ne sont pas de 1569, mais de 1570.- Voir plus haut, p. 6, note 1.
(22) Cette façon de dire laisserait entendre que les abbés n'étalent pas habituellement au milieu de leurs religieux.
(23) Lepage, Communes, I, p. 301.
(24) Arch. dép., H. 1382. Ils reçurent une réponse favorable le 10 juin 1573.
(25) Le mémoire adressé à l'abbé Hugo dit, au contraire, qu'il ne resta debout que le clocher et l'église. Mais cet écrit, ayant été surpris en défaut à plusieurs reprises, ne mérite pas autant confiance que les titres officiels.
(26) Arch. dép., H. 1375. Voir Pièces justificatives de 1587.
(27) Arch. dép., B. 3451 et 3452. L'étang d'Albe était situé en aval de Domèvre, non loin de la rive droite de la Vezouze. Celui de Vilvacourt se trouvait entre Barbas, Harbouey et Nonhigny. C'était aussi le nom d'un village détruit depuis fort longtemps en cet endroit.
(28) Arch. dép., H. 1472 (et B. 3451). Nous ne connaissons aucun ouvrage Imprimé qui donne cette date précise.
(29) Ce dernier détail est fourni par Michel de la Huguerye, Ephéméride, p. 190. Outre les Mémoires et l'Ephéméride de cet auteur (ensemble 4 vol. in-8°, Paris, 1877-1892), consulter sur cette campagne « Discours ample et très-véritable contenant les plus mémorables faitz avenus en l'année 1587, tant en l'armée commandée par Monsieur le duc de Guyse, qu'en celle des Huguenotz conduite par le duc de Bouillon... (1588, petit In-8°) - le IXe volume de Documents sur la Lorraiue, publié en 1864 par la
Société d'Archéologie lorraine. - Dans ce dernier ouvrage, p. 6, note 1, on lit que ce fut le 21 août 1587 que les protestants entrèrent en Lorraine par la vallée de la Zorn qu'Ils prirent Phalsbourg, puis Sarrebourg, essayèrent d'enlever Blâmont par escalade, franchirent la Moselle à Bayon et rencontrèrent près de Pont-Saint-Vincent l'armée catholique, commandée par les ducs de Lorraine et de Guise.
(30) Arch. dép., H. 1404.
(31) Arch. dép., H. 1368
(32) Lepage pense à tort que la destruction de Barbezieux fut l'oeuvre des Suédois pendant la guerre de Trente ans. (Statistique, 2e partie, p. 46.)
(33) C'est-à-dire des Églises.
(34) Arch. dép. des Vosges, G. 7.
(35) Arch. dép., B. 3313.
(36) Voir B. 3341 et 3312 Blé délivré pour la dépense de la bouche du duc Charles III et du cardinal archiduc d'Autriche... Blé délivré pour la munition des lansquenets conduits en France par M. de Sancy, etc., etc.
(37) L'épitaphe de l'abbé Sébastien Malriat marque formellement qu'il restaura le monastère; or, il fut abbé de 1574 à 1594. Ce qui montre une fois de plus que le mémoire adressé à l'abbé Hugo a été fait superficiellement et ne mérite confiance que dans ses grandes lignes. Son erreur, ici, est d'avancer qu'avant 1675 on ne fut pas en état de restaurer le cloître et la maison abbatiale brûlés en 1587.
(38) Broulier, Défense de l'Eglise de Toul, preuve, p. LXXV
(39) Arch. dép., H. 1388.
(40) Comme à cette époque l'année commençait encore à Pâques, du mois d'avril 1563 au mois de janvier 1564 il y avait un peu plus d'un an et demi.
(41) Arch. dép., H. 1388.
(42) Pages 57-60.
(43) Manuscrit destiné à l'abbé Hugo. Arch. dép., H. 1382.
(44) Voir le chapitre précédent, p. 139.
(45) Elles se trouvent au Trésor des Chartes de Lorraine (I. Nancy, H. n° 91). Nous les avons publiées plus haut, page 113-117.
(46) H. 1308.
(47) H. 1388.
(48) Arch. dép., H. 1368.
(49) Arch. dép., H. 1384.
(50) Défense de l'Eglise de Toul, par Broulier, p. LXXVII..
(51) Arch. dép., H. 1500.
(52) Arch. dép., H. 1390 - B. 3322 et 3323,
(53) Assigner à comparaître à un jour fixé d'avance.
(54) Le supplice des grésillons consistait à serrer fortement un ou deux doigts de la main à l'aide d'une sorte d'étau. - Celui de l'échelle consistait à lier fortement le patient contre les montants et les traverses d'une échelle, puis de l'y laisser suspendu. - Celui des tortillons consistait à introduire un petit bâton sous la cordelette qui liait à l'échelle et à lui imprimer un mouvement de rotation pour comprimer les chairs. Pour celui de l'estrapade, on liait au malheureux les mains derrière le dos, on le suspendait par une corde qu'on fixait au plafond, et pour le disloquer plus fortement, on lui attachait aux pieds des poids de cinquante ou cent livres. (Voir Dumont,
La justice criminelle des duchés de Lorraine et de Bar, t. I, p. 79-91.)
(55) Dans le texte des sentences de 1624, on voit toujours figurer en premier lieu le maire, puis seulement les échevins qui ont prononcé la condamnation à la requête de Chrétien Malriat « licencié ès droits, procureur d'office de Monseigneur le Révérend Père abbé de Saint- Saulveur ». (Arch. dép., B. 3365.)
(56) Arch. dép., B. 3227.
(57) Arch. dép., H. 1390.
(58) Arch. dép., H. 1390.
(59) Arch. dép., H. 3365 |