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XVIIIe - Un puits spécial dans le vieux château ?


Journal encyclopédique ou Universel
Volume 8, Partie 2 - 1771


Décembre 1771

Lettre de Mr. Pingeron, Ingénieur au service de Pologne, contenant une description de la fameuse saline de Dieuze, en Lorraine, tirée des Voyages manuscrits de cet Auteur.

MESSIEURS,
JE viens de faire un petit voyage aux fameuses salines de Dieuze, qui méritent, à tous égards, l'attention des Naturalistes & des amateurs des mécaniques. Il y a grande apparence que le noyau des montagnes qui forment le bassin au milieu duquel est située la ville de Dieuze, est en partie de sel gemme, ou fossile, & que les eaux douces qui les pénetrent & filtrent au travers, restent imprégnées de ce sel. Ces eaux, que l'on dit venir de plus de trois quarts de lieue, sont ramassées dans un grand puits, d'où quatre pompes l'élevent dans un réservoir, d'où on les distribue à volonté dans différentes chaudieres, qu'on nomme poêles. Ces pompes font mues par une grande roue retrograde * dont les extrémités de l'axe sont coudées, & font agir de longues pieces de bois, ou tirans, suspendus par d'autres petites pieces, de distance en distance. Ces tírans sont attachés d'un bout à l'extrémité de l'axe, comme on vient de le dire, & de l'autre, à la partie inférieure d'une espece de T, enfilé dans le point de réunion de la branche horisontale avec la perpendiculaire, par un essieu de bois. Deux autres tirans de bois, attachés chacun au bout de la barre horisontale, vont s'attacher aux queues de deux leviers de la premiere espece, placés dans l'étage supérieur du bâtiment, ou sont renfermés le puits &les machines. Ces leviers levent chacun deux pistons, & les deux ensemble font agir par conséquent quatre pompes aspirantes. L'eau qu'elles fournissent, se répand, comme on l'a déjà remarqué, dans, différens réservoirs. II est évident que lorsque la grande roue rétrograde tourne, son axe, dont les bouts sont coudés, se meut en méme tems, & fait mouvoir la branche inferieure du T, en avançant & en reculant les longs tirans de bois. Lorsque le T se meut sur son axe, les extrémités de sa branche horisontale s'élevent & s'abaissent, & impriment le mouvement aux leviers de la premiere espece, qui font agir les pistonS des pompes, par le moyen de deux tirans verticaux. Celui qui a construit les machines dont on vient de parler, n'ayant pas calculé les résistances qu'il avoit à vaincre, n'a pas donné un assez grand diamètre à la roue retrograde. Elle n'a pas assez de force pour faire agir quatre pompes : je n'en ai vu que trois en action. Comme le piston de celle qui va seule, n'entre point dans le corps de pompe par la perpendiculaire, il y a un si grand frottement, qu'il en faut un tous les jours. Je proposai de briser la verge de fer qui le traverse, à l'endroit où elle entre dans le piston,& d'y faire une charniere, comme dans les pompes pour les incendies. Le piston entrant alors dans le corps de pompe, parallelement aux parois intérieurs, le frottement fera moins grand que s'il conservoit la direction oblique que lui donne la verge inflexible qui le traverse. Comme il arrive souvent que la grande roue est noyée, lorsque les eaux du ruisseau qui la font mouvoir, sont trop abondantes, on a jugé à propos d'établir deux chapelets, qui tirent l'eau salée du puits, avec autant d'abondance que les trois pompes. Ces deux chapelets sont mus par une grande roue horisontale, dont les dents s'engrènent dans une lanterne, sur l'axe de laquelle est enarbrée une seconde lanterne, dont les alluchons, ou barreaux, sont de fer, & qui servent à reprendre les chapelets. La charpente qui supporte cette roue horisontale, forme une espece de cône renversé, sur lequel sont ajustées quatre longues pieces de bois, assemblées d'un bout dans l'axe du cône, vers son extrémité supérieure. Elles descendent presqu'à terre, en formant avec cet axe un angle de 30 dégrés. C'est à l'extrémité de ces pieces de bois que l'on attache des paloniers, pour une couple de chevaux. II faut par conséquent huit chevaux pour la manoeuvre de cette machine. J'ai remarqué que l'on pourroit diminuer de moitié les frais qu'on est obligé de faire pour l'entretien des alluchons de la premiere lanterne, dans laquelle engrène la grande roue horisontale. II ne faudroit pour cela, que donner un peu plus de largeur aux jentes de cette derniere, & placer ses dents au défaut les unes des autres, quoiqu'à la méme distance. Si elles étoient toutes prolongées jusqu'à la circonférence, les alluchons étant frappés pour lors en deux endroits, s'useroient une fois moins vite que dans le cas ordinaire, où les dents engrenent toujours dans la même place. J'ai vu cette idée ingénieuse exécutée dans un puits qui est au milieu du vieux château de Blâmont, en Lorraine. Elle mérite d'être connue, parce qu'elle fait une économie de près de moitié de la dépense nécessaire pour l'entretien des alluchons, dans toutes les machines où il y a des lanternes. Le seul article des moulins de toute espece, est un objet immense. Il est vrai qu'il en coutera un peu plus de bois, dans la premiere construction, pour donner plus d'épaisseur aux jentes des roues dentées, soit de champ, soit de rencontre.
[...]

* On appelle roues retrogrades, celles dont les aubes ne font point placées dans le prolongement des rayons de la roue ; mais dont la circonférence forme un tambour, dans lequel sont placées des planches inclinées aux rayons, qui forment des especes d'augers. Lorsque l'eau vient a les remplir, elle fait tourner la roue par son poids & sa vitesse, dans un sens contraire à celui ou elle coule. C'est ce qui fait donner le nom de roues retrogrades à ces fortes de roues. Celle de Dieuze est d'un très-grand diamètre, & fort bien construite. II y a un fourneau à la proximité, où l'on fait du feu pendant l'hyver, dans la crainte que la glace n'en interrompe le service..


NDLR : Jean-Claude Pingeron, Capitaine d'Artillerie et Ingénieur au service du Roi de Pologne, né à Lyon vers 1730, passionné de science, voyagera dans toute l'Europe en consignant inlassablement les savoirs techniques rencontrés, et en dessinant les machines et dispositifs qu'il voyait fonctionner. Après de nombreux ouvrages, et une ultime compilation en 1789 d'un Recueil de différents projets tendant au bonheur des citoyens, il ne pourra achever avant sa mort en 1795 ses Annales de l'industrie ou notice de toutes les découvertes qui se font dans la double carrière des arts et métiers.
La Biographie universelle ancienne et moderne de Michaud (Ed. 1843) nous indique :

PINGERON (Jean-Claude), littérateur estimable, né vers 1730 à Lyon, embrassa la profession des armes et avec l'agrément du roi passa au service de Pologne. Il y fut employé dans le grade de capitaine d'artillerie et comme ingénieur à Zamosc. Ayant obtenu la permission de revenir en France il fut attaché au bureau des bâtiments de la couronne à Versailles et consacra la loisirs que lui laissaient ses fonctions à la culture des lettres. il voyagea aussi en Italie, demeura plusieurs années à Rome et à Naples, parcourut avec le marquis de Néelle les échelles du Levant, Malte et la Sicile. Il fit au mois de juin 1776 le voyage de Catane au mont Gibel avec l'abbé Sestini mais son embonpoint excessif ne lui permit pas de gravir jusqu'au sommet du volcan, ce qui lui attira quelques plaisanteries des autres voyageurs. Il revint ensuite à Syracuse mais il empêcha le marquis de Néelle de s'exposer en continuant de visiter dans cette saison la partie la plus malsaine de l'île. En 1779 il devint l'un des coopérateurs du Journal de l'agriculture, du commerce, des arts et des finances, dans lequel il inséra un grand nombre de dissertations sur des objets d'utilité publique. Lors de l'établissement du Musée (voy. Pilatre), il en fut le premier secrétaire. Resté étranger aux troubles de la révolution, qui le priva de ses emplois, il mourut presque inconnu à Versailles en 1795.
Pingeron était membre de l'académie de Barcelone. Il a traduit de l'italien 1* le Traité des vertus et des récompenses par le marquis Hyac. Dragonetti, Paris (Amsterdam), 1768, in-12.Cet ouvrage, qui a été traduit en polonais, fait pendant au Traité des délits et des peines de Beccaria (voy. ce nom), mais il n'a pas eu le même succès. 2° Conseil d'une mère à son fils qui est sur le point d'entrer dans le monde ibid., 1769, in-12. C'est un poème de madame Piccolomini-Gérardi. 3* Essai sur la peinture par Algarotti, ibid., 1769, in- 12 ; 4* le Traité des violences publiques et particulières par Murena, ibid., 1769. Le traducteur y a joint une Dissertation sur les devoirs des magistrats. 5* Les Abeilles, poème de Ruccellaï, ibid., 1770, in-8*; Amsterdam, 1781, in-12. Pingeron l'a fait suivre d'un Traité complet sur l'éducation des abeilles, tiré des meilleurs auteurs. 6* Les Vies des architecte* anciens et modernes par Milizia, ibid., 1771 2 vol. in-12. La préface contient des recherches curieuses sur l'origine et les progrès de l'architecture. 7° Le Voyage dans la Grèce asiatique par l'abbé Sestini 1789, in-8°; 8° les Lettre* écrites par l'abbé Sestini à ses amis en Toscane pendant le cours de ses voyages, ibid., 1789, 3 vol. in-8° avec des notes du traducteur. De l'anglais 9° Voyage dans la partie septentrionale de l'Europe pendant les années 1768-1770 par Jos. Marshal, Paris, 1776, in-8°; 10* la Description de l'île de la Jamaïque, ibid., 1782, in-12; 11° la Description d'une machine électrique et perfectionnée par Cuthberson, ibid., 1790, in-8°; 12° Expériences et recherches utiles à l'humanité, aux hospices, au commerce et aux beaux -arts, traduites de plusieurs langues et recueillies de divers voyages, trouvées dans les papiers de Pingeron, Paris, 1805, in-8*. On lui attribue encore l'Art de faire soi-même des ballons aérostatiques, Paris, 1783, in-8* et l'on trouve de lui divers articles dans la Bibliothèque physico-économique et dans d'autres recueils du même genre. W s.
 

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