Supplément illustré n°7 : complément publié par divers
journaux sous les titres variés de Supplément du Petit
comtois, de l’Abeille de Seine-et-Oise, de l’Illustré
national, le Petit Havrais illustré ...
1914
Histoire anecdotique de la guerre européenne
La fuite du prisonnier
C’était encore en Lorraine. Au
cours d’un engagement, les Allemands avaient fait
prisonnier un soldat français. La colonne arriva ainsi
au village d'Igney où elle fit halte.
Le prisonnier, qui connaissait admirablement le pays,
profitant d’un moment où la surveillance s’était
relâchée autour.de lui, détala comme un lièvre et
disparut dans les rues tortueuses du pays.
Le commandant du détachement, après avoir admonesté
vertement le sous-officier chargé de la garde du
prisonnier, lui donna l’ordre de se mettre immédiatement
à sa recherche et de le lui ramener sans retard.
Le sous-officier, furieux à son tour de la négligence de
ses hommes, s’élança avec eux à la recherche du fugitif.
Toutes les maisons du village, les granges, les écuries,
les étables furent visitées les unes après les autres.
On ne trouva rien. Où pouvait être caché cet homme? Sans
doute, il avait du gagner la campagne et se terrer dans
quelque fourré.
Des battues furent organisées aux environs, sans plus de
succès.
Le sous-officier, plus mort que vif, se décida néanmoins
à venir rendre compte à son chef du résultat négatif de
ses efforts.
L’officier, qui ne dérageait pas, lui donna alors
l’ordre de lui amener le maire du pays. Celui-ci, qui
était resté à son poste, fut arrêté quelques minutes
après, à son domicile, et conduit en présence de
l’officier allemand.
Ce dernier expliqua que les habitants d’Igney s’étaient
entendus pour faciliter la fuite d’un soldat français
qu’il avait fait prisonnier... En sa qualité de maire,
il le rendait responsable de l’attitude hostile de la
population vis- à-vis des troupes allemandes. Si, dans
une heure, le prisonnier ne se présentait pas devant
lui, c’est lui, le maire, qui serait châtié.
Le maire d’Igney ne se laissa pas intimider par ces
menaces.
Il répondit qu’il n’avait pas à se faire le pourvoyeur
de l’armée allemande ; si celle-ci ne savait pas garder
ses prisonniers, il n’y pouvait rien, et il ajouta que,
ni dans une heure, ni dans un mois, il ne ramènerait
dans les rangs allemands le prisonnier qui avait réussi
à s’en échapper.
Cette réponse fière et loyale, qui eût été acceptée par
tout ennemi quelque peu chevaleresque, mit au comble la
fureur de l’officier teuton.
Sans vouloir en entendre davantage, n’écoutant que sa
haine et son orgueil bafoué, il fit coller au mur de la
maison la plus proche le courageux maire d’Igney et
commanda lui- même le feu de peloton qui l’abattit
lâchement sous ses yeux. |