BLAMONT.INFO

Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

 Présentation

 Documents

 Recherche

 Contact

 
 Plan du site
 Historique du site
 

 

Texte précédent (dans l'ordre de mise en ligne)

Retour à la liste des textes - Classement chronologique et thématique

Texte suivant (dans l'ordre de mise en ligne)


Marthe Richard - 1954 - L’affaire des bijoux
Voir les textes sur Marthe Richard


La presse, Montréal
11 juin 1954

Ecrouée pour recel de bijoux
La pittoresque Parisienne M. Richard impliquée dans une affaire de 1943.
Paris, 11 (AFP) - Mme Marthe Richard, qui vient de faire l’objet d’une inculpation pour «  recel qualifié » de bijoux volés, a été placée sous mandat de dépôt et est actuellement détenue.
Marthe Richard était connue pour ses activités d’espionnage pendant la guerre de 1914-1918 et plus récemment pour ses campagnes contre la prostitution qui ont abouti à l’interdiction des maisons closes en France.
Il s’agit d’une affaire remontant à l’occupation. En 1943 des faux policiers s’étaient emparés sous prétexte de perquisitionner chez un particulier de bijoux dont la valeur était estimée à plus de $87,500. L’enquête aurait été rouverte récemment à la suite d’éléments nouveaux. On avait découvert que Marthe Richard portait deux bijoux provenant de ce vol et elle n’a pu en justifier la provenance.

Auteur d'une autobiographie
Mme Richard est l'un des personnages les plus en vue dc la chronique parisienne. Elle a conté elle-même les péripéties d’une partie de sa vie dans un livre intitule “Ma vie d’espionne".
Elle est née en 1889 à Blamont en Meurthe-et-Moselle. Marthe Richard, de son nom de jeune fille Bettenfeld, fut tout d’abord culottière mais, toute jeune, songea à des activités plus aventureuses. Après s’être intéressée à l’automobile, elle se tourna vers l’aviation et passa son brevet de pilote.
Son premier mari, Henri Richer, ayant été tué au début de la guerre 1914-1918, Marthe Richard devint agent de renseignements et fut envoyé à ce titre en Espagne par le capitaine Ledoux du 2ème bureau. C’est là qu’elle eut, notamment avec l’attaché naval allemand von Krohn, quelques-unes des aventures qui, diversement commentées par ses contemporains, se prolongèrent en plusieurs procès dont l’un en diffamation, qu'elle devait gagner en 1948 contre un hebdomadaire parisien.
Quelques années après la guerre, Marthe Richard convolait avec un Anglais, Thomas Crompton, directeur de la fondation Rockefeller. Veuve une fois encore, elle recevait alors la Légion d'honneur, en reconnaissance des services rendus à la cause alliée par son premier mari, disent les uns, par elle-même disent les autres.
Après la seconde guerre mondiale, élue conseillère municipale à Paris sur une liste MPR, elle se signalait de nouveau à l’opinion publique en engageant une vigoureuse campagne qui devait aboutir à la fermeture des maisons closes. Par la suite, elle devait publier un “appel des sexes ”(prix tabou 1951) dans lequel elle apparaissait douter du bien-fondé, en fait, de la dite fermeture.
L’affaire dans laquelle elle est-Impliquée aujourd'hui remonte à 1943. Mme Cardot, son amie à l'époque, se vit un matin délestée de plusieurs millions de francs de bijoux par de soi-disant policiers allemands opérant une perquisition.
Comme auteur, Marthe Richard a ces dernières années, retenu l’attention du public par un second essai, pour un dessein ambitieux, puisqu’il s’agissait de rien moins qu’une “histoire universelle de l’amour”


International herald tribune
11 juin 1954

French Feminine Leader
Marthe Richard Is Arrested As Recipient of Stolen Jewels
Mme. Marthe Richard, post-war feminine leader who led the drive to close Paris houses of prostitution, was arrested yesterday on charges of receiving stolen jewels and held for questioning by the Surete Nationale.
A police search of Mme. Richard’s home, 14 Avenue du General- Claverie, where she was known as Mme. Besenfeld, produced evidence on which M. Baures, examining magistrate, decided to issue the charge.
The charge against Mme. Richard, the French news agency said, arose from a complaint made in 1943 by a Mme. Cardot, 25 Boulevard Gouvion-Saint-Cyr, which said that false police entered her home during the occupation and made off with jewelry then valued at 35,- 000.000 francs. A police investigation produced no result at that time.
Some months ago, the French news agency said, a new inquiry was started when authorities received information that Mme. Besenfeld was wearing two pieces of jewelry belonging to Mme. Cardot.
Mme. Richard, on being questioned, said the jewels were acquired legally and named the jewelers. The latter failed to confirm her statement.
Yesterday Mme. Richard was questioned again and as a result the police made a search of her home.
An airplane pilot in 1913, a spy in both the first and second World Wars and twice a widow, Mme. Richard, 64, led a crusade against the Paris “maisons de tolerance” immediately after the Liberation in 1944.
As a member of the Paris Municipal Council, she sponsored a law which on Oct. 7, 1946, closed all of the capital city’s 177 houses. The measure was eventually extended to all of France by action of the then Constituent Assembly.
In 1952, Mme. Richard won 50,000 francs damages in a libel suit heard in a Paris court against a publisher who said in a Paris magazine that 30 years ago she “practiced the same trade in Madrid which later she wanted to forbid to thousands of unfortunate women.”
The publisher was Jean Galtier-Boissiere of “Le Crapouillot.” Mme. Richard had asked 1,000,000 francs damages, but the court said “she herself, in her writings, has dwelt complacently on the circumstances which compelled her to submit to what she calls the inevitable, and part of the duties of her spy’s job, thereby exposing herself imprudently to the malicious comments of M. Galtier-Boissiere.


Combat : organe du Mouvement de libération française
21 juin 1954

Rebondissement dans l’affaire Marthe Richard qui serait remise en liberté
POURSUIVANT l’information judiciaire dont la réouverture a provoqué le 10 juin dernier l’arrestation de Marthe Richard, inculpée de recel de bijoux volés en 1942, M. Baurès, juge d’instruction, a entendu samedi après-midi Mme Cardot, propriétaire des joyaux. Cette dernière, contrairement aux déclarations qu’on lui avait primitivement attribuées, n’a pas affirmé avoir vu l’ancienne conseillère municipale porter le bracelet-montre en brillants qui lui a été dérobé. Mme Cardot n’a pu, d'autre part, reconnaître formellement le bracelet en diamants saisi chez Marthe Richard que le magistrat lui a présenté et dont l’accusation lui attribuait la propriété. Elle n’a pas été en mesure enfin d’indiquer l’origine du bracelet qui avait été volé, l’ami que le lui avait donné étant maintenant décédé.
Les enquêteurs ont, d’autre part retrouvé chez un bijoutier de l’avenue Lowendal deux chèques de 20.000 fr et 40.900 fr. tirés par Marthe Richard en 1938, en règlement, affirme-t-elle du bracelet en brillants trouvé à son domicile. Interrogé, le joaillier a toutefois déclaré que ces chèques étaient destinés à payer l’achat d’une bague et non d’un bracelet.
Quoi qu’il en soit, étant donné les faibles charges qui pèsent sur elle, à moins d’événements nouveaux résultant de la confrontation générale qui doit se dérouler aujourd’hui dans le cabinet de M. Baurès, il est probable que Marthe Richard sera prochainement remise en liberté.


La patrie
29 août 1954

Marthe Richard a rejoint dans les cellules celles qu’elle a fait renfermer
PARIS - Il a fallu soustraire au courroux de ces demoiselles de la prison de la Roquette Marthe Richard, arrêtée sous accusation de recel de bijoux volés. Les respectueuses lui en veulent d'avoir fait fermer ces maisons qui pourtant portaient déjà l’épithète de closes.

Une vieille amie de Marthe. Mme Cardot, a cru reconnaitre parmi les bijoux de l'ex-agent secret une montre volée durant l'occupation par de faux policiers. Marthe est son seul nom véritable. Tous les autres sont postiches. Ils lui ont été imposés par les circonstances d'une vie aussi romancée qu'un livre de Simenon.
Elle est née à Blamont, Meurthe-et-Moselle, le 15 avril 1889. Son nom de famille: Bettenteld. Elle avait une vingtaine d'années lorsqu'elle arriva à Paris. Elle fréquente des jeunes gens de son âge, des étudiants à moustaches. Elle à vingt-cinq ans lorsqu'elle épouse Henri Richer, qui a onze ans de plus qu’elle. Il est aviateur. Il lui enseigne à voler. Elle obtient son brevet de pilote. Trois autres femmes seulement l'ont devancée dans cet art, qui en est encore aux cages à poules.
LA BELLE VEUVE DE GUERRE
Mobilisé à la déclaration de la guerre, le pilote Richer est blessé mortellement le 25 par un obus de gros calibre. Il avait 37 ans. La belle veuve de guerre fait, en 1916, connaissance d'un autre aviateur, beau garçon, auquel on a donné le surnom de Sosso. Il est né en 1871 à Gori, dans le Caucase. Il a derrière lui une belle carrière de terroriste anarchiste et révolutionnaire. Réfugié politique, il est devenu un as de l'aviation. Il se bat pour la France et le bruit court qu'il est le demi-frère de Joseph Vissarionovitch, dit Staline.
Un jour il est convoqué par les bureaux d'espionnage qui l'interrogent au sujet de ses accointances avec Marthe Richer, que l'on soupçonne d'être une espionne à cause de ses relations avec les aviateurs. Ce n'est pas la première fois d'ailleurs que l’on redoute Marthe Elle à failli être fusillée à Picquigny, sur la Somme, au debut de la guerre. Elle à le physique de l'emploi. Sosso et Marthe entrent au service de l’espionnage français. Marthe devient espionne vraie sous le nom de Richard.
PREMIERES ARMES
Elle est envoyée en Scandinavie, où elle fait son apprentissage sans beaucoup de succès. Elle prend ensuite la direction de l'Espagne, quartier général des espions de tout bois. Le célèbre capitaine Ladoux, l’as français du renseignement, lui intime qu’elle appartient désormais à l'Etat. Elle portera le pseudonyme d'Alouette. De nombreux Espagnols se laissent prendre au miroir des yeux bleus de l'Alouette.
Le propre neveu de Ludendort, le baron Hans von Krohn, attaché naval à Madrid, lui propose d'aller chercher en France des renseignements sur le moral des combattants français, l'emplacement des batteries antiaériennes autour de Paris et les points de chute des bombes allemandes. Elle doit lui faire parvenir ses informations au moyen d'une encre sympathique à l'adresse de Madeleine Stépino. Elle est l'agent S.32.
Elle rentre à Paris, fait rapport au capitaine Ladoux qui lui fournit des renseignements susceptibles de duper von Krohn, qui s'est fait prendre au jeu et tombe amoureux de Marthe. Elle démasque deux de ses agents, fait arrêter des espions allemands au Maroc, donne à Ladoux le passage secret des agents de von Krohn vers la France, jusqu'au jour ou von Krohn voit clair et rompt avec Marthe, devant laquelle toutes les portes se ferment

SUSPECTE
A Paris même on commence à douter de Marthe. On envole un autre agent pour la surveiller. C'est Sosso qui doit enlever von Krohn et l’emmener en France. Mais au moment où la voiture dans laquelle doit être enlevé l’agent allemand va franchir la frontière, elle est frappée de côté par une autre voiture. L’Allemand subit une fracture du crane. Sosso a deux jambes de brisées et Marthe une. L’accident aurait été provoqué par un service anglais pour des raisons restées mystérieuses.
A Madrid S. 32 écœurée, avoue qu’elle est un agent français à von Krohn qui la gifle et lui casse deux dents. Puis Ladoux, à paris où elle est rentrée, refuse de la recevoir. Marthe est désespérée ; ainsi, elle a tout risqué, sa vie et son honneur, pour servir la France par la ruse et voilà sa récompense.
Entre les deux guerres, elle publie ses souvenirs dans un livre intitulé «  Espions de guerre et de paix ». Elle voyage. A la faveur de la guerre civile, elle retourne à son ancien champ d’action, l’Espagne. Elle en rapporte un reportage romancé. Marthe Richard est de nouveau célèbre peu avant la dernière guerre. Edwige Feuillère incarne son rôle à l’écran.
C’EST LA LOI
Et de nouveau c’est la grande nuit sur le monde. Marthe prend part à la résistance . En 1945, après la libération, elle est élue au conseil municipal et réussit à faire fermer les lupanars. Elle était veuve de son second mari, un anglais du nom de Crampton. Elle assure qu’une décision de Vichy l’a réintégrée dans la nationalité française. Et voilà qu’on se demande si les délibérations du conseil municipal qui ont eu lieu sur ce brûlant problème sont nulles du fait qu’une conseillère inéligible y aurait participé et si elle ne les aurait pas fait fermer illégalement. En tous cas, la loi Marthe Richard est la loi la plus célèbre du monde.
Elle ne s’est pas représentée au conseil municipal. Marthe Richard-Crampton est rentrée dans l’ombre.
«  Certains, écrit-elle nostalgiquement, affirment qu’on mérite toujours son sort. J’ai voulu servir mon pays. Oui certes, mais parfois je me demande si ma vocation ne cache pas un certain besoin de souffrir, que contient toujours un cœur de femme faite pour être sacrifiée à l’homme, un cœur de Lorraine habituée à la guerre, à l’invasion, à la douleur. Alors, si c’est mon destin, laissez-moi porter mes croix, celles de gloire et celle de souffrance. »


Est-Républicain
3 juin 1955

Inculpée de recel Mme Marthe RICHARD bénéficie d’une ordonnance de non-lieu

Paris. M. Baurès, juge d’instruction, a rendu hier une ordonnance de non lieu en faveur de Mme Marthe Crompton, née Bettenfeld, plus connue sous le nom de Marthe Richard, qui était inculpée de recel qualifié depuis le 11 juin 1954.
Au mois de mai 1942, Mme Louise Cardot avait été victime de faux policiers qui avaient dérobé des bijoux estimés alors à 35 millions. Une information contre X avait été ouverte par le Parquet. Faute d'éléments, elle avait abouti à un non lieu.

Une affirmation impossible à contrôler
Or, le 23 mars 1953, Mme Cardot déposait une nouvelle plainte contre l’une de ses anciennes amies, Mme Crompton, au poignet de laquelle elle prétendit avoir reconnu l'un des bracelets qui lui avaient été dérobés. Une nouvelle information fut alors ouverte. Elle fut confiée à M. Baurès, à qui Mme Crompton déclara avoir acheté le bijou, avant la guerre, à un bijoutier. Ce fait ne put malheureusement pas être vérifié, car le bijoutier en question était mort depuis longtemps. Sa veuve, il est vrai, affirma qu’à sa connaissance son mari n’avait jamais eu dans sa boutique aucun bracelet de ce genre.
Le 11 juin dernier, Mme Crompton était inculpée de recel qualifié et placée sous mandat de dépôt. Elle devait être mise en liberté provisoire quelques jours après, le 26 juin.

«  Ressemblance étrange »
Le juge d’instruction poursuivit son information. Interrogée à nouveau, Mme Cardot fut moins catégorique, elle se borna à déclarer que le bracelet de son ancienne amie «  ressemblait étrangement à celui qui lui avait été volé. » Aucun fait nouveau n’ayant pu être relevé à la charge de Mme Crompton, le juge d'instruction vient de conclure au non lieu en précisant dans les attendus de son ordonnance que les éléments du recel qualifié ne sont pas réunis et que, d’autre part, les délais de prescription légale en matière de recel simple sont désormais écoulés.
Le bracelet, qui avait été placé sous scellé, a été restitue à Mme Crompton.

Mentions légales

 blamont.info - Hébergement : Amen.fr

Partagez : Facebook Twitter Google+ LinkedIn tumblr Pinterest Email