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La question des passeports à la frontière allemande - 1887


La Revue des journaux et des livres
Ed. Paris
23 octobre 1887

Les Passeports à la Frontière allemande

L'oeuvre de germanisation en Alsace-Lorraine ne marche pas assez vite au gré des Allemands. Nous sommes même portés à croire qu'elle ne marche pas du tout, à en juger par le nombre toujours croissant des annexés qui préfèrent se soustraire, par l'émigration, aux mauvais traitements et aux vexations incessantes auxquels ils sont en butte de la part des autorités allemandes. C'est ainsi qu'une société française recueille à la seule gare d'Àvricourt, tous les jeudis, une centaine de ces malheureux forcés d'abandonner leur pays.
Afin de faciliter cette oeuvre de germanisation qui leur tient tant au coeur, les Allemands viennent de prendre une série de mesurés qui ne tendent à rien moins qu'à nous fermer l'accès de l'Alsace et de la Lorraine. Il résulte, en effet, des prescriptions nouvelles, que tous les citoyens français, y compris ceux qui viendront en Alsace-Lorraine par une frontière autre que celle de France, devront, pour avoir le droit de séjourner dans les provinces annexées, présenter un passeport visé par l'ambassade d'Allemagne à Paris. Les étrangers autres que les Français sont soumis à des obligations analogues, mais combien atténuées! Aux étrangers le visa du passeport sera délivré dans les vingt-quatre heures et, une fois en Alsace-Lorraine, ils ne seront tenus à aucune obligation spéciale.
Pour nous, c'est une autre affaire. L'ambassade d'Allemagne à Paris ne visera les passeports des Français voulant se rendre en Alsace-Lorraine ou simplement traverser ces provinces, qu'après s'être informée auprès des autorités de ce pays si rien ne s'y oppose ; d'où un retard de quinze jours au moins. Tout Français, même muni de passeport, qui séjournera plus de vingt-quatre heures sur un point quelconque des provinces annexées, devra immédiatement en faire la déclaration aux autorités.
En langage vulgaire, cela revient à dire que tout Français se rendant en Allemagne sera placé sous la surveillance de la haute police.
C'est dans la nuit du 30 au 31 mai que ces nouvelles prescriptions ont commencé à être mises en pratique, avec une rigueur inouïe et même ridicule.
A Pagny-sur-Moselle, non seulement les voyageurs qui n'avaient pas de passeport, mais encore les femmes et les enfants ont été reconduits à la frontière. Le contrôle est tout aussi rigoureux à Novéant.
Mais où la consigne allemande triomphe, c'est à Avricourt. Là, en effet, le service est fait par des soldats et un commissaire de police assisté d'un gendarme nommé Reischer qui, tous deux, font preuve d'un zèle aussi désagréable qu'exagéré. Ce Reischer est un gendarme français déserteur qui a pris du service dans la gendarmerie allemande.
Ces deux messieurs font subir aux voyageurs toutes sortes de tracasseries. C'est ainsi qu'en attendant le train qui doit les ramener en France, les voyageurs non munis de passeports ne peuvent faire un pas hors de la gare. . Il est à remarquer, du reste, que les étrangers se montrent bien plus irrités que nos compatriotes des mesures nouvellement prises. C'est ainsi qu'un jeune Russe, élève de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, se rendant en Allemagne par Avricourt, et se voyant refuser la frontière, se mit dans une violente colère et cracha dédaigneusement sur les bottes d'un agent de police.


Il fut immédiatement reconduit à pied, entre deux gendarmes, à la frontière française.
Nous pourrions multiplier les exemples d'incidents produits par la rigueur avec laquelle sont appliqués les ordres du gouvernement allemand. Aussi la Compagnie française des chemins de fer de l'Est a-t-elle immédiatement pris ses mesures pour éviter à ses voyageurs les ennuis de toute nature qu'on leur fait subir à la frontière allemande. Les voyageurs descendent à Belfort et prennent par la ligne de Delle et la Suisse. Les trains qui vont en Alsace sont à peu près vides, ce qui n'est pas pour plaire au commerce allemand. Déjà de nombreuses plaintes se sont fait entendre dans la presse : la Gazette de Francfort et surtout la Gazette de Voss se sont faites l'écho des doléances de leurs nationaux.
Nous ne nous arrêterons pas à flétrir tout ce que ces mesures ont de vexatoire, d'odieux et de contraire au droit, international. Il est inadmissible qu'une nation quelconque, puisse mettre au ban un grand peuple voisin avec qui elle vit en paix. La question est jugée pour nous et sera-certainement sera-certainement dans le même sens par tous les gouvernements qui ne sont pas à plat ventre devant M. de Bismarck.
Mais ce qu'il est intéressant de rechercher, c'est le motif qui a dicté ces mesures. Dans un article long et filandreux, rempli d'insinuations malveillantes à notre égard et d'imputations calomnieuses pour la France, la Gazette de l'Allemagne du Nord cherche à nous donner ce motif.
Nous trouvons dans ce long factum trois raisons principales qui ont dicté sa conduite au gouvernement de Berlin: 1° la nécessité de hâter la germanisation de l'Alsace-Lorraine ; 2° l'espionnage français; 3° le désir de maintenir et de consolider la paix.
Le premier motif allégué paraît assez plausible ; quant aux deux autres, c'est une mauvaise plaisanterie d'un goût plus que douteux.
En édictant ces mesures vexatoires, le gouvernement allemand nous paraît surtout avoir obéi au secret désir de nous voir user de représailles à l'égard des Alsaciens-Lorrains. Le cabinet de Berlin s'est trompé. Nos compatriotes d'Alsace-Lorraine seront toujours reçus chez nous comme nos frères. Mais ce qui pourrait et devrait arriver, c'est que le Parlement français se décidât enfin à voter un impôt de séjour sur tous les étrangers qui résident en France. Or, comme il y a cent mille Teutons chez nous, cela ferait quelques millions qui entreraient, tous les ans, dans la caisse du Trésor. Il serait même doux pour nos coeurs de patriotes de voir cet argent exclusivement consacré à la fabrication d'armes destinées à régler un jour nos comptes avec cet empire qui semble s'être donné pour tâche unique de nous pousser à bout.
H. GRENET.

 

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