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16 mai 1921
- Première cérémonie interdite aux Entonnoirs de Leintrey

Est-Républicain :
9 mai 1921 - 12 mai 1921 - 18 mai 1921 - 21 juillet 1921 - 2 décembre 1921 - 19 janvier 1922


Est-Républicain
9 mai 1921

Troublante énigme
Qui se propose-t-on d'honorer devant les entonnoirs de Leintrey ?

Un journal de Metz nous apprend qu'une manifestation patriotique aura lieu à Leintrey, à l'occasion des fêtes de la Pentecôte.
Cette manifestation est organisée par M. l'abbé Klein, curé de Leintrey, et doit avoir pour but d'honorer les restes des soldats enfouis dans les immenses cratères qui attestent, sur ce point particulier du front, les terribles ravages de la guerre de mines.
Il semblent assez surprenant, au premier abord, que cette cérémonie nous soit révélé par un confrère messin, alors que les journaux locaux - à part une petite note parue dans la Croix - conservent à son sujet le plus prudent silence !
Une rapide enquête nous a permis de trouver la. clé de l'énigme.
L'intention avouée de M. l'abbé Klein n'est pas d'honorer la seule mémoire des soldats français tombés dans le secteur. Il entend, aussi, honorer la mémoire des autres. Il y a, en effet, parmi les Bavarois tombés là en nombre considérable, un petit contingent d'Alsaciens. Ce sont, précisément, aux restes de ces quelques Alsaciens, mélangés aux .Bavarois, que l'on prétend rendre un suprême hommage. La question est délicate et ne va pas sans provoquer un vif émoi, particulièrement chez les anciens combattants.
Un de ceux-ci nous disait hier :
«  Nous estimons que la manifestation organisée pour la Pentecôte, devant les entonnoirs de Leintrey, est absolument inopportune. Qu'un certain nombre d'Alsaciens se soient trouvés dans les rangs des Bavarois qui étaient devant nous, cela n'est pas douteux. Nous ne professons à l'endroit de ces pauvres gens qui étaient là malgré eux, que des sentiments de sympathie. Nous les avons plaint d'être obligés de faire cause commune avec l'ennemi. Mais, il n'en est pas moins vrai qu'ils se sont battus contre nous et que c'est peut-être l'un d'eux qui a tué mon frère ! Je me refuse, pour ma part, à m'associer à un hommage contre lequel se révolte tout mon sang ! »
Quelle question angoissante ; quelle incertitude affreuse ! Et cependant, Barrés avait raison lorsque, pour empêcher la germanisation de l'Alsace, il donnait ce conseil pressant aux Alsaciens ; «  Restez en Alsace ; demeurez un caillou sous la botte de l'envahisseur et maintenez ce qui ne meurt pas » ! »
Un autre combattant nous tient, à peu près, le même langage :
«  La manifestation organisée à Leintrey est inadmissible. Si des Alsaciens se trouvent mêlés aux Bavarois, ils sont loin d'être la majorité. Il y a là surtout, enfouis dans ce secteur, des Boches, et quels Boches ? les plus barbares et les plus lâches, ceux qui ont incendié nos maisons, fusillé les habitants, violé les femmes, ceux justement dont on ne peut rappeler le souvenir sans horreur, des Bavarois. Permettra-t-on à nos drapeaux de s'incliner devant la tombe de ceux-là ? »
La lecture de l'appel lancé par M. le curé de Leintrey dans te journal de Metz auquel nous faisons allusion, donne raison à notre interlocuteur. Nous y relevons, en effet, ce passage, singulièrement éloquent :
«  Nos ennemis eux-mêmes, devant l'hécatombe de leurs morts tombés à cet endroit, l'appelaient le Tombeau des Allemands. »
C'est. donc devant le Tombeau des Allemands que le curé de Leintrey convie les populations à venir s'agenouiller et prier. Pour donner plus d'éclat à la cérémonie dont il est l'unique organisateur, l'abbé Klein aurait pu demander leur collaboration à quelques ecclésiastiques de l'arrondissement de Lunéville, à un de ces vieux prêtres, indignement traités par les soudards bavarois, qui survécurent aux tortures des geôles allemandes où ils expièrent leur patriotique intransigeance ; à un de ces curés de notre connaissance, dont la Légion d'honneur et la médaille militaire, épinglées sur la soutane, proclament la belle conduite et le courage sans défaillance. Il s'en est bien gardé. D'avance, il était sûr de leur réprobation.
Il s'est adressé à M. le docteur Heimès, pfarrer de Walscheid, ancien député au Landtag. C'est à M. Heimès qu'il a réservé la tâche de haranguer la foule accourue devant les entonnoirs.
D'aucuns, aujourd'hui, nous affirment que pour être entendu des seuls assistants réellement convoqués, l'ancien député parlerait en allemand.
Nous ne pouvons affirmer qu'il en soit ainsi décidé. En tout cas, ce manque de tact, se doublerait d'une gravé imprudence. On nous avise, on effet, que de nombreux habitants-de Leintrey, Vého, Verdenal, accompagnés d'anciens combattants, ne tolèreront pas cette suprême inconvenance.
Que l'on nous comprenne bien. Nous ne voulons porter contre l'ancien député au Landtag, que nous ne connaissons pas, aucun jugement téméraire. En principe, nous ne doutons pas de l'excellence de ses sentiments français. En revanche, nous sommes obligés de reconnaître que l'attitude présente de l'organisateur de la cérémonie, M. l'abbé Klein, autorise les plus fâcheux commentaires.
Très combatif, le curé de Leintrey a semé la division dans une malheureuse commune ruinée qui n'avait nullement mérité ce surcroît d'infortune. Il emploie, paraît-il, la manière forte, racontant partout qu'il possède les plus hautes influences : il menace les uns, brime les autres, se rend intolérable à tous. Les actes de pression qui nous sont signalés dépassent toute imagination.
Mais, ceci n'est rien. A l'église, il ne se contente pas de prêcher le pardon, de dire que le vainqueur doit s'incliner devant le vaincu et lui tendre la main, - ce qui, à la rigueur, ne contredit pas la doctrine évangélique, - il lui arrive aussi, fréquemment, de célébrer sur le mode lyrique la vertu des méthodes allemandes et de critiquer violemment la France et son gouvernement. Ses inconséquences de langage sont telles qu'un beau jour, une femme indignée l'interrompit et le traita publiquement de «  Boche !... »
Nous n'insisterons pas davantage aujourd'hui sur le cas de cet imprudent abbé, qui, fort heureusement, nous apparaît comme une exception et une manière de phénomène dans une région où ses honorables collègues nous ont habitués à plus de bienveillance, de libéralisme et, surtout, de compréhension du sentiment public.
Ce qui nous semble urgent pour l'instant, c'est d'avertir la population du sens de la manifestation qui se prépare, de provoquer les explications des intéressés, - lesquelles suffiront peut-être à calmer l'irritation des esprits, - et, enfin, d'empêcher des incidents graves et regrettables.
La terre de Leintrey, si atrocement meurtrie et arrosée de tant de sang, n'a pas besoin de cérémonie tapageuse. Elle a droit seulement au respect, à l'oubli, à la sérénité du silence.
Fernand ROUSSELOT.


Est-Républicain
12 mai 1921

LE SCANDALE DE LEINTREY
Lundi, en honorera la mémoire des Bavarois !

M. le curé de Leintrey s'est, enfin, décidé à envoyer à quelques-uns de nos confrères une note concernant sa cérémonie de lundi prochain. En voici la teneur :
AU PAYS DU SOUVENIR. - Le lundi de la Pentecôte, à 11 h. 30, une messe solennelle sera chantée sur le champ de bataille désormais historique : «  Aux entonnoirs », par M. le curé d'Imling. M. le Dr Heymès, curé de Walscheid, ancien député au Landtag, y prendra la parole.
Sur le vaste front d'Ypres à Belfort, le secteur de Leintrey compte parmi les plus désolés. Du bois Zeppelin, il ne resté plus que l'emplacement et les morts y sont plus nombreux aujourd'hui que les arbres autrefois. Le sol bouleversé est à jamais inculte. Les tranchées s'y entrelacent, les barbelés sont encore debout ; on voit, avec épouvante, ces immenses entonnoirs, de 30 mètres de profondeur, sur 89 de diamètre, où tant de nos soldats trouvèrent la mort. C'est la zone rouge dans toute son horreur. Au lendemain de la guerre, de pieuses mains ont recueilli les cadavres desséchés accrochés aux fils de fer et privés de sépulture. Un jour, on peut l'espérer, s'élèvera sur leurs ossements, une chapelle commémorative. C'est là que tous les ans une messe anniversaire solennelle rassemblera tous ceux qui veulent et doivent se souvenir : anciens frères d'armes et parents désolés ; c'est la que les jeunes filles de Leintrey viendront, chaque dimanche, apporter des fleurs et une prière.
Nous connaissons aujourd'hui les pieuses mains qui ont recueilli les ossements épars autour des entonnoirs. Ce sont celles de M. l'abbé Klein et de son chantre. Des ossements ainsi ramassés il a rempli huit ou dix sacs, et nous devons dire à sa louange qu'il s'est acquitté avec conscience de sa lugubre tâche.
Hier, en effet, en explorant les abords des entonnoirs, au milieu des terrains éventrés et de l'enchevêtrement inextricable des réseaux, nous n'avons pu découvrir qu'un nombre infime de débris humains, quelques vertèbres, des tibias, perdus dans la boue des mares ou dissimulés sous les barbelés et les herbes folles, M. le curé a tout glané. C'est très bien. Mais, pourquoi donc a-t-il commis l'imprudence de laisser sur le terrain les épaves permettant d'établir l'identité de ces tristes restes ? Pourquoi a-t-il négligé d'emporter ou d'enfouir les cartouchières à triple pochette et les fourreaux de sabre en cuir, les lambeaux de capotes grises accrochés aux ronces de rouilles, les parements rouges des tuniques, et les boutons ornés de l'aigle impérial, et les lourdes bottes à haute tige, au talon armé du fer à cheval ? Elles sont toutes vides, ces horribles bottes ; ce sont les pieuses mains de l'abbé Klein qui les ont vidées. Et c'est leur contenu qu'il propose aujourd'hui à notre vénération !
Pourquoi n'a-t-il pas fait disparaître non plus les feuillets des journaux et de livres allemands que l'on peut ramasser dans tous les trous ?
Pendant deux heures, en compagnie de trois amis, - trois témoins irrécusables, - j ai fouillé patiemment, minutieusement ce coin tragique : je n'y ai pas trouvé une seule épave provenant de l'équipement de nos soldats.
De ces recherches vaines, je conclus que l'abbé Klein a ramassé uniquement des ossements boches. Ces ossements, il se propose de les réunir dans un ossuaire qu'il demandera à la générosité des fidèles d'édifier. J'ai la certitude enfin, que sa cérémonie de lundi a été bel et bien organisée pour célébrer la mémoire des Bavarois tombés dans les entonnoirs de Leintrey Nous disions avant-hier que l'abbé Klein n'avait osé demander à aucun prêtre de l'arrondissement de Lunéville de présider sa manifestation. Nous savons aujourd'hui qu'il n'y a même invité aucun de ses confrères, aucun curé des paroisses voisines. Les témoignages non équivoques d'approbation que nous avons reçu à la suite de publication de notre premier article nous permettent d'affirmer qu'aucun curé de notre arrondissement ne se serait fourvoyé dans une pareille aventure.
L'abbé Klein donc fait appel au curé d'Imling, qui chantera la messe, et au curé de Walscheid, qui prononcera le sermon.
Le curé de Walscheid, M. le docteur Heimès, ancien député au Landtag, était un prédicateur tout désigné pour la circonstance.
On en jugera par cette anecdote édifiante que nous a contée, hier, un prêtre dont personne ne saurait mettre la parole en doute :
«  Le 14 juillet 1913, le docteur Heimès était venu en France avec son vicaire Ces deux prêtres déjeunèrent chez moi, en compagnie de plusieurs amis. A un certain moment, un de mes invités exposa ses inquiétudes - nos propres inquiétudes, - touchant le danger d'une guerre prochaine avec l'Allemagne. Le curé de Walscheid prit alors la parole et, avec une autorité soudaine dans laquelle on distinguait nettement une intention de défi, dit textuellement : «  La guerre est inévitable. Avant un an, elle sera déclarée. Nous serons vainqueurs et nous vous prendrons la Champagne ! » Ce fut un tollé général. Un jeune homme, pensionnaire chez moi. faillit se jeter sur Heimès... »
Voilà le personnage qui, lundi prochain, à Leintrey, prétend appeler sur les mânes des kamarades qui voulaient nous voler la Champagne, les bénédictions du vieux Bon Dieu !
On avouera que herr doktor Heimès et l'abbé Klein étaient fait pour se comprendre. Les deux compères parlent la même langue dans leur coeur. Et se complètent.
Nous en avons assez dit.
En montrant ces deux hommes sous leur jour véritable et en dénonçant leur dessein sacrilège, nous avons fait notre devoir. Nous voulons croire que l'autorité ecclésiastique trouvera, non dans la crainte d'un scandale public, mais dans son seul patriotisme, le courage de faire le sien !
Fernand ROUSSELOT.


Est-Républicain
18 mai 1921

La cérémonie de Leintrey a été interdite

Nos articles sur la cérémonie qui devait avoir lieu devant les entonnoirs de Leintrey, le lundi de la Pentecôte, ont soulevé une très vive émotion dans tous les milieux, plus particulièrement chez les anciens combattants et dans le monde ecclésiastique.
Il n'était pas possible de mettre en doute l'exactitude de nos informations, aussi avons-nous attendu vainement un démenti ou seulement une justification ou mise au point quelconque. Les ecclésiastiques mis en cause ont cru bon d'observer, de concert, le silence prudent.
D'autre part, on nous avisait, de Leintrey, vendredi dernier, que la manifestation projetée était interdite par l'autorité épiscopale.
A tout hasard, nous nous sommes rendus à Leintrey, lundi matin. Nous y avons trouvé quelques gendarmes, venus de Lunéville et d'Avricourt, qui faisaient les cent pas dans l'attente d'incidents improbables. Un certain nombre d'habitants des villages voisins étaient également accourus «  pour le cas où le Boche aurait changé d'idée... »
Fort heureusement, aucun cri discordant, aucune scène tumultueuse ne troubla la tranquillité de bette calme journée de soleil. Faisant, violence à ses sentiments intimes, le curé de Leintrey s'était plié aux ordres de l'évêque et avait renoncé purement et simplement, à son audacieux et inconvenant défi.
Herr doktor Heimès avait été prié de s'abstenir et de rester à Walscheid. Quant à M. l'abbé Klein, il ne sortit pas de son église- Peut-être y aura-t-il prié pour nous !
Fernand ROUSSELOT


Est-Républicain
21 juillet 1921

L'AFFAIRE DE LEINTREY
Une importante décision du Tribunal de Nancy - L'impression en Alsace et Lorraine - Rendez à César...

On se souvient de «  l'affaire de Leintrey ». L'abbé Klein, curé de cette localité, avait eu l'idée d'organiser, de concert avec l'abbé Heymès. curé de Walscheid, une cérémonie religieuse devant les entonnoirs de Leintrey. L'abbé Klein devait célébrer la messe et le sermon aurait été prononcé par l'abbé Heymès. Pour des raisons qu'il est inutile de rappeler, pour ne pas ressusciter une polémique éteinte, l'opinion publique fut, en général, peu favorable à cette manifestation. Notre collaborateur Fernand Rousselot critiqua le projet des abbés Klein et Heymès en trois articles que ceux-là jugèrent diffamatoires et pour lesquels ils assignèrent l'Est républicain en 20.000 francs de dommages-intérêts devant le tribunal correctionnel.
L'affaire fut plaidée à une récente audience. Nous nous sommes abstenus de rendre compte des débats, parce que, - le tribunal ayant mis la cause en délibéré - il nous parut plus discret et plus déférent d'attendre sa décision dans le silence.
Notre avocat, Me Boulay, sans plaider le fond de l'affaire, opposa à la demande un déclinatoire d'incompétence et voici l'ingénieuse théorie qu'il développa :
Sous l'empire de la loi de 1881 sur la presse, les «  ministres d'un culte salarié «  par l'Etat » étaient considérés comme fonctionnaires. Si, comme tels, ils étaient diffamés, ils devaient actionner leurs diffamateurs devant la cour d'assises, où la preuve des faits prétendus diffamatoires est autorisée. La loi de séparation étant survenue depuis, les prêtres sont redevenus de simples particuliers, et les affaires de diffamation les concernant sont du ressort du tribunal correctionnel où la preuve est interdite. Au premier abord donc, il semblait que les abbés Klein et Heymès en assignant l'Est en correctionnelle, avaient frappé à la bonne porte. Mais - et c'est là qu'apparaît le moyen de procédure soulevé en notre nom - l'un des demandeurs est curé à Walscheid, c'est-à-dire en Alsace-Lorraine, où, depuis la désannexion, le Concordat existe toujours et où le prêtre est «  salarié par l'Etat », par conséquent fonctionnaire, donc justiciable de la cour d'assises. L'argument est simple : il suffisait d'y songer. Sans aucun doute, en ce qui concerne l'abbé Heymès, le tribunal correctionnel était incompétent. Restait l'abbé Klein : vis-à-vis de lui on a invoqué une jurisprudence bien établie qui veut que si dans un même procès, figurent un fonctionnaire et un particulier, et si il y a une véritable indivisibilité entre les faits qui leur sont reprochés, le fonctionnaire «  entraîne » le particulier devant la cour d'assises.
Telle est la thèse juridique que notre avocat et ami Me Boulay a développée à l'audience avec une maîtrise qui a fortement impressionné ses auditeurs.
Me Terraux, avocat des deux abbés, a bien entendu, combattu son argumentation, en discutant la qualité de fonctionnaire de l'abbé Heymès et la connexité entre les deux procès intentés par nos adversaires.
C'est notre thèse qui a triomphé. Dans une décision fortement motivée, le tribunal a joint les deux affaires comme connexes, s'est déclaré incompétent, a acquitté l'Est Républicain et a condamné ses adversaires aux frais.

Telle a été la décision du tribunal de Nancy. Au cours d'un récent voyage nous nous sommes rendu compte qu'elle avait causé une très grosse impression, aussi bien en Lorraine qu'en Alsace. En. effet c'est toute la question concordataire qui est en jeu. Jusqu'à présent, dans une pensée de conciliation, devant laquelle nous nous inclinons d'ailleurs, on n'a point rappelé au clergé d'Alsace et de Lorraine les obligations que lui crée le Concordat.
Cependant ces obligations existent, et le gouvernement aurait pu déjà à plusieurs reprises déférer «  comme d'abus » au conseil d'Etat, aussi bien l'évêque de Strasbourg que l'évêque de Metz.
Mgr Pelt, par exemple, serait allé assister, sans autorisation du gouvernement, aux obsèques de l'évêque allemand de Strasbourg, prédécesseur de Mgr Ruch.
On le lui fit remarquer, avec la déférence et le respect dus à son caractère et à la dignité dont il est revêtu.
Mgr Pelt déclara : «  Mgr Fritzen était un si brave homme et un si bon prêtre ! »
Il se peut que l'ancien précepteur des enfants du roi de Saxe ait fourni l'exemple de toutes les vertus, sacerdotales et épiscopales.
Il n'en est pas moins vrai que, pour aller donner l'absoute à sa dépouille mortelle à Strasbourg l'évêque de Metz devait en demander licence au gouvernement, un évêque concordataire ne pouvant sortir de son diocèse sans y être autorisé.
Assez souvent Mgr Ruch - qui n'est point cependant un homme de combat et dont, au milieu d'une dure bureaucratie léguée par son prédécesseur, la situation n'est point toujours facile - s'est élevé contre l'école laïque.
Il a jugé que cela rentrait dans sa mission d'évêque.
Nous avons gardé une profonde déférence envers notre éminent compatriote, l'ancien et valeureux aumônier en chef du 20e corps. Néanmoins un évêque concordataire n'a pas le droit d'attaquer l'école laïque.
Le clergé d'Alsace et de Lorraine qui, en général, a été un excellent «  mainteneur » de l'idée française pendant les années douloureuses, comprend-il bien que le Concordat est un traité bilatéral et que, selon le précepte du divin maître, s'il faut rendre compte à Dieu, il faut encore rendre compte à César !...
En tous cas le jugement de Nancy lui a rappelé sa position exacte. Le prêtre en Alsace et en Lorraine est un fonctionnaire concordataire, recevant tous les avantages, mais soumis à toutes les obligations du traité fameux conclu le 15 juillet 1801 entre Napoléon Bonaparte et le cardinal Consalvi, secrétaire d'Etat du pape Pie VII.


Est-Républicain
2 décembre 1921

Procès de presse. - M. l'abbé Klein, curé de Leintrey, et M. l'abbé Heymès, curé de Walscheid, près de Sarrsbourg, avaient interjeté appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nancy se déclarant incompétent dans le procès qu'ils intentaient à l'Est républicain.
Après plaidoiries de Me Terreaux pour les appelants, de Me Boulay pour l'Est républicain, et après avoir entendu les conclusions de M. l'avocat général Maret, la cour a mis l'affaire en délibéré.


Est-Républicain
19 janvier 1922

L'affaire de Leintrey

On sait que M. l'abbé Klein, curé de Leintrey, et M. l'abbé Helmès, curé de Walscheid, ont intenté un procès correctionnel à l'Est républicain en suite d'articles publiés par nous en mai dernier. L'Est républicain a soulevé l'incompétence du tribunal et a demandé le renvoi de l'affaire devant la cour d'assises. Nous avons gagné notre procès, au tribunal d'abord, à la cour ensuite.
Aujourd'hui M. l'abbé Klein, curé de Leintrey, nous demande l'insertion d'une lettre. Nous pourrions la refuser. Mais telles ne sont pas les habitudes de l'Est républicain, qui a le triomphe modeste. Si, au lieu de nous faire un procès, M. l'abbé Klein nous avait écrit au lendemain des articles qu'il incrimine, nous aurions, à cette époque comme aujourd'hui, publié ses explications.
Voici la lettre de M. l'abbé Klein :

Monsieur le Rédacteur en chef,
Votre bonne foi a été certainement surprise lorsque trois numéros des 9, 12 et 18 mai 1921, du journal l' «  Est Républicain », m'ont attaqué de la façon la plus désobligeante et la plus cruelle dans mon patriotisme et mon ministère.
Vous ignoriez sans doute que mes sentiments français, dès l'âge de 16 ans, je les affirmais en demandant le permis d'émigration qui, en me séparant de ma famille, de mes intérêts matériels, me permettait de quitter la Lorraine et de venir faire mes études en France.
Vous ignoriez aussi qu'à ma majorité j'ai revendiqué ma qualité de Français, en souscrivant la déclaration de l'article 10 du code civil, en tirant au sort à Nancy et en devenant soldat français.
Que, rappelé à l'activité le 2 août 1914, j'étais soldat au 42e régiment territorial d'infanterie, à Toul, où j'ai servi à la 23e section d'infirmiers jusqu'au 6 janvier 1916, date à laquelle j'ai été réformé n° 2 par la commission spéciale de Nancy - vu mon mauvais état de santé.
Est-il surprenant que nommé curé de quatre malheureuses paroisses de Leintrey, Vého, Reillon, Gondrexon, détruites par la guerre, en voyant épars sur le sol dévasté de ces paroisses les ossements de nos héros morts pour la patrie, j'aie eu le désir de leur donner une sépulture et les honneur qu'ils méritent ?
N'y étais-je pas au surplus sollicité par les familles elles-mêmes. Et mon coeur de prêtre et de Français ne me traçait-il pas le devoir que je me suis efforcé de remplir ?
Dois-je même ajouter que pour ce devoir j'avais reçu du service des sépultures militaires et de la Fédération nationale des oeuvres de recherches des disparus la prière de représenter les familles des militaires morts pour la France aux travaux d'exhumation et de regroupement, des tombes.
Que je n'ai agi jamais que sous l'empire des sentiments au patriotisme le plus élevé pardon de le dire, mais ne dois-je pas le faire pour répondre aux attaques qui ont été dirigées contre moi par les articles susvisés. Ajouterai-je encore que c'est uniquement dans le but de l'hommage à rendre à nos soldats morts pour la France que j'ai fait appel aux personnalités telles que celles de députés, sénateurs, président, du Souvenir Français, tes présidents et membres du comité de l'Association des mutilés et anciens combattants de la région de l'Est.
En publiant cette lettre aux lieu et place qui ont contenu les articles qui m'ont visé et dans toutes les éditions, ville et campagne de votre journal, je vous demande de faire oeuvre de réparation et de justice, et vous prie d'agréer mes civilités.
Abbé KLEIN.
Curé de Leintrey.

 

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