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Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

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1751-1763 - Correspondance royale sur un héritage lorrain


Dans les notes (note renumérotée) des Vieux Châteaux de la Vesouze, Emile Ambroise écrit :
«  Un incident assez piquant fit revivre un instant au XVIIIe siècle, le vieux nom d'albus. En 1751, Frédéric Il, roi de Prusse, s'intéressant spécialement à un grenadier de ses gardes, nommé Hauberdon, le recommandait par une lettre autographe au roi Stanislas. Il s'agissait de faire rentrer ce grenadier en possession d'un petit bien de famille, qu'il possédait dans son pays natal à AIbus, près de Blâmont, Stanislas s'empressa ; il découvrit que ce lieu d'Albus, n'était point dans ses Etats, mais en France, et intéressa au sort du grenadier, l'intendant de Metz, lequel douze ans après n'avait point encore réussi, malgré ces royales interventions, à mener l'affaire à bonne fin. Entre temps, d'ailleurs, Hauberdon était mort. Nous conjecturons que la localité cherchée était non Albus qui n'existe pas. mais Hablütz (Ablus) écart du village évêchois d'Ibigny. (Mém Acad. de Stanislas, 1906 : Boyé. Corresp. de Stanislas avec Frédéric II, n° 22, 26, 36 et 37.) »

L'hypothèse d'Emile Ambroise se confirme par l'acte de baptême en 1715 dans les registres d'Ibigny de Nicolas Haubourdon (et non Hauberdon) :

On trouve aussi dans les mêmes registres en 1713 le baptême de Pierre, fils de Jean Haubourdon et Magdelaine «  Egnar » (?), et en 1720, Joseph, fils de Jean Haubourdon et Magedelaine Hignard, habitants «  Hablus ». Jean Haubourdon signe aussi en tant que témoin de mariage en 1720 d'une jeune fille de Hablutz.

Nicolas Haubourdon, né le 17 décembre 1715 s'engage donc vers 1732 dans les grenadiers des gardes du roi de Prusse Frédéric II (il est alors mineur, et sous la tutelle de Nicolas Mansuy de Lorquin, sans père étant décédé entre 1720 et cette date) : il prête alors à sa mère, Madeleine Ignard, et à son frère aîné (sans doute Pierre) les 700 livres d'arrhes de son engagement, sans en obtenir le remboursement. Son décès en de juillet 1757 en Bohême (blessé dans les combats contre l'armée autrichienne, paradoxalement commandée alors par Charles-Alexandre de Lorraine, fils du duc Léopold) met un terme à l'affaire.

Il est néanmoins très étonnant de voir se développer une correspondance si fournie entre deux des plus importants monarques d'Europe, sur un problème d'héritage de si peu d'importance.
On remarque aussi qu'Ibigny, dépendant du temporel et spirituel des évêques de Metz, ne dépendait pas de Stanislas, qui ne bénéficiait que du duché de Lorraine et de Bar transmis par François III de Lorraine en 1737 (incluant donc le seul Blâmontois cédé par Olry en 1503), et était donc resté français.

Voici donc la correspondance de Stanislas citée par Emile Ambroise :

Correspondance inédite de Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine et de Bar avec les rois de Prusse Frédéric-Guillaume Ier et Frédéric II (1736-1766)
Pierre Boyé
Ed. Berger-Levrault, 1906

22
FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Les sentiments de justice et d'équité dont Votre Majesté fait profession, m'autorisent a Lui recommander la prétention légitime que le grenadier de mes Gardes, Hauberdon, natif de Lorraine, forme à la charge de sa mère et de son frère aîné, auxquels il a prêté les arrhes de son enrôlement montant à 700 livres de France, sous la condition expresse que si le capital et les intérêts ne lui étaient pas remboursés au bout de quatre ans, le bien paternel qu'on lui avait assigné pour la sûreté de ladite somme, lui appartiendra en propriété, ainsi que Votre Majesté pourra le voir plus en détail par la requête ci-jointe en copie dudit grenadier (1).
Comme il s'est écoulé quinze ans sans qu'il ait pu rien tirer jusqu'ici, ni du capital, ni des intérêts, sa demande me paraît si juste à tous égards, que j'ai lieu de me persuader qu'indépendamment de mon intercession, Votre Majesté trouvera chez Elle des motifs plus que suffisants pour La porter à faire la grâce au suppliant d'ordonner qu'il soit entièrement satisfait. Je saisirai de mon côté avec empressement les occasions qui pourront se présenter pour Lui en marquer ma reconnaissance, aussi bien que la parfaite considération avec laquelle je suis, etc. Berlin, 1er février 1751.
D'après la minute des Archives d'État de Berlin.

(1) Cette pièce ne s'est pas retrouvée.

23
STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Monsieur mon Frère, J'aurais répondu plus tôt à la lettre que Votre Majesté s'est donné la peine de m'écrire le 1er février, s'il ne m'avait fallu du temps pour prendre des informations touchant l'affaire qu'Elle s'est fait un plaisir de me recommander. Ne trouvant rien de si juste que la prétention du grenadier des Gardes de Votre Majesté, Hauberdon, j'étais sur le point de faire contraindre sa mère et son frère aîné ou à lui rembourser le capital et les intérêts des arrhes de son engagement montant à la somme de 700 livres au cours de France, ou à lui céder le bien paternel qui lui a été assigné pour la sûreté de cette somme. Mais, sur le point d'agir, j'ai été informé que le lieu d'Albus, auprès de Blâmont, où est situé le bien que j'allais donner ordre de saisir, appartient à la France, ainsi que plusieurs autres de tout temps enclavés dans nos États (1). Dans cette conjoncture, j'ai écrit à M. de Greil, intendant de Metz (2), dans le département duquel est le village d'Albus, et je l'ai prié de prendre en main les intérêts d'Hauberdon et de lui faire rendre incessamment la justice qu'il mérite. Je ne doute point qu'il ne réponde à mes désirs avec autant d'empressement que j'en avais d'obliger Votre Majesté en une chose si légitime et qui m'a fait voir avec plaisir combien Elle s'affectionne à tous ceux qui ont l'honneur de La servir. Tout ce que je vois en Votre Majesté contribue a augmenter la haute estime que j'ai de ses vertus, et la parfaite considération avec laquelle je suis, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère.
Stanislas Roy.
A Lunéville, ce 10 mars 1751.
A Sa Majesté le Roi de Prusse.
D'après l'original des Archives d'État de Berlin.

(1) Blâmont (chef-lieu de canton, arrondissement de Lunéville) était alors chef-lieu d'une prévôté qui fut précisément érigée en bailliage royal au mois de juin suivant. Cette localité est désignée dans d'anciennes chartes sous le nom d'Albus mons. Quant au «  lieu d'Albus », qu'un peu plus loin Stanislas qualifie de «  village », il ne figure dans aucune nomenclature topographique et il nous a été impossible de l'identifier. Ce n'était tout au plus qu'une cense située non loin de Blâmont, en sol évêchois.
(2) Le marquis de Creil-Bournezeau, conseiller d'Etat ordinaire, occupa avec honneur cette place importante de 1721 à 1754.

24
STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Monsieur mon Frère, Je n'ai point perdu de vue l'affaire de Nicolas Hauberdon, grenadier des Gardes de Votre Majesté (1). Ayant fait écrire par mon chancelier, le sieur de La Galaizière, au sieur de Creil, intendant de Metz, pour avoir à cet égard les informations nécessaires, j'ai eu la satisfaction d'apprendre que ce Nicolas Hauberdon peut recouvrer aisément les 700 livres de son engagement, qu'il avait prêtées à sa mère. La lettre de l'intendant de Metz, dont je joins ici copie, et l'acte qu'il a envoyé en même temps et que je joins ici pareillement (2), tel qu'il a été fait à Lorquin (3), achèvera de convaincre Votre Majesté de mon empressement à La satisfaire. Je souhaite avoir souvent des occasions de Lui marquer la parfaite considération avec laquelle je suis, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère.
Stanislas Roy.
A Lunéville, ce 5e avril 1761.
D'après l'original des Archives d'État de Berlin.

(1) Cf. lettres 22 et 23.
(2) Ces pièces ne se sont pas retrouvées.
(3) En allemand Lœrchingen, bourg des Trois-Evêchés, bailliage de Vic. Aujourd'hui Lorraine allemande, et avant 1871 chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sarrebourg (Meurthe).


25
FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Les soins obligeants que Votre Majesté a bien voulu prendre en faveur du grenadier Hauberdon de mon Régiment-Gardes, et du succès desquels il Lui a plu de m'informer par ses lettres du 10e mars passé et du 5e du mois courant, m'engagent à Lui en témoigner ma reconnaissance.
Comme par les bons offices que Votre Majesté a eu la bonté d'employer dans cette affaire, Elle m'a donné un nouveau gage de son amitié pour moi, je La prie d'être persuadée que je compterai parmi les moments les plus agréables de mon règne, ceux où je pourrai convaincre Votre Majesté de mon empressement à cultiver une amitié qui m'est si chère, et à Lui marquer, par des preuves essentielles, les sentiments de considération avec lesquels je ne cesserai point d'être, Monsieur mon Frère, de Votre Majesté le bon frère.
Federic R.
A Berlin, ce 19e avril 1751.
A Sa Majesté le roi Stanislas de Pologne.
D'après l'original du Musée historique lorrain, à Nancy. - La minute aux Archives d'État de Berlin.

26
FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Je m'étais flatté que depuis les ordres que Votre Majesté a eu la bonté de donner en faveur du grenadier de mes Gardes, Hauberdon, au sujet de sa prétention en Lorraine, on n'aurait pas tardé à lui rendre prompte et bonne justice. Il s'y est attendu avec d'autant plus de confiance que l'intendant de Metz a non seulement trouvé rien à redire à la demande du suppliant, mais qu'il a marqué encore que les biens de la famille de celui-ci étaient suffisants pour le satisfaire. Cependant les espérances dudit Hauberdon n'ayant point été réalisées jusqu'ici à cet égard, je compte trop sur l'amitié de Votre Majesté pour penser qu'Elle voudra bien continuer à le protéger dans une affaire qui, par un seul mot de sa part, ne manquera pas d'être terminée aussitôt. J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus parfaite, etc.
A Berlin, ce 1er de février 1752.
D'après la minute des Archives d'État de Berlin.

[...]
36
STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Très haut, très excellent et très puissant Prince, notre très cher et très amé bon Frère.
Nous n'avons point perdu de vue l'affaire du nommé Nicolas Hauberdon, l'un des grenadiers des Gardes de Votre Majesté, qu'Elle Nous recommanda par une de ses lettres en 1751, à dessein de lui faire restituer une somme de 700 livres qu'il avait prêtée à Madeleine Stenier, sa mère.
Le soin que Nous eûmes de lui faire rendre justice, engagea ledit Hauberdon à confier ses intérêts par procuration à Nicolas Mansuy, son tuteur, résidant au village de Lorquin. Aujourd'hui ce tuteur Nous marque avoir besoin pour le soutien des droits de son pupille, d'une assurance qu'il vit encore, et il demande une attestation des officiers de l'état-major du régiment où il a servi jusqu'à présent. N'ayant rien tant à cœur que de contribuer au bien de tous ceux en qui Votre Majesté s'intéresse, Nous prenons la liberté de Nous adresser directement à Elle et de La prier d'ordonner que cette attestation Nous soit envoyée.
Après l'attention qu'Elle donne au moindre de ses sujets, Nous ne pouvons rien négliger de tout ce qu'Elle désire pour leur avantage, et Nous prions Dieu qu'il vous ait, très haut, très excellent et très puissant Prince, notre très cher et très amé bon Frère, en sa sainte et digne garde.
Fait à Commercy, ce 22 août 1763 (1).
Le bon frère:
Stanislas Roy.
D'après l'original des Archives d'État de Berlin.

(1) Stanislas séjournait à. Commercy depuis le début de juillet. Il en repartira le 3 septembre.


37
FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Très haut, etc., Il n'y a rien de plus généreux que la manière obligeante dont Votre Majesté a bien voulu se souvenir de notre intercession de 1751, en faveur de Nicolas Hauberdon, grenadier du premier bataillon de nos Gardes. Nous y reconnaissons d'un côté ces grands sentiments d'humanité que Nous avons toujours admirés en Votre Majesté; et Nous y trouvons de l'autre une nouvelle marque bien agréable de l'amitié qu'Elle Nous a conservée et qui Nous est toujours infiniment précieuse. Mais Nous regrettons que le susdit Hauberdon ne peut plus profiter des gracieuses intentions où Votre Majesté est à son égard. II est mort sans héritiers, de ses blessures, à Czaslau, en Bohême, au mois de juillet 1757, et pour en mieux constater la vérité, Nous en avons fait dresser l'extrait mortuaire ci-joint en bonne et due forme.
Nous ne sommes cependant pas moins obligé à Votre Majesté de l'attention qu'Elle a bien voulu prêter a notre intercession, et Nous ne manquerons jamais d'en user avec une parfaite réciprocité dans toutes les occasions qui se présenteront. En attendant, Votre Majesté peut être très persuadée qu'on ne saurait rien ajouter aux sentiments de considération et d'amitié que Nous Lui portons; et que c'est de bien bon cœur que Nous prions Dieu qu'il vous ait, très haut, etc.
Berlin, ce 14 d'octobre 1763.
D'après la minute des Archives d'État de Berlin.

 

Rédaction : Thierry Meurant

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