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Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

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L'Immeuble et la construction dans l'Est - Extraits divers


NDLR : Emile Badel reprendra une large partie de son propre texte dans un article du 14 mai 1929 pour le même journal

27 septembre 1908

La Construction Moderne en Lorraine
Blâmont.

Aux bords d'une jolie rivière de chez nous, au nom si poétique, l'aimable et gazouillante Vezouse, une délicieuse villette est assise, comme perdue au fin fond du département, entre Avricourt et Cirey.
C'est Blâmont, l'Albus Mons. le Mont blanc d'autrefois, la capitale élégante et fière d'un comté célèbre, dont les sires, puissants batailleurs en leur temps, eurent une brillante histoire qu'on ne relit jamais sans un légitime orgueil.
Descendu de Gogney, un ruisseau aux eaux crayeuses, vient affluer à cette Vezouse... et les bords de ce rupt sont une promenade ravissante parmi des sites reposants, où des pêcheurs octogénaires se livrent à leur plaisir favori, où le baron de Turckheim - nouveau Louis XIV de céans, fait monter l'eau jusqu'à ses bassins du Versailles blâmontois, à l'aide d'une nouvelle machine de Marly, mue par de très puissants moteurs.
Et, entre ces deux eaux peu claires, qui désagrègent les terrains de blanc calcaire, entre les collines boisées et le montet pittoresque où se dressent les ruines majestueuses du château-fort des Sires disparus, la ville de Blâmont s'étend, avec ses maisons blanches au milieu des verdures, avec ses placettes mangées de soleil, avec ses rues tournantes et grimpantes, avec ses faubourgs qui s'allongent, en manière de tentacules, dans toutes les directions et le long de tous les chemins de la vallée.
Des terrasses superbes du château neuf du baron de Turckheim, l'oeil plonge avec plaisir sur ce panorama de Blâmont de Lorraine.
Au premier plan, sous les galeries ajourées et les massifs de fleurs aux chatoyantes couleurs, des bassins s'en vont sur ces hauteurs, alimentés par les eaux d'en bas, des bassins luxueux qui semblent des miroirs d'argent clair où vient se refléter le soleil.
Et puis, le coteau dévale à travers les sapins, les conifères, les vergers à fruits.
Alors, c'est Blâmont tout entier qui apparaît, depuis les ruines colossales démantelées, depuis le donjon découronné et la tour en poivrière, tapissée de lierre robuste, jusqu'aux belles maisons qui longent la Vezouse ou se cachent autour des rues calmes de l'ancien collège, jusqu'à la neuve église ogivale aux deux tours si fines, si élancées, et de si coquet aspect, vues de loin et des hauteurs d'alentour.
De ces terrasses qui surplombent, il semblerait que Blâmont dût avoir au moins quatre à cinq mille âmes, La petite cité paraît aussi étendue que Saint-Nicolas, et pourtant elle ne compte pas 2.000 habitants, chrétiens et judaïsants réunis, car Blâmont possède une synagogue très confortable, sise sur un bras de la Vezouse, en allant aux Pâtis.
Mais, quand on a fini de dénombrer les maisons et les rues de ce Blâmont si paisible - aux deux ou trois industries florissantes - il faut bien lever les yeux... les ouvrir bien grands et... regarder !!!
Un tableau féerique vient d'être accroché là, sur le ciel de chez nous:, et c'est absolument sublime que cette vision des montagnes vosgiennes qui apparaissent, toutes, avec leurs sommets innombrables, leurs forêts, leurs puissantes croupes et leurs ballons chevauchant du sud au nord, comme une armée étrange de chevaliers géants.
La chaîne des Vosges, vue des hauteurs de Blâmont, comme c'est beau, comme c'est grandiose !
A droite, à gauche, en face, ce sont des montagnes et encore des montagnes, des avancées et des reculées, et, dominant le tout de sa masse, le Donon au double sommet, qui porte, dit une vieille légende de chez nous, le tombeau du premier roi franc, Pharamond le Chevelu.
Peut-on rêver plus glorieux tombeau pour l'ancêtre et le fondateur d'une race ? pour le franc d'où sortirent les conquérants et les rois d'Austrasie ?
***
Blâmont n'est pas une de ces villes qui doivent arrêter et longtemps retenir le touriste.
Après les ruines si majestueuses de son château-fort, il n'y a guère à visiter que les châteaux modernes: appartenant à MM. Duchamp, de Turckheim et d'Hausen. Et encore, ne les visite-t-on pas facilement, surtout quand les maîtres sont là, dans leurs champêtres gentilhommières.
Le château Sainte-Marie, aux d'Hausen, a fort grand air au faîte de sa colline ; mais la palme revient assurément au castel tout récent du baron de Turckheim, construit en pierre et brique, au milieu d'un parc immense, avec de multiples dépendances pour les chiens, les chevaux, les autos, les serres, la ferme, etc., etc., le tout habilement disséminé en des bouquets de verdure.
Ce qui fait le charme de cette belle construction, c'est sa situation au-dessus, de Blâmont, au-milieu des sapins dans le plus merveilleux des enclos.
On s'y perd, le long de ces allées, et mon compagnon et mon guide - pourtant un enfant de Blâmont - s'y perd en effet, et me fait tomber dans des terres labourées, où tant bien que mal, plutôt mal que bien nous finissons par dévaler sur Repaix et sa maison franche des Sires de Blâmont.
Une bonne vieille tante de mon guide, au parler chantant et «  pinchard » nous réconforte avec un bol de lait fumant «  sortant, dit-elle, du puits de la vache », et d'énormes poires qui sont, presque de la taille des betteraves des champs d'alentour.

L'église de Blâmont, cathédrale ogivale en miniature avec deux tours, rappelant de loin - oh ! de très loin, les fameux clochers de Chartres ou de Cologne, est une oeuvre datant de cinquante ans et qui porte tous les défauts dé son époque.
C'est un convenable pastiche du style ogival tertiaire, malheureusement assez mal placé à l'extrémité de la bourgade, au-delà du ponceau sur Vezouse, avec, sur le côté du portail, un vilain grand mur qui forme un très hideux repoussoir.
Je me suis vainement enquis du nom de l'architecte de cette oeuvre assez considérable... et voyez ce que c'est que la gloire... aucun dés indigènes n'a pu me dire le nom du maître de l'oeuvre de Blâmont ! Sic transit gloria !
C'est sans doute une construction de feu Vautrin, l'homme qui sema plus de cent églises gothiques au diocèse de Nancy et qui eut, en somme, le mérite de faire renaître chez nous- le goût du vrai style français du moyen-âge.
L'église de Blâmont, malgré son perron gigantesque et ses deux tours ajourées, est étriquée et manque de proportions. Il y a notamment, au fronton principal, un énorme saint Maurice qui fait des miracles d'équilibre pour se maintenir sur ce hauteurs.
A l'intérieur, les bas-côtés sont trop étroits, le transept peu accusé, les murs trop froids.
Combien je préfère dans Blâmont certaine maison Renaissance,.datée de 1588, avec sa porte monumentale et son écusson semé d'entre lacs !
Combien je préfère aussi le cimetière de la jolie petite cité, établi pas très loin des dernières maisons, sur le chemin de Barbas !
Il y a là des monuments splendides, oeuvres de l'architecte Urmès ; on y remarque nombre de célébrités lorraines qui se sont fait un nom dans l'histoire du XIXe siècle.
J'y ai vu le buste d'un jeune sculpteur de talent exécuté par son père, lui-même artiste statuaire ; j'y ai vu le beau monument et l'image si expressive du capitaine Delabbeye, et j'y ai revu avec plaisir, enfin terminé, le monument grandiose, de marbre et de granit, érigé en 1900 aux Enfants du canton de Blâmont morts pour la patrie.
J'avoue que ce monument de Cuny-Mangin de Lunéville n'est vraiment pas à sa place au cimetière agrandi de Blâmont. Il eût été mieux en vedette au milieu de la place de l'Hôtel de Ville, qui se prête si bien à l'érection centrale d'un monument de ce genre.
L'Hôtel de Ville est une honnête construction qui a, ma foi, fort grand air, avec ses arcades et son péristyle et sa grande salle des fêtes du premier étage.
Blâmont possède une particularité bizarre - chinoiserie administrative des plus déplaisantes et qu'on devrait bien faire cesser.
Le télégraphe est situé, non pas, comme tout le monde le croirait, à la poste, avec les divers services postaux et téléphoniques... mais bien loin du bureau de poste, dans un reculorum du premier étage de l'Hôtel de Ville.
Il y aurait lieu de le réunir à la poste, en un seul bâtiment un peu plus confortable, au milieu de la cité.
On m'a montré aussi les bâtiments importants de l'ancien collège ecclésiastique de Blâmont. On en a fait la gendarmerie, deux très beaux groupes scolaires, etc.
***
Les maisons de Blâmont sont vastes et profondes. Les unes sont de beaux immeubles, avec cours, jardins de plaisance et potagers ; les autres sont les anciennes maisons lorraines de nos pères, s'en allant sur l'eau ou bien adossées aux vieux remparts.
Les chambres y sont immenses mais généralement basses... et comme il arrive souvent dans les villages, les souris et les rats font leurs nids entre les plafonds et les planchers des greniers et y mènent, toutes les nuits, une sarabande effrénée sans qu'on les puisse dénicher aisément.
Le gaz existe à Blâmont et vient éclairer les rues et les habitations ; mais n'y cherchez ni trottoirs, ni tramways, ni électricité.
Une vaste tannerie, une fabrique de velours, quelques menues industries, assez de commerce dans la grande rue du bourg, et voilà toute l'activité blâmontoise.
Les gens vont à leurs champs, à leurs vergers... plus à leurs vignes, hélas ! qu'on a détruites avec les mauvaises années.
Chose curieuse ! Les jeunes gens de cette placide localité ont souvent l'esprit aventureux. Blâmont a eu des généraux célèbres ; elle a donné le jour à Régnier, le futur duc de Massa-Carrare et le Grand-Juge de France; elle a beaucoup donné d'enfants à l'Eglise à la magistrature, à l'armée, et j'en sais qui se préparent au négoce, à l'industrie, à la marine.
Trente-trois, communes forment le Canton de Blâmônt ; il en est de grosses, il en est de menues ; d'aucunes sont restées célèbres dans les fastes de l'histoire de Lorraine.
En revenant, par l'humble voie ferrée qui suit la frontière, les constructions colossales de la gare d'Avricourt allemand, font souvenir, hélas ! que la Lorraine a été coupée en deux il y a trente-sept ans, et que le sillon factice des vainqueurs a tranché net dans la terre de nos ancêtres.
Mais les tours carrées de cette gare moderne ne peuvent me faire oublier les ruines si imposantes et si mélancoliques du château des Sires de Blâmont où a passé tant de gloire, où des Lorrains ont sauvé leur patrie.

Emile BADEL

P.-S. - Je ne m'étais pas trompé. Des renseignements ultérieurs qui me sont envoyés de Blâmont par un de mes élèves, il résulte que c'est bien M. Vautrin, architecte à Nancy qui construisit de 1853 à 1856, la grande église ogivale de Saint-Maurice de Blâmont, aidé par le dessinateur Laurent, par les entrepreneurs Meüsburger frères et par de nombreux artistes lorrains.
Cette église n'a coûté que 100.000 fr., payés par la ville, l'Etat (10.000 fr.) et de généreux bienfaiteurs de l'endroit.
Quant aux deux sculpteurs inhumés au Blâmont, l'un, qui a son buste sur son tombeau, est Alphonse Goeury, né à Voyer en 1856, mort à Blâmont le 18 mai 1882 ; l'autre est son père, Jean-Baptiste Goeury, né à Voyer (Lorraine) en 1823, mort en 1894.


22 mai 1928

[...] Si l'on poursuivait cette étude pour toutes les cités industrielles de Lorraine, on verrait que l'extension vers l'Ouest s'est faite, quand on l'a pu... mais que, avant tout, on s'en est tenu - voyez Dombasle et Lunéville. - aux commodités géographiques et économiques. Ailleurs, là où fait, défaut l'industrie, nos petites cités historiques végètent et s'endorment. Blâmont (où j'étais hier), est une charmante villette des bords de la Vezouse ; mais c'est une ville morte, où de fort belles maisons Louis XV sont obstinément closes. Certains quartiers ont un aspect monacal lugubre, comme cette montée de la rue du Château. qui mène à celle Maison maternelle des Femmes de France, sur laquelle j'aurai à revenir.


19 juin 1928

La maison maternelle de Blâmont

Il y a actuellement à la Maison de Blâmont 75 petits enfants, de un à quinze mois. La plupart sont envoyés par l'Assistance publique; d'autres, enfants de l'amour ou du hasard, sont amenés par leurs propres mères, filles séduites et trompées, qui trouvent là le repos honorable et sûr dans le travail plus honorable encore.
Ces petites créatures sont allaitées par les mères, ou par des moyens artificiels. Mais, dans leurs pouponnières, closes à tout étranger, éblouissantes de propreté et de lumière, elles sont là, bien portantes, recevant jour et nuit, suivant une réglementation rationnelle des médecins, les soins assidus des dévouées infirmières et de leurs grandes élèves.
Les filles-mères - une vingtaine environ - sont occupées aux travaux d'intérieur, soins de la maison, des couloirs, des salles, lessivage quotidien du linge des bébés, etc.
Ce qui fut jadis le grand souterrain du vieux château-fort, avec des murailles fort épaisses, a été habilement aménagé en cuisines, laveries, biberonneries, etc.
Des fils et des fils, encore des fils pendent de tous côtés. Et l'on y suspend les langes de ces petits enfants abandonnés et qui sont beaucoup mieux soignés que bien des enfants en leurs propres familles.
Les petites «  pouponnières » aux blancs berceaux, aux rideaux tout blancs, sont disposées le long du rez-de-chaussée et du premier étage.
Voici maintenant le réfectoire des infirmières, celui des filles-mères, les appartements de la directrice, avec une vue superbe sur Blâmont et sa vallée, la salle de réunion des dames infirmières, très gentiment décorée, la grande salle de récréation, etc.
Le tout encore une fois d'une exquise propreté (c'est le seul luxe de la Maison maternelle), avec l'eau pure à profusion, l'électricité partout, et surtout le soleil qui se joue dans toutes ces salles, ces larges couloirs, ces escaliers de marbre.
En montant le tertre du vieux château, on traverse un parc touffu où travaille un excellent serviteur. Dans les ruines, des lapins errent en liberté, aussi des porcs, et c'est tout plein pittoresque que cette hauteur célèbre, aux curieuses légendes, aux sièges tragiques, qui domine toute la villette menue de Blâmont.
On croit voir parfois, le soir, à l'une des portes en ruines de l'ancien château-fort, le squelette du vaillant défenseur Klopstein, qui, en 1636, fut pendu par le duc de Saxe-Weimar, pendant qu'autour de lui, toute la garnison lorraine était passée au fil de l'épée.
Mais le palais de l'enfance est là, pour nous dire que ces époques sanglantes ne sont plus, et que, désormais la Maison maternelle de Blâmont remplace, sur la hauteur historique, le domaine ducal, pour le plus grand bien des petits innocents.
Allez visiter la Maison des Femmes de France de Blâmont; l'invitation est faite à tous les passagers et l'on est parfaitement reçu par Mme la directrice et ses vaillantes coadjutrices, mises à la tête de ce bel établissement hospitalier dont peut se glorifier le département de Meurthe-et-Moselle.


16 juillet 1931

Les Grands-Moulins de Blâmont, appartenant à M. Schoeffler de Saint-Nicolas, brûlés en partie, il y a quelques mois, sont en complète reconstruction. Le bâtiment principal est exhaussé d'un étage avec une vaste réserve d'eau au sommet. L'ensemble, actionné par la Vezouse, est devenu fort important.

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