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La prostitution dans le duché de Lorraine
(notes renumerotées)


La France médicale
1904

LA PROSTITUTION DANS LE DUCHÉ DE LORRAINE

La Revue médicale de l'Est, dans son numéro du 1er août, vient de commencer sous la signature de M. le Dr Pillement, de Nancy, dont nos lecteurs connaissent les qualités de bon historien la publication d'une étude sur la prostitution en Lorraine, dont nous détachons le fragment suivant:

Dans le duché de Lorraine, la prostitution était rigoureusement interdite. La recherche des mauvais lieux et la police des filles publiques étaient confiées a un personnage qui prenait le titre de roi des ribauds (1). On ignore à quelle date remontait cette institution. Tout ce que l'on sait, c'est que le 22 mars 1473, Jehan Gaulchier, de Nancy, fut investi de cet office «  avec les droits, honneurs, profits, libertés, franchises, prééminences, prérogatives et émolumens accoustumés et audit office appartenons »: d'où il résulte qu'il avait eu des prédécesseurs.
Le roi des ribauds ne recevait aucun traitement ; ses appointements n'avaient rien de fixe et consistaient uniquement dans la perception de certains droits que devaient lui payer ses justiciables. C'est ce qui ressort nettement d'un rapport rédigé par la Chambre des Comptes consultée parle duc de Lorraine, au sujet de la suppression de cet office (2).
«  ...Il est vrai que, de tout temps, il y a eu semblables roys des ribaulx establis, lesquelz ont voulu prétendre debvoir avoir chacuns nouveaux mariez dix-huict deniers, et, en effet, les tiré de quelques ungs; De plus, poursuivy quelques personnes convaincues de paillardise, et en tiré, aux fins de se rédimer de leurs molestations, tantost plus, tantost moins, sans qu'il y ait eu rien d'assuré et limité. Qu'est tout ce qu'en peuvent lesdits président et auditeurs représenter à son S. A. Et comme il luy a pleu leur ordonner de joindre au présent rapport leur advis, ilz luy diront qu'ilz sont bien d'opinion qu'elle laisse ledit suppliant en la jouissance dudit office de roi des ribaulx, puisqu'il en est pourveu, qu'elle tolère qu'il en lève les droictz, proufficts telz que ses prédécesseurs au mesme office ont peu et deu faire, en se comportant, par luy et les commis, en l'exercice dudit office, avec telle modestie et retenue qu'ilz ne scandalisent personne mal à propos et tumultueusement. Mais, comme l'un poursuit présentement devant les justices ordinaires ceulx qui sont différez d'avoir tombé en pareilles fautes de paillardise, et qu'il s'en adjuge amendes arbitraires à S. A. (3), selon l'exigence des cas, lesdits président et auditeurs seroient d'opinion qu'en cas de vacance, qu'elle supprimât ledit estat et ordonnât à ses procureurs généraulx. et leurs substitutz de poursuivre soigneusement les personnes diffamées de tels excès, pour estre vray que tels roys des ribaulx et leurs commis, ne gardans aucune forme de justice èz poursuites, apportent plustost subject de scandale, diffame et tumulte, que non pas d'amende et correction, oultre qu'ils n'osent entreprendre de s'addresser qu'à quelques pauvres personnes et de basse condition. »
Le roi des ribauds était donc un officier de police et de justice, qui avait droit de poursuivre certains délits et de frapper les coupables d'amendes, qu'il percevait à son profit. Mais comme l'exercice de ses fonctions causait du scandale, et que, d'ailleurs, il n'osait s'adresser qu'aux personnes d'un rang inférieur, les gens des Comptes pensèrent qu'il fallait attribuer à des magistrats plus sérieux et plus haut placés la connaissance des faits qui constituaient des outrages à la morale publique.
La première ordonnance relative au libertinage date du 12 janvier 1583. C'est un édit du duc Charles III, défendant aux personnages ecclésiastiques de loger chez eux des femmes mal famées (4). «  Nous sommes adverty, dit-il, qu'aux moyen de l'impunité de la mauvaise et impudique vie d'aulcunes femmes et filles mal famées d'incontinence, le vice prend de jour à aultre plus d'accroissement et nommément à l'endroict d'aucunes personnes ecclésiastiques, les maisons desquelles, icelles femmes ou filles desbordées fréquentent presque ordinairement, et ce avec d'autant plus de prétexte et licence qu'elles résident en maisons séparées, chose qui redonde au scandal publicq, vitupère de la qualité et condition desdictes gens d'Eglise et opprobre de leur ordre; pour à quoi obvier... Ordonnons que toutes femmes ou filles qui seront notoirement notées et diffamées d'incontinence et paillardise et qui se trouveront hanter et fréquenter es maisons desdites personnes ecclésiastiques... seront contrainctes douze jours après la publication de ceste notre ordonnance sortir et desloger des lieux et endroicts où elles sont résidentes à peine de cinquante francs d'amende pour la première fois, applicable moitié à nous ou aux haults justiciers soubs des hautes justices desquelz elle seront trouvées et l'autre moictié à la fabrique de l'Eglise: et, cas advenant que dedans l'autre quinzaine subséquente, elles se trouveront n'avoir obey à notre ordonnance, ou bien qu'estans sorties desdits lieux, elles seroient si osées et impudentes que d'y retourner, seront punies corporellement à la peine du fouet et bannissement des terres et pays de notre obeyssance. »
Mais le vice s'enracinait de plus en plus, et la prostitution s'étalait au grand jour. Sept ans plus tard, le 14 février 1600, le duc Charles III dut rendre une nouvelle ordonnance, visant, cette fois, la prostitution en général (5). C'est le premier acte de ce genre où ce mot soit employé. Les peines édictées par cet arrêt sont plus sévères que les précédentes. Plus n'est besoin de la récidive pour mériter un châtiment corporel : «  ... Toutes filles et femmes vagabondes, et autres qui s'abandonnent et se prostituent publiquement, ou en secret, après informations sommaires et conviction, seront battues de verges et fouettées par les mains du bourreau (6), et de suite bannies à perpétuité, et leurs biens acquis et confisqués à qui il appartiendra.
«  Et à l'égard de celles qui auront abusé de leur corps secrètement et en particulier, seront pour la première fois muletées de 25 francs d'amende, et pour la deuxième fois de 50 francs d'amende, et en cas d'insolvabilité, tiendront prison pendant quinze jours pour la première fois et pour la seconde seront bannies de nos pays ; et pour la troisième, fustigées et bannies à perpétuité de nos dits pays.
« Ceux qui seront convaincus de produire et prostituer filles et femmes seront châtiés à l'arbitrage des juges, selon la qualité du crime.
«  Les maris et pères qui s'oublient de tant de prostituer leurs femmes et filles, seront pendus et étranglés et leurs biens confisqués (7). Ceux ou celles qui seront convaincus d'avoir débauché ou vendu femmes ou filles, seront punie de la même peine de mort et confiscation. »
Toute transaction était défendue avec les infracteurs, et la publication de cette ordonnance devait être renouvelée chaque année, la veille de Pâques, «  à peine de 100 francs d'amende pour la première fois, et de relégation de dix ans pour la seconde, et du fouet et du bannissement, et confiscation des biens pour la troisième ».
Cette ordonnance sévère visait donc, non seulement les prostituées avérées, et ceux qui favorisaient la prostitution, mais encore les malheureuses filles séduites. Elle ne produisit pas l'effet qu'on était en droit d'en attendre, car le duc Charles IV se vit forcé de la renouveler, le 9 septembre 1624 (8).
Cependant cette ordonnance ne restait pas lettre morte, car nombreuses sont les condamnations encourues pour «  vie impudique » et «  macrellage » à cette époque. Nous nous contenterons de citer quelques exemples des plus typiques.
Nous lisons, dans le compte de Jean Dattel, receveur d'Amance (9), qu'en 1607 «  Nicolas Barbelin, jeune filz résidant audit Château-Salin, pour avoir été convaincu de fornication fust condampné a une amende de 25 francs. »
A Saint-Hyppolite, en 1620, plusieurs jeunes gens furent condamnés à la même amende, les uns pour avoir fait entrer en leur logis des filles publiques, les autres «  pour avoir eu couché avec leur femme » avant le mariage. Les mêmes peines étaient appliquées aux femmes, leurs complices (10).
En 1613 «  Démange Joseph, de Remoncourt, prévenu de furts et larcins, d'avoir débauché trois filles et commis plusieurs actes villains avec elles, (fut) condamné par les Me échevin et échevins à être remis entre les mains de l'exécuteur de haute justice du duché de Lorraine, pour, ayant esté mis au carcant à la veue du peuple, puis après conduict et mené au signe patibulaire dudit Blâmont, et illec estre pendu et estranglé tant que mort s'ensuive, ses biens déclarés acquis et confisqués à qui il appartiendra, les frais de justice sur iceulx prins au préalable. Le tout à terreur et exemple d'aultres (11) ».
Voici les amendes encourues par les jeunes filles devenant enceintes:
En 1626, Jeanne Grosjean, de Domêvre, ayant reconnu avoir été débauchée par un jeune homme et «  qu'elle auroit abusé de son corps secrètement et en particulier, et qu'elle serait esté engrossie et accouchée d'un enfant » fut condamnée à 25 francs d'amende (12). Nous pourrions citer un grand nombre de cas analogues.

(1) Voir les articles de H. Lepage, sur le roi des ribauds in Journal de la Société d'archéologie lorraine, 1855, pp. 19-26; 1860, pp. 59 à 62, et Mémoire de la Soc. d'Arch. lorr., 1869, pp. 326-329.
Voici les rois des ribauds, dont Lepage a retrouvé les noms et la date de leur nomination : Jean Gaulchier (1473) ; Jean Normant (1477) ; Jean de Rains (1497) ; Albert le Gendermer (mort en 1556); Arnaud Vyart, dit le Jaul (1er juillet 1558); Arnaud Vyart, son fils (11 juin 1571); Didier Hernier (15 octobre 1589); Claude Vyard (21 décembre 1600); Pierre du Rozet, le dernier roi des ribauds (2 décembre 1614.)
(2) Rapport du 3 janvier 1615. - Arch. dép., B, 10.413, fo 13.
(3) Voir plus loin les ordonnances de 1583 et de 1600.
(4) De Rogéville. - Dictionnaire des Ordonnances de Lorraine, I, p. 506.
(5) Id.
(6) Auparavant, il en était parfois ainsi. En 1585, à Bitche, une fille de joie fut fouettée de verges par le bourreau (B. 3,049).
(7) En 1582, une nommée Jennotte Bresson, de Nancy, qui avait «  moyenné la prostitution de sa propre fille » fut simplement » fustigée ». (B. 7276).
(8) De Rogéville. - Loco citato.
(9) Arch. départ., B. 2181.
(10) Compte du capitaine et officier de la ville de Saint-Hyppolite. B. 8918.
(11) Arch. départ., B. 3345.
(12) Arch. départ., H. 1390.

 

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