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Charles François Xavier LOTTINGER (1751-1798) - Compléments

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Charles François Xavier Lottinger (1751-1798) - Compléments (2)
(notes renumérotées)



Les ecclésiastiques de la Meurthe, martyrs et confesseurs de la foi pendant la Révolution française
Eugène Mangenot
Ed. Nancy 1895

Dom Antoine Lottinger, chartreux, fusillé a Nancy, le 1er mai 1798

Les fils de saint Bruno n'ont pas à envier la gloire de la famille de saint Norbert. Un de leurs frères de la chartreuse de Bosserville a été, après dom Sigisbert Thouvenin, son ami, fusillé à Nancy pour la cause sainte de la religion. Ce nouveau martyr est dom Antoine Lottinger. Sa famille était depuis longtemps fixée à Blâmont (1). Le trisaïeul du chartreux, Nicolas Lottinger, époux de Marie Marchal, était hoste ou hôtelier de la Croix-d'Or. Il mourut, le 6 mai 1672 et son fils, François- Sébastien, né le 30 mai 1636 et décédé le 4 avril 1696, resta à la tête de l'établissement paternel, très renommé au XVIIe siècle. Sa fille, Claude, née en 1638, épousa en secondes noces le chef du Lyon d'Or, hôtellerie de Blâmont également célèbre (2). Leurs descendants entrèrent dans l'administration, la magistrature et les carrières libérales. L'aïeul de dom Antoine, Joseph Lottinger, né le 29 décembre 1692 et mort le 31 mars 1744, fut receveur des consignations au comté de Blâmont. Le 20 février 1724, il épousait la fille d'un notaire impérial, Joseph Poirot. De leur mariage, naquirent onze enfants, six garçons et cinq filles. L'aîné, Joseph-Antoine, né le 4 février 1725, s'adonna de bonne heure à l'étude de la médecine. Dans l'acte de son mariage, contracté le 22 janvier 1746, avec Marie-Louise Vaultrin, il est déjà, malgré son jeune âge, qualifié «  docteur en médecine ». Après avoir exercé pendant plusieurs années son art à Lorquin et à Blâmont, il devint médecin stipendié de la ville de Sarrebourg. Il publia dans les journaux diverses études de médecine et d'histoire naturelle. Un de ses mémoires, imprimé à Nancy en 1775, a pour titre : Le coucou, discours apologétique, ou mémoire sur le coucou. Cet ouvrage est uniquement fondé sur des faits qui, étant aussi extraordinaires que peu connus, rendent très intéressante l'histoire de cet oiseau singulier (3). La science du docteur lui ouvrit les portes des sociétés savantes. Il fut associé correspondant d'abord du collège royal des médecins de Nancy, et plus tard, de la Faculté de médecine de cette ville. Membre de la Société royale et patriotique de Suède et de la Société de Hesse-Hambourg, il fut, en 1780, associé à la Société royale de médecine de Paris, puis correspondant du cabinet du roi de France (4). Collaborateur de Buffon, avec qui il entretenait une correspondance fort intime, et à qui il fournit «  de nombreuses et très bonnes observations sur les oiseaux » (5), il avait recueilli un cabinet d'histoire naturelle, qui fut dispersé après sa mort, et dont on aliénait encore quelque pièce en 1803 (6). Un de ses frères, Jean-Etienne, né le 11 octobre 1727, fut dans une autre carrière, l'émule de sa gloire. En 1750, il était déjà avocat à la cour souveraine de Lorraine et Barrois ; en 1784, il était juge à Milan, et il envoyait au médecin de Sarrebourg «  un très beau soleil d'argent dont partie des ornements vermeille, d'un travail excellent, pour en faire présent en son nom à l'église paroissiale de Blâmont, où il a été baptisé »(7). Plus tard, il fut membre du conseil suprême de Milan.
Joseph-Antoine eut cinq enfants, qui naquirent à Blâmont. L'aîné, Antoine-Joseph, né le 11 février 1748, se fit religieux dans l'ordre des Capucins. Profès d'un couvent de la province de Bretagne, il fut envoyé en 1788 par ses supérieurs aux Iles sous-le-vent, où il fut chargé d'une cure (8). Le chartreux était le quatrième enfant. Né le 11 décembre 1751, il fut baptisé le même jour sous les prénoms de Charles-François-Xavier. «  Il a eu pour parrain le sieur Jean-Claude Vaultrin, avocat à la cour et tabellion royal au bailliage de Blâmont, et pour marraine demoiselle Barbe-Elisabeth Vaultrin ». Attiré comme son frère à la vie religieuse, il choisit la famille de saint Bruno et entra à la chartreuse de Bosserville. Le 24 mars 1772, il prit l'habit de novice sous le nom de dom Antoine. L'année du noviciat écoulée, il fit profession solennelle, le 25 mars 1773 (9). Le 23 septembre 1775, samedi des Quatre-temps, il reçut à Toul les ordres mineurs et le sous-diaconat (10). Ordonné prêtre en 1777, «  il devint bientôt le modèle vivant de ses frères, par la pratique de toutes les vertus qui font le vrai chrétien, le saint prêtre, le religieux parfait, par sa régularité, sa ponctualité, sa charité et surtout par le dédain de la vie présente et le désir de la vie future » (11).
Pendant la Révolution, le saint religieux resta constamment fidèle à l'Eglise et fut successivement confesseur de la foi dans l'exil, apôtre missionnaire dans sa malheureuse patrie, et enfin martyr pour la cause de Jésus-Christ. Le 17 janvier 1791, il déclara opter pour la vie commune. Sa pension de religieux, fixée à 900 livres, lui fut payée tant qu'il resta à Bosserville (12). Dès le début de la Révolution, dom Antoine soupirait après la grâce du martyre. Un jour qu'une troupe de brigands avait assailli la Chartreuse, il se réjouissait déjà dans l'espoir d'être assassiné par ces ennemis de Dieu et de la religion. Après leur départ, il témoigna du regret d'avoir échappé à la mort en cette occasion. Souvent, en se recommandant aux prières de ses amis, il leur demandait de réclamer pour lui la gloire du martyre. Le 6 octobre 1792, les Chartreux durent quitter leur solitude de Bosserville. Ce jour-là, ils avaient célébré leur fête patronale et conduit à sa dernière demeure l'un des leurs, dom Nicolas Payen, mort la veille. Un certain nombre des religieux se retirèrent à Maréville. Mais pour dom Antoine, on ne savait où il était (13). Passa-t-il quelque temps à Sarrebourg, chez son père ? Nous l'ignorons. Il ne dut pas y faire un long séjour, car le docteur Lottinger tout en restant attaché à la foi chrétienne, avait adopté avec enthousiasme les nouvelles idées et s'en était fait le champion.
En 1789, le citoyen Lottinger, qui «  par état et par amour pour le bien de la chose publique s'est depuis longtemps et particulièrement occupé de ce qui peut y préjudicier ou y servir, et qui a publié et adressé au Gouvernement plusieurs écrits relatifs à cet objet d'utilité », fit imprimer des Considérations patriotiques (14). Comme citoyen, il doit faire son possible pour sauver l'Etat, quand il est en danger. Actuellement le péril existe. Lottinger le voit dans la dette publique, qui va amener une banqueroute déshonorante. Il énumère les ressources immenses, propres à acquitter cette dette. Dans l'accord des trois Ordres et la justice rendue au Tiers par la noblesse et le clergé, il salue «  l'aurore du plus beau jour qui aura éclairé la France et de la Révolution la plus mémorable pour la nation ». Il attend «  une constitution la plus sage possible et assez heureuse pour assurer au souverain ses droits et à la nation les siens, et procurer à l'un et à l'autre toute la puissance, toute la gloire, toute la prospérité et tout le bonheur désirables ». Toutefois la félicité publique ne dépend pas exclusivement du meilleur état des finances; pour qu'elle soit réalisée, il faut remédier à d'autres désordres, l'irréligion, la dépravation des moeurs et le luxe. Lottinger propose des réformes sages et conseille un choix judicieux parmi celles, qui étaient alors mises en avant.
Dans l'ancien ordre des choses, il avait été premier échevin de Sarrebourg. En 1790, il fut placé à la tête de la nouvelle municipalité. Il s'efforça de faire prêter le serment constitutionnel à l'abbé Georgel, curé de Sarrebourg. Ce prêtre éclairé résista à ses sollicitations, refusa le serment et émigra. Le maire eut plus de succès auprès de son client et ami, l'abbé Mangenot, chanoine de la collégiale (15) et il le décida en 1792 à prêter le serment de la liberté et de l'égalité. A la fin de 1793, le chanoine, atteint par une maladie de langueur, se repentit de sa faiblesse, fit venir un prêtre catholique, rétracta son serment et se réconcilia à l'Eglise. Il envoya sa rétractation au greffe de la municipalité ; mais le maire s'en empara et la mit aux oubliettes, selon l'expression pittoresque de Chatrian. Le chanoine ne survécut pas longtemps; il mourut, le 24 nivôse an II, 13 janvier 1794, à l'âge de 62 ans. Les sentiments de dom Antoine différaient trop de ceux de son père, pour qu'il demeurât à la maison paternelle ; il préféra émigrer plutôt que faire la moindre concession à la politique du temps. Joseph-Antoine mourut, dans le cours de l'an II (1793-1794), «  partisan et à peu près victime de la Révolution française » (16).
Nous ne connaissons pas toutes les étapes de dom Lottinger sur le chemin de l'exil. Il se retira en Suisse et pour donner satisfaction à sa tendre dévotion à la Sainte-Vierge, il fit le pèlerinage de Notre-Dame-desErmites. Il y éprouva tant de joie et de consolation qu'il s'était proposé d'y retourner. Il passa ensuite en Italie, alla peut-être visiter son oncle à Milan et se rendit à Rome. Devant les tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul, il puisa un redoublement de zèle apostolique. Son pèlerinage accompli, il revint en Suisse et à la fin de 1795, il se fixa dans une chartreuse de la Turgovie, située aux environs de Toggembourg (canton d'Appenzel). Le vénérable chartreux forma le dessein d'aller en Chine prêcher l'Evangile et cueillir les palmes du martyre. Il ne réalisa pas ce généreux projet, quand il eut compris qu'il pouvait remplir dans sa propre patrie un apostolat fécond et trouver l'occasion d'une mort glorieuse.
Il résolut donc de rentrer en Lorraine. Une lettre (17), qu'il écrivait alors à un prêtre, nous apprend la date de son départ et les nobles sentiments qui 1 animaient: «  Nous partons pour la frontière aujourd'hui, jour de la Sainte-Trinité, à midi précis. Quel bonheur ! Quel transport de joie remplit mon coeur ! Je ne puis vous l'exprimer. Nous partons pour aller combattre le démon et ses aveugles clients; nous partons pour aller empourprer nos travaux de notre sang; nous partons pour aller donner notre vie en sacrifice. O sort des sorts! O sort heureux! O sort dont nous ne sommes pas dignes, mais qu'une immense miséricorde nous prépare ! Sort que nous ne changerions pas pour tous les royaumes du monde. Quanta est glorioe dignitas ! Quanta felicitas, proeside Deo congredi et Christo judice coronari.22 mai 1796 ».
Rentré dans sa patrie après trois ans d'exil, dom Antoine s'employa, dès qu'il le put et autant qu'il le put, à l'administration des Sacrements pour le salut des âmes. De passage à Ramonchamp, il baptisa un enfant. Il exposait sa vie, il le savait, mais loin de craindre la mort, il la désirait (18). L'espoir du martyre l'avait décidé à revenir en Lorraine ; la marche des événements lui faisait présager le sort qui lui était réservé. Il l'annonça plusieurs fois, et son annonce était si ferme et si assurée qu'elle peut passer pour une sorte de prédiction. Une seule réflexion pouvait tempérer son désir de mourir, c'est l'utilité des âmes et le bien de la religion. Dans ses prières, il demandait souvent à Dieu l'honneur du martyre; il s'y préparait. «  Il portait ordinairement avec lui un recueil de gravures représentant les divers genres de tourments, par lesquels les persécuteurs exerçaient la patience et éprouvaient la foi des premiers chrétiens, et dans ses moments de loisir, il le feuilletait avec complaisance, contemplant pendant des heures entières les roues, les chevalets, les peignes de fer, les martinets pour la flagellation, les bûchers, les chaudières bouillonnantes, et faisant de ces divers instruments de supplice l'objet favori de ses méditations (19). Il portait aussi sur lui des reliques de divers martyrs, pour lesquelles il avait une vénération profonde, en lesquelles il mettait une confiance pleine et entière et dont la vue l'aidait à cultiver son désir de marcher sur les traces des premiers témoins du Christ ».
Néanmoins, pour faire le bien sans témérité et avec plus d'efficacité, il usait, à regret, il est vrai, de prudence et de discrétion. Le théâtre de son zèle comprenait tous les environs de Nancy. Il les parcourait, administrant les Sacrements et donnant l'instruction religieuse. Il allait de village en village, en toute saison et partait avec empressement, sans se donner ni repos ni trêve, partout où il y avait un pécheur à absoudre, un malade à consoler, un mourant à bénir et à fortifier au moment suprême contre les terreurs de la mort et les derniers assauts de l'enfer. Bien qu'il fût d'une santé très délicate et que la fatigue l'exténuât, rien ne diminuait son zèle. Continuellement en marche et presque toujours de nuit, il ne demeurait que fort peu de temps, deux jours au plus, au même endroit. Une oeuvre achevée, il courait à une autre. Aussi instruit que zélé, il avait composé et fait imprimer à Nancy en 1797 un ouvrage, qui respire la plus tendre piété et qui a pour titre: Sentences et consolations chrétiennes (20). Dans ses courses apostoliques, il en distribuait des exemplaires qui servaient à l'instruction des fidèles. Le père Doré nous en a conservé une maxime que nous ne voulons pas omettre: < r Le temps des souffrances est de tous les temps de notre vie le plus précieux. Ne le passez pas à vous plaindre, mais à faire des actes de conformité à la volonté de Dieu. Unissez vos peines à celles du Sauveur; rappelez-vous son amour pour vous, et n'oubliez pas que vous devez imiter sa patience comme ses autres vertus » (p. 84).
Les mesures de prudence, dont il s'entourait pour ne pas être découvert, dom Antoine ne les prenait que pour obéir à sa conscience. Il voulait être agréable aux personnes qui lui portaient intérêt et craignait d'être taxé de témérité. S'il avait suivi les mouvements de sa nature, il se serait exposé au péril et aurait couru ouvertement le risque d'être arrêté. Un soir qu'il voyageait par une nuit froide et obscure, il fut assailli par deux volontaires, qui n'avaient ni mission ni mandat de le saisir. Sa première pensée fut de leur offrir de l'argent pour avoir la liberté de continuer sa marche. Un des agresseurs acceptait volontiers les six livres et consentait â relâcher le prisonnier; le second, ne cédant pas à l'appât de l'argent, employait la violence pour le traduire devant les tribunaux. Mais dom Antoine, par un mouvement vigoureux, se dégagea de ses étreintes et s'enfuit d'un pas rapide et léger. Plus tard, il se reprochait d'avoir agi de la sorte et dans son désir ardent de mourir pour Jésus-Christ, il regrettait d'avoir volontairement perdu l'occasion d'aller au martyre.
Son extrême délicatesse lui faisait tout particulièrement respecter les droits de la vérité. Il n'aurait pas permis que pour sauver sa vie, on blessât la vertu de sincérité. Comme il n'eut pu se procurer des certificats et des passeports, sans recourir à des détours, il voyageait sans ces pièces nécessaires, qu'il eut tenues pour des supercheries. Ne voulant pas être la cause ou l'occasion de querelles, surtout de querelles sanglantes, il défendait aux hommes qui l'accompagnaient de nuit, de porter des armes. Son désintéressement égalait son abandon à la divine Providence. Il était fort pauvrement vêtu. Tout ce qu'on lui donnait, il le rendait aux pauvres. Si une bonne chrétienne lui offrait du linge propre, il laissait en compensation celui dont il se dépouillait, et voulait qu'il fut distribué aux pauvres. Ses vertus les plus remarquables étaient une foi vive, un ardent amour envers l'Eucharistie et une tendre et solide dévotion à l'égard de la Sainte-Vierge. Il se distinguait par sa profonde vénération pour les reliques des Saints et il mettait à s'en procurer une application extraordinaire. Quelques personnes pensaient, mais à tort, qu'il n'apportait pas dans ses recherches tout le discernement nécessaire et n'exigeait pas des garanties suffisantes d'authenticité.
Son désir du martyre, loin de diminuer, croissait avec le temps des épreuves. Quand il apprit la mort de dom Sigisbert, il répéta plusieurs fois ces paroles: «  Le père Thouvenin était mon ami. Je le prie de m'obtenir du Seigneur la grâce qui lui a été faite de mourir martyr, afin d'aller partager son bonheur ». Sa prière fut bientôt exaucée. Quinze jours après la mort du prémontré, le chartreux était arrêté. Dom Antoine a raconté lui-même les circonstances de son arrestation. Le 26 avril 1798, il reçut d'un prêtre missionnaire un billet. Son confrère lui proposait d'aller, s'il le pouvait, porter les secours spirituels à quelques personnes de Gerbéviller. Le zélé religieux part sans hésiter, emportant la sainte Eucharistie. Son unique compagnon de route l'ayant averti que des patrouilles parcouraient le pays, il lui confia son dépôt sacré, de crainte qu'il ne fut profané, si lui-même était arrêté. Les deux voyageurs arrivèrent à Gerbéviller vers onze heures du soir. Ils aperçurent de la lumière dans une maison; mais comme elle était habitée par de fidèles catholiques, ils jugèrent qu'ils n'avaient rien à craindre. Un peu plus loin, ils virent de la clarté dans une autre maison. Ses habitants étaient des ennemis de la religion ; néanmoins, parce que c'était une auberge, ils ne crurent pas nécessaire d'avancer avec circonspection. Ils entendirent cependant tout proche d'eux parler à voix basse; l'obscurité de la nuit était si profonde qu'ils ne virent personne. Ils pénétrèrent bientôt au lieu, où ils étaient attendus et où se trouvaient réunies des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame. Dom Antoine confessa le malade, auprès duquel on l'avait appelé; mais il avait été vu et dénoncé. Le lendemain, 8 floréal an VI, vendredi 27 avril 1798, à midi, les gendarmes vinrent le prendre.
Le prisonnier n'était muni d'aucun passeport ; il déclara aux gendarmes qu'il n'avait point de résidence fixe. Le juge de paix du canton, devant lequel il fut aussitôt conduit, lui fit subir, en qualité d'officier de police judiciaire, un premier interrogatoire. Sans hésitation et sans crainte, avec le calme d'un innocent, dom Antoine se fit connaître comme «  prêtre du ci-devant ordre des Chartreux de la maison de Bosserville près Nancy », avouant qu'il avait émigré deux fois, qu'il n'avait pas de résidence fixe et qu'il menait une vie errante et vagabonde. Le lendemain, les gendarmes l'emmenèrent directement à Nancy (21) et présentèrent son interrogatoire de la veille à l'administration centrale du département de la Meurthe. Cette autorité renvoya l'affaire à l'accusateur public près le tribunal criminel, pour que ce fonctionnaire pût régulariser l'opération du juge de paix, qui n'avait terminé l'interrogatoire par aucune ordonnance ni indication du tribunal compétent, et qui même n'avait décerné aucun mandat d'arrêt. En communiquant ces renseignements au ministre de la police générale, le commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale ajoutait : «  Il est plus que vraisemblable que ce prêtre sera traduit devant une commission militaire; j'aurai l'honneur de vous informer du jugement qui sera rendu à son égard ». Le ministre de la police générale faisait répondre : «  Je vous observe que, si cet individu a été soumis aux lois de 1792 et 1793 et qu'il soit porté sur la liste des émigrés comme prêtre déporté, c'est le cas de lui faire subir la peine de la déportation. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si, n'étant pas soumis aux lois de 1792 et 1793, il se trouve porté sur la liste des émigrés comme émigré, il devient alors justiciable de la commission militaire. Vous me rendrez compte des suites de cette affaire » (22).
Le prisonnier avait été déposé à la Conciergerie, le 28 avril, vers onze heures du matin. A quatre heures du soir, il fut amené devant le président du tribunal criminel de la Meurthe et il subit un nouvel interrogatoire. Ce document nous manque. Les interrogations achevées, le prévenu fut reconduit à la Conciergerie. Tout le temps qu'il passa dans cette prison, il s'entretint de ses derniers moments. La joie intime qu'il éprouvait d'être incarcéré, éclatait sur son visage et se manifestait dans toute sa conduite. Il chantait des hymnes et des cantiques en action de grâces du bonheur, dont il espérait jouir, s'il lui était accordé de mourir pour .Jésus-Christ. II en composait lui-même pour exprimer son vif désir d'être réuni à Dieu. Tous ses entretiens étaient spirituels. Il se recommandait aux prières des catholiques et des prêtres qui vinrent le visiter; mais dans son attachement à l'Eglise catholique, il ajoutait : «  Ne me recommandez pas aux prières des prêtres qui ont prêté le serment et ne sont pas réconciliés. Ils sont pour moi des hommes qui se mettent eu présence du crucifix, pour lui cracher au visage ». On lui suggérait des moyens de défense. Il voulut mettre en pratique les recommandations de Jésus aux Apôtres: «  Ne vous inquiétez pas de ce que vous répondrez aux juges, quand vous comparaîtrez devant eux pour mon nom; le Saint-Esprit vous suggérera ce que vous aurez à dire ».
Le 10 floréal, 29 avril, le tribunal criminel rendit le jugement, qui envoyait le prévenu devant la commission militaire de Nancy. Dom Antoine était donc considéré comme émigré et non comme déporté rentré. La distinction, établie par le ministre de la police générale, parvint trop tard pour que le tribunal pût l'appliquer au chartreux et lui infliger, au lieu de la peine de mort, celle de la déportation. Soumis à la juridiction militaire, le prévenu fut transféré, le 29 avril, vers trois heures de l'après-midi, de la Conciergerie à la tour Notre-Dame, réservée aux prisonniers de guerre. Dans cette nouvelle prison, il chantait encore son bonheur par des cantiques de sa composition. Ses compagnons de captivité étaient ravis d'admiration et s'édifiaient de tant de vertus. Beaucoup de personnes du dehors le visitèrent et remportèrent une grande édification de sa piété, de sa constance et de son allégresse. Il se réjouissait d'être bientôt réuni à ses deux amis Henry et Georgin, prébendés de la cathédrale, morts à Rochefort. Le frère de dom Sigisbert fut du nombre des visiteurs. Le vénérable chartreux lui dit avec une admirable douceur: «  Voyez combien votre frère a de pouvoir auprès de Dieu? Dès que j'ai su sa mort, je l'ai prié de m'obtenir le sort qui lui a été réservé ; je vois que ma prière a été exaucée puisque me voici dans la même prison. Pourvu que je sois trouvé digne de faire le même sacrifice que lui ! » Il dit encore: «  Je répondrai avec franchise aux questions, que me feront mes juges et je ne prétends pas ternir la gloire du martyre par le moindre mensonge ». Ses amis lui proposèrent un défenseur pour plaider sa cause. Celui-ci s'engageait à le sauver si le prévenu le laissait dire ce qu'il voudrait. «  A la bonne heure ! répondit le religieux, détendez-moi et sauvez ma vie, si vous le pouvez ; mais que ce ne soit pas au détriment de la vérité, car si vous avancez quelque fausseté, je dirai le vrai sur-le-champ ». Le défenseur voulait faire passer son client pour un esprit faible ; ce qui eut été facile, soit parce que son corps était exténué par les fatigues de l'apostolat, soit parce que la simplicité évangélique de son âme se manifestait par une grande naïveté. A cette proposition, dom Antoine s'indigne et s'écrie: «  Non, je ne souffrirai point qu'on recoure à un tel subterfuge. Si mon défenseur l'emploie, je me lèverai devant les juges et je leur ferai voir par mes réponses que je possède toute ma présence d'esprit. Je serais un lâche, si j'agissais autrement ».
Le lundi, 30 avril, le rapporteur de la commission militaire vint à la tour vers dix heures du matin. Il prit dom Antoine à part dans une chambre et lui ordonna de se déshabiller. Cette enquête inutile imposa au bon religieux un pénible sacrifice. En le fouillant, cet officier trouva sur lui deux mouchoirs ; il voulut s'emparer du plus propre et du meilleur. Dom Antoine le pria de le lui laisser pour bander ses yeux au moment de la fusillade. Le rapporteur accéda à sa demande et en le quittant, lui dit : «  Demain, premier jour de mai, vous paraîtrez au jugement à huit heures du matin ». Dès lors, le prévenu ne s'occupa plus que de sa dernière heure. Il dit aux prisonniers qui l'environnaient: «  .l'ai besoin de tout le temps qui me reste pour me préparer à mon sacrifice ». Et au cours d'une conversation avec des amis, il dit encore: «  J'aurais plus besoin de résignation pour entendre une sentence, qui me priverait du bonheur du martyre, que pour entendre ma condamnation à mort que je désire ».
Le mardi, 1er mai, à l'heure fixée, l'accusé est conduit devant la commission militaire, qui devait le juger. Une foule de spectateurs étaient là, attirés les uns parla curiosité, les autres par la commisération et la religion. Au nombre de ces derniers se trouvait un chartreux, dom Bernard Abram (23). Dom Antoine se tint en paix et en pleine possession de lui-même. Il écouta avec tranquillité les questions de ses juges et y répondit en toute simplicité. On lui présenta les procès-verbaux de son arrestation et de sa comparution devant le tribunal criminel de la Meurthe, et on lui demanda s'il reconnaissait pour siennes les signatures, qui étaient apposées au bas de ces pièces. «  Oui, dit-il, je les reconnais. J'ai signé celui-ci : prêtre catholique, et encore celui-là -.prêtre catholique. Sur cet autre, on m'a défendu d'écrire: prêtre catholique ». Il prononçait ces mots : Prêtre catholique, avec affection et bonheur. Il dit ensuite un bon mot si naïf, (la naïveté était le fond de son caractère), que les fidèles et ses amis, qui assistaient pâles et tremblants, ne purent s'empêcher de rire et de partager un instant la gloire du confesseur de Jésus-Christ. Son attachement à la religion était tout son crime, ses réponses le manifestèrent hautement.
A la question : «  Avez-vous prêté les serments, exigés par les lois », il répondit: «  Aucun. - Pourquoi avez-vous refusé de les prêter ? - Parce que ma religion et ma conscience ne me les permettaient pas ». Il refusa de déclarer les familles, chez lesquelles il avait logé, parce que la religion lui défendait de compromettre personne. La suite de l'interrogatoire fit voir que les juges n'eussent pas été fâchés de trouver un biais pour éviter une sentence capitale. L'accusé eut été absous, s'il eut voulu dire qu'il ignorait la loi. Le défenseur cherchait aussi à tirer avantage d'une sorte d'équivoque sur ses noms de famille et de religion. Le chartreux ne lui permit pas d'en user. Comme on feuilletait la liste des émigrés pour s'assurer s'il y était inscrit, le greffier, qui voulait le sauver, lui dit: «  Votre nom n'y est pas. - Il doit y être, répondit Lottinger. - Il n'y a point de Charles-François Lottinger, reprend le greffier. - Eh bien ! cherchez aux A, vous y trouverez Antoine, chartreux de Bosserville; c'est moi ». Dans ses malles, saisies avec lui, on avait trouvé des vases sacrés et des ornements sacerdotaux, qui étaient une pièce de conviction. L'avocat lui proposa de dire que ces objets ne lui appartenaient pas. «  Non, répliqua-t-il, c'est à moi ; je suis prêtre catholique, je dis la Messe et je continuerai à la dire tant que je le pourrai ». C'est ainsi qu' «  il dérouta par ses réponses toutes franches » la bonne volonté de ses juges à son égard.
Vers onze heures du matin, après une séance de trois heures, tandis que les juges délibéraient, l'accusé est reconduit à la tour Notre-Dame.
Il y trouve, en arrivant, un repas modeste qui lui avait été envoyé par une personne touchée de son malheur. Il ne fait d'abord que goûter les mets ; puis, changeant tout à coup d'avis, il mangea de bon appétit et dit avec gaîté : «  C'est un beau jour que celui-ci, c'est un jour de fête ; ordinairement je ne bois pas de vin, j'en boirai un peu aujourd'hui ». Un laïque, qui assistait à ce repas, lui fit le récit détaillé des derniers moments de dom Sigisbert. Lottinger, se félicitant de partager le sort du prémontré, répondit que «  lui faire ce récit, c'était lui servir un bon dessert ». A deux heures, les juges viennent lire la sentence, qui le condamnait à mort. Il l'entend, sans rien perdre de sa sérénité habituelle. Sa première parole fut un cri de reconnaissance: «  Béni soit le Seigneur qui a bien voulu exaucer mes voeux! » Sa joie intérieure se refléta si manifestement sur son visage qu'un assistant ne put s'empêcher de dire: «  Il faut que cet homme soit fou; on n'a jamais vu recevoir une sentence de mort d'un air si joyeux ». Le condamné n'avait d'autre folie que celle de la Croix, et la vivacité de sa foi lui avait toujours fait regarder comme une grande grâce celle de mourir pour la religion. Il dit encore à ce moment : «  J'éprouve sensiblement la protection de Sigisbert Thouvenin auprès de Dieu, car je l'ai prié d'intercéder pour moi et de m'obtenir le bonheur de verser mon sang pour la foi de Jésus-Christ ».
Dès que la lecture de la sentence fut terminée, le condamné fut enfermé au secret dans une cellule jusqu'à cinq heures du soir. On vint alors le prendre pour le conduire à la place de Grève, «  la place des nouveaux martyrs ». Il y marche comme un généreux athlète, avec joie et en priant. De temps en temps, il regardait modestement les spectateurs. Ses yeux ayant rencontré dans la foule un de ses amis, il le salua trois fois. Au moment de parvenir au lieu de l'exécution, son visage perdit sa pâleur ordinaire et naturelle, ses joues s'enflammèrent, son visage s'illumina et brilla d'une beauté extraordinaire et céleste. Il marchait d'un pas si ferme et si rapide qu'il dépassa le lieu du supplice. Un soldat de l'escorte lui cria: «  Arrête donc ; tu vas trop loin ; c'est ici ». Alors, il s'arrêta, ôta son chapeau, tira de sa poche le mouchoir qu'il avait préparé dès le dimanche précédent et qu'il avait eu soin de bénir, se banda les yeux, fit le signe de la croix, joignit les mains, se mit à genoux et reçut une décharge. Une balle l'avait atteint à la lèvre supérieure. Il tomba sur son côté gauche, sans être mortellement blessé. Il tira sa jambe gauche comme pour se relever. Deux fusiliers apercevant ce mouvement s'approchent du côté droit et lui lâchent à bout portant deux coups de fusil derrière la tête. Le patient qu'on croyait mort, est aussitôt placé dans un cercueil; mais, ô surprise ! on le vit joindre les mains comme pour prier. C'était un dernier signe de vie. Une troisième décharge le frappa dans son cercueil et l'enleva à ce triste monde. Il était mort comme un saint. C'était le 12 floréal de l'an VI de la République française, 1er mai 1798 (24).
Une foule considérable, attirée par le spectacle inaccoutumé de l'exécution capitale d'un prêtre, fut témoin du courage héroïque de dom Antoine. Les catholiques y étaient venus pour bénir Dieu et admirer la force de sa grâce. Les indifférents et les ennemis de la religion eux-mêmes y assistèrent dans un respectueux silence. Tous étaient dans une sorte de saisissement. Le peuple donna au martyr de grandes marques de sa vénération. Tous les objets qui avaient été à son usage, furent considérés comme de précieuses reliques. Beaucoup d'assistants, bravant la défense et la force brutale des soldats, recueillirent le sang qui avait coulé abondamment sur la place. Le plus grand nombre accompagnèrent le corps jusqu'au cimetière des Trois-Maisons. Les gendarmes ne purent les empêcher d'y entrer. Sur la tombe on se disputa les reliques. Ceux-ci trempaient des linges dans le sang qui s'était répandu dans le cercueil. Ceux-là arrachaient l'herbe sur laquelle ses vêtements avaient été déposés ; d'autres prenaient de la terre imprégnée de sang. On se disputa le mouchoir qui avait couvert ses yeux; un particulier l'acheta. Les plus forts seuls réussirent à s'emparer de ces reliques, que tous désiraient posséder. Chacun remporta chez soi une vive impression de cette mort édifiante. Elle fut le sujet des entretiens de toutes les familles chrétiennes et de l'admiration de plusieurs ennemis de la religion. L'un disait : «  Il y a dans tout cela quelque chose d'extraordinaire ». Un autre: «  Il ne convient pas de traiter ainsi des innocents ». On entendit un homme en place adresser à un de ses collègues cette réflexion : «  Remarquez-vous comment ces prêtres catholiques vont à la mort et la subissent ! En voit-on d'autres la recevoir avec ce courage et cette paix ? ». Le peuple, qui ne pouvait se dissimuler l'innocence du condamné, laissa échapper assez librement ses murmures contre la rigueur qu'on exerçait sur des citoyens paisibles, et on a cru à cette époque que l'opinion publique avait ému les juges et les avait empêchés de condamner à mort deux jours plus tard, le 14 floréal an VI, 3 mai 1798, Charles Morel, curé de Troussey. Dom Antoine avait vu ce confrère arriver le 1er mai à la prison. Bien qu'il ne le connût pas, il lui dit : «  Vous êtes encore jeune et plein de force et en état de servir longtemps encore l'Eglise. Quand je serai devant Dieu, je le prierai de ne pas permettre que vous soyez condamné à mort ». Sa prière fut exaucée (25). Les fidèles, de leur côté, recouraient à l'intercession du martyr et les contemporains lui ont attribué plusieurs guérisons miraculeuses.
Le soir de l'exécution, vers neuf heures, les catholiques envoyèrent au cimetière des linges propres et un cercueil convenable pour ensevelir dignement les restes glorieux du martyr. Ils avaient remarqué que le sang avait abondamment coulé dans le premier cercueil et ils voulaient y tremper des draps pour le recueillir. Comme le corps du religieux avait été meurtri et fracassé, on trouva dans sa chemise, en lui rendant ces suprêmes honneurs, des morceaux détachés de sa chair et de ses dents. On eut soin de glisser dans le cercueil une plaque oblongue de cuivre, sur laquelle on avait gravé assez grossièrement ces mots : «  Charles-François-Xavier Lottinger, prêtre chartreux à Bosserville sous le nom de Dom Antoine, natif de Blâmont, Agé de 47 ans, a été fusillé à Nancy comme prêtre catholique, le 1er mai 1798, entre 4 et 5 heures » (26). En 1832, un fossoyeur, en défonçant le terrain ou en creusant une nouvelle fosse, mit à jour avec sa pioche cette plaque, un crâne, trois ossements, dont un humérus, trois petits osselets et quelques dents sorties de leurs alvéoles. Le bruit de cette découverte se répandit dans la ville de Nancy et parvint jusqu'au grand séminaire. Un diacre, l'abbé Thiébeult, allié à la famille Lottinger, fut envoyé réclamer les restes de son parent. Ils lui furent remis et il les conserva avec soin et respect. Tandis qu'il était vicaire à la cathédrale de Nancy, il les avait placés dans un petit oratoire qu'il avait dressé auprès de son lit et devant lequel il aimait à prier. Le 11 octobre 1864, il les confia avec émotion au R. P. Dom Marie-Joseph Engler, alors procureur de la Chartreuse de Bosserville, en présence de l'abbé Charlot, chanoine honoraire de la cathédrale (27). Les pieux fils de saint Bruno conservent dans la cellule du prieur ce précieux dépôt.
Le ministre de la police générale avait demandé qu'on lui rendit compte des suites du procès. Le 17 floréal an VI, 6 mai 1798, le commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département de la Meurthe, Mourer, lui annonça que le 13 du courant, 2 mai, le chartreux avait été condamné par une commission militaire à la peine de mort comme émigré rentré et qu'il avait été exécuté le même jour (28).
Les termes laconiques et froids de cette lettre diffèrent profondément des paroles émues et respectueuses des fidèles catholiques qui s'entretenaient de la mort du martyr. Pour préparer un des amis du chartreux à la pénible nouvelle de son trépas, on prit ce détour : «  Dom Antoine est bien malade, dit-on ; sa vie est entièrement désespérée. - Ah! j'en suis peiné, répond l'ami ; car il ne désirait rien tant que de mourir pour la religion par le martyre. - Eh bien ! consolez-vous, répliqua-t-on, son désir est satisfait, il est mort comme il demandait de mourir ». Les contemporains n'ont pas hésité à proclamer dom Antoine martyr de la foi. «  Son attachement à la religion était tout son crime », a écrit le père Doré. Dom Antoine, ajoute-t-il, s'était préparé à cette mort glorieuse par une-vie toute consacrée à la piété, aux fonctions du zèle, aux exercices de la charité et à la pratique de la mortification. «  Un tel homme était bien éloigné de causer du trouble et de nuire à personne... Quoiqu'il en soit, heureux ceux dont la pureté de conscience fait envisager la mort avec tranquillité, et qui, au lieu de reproches à se faire, ont à se rendre le doux témoignage qu'ils meurent fidèles à Dieu et pour la cause de la religion. S'il n'appartient qu'à l'Eglise de conférer et de confirmer le nom de martyr et de saint, il est bien consolant d'avoir agi de manière à mériter ces titres glorieux ».

(1) Les actes religieux de la paroisse de Blamont datent de 1634. Le 30 mai 1636, il y a un acte de baptême d'un fils Lottinger. Le nom est diversement orthographié: le plus souvent, on lit Lottinger ou Lottingre, et quelquefois Lothinger ou Lothingre. Tous ces détails généalogiques sont dus aux recherches que M. l'abbé Xilliez, professeur de philosophie ù l'Institution Pierre Fourier à Lunéville, a bien voulu faire dans les registres paroissiaux de Blâmont.
(2) Des voyageurs ont parlé de ces hôtelleries dans leurs récits de voyage. Les maisons existent encore.
(3) Catalogue Noël, n° 5881. Le 17 octobre 1776, il adressait à Buffon de nouvelles observations sur le coucou. Cfr oeuvres, t. XVIII, p. 443.
(4) Chatrian, Hommes illustres de la Lorraine, p. 197.
(5) Buffon, oeuvres, édit. de 1845, t. XV, p. 369.
(6) Lamoureux, Mémoire pour servir à l'histoire littéraire du département de la Meurthe, p. 50.
(7) Chatrian, Calendrier, 4 juin 1784.
(8) Ibid., 19 avril 1788. L'unique fille, Marie-Anne-Théodore, née le 26 février 1749, épousa M. de Voilan. Elle avait habité successivement Lunéville et Nancy. En 1815, elle résidait à Strasbourg. Voir Correspondance de Grégoire avec des Lorrains, p. 78 (manuscrit 534 de la bibliothèque de la Ville de Nancy).
(9) Registre des professions. Arch. dép., H 683.
(10) Liste officielle des ordinands de ce jour.
(11) Berseaux, L'ordre des Chartreux, p. 266.
(12) L 401-462,1699-1700 et 1720.
(13) Chatrian, Calendrier, 12 septembre 1792. Cfr Berseaux, p. 247.
(14) Chez Levrault, Strasbourg, 12 p. in-8.
(15) Fils de Nicolas Mangenot, avocat à la cour, et de Marguerite Jeanjean, Claude-Charles naquit à Lunéville, le 7 mars 1732. Il commença ses études littéraires au collège de sa ville natale, alla les achever à Pont-à-Mousson. puis entra au séminaire de Toul. Ordonné prêtre le 24 septembre 1757, il fut envoyé comme vicaire commensal à Einville-au-Jard. Il se fit estimer de son curé et monta avec succès dans plusieurs chaires de la contrée. Au mois de juin 1765, il fut nommé à la cure de Xouaxange, et un mois plus tard, il fut doté des deux chapelles, fondées dans l'église de Bauzemont. Il gouverna avec zèle et prudence sa paroisse, qui était difficile et pénible. Sa mauvaise santé ne lui permettant plus de remplir assidûment tous les devoirs pastoraux, il accepta la résignation d'un canonicat de Sarrebourg. Sa vie édifiante et ses vertus, que Chatrian se comptait à vanter, le firent élire par ses collègues doyen du chapitre. Ils lui donnèrent une autre marque de confiance, en le chargeant de veiller sur le collège de la ville, dont le chapitre était supérieur. Sa pension, fixée en 1791 à 1161 livres 16 sous, ne lui fut payée en 1792 qu'au taux de 1009 livres 12 sous 6 deniers. L 2288. Le 20 août 1789, il était allé avec Chatrian, son compatriote, à Bosserville visiter dom Lottinger.
(16) Chatrian, Hommes illustres, p. 197. Cfr Michel, Biographie, p. 330-331. Le 13 messidor an II, 1er juillet 1791, on vendit à Sarrebourg connue bien national une maison, sise Grande-rue, et un jardin, qui appartenaient à «  défunt Lottinger ». Répertoire des ventes des biens nationaux, 2° origine.
(17) Nous avons eu deux copies de cette lettre; l'une se lit dans un manuscrit du séminaire de Saint-Dié, l'autre fait partie d'un Recueil, (manuscrit n° 79 du monastère de la Visitation de Nancy). Ce dernier Recueil contient aussi un Cantique en cinq couplets, composé par un bon prêtre (probablement le père Doré), qui reproduit les Sentiments et paroles du saint Martyr, exprimés dans celle lettre. Le quatrième couplet est inspiré des paroles de saint Cyprien, qu'avait citées dom Lottinger.
(18) Toute la suite de notre récit repose sur plusieurs relations: 1° Celle, que composa le père Doré et qui fait suite au récit de la mort de dom Sigisbert Thouvenin. 2° Elle est complétée par des Additions, dont l'original, conservé à la chartreuse de Bosserville, est de la main de l'abbé Mollevaut, curé de Saint-Vincent-Saint-Fiacre. 3° Des Notes sur des Chartreux de Bosserville, mis en prison à l'époque de la Révolution française, de l'écriture du chanoine Charlot, à la Chartreuse de Bosserville. 4° Le récit de l'abbé Berseaux, op. cit., p. 266-275. Cet historien a utilisé d'autres documents, qu'il cite et que nous n'avons pas retrouvés.
(19) Une image sur vélin, qui vient de lui et que possède M. Minoux, curé de Domgermain. représente l'enfant Jésus sur les bras de sa Mère. Un ange lui apporte les insignes de la Passion et le divin enfant ouvre ses petites mains pour les recevoir. Au verso, on a transcrit la lettre du 22 mai 1796.
(20) Grégoire, Notes biographiques, p. 363, (manuscrit 583 de la bibliothèque publique de Nancy). L'ancien curé d'Emberménil attribue encore an chartreux de Bosserville des Anecdotes pour servir à l'histoire de la persécution, 2e édition, Paris, 1801, Ibid., p.579.
(21) Et non à Lunéville, comme le dit l'abbé Berseaux, op. cit., p. 271.
(22) Victor Pierre, 18 fructidor, p. 367-369.
(23) Cfr Berseaux, op. cit., p. 257-258.
(24) Extrait des registres des actes civils de la ville de Nancy.
(25) La relation manuscrite, due à l'abbé Mollevaut, cite ici le père Laruelle, prieur de Blanzey. L'âge du prémontré et surtout la date de son jugement prouvent clairement l'erreur du narrateur.
(26) Postérieurement à l'exhumation de cette plaque, une main y a tracé à la pointe sèche ces mots: «  Il a absous Philippe d'Orléans, 1793, Crétineau-Joly, page 202 ». L'auteur de cette note a confondu le chartreux de Bosserville avec François-Joseph Lothringer, prêtre séculier, d'origine alsacienne, aumônier des étrangers à l'Hôtel-Dieu de Paris et vicaire épiscopal de Gobel, évêque intrus de la Seine. Emprisonné sous la Terreur, il donna l'absolution à plusieurs de ses co-détenus. Revenu au pays natal, il se rétracta dès 1795 et le 11 mars 1797, il écrivit de Thann, où il habitait, une lettre à l'auteur des Annales catholiques, qui fut rendue publique. Cfr L'abbé Lothringer, un aumônier des prisons de Paris pendant la Terreur, dans la Revue catholique d'Alsace, n° de février 1893.
(27) Note de dom Jérôme Keiflin, prieur, enfermée dans un sachet d'étoffe avec le crâne de dom Lottinger.
(28) Victor Pierre, op. cit., p. 069. Mourer se trompe sur la date et la retarde d'un jour. L'éditeur, p. 367, a adopté lui-même cette date fautive.

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