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Victoire Perrin - Soeur Léopold (1876-1944) (1/2)
 

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Nous connaissons désormais la vie de l'hôpital de Blâmont durant la première guerre, du 4 août 1914 au 24 juillet 1918, grâce au journal de soeur Euphémie («  Quatre ans sous le joug allemand » - Ed. Gérard Louis 2014), qui rend à de multiples reprises hommage à sa «  chère soeur Supérieure », soeur Léopold.

Née le 17 mars 1876 à Villers-sous-Prény, Victoire Perrin entre en religion le 25 juin 1904 sous le nom de soeur Léopold. Elle décède le 10 avril 1944 à Remiremont.

L'Histoire de la Congrégation des Soeurs de Charité de Saint-Charles de Nancy (Tome IV - Chap. IX - 1951) indique :
«  Le 22 août 1919, la cour d'honneur de l'hôpital de Blâmont était magnifiquement décorée de drapeaux, d'oriflammes et de fleurs. A 9 heures arrivaient le général de division Jacquet, commandant le 21e Corps d'Armée, et M. Langeron, sous-préfet de Lunéville. Le Maire, M. Bentz, leur présente le Conseil Municipal, les mutilés et les décorés; puis le Général s'avance près de Soeur Léopold, dont il rappelle la vaillante conduite pendant l'occupation, ainsi que celle de toute la communauté, de M. le Curé et de M. Squivet. Lecture est alors donnée de la citation suivante:
«  Madame Perrin Victoire, en religion Soeur Léopold, de la Congrégation de. Saint-Charles, Supérieure de l'hôpital-hospice de Blâmont : est restée à la tête de la maison pendant toute l'occupation allemande. D'une charité et d'un dévouement sans borne, a donné ses soins, en pleine bataille, le 14 et 22 août aux blessés français. Par la suite, au cours de la campagne, a caché à plusieurs reprises des patrouilles égarées dans les lignes allemandes et les a aidées à regagner nos lignes sans souci des représailles ennemies auxquelles elle s'exposait. »
Tandis qu'un peloton d'infanterie présente les armes, le Général épingle la croix de guerre avec palme sur la poitrine de Soeur Léopold et lui donne l'accolade. A son tour, le Sous-Préfet tint à apporter à Soeur Supérieure le témoignage de la gratitude du Gouvernement et ses félicitations personnelles. Au moment du départ des autorités, une ambulance amène M. le Médecin Inspecteur général Guibal qui, blessé dans un accident d'automobile, en venant à Blâmont, a tenu à arriver quand même au but pour apporter ses félicitations personnelles et les remerciements du Service de Santé à Soeur Léopold. »

Après la cérémonie du 22 août 1919, où le général Charles Jacquot remet la croix de guerre avec palme à soeur Léopold, un anonyme du personnel de l'hôpital écrit un témoignage manuscrit de remerciement à soeur Léopold, en relatant les événements de la guerre, la cérémonie du 22 août, deux articles de presse, le bulletin paroissial, et un témoignage sur les quinze premiers jours de la guerre.
L'auteur conclut par des remarques d'ordre personnel, permettant de déterminer qu'il s'agit d'un homme de 70 ans ou plus, ancien enfant de choeur de ce même hôpital.

Ce témoignage de 70 pages, resté dans les archives personnelles de Victoire Perrin, a été récemment confié par sa famille au Centre Image Lorraine de Nancy, qui en a assuré la numérisation, en contribution tant à l'histoire de la guerre qu'à faire connaître le dévouement des soeurs hospitalières de Saint-Charles durant le conflit.
 


Témoignage en PDF (8 Mo)

Témoignage de sympathie et de reconnaissance offert à
Ma chère soeur supérieure
par le personnel de l'hôpital de Blâmont.
16 novembre 1919

Le 17 septembre dernier le journal l'Eclair de l'Est publiait en tête de son édition l'article suivant :
L'occupation allemande de Blâmont
La croix de guerre à la soeur Léopold - Ceux qui ont tenu tête aux boches - Noble attitude de M. le Curé - Belle conduite de M. Squivet
Le 20 août 1919 l'appariteur publiait dans les rues dévastées de la petite ville de Blâmont une note de Mr Bentz, chevalier de la Légion d'honneur, maire de Blâmont, invitant la population à assister le vendredi 22 à 9 heures du matin, à l'hôpital où devrait avoir lieu la remise de la croix de guerre avec palme, à Madame Perrin Victoire, en religion soeur Léopold, supérieure de l'hôpital de Blâmont. Ses amis, qui sont tout le monde, s'étaient multipliés pour orner la cour et son entrée de trophée de drapeaux, de fleurs à profusion, pour donner à cette patriotique cérémonie tout l'éclat qu'il convenait.
A neuf heures, Mr le Maire entouré se son conseil, des notabilités, des mutilés de guerre et des décorés de la croix de guerre, reçoit Mr le général Jacquot commandant le 21ème corps d'armée, qui apporte à la supérieure, au nom de Mr le Maréchal de France commandant en chef les armées, de l'Est, la décoration de la croix de guerre avec palme et une citation la félicitant de sa belle conduite, la remerciant au nom de l'armée française des soins donnés à nos blessés, des son inlassable dévouement et de sa résistance opiniâtre aux exigences de l'envahisseur pendant les quatre ans passés sous l'occupation allemande.
Après la lecture de la citation à l'ordre de l'armée qui rendait hommage à ses exploits, au milieu de la profonde émotion de l'assistance qui s'était rendue nombreuse à l'invitation de Mr le Maire, Mr le général Jacquot lui adressa ses félicitations personnelles et épingla l'insigne des braves sur la poitrine de la courageuse supérieure.
Après l'accolade, Mr le sous-préfet de Lunéville, dans une chaleureuse allocution, apporta à son tout à la nouvelle décorée ses félicitations au nom du gouvernement.
Il faut avoir, comme l'auteur de ces lignes, vécu toutes les angoisses de cette terrible période du 4 août au 5 octobre 1918, au milieu des périls de tous les instants auxquels l'hôpital était particulièrement exposé par sa proximité des buts de tir de l'artillerie française, pour apprécier les mérites et les vertus de nos admirables religieuses qui, toutes, rivalisèrent de zèle pour seconder les insurmontables difficultés que l'invasion subite de l'ennemi avait déchaînées sur leur établissement. A ce premier début succédait bien vite autour de Blâmont des combats meurtriers d'où les blessés français et allemands affluaient sans cesse, jour et nuit, à l'hôpital dont les allemands s'étaient emparés et où ils commandaient en maîtres, en maîtres allemands comme on n'en voit que dans cette nation, vociférant les injures, la haine de la France et des français. Nos religieuses, chassées de leurs offices par les médecins, durent céder la place à une bande de gourgandines qui suivaient les troupes soi-disant comme infirmières jusqu'au jour où un retour offensif de nos armées les refoulèrent sur Sarrebourg, mais hélas ! pour quelques heures seulement ; aussi le personnel de l'hôpital eut à subir les plus cruels traitements au milieu du continuel fracas des obus arrêtant la marche de ces nouveaux Huns qui accusaient tout le monde de tirer sur leurs troupes, de communiquer par téléphone caché avec l'armée française. De continuelles perquisitions avaient lieu dans les chambres, au clocher, dans les meubles, dans les lits et le revolver au poing ces forcenés sommaient les occupants de leur montrer des téléphones qui n'existaient que dans leur imagination.
Mais pour soeur Léopold ces dangers n'étaient rien à côté des menaces d'arrestation, d'amendes, de prison, de mort même que les autorités ennemies proféraient contre elle à tout propos.
Plus le péril devenait imminent, plus son courage s'exaltait et défiait la brutalité teutonne. Péril, danger, étaient des mots d'une langue étrangère inconnue de cette patriote lorraine quand elle cachait, sous de faux états civils, des soldats français échoués parmi nous, qu'elle faisait rentrer dans la patrie envahie, par les convois d'évacuation.
Au milieu de tous ces dangers, par des prodiges de sollicitude et d'ingéniosité, malgré l'épuisement des provisions et la difficulté du ravitaillement, elle a su trouver les moyens d'assurer la subsistance du personnel hospitalisé, jusqu'au jour où ces bandits résolurent le pillage qu'ils convoitaient depuis longtemps.
Le 5 octobre 1918, elle fut arrachée avec ses compagnes, les infirmes et les mourants, de l'établissement qu'elle avait jusque là, au prix de tant d'efforts, dirigé et tenu avec tout le bon ordre possible. Tout ce monde, avec ce qui restait de la population de Blâmont, fut jeté dans un train, comme du bétail, après avoir subi d'odieuses visites des policiers allemands, sous prétexte que nous pouvions cacher des papiers ou documents dangereux pour la sécurité de l'Allemagne, ou de l'or et de l'argent français qu'il nous était interdit d'emporter ? Quantité de nos compagnons d'infortune furent dévalisés au cours de ces opérations vexatoires et criminelles. Ce triste convoi se mit en marche pour une destination qu'on nous laissa ignorer jusqu'à Anvers. Pendant les soixante heures de ce pénible voyage à travers l'Allemagne et la Belgique, le dévouement et la charité de nos religieuses eurent, hélas, bien des occasions de se manifester.
A Anvers comme à Blâmont, les trésors de consolations et de compassion de soeur Léopold et de ses compagnes furent largement ouverts à tous ceux qui en eurent besoin. Non seulement ses compatriotes, mais les blessés français, belges, américains en traitement dans les hôpitaux d'Anvers reçurent de ses mains généreuses les douceurs réconfortantes dont sa charité ne tarissait pas.
Après ces dures épreuves, le retour au foyer ménageait à ces saintes femmes les plus cruelles surprises. Le vandalisme allemand n'avait laissé que la trace de ses souillures et du pillage le plus complet. La vue de cette ruine pouvait abattre le courage le plus ferme, mais la vaillante supérieure eut tôt fait de parer au plus pressé, et sous son intelligente impulsion, la vie renait progressivement dans cet asile des déshérités.
La distinction que le gouvernement lui a décernée est une oeuvre de justice à laquelle toute la population qui l'a vue à son poste, sans défaillance, applaudit de tout son coeur.
Que nos sympathies religieuses trouvent ici, avec les félicitations que nous adressons à leur supérieure, l'hommage que nous rendons à leur dévouement, à leur modestie, qui n'ont d'égale que l'indomptable énergie qu'elles ont déployée à la face de l'ennemi.


Monsieur le curé Barbier reçut aussi les félicitations de Mr le général Jacquot pour être demeuré à Blâmont pendant toute l'occupation, quand il aurait pu, comme beaucoup, se faire évacuer en France avec sa mère et s'épargner le chagrin de voir celle-ci mourir près de lui, tuée par un obus au cours d'un bombardement. Lui même ne doit la vie qu'à un hasard miraculeux, comme la providence n'en réserve qu'à ses élus, qui fit rater l'éclatement d'un obus tombé la nuit au pied du lit où il dormait quand, au même instant, dans une chambre voisine, un officier allemand était foudroyé par un autre obus. Mais ce prêtre courageux plaçait son devoir au d-dessus de tous les dangers qu'il courait au milieu de ces hordes de brigands. Brigand est le mot juste qui dépeint leur conduite à l'égard de Mr le curé Barbier dont le calme et le sang froid qu'il opposait à leurs extravagantes prétentions exaspéraient leur fureur.
L'opinion estime que des félicitations verbales, mêmes officielles, sont une bien modeste récompense et exprime l'espoir qu'un jour Mr le Maréchal de France commandant les armées de l'Est apprendra qu'il y avait derrière le front allemand une population meurtrie par les évènements et que Mr le curé Barbier a accompli son devoir patriotique jusqu'à l'extrême limite.


Mr Squivet, ancien officier de la marine, eut particulièrement à souffrir de son courageux dévouement pour ses concitoyens qu'il n'a cessé de réconforter et de secourir dans la limite de ses moyens pendant toute la durée de l'occupation. Il reçut aussi les félicitations de Mr le général Jacquot.
Lui aussi aurait pu se faire évacuer en France, où ses enfants le réclamaient. Mais avec une abnégation admirable il a estimé que sa place était au danger, prenant sur sa maigre ration de ravitaillement pour secourir ceux que la faim torturait ; ensevelissant et enterrant lui même, malgré l'interdiction des autorités allemandes, nos blessés qui décédaient à l'hôpital.
Au cours d'une perquisition qui fit découvrir son uniforme d'officier qui dormait depuis quarante ans dans une armoire ouverte, il fut arrêté, emprisonné préventivement pendant plusieurs semaines, sans nourriture et finalement traduit devant un conseil de guerre qui ne put rien relever de condamnable à sa charge que sa bienveillante sollicitude à l'égard de la malheureuse population de Blâmont. Il fut acquitté, mais son dévouement patriotique était fait pour déplaire à ses persécuteurs, aussi il n'est pas d'avanies qu'il n'ait eu à subir jusqu'au dernier jour de l'occupation.

Le 2 octobre 1919, le Figaro de Paris publiait sous la rubrique - Renseignements mondains :
Les belles citations :
A l'ordre des armées est citée Madame Victoire Perrin, supérieure de l'hôpital hospice de Blâmont, qui est restée à la tête de cette maison pendant toute l'occupation allemande.
Suit une liste d'autres citations concernant M. Mes la princesse Murat, née d'Elchingen, comtesse de Janssens, baronne Grouvel, infirmières de guerre.


Le 16 octobre 1919 l'intéressante publication de «  l'Echo de St Maurice » faisait paraître l'article suivant :
- Statistique paroissiale -
Nous venons de passer de tristes anniversaires :
Anniversaire de la première occupation du 4 au 15 août 1914,  pendant laquelle l'ennemi fi régner sur nous le plus épouvantable terrorisme, assassina Mlle Cuny, Mr Barthélémy, Mr Foël, multiplia les fusillades pour avoir le prétexte d'en accuser les civils, arracha presque chaque nuit les innocents de leur lit pour les traîner en prison, mania le revolver en guise de raisonnement, menaça, condamna sans procédure, emmena les otages, ce fut ce qui a été appelé l'invasion des Huns ;
Anniversaire d'une joie éphémère, au 15 août, joie triomphante suivie de nos défaites de Morhange et de Sarrebourg, suivie d'une désastreuse retraite, de l'effroi universel et de la fuite des trois quarts des habitants ;
Anniversaire de la deuxième invasion, du retour d'une partie des fuyards, des nouvelles malversations, des nuits passées au poste, des corvées répugnantes, des menaces annoncées à son de caisse, puis subitement de la reprise des fusillades, de l'assassinat de Mr Beaupert, des perquisitions sévères, de l'immixtion des prétendues soeurs bavaroises dans les services de l'hôpital, de l'oppression de la communauté et des menaces de mort aux religieuses françaises ;
Anniversaire de la très courte éclaircie du 17 au 20 septembre 1914, des espérances fallacieuses et des désappointements cruels ;
Anniversaire de la troisième invasion, de l'arrivée des saxons de l'emprise définitive de la botte allemande sur notre sol, de l'écrasement de la population sous le talon du tyran ;
Anniversaire de l'inauguration de la guerre des tranchées, des duels interminables d'artillerie, des incendies des églises et des villages voisins, en particulier de l'église de Harbouey dont le vénérable curé nous arrive le premier octobre et devient notre compagnon de malheur pendant six mois.
S'il y a certaines classes de personnes qui croient devoir célébrer ces anniversaires en se livrant à une joie malsaine dans les bals et autres occasions de désordres, il ne convient pas de les imiter. N'est-il pas mieux de sanctifier ces tristes souvenirs par des messes de propitiation pour nos chères victimes, par des prières d'action de grace pour notre délivrance et de supplications pour notre préservation dans l'avenir. Ne convient-il pas surtout de voir en tous ces évènements le bras de la Providence qui nous a donné pour le bien de nos âmes de sévères leçons. Recevons les docilement pour ne pas perdre le mérite de notre long martyre.
Le dévouement de nos excellentes religieuses de Saint-Charles pendant cette cruelle tourmente, leurs privations, leurs sacrifices, les immenses services rendus aux civils et aux soldats français au prix de grands dangers, ont été hautement appréciés par le gouvernement qui, le 22 août dernier, a récompensé nos bonnes soeurs en décorant leur vénéré supérieure Léopold de la Croix de guerre avec palme. C'st sur les épaules de la courageuse supérieure qu'a pesé pendant cinq années le poids de la responsabilité, le souci de l'entretien, la diplomatie de la résistance aux exigences allemandes, la prévoyance des nécessités du lendemain, la charge de l'émigration sur la terre étrangère, la direction du retour, la résurrection de la maison saccagée, le rétablissement de tous les services hospitaliers ; il était bien juste que sur sa poitrine aussi brille la croix des braves, c'est ce qu'a éloquemment fait ressortir Monsieur le général commandant le 21me corps d'armée lorsqu'il a épinglé sur la bure monacale l'insigne de l'héroïsme. Nous sommes certain que la population a applaudi à cet acte de reconnaissance publique non moins que de justice.


Extrait du Livre d'Ordres des armées françaises de l'Est
- Citation -

Madame Perrin Victoire, en religion Soeur Léopold, congrégation de Saint-Charles, supérieure de l'hôpital hospice de Blâmont ;
supérieure de l'hôpital hospice de Blâmont ; est restée à la tête de la maison pendant toute la durée de l'occupation allemande. D'une charité et d'un dévouement sans borne, a donné ses soins aux blessés français.
Par la suite au cours de la campagne, a caché à plusieurs reprises des patrouilles égarées dans les lignes allemandes et les a aidées à regagner nos lignes sans souci es représailles ennemies auxquelles elle s'exposait.
La présente citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec palme.

Le Maréchal de France
Commandant en Chef les armées françaises de l'Est.
Signé : Pétain.


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