| On lit dans 
				La vie en Lorraine cette 
				reprise d'un article de l'Est-Républicain du 25 novembre 1914 :
				«  DANS LE SECTEUR D'ARRACOURT
 Les deux Mobilisations
 NOTRE ARTILLERIE
 Nancy, 25 novembre.
 Presque jour pour jour, deux ans ont passé depuis l'alerte d'Arracourt, 
				depuis ce réveil en pleine nuit qui fut une sorte de répétition 
				générale de la mobilisation.
 C'est en effet le 26 novembre 1912 qu'une erreur du receveur des 
				postes à Arracourt provoqua cette sensationnelle affaire au 
				sujet de laquelle se donnèrent libre cours tant de commentaires 
				plus ou moins fantaisistes.
 Pour beaucoup, il s'agissait d'un essai volontaire, d'un 
				mouvement prémédité ; pour d'autres, la gaffe administrative 
				résultait d'une trop hâtive interprétation d'ordres et 
				d'instructions lancés en haut lieu ; pour quelques-uns, la 
				confusion entre les fameux plis A et B prouvait que le 
				gouvernement avait réellement voulu exécuter une mobilisation 
				partielle, mais que l'on avait agi trop légèrement en convoquant 
				les réservistes avec les douaniers, les gendarmes, les 
				fonctionnaires civils et militaires préposés à la garde de la 
				région frontière.
 Il nous a paru intéressant de noter, dans le même secteur d'Arracourt 
				en quoi la véritable mobilisation de 1914 a différé de la fausse 
				mobilisation de 1912 - et, dans ce but, nous avons interviewé 
				hier un réserviste de Hoéville :
 - Oh ! ça n'a pas été du tout la même chose, dit-il... En 1912, 
				la convocation a mis sur pied les hommes de toutes les classes, 
				depuis celle de 1889. Les gendarmes allaient de porte en porte. 
				En moins de deux heures, une petite troupe se formait, et, 
				musette au flanc, se dirigeait sur les casernes de Nancy »
 
 L'information de 1912 se retrouve dans 
				Le Gaulois - 2 février 1912 :
 «  On n'a pas oublié l'inénarrable aventure survenue, mercredi, 
				au receveur des postes d'Arracourt et la mobilisation de tous 
				les hommes valides dans les sept communes avoisinant la 
				frontière. Or, une des principales raisons de cette levée en 
				masse est celle-ci la veille au soir, vers cinq heures, le fort 
				de Manonviller, où se trouve cantonnée la 8e batterie du 6e 
				régiment d'artillerie, et qui est placé à quelques kilomètres d'Arracourt 
				ce fort, en cas d'invasion, est chargé de détruire la 
				gare-frontière allemande d'Avricourt avait fait des exercices de 
				tir au canon jusqu'à une heure avancée de la nuit. Tous les 
				Lorrains annexés des hameaux contigus étaient passés en France, 
				pour mieux admirer le jeu puissant de ses réflecteurs. Et, de ce 
				fait, plusieurs communes, notamment Moussey, en Allemagne, où 
				les vitres furent brisées, subirent d'assez gros dommages.
 Gros émoi dans la population, peu accoutumée à de pareilles 
				démonstrations. Aussi, quand la dépêche arriva, tout le monde 
				était prêt. Le charcutier de l'endroit avait même égorgé son 
				plus jeune porc, qu'il réservait pour la Noël, afin de 
				s'approvisionner de lard avant de rejoindre son corps. Quant au 
				receveur-buraliste, il avait, détail touchant, bourré les poches 
				de ses concitoyens de tabac et de cigarettes !... »
 On notera dan cet article le passage de pure propagande : «  le 
				fort de Manonviller [...] chargé de détruire la gare-frontière allemande d'Avricourt 
				». Avec une artillerie dont la portée n'excède pas 7,5 
				kilomètres, une gare, à 12 kilomètres, ne court pas grand 
				risque.
 
 Mais on retrouve aussi dans le Journal officiel de Madagascar 
				et dépendances du 30 novembre 1912 :
 «  Paris, 27 novembre, 6 h. 20 soir.
 Un brigadier de gendarmerie d'Avricourt 
				(Meurthe-et-Moselle) ouvrit par méprise une enveloppe destinée à 
				la mobilisation générale et ordonna aux réservistes des sept 
				communes du canton de gagner le poste qui leur était assigné ; 
				l'erreur reconnue, les réservistes reçurent contre-ordre ; le 
				brigadier a été emprisonné. Le ministère de la guerre dément 
				absolument les bruits d'une mobilisation quelconque. »
 
 Arracourt ou Avricourt ? Arracourt ! bien sûr, mais la 
				renommée mondiale d'Avricourt entraîne la confusion entre ces 
				deux communes tout de même éloignées de 30 kilomètres...
 
 Car le 26 novembre 1912 à 23 h 30 (après une soirée que la 
				tradition orale raconte «  arrosée »), le receveur des postes, 
				Victor Défaut, reçoit un télégramme officiel lui prescrivant 
				l'ouverture d'un des plis cachetés, conservés par tout receveur 
				des postes. Il y découvre... l'ordre de mobilisation générale. 
				Immédiatement, il prévient le brigadier Blion de la brigade d'Arracourt, 
				qui, convaincu par l'authenticité du document, réveille le maire 
				(Auguste Maire) qui fait sonner le tocsin, et expédie cinq 
				cavaliers de sa brigade apposer les affiches de mobilisation et 
				prévenir les maires des onze autres communes rattachées à la 
				brigade d'Arracourt (Athienville, Bathélémont-les-Bauzémont, 
				Bezange-la-Grande, Bures, Juvrecourt, Réchicourt-la-Petite, 
				Valhey, Bauzémont, Hoéville, Serres Courbessaux).
 L'erreur n'est découverte qu'à deux heures du matin, à la 
				relecture du télégramme officiel qui ne prescrit pas l'ouverture 
				de l'enveloppe n°1, mais n° 2 : il est cependant trop tard. Dans 
				la nuit, 650 réservistes ont été mobilisés, et ont pris la route 
				de Lunéville et Nancy.
 L'Est-Républicain en donne une large relation, reproduite 
				ci-dessous. Dans son numéro du 28 novembre 1912, après une 
				introduction emphatique de René Mercier qui cherche à 
				justifier l'erreur, c'est Achille Liégois qui, après avoir expliqué le 
				véritable exercice de «  mobilisation » (le pli n° 2 n'annonçait 
				qu'une manoeuvre regroupant les régiments d'active de l'Est, les 
				gendarmes et les douaniers - voir explication dans l'article de 
				l'Est-Républicain du 1er décembre 1912), revient en 
				détail sur les événements d'Arracourt.
 A compter du 29 novembre, le mot de «  gaffe » finit par 
				s'imposer.
 
 Suite à cet épisode, le receveur est suspendu de ses fonctions. 
				Victor Défaut passe le 27 décembre 1912 devant le conseil de 
				discipline des PTT qui prononce à son encontre la peine de 
				changement de résidence sans diminution de traitement, et le 
				mute à Manois en Haute-Marne.
 
					
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						| Est-Républicain28 novembre 1914
 Une fausse alertePrêts et Calmes
 Cette nuit a eu lieu une manoeuvre normale, comme vingt 
						fois par an l'autorité militaire en demande aux troupes, 
						et d'autre part un agent ayant mal interprété un ordre a 
						envoyé aux quatre coins du département les réservistes 
						et les territoriaux d'un canton.
 Cela a suffi pour soulever l'émotion publique. Pourquoi? 
						»
 L'an passé pourtant la nation française est passée par 
						des appréhensions autrement justifiées. Nous étions à 
						deux doigts de la guerre. Et chacun, ayant pris son 
						parti de ce qui pouvait arriver, attendait sans aucun 
						énervement, avec une ferme confiance et une sereine 
						énergie la nouvelle tragique.
 Cette année nous avons mille chances au moins contre une 
						pour que les affaires balkaniques soient réglées 
						diplomatiquement. On sait bien que l'essai de 
						mobilisation de l'Autriche est un bluff. On voit que 
						l'Allemagne fait tous ses efforts pour maintenir la 
						paix. On constate que l'Italie est affaiblie par 
						l'affaire de la Tripolitaine, et qu'elle aura grand mal 
						à retrouver ses forces dispersées.
 On n'ignore pas que la France veut la paix, que 
						l'Angleterre ne médite actuellement aucune conquête, et 
						que la Russie désire seulement l'indépendance des 
						populations slaves qui ne font pas partie de son empire.
 Alors ?
 Alors à quoi rime cette émotion publique que l'on sent 
						frissonner à chaque petit fait inattendu? D'où nous 
						vient cette étrange fièvre? Est-ce que nous ne sommes 
						pas aujourd'hui le peuple fort que nous étions hier ? 
						Vieillissons-nous si subitement d'une année à l'autre ?
 Nous, avons l'an passé mérité, pour notre tenue, les 
						éloges du monde entier. Nous valons certes mieux que ce 
						que nous nous montrons dans les circonstances présentes.
 Les nations, sur le point de discuter l'arrangement 
						balkanique, désirent affirmer qu'elles sont puissantes. 
						Elles font blanc de leur épée, alignent leurs soldats, 
						supputent leurs ressources. Tout cela est pour faire aux 
						diplomates une haie d'honneur.
 Chacun prend des précautions. On ne sait jamais ce qui 
						adviendra, et il faut se parer contre toute éventualité. 
						Mais il est invraisemblable que l'on ait l'air d'être 
						épouvanté par ces précautions, - qui ont toutes chances 
						d'être inutiles.
 Personne ne veut la guerre à propos de la question des 
						Balkans. Personne ne s'y prépare réellement.
 Si nous l'avons malgré cela, c'est qu'elle sera suscitée 
						par un événement imprévu.
 Soyons donc prêts parce qu'il est bon toujours d'être 
						prêts. Mais soyons tranquilles parce que l'inquiétude 
						d'aujourd'hui n'est justifiée par rien.
 RENÉ MERCIER.
 
 Exercices de Mobilisation
 L'impression en ville
 NANCY, 27 novembre. - Un exercice de mobilisation qui a 
						causé un assez vif émoi à Nancy et dans la région, a eu 
						lieu dans la nuit de mardi à mercredi. Voici, d'après 
						des renseignements que nous avons tout lieu de croire 
						exacts, ce qui s'est réellement passé : Deux compagnies 
						du 37e, casernées, comme on le sait, à la caserne Landremont, ont fait un exercice de mobilisation et sont 
						allées occuper la gare, la poste et le palais du 
						gouvernement.
 D'autre part, les télégraphistes de toute la 11e 
						division ont été réunis et se sont rendus sur le plateau 
						d'Amance.
 On a prévenu également, pour qu'ils effectuent un 
						exercice de mobilisation, les gendarmes de Nancy, qui 
						ont été réveillés à onze heures du soir, ainsi que leurs 
						collègues des brigades de la frontière et les divers 
						postes de douanes.
 Dans la matinée, le bruit s'est répandu qu'interprétant 
						mal les ordres reçus, le brigadier de gendarmerie d'Arracourt 
						avait cru à une véritable mobilisation, avait fait 
						sonner le tocsin, prévenu les réservistes et 
						territoriaux de la mobilisation.
 Ceux-ci seraient alors partis en pleine nuit pour la 
						gare de Moncel, la plus proche d'Arracourt, bien que 
						distante de douze kilomètres.
 Des coups de téléphone de nos correspondants de 
						Lunéville et de Moncel-sur- Seille nous annonçaient 
						cette «  mobilisation » dans le canton d'Arracourt.
 A Nancy, la présence de troupiers en armes à la gare, à 
						la poste, avait provoqué de nombreux commentaires.
 Entre midi et deux heures, les péristyles des banques où 
						sont affichées les dépêches des agences, étaient combles 
						d'une foule avide de nouvelles.
 Une certaine nervosité se manifestait, mais bientôt le 
						calme renaquit dans les esprits, d'autant plus que la 
						vie militaire à Nancy n'avait tardé à reprendre son 
						aspect normal.
 Par le boulevard de la Pépinière, les chevaux des 
						mitrailleuses et les chevaux des officiers du 26e s'en 
						allaient paisiblement à la promenade et, dans la cour 
						des casernes, malgré la pluie, les recrues s'exerçaient 
						courageusement.
 
 Ce que dit un général
 
 Nous avons pu nous entretenir avec un officier général 
						de notre garnison de ces exercices de mobilisation. Il 
						nous a déclaré :
 «  Répétez qu'ils sont absolument normaux et n'ont rien 
						qui puisse motiver de l'émotion parmi la population 
						civile.
 C'est notre devoir essentiel de nous tenir prêts, de 
						rendre mobilisables nos jeunes soldats le plus tôt 
						possible.
 Toute cette frontière de l'Est est un «  bastion » sur 
						lequel il importe de veiller jalousement, mais de là à 
						sortir du «  bastion » il y a heureusement encore loin. »
 Ainsi s'exprima notre éminent interlocuteur.
 
 L'incident d'Arracourt
 Les réservistes affluent à Lunéville
 De notre correspondant particulier
 
 LUNÉVILLE, 27 novembre. - Je vous donne quelques 
						renseignements sur l'effarante nouvelle que je vous ai 
						transmise laconiquement par mon télégramme de ce matin 
						et qui se répandit à l'aube dans les rues de Lunéville, 
						envahies par une quantité de réservistes du canton d'Arracourt 
						venus pour rejoindre leurs corps respectifs dans les 
						quartiers de la ville.
 Inutile de l'ajouter, on se demande ce qui a pu se 
						produire. Personne ne veut évidemment rien dire ; une 
						enquête est ouverte. Dès le jour, le capitaine de 
						gendarmerie Tavernier, commandant l'arrondissement, 
						s'est rendu à Arracourt, chef-lieu du canton et à 
						quelques centaines de mètres duquel se trouve le poteau- 
						frontière.
 Toujours est-il que les habitants des neuf communes du 
						canton furent réveillés par le tocsin, à minuit ; 
						l'ordre de mobiliser venait d'arriver ; les placards 
						s'affichent. En hâte, tous se lèvent. Les baluchons se 
						font et tous les hommes mobilisables prennent la 
						direction de Lunéville se rendent où les appelle le 
						devoir.
 Les scènes d'adieux .furent touchantes. En route, 
						beaucoup apprirent qu'il y avait erreur. D'autres, plus 
						sceptiques, continuèrent le chemin et arrivèrent dans 
						les corps où ils sont réservistes, au grand ébahissement 
						des corps de garde qui ne savaient ce que cela voulait 
						dire.
 En tous cas, au-dessus de cette émotion, s'en place une 
						autre qui atténue un peu l'alarme de la. première : 
						c'est la rapidité avec laquelle tous ces braves 
						cultivateurs quittèrent leur foyer pour venir se ranger 
						sous le drapeau de leur régiment. L'ordre était donné à 
						minuit et à cinq heures, ces braves Lorrains étaient à 
						Lunéville !
 Vive la Lorraine !
 
 Dans le secteur d'Arracourt
 DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
 ARRACOURT, 2 heures et demie soir, - Une profonde 
						émotion s'est emparée la nuit dernière des douze 
						villages compris dans le secteur de gendarmerie d'Arracourt. 
						Ces villages sont Arracourt, Bezanges-la-Grande, Valhey, 
						Bauzemont, Bures, Réchicourt-la-Petite, Hoéville, 
						Athienville, Serres, Courbesseaux, Bathélemont et 
						Juvrecourt.
 Tous les réservistes, tous les hommes valides, de 
						vingt-un à quarante-cinq ans, se sont mis en mouvement 
						sur un ordre de mobilisation lancé par le receveur du 
						bureau d'Arracourt.
 L'erreur fut aussitôt reconnue. Mais les effets de cette 
						dépêche ont naturellement fait l'objet des commentaires 
						les plus divers et l'émotion dans la région-frontière ne 
						s'est calmée qu'à grand'peine.
 Pour visiter en une rapide tournée les communes 
						atteintes par l'ordre de la nuit dernière, nous avons 
						simplement, pour notre propre compte, «  mobilisé » une 
						auto Grégoire qui, en moins de trois heures, nous a 
						permis de faire une enquête absolument complète.
 A Arracourt, nous avons la bonne fortune de rencontrer à 
						la gendarmerie le brigadier Blion, qui a «  déclanché » 
						le mouvement. Des hommes sont partis dans tous les 
						villages du secteur :
 - J'ai été prévenu par M. Défaut, le receveur des 
						postes, vers onze heures et demie. La nouvelle me parut 
						extraordinaire. Mais c'était un ordre formel, précis. 
						J'ai pris immédiatement les dispositions
						nécessaires... »
 Quant aux suites qu'un tel incident comporte, le 
						brigadier, sur ce point, est bien tranquille. Il a 
						rempli son devoir. Ses chefs l'ont complimenté ; M- le 
						capitaine Tavernier, de Lunéville, M. le commandant 
						Jessel, sont, venus dès le matin avec un officier 
						d'état-major du 20e corps d'armée, pour établir les 
						responsabilités.
 La population d'Arracourt fut réveillée en sursaut, vers 
						minuit. Le tambour roulait ; des groupes de jeunes gens 
						heurtaient les portes, les fenêtres, colportaient d'un 
						bout du village à l'autre la nouvelle :
 - Debout ! la guerre est déclarée !
 M. Simonin, propriétaire du restaurant du Cheval-Blanc, 
						logeait trois Lorrains annexés, venus de Vic pour 
						exercer dans le pays leur métier de scieurs de long chez 
						un charpentier :
 - Retournez à Vic... Dépêchez-vous de passer la 
						frontière, leur dit-il. »
 Les trois ouvriers s'en allaient.
 En hâte, les réservistes se rassemblaient près de 
						l'église. Un étui-musette, un sac de toile leur 
						chargeait l'épaule ; ils consultaient leur livret 
						militaire dont le «  feuillet » leur ordonnait de 
						rejoindre sans retard à Lunéville, à Einville et à 
						Nancy.
 Les préparatifs du départ furent bientôt terminés. Mais 
						l'émotion gagnait maintenant les familles. On se 
						préoccupait de la question des vivres. Il ne resta 
						bientôt dans les boulangeries ni farine ni pain.
 Ceux qui sont chargés d'assurer le «  repliement des 
						bestiaux », c'est-à-dire l'évacuation immédiate des 
						étables se préoccupaient déjà de diriger las animaux 
						vers les communes voisines de Lunéville.
 Quoiqu'ils ne fussent pas en âge de prendre les armes, 
						bon nombre de garçons de ferme, de domestiques de 
						culture voulurent grossir le cortège :
 - Nous avons bien la force de tenir un flingot ! » 
						répétaient-ils avec un enthousiasme qui rappelle celui 
						des volontaires en sabots de 1792. A deux heures du 
						matin, Arracourt était vide. Les femmes, ça et là, 
						formaient des groupes où l'on s'entretenait de 
						l'événement, sans larmes, sans tristesse.
 
 Ce que dit le receveur Défaut
 Nous voici au bureau de poste.
 Derrière le guichet, la mince et frêle silhouette de M. 
						Défaut, le receveur à qui est imputable cette gaffe 
						sensationnelle, apparaît.
 Il n'a pas l'air très fier de son exploit. M. Défaut. 
						C'est un brave homme, au fond. Il est coiffé dune 
						calotte grecque ; une barbe poivre et sel témoigne de 
						quelque négligence dans sa toilette. Il se rend compte, 
						maintenant, qu'il a agi avec une précipitation que son 
						administration, sans nul doute, doit lui reprocher avec 
						quelque amertume.
 M. Défaut plaide la bonne foi :
 - Quand j'ai reçu de Nancy la dépêche, je n'ai pas eu 
						sur le moment le moindre doute. Pour moi, il importait 
						de prévenir la gendarmerie... Mais, deux heures après, 
						je réfléchis... Je pensai alors à vérifier l'ordre reçu 
						et je compris aussitôt que j'avais mal interprété le 
						document dont je venais de faire usage. »
 Mais il était trop tard.
 Onze villages étaient déjà sur pied. Seule, la commune 
						de Juvrecourt n'a pas bronché ; les douaniers, mis en 
						mouvement par leur brigadier d'Arracourt, se 
						transportèrent sur ce point de la frontière et 
						avertirent la population qu'elle n'eût point à 
						s'émouvoir des instructions qui parviendraient par 
						erreur aux réservistes.
 Toutefois, le lieutenant des douanes Lecerf, que nous 
						avons interviewé, déclara :
 - Mes hommes ont passé la nuit en surveillance... Ils 
						rentreront vers midi. Les pauvres diables sont transis 
						de froid et trempés jusqu'aux os. »
 Le brave officier n'avait pu encore apprécier la vigueur 
						de ses hommes. Nous avons eu l'occasion, par contre, de 
						les voir à leur poste. Tous, ils avaient pris crânement 
						leur parti de cette plaisanterie ; ils ne laissèrent 
						échapper aucune plainte, aucune protestation ; ils 
						acceptaient comme un honneur ce supplément de besogne ; 
						le mauvais temps ne troubla point leur bonne humeur.
 
 A Bezange-la-Grande
 Nous sommes reçue, à Bezanges-la-Grande, chez M. Berger, 
						l'honorable maire de cette localité :
 - J'ai été avisé vers onze heures et demie, dit-il, par 
						le brigadier Blion lui-même. Je jugeai inutile le 
						tocsin. Je ne dérangeai ni clairons, ni tambours... Les 
						maisons habitées par les réservistes furent seules 
						visitées et noua avertîmes ainsi une cinquantaine 
						d'hommes. L'alarme ne causa point de panique. Tout le 
						monde fut prêt au bout d'une demi-heure. »
 Comme une société de tir et de préparation militaire, I' 
						«  Avant-Garde » existe à Bezange, une douzaine de 
						réservistes s'armèrent de fusils.
 A quatre heures du matin, la petite section quittait la 
						commune :
 - Ce qui fait plaisir, ce qui réconforte, ce qui tient 
						chaud au coeur, ajouta M. Berger, c'est l'élan 
						magnifique, l'unanimité absolue, la joie presque de 
						reprendre le métier de soldat. »
 Ce témoignage précieux de satisfaction, nous l'avons 
						recueilli encore auprès de M. le capitaine de 
						gendarmerie Tavernier, venu de Lunéville à cheval pour 
						rassurer les populations et pour ouvrir une enquête sur 
						les causes de cette fausse alerte :
 - Ces braves gens ont mis sac au dos sans l'ombre d'une 
						hésitation. Ils n'ont pas pris le temps de se demander 
						si cette nouvelle d'une déclaration de guerre n'était 
						qu'un simple canard. Non ! on avait besoin d'eux ; ils 
						ont répondu tous présent ! à l'appel. L'ordre de 
						mobilisation ne leur a causé aucun étonnement ; leurs 
						parents, leurs amis, n'ont point versé de larmes 
						superflues. Les adieux furent silencieux et courts. »
 L'excellent officier nous confirme qu'à Arracourt, il 
						n'y avait plus de pain, le matin. Il a rencontré en. 
						route des réservistes en tenue qui se dirigeaient sur 
						Lunéville ; il les a engagés à revenir sur leurs pas :
 - Oui, ce sont de braves gens, répète-t-il. »
 D'autre part, les trois scieurs de long, partis dès le 
						petit jour pour Vic, sur les conseils de leur hôtelier, 
						sont revenus en disant :
 - Pas de mobilisation... » et tout heureux de rassurer 
						les esprits.
 
 A Moncel-sur-Seille
 Notre auto Grégoire nous ramène vers Moncel. Une pluie 
						persistante et glacée détrempe les routes, embrume les 
						paysage où, dans le lointain, ondulent les lignes 
						indécises des collines.
 Nous interrogeons un facteur qui nous déclare :
 - Je remplis mes fonctions par intérim... Le facteur 
						ordinaire se tient en permanence à la poste dans la gare 
						de Brin-sur-Seille... Personne n'a bronché à Mazerulles 
						ni à Champenoux. »
 A la gare de Moncel, nous voyons M. Herment, le 
						sympathique buffetier, qui, depuis ce matin, est 
						assailli de questions :
 - Les voyageurs de Vic et de Château-Salins m'accablent 
						de leur curiosité... Les pays annexés sont en rumeur. 
						Les bruits extravagants circulent et vous en jugerez par 
						cette information que trois ou quatre batteries 
						allemandes étaient sorties de Bitche pour aller vers la 
						frontière... »
 Le patriotisme des villages de la frontière est 
						heureusement calme, réfléchi.
 - Sapristi ! les Prussiens ne viendront pas si vite que 
						ça !... se disaient les habitants...
 Attendons. On verra bien ! »
 Deux réservistes seulement s'embarquèrent à la gare de 
						Moncel pour Toul et Pont-Saint-Vincent. Ils voulaient 
						payer leur place entière ; mais, sur la présentation du 
						«  fascicule » de leur livret militaire, ils furent, 
						admis à bénéficier de la réduction de tarif.
 Dans les autres localités du secteur d'Arracourt, des 
						incidents divers se sont produits ; aucun ne mérite 
						d'être rapporté. Partout régnait la confiance, la 
						sécurité et nous avons partagé cette impression, avec 
						tous ceux qui ont assisté à cet essai inattendu de 
						mobilisation, que la France est . prête pour toutes les 
						éventualité.
 ACHILLE LIEGEOIS.
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						| Est-Républicain28 novembre 1912
 La "bonne Gaffe"NANCY, 28 novembre. - Toute la journée de jeudi, la «  
						mobilisation » du canton d'Arracourt a fait encore 
						l'objet de toutes les conversations. Sur les 
						plates-formes des tramways, dans les cafés, on 
						commentait la «  gaffe » du receveur Défaut et, ma foi, 
						on la considérait avec indulgence, tellement ses 
						résultats ont été excellents et probants.
 M. Défaut est un vieux serviteur. Pendant très longtemps 
						il a été facteur receveur à Neuves-Maisons. Il est à 
						Arracourt depuis neuf ans environ, où il occupe un poste 
						bien modeste.
 L'administration prendra-t-elle à son égard des mesures 
						rigoureuses ?
 De l'opinion générale, un blâme suffirait.
 L'erreur du receveur d'Arracourt a permis de saisir sur 
						le vif les merveilleux rouages de notre mobilisation.
 Songez tout d'abord qu'Arracourt est un canton., 
						exclusivement rural dépourvu de moyens de 
						communications.
 On l'a déjà dit, la gare la plus proche du chef-lieu est 
						Moncel-sur-Seille, à douze kilomètres.
 Pour se rendre d'Arracourt à Lunéville 18 kilomètres à 
						faire ù pied ou en voiture.
 Ajoutez encore la tristesse d'une nuit abominable où la 
						pluie giclait et où le vent gémissait à travers les 
						arbres des grandes routes.
 Eh bien, à l'aube, tous ces braves cultivateurs du 
						secteur d'Arracourt, trempés jusqu'aux os, se 
						présentaient aux portes des casernes de Nancy et 
						de-Lunéville. Ils s'étaient strictement conformés aux 
						prescriptions de l'ordre de mobilisation et emportaient 
						chacun dans leur «  baluchon » un jour de vivres.
 Mais, après une telle alerte, après une marche dans la 
						nuit, sous les averses, plus d'un, parmi ces braves, a 
						dû, en regagnant sa maison, goûter avec une joie sincère 
						la tiédeur de son foyer, les émotions du retour, les 
						baisers et les caresses de ses enfants, le fumet de la 
						bonne potée au lard.
 Dans les cabarets, au coin du feu, on parle longuement 
						de l'affaire, on regrette peut-être que «  ça ne soit pas 
						pour de bon », on. plaisante autour de ces choses 
						sérieuses, de ces terribles éventualités avec 
						l'insouciance du soldat qui joue avec un obus.
 Ah ! certes ! les couarails lorrains, dans ce coin-là, 
						retentiront longtemps des échos de cette aventure.
 Des réservistes libérés de la classe dernière étaient 
						venus reprendre leur place de bataille dans l'escouade 
						qu'ils avaient quittée il y a deux mois.
 
 On ne saurait trop admirer particulièrement la belle 
						tenue des membres de l' «  Avant-Garde », société de tir 
						de Bezange-la-Grande.
 Le commandant Gerst, du 69e, qui s'y est rendu il y a 
						quelques semaines à peine pour la distribution de ses 
						prix de tir nous vantait l'excellent esprit qui anime 
						toute cette brave population frontière.
 Eh bien, les circonstances ont donné raison à 
						l'excellent commandant.
 On l'a montré ici même hier, il y avait dans cet exode 
						de tout un canton comme une évocation de l'épopée 
						révolutionnaire et des soldats de l'An II.
 La tristesse et la pour leur étaient inconnues.
 Ils eussent sans nul doute escaladé les nues
 Si ces audacieux
 En retournant les yeux dans leur course olympique
 Avaient vu derrière eux la Grande République
 Montrant du doigt les cieux !
 
 Cette «  mobilisation » involontaire et si bien réussie a 
						donné la plus grande satisfaction à l'autorité militaire 
						et elle lui a rendu le meilleur hommage !
 On arrachera difficilement de l'esprit de bien des gens 
						cette idée que la «  bonne gaffe » fut peut-être commise 
						avec l'intention de juger des effets d'un ordre de 
						mobilisation et que l'administration - laquelle ? 
						militaire ? postale ? les conjonctures se gardent, 
						naturellement de toute précision - provoqua cette erreur 
						dans un secteur où la mobilisation était réputée assez 
						difficile.
 
 A Champenoux, on s'amusa fort aux dépens d'un réserviste 
						qui conta par le détail comment, surpris à l'improviste, 
						il fut obligé de quitter sa maison :
 - Juste au moment, précisait-il, où mon étable allait 
						s'enrichir d'un veau... Ah ! j'ai eu bien de l'émotion.
 Quand il eut terminé son histoire :
 - Tiens ! il n'a pas même pensé à nous parler de sa 
						femme, observa une malicieuse commère. »
 Un fermier avait vendu sa vache la veille :
 - Un bon marché que j'avais fait là... 750 francs tout 
						net... Mais comment vais-je maintenant toucher mes sous 
						?...
 Dans une localité voisine, un jeune ménage est réveillé 
						eh sursaut, vers minuit, par des coups de poing violents 
						dans les veille :
 - Qu'est-ce qui se passe ! .
 - Allons ! La guerre est déclarée. Vite à bas du lit, 
						crie une voix à l'extérieur.
 -. La. guerre ?
 - Oui. Dépêche-toi, Victor... Tous les copains sont déjà 
						prête. On t'attend.
 L'homme passe à la hâte ses vêtements et paraît sur le 
						seuil. Les amis l'entraînent. Sa femme, pour tout adieu, 
						prononce, avec un intraduisible accent :
 - Ça va bien !
 Un peu partout, la nécessaire séparation fut acceptée 
						avec une tranquillité où il y avait à dose égale de 
						l'héroïsme, de la stupéfaction, une foi touchante et 
						cocasse.
 A Brin-sur-Seille, douaniers et gardes-forestiers se 
						conformèrent scrupuleusement aux instructions de leur 
						circulaire.
 Le pont de Bioncourt - celui qui reçut, le 24 septembre, 
						la visite de la grande-duchesse de Russie et de sa suite 
						militaire - fut absolument barricadé à l'aide d'une 
						voiture et de deux charrues.
 L'affiche de mobilisation fut placardée sur les murs du 
						village. Une vigie monta sa faction dans le clocher. Le 
						facteur des postes occupa en permanence avec un douanier 
						le bureau spécial de la gare.
 A Moncel, la présence d'un officier (ne serait ce pas un 
						.général ?) venu à à cheval dans le village, précéda 
						d'une heure à peine une «  tournée » dans les 
						établissements publics où fraternisaient quelques 
						permissionnaires :
 - F... ez donc le camp ! Vous avez tout juste le temps 
						de rentrer à la caserne. Ça chauffe. Votre régiment met 
						sac au dos. »
 Tous les postes télégraphiques, sans exception, ont été 
						occupés militairement. La surveillance des bois a été 
						l'objet de missions spéciales. I
 Des nouvelles fantastiques circulaient :
 - On aura les Prussiens à minuit, annonçaient les 
						paysans candides. »
 
 Nulle part on ne relate un geste d'énervement, une 
						boutade découragée. Au contraire. Les sociétés de 
						préparation militaire - avec leurs futures recrues - de 
						même que les prolonges des régiments régionaux - avec 
						leurs anciens, leurs vétérans - s'unirent dans une 
						étroite solidarité, dans une acceptation du devoir où 
						s'affirmaient leur patriotisme, leur respect de la 
						discipline, leur irrésistible entrain.
 Un Lorrain, venu de Sarreguemines, 'traduisait devant 
						nous' l'impression éprouvée aux pays annexés :
 - On n'a appris la chose qu'à midi seulement, 
						disait-il.. Le service des renseignements pour l'armée 
						allemande fonctionne plutôt mal, comme vous voyez... La 
						nouvelle se heurta à une crédulité quasi générale ; 
						mais, quand elle fut officiellement confirmée et qu'on 
						sut le fin mot de l'histoire, je vous assure que des 
						officiers riaient jaune. »
 Encore quelques opinions recueillies parmi nos 
						concitoyens :
 Nous avons entendu certains conseils de prudence qu'il 
						convient peut-être de rapporter en cette circonstance.
 Quand une escadre fait ses tirs en rade de Toulon ou de 
						Brest, par exemple, l'autorité maritime recommande à la 
						population de tenir ouvertes les fenêtres des 
						habitations, car l'ébranlement des salves d'artillerie 
						en briserait les vitres... Quand des manoeuvres de nuit 
						ont lieu à proximité d'une garnison, les villages en 
						sont également informés afin qu'ils n'éprouvent aucune 
						inquiétude... Est-ce que ces précautions, prises à la 
						dernière minute, ne pourraient pas accompagner un essai 
						de mobilisation comme celui de mardi ?...
 Personne ne contestera qu'en se présentant à la recette 
						principale des postes gardée militairement, ceux qui 
						virent l'infanterie occuper le hall et former les 
						faisceaux devant l'hôtel éprouvèrent une certaine 
						émotion ; ils avaient raison de croire que c' «  était 
						arrivé ».
 Une affiche comme celles qui sont placardées dans les 
						ports de guerre, un avertissement comme ceux qui sont 
						publiés dans les environs d'une garnison, auraient eu 
						pour effet de calmer des appréhensions fort légitimes.
 Voici, maintenant pour finir, une anecdote authentique 
						qui montrera un des heureux effets de la «  bonne gaffe » 
						:
 En maint endroit, des scènes pittoresques, émouvantes, 
						naïves parfois, témoignèrent du sentiment qui éclata, 
						dans toute la région.
 Comme ils traversaient un village, les réservistes, 
						armés, équipés de pied en cap, furent interpellés par un 
						débitant qui, au point du jour, ôtait les volets de sa 
						boutique :
 - Où donc allez-vous à pareille heure ?
 - A Nancy... On mobilise... Les Prussiens ne sont pas 
						loin... La guerre est déclarée.
 - Eh ! bien, les amis, emportez donc ma provision de 
						tabac. Les Prussiens seraient capables de la prendre... 
						J'aime mieux que vous en profitiez. Vous la fumerez à ma 
						santé. »
 La petite troupe s'approvisionna de cigares et de 
						cigarettes.
 Ailleurs, ce fut un sympathique bistro qui, au su de la 
						nouvelle, réunit les consommateurs de son établissement 
						:
 - Paraît qu'on y va d'un coup de torchon. Sacré nom, je 
						voua paie une bouteille de volney 94. »
 Toute la clientèle trinqua avec le patron.
 On n'en finirait pas à conter les menus incidents de 
						cette mémorable aventure.
 Oui, la gaffe est bonne. Elle incite aux réflexions ; 
						elle ragaillardit les espérances ; elle impose silence 
						aux scepticismes, aux ironies, aux railleries ; elle 
						montre avec quelle force les coeurs battent en France.
 Nous garderons fidèlement le souvenir du brave paysan de 
						Bezange qui s'écriait avec orgueil :
 - Hein, m'sieu, y a pas d'anarchistes chez nous..-. Le 
						drapeau, voyez-vous, y a encore que ça de vrai »
 LUDOVIC CHAVE.
 
 Encore quelques détails
 De notre correspondant particulier
 LUNÉVILLE, 27 novembre. - Il faudrait plusieurs colonnes 
						pour relater en détail toutes les péripéties de cette 
						nuit qui s'est passée dans le plus grand calme et sans 
						aucun affolement.
 L'ordre parvint à minuit et demi exactement dans toutes 
						les communes du caton et à cinq heures du matin, tous 
						les réservistes avaient fait leurs adieux et quitté 
						leurs maisons. Les femmes, les enfants eux-mêmes 
						s'occupèrent après le départ, des opérations de la 
						réquisition, des chevaux et du repliement du bétail, de 
						sorte, que sans à-coup, au jour, tout était fait et sans 
						panique, aussi parfaitement que le prévoient les 
						prescription. On ne saurait trop vanter le calme et le 
						patriotisme de tous ces braves cultivateurs lorrains 
						qui, les uns à bicyclette, les autres en charrettes, 
						partirent au chant de la «  Marseillaise » pour les 
						garnisons de Lunéville, Saint-Nicolas, Nancy et Toul où 
						se trouvent les corps qu'ils devaient rejoindre. Les 
						incidents émouvants tout à l'honneur de ces braves gens, 
						sont multiples, depuis le boulanger qui abandonna la 
						pâte qu'il était en train, de pétrir, pour accourir au 
						2e bataillon de chasseurs en deux heures, jusqu'au brave 
						père de. famille qui empêcha son fils de changer de 
						chemise pour qu'il ne perdît pas de temps.
 Nous devons démentir énergiquement l'information donnée 
						par nos confrères parisiens de l'arrestation du. 
						brigadier de gendarmerie Blion, qui, loin d'être 
						inquiété, a reçu au contraire toutes les félicitations 
						de ses chefs et du corps d'armée, pour l'énergique façon 
						dont lui et ses gendarmes, ont rempli par une nuit de 
						vent et de tempête, la mission dont ils sont investis.
 Le brigadier Blion n'avait pas à discuter l'ordre que 
						lui a passé le receveur des postes et c'est ce dernier 
						le seul coupable. Dans un moment d'hallucination, il a 
						suppléé à une imparfaite compréhension, de la dépêche 
						qu'il recevait, son imagination. Et fait plus grave, 
						lorsqu'il s'aperçut deux heures après qu'il s'était 
						trompé, il n'a pas craint, paraît-il, d'imaginer 
						purement et simplement un autre télégramme qui annulait 
						le premier. Il a d'ailleurs été, assure-t-on, suspendu 
						de ses fonctions le jour même, et remplacé par un 
						receveur intérimaire qu'un inspecteur de Nancy est venu 
						installer en personne mercredi après-midi.
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						| Est-Républicain30 novembre 1912
 La mobilisation d 
						ArracourtLe cas de M. Défaut
 ARRACOURT, 29 novembre. - Par un temps épouvantable, 
						malgré la neige et les «  aiguillées des vente froids qui 
						prennent les nez et les doigts pour pelote », en dépit 
						du verglas qui rend dangereuse la vitesse des 
						automobiles sur la route, nous voici de nouveau à 
						Arracourt.
 L'émotion s'est apaisée. Pourtant, des femmes, une jeune 
						mère surtout dont le bébé vint au monde deux jours avant 
						la pseudo-mobilisation, ont été si profondément 
						affectées par ce brusque départ en
 pleine nuit, qu'un médecin leur rend visite :
 -'Fichtre, on a beau s'en défendre et rire... on a ses 
						nerfs, n'est-ce pas ?
 Les roulements de tambour, les réveils en sursaut, les 
						préparatifs qui bourrent de provisions les sacs vite 
						remplis, les fusils décrochés de la cheminée, tout ça 
						vous flanque une rude secousse... »
 Les vaillantes ménagères d'Arracourt avouent leurs 
						inquiétudes, leurs craintes, maintenant, sans fausse 
						honte, sans inutile souci de sauver leur amour-propre :
 - Mais, par exemple, ajoutent-elles avec un accent de 
						rancune, nous en voulons au père Défaut... »
 Il n'entre point dans notre esprit la pensée d'accabler 
						un malheureux fonctionnaire.
 M. Défaut est coupable. Dans quelle mesure ? Il 
						appartient à ses chefs hiérarchiques d'apprécier 
						l'étendue et les conséquences d'une imprudence, d'une 
						négligence ou d'une légèreté dans le service de ce brave 
						homme.
 M. Chaumet, sous-secrétaire d'Etat aux P. T. T. 
						statuera, sur son cas Les conclusions de l'enquête 
						inspireront et guideront la sentence qui sera prononcée 
						contre lui aujourd'hui peut-être.
 Toutefois, la population d'Arracourt est assez montée 
						contre lui. Le maintien de M. Défaut à son poste actuel 
						est impossible.
 Il est suspendu- Son remplaçant, M. Zimmermann, receveur 
						intérimaire, a été accueilli par la faveur publique :
 - Personne ici ne pardonnera à M. Defaut d'avoir essayé 
						de reprendre au brigadier Blion la dépêche qu'il lui 
						avait d'abord transmise. M. Blion se trouvait 
						heureusement à Bezange ; il avait en poche la fameuse 
						dépêche... Mais supposez qu'en son absence il ait laissé 
						ce document dans son bureau et que Mme Blion l'eût 
						rendu, le receveur lui jouait un bien méchant tour. 
						Voyant que ce moyen de se soustraire aux responsabilités 
						d'une grave erreur lui échappait, M. Défaut n'a pas 
						hésité, pour se couvrir, à inventer une seconde dépêche 
						interprétant la précédente dans un sens qui justifiât sa 
						conduite. L'administration lui demandera sévèrement 
						compte d'une triste attitude... »
 Pour les habitants d'Arracourt, la disgrâce de M. Défaut 
						ou, tout au moins son départ, semble une sanction 
						légitime de ce qu'ils considèrent comme une étourderie.
 On cite d'autres cas.
 Autre gaffe. Il fait parvenir à M. X... une dépêche avec 
						ces mots : «  Mère décédée ». Le destinataire avait sa 
						mère auprès de lui. L'affaire lui paraît étrange. Il 
						s'informe. On lui montre l'original. Au lieu du mot «  
						Mère ». il lit ce nom «  Marie », celui de sa soeur dont 
						il attendait impatiemment des nouvelles depuis trois ou 
						quatre jours.
 Un. autre jour, il fait présenter par le facteur une 
						traite de 189 francs chez M. Z...., qui devait une somme 
						de 18 fr. 90 seulement. M. Défaut ne s'était pas, cette 
						fois, trompé dans le texte ; il avait simplement déplacé 
						une virgule et décuplé la dette de M. Z...
 Quand la nouvelle de la mobilisation générale fut 
						démentie, les dignes fermières d'Arracourt faillirent 
						écharper le fonctionnaire, qui avait causé tout le mal.
 La colère du pays est tombée. Les imprécations se sont 
						tues. Personne crie haro. Mais on espère une mesure 
						disciplinaire proportionnée à la gravité de la faute :
 - Qu'on le suspende, qu'on le mette à la retraite 
						d'office, qu'on lui adresse un blâme énergique, cela 
						nous importe peu, disent les habitants... Mais nous ne 
						voulons plus de lui dans notre bureau de poste ! »
 Hier, un photographe-reporter d' «  Excelsior » est venu 
						exprès de Paris pour l'«  avoir ». Grâce à un subterfuge 
						adroit, M. Défaut fut amené dans la rue et, dissimulé 
						derrière son automobile, notre [ confrère opéra sans 
						encombre.
 Maintenant, le prudent receveur s'abstient de toute 
						sortie. La crainte des objectifs est pour lui le 
						commencement de la sagesse - et nous nous sommes épargné 
						les ruses d'Indien sur le sentier de la guerre pour nous 
						procurer son portrait.
 La décision de M. Chaumet l'arrachera bientôt au mystère 
						de sa volontaire claustration.
 ACHILLE LIEGEOIS.
 
 Chez le brigadier Blion
 ARRACOURT, 29 novembre. - Le brigadier Blion témoigne 
						d'une indulgence, d'une pitié sincères pour l'auteur de 
						la gaffe qui lui valut cependant une foule de 
						désagréments :
 - Les journaux de Paris ont annoncé mon arrestation, 
						dit-il... Une rectification est venue le lendemain me 
						donner satisfaction ! Mais, dans la région, mes parents 
						se sont émus et j'ai dû répondre à leurs . questions 
						alarmées par d'énergiques démentis...
 Comme il n'y a point, d'après le proverbe, de fumée sans 
						feu, une mauvaise impression a persisté :
 - Je vois avec plaisir, ajoute l'actif brigadier, qu'on 
						s'empresse de mettre les choses au point... De toutes 
						parts, je reçois des cartes, des lettres, des dépêches 
						d'amis lointains et inconnus qui me félicitent d'avoir 
						si bien rempli mon devoir... »
 La modestie de ce bon serviteur l'empêche seule de 
						croire qu'il mérite tant de sympathie et tant d'éloges.
 
 A travers le secteur d'Arracourt
 Sous le vol affolé des papillons blancs que le vent 
						d'hiver chasse en épais tourbillons une auto Grégoire - 
						avec au volant, l'intrépide chauffeur Raffalovich - nous 
						conduit dans les communes «  mobilisées » l'autre nuit.
 Sans nulle intention de faire aux pneus Prowodnik, type 
						Colomb, une réclame dont ces bandages à chevrons peuvent 
						se passer, nous en avons éprouvé la souplesse, la 
						résistance, l'admirable tenue en filant, à grande allure 
						sur une route où les tournants brusques et rapides ne 
						provoquèrent pas le plus léger dérapage.
 Il fallait réellement placer son entière confiance dans 
						le chauffeur, dans sa voiture et dans les pneus 
						Prowodnik pour entreprendre notre exode dans le secteur 
						d'Arracourt.
 Les réservistes de Courbesseaux et de Valhey se sont 
						réunis devant l'église ; mais avant qu'ils fussent en 
						marche, un contre-ordre apporté à franc étrier par la 
						gendarmerie les invitait à rentrer chez eux.
 A Serres, 80 hommes ont mis sac au dos. Ils se 
						dirigèrent sur Einville. Arrivés à Drouville, le maire 
						de cette localité leur dit qu'ils pouvaient s'en 
						retourner
 - Ah ! nous étions bien contents.. On s'attabla dans un 
						estaminet de l'endroit. .Un hectolitre de vin y passa. 
						Nous avons mangé notre miche de pain et le saucisson 
						emportés dans notre sac de provisions. Nous avions un 
						magnifique appétit Une dizaine de camarades burent un 
						peu trop seç. En partant ils chantaient la «  
						Marseillaise », mais au retour, ils entonnaient à plein 
						gosier «  Caroline » et la «  La Jambe de bois ». Vinct-cinq 
						d'entre nous poussèrent quand même jusqu'à la caserne de 
						Saint-Nicolas où ils furent remerciés et félicités par 
						les officiers de chasseurs.
 A Courbessaux, le contre-ordre tut salué par les 
						acclamations des femmes :
 - On n'avait pas peur de la guerre, nous disait l'une 
						d'elles ; mais la vue des casques à pointe dont on nous 
						avait annoncé la prochaine visite n'avait rien, au fond, 
						de bien gai... Mieux valait que ça s'arrange ! »
 A Athienville, trente-huit hommes préparèrent la 
						réquisition des chevaux. Les gendarmes, à Serres, leur 
						firent rebrousser chemin :
 - J'ai perdu, dans cette aventure, confesse un débitant, 
						le prix de quelques petits verres. Les réservistes 
						prétendaient :
 «  C'est pas la peine de payer, puisque nous allons nous 
						battre et qu'on ne reviendra peut-être jamais. »
 A Arracourt, un certain nombre de réservistes 
						rejoignirent les garnisons de Toul, Nancy et 
						Saint-Nicolas. M. Hummer, le notaire de l'endroit, se 
						rendit à Domèvre-en-Haye. Mais la plupart des «  
						mobilisés par erreur » firent demi-tour à Valhey, sur 
						l'avis du maire de cette commune.
 A Hoéville, dix-neuf hommes s'en allèrent. Le repliement 
						du bétail était sur le point de s'effectuer sur 
						Tomblaine, quand les gendarmes vinrent déchirer les 
						affiches qui publiaient le signal du branlebas.
 Un seul réserviste manquait à l'appel, un brave 
						cultivateur qui, ayant des chevaux à l'écurie, manifesta 
						le désir de rester :
 - Je veux les soigner moi-même, répondit-il aux 
						camarades qui voulaient l'entraîner avec eux. »
 Tout un flot humain se déversa vers minuit dans les rues 
						de Réméréville, dont la tranquillité fut subitement 
						troublée par une «  Marseilaise » enthousiaste jaillie 
						avec force de toutes les poitrines.
 Les provisions de farine et de pain furent rapidement 
						enlevées.
 Des territoriaux exprimaient, au retour, un voeu 
						susceptible de faire, lui aussi, son petit bonhomme de 
						chemin :
 - Le gouvernement devrait bien nous compter cette fausse 
						alerte comme un appel régulier et nous dispenser de la 
						période. Parbleu ! erreur ne fait pas compte. Affaire 
						entendue. Ce serait néanmoins la récompense dune 
						manifestation patriotique, le bénéfice d'une nuit à la 
						belle étoile et enfin un geste aimable pour les femmes 
						de Lorraine qui armèrent leurs maris pour la. guerre... 
						»
 L'idée est bonne.
 LUDOVIC CHAVE
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						| Est-Républicain1er décembre 1912
 SECRETS D'ÉTATUne bonne explication
 Nous recevons la lettre suivante :
 Nancy, le 29 novembre.
 Monsieur le rédacteur,
 L'émotion est calmée partout.
 On a la preuve de la bonne volonté et de l'entrain 
						patriotique - des futurs mobilisables à l'extrême 
						frontière, comme de la rapidité avec laquelle 
						s'opérerait la mobilisation.
 C'est parfait.
 Mais le moment no vous semble-t-il pas venu de répondre 
						à la très légitime curiosité de «  tous » vos lecteurs en 
						leur faisant connaître les causes de la «  bonne gaffe » 
						? .
 Que disait la fameuse dépêche, origine de l'incident ?
 Qui l'avait envoyée ?
 Voilà ce qu'il est important de savoir, et ce dont la 
						presse a le devoir d'informer ses lecteurs.
 On vous attend, et non « ans impatience.
 D'autre part, les journaux de Paris, comme le ministre 
						de la guerre, incriminèrent le brigadier de gendarmerie, 
						que son capitaine «  a fait arrêter ». L «  Est », au 
						contraire, affirma qu'il a été félicité par ses chefs.
 Est-il donc si difficile de. savoir la vérité - ou de la 
						dire ?
 Pour moi, je reste - comme beaucoup, de vos lecteurs, - 
						convaincu qu'on veut la cacher au. public, ce qui est la 
						meilleure manière d'entretenir l'inquiétude, le trouble 
						et l'énervement.
 Agréez, monsieur, mes civilités.- J. R.
 
 Dans le but de satisfaire, selon le voeu de notre 
						correspondant, la curiosité publique nous avions 
						interrogé, au cours de notre enquête à Arracourt, les 
						fonctionnaires chargés de transmettre et d'exécuter les 
						ordres de mobilisation.
 Tout ce- qui intéresse la défense nationale est protégé 
						contre les trahisons par une consigne formelle, 
						inviolable, celle du silence.
 Le brigadier de gendarmerie imite Conrart ; l'officier 
						des douanes soupire doucement : chut ! le receveur des 
						postes appuie un doigt sur ses lèvres ; les autres 
						dépositaires des terribles secrets, jurent sur leur 
						salut éternel ou sur les cendres de toute leur famille 
						qu'ils ne savent rien.
 Ne comptez point que nous dévoilerons un mystère auprès 
						duquel celui d'Isis est une pale contrefaçon. 
						L'initiation aux arcanes d'un impénétrable ésotérisme 
						nous attirerait les foudres des citoyens candides qui 
						paraphrasent volontiers le proverbe : Chacun son secret, 
						les frontières seront bien, gardées.
 En ce qui concerne, d'ailleurs, l'affaire récente, le 
						cas est simple et l'explication est facile.
 Puisqu'il est interdit aux bons Français d'écouter aux 
						portes, de surprendre les conversations -mystérieuses, 
						de crocheter les serrures, de cambrioler la défense 
						nationale, nous aurons recours aux
 paraboles - sans que toutefois nos indications puissent 
						être acceptées par nos lecteurs comme paroles 
						d'évangile.
 Les bureaux de poste possèdent une série de documents 
						sous scellés. L'enveloppe ou pli A contient, par 
						exemple, un ordre pour un essai de mobilisation ; le pli 
						B prescrit la surveillance des bols ; le pli C 
						recommande aux douaniers et aux gardes forestiers 
						d'occuper certains points ; le pli D envoie les facteurs 
						ruraux dans la gare voisine de leur résidence où ils 
						seront rejoints par les cheminots qu'a mis en mouvement 
						le pli X.
 Enfin, le pli Z est relatif à la mobilisation générale 
						de tous les .hommes valides de 18 à 45 ans, l'appel de 
						leur classe par voie d'affiches avec accompagnement de 
						tocsin, de tambour, de clairon, sans oublier le 
						repliement du bétail, l'emport des vivres, pain, farine, 
						denrées diverses, etc...
 L'ouverture de ces plis est faite à la réception de 
						dépêches officielles dont le chiffre - toujours pour 
						éviter les «  fuites », les coupables indiscrétions - est 
						assez fréquemment changé.
 Ces dépêches sont, en apparence, les plus innocentes du 
						monde. Elles parlent de la pluie et du beau temps, comme 
						les mots d'ordre et de ralliement, pour les 
						avant-postes, sont un nom de général célèbre et un nom 
						de bataille historique - Murat et Marengo, par exemple.
 Mais la formule conventionnelle «  Pluie, à torrents » 
						signifie : «  Ouvrez le pli Z », et la formule «  Clair 
						soleil » veut dire : « Ouvrez le pli B ». Suivant le cas, 
						le receveur des postes avisera donc sans délai la 
						gendarmerie ou, en son absence, le maire ou quelque 
						autorité de l'endroit qu'il y a lieu de procéder à la 
						mobilisation générale ou qu'il s'agit d'exercer une 
						surveillance sur les bois.
 Dès lors, vous tenez en mains la clef de l'énigme, la 
						solution du logogriphe, l'explication nette et claire de 
						la «  gaffe » d'Arracourt.
 Le receveur a mal traduit le chiffre de la dépêche. Il 
						s'est trompé de pli - et vous avez pu voir que le 
						déclanchement des ressorts de la défense nationale n'a 
						pas fait... un pli.
 Si notre parabole n'est pas tout à fait exacte, je vous 
						répondrai que je n'ai pas d'autre version sur moi et je 
						conseillerai gentiment à mes disciples de se faire 
						expulser à ma place des milieux où l'on garde avec un 
						soin jaloux les secrets d'Etat.
 ACHILLE LIÉGEOIS.
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						| Est-Républicain2 décembre 1912
 L'ERREUR D'ARRACOURTSa répercussion on Allemagne
 STRASBOURG, 30 novembre. - L'erreur commise par M. 
						Défaut, d'Arracourt, a eu sa répercussion dans le 
						Palatinat ! Tout d'abord, le bruit avait couru à 
						Pirmasens qu'il s'agissait d'une véritable mobilisation. 
						A peine connue, la nouvelle provoqua une prise d'assaut 
						des caisses d'épargne et des banques de Pirmasens. Le 
						calme ne revint que quand on annonça officiellement 
						qu'il s'agissait d'une fausse alerte. Mais le public n'a 
						pas pendu l'argent !
 D'ailleurs, M. Défaut peut se vanter d'avoir semé la 
						terreur, même à... Iéna, où la nouvelle de la 
						mobilisation dans l'Est provoqua une panique générale. 
						Quant aux autorités militaires, elles semblent avoir 
						également pris la chose très au sérieux. En tous cas, 
						les journaux rhénans annoncent que les ponts, chemins de 
						fer et tunnels de la ligne de Sarrebruck sont gardés par 
						des soldats ! !
 A Strasbourg même, on est très calme. Le public indigène 
						ne manifeste aucune crainte. Par contre, nombre de 
						déposants immigrés ont, dans une seule journée, retiré 
						plus de cent mille mark de la caisse d'épargne. Ces 
						retraits subits causent de grosses pertes d'argent à la 
						caisse des dépôts et consignations et voilà pourquoi le 
						gouvernement d'empire a fait lancer dans tous les 
						journaux une note rassurante.
 Mais ce qui se passe en Alsace et en Allemagne n'est de 
						loin pas aussi formidable que ce qui se produit 
						actuellement à la frontière d'Autriche, où la crainte de 
						la guerre et les préparatifs militaires ont provoqué un 
						arrêt de la vie économique. C'est ainsi que dans les 
						grandes fabriques de drap de Reichenberg on chôme 5 
						jours sur 7. On signale que dans la seule localité 
						industrielle de Warmsdorf les pertes sont évaluées à 2 
						millions de mark. Les caisses d'épargne des localités 
						autrichiennes, proches de la frontière, acceptent les 
						dépôts à un taux plus élevé qu'en Bavière ; aussi nombre 
						d'Allemands s'étaient empressés de confier leurs 
						économies aux caisses autrichiennes. Ces jours derniers, 
						tout a été retiré.
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						| Est-Républicain28 décembre 1912
 Le cas du receveur d'ArracourtPARIS, 28 décembre. - Le conseil de discipline des P. T. 
						T. a examiné hier après-midi, le cas de M. Défaut, 
						receveur des postes à Arracourt, qui a commis l'erreur 
						d'ordre de mobilisation que l'on sait.
 Celui-ci ne comparaît pas. Il est représenté par Mz 
						Antonin Coudert, avocat à la cour.
 La peine que comporte la faute de M. Défaut est celle de 
						déplacement d'office sans indemnité de résidence.
 M. Défaut, qui est receveur à Arracourt depuis 1905, est 
						âgé de 47 ans. Il est marié et père d'une fillette de 10 
						ans. Il fut toujours un excellent fonctionnaire.
 La sanction du conseil de discipline a été : 1° le 
						changement de résidence sans diminution de traitement ; 
						et 2° la non-approbation d'une suspension de fonctions.
 Havas
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