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Bibliothèques saisies sous la révolution
(notes renumérotées)
 


Bibliophiles, les collectionneurs et les bibliothèques des monastères des Trois Evêchés. 1552-1790
Arthur Benoît
Éd. R. Wiener, Nancy; 1884

[...]
CHATELLENIE ÉPISCOPALE DE LAGARDE
Un petit village de cette châtellenie, Veho, a donné naissance à l'abbé Grégoire, dont la carrière politique et religieuse est bien connue et qui restera toujours célèbre, à cause de ses trois discours sur le vandalisme révolutionnaire qu'il prononça à la Convention. Il fallait avoir du courage pour s'écrier: «  Celui qui à Metz proposait de faire main basse sur la littérature ancienne, n'est pas plus français que les brigands de la Vendée qui ont livré aux flammes la bibliothèque de Buzay, la seule richesse scientifique du district. » Un homme qui s'exprimait ainsi devait être écouté (1). La Convention adopta toutes les mesures qu'il voulut; mais ce fut lettre morte; car il disait le 15 frimaire an IX à la tribune du Conseil des Cinq-cents: «  Six millions de volumes en province et seize cent mille à Paris se détériorent, il s'agit de distribuer ces richesses, il faut prendre un parti. »
Le parti que l'on prit, augmenta le mal ; car on fit diriger sur Paris tout ce qu'il y avait de plus curieux non-seulement dans les départements nouvellement réunis, mais encore en province. (2) Ce démeublement officiel excita de nouveau la fougue du zélé abbé : «  Une manie ancienne et toujours subsistante, dit-il, est de dépouiller ou plutôt de voler les divers cantons de la France pour enrichir Paris. On se rappelle en Lorraine, la tentative faite par Louis XIV pour enlever le sépulcre de saint Mihiel, chef-d'oeuvre de Richier. Le rédacteur de cet article qui, au milieu des tourmentes révolutionnaires, déploya tant d'efforts pour opposer dans toute la France l'esprit conservateur des monuments et des arts aux fureurs du vandalisme, s'opposait aussi avec le même zèle à cet esprit d'envahissement qui voulait les concentrer tous dans la capitale et à la tribune nationale, il reproche amèrement aux Parisiens que, s'ils le pouvaient, ils feraient venir à Paris les arènes de Nîmes et le pont du Gard. »
Une nuée d'agents, presque tous d'anciens religieux très instruits, parcouraient les départements. L'ex-prêtre Noël, auteur de dictionnaires bien oubliés, cherchait partout en l'an III dans les Pays-Bas espagnols les précieux manuscrits des Bollandistes; Camus inventoriait la rive gauche du Rhin;
Hausmann, au milieu des fureurs de la guerre, voulait, sur la rive droite de ce fleuve, qu'on lui apportât la partition de la Flûte enchantée; la Havayia d'Einsiedeln allait au cabinet des Antiques; enfin l'Italie était dévastée, malgré la noble opposition de David, de Girodet, de Pajou et d'autres artistes, l'honneur de l'art français. (3) «  J'avais demandé à certaine époque, observe Grégoire, qu'on recherchât à Metz un manuscrit inédit de Dom Drouin, abbé de Saint-Pierremont, sur l'histoire du pays au XVIIe siècle. A l'instant on le fait avoir à l'Arsenal où personne ne le consulte. » (Mémoires, I, 343.)
Dom Maugerard, cet ancien moine de Saint-Arnould, se signala par sa ténacité sénile à dépouiller la province au profit de la Bibliothèque nationale, qui lui fit la charité de donner son nom à une salle. A peine de retour d'émigration, où il avait laissé son cardinal-évêque supportant noblement la pauvreté; il fut, grâce à ses vastes connaissances et à la part qu'il avait prise à la formation des bibliothèques si renommées du duc de la Vallière et du cardinal de Brienne, nommé inspecteur général pour la recherche des objets d'art dans les quatre nouveaux départements du Rhin. Tout devait plier devant lui; cependant un préfet, celui de la Sarre, (4) essaya de lui résister. Ce brave fonctionnaire était un enfant de l'Alsace, car il était né à Andlau et il avait été maire de Strasbourg; mais il dut obéir: «  Je viens de mander au préfet de la Sarre, écrivait Talleyrand (qui faisait du zèle), de ne mettre non-seulement aucun obstacle à vos envois, mais de faciliter vos recherches. Ainsi, vous pouvez sur le champ, expédier les objets que vous nous avez réservés pour la Bibliothèque nationale. »
Puis : «  Le conservateur de la Bibliothèque nationale a reçu, citoyen commissaire, les deux caisses de manuscrits que vous avez trouvés à Luxembourg et il a été on ne peut plus satisfait de ce nouvel envoi qui lui est parvenu en bon état. Les objets d'art, dont il a enrichi l'établissement, sont précieux et par leur ancienneté et par leur belle conservation. Les divers auteurs classiques qui en font partie sont très importants, surtout étant des IXe, Xe et XIe siècles; en conséquence, recevez tous nos remercîments pour nous avoir procuré de telles richesses. Nous vous exhortons à ne rien négliger pour nous en procurer de nouvelles. Vous ne devrez pas considérer le temps que vous mettrez à les découvrir; celui de votre mission n'étant pas borné. C'est donc vous inviter à examiner avec patience et tout le soin dont vous êtes capables les cent caisses que vous nous dites exister à Trèves et à en extraire tous les objets, soit sur vélin, soit sur papier, qui peuvent convenir à la Bibliothèque nationale. (5) »
Après de pareilles dépêches, les envois affluent rue Richelieu ; le 13 floréal, an X, trois caisses d'imprimés et de manuscrits partent de Trêves; le 11 brumaire an XII, arrivée de Metz de deux caisses avec 271 volumes et 15 manuscrits; peu après, Aix-la-Chapelle fournit un butin aussi précieux.
Il est à présumer que ce fut Dom Maugerard qui signala au Ministre de l'intérieur les treize manuscrits de la cathédrale dits le Trésor et que l'on portait en procession le jour de l'Assomption ; il dut aussi être pour beaucoup dans l'enlèvement, en 1807, des colonnes en granit du portail des Augustins et l'année suivante dans l'emballage, pendant la nuit, de l'admirable autel des Grands Carmes. Grâce à la fermeté de l'évêque, la cuve en porphire de la cathédrale ne devint pas la baignoire à la femme de César. (6)
Plus tard, l'ardeur dévorante du bénédictin, grâce à une commission du cardinal Fesch pour créer les bibliothèques de la grande aumônerie et du séminaire épiscopal de Metz, le porta à visiter les riches dépôts des rives de la Meuse barroise et verdunoise. Son ancien confrère, Dom Ybert, nommé bibliothécaire de la ville de Verdun, sut se garantir de sa visite. Déjà en 1805, au mois de septembre, il s'était présenté avec sa commission, pour inspecter les 38,000 volumes, fonds des couvents et des émigrés, qui gisaient dans les cellules de Saint-Paul. L'année suivante, il revint et il ne craignit pas de demander à acheter les livres qu'il avait notés. Dom Ybert se fit autoriser par le maire à ne pas le recevoir. Si cet honnête religieux eut raison de ne pas se commettre avec un si fougueux bibliophile, il eut le grand tort d'être trop discret en formant le noyau de la bibliothèque communale. Sur les 31,721 volumes que l'on supposait encore rester après le siège de la ville, les enlèvements faits par les religieux rentrés en ce moment, la malveillance et autres causes, il ne prit, que 12,000 volumes et il se fit autoriser, en juin 1817, à en vendre au poids plus de 25,000, dont beaucoup seraient portés de nos jours à un haut prix. Cette misérable opération ne produisit que 2486 francs 80 centimes et il fallait encore payer les frais. Mais que devinrent les papiers du district dans la bagarre de 1792; ont-ils disparu? On a dû exagérer ce que perdit la ville à cette époque. (7)
L'excès de zèle de l'ancien moine de Saint-Arnould montre que Grégoire n'avait pas tort de tonner contre les spoliateurs des richesses littéraires départementales. La ville de Lunéville, dont Veho n'est qu'à quelques kilomètres, élève une statue en bronze à l'ancien curé. Les amis des lettres et des arts applaudiront à l'érection de ce monument en l'honneur d'un homme qui, répétons-le encore, eut au moins le mérite, dans des temps troublés, de tenir tête aux barbares et qui, à lui tout seul, représentait l'énergique commission des monuments historiques actuelle qui, elle aussi, à son éternel honneur, lutte résolument contre le moderne vandalisme administratif.
Grégoire laissa sa bibliothèque et sa fortune à Madame veuve Dubois, puis plus tard, les hôpitaux de Sens et de Blois furent légataires universels.
David (d'Angers) a fait don à la ville de Nancy du buste en marbre du vieil athlète. (8) D'après Stendahl, l'aimable payen, c'est un des trois ou quatre bustes que les modernes peuvent opposer aux anciens. » Espérons que cet objet précieux n'ira pas enrichir d'autres collections. Le portrait de l'évêque du Loir et Cher devrait être dans toutes les bibliothèques communales, il en fut le vaillant défenseur, et un «  obscurantisme niais » ne devrait pas l'en faire expulser.

CHATELLENIE ÉPISCOPALE DE MOYEN
Opposé d'idées à son voisin d'Embermenil, le curé de Saint-Clément, l'abbé Chatrian fut élu député à l'Assemblée nationale. A sa mort, arrivée en 1814, à Lunéville, sa ville natale, il laissa plusieurs volumes de notes journalières et de critiques littéraires, qui sont conservés à la bibliothèque du grand séminaire de Nancy. La publication d'une petite partie de ces papiers, occasionna d'assez vives protestations, malgré que le curé eut émigré. L'abbé Chatrian avait coutume de mettre son nom en petites majuscules sur le titre de ses livres.
On comptait plusieurs faïenceries dans la généralité de Metz, elles étaient situées à Moyen, à Saint-Clément, à Niederwiller, à la Grange près Thionville. Les deux premières appartenaient à Chambrette, possesseur de celle de Lunéville. Le célèbre Cyfflé travailla longtemps à Saint-Clément, qui date de 1758. Le directeur actuel a bien voulu donner au musée lorrain les moulages des charmants groupes composés par Cyfflé, dont il possède les originaux. A la Révolution, l'émigration d'un associé fit intervenir la nation. On dressa un inventaire; on y remarque les groupes des «  Vendangeurs, les Baisers, les Cris de Paris » et puis on catalogua les bustes de Marat et de le Pelletier.

CHATELLENIE ÉPISCOPALE DE BACCARAT
Cette ville a-t-elle donné son nom à ce jeu célèbre qui y aurait été inventé pendant que les troupes françaises l'occupaient dans les tristes années de la guerre de trente ans ? Le Figaro (août 1882) l'assure et sans vouloir le contredire, disons que Baccarat possède une des plus belles cristalleries du monde entier. Pendant le congrès de Lunéville, les plénipotentiaires MM. de Cobentzel et Joseph Bonaparte ne sachant que faire, se mirent à parcourir les environs. Le 6 décembre 1800, ils visitèrent Baccarat (9) ; la veille ils avaient été voir les salines de Vic, de Moyenvic, de Château-Salins et de Dieuze, et le 3, jour de la bataille de Hohenlinden, gagnée par Moreau, ce qui assura la paix, ils avaient été à Saint-Clément.
L'usine de Baccarat était une création de l'évêque de Metz, M. de Montmorency-Laval. Lorsqu'il lit la demande pour être autorisé à la construire, il dut s'adresser à l'intendant, qui renvoya sa pétition à son subdélégué (sous-préfet) de Vic. C'est déjà la lente paperasserie moderne.
Le couvent des Carmes remontait au XVe siècle ; l'évêque de Toul diocésain fit fermer leur école en 1515, sur la demande des Bénédictins de Montet et des chanoines de Deneuvre. Le 2 juin 1790, le maire Drouet vint faire l'inventaire en présence du prieur Navier et du procureur J. Gousse. Le 22 juin 1792, on mit dans vingt-un sacs et on envoya au district à Lunéville, les papiers, la bibliothèque (855 bouquins, «  la plupart en lettres gothiques, » reliés en bois et en cuir, dépareillés, minés par le temps et le Journal de Luxembourg), une caisse contenait les vases sacrés. L'église, après avoir servi de magasin à salpêtre, fut démolie.

B. Localités non dépendantes du domaine de l'évêché de Metz
Près de Moyenvic se trouvait l'abbaye de Salivai qui, jusqu'à la fin de la Restauration, conserva son aspect primitif, car l'église ne fut démolie qu'à cette époque. La Galerie lorraine (Nancy, 1846) a reproduit une vue du monastère d'après un dessin de la collection Beaupré. Les moines cultivaient leurs terres ; leur vignoble est encore renommé. Cela n'empêchait pas qu'il y eut une haute école pour les jeunes prémontrés et que l'abbé eut l'honneur, en 1724, d'haranguer Marie Leczcinska, se rendant à Paris pour. épouser le roi. (10)
Les commissaires se présentèrent le 18 juin 1790 et l'inventaire signale dans une salle «  une tapisserie de Nancy » et les belles boiseries qui ornaient les chambres ; au réfectoire, elles alternaient avec des ornements en stuc et des tableaux. On donna le catalogue de la bibliothèque et on y mit les scellés ; les livres sont bien reconnaissables à cette marque manuscrite :
Canonioe Stae Mariae Salinae-vallis 1727.
Communitatis Beatae Mariae Salinae-vallis, 1630.
M. Noël parle d'une école de sculpture installée dans le cloître par les moines, mais elle dura peu. Plusieurs ouvrages en bois et en faux albâtre du pays lui sont attribués (XVIe et XVIIe siècle).
On voit dans l'église néo-gothique de Château-Salins les orgues et le maître-autel de Salival que l'on a eu le bon goût de conserver. Les frères de la Doctrine et l'église des Cordeliers de Nancy ont de belles boiseries et les riches stalles du choeur; la tribune des orgues de Moyenvic vient aussi de Salival. Mais qu'est devenue la ceinture en soie de la Vierge, citée par Ruyr. On voit au musée d'Epinal le sceau d'un abbé (XVe siècle.)
De nos jours, M. Pargon a fait connaître dans la région de l'Est la culture hors ligne de l'exploitation agricole de Salival.
Un des points les plus élevés du pays, est le château de Marimont (aujourd'hui de la commune de Bourdonnay), bien reconnaissable jadis par son télégraphe aérien et de nos jours par sa haute tour de près de cinquante pieds de hauteur, débris mutilé du vieux burg. Dépendance du comté de Réchicourt, propriété du duc de Richelieu, en 1789, la terre de Marimont fut vendue à la bru du sculpteur Falconnet à qui Saint-Pétersbourg doit la statue de Pierre le Grand. Madame la baronne de Jankowitz hérita du domaine à la mort de sa mère. Ce fut une donatrice insigne des musées de Nancy. Mais pourquoi ne voit-on plus le buste de son aïeul au musée de la ville ? Il pouvait figurer avec les tableaux et les bustes en marbre offerts si généreusement en même temps que de précieux souvenirs de la cour du roi Stanislas et de la Sémiramis du Nord.
Une vue à la main du château de Marimont pendant la guerre de trente ans est aux Estampes nationales.
Le village de Réchicourt n'a que des débris insignifiants de ses anciennes fortifications. Le comté, après avoir appartenu aux Linange-Dabo, vint entre les mains du duc de Richelieu, Le château démoli était sans aucun caractère, il fut la résidence des officiers de la seigneurie. Quelques livres ont encore l'ex-libris gravé aux armes d'Egmont-Pignatelli, qui épousa Mademoiselle de Richelieu, co-seigneuresse. Les blasons de Juliers et de Gueldres sont sur les armoiries d'Egmont. La bibliothèque nationale, d'après Guigard, a presque toute la bibliothèque de ce seigneur, mais les volumes sont richement habillés et décorés sur les plats du blason doré du comté. En 1789, la terre de Réchicourt était amodiée au maître de poste de Blamont, père du général de division comte Klein, sénateur de l'Empire, etc.
Les princes de Salm-Salm avaient des enclaves dans le comté de Réchicourt; ils furent expulsés à la Révolution de leur petite principauté franche de Senones et les commissaires de la Convention ordonnèrent le transfert à Epinal de leur belle galerie de tableaux et de leur bibliothèque composée de 1295 volumes. Ceux-ci sont bien reconnaissables par leur riche reliure, veau marbré, tranches et filets dorés, armoiries :

Quelques volumes ont sur le dos les saumons des Salm-Salm, avec les croix recroissetées de l'écu.

Les vallées du haut Saargau appartenaient jadis aux évêques de Metz; mais les voués surent bientôt s'affranchir de leur domination et les prélats n'eurent plus droit qu'aux hommages féodaux.
Le prieuré des Bénédictins de Saint-Quirin, dépendance de l'abbaye de Marmoutier en Alsace, fut bâti par un comte de Metz. En 1769, le roi le donna aux chanoinesses de l'abbaye royale de Saint-Louis de Metz, au grand désespoir des moines. Ceux-ci, pour utiliser leurs vastes forêts, avaient créé une verrerie devenue si importante, grâce à d'heureux associés, qu'elle fut établie «  verrerie royale, » honneur qui permettait d'avoir à la porte un suisse à la livrée du roi.
Le prieur Dom Herb, depuis abbé de Marmoutier, créa la bibliothèque ; on lit sur le titre des volumes : Abbaye de Marmoutier et prieuré de Saint-Quirin, 1734.
Ex-libris abbatiae Mauri monasterii prope Tabernas alsaticas et proeposituroe ad S. Quirinum, 1748. Placidus, abbas.
Les livres transportés à Strasbourg disparurent lors du fatal incendie du 14 août 1870.
Non loin de Saint-Quirin, dans une petite clairière, se trouve le pèlerinage de Notre-Dame de Pitié de Lohr. On y remarque, comme à la chapelle de Bonnefontaine près de Phalsbourg, quelques ex-voto grossièrement peints, mais précieux, parce qu'ils représentent le costume des paysans saargoviens au siècle dernier et au commencement de celui-ci. C'est mal dessiné, encore plus mal peint, mais c'est exact et cela suffit.
En 1724, le prince de Craon, Marc de Beauveau, (11) grand écuyer de Lorraine, était seigneur «  des Baronnies, » c'est-à-dire des seigneuries de Lorquin, de Turquestein, du Ban le Moine, de Saint-Georges et d'Harbouey. En 1738, il fit ses foi et hommage à Metz pour ces vastes domaines conservés par ses héritiers jusqu'à ce siècle. Après 1830, on les voit encore plaider contre l'Etat (12).
Les armoiries du prince de Beauveau sont données ici au même titre que celles des princes de Salm-Salm, c'est-à-dire comme vassaux des évêques de Metz.
M. J. Rouyer a bien voulu me communiquer une copie du fer de reliure du prince de Craon. (13) Il est remarquable à cause des insignes de grand écuyer de Lorraine.
Le prieuré des Dominicaines de Renting était près de la route de Paris à Strasbourg, non loin de Sarrebourg. Le 15 juin 1791, eut lieu la visite; on ne parle pas de livres, mais d'archives, il y avait trente-six liasses, dont une de lettres de cachet. Les soeurs tenaient un pensionnat qui, un moment, leur causa bien du désagrément. Elles fabriquaient de l'eau-de-vie renommée et leur onguent contre les chancres était célèbre. Le nez du vieux maréchal de Berchiny en sut quelque chose, aussi le guerrier reconnaissant se déclara le protecteur des soeurs et elles en avaient bien besoin.
On possède sur Renting une chronique écrite d'une manière très naïve par un prieur à la fin du siècle dernier.
La table de communion en fer finement ouvragé est à Sarrebourg, l'autel en bois à baldaquin à Hartzwiller, une cloche à Brouviller, etc.
En 1789, la commanderie de Malte de Saint-Jean de Bassel avait pour titulaire un Hompesch, nom fatal à l'ordre. Jean-Jacques Klein, avocat au parlement de Metz, était amodiateur, il fut élu membre du Conseil général de la Meurthe, et il dut rendre les nombreuses archives dont il avait la garde et qui sont actuellement à Nancy. Son beau-frère, Dom Antoine Combette, originaire d'Ornans en Franche-Comté, ancien secrétaire de Morimont, licencié en théologie, membre du bureau intérimaire de Lunéville, prieur claustral des Bernardins de l'abbaye de Haute-Seille près de Cirey, vint se réfugier à la commanderie, après avoir failli être brûlé vif, lorsque les montagnards saargoviens sujets de l'abbaye y descendirent.
Dans sa fuite, il avait sauvé quelques souvenirs de son monastère, entre autres, trois beaux portraits des derniers abbés commendataires. Ces peintures sont maintenant à l'aumônerie des « soeurs de la Providence» qui ont acheté les bâtiments de la commanderie. Dom Combette mourut très âgé en 1830, à Fénétrange.
Il ne reste plus pour terminer la série des vassaux des évêques de Metz que de parler des seigneurs du franc-alleu de Vaucourt et de la baronnie de Cirey.
Le premier figure dans les nobles du bailliage de Vic, en 1789, c'est M. Le Vasseur, seigneur de Martimbois et de Vaucourt. Son ex-libris gravé a son blason entre une palme et une branche de laurier, au-dessus : Bibliothèque de Mr de Vaucourt.
Cirey-sur-Vezouse qu'il ne faut pas confondre avec Cirey-le-Château, canton de Doulevant, arrondissement de Vassy (Haute Marne), où résidèrent Voltaire et Madame du Chatelet, fut longtemps la propriété d'une branche de cette illustre famille, alliée aux ducs de Lorraine. En 1790, Cirey appartenait à un lettré, Sigisbert Arnould de Prémont, ancien officier de dragons, membre du district de Vic.
Les forges établies par le marquis du Chatelet ont été changées en une importante fabrique de glaces de la compagnie de Saint-Gobain, Chauny et Cirey, dont fut longtemps directeur M. Eugène Chevandier, né à Saint-Quirin, correspondant de l'Institut, ancien ministre de l'intérieur.
[...]

Mon travail est terminé; il me reste à parler encore une fois du sort de tant de milliers de volumes que la nation s'était appropriés. Ces malheureux bouquins traversèrent pendant près d'un demi-siècle des phases bien tristes; entassés dans des salles plus ou moins humides, ils subirent d'abord un premier triage pour former les bibliothèques des écoles centrales, puis celles-ci ayant été supprimées, on les rejeta dans leurs anciens dépôts : l'Intendance à Metz, Saint-Paul à Verdun, l'Evêché à Toul, l'Université, les Visitandines, les Minimes à Nancy.
Lorsque le pays fut doté d'institutions stables sous le Consulat, le gouvernement donna l'ordre d'utiliser les livres confisqués pour former les bibliothèques spéciales des nouveaux services publics : préfectures, tribunaux, collèges, etc. Grâce à un travail fort bien fait (14) par M. Favier de la bibliothèque de Nancy, on peut se rendre compte facilement de la marche suivie dans l'opération. L'évêché de Nancy, formé de portions des diocèses de Toul, de Metz et de Strasbourg, reçut 2627 volumes d'après le reçu du vicaire général Brion, du 5 février 1809. Le préfet avait fait la demande dès 1802. Les livres fournis provenaient principalement des anciennes abbayes de Domèvre et de Salivai et des couvents de la ville de Vic (anciens districts de Blamont (Lorraine) et de Vic (Evêchés). Les administrateurs de ces districts, véritables ignares, avaient sans doute envoyé leurs bibliothèques monastiques au chef-lieu du département, peu soucieux de conserver chez eux de telles richesses, et l'excuse mise en avant par ces ineptes personnages était toujours la même : le manque d'emplacement convenable ! C'était bien véritablement la peine d'avoir délogé avec tant de fracas tant de citoyens tonsurés ou non, pour n'avoir pas même une petite place pour sauver leurs bouquins et obéir ainsi à la loi. Il résulte donc de la présence à Nancy des livres de Blamont et de Vic, que le chef-lieu du département de la Meurthe fut le dépôt central que l'on choisit pour trois districts, ce qui n'était pas conforme à la loi. Par un pareil abus, Metz eut presque tous les livres du département de la Moselle et Verdun ceux des districts situés au nord du département de la Meuse. La bibliothèque de Nancy a profité de ces annexions; son Grolier (Un Erasme, Bâle, Froben, 1522, in-folio) vient de la bibliothèque des Carmes de Vic ; ce qui montre que, tout en brassant de la bière et en propageant le culte de la Vierge du Carmel, les religieux établis par la reine Anne d'Autriche tenaient aussi à avoir des raretés bibliographiques.
La supérieure des soeurs de la Doctrine chrétienne à Nancy, dont la maison mère était à Toul avant la Révolution, demanda aussi au préfet de vouloir bien lui donner des livres, en remplacement de l'ancienne bibliothèque, composée, disait-elle, d'ouvrages d'histoire et de piété, et qui était peut-être celle du fondateur de l'institution, le chanoine Vatelot (1748) ; elle reçut 1114 volumes. Ces distributions faites et d'autres encore pour les séminaires, les cours impériales, les mairies, etc., on eut à satisfaire aux justes réclamations des émigrés qui venaient de rentrer ; mais les demandes furent modestes et ne diminuèrent guère «  le tas », qui, à la fin, était devenu un cauchemar administratif.
Les bibliothèques publiques municipales furent enfin créées dans quelques villes (à peine si on en compta deux par département), et une mesure déplorable vint atténuer les bons résultats que l'on attendait de leur établissement; car, dans toutes les villes qui en étaient pourvues, Metz, Nancy, Toul, Verdun, etc., on vendit les doubles, les volumes dépareillés et ceux qualifiés d'insignifiants par les experts. Dans ces derniers, on comprit des incunables, des raretés ou des ouvrages à titre bizarre dont l'acquisition fait la joie des amateurs. Ces malheureuses ventes se continuèrent jusque sous la monarchie de Juillet.
La part qui revint aux bibliothèques municipales fut pour ainsi dire minime, et presque tous les livres confisqués qui, d'après les décrets de l'Assemblée nationale et de la Convention, devaient servir à l'instruction du peuple, furent, pour les deux bons tiers, détournés du but que le législateur primitif avait voulu lui donner. Autant on mit d'ardeur à exécuter les décrets, autant on mit d'apathie à laisser se perdre des richesses qui avaient été rassemblées d'une manière si violente. C'est un résultat auquel on était loin de s'attendre et que malheureusement on ne peut nier. Dans tous les cas, il excitera toujours les justes regrets des bibliophiles.


(1) V. Convention nationale. Instruction publique. Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et sur les moyens de le réprimer par Grégoire, séance du 14 fructidor, l'an II de la République une et indivisible, suivi du décret de la Convention nationale imprimé et envoyé aux administrations et aux sociétés populaires.
Id. Id. Second rapport sur le vandalisme. Séance du 2 brumaire, an III.
Id. Id. Troisième rapport sur le vandalisme. Séance du 24 brumaire, an III.
Id. Id. Rapport sur la bibliographie par le même. Séance du 22 germinal, l'an II, suivi du décret de la Convention nationale, imprimé et envoyé, etc.
A ces quatre pièces rares et recherchées, il faut ajouter :
27 novembre 1789. Lettres patentes du roi concernant la conservation des bibliothèques et archives des monastères.
4 janvier 1792. Loi relative aux bibliothèques des maisons religieuses et autres établissements supprimés et la continuation des travaux ordonnés pour la confection des catalogues.
(2) Le changement radical arrivé en France fit transporter au loin des objets qui n'auraient jamais dû quitter leur endroit originaire. En 1807, la ville de Verdun hérita des livres et des manuscrits de Dom Cajot, aumônier de l'abbaye des Cisterciennes du Paraclet; il y avait, parmi les manuscrits, un évangéliaire qui avait été à l'usage d'Héloïse et que l'on disait avoir été écrit par Abelard. Une nièce du bénédictin eut le miroir en métal de la malheureuse abbesse.
(3)Pétition au Directoire pour l'engager à suspendre la spoliation de l'Italie (août 1796). «  Ne serait-il pas aussi digne de la République de faire faire des tableaux, que d'en prendre ? » observaient avec raison les artistes.
(4) L'honnête Maximilien Keppler ne fut pas oublié par l'empereur, qui le créa baron avec les armes suivantes : «  d'argent, à la barre de gueules, chargée de six étoiles d'argent, accompagnée de deux lions affrontés de gueules, au franc quartier de baron. » (Armoriai de Simon.) A Metz, les orgues des églises de Saint-Eucaire et de Sainte-Ségolène viennent des églises tréviroises de Saint-Jean et de Saint-Paulin. Un tableau provenant d'un couvent est dans la chapelle de l'hôpital militaire.
(5) J.-B. Buzy. Dom Maugerard ou histoire d'un bibliophile lorrain de l'ordre de saint Benoit. Châlons-s.-M., 1882. - Dom Maugerard, né à Auzéville (province du Clermontois, Meuse), en 1735, mort en 1815, à Metz, place de la Cathédrale, n° 278.
(6) Est-il vrai que l'évêque de Metz, aumônier de l'empereur, fut autorisé à enlever de la bibliothèque de Saint-Mihiel, trois énormes voitures de livres pour la bibliothèque de l'évêché ? L'assertion de l'employé chargé de la confection du catalogue des manuscrits de Saint-Mihiel n'est pas une preuve suffisante.
(7) N. FRIZON. Bibliothèque de Verdun. Liste des dons, 1881.
(8) Dans tous les cas, le roi de Prusse n'entra pas en ville et ne put, par conséquent, rendre visite à l'évêque constitutionnel qui, par prudence, quitta la ville. Ainsi tombe l'anecdote rapportée par Dumont (Hist. de Commercy, III). La bibliothèque de Verdun possède un Règlement du séminaire de Toul, 1788, marqué Aubry, évêque du dép. de la Meuse. Le célèbre Gros a dessiné le portrait d'Aubry (Colon Dejabin).
«  A Grégoire
ancien évêque de Blois.
P. J. David, 1828. »
Grégoire n'était pas toujours libéral; étant envoyé en Savoie, il fit venir devant lui les deux vicaires généraux de l'évêque d'Annecy et n'ayant pas réussi à les convaincre.,.,. de la beauté de l'église constitutionnelle, il les fit incarcérer; l'un d'eux, M. Besson, put s'échapper, il fut plus tard évêque de Metz et il se signala par sa tolérance. - Grégoire, commissaire en Savoie, ne vota pas la mort de Louis XVI.
(9) M. Alcide Georgel donne pour armoiries à Baccarat et à Albestroff, à Lorquin et à Cirey, l'éternel blason du chapitre de la cathédrale de Metz. Il serait bien intéressant de connaître la source où l'auteur puise de pareils renseignements, inconnus jusqu'alors. Jamais on n'avait vu d'armoiries aux chefs-lieux des deux chatellenies épiscopales, ni à Lorquin, ni à Cirey. Les tabellions seuls usaient des armes seigneuriales. Mais les tabellions n'étaient pas les villes, c'étaient des officiers des seigneurs.
(10)Journal de Luxembourg.
(11) Le 1er octobre 1730, brevet du roi accordant au marquis de Beauveau et au prince de Craon le traitement de cousin du roi.
(12) Mémoire pour Anne-Marie-Louise de Beauveau, princesse de Poix, contre l'administration des domaines. Paris, 1832, in-4°.
(13) M. Alb. Cuny, architecte à Nancy, possède dans sa riche collection lorraine le portrait du prince gravé par L. Cars d'après le tableau de Gobert.
(14) Coup-d'oeil sur les bibliothèques des couvents du district de Nancy, 1883.

 

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