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NOTE SUR LE TOMBEAU PRÉTENDU DE HENRY Ier


[Mémoires de la Société d'archéologie lorraine et du musée historique lorrain - Tome XLVII - 1897]

NOTE SUR LE TOMBEAU PRÉTENDU DE HENRY Ier
SIRE DE BLAMONT (1)
PAR
M. le Commandant LARGUILLON

I

Le Musée historique lorrain conserve sous les voûtes de sa crypte un curieux tombeau provenant de l'ancienne église abbatiale de Saint-Sauveur en Vosges.
Il se compose d'un caisson rectangulaire dont les côtés présentent des niches ogivales occupées par des statuettes de saints et supportant «  deux statues de grandeur naturelle, qui représentent un chevalier et son épouse couchés l'un près de l'autre, les mains jointes et les pieds appuyés sur un lion et un chien, selon l'usage de «  l'époque; l'écu du. guerrier est chargé de deux saumons «  adossés, gravés sur champ nu ».
Le monument ne porte ni noms ni date. M. Aug. Digot s'est occupé le premier de les reconstituer.
Dans une note publiée en 1854 par le. Journal de la Société (2), le savant historien s'exprime ainsi :
«  La tradition et l'écu timbré de deux saumons suffisent pour nous engager à affirmer que les statues représentent un comte et une comtesse de Salm ; mais lesquels? Le style du monument indique que ce dernier a été exécuté vers le milieu du XIVe siècle, et si on adoptait cette hypothèse, on pourrait croire que le tombeau de Saint Sauveur conservait les restes du comte Jean II, mort en 1354, et de son épouse, Marguerite de Chiny; néanmoins, c'est le cas de dire avec un ancien auteur: «  Toutefois, n'en mettrais-je mon doigt au feu. »
Malgré ces réserves, l'attribution proposée par Aug. Digot devint officielle.
Mais, en 1889, le comte E. de Martimprey s'est occupé à son tour du tombeau de Saint-Sauveur, et il a proposé. de le restituer à Henry 1er, sire de Blâmont, mort en 1331, et à Cunégonde de Linange, son épouse. «  Car, dit l'historien des comtes de Blâmont, si l,e style du monument accuse bien le milieu du XIV- siècle, les armoiries que l'on y voit ne sont pas celles des comtes de Salm ; ceux-ci portaient, à la vérité, deux saumons adossés, mais le champ de leur écu était semé, de croisettes, comme il est facile de s'en rendre compte en examinant leur sceau, tandis que sur l'écu du chevalier enterré à Saint-Sauveur on ne découvre pas trace de. ces petites croix (3) »
C'est à la suite de cette rectification de blason que le tombeau de Saint-Sauveur figure aujourd'hui au nom d'Henry 1er, sire de Blâmont (Catal. 1895).
On voit que si les historiens ne sont pas d'accord sur l'attribution du tombeau, ils sont. du moins unanimes il faire remonter son antiquité vers le milieu du XIV siècle (1331 ou 1354) ; mais alors, on devrait retrouver sur les personnages du monument le costume en usage à cette époque ; c'est le point qu'on se propose d'examiner ici. Le tombeau offre, sous ce rapport, d'excellents éléments de critique dans la statue du chevalier et dans une statuette de saint Georges qui occupe une niche au chevet du tombeau. C'est sur le terrain de l'archéologie militaire que va être cherché l'âge probable de ces deux effigies.

II - Le chevalier

Le personnage est nu-tête; il porte les cheveux longs et bouclés; il est revêtu du grand haubert avec camail et gants de mailles en forme de sacs; hauts et bas de chausses attachés à la ceinture et enveloppant les pieds; par-dessus le haubert, cotte d'armes fendue sur le devant avec manches larges couvrant les bras (4) et s'arrêtant aux genoux, ainsi que le haubert; la cotte est maintenue à la taille par un ceinturon auquel est attachée une épée à longs quillons, dont le pommeau et la pointe sont brisés; au bras gauche est suspendu par la guige un long bouclier ogival (écu), chargé de deux saumons adossés, gravés en relief sur champ nu. Des restes d'éperons sont attachés aux. pieds par des courroies à boucles.
Le caractère archéologique de ce harnais est donné par le grand haubert et la cotte d'armes.
«  Au milieu du XIIIe siècle, il (le haubert.) ne dépasse pas le genou; mais déjà la tunique est placée par dessus et s'appelle cotte d'armes; elle protège contre la pluie et le soleil, qui échauffait la maille au point de la rendre intolérable, surtout pendant les Croisades (5). »
Ce genre de harnais resta en usage parmi la chevalerie pendant la plus grande partie du XIIIe siècle, ce qui est confirmé par les monuments, vitraux, pierres tombales et sculptures de toutes sortes, qui reproduisent les hommes de guerre pendant cette époque.
Cependant, malgré le degré de perfection apporté à la confection de la maille (6) du haubert, celui-ci n'offrait pas encore une défense suffisante contre les armes de choc; c'est pourquoi, dès le milieu du XIII siècle; on essaie de renforcer certaines parties du haubert par des plaques de fer forgé appelées plates.
«  Ce sont d'abord les ailettes, plaques de forme généralement rectangulaire attachées sur les épaules pour protéger ces parties contre les coups de marteaux et de masses d'armes; puis apparaissent successivement des demi brassards avec cubitières sur les bras ; des devants de grèves avec genouillères pour protéger les jambes; toutes pièces généralement fixées sur le haubert de mailles ou la broiqne (7) par des courroies (8) ».
Or, il n'existe sur la statue du chevalier aucun tracé des plaques caractéristiques décrites plus haut; son haubert est complètement net, d'où l'on peut conclure que ce chevalier est représenté sous le harnais en usage pendant le XIIe siècle, et non le XIVe. Sa statue donne une image fidèle de ces puissants hommes d'armes dont les chroniqueurs du XIIIe siècle nous ont rapporté les prouesses à Bouvines et en Palestine.

III - Le Saint Georges.

Cette effigie occupe, comme on l'a dit plus haut, l'une des niches du tombeau; elle offre, dans ses petites proportions, une reproduction exacte de la statue du chevalier (Om44: de hauteur).
Le saint patron des cavaliers porte le grand haubert à haut et bas de chausses de mailles, recouvert d'une cotte d'armes sans manches (9) descendant, comme le haubert, à mi-jambes (un peu plus bas que chez le chevalier) ; son camail, relevé sur sa tête, est couvert d'un gros casque en forme de cervelière ; ses mains sont dans des mittons de mailles ; ses pieds sont enveloppés de mailles; le personnage tient de la main droite un tronçon de lance ; de la gauche il s'appuie sur un écu chargé de la croix. latine habituelle ; une épée à pommeau rond et à quillons carrés pend au ceinturon, qui maintient la cotte d'armes à la taille.
Cette figure ne porte non plus trace de plates; de même que la statue du chevalier, elle donne dans son intégrité et sans conteste le harnais chevaleresque en usage pendant le XIIIe siècle.

IV - Le duc de Lorraine Mathieu II.

Le Musée d'artillerie de Paris va nous fournir un troisième échantillon du harnais militaire au XIIIe siècle. Il a été créé, dans ce Musée, une suite de types représentant de grandeur naturelle «  des guerriers habillés, équipés, «  armés pour le combat (10) ».
Le no 6 de cette curieuse collection représente précisément un guerrier du XIIIe siècle, reconstitué d'après le sceau de Mathieu II, duc de Lorraine (1220-1250).
En voici la description, empruntée à la Notice:
«  Le corps est complètement couvert de mailles. Le haubert se prolonge sur la tète de manière -à former un capuchon, et sur les mains, qu'il enveloppe d'une sorte de poche. Les chausses de mailles couvrent les pieds et sont attachées à la ceinture. Un bourrelet rembourré placé sur le capuchon sert d'assiette au heaume cylindrique; celui-ci entoure la tête et est lacé, c'est-à-dire fixé au dos par une courroie destinée à le retenir en cas de choc violent. Sur le haubert est une cotte de soie épaisse aux armoiries du chevalier; cette cotte flottante préserve le guerrier contre le soleil et la pluie, et aussi contre les flèches et les carreaux d'arbalète, dont elle amortit les coups. Longue épée pourvue d'une cannelure étroite, et pouvant servir d'estoc et de taille. L'assemblage du fourreau au baudrier est, à cette époque, intéressant à observer: il est formé, pour plus de solidité, par un lien sans couture. Une petite croix d'or placée sur le pommeau de l'épée y révèle la présence de reliques. Une dague est «  suspendue au coté. Les éperons sont à trois pointes. »

V

Il parait inutile d'insister sur la ressemblance qui existe entre les trois effigies produites ici ; malgré de légères différences dans quelques détails, elles se tiennent par les points essentiels. Du reste, on chercherait inutilement dans les costumes militaires du moyen âge une uniformité absolue; alors, chacun s'équipait, s'armait suivant sa fortune, selon son goût et son rang : le banneret rural ne pouvait s'offrir le même luxe de harnais que son puissant suzerain. «  On voyait cependant, dit Viollet-le-Duc, persister une sorte d'équipement d'ordonnance, classique, qui semblait particulièrement affectionné par la Maison de «  France (1). » Cet équipement d'ordonnance, classique, est le grand haubert, tel qu'on le retrouve sur le chevalier, sur le saint Georges et sur le duc de Lorraine, et il appartient bien au XIIIe siècle.
Cette excursion dans les ferrailles du moyen âge n'a levé qu'un coin du voile qui couvre le mystérieux tombeau de Saint-Sauveur ; il reste à examiner l'effigie féminine et à déterminer le caractère emblématique des figures de sainteté qui décorent le monument; ce sujet d'études ne peut manquer d'appeler l'attention des iconographes (12).

NOTE ICONOGRAPHIQUE SUR LE TOMBEAU D'UN COMTE DE SALM AU MUSÉE LORRAlN
PAR
M. Léon GERMAIN

Puisque les circonstances rappellent l'attention sur le tombeau d'un comte de Salm conservé au Musée lorrain, je crois devoir rectifier l'identification, acceptée jusqu'à ce jour, de l'une des vingt figurines d'anges et de saints qui décorent les niches des faces apparentes du monument.
A.Digot (Journal Soc. Archëol. lorr., 1854, p. 1122,cote 6) l'a décrite ainsi: «  Saint Christophe (?), imberbe, tenant l'Enfant Jésus sur le bras gauche et soutenant de la droite une espèce de tronc d'arbre, que mord un dragon, sur lequel le saint pose le pied droit. »
Le doute exprrimé par le point d'interrogation de l'auteur était parfaitement justifié: car l'Enfant Jésus est toujours vêtu; saint Christophe porte habituellement une barbe longue et épaisse ; de plus, il traverse un fleuve, dans lequel on remarque parfois des poissons, mais non un monstre que le saint ait à combattre. En outre, Digot, généralement si exact et soigneux, n'avait pas remarqué que le personnage est pourvu de longues et larges ailes, dont au moins celle de sa gauche se reconnaît parfaitement; son arme est, non point un -tronc d'arbre, mais une lance, dont la hampe se termine en forme de croix (la branche du haut et celle de dextre sont brisées) j enfin l'enfant est nu ; il se serre, - se blottit, dirais-je presque, - contre son protecteur, et il joint les mains dans un geste de prière.
Dès lors, aucun doute ne peut subsister; il s'agit de l'archange saint Michel, perçant de sa lance le dragon infernal et portant au jugement de Dieu l'âme du défunt, figurée, selon la coutume, sous la forme d'un enfant.
Il est très fréquent de voir sur les tombes du moyen âge l'âme du trépassé ainsi emportée par un ange, ce qui existe aussi dans quantité de compositions diverses où un personnage humain meurt; encore au XVIe siècle, dans beaucoup de représentations de la Passion, on voit l'âme de Dixmas, le bon larron, s'échapper de sa bouche dans les bras d'un ange, tandis que celle de Gestas, le mauvais larron, est saisie par un diablotin.
Le plus souvent l'ange est quelconque; mais, si l'on sort de cette thèse générale ou si l'on veut faire davantage honneur au défunt, comme à la mort ou Dormition de la sainte Vierge, c'est toujours saint Michel qui transporte l'âme, séparée du corps mortel: le chef de la Milice céleste est, en effet, l'ange de la bonne mort, qui pèse les âmes au grand Jugement. De nos jours, la dévotion l'a oublié au profit de saint Joseph, mais la liturgie. témoigne de l'antique croyance. Pour n'en citer qu'un exemple, il est demandé à Jésus-Christ, dans l'Offertoire des messes funèbres, que les âmes de tous les fidèles défunts soient délivrées des ténèbres et introduites par saint Michel dans la sainte lumière: sed sign-ifer sanctus Michael repraesentet eas (animas fidelium) in lucem sanctam. Que l'on me permette de renvoyer à ce que j'ai dit sur ce sujet dans mon étude relative à la tombe d'Isabelle de Musset à Marville (Mem. Soc. arch. lorr., 1886, p. 98-101.)
Cette identification nouvelle peut avoir un corollaire. Les vingt figurines sont sculptées, en nombre égal, sur quatre panneaux, qui ornent actuellement trois des faces du tombeau; mais autrefois il n'en était pas de même. Ce monument, suivant A. Digot, se trouvait placé la tète et les pieds contre des colonnes de l'église, de sorte que l'on ne voyait que les deux longues faces latérales, chacune décorée de dix figurines. Or, on compte trois anges thuriféraires, l'un à la droite (dextre) de l'un des panneaux, les deux autres à la gauche d'autres panneaux; saint Michel se trouve à la droite du quatrième. Il est évident que ces quatre anges occupaient les extrémités des deux faces, et je pense que saint Michel, portant l'âme, devait exister le plus près de la tête, à cette place très honorable, due à sa primauté hiérarchique; le panneau qu'il décore devait donc être à la droite du tombeau, du côté de la tète.
A la suite de ce panneau, je placerais volontiers, comme il l'est à présent, celui où l'on voit les saints apôtres Pierre, Paul et Jacques le Majeur, guidé surtout par ce fait que les écoinçons de ces dix niches sont décorés assez uniformément de roses ou fleurons, tandis que les écoinçons des deux autres panneaux. offrent une décoration plus variée. Sur l'un, A. Digot a cru reconnaître (ce qui me semble exact) un dragon et un aigle, désignant Saint Jean, puis une tète humaine applicable à saint Mathieu, Sur l'autre panneau, il parait avoir distingué deux dragons; c'est ainsi, je pense, que l'on doit interpréter ce qu'il dit à la fin de sa description du saint Georges dont s'est occupé particulièrement M. le commandant Larguillon: «  Au dessus, à gauche et à droite, deux dragons rappelant le combat et la victoire du héros chrétien. »
Je n'ai reconnu qu'un dragon, à la gauche du personnage; mais, dans les écoinçons, du côté opposé, je remarque trois autres figures, savoir: un animal indistinct, peut-être aussi un dragon ou griffon, à la droite de sainte Catherine; puis deux têtes de boeufs, aux côtés de l'évêque que Digot pense être saint Nicolas; la première tête est très nette; la seconde, détériorée, m'a paru ressembler à la précédente; c'est pourtant ce que l'on a dû prendre pour un dragon. Le premier animal, indéterminé, peut avoir une explication par la légende de sainte Catherine ; mais que signifient les deux têtes de boeufs qui avoisinent le saint évêque?
A propos de sainte Catherine, je crois encore devoir relever une légère inexactitude de Digot. «  Sous la pointe du glaive, dit-il, se trouve la tête couronnée de l'impératrice que, d'après la légende dorée, Catherine aurait convertie, et que l'empereur Maxence aurait punie du même supplice. » A présent que l'iconographie religieuse est mieux fixée, il est permis d'affirmer que cette tête couronnée représente, non l'impératrice, mais Maxence lui-même.
Parmi les vingt figures, les douze apôtres (saint Mathias remplaçant Judas) sont représentés, mais plusieurs ne portent pas de caractéristiques individuelles, ou bien ces caractéristiques sont détruites. Je n'oserais pas chercher à identifier les apôtres plus que Digot n'a cru pouvoir le faire. Cependant il me parait utile d'indiquer graphiquement la disposition que j'ai proposée; peut-être quelque lumière nouvelle sortira-t-elle de cet exposé.
FACE DE LA DROITE Tète
S. Michel. - Apôtre. - Apôtre. - Apôtre. - Apôtre.
Pieds
S. Pierre. - S. Paul. - S. Jacques le M. - Apôtre.- Ange.
FACE DE LA GAUCHE
Pieds
Ange. - S. Jean. - S. Mathieu - Apôtre. - S. Barthélemy.
Tète
S. Jean-Baptiste. - Ste Catherine. - S. Nicolas (?). - S. Georges. - Ange.

LÉON GERMAIN.


(1) Catal du Musée hlst. lorrain, 2e partie, 118.
(2) Journal de la Société d'archéologie lorraine, t, III, p. 108 et suiv.
(3) Journal de la Société d'archéologie lorraine, t, 1889 p.20
(4) La cote d'armes du XIIIe siècle ne comportait pas habituellement de manches, le saint Georges n'en a pas; cela prouve qu'en certaines contrées le port des manches était facultatif.
(5) Catal. du Musée d'Artillerie, t. II, Introduction.
(6) Les hauberts les plus réputés étaient fabriqués à Chambly (Oise).
(7) La broigne était une cotte en cuir couverte d'anneaux; elle se portait concurremment avec le haubert.
(8) Catal. du Musée d'Artillerie, t. II, Introduction.
(9) Voir la note jointe à la description du costume du chevalier.
(10) Notice sur costumes de guerre ; Paris, lmp. nation., 1876.
Cette suite de costumes a été exécutée dans l'atelier du Musée sous la direction du colonel Leclerc, conservateur des collections, et avec le concours de Viollet-le-Duc, dont la compétence archéologique est indiscutable. La figure a été tirée de la France militaire illustrée, par A. Dally (Paris, 1887).
(11) Dict. du. mobilier français, t. V, 101.
(12) Voir, dans le présent volume, l'histoire très complète de l'église abbatiale de Saint-Sauveur, par M. l'abbé Chatton,

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