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Blâmont dans les romans (6)


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Par exception aux précédents articles, n'est pas présenté ici un texte ancien, mais un ouvrage relativement récent. Ce n'est pas non plus une actualité, et encore moins un texte historique.
Il s'agit d'un roman canadien «  L'aigle volera a travers le soleil », du romancier québécois André Carpentier (né à Montréal en 1947), édité chez Hurtubise en 1978.
Car ce livre (que nous n'avons pas lu) est une curiosité qui ne concerne pas Blâmont, mais Harbouey, dont les habitants seront étonnés de connaître :
  • l'aspect médiéval de leur commune, puisque selon l'éditeur «  Un étranger, dévié de sa route à la nuit tombante, pénètre dans un petit village isolé et sombre, vestige angoissant du Moyen Âge. » ;
  • le règne de la sorcellerie ! Nous avons regroupé dans notre article «  Sorcellerie dans le Blâmontois » divers liens sur ce même site, évoquant le déchainement des procès en Lorraine, mais force est de constater que non seulement le phénomène n'a rien de médiéval puisqu'il concerne les années 1580-1620, et que le seul procès connu à Harbouey est celui de Jean de Barbas en 1608.

L'amateur de curiosité pourra se procurer ce roman (réédité d'ailleurs en 1989 chez Bibliothèque Québécoise) chez les bouquinistes, y compris en ligne, et nous faire part de ses analyses et commentaires.
Voici la critique que le journal canadien Le Franco-Albertain a publié le 14 juin 1978 :


Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec
1976-1980
sous la direction de GILLES DORION
Ed. FIDES, Saint-Laurent


L’AIGLE VOLERA A TRAVERS LE SOLEIL
roman d’André CARPENTIER

Après Axel et Nicholas, André Carpentier publie en 1978 un deuxième «  roman-puzzle », l’Aigle volera à travers le soleil. Au coeur du livre, un récit enchâssé entre une note de l’éditeur et deux lettres en appendice, dans lesquelles un narrateur tente d’exorciser son passé par l’écriture, de «  sortir de son histoire ». C’est la lecture d’un fantastique intériorisé, proche de l’univers psychotique, que Carpentier propose.
Il s’agit d’une mise en abyme de la situation de l’écrivain devant la page blanche.
L'action se déroule à Strasbourg, la nuit, dans les H.L.M. universitaires. Alors qu’il regarde les lumières jaunes des appartements, un Québécois, Jésus-du-Diable, rédige le récit de son aventure. Égaré dans le petit village lorrain d’Harbouey,il est en proie à la vindicte de chats automates d’une vieille femme et à celle de Jeanne-la-jeune-vieille, sorte de lamie grecque, au service de la maléfique Lilith. Possédé par des sons, souffrant de «  xanthophobie », il sent que tout son univers se déréalise. Il ne peut échapper au pouvoir de la magie jaunissant son monde de protagoniste et de narrateur.
Faut-il lire dans ce récit le traumatisme de la Crise d’octobre 1970, de l’armée envahissant le Québec, jugulant ainsi le mouvement de libération ? Peut-être. Le narrateur au chandail de Capitaine Kébec se présente comme aliéné dans les rets d’un passé français et d’un autre passé plus récent. Toute tentative de libération paraît vaine face au pouvoir fascinant et occulte de l’autorité. Le narrateur ne pourra «  sortir de son histoire » que par le suicide. Il ne sait pas que la puissance du Mal est sur le point de s’éteindre. Sa compagne Noémie, à qui est réservée la lecture du manuscrit, l’ignore aussi. Seul en a connaissance le dernier scripteur, Pierrot-de-peu-de-sens, l’acolyte révolté de la sorcière.
Ce roman semble s’inscrire dans la facture traditionnelle de l’esthétique fantastique. Aux motifs clés des lieux dysphoriques (les villages de Blamont et d’Harbouey), aux topoï des entités de la surnature s’associent au niveau discursif les narrateurs homodiégétiques menacés de mort et la contamination des espaces réel/imaginaire.
Cependant, il n’est guère question de lecture plurielle, d’hésitation sur la nature des faits, même si une «  Note préliminaire de l’éditeur » convie le lecteur à plonger «  dans le doute accompli. D’aucuns comprendront les événements ici relatés ; d’autres, perplexes, reliront Freud afin d’occulter les fantasmes de son auteur. » Le problème est que Noémie, Pierrot-de-peu-de-sens et l’éditeur même cautionnent parfaitement la véracité du manuscrit. Plus d’hésitation possible : le texte perd par là même sa puissance d’envoûtement.
Par ailleurs, l’écriture supplante le récit par la déconstruction des systèmes discursifs et narratifs.
Les entrelacs discours/récit se trouvent chevauchés, dans une sorte de tour de Babel, par divers registres stylistiques (joual, patois lorrain, argot scatologique, langue littéraire...). La référence à l’esthétique de l’écriture baroque à laquelle Carpentier se rattache dans ce roman paraît des plus évidentes. À ses affinités avec les oeuvres de E.T.A. Hoffmann, de Jorge Luis Borges et d’Anne Hébert l’auteur mêle ses goûts pour des genres comme l’horreur, la bande dessinée, le mythique et, surtout, la passion du littéraire.
Par l’hétéroclisme des épigraphes (de Nicolas Boileau à Gustave Flaubert en passant par l’Apocalypse) et surtout le chapitre XII, sorte de capharnaüm livresque, ce roman devient un véritable cabinet de curiosités praguois du XVIe siècle : un Wunderkämmer.
Patricia WILLEMIN

 

Rédaction : Thierry Meurant

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