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La Semaine Religieuse du Diocèse de Nancy & de Toul
Ed. Nancy

- 1896 -



11 avril 1896 - n° 15 - p.293
La Mission de Merviller.
Si jamais l'on vit une population ouvrière et agricole arrachée aux si mordantes préoccupations de l'existence et enlevée jusqu'aux pleines régions du surnaturel ce fut Merviller pendant ces quinze jours. - Une mission prêchée par deux Pères Rédemptoristes a eu un succès que ces religieux, habitués pourtant aux triomphes apostoliques voient rarement.
Chaque soir les hommes vinrent aussi nombreux pour le moins qu'ils ont coutume au grand jour de Pâques et c'était merveille de les voir chanter avec tant d'entrain et écouter les sermons avec un recueillement si profond.
Aussi faut-il ajouter que, pour ainsi dire, à chaque jour se succédaient de nouveaux attraits: cette cérémonie funèbre si imposante ! cette consécration solennelle à la T. Ste-Vierge avec les accents vibrants du prédicateur et au milieu d'une illumination féerique ! Puis, l'Adoration perpétuelle dont l'éclat était rehaussé par une couronne de prêtres nombreux; puis, la bénédiction de deux statues, représentant le Sacré-Coeur et N.D. de Lourdes, nouveaux chefs-d'oeuvre sortis des ateliers de M. Arthur Pierron.
L'on se souviendra longtemps à ce sujet, de l'allocution si délicate et si pathétique de M. le doyen de Blâmont.
Puis, voici le dernier jour; il s'ouvre par la communion des hommes. Cent soixante-dix sont venus avec une piété attendrissante recevoir leur Dieu; et après, afin de mettre leur persévérance à l'abri sous la caution d'un grand protecteur, ils se sont enrôlés à l'envi dans la confrérie nouvelle de Saint-Joseph et en même temps dans l'association de la Sainte Famille.
Mais, là où l'enthousiasme déborde, c'est le soir après les vêpres. Une procession a été annoncée ; les jeunes gens au nombre de quarante qui ont revendiqué cet honneur, porteront en triomphe le grand Christ exposé depuis trois jours en avant de la nef sur un lit de parade. Les Pères n'ont eu qu'a parler, qu'à indiquer le parcours à travers les principales rues, enveloppant dans un réseau de 800 mètres la localité. Une vraie forêt de sapins est abattue; on a tendu les maisons et les rues de guirlandes; on a dressé huit magnifiques arcs de triomphe ; celui qu'on admire le plus est celui qu'ont voulu édifier les habitants de Criviller avec cette inscription, se détachant en lettre d'or: O Crux ave.
L'on a passé une partie de la nuit à ces divers préparatifs, mais qu'importe. Il s'agit bien de compter avec la fatigue, quand les bons Pères ont témoigné un désir et qu'il s'est agi de relever le triomphe de l'adorable Jésus, Les chants sont bien nourris, sortant de ces poitrines vigoureuses, sur lesquelles s'arbore fièrement la Croix.
Transportés d'une sainte ivresse,
Chrétiens, réunissons nos voix ;
Célébrons avec allégresse
Ce jour où triomphe la Croix !
Soldats du Christ, marchons !. ..
La cérémonie, commencée à 3 heures, se termine à 5 heures par une allocution enlevante sur les enseignements et les consolations de la Croix. Soudain, l'orateur baisse le ton : ce sont les remerciements et les adieux qu'il exprime, les yeux se mouillent et les mouchoirs se tirent. M. le Curé se lève à son tour pour remercier et ses chers paroissiens et les dévoués missionnaires.
C'est fini ! Ah ! on n'a pas trouvé le temps long pendant ces deux heures pas plus que durant les quinze jours de la mission. «  Mon Dieu l qu'ils ont passé vite l C'étaient quinze jours de Paradis! ne cessaient de répéter les bonnes gens. Non, jamais on n'a vu rien de pareil à Merviller; mais jamais on ne reverra plus ce que nous avons vu pendant cette mission ! » A. G.


18 avril 1896 - n° 16 - p. 306
Le Patronage du B. Pierre-Fourier de Pont-à Mousson.
C'est au mois de septembre 1895, que M l'abbé Eloy, alors curé-doyen de Pont-à-Mousson, entreprit l'établissement d'un patronage pour les jeunes gens de sa paroisse; le B. P. Fourier, qui fut longtemps vicaire et administrateur de Saint-Martin, fut choisi pour donner son nom à cette oeuvre, placée sous sa protection particulière.
Dès le 1er janvier 1896, une vaste cour et deux grandes salles de réunion se trouvèrent aménagées parfaitement pour leur nouvelle destination; enfin, au commencement d'avril, on termina la construction d'une salle de spectacle, ce complément presque indispensable de tout patronage bien organisé.
Toujours prêt. à encourager les oeuvres de son Diocèse, Mgr l'Evêque avait promis d'honorer de sa présence, une des premières séances récréatives, offertes par les jeunes gens à leurs bienfaiteurs.
C'est pourquoi, mardi 14 avril, Sa Grandeur arrivait à 8 heures du soir pour assister à la représentation des Francs-Tireurs de Strasbourg, drame patriotique qui fut joué avec une intelligence vraiment remarquable, en présence de plus de cinq cents hommes de la paroisse; aux côtés de Monseigneur, parmi les ecclésiastiques qui avaient voulu apporter ainsi le témoignage de leur sympathie à l'oeuvre, on remarquait M. l'archiprêtre de Toul, M. le supérieur du Petit-Séminaire, M. le doyen de Saint-Martin, M. le curé de Saint-Laurent, M. l'abbé Blaise, secrétaire-particulier, M. l'abbé Mundweiler, curé de Petitmont.
A la fin de la séance, Monseigneur se leva pour dire combien il était heureux de se retrouver ce soir-là parmi ses chers diocésains de Saint-Martin. Après avoir rappelé les grandes fêtes de Mousson en l'honneur de Jeanne d'Arc, Sa Grandeur voulut remercier M. l'abbé Eloy, dont le zèle ne s'était pas épuisé par la création d'un patronage à Blâmont, puisqu'il avait tout fait pour en former un autre encore mieux organisé à Saint-Martin.
Monseigneur témoigna aussi la satisfaction qu'il éprouvait en voyant combien le nouveau Doyen de Pont-à-Mousson, M. Zinsmeister avait à coeur, la continuation de cette oeuvre, placée sous la direction d'un vicaire intelligent et zélé, M. l'abbé Pernot. Ensuite, Sa Grandeur adressa un remerciement particulier à tous les bienfaiteurs qui avaient apporté à MM. les Curés de Saint-Martin, le concours de leur temps et de leur argent, et parmi eux, Monseigneur mentionna spécialement, et à juste titre, M. Gélinet, le dévoué trésorier du Conseil de fabrique, et le principal organisateur de l'oeuvre, M. le colonel Carré de Malberg, président du Comité de Patronage.
Enfin, pendant une demi-heure que l'on trouva trop courte, Monseigneur tint son auditoire sous le charme de cette éloquence si chaude, si puissante, lorsqu'Elle exprime les sentiments de foi, de dévouement et de patriotisme qui l'inspirent toujours, et qui l'inspiraient surtout en cette circonstance.
Rappelant l'utilité de toutes les oeuvres catholiques en Général, Monseigneur redit combien il appréciait en particulier le bien accompli par les patronages; il montra que là surtout se forment en même temps que de vrais chrétiens, des jeunes gens qui deviendront un jour pour la patrie française, ses soldats les plus courageux et ses plus vaillants défenseurs ; dans notre terre de Lorraine, plus que partout ailleurs, ce résultat doit être doublement précieux.
A onze heures et demie, tout était terminé.
Certes, on gardera longtemps à Pont-à-Mousson, un souvenir bien cher de cette soirée à laquelle la présence et la parole de Monseigneur ont donné tant d'éclat.


9 mai 1896 - n° 19 - p. 375
Note sur le pseudo-couvent de Loigny.
Une lettre de Rome.
Nous avons à instruire les lecteurs de la Voix de N.-D. de Chartres sur des agissements nouveaux de la prétendue communauté de Loigny.
Depuis deux mois environ, les fauteurs de la secte de Loigny s'attachent à répandre partout le bruit que leur soi-disant Communauté des Epouses du Sacré-Coeur de Jésus Pénitent a été bénie et approuvée par le Pape Léon XIII dans le Consistoire public du 2 décembre 1895. Cette déclaration se trouve en gros caractères au titre même de leur Revue périodique ; ils la rappellent en tête de leurs lettres particulières par une indication imprimée; elle a été répétée dans les feuilles publiques. Le numéro 85 des Annales de Loigny (1er vendredi de décembre 1895) a publié un long récit intitulé : Les derniers Consistoires et Loigny (le 29 novembre et 2 décembre 1895), Compte-rendu communiqué par Sa Sainteté Léon XIII. Et là, on peut lire, pour ce qui concerne le Consistoire du 29 novembre, une prétendue discussion entre des cardinaux, des évêques et le Pape sur Marie-Geneviève du Sacré-Coeur (Mathilde Marchat, la soi-disant voyante), et en définitive l'acte de soumission du cardinal Rampolla ainsi que d'autres prélats à la volonté du Saint-Père qui leur aurait tenu le langage suivant :
«  Si en Orient et en Europe, des milliers d'âmes tombent chaque jour dans l'abîme, il y a dans ce petit coin de la France, qui fut baigné du sang de nos zouaves, il y a un ange qui a des communications avec le Très-Haut ; le Très-Haut lui apparaît sous les traits du Sacré-Coeur de Jésus, et cet ange transmet les paroles qu'il entend à ceux qui, comme Nous les croyons, les croient miracle et vérité. »
Puis, aux réclamations de plusieurs prélats qui voulaient faire soumettre aux votes la question de Loigny, le Saint-Père aurait rependu :
«  Nous, comme Chef suprême de la hiérarchie ecclésiastique... et comme Supérieur du Saint-Office, et comme nommé Infaillible dans le Concile du 8 décembre 1869, Nous déclarons à tous les Eminentissimes présents et aussi aux Révérendissimes, que, dans les Annales de Loigny, ne s'y trouvant rien de contraire à la foi de Jésus-Christ, ni ne s'y trouvant aucune phrase contre les règles de la religion Catholique, Apostolique, Romaine, Nous n'avons point l'obligation d'approuver une injuste interdiction, comme Nous avons le devoir de l'annuler absolument, en déclarant officiellement, dans ce Consistoire, Notre foi dans les visions de Marie-Geneviève. »
Toujours d'après les Annales, le Consistoire public du 2 décembre aurait confirmé la décision ci-dessus ; elles donnent la traduction d'un texte latin dans ce sens, et elles le disent écrit et signé par Léon XIII et communiqué par Lui «  la chère Mère Marie-Geneviève », à sa Communauté et à ses défenseurs.
Mais, malgré ses invraisemblances, cette étrange relation des Annales de Loigny est-elle digne de foi ? De pareilles nouvelles avaient besoin de vérification. Il n'y avait qu'à la chercher là seulement où sont les renseignements authentiques en une telle matière.
MM. les Vicaires Capitulaires de Chartres ont donc écrit à Rome.
Voici la réponse du Cardinal-Préfet du Saint-Office ; il suffit de ces quelques lignes pour faire crouler un édifice de mensonges.
Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Il est parvenu à la connaissance du Souverain Pontife que certains journaux de votre région avaient publié que Sa Sainteté, en Consistoire secret tenu le 29 novembre 1895, a approuvé les faits accomplis à Loigny, et levé toutes les censures portées contre les adhérents obstinés de l'oeuvre.
Sa Sainteté me charge de déclarer à Votre Seigneurie que tout cela est absolument faux, et que les Décrets de la Sacrée-Congrégation de l'inquisition, relatifs à ces choses, gardent leur pleine vigueur.
En donnant officiellement. à Votre Seigneurie cette notification, je vous prie d'agréer tous mes voeux pour vous devant le Seigneur.
Rome, du palais du Saint-Office, le 3 février 1896.
Votre tout dévoué dans le Seigneur.
L. M. Cardinal PAROCCHI.
A l'Illustrissime et Révérendissime Vicaire Capitulaire de Chartres.
(Extrait de la Voix de Notre-Dame. Supplément du 8 février 1896.)


23 mai 1896 - n° 21 - 404
Fête du pèlerinage de Saint-Nicolas-de-Port.
La fête du pèlerinage de Saint-Nicolas se célèbrera le lundi de la Pentecôte, 25 mai.
Les offices seront présidés par Sa Grandeur Mgr l'Evêque de Nancy.
La grand'messe sera chantée à 10 h., avec assistance pontificale et avec sermon, prêché par M. l'abbé FLORENTIN, curé-doyen de Blâmont.
Les vêpres seront chantées à 2 h. 1 /2 et sui vies de la procession a travers les rues pavoisées de la ville et de la bénédiction du Saint-Sacrement, au retour à la Basilique.
MM. les Ecclésiastiques sont priés de vouloir bien se rendre un quart d'heure avant les offices à la chapelle des catéchismes, à droite de l'entrée de l'église, pour revêtir les habits de choeur. Ils voudront bien aussi porter à la procession les reliques, ex-voto et insignes de saint Nicolas.
Des places leur seront réservées dans l'avant-choeur. Un dîner leur sera offert à l'issue de la messe dans la salle du Patronage, contiguë au presbytère, 14, Grande-Rue.
[...]


30 mai 1896 - n° 22 - p. 425
DIOCÈSE
NOUVELLES RELIGIEUSES.
Pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port.

Cette année, comme depuis quatre ans surtout, le lundi de la Pentecôte, les pèlerins de Saint-Nicolas ont trouvé l'antique sanctuaire rajeuni par des restaurations habiles, décoré d'oriflammes brillantes et de lustres verdoyants, et devant l'autel resplendissant de lumières et de fleurs, parmi les reliques des Saints et les vases précieux exposés à la vénération et à l'admiration des fidèles, le bras de vermeil qui contient la sainte phalange, et enfin la statue bien aimée du glorieux pontife, tenant cette main toujours étendue pour bénir, qui symbolise la protection permanente, dont les siècles n'ont pu restreindre l'efficacité. A dime brachium eius extentum.
En dépit de saint Sigisbert, invoqué depuis neuf jours contre la sécheresse, la journée se passa sans pluie. Monseigneur présidait la fête ; le clergé avait pu venir nombreux des deux diocèses de Nancy et de Saint-Dié; la foule des pèlerins, peut être moins pressée que les années précédentes, était plus recueillie ; le clergé paroissial avait tout prévu, tout organisé; les chants et la musique étaient parfaitement exécutés ; huit cloches, du haut des vieilles tours, lançaient à toute volée leurs joyeux accents dans les airs : toutes les conditions d'une belle cérémonie étaient réunies.
Pendant la grand'messe, M. l'abbé Florentin, curé-doyen de Blâmont, commentant une des prières liturgiques de la fête de Saint-Nicolas, dans un langage plein d'onction et de piété, ranima la confiance des pèlerins envers le glorieux et puissant patron de la Lorraine, et fit entendre les enseignements les plus pratiques et les plus salutaires. L'orateur eut en particulier un mouvement de communicative émotion quand, expliquant le sens précis du mot plebem, il invoqua les bénédictions de saint. Nicolas sur «  le peuple, le pauvre peuple, le peuple des travailleurs, le peuple qui souffre ... »
Les vêpres furent chantées en faux-bourdon, comme l'avait été la grand'messe, par un certain nombre d'hommes de bonne volonté, groupés jadis autour du zélé et regretté abbé Geoffroy, et par les élèves d'une école chrétienne, dont le maitre dévoué veut bien se faire chef de musique dans toutes les grandes solennités religieuses, de cette école qui est assurément pour la paroisse, le meilleur gage des bénédictions du patron de la jeunesse. Au grand orgue, accompagné par M. Kling (que Saint-Epvre lui pardonne sa fidélité à Saint-Nicolas) le chantre bien connu des pèlerins fit entendre ses plus beaux motets.
Les vêpres terminées, la procession s'organisa. En tête, vinrent les nombreux enfants des écoles, puis les membres des différentes confréries de la paroisse. Des pages, richement vêtus, portaient les étendards. Aux nombreux prêtres présents, M. le curé lui-même, gardien du riche trésor de sa basilique, confia les nombreuses reliques et les souvenirs précieux conservés avec soin ; d'autres reçurent la statue du glorieux Patron; enfin, précédé de deux massiers au pas majestueux, s'avança Monseigneur portant le bras d'or qui contient la sainte phalange.
Sur tout le parcours de ce cortège, la foule pressée dans les rues se montra plus respectueuse que jamais.
De retour A l'église, Monseigneur donna la bénédiction solennelle du Très-Saint Sacrement,
Notons encore l'empressement pieux des pèlerins qui, durant toute la journée, se succédèrent à l'autel patronal, pour y recevoir l'onction de la manne, de cette eau miraculeuse qui s'écoule, à Bari des ossements du thaumaturge.
Il y a là, sans doute, une journée de fatigue qui succède à beaucoup d'autres pour Monseigneur et pour le clergé de la paroisse, surtout à cette époque de l'année, mais c'est une de ces journées consolantes où le zèle apostolique et l'activité pastorale recueillent de précieux encouragements, une de ces journées qui marquent dans la vie de nombreux chrétiens par l'édification dont elles sont la source et les grâces qu'obtient une prière confiante.
Un homme a écrit: «  Les pèlerinages ont fait leur temps de même que les Saints ont fait le leur. »
Comme historien et philosophe il commettait l'erreur de compter sans l'amour des traditions chrétiennes que le catholicisme possède au suprême degré; comme protestant il avait le malheur d'ignorer que la gloire de nos Saints ne sait pas mourir.
Non, le pèlerinage de Saint-Nicolas-de-Port n'a pas fait son temps parce que saint Nicolas, loin d'avoir fait le sien, recueille près de «  ses vieux amis les enfants des Lorrains » toujours plus d'amour, de confiance et de reconnaissance.


30 mai 1896 - n° 22 - p. 432
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Bausson.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé Jean-Baptiste-Adolphe Bausson, décédé le 24 mai 1896. M. Bausson fut ordonné prêtre en 1854; il fut successivement professeur au Séminaire de Fénétrange; vicaire à Haroué; curé de Chazelles en 1855; curé de Bouzanville en 1856; curé de Frolois, depuis le 1er mars 1880.
M. Bausson était membre de l' Association de prières.


27 juin 1896 - n° 26 - p. 516
Décret de la S. Rom. Univ. Inquisition .
Ferie IV, le 15 avril 1896.
A tant d'autres énormités de cette coterie déjà condamnée, qui, depuis plusieurs années, sur la paroisse de Loigny, diocèse de Chartres, ne cesse, sans aucun égard pour la vérité et pour le respect dû à la hiérarchie ecclésiastique, de publier et de soutenir, avec une extrême effronterie, comme visions privées, révélations et prophéties, des délires d'esprit malade, est venu récemment s'ajouter un délit si audacieux qu'il serait incroyable s'il n'était contenu dans le n° 85 du Périodique intitulé : Les Annales de Loigny.
Dans ce numéro sont insérés des Actes absolument inventés et faux, attribués aux Consistoires pontificaux du 29 novembre et 2 décembre 1895. On veut, par là, faire croire que le Souverain Pontife, par un oracle de vive voix, a approuvé le susdit Périodique et la société établie à Loigny sous le nom d' Epouses du Sacré-Coeur de Jésus Pénitent, ainsi que les oeuvres de cette société; qu'il a levé l'interdit fulminé, par l'Ordinaire de Chartres, contre Mathilde Marchat, soi-disant Marie-Geneviève; que celle-ci partant, à titre de justice, a été réadmise aux sacrements et que ses prétendues visions ont été reconnues comme divines.
Quoique déjà, soit par les Actes de l'Ordinaire de Chartres approuvés et confirmés par cette Suprême Congrégation, soit encore et surtout par le Décret du 27 juin 1894 condamnant la série de ces libelles mensongers ou Annales de Loigny, il ait été pourvu à ce que les fidèles ne soient pas déçus par tous ces mensonges; néanmoins, il a paru opportun de notifier, par une nouvelle déclaration, le nouveau piège tendu à la crédulité des imprudents.
C'est pourquoi cette Suprême Congrégation instituée contre la perversité hérétique, sur ordre exprès du Souverain Pontife, N.T. S. Père le Pape Léon XIII, déclare et notifie, à tous et à chacun des fidèles en J.-C., que les Actes du Consistoire pontifical, insérés dans le susdit libelle, sont totalement inventés et faux, et ordonne que, comme faux et inventés, ils soient retenus de tous.
A cette fin, la Suprême Congrégation déclare:
Que, demeurant ferme la condamnation antérieure des susdites Annales de Loigny, le n° 85 de ces Annales a été et reste proscrit, comme contenant des Actes falsifiés des Consistoires et autres choses indignes;
Que tous les décrets émanés, soit de l'Ordinaire de Chartres, soit du S. Siège, contre la pseudo-communauté de Loigny, sont ratifiés et confirmés;
Que la femme susnommée reste sous l'interdit des sacrements, et le pouvoir de l'absoudre, en cas de résipiscence, réservé au Souverain Pontife, sauf uniquement à l'article de la mort ;
Que les visions, les révélations et les prophéties de Loigny sont complètement fausses, et comme telles doivent être regardées par tous les fidèles;
Que les fauteurs de cette oeuvre de mensonge, quel que soit leur sexe, leur état ou dignité, les connivents, les adhérents, tous ceux en un mot qui, sous une forme quelconque. ont prêté à ladite oeuvre aide et appui sont incapables d'absolution et de réception des sacrements, jusqu'à ce qu'ils viennent à résipiscence.
Et toutes ces déclarations, la Suprême Congrégation a commandé de les publier en la forme prescrite.
Jos. MANCINI, Notaire de la S. Rom. et Univ. Inquisition.


18 juillet 1896 - n° 29 - p. 567
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Rolin.

Nous recommandons aux prières de nos lecteurs, l'âme de M. l'abbé Charles-Alexis Rolin, décédé le 15 juillet 1896,
Né à Ludres en 1842, prêtre en 1861, M. Rolin a été successivement vicaire à Gondreville, à Blâmont (1869), curé de Pulney (1870), de Germiny (1887), retiré à l'hospice de Ludres depuis le 15 mai 1896.
M. Rolin ne faisait pas partie de l' Association de prières.


15 août 1896 - n° 33 - p. 646
DIOCÈSE ACTES OFFICIELS
Nominations.

Par décision de Mgr l'Evêque, ont été nommés:
[...] Vicaire à Saint-Georges de Nancy, M. l'abbé NICOLAS, précédemment vicaire à Blâmont ;
[...] Vicaire à Blànont, M. l'abbé DEMOYEN, nouveau prêtre;
[...]
Professeurs ou Préfets de discipline dans les établissements diocésains d'instruction suivants :
Petit Séminaire: M. l'abbé MOUTIN, précédemment curé de Vaucourt; [...]


29 août 1896 - n° 85 - p. 685
DIOCÈSE ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Monseigneur l'Evêque ont été nommés:
[...] Curé de Gogney, M. l'abbé ROUYER, précédemment vicaire à Longwy-Haut;


3 octobre 1896 - n° 40 - p. 786
DIOCÈSE
Nomination

Par décision de Mgr l'Evêque, ont été nommés :
[...] Curé de Repaix, M. l'abbé HANS, précédemment vicaire à Baccarat ;


10 octobre 1896 - n° 41 - p. 805
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Xilliez.

Nous recommandons aux prières l'âme de M. l'abbé P.-A. Xilliez, décédé à Blâmont, le 7 octobre 1896.
Né à Blâmont en 1868, ordonné prêtre en 1891, M. Xilliez a été successivement élève à l'Ecole des Hautes-Etudes, professeur à l'institution B. Pierre-Fourier de Lunéville (1892), élève à l'Ecole des Carmes à Paris (1894) ; retiré dans sa famille depuis quelques mois.
M. Xilliez était membre de l'Association de prières.


7 novembre 1896 - n° 45 - p. 887
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Xilliez.
M. l'abbé Jérôme, professeur au Grand-Séminaire, nous communique une très belle notice nécrologique sur M. l'abbé Paul Xilliez, professeur de philosophie à l'Institution B. P. Fourier.
Nous en reproduisons les pages les plus intéressantes et les plus édifiantes :
«  M. l'abbé Paul-Arsène Xilliez était né à Blâmont le 28 juillet 1868, d'une de ces familles profondément chrétiennes, trop rares aujourd'hui, où toutes les relations, ennoblies et sanctifiées par la religion et la piété, ne sont fondées que sur le respect et la tendresse. Il avait reçu sa formation de l'âme sainte et ferme de sa mère et il aimait lui-même à redire comment cette première éducation familiale, forte et tendre à la fois, avait marqué son caractère d'une empreinte ineffaçable et laissé dans son coeur les plus délicieuses impressions.
Des neuf années que Paul Xilliez passa successivement aux Séminaires de Pont-à-Mousson et de Nancy, nous dirons peu de chose, ne l'ayant pas connu assez intimement alors pour en parler longuement. Aussi bien n'est-ce guère que pendant les dernières années de son Grand-Séminaire qu'il a commencé à se révéler. Ce qui, dès cette époque, frappait en lui, sous des dehors simples, modestes, d'une candeur presque angélique, c'était l'exquise distinction de toute sa personne, c'était aussi une maturité précoce et une gravité d'attitude qui lui avaient valu de ses condisciples, si j'ai bonne mémoire, le surnom bien caractéristique de certain vieux Romain qu'il avait accepté de bonne grâce, du reste, et dont il était le premier à sourire. La sévérité un peu dure de son extérieur pouvait parfois au premier abord prévenir contre lui, mais la prévention se dissipait bien vite dès qu'on commençait à le connaître et l'on se sentait bientôt attiré vers lui par un charme irrésistible.
Riche des qualités du coeur malgré les apparences, M. l'abbé Xilliez ne l'était pas moins de celles de l'esprit. Nature méditative et réfléchie, intelligence ferme et virilement trempée, nette et méthodique en même temps que souple et variée, il unissait à une rare vigueur intellectuelle une finesse de pénétration et une puissance d'analyse psychologique peu communes que l'habitude des longues méditations avait développées et qui devaient s'affirmer davantage encore avec les années. En lui d'ailleurs le penseur était doublé d'un artiste au goût délicat, au sens esthétique très affiné, et le littérateur complétait le philosophe. Dès cette époque, il excellait à revêtir sa pensée d'un tour original et distingué, et un rayon de poésie et d'idéal éclairait déjà tout ce qui sortait de sa plume ou tombait de ses lèvres.
Trop jeune encore à sa sortie du Séminaire pour recevoir l'onction sacerdotale, M. l'abbé Xilliez fut destiné par ses supérieurs, - après qu'il eut passé avec succès un baccalauréat en théologie à la Faculté catholique de Lyon, - à l'étude des lettres, et tout spécialement de la philosophie, science pour laquelle il avait toujours témoigné des aptitudes particulières et avoué une prédilection marquée. Après une année à peine de préparation à la Faculté des Lettres de Nancy, dont il fut l'un des élèves les plus distingués et où l'on a gardé fidèlement son souvenir, il était admis au grade de licencié, presque au premier rang, à la session de novembre 1891. Quelques mois auparavant, le 23 août, il avait reçu l'ordination de la prêtrise. La vie s'ouvrait toute large devant lui: il était prêt désormais à y entrer.
La vie ! Quelle orientation allait-il lui donner? Malgré son jeune âge, il y avait songé bien des fois déjà, et aux heures de rêve de son adolescence, il s'en était tracé un idéal noble, grand, généreux. Il avait toujours aimé les joies sévères de l'étude et la pente naturelle de son intelligence le portait à la recherche de la vérité. La vérité, il l'avait trouvée pour lui-même, dans toute sa plénitude, à sa source : Notre Seigneur dans le sacerdoce. Mais à son coeur de prêtre cela ne suffisait pas. Cette vérité, il voulait la répandre autour de lui, et précisément la poursuite du savoir humain, de cette science philosophique en particulier où il avait creusé son sillon et dont il avait fait son domaine, n'avait jamais été dans sa pensée qu'un acheminement à ce but, car il avait horreur lui aussi de cette «  connaissance stérile, dont parle Bossuet, qui ne se tourne pas à aimer et se trahit elle-même. » L'apostolat du prêtre peut revêtir des formes variées et multiples : aux uns, Dieu demande l'apostolat des oeuvres, aux autres l'apostolat de l'exemple, à d'autres enfin l'apostolat de la science. M. l'abbé Xilliez voulait être de ceux-ci, et certes, ses goûts, son talent, ses succès, tout lui donnait bien le droit d'y prétendre. Ces rêves d'apostolat intellectuel, il les caressait depuis son enfance avec une naïveté que sa modestie qualifiait volontiers de présomptueuse.
«  Il serait si beau, écrivait-il un jour, d'être pour quelque chose dans la sanctification et le salut des individus comme des nations par cette forme spéciale de l'apostolat qui est la parole écrite ! Il serait si beau d'apporter le contingent de notre faiblesse à quelque ouvrage sérieux et durable dont le but serait la glorification de Jésus-Christ et de l'Eglise ! ... » Et une autre fois : «  J'ai été souvent frappé, et douloureusement, de l'indifférence, de l'ignorance, du mépris avec lequel des hommes d'une haute valeur intellectuelle parlent des choses que nous croyons et que nous aimons. Ce spectacle, je le crois, n'éveillait en moi aucun doute, ne provoquait aucune défaillance : au contraire, et c'est ce qui arrive presque toujours, ma foi et mon amour se développaient par réaction. Mais ce qui me frappait plus que cela, c'était de voir que bien souvent la parole d'erreur retentissait toute seule et que la vérité restait muette, Ici, pas de réponse; là, une réponse insignifiante, bien propre à faire triompher l'adversaire : le silence eût été préférable ; plus loin, pas même un effort pour comprendre l'objection, par conséquent réponse nulle ... » Et, généreusement, il concluait: «  Travaillons, dans le but d'être utiles à la Religion chrétienne, ou plutôt, parce que la Religion n'a pas besoin de nous, aux âmes de nos frères! »
Ces aspirations et ce désir d'apostolat intellectuel ont fait l'harmonieuse beauté et l'incontestable grandeur de sa trop courte vie.
Lorsque M. l'abbé Xilliez fut reçu licencié, en novembre 1891, l'année scolaire était commencée, et il avait espéré que grâce à cette circonstance, il pourrait, durant quelques mois au moins, et sans qu'aucune préoccupation étrangère vînt le distraire, se donner entièrement à ses chères études. Il se promettait de largement profiter du temps qui s'ouvrait devant lui et avait déjà fait choix d'un travail qui devait le remplir. Son désir ne put èêre satisfait: on lui confia un préceptorat qu'il dut accepter.
Au mois d'octobre 1892, M. l'abbé Xilliez entrait comme professeur à l'Institution B. P. Fourier de Lunéville. Il devait y passer deux ans et y occuper successivement la chaire de rhétorique et celle de philosophie. Il avait compris la grandeur de ses fonctions. Il aimait à se comparer à l'artiste qui taille dans le marbre un chef d'oeuvre: « Nous sommes des sculpteurs, répétait-il souvent en levant les bras dans un geste tout expressif, et ce qu'il y a de plus grand dans notre tâche, ajoutait-il, c'est que la matière que nous travaillons n'est pas une matière brute, mais une matière intelligente et vivante. » A faire des bacheliers, ne se bornait pas son ambition. S'appliquant à former le coeur et la conscience des jeunes gens confiés à ses soins non moins que leur esprit, il voulait en faire surtout des hommes, des caractères vigoureusement trempés, des chrétiens aux convictions solides, bien armés pour les luttes de la vie. Cette partie de sa tâche, d'ailleurs, ne nuisait pas à l'autre : on le voyait bien lorsqu'arrivait l'époque des examens, et, du reste, n'est-ce pas lui qui eut le mérite et l'honneur de concevoir, et, avec des confrères intelligents et dévoués comme lui, de réaliser ce projet assurément hardi d'une représentation en grec d'Electre par les élèves de l'institution? L'idée pouvait sembler téméraire, je n'ose dire présomptueuse, mais le succès de cette «  Matinée athénienne » que l'on n'oubliera de longtemps au Collège et les applaudissements enthousiastes et émus de l'assistance distinguée qui se pressait dans l'immense salle du Cercle catholique de Lunéville devenue trop étroite pour la circonstance, vinrent rassurer les organisateurs de cette fête littéraire, et les convaincre qu'ils n'avaient trop présumé ni de leur propre zèle, ni du talent de leurs élèves.
Tel fut M. l'abbé Xilliez comme professeur. J'ajoute que le travail de classe ne l'absorbait pas tout entier. Les loisirs que pouvait lui laisser parfois son enseignement étaient consacrés par lui à la préparation d'une thèse de doctorat. Son choix, après mûre réflexion, s'était arrêté sur la philosophie du moyen-âge, encore si mal connue, du moins en France, et dans cette période sur Alexandre de Halès. Il réunissait dès lors patiemment de précieux matériaux puisés en diverses bibliothèques, à Paris, à Strasbourg, à Innsbruck, à Munich, qu'il se proposait de mettre plus tard en oeuvre. La mort devait l'en empêcher.
Apprécié de ses supérieurs, aimé de ses élèves, estimé des parents dont il avait pleinement justifié la confiance, M. l'abbé Xilliez eût pu continuer à remplir honorablement et à la satisfaction de tous, au Collège de Lunéville, sa mission de professeur. Mais plus difficile et plus exigeant pour lui-même qu'on ne l'eût été à coup sûr au dessus ou à coté de lui, il voulait parfaire encore sa formation intellectuelle et professorale. A diverses reprises, il avait sollicité de l'administration diocésaine un congé de quelques mois qui lui permît un travail personnel plus libre et plus intense: ambition inspirée par des vues humaines ? non pas, mais bien plutôt volonté fermement arrêtée de travailler de plus en plus à la réalisation du noble idéal qu'il s'était tracé autrefois et qu'il n'avait pas perdu de vue. A la fin, sa demande fut favorablement accueillie, et au mois d'août 1894, son départ pour l'Ecole ecclésiastique des Carmes à Paris était décidé.
M. l'abbé Xilliez arrivait à Paris plein d'une généreuse ardeur, et résolu à user largement de toutes les ressources intellectuelles, au sein desquelles sa vie se trouvait désormais placée. Cette résolution, il ne cessa de la tenir avec une conscience, une énergie, une ténacité dont sa santé, qu'il croyait - bien à tort - inaltérable, ne devait pas tarder à souffrir. Les cours et les exercices pratiques de la Faculté des Lettres ne suffisent pas à son activité; il y joint des conférences au Collège de France, à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, à l'Institut catholique, à la Faculté de Théologie protestante, à l' Ecole libre des sciences politiques, et, une fois la semaine, il vient travailler au Laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne, recueillant partout les suffrages et les encouragements plus que bienveillants de maîtres qui ne lui ménagent pas leurs précieux éloges. Il est an courant de tout : idées, art, littérature, rien ne lui échappe. Naturellement, la philosophie surtout le retient; sans renoncer à la philosophie du moyen-âge qui l'avait jadis attiré, il s'initie à tous les secrets de cette philosophie contemporaine qui soulève de nos jours tant de questions nouvelles, cherchant avant tout à en pénétrer consciencieusement et loyalement le fond et la pensée, persuadé que c'est par là que doit commencer le grand travail de conciliation entre l'esprit chrétien et les progrès incontestables de la pensée moderne. Entre temps, il commence à donner lui-même à l'Enseignement chrétien et aux Annales de philosophie chrétienne (1), dont il devient dès lors un collaborateur assidu, des articles critiques remarqués autant pour l'élégante précision de la forme que pour la justesse, la netteté et la vigueur de la pensée, et il conquiert comme en se jouant, au mois d'avril, un baccalauréat ès-sciences qui lui était nécessaire pour des examens ultérieurs. En juillet, enfin, il se présentait au difficile concours de l'agrégation de philosophie, et s'il n'eut pas ici la complète satisfaction d'atteindre le but, du moins le toucha-t- il de bien près et sortit-Il de la lutte avec honneur. Les premières épreuves avaient été brillantes; sa leçon de thèse avait été particulièrement appréciée; hélas ! une de ces fatigues inexprimables qu'engendrent à la longue les labeurs excessifs vint compromettre le résultat final. Cent candidats environ s'étaient présentés; le chiffre des admissions arrêté par le ministère, était huit : il arriva onzième. D'ailleurs cette défaite, bien glorieuse à coup sûr, n'avait pas abattu son énergie, ni brisé sa force d'âme. Il était épuisé mais non vaincu. Il se consola vite, espérant gagner à ce contre-temps de pouvoir prolonger son séjour à Paris d'une année nouvelle qu'il se promettait devoir être plus féconde et plus fructueuse encore que la première.
Cette espérance, hélas ! ne devait pas se réaliser. La Providence avait d'autres desseins sur lui, et lorsqu'il quitta Paris, le 21 août, c'était pour n'y plus revenir. Il ne devait plus revoir cette chère Sorbonne où il avait goûté tant de jouissances intellectuelles, ni cette petite cellule de la maison des Carmes, témoin de tant de veilles laborieuses. La vie de travail intense qu'il menait depuis dix mois avait ébranlé sa santé, et les inquiétudes que depuis quelque temps il inspirait à des amis dévoués, dont les conseils avaient été impuissants, n'étaient que trop justifiées. A peine rentré dans sa famille, une maladie de langueur commença à l'envahir. Lui-même, jadis marcheur infatigable, se sentait dépérir. L'hiver approchait: un savant médecin consulté lui conseilla de partir pour une station climatérique des Alpes. Peut-être l'air pur et vif des cimes neigeuses aurait-il raison du mal qui le guettait, menaçant et perfide.
Il lui fallait donc renoncer pour un temps, pour toujours peut-être, à ses plans d'avenir: le sacrifice était douloureux, mais notre cher malade l'accepta, et avec cette résignation sereine et cette force d'âme qu'il apportait en tout, il s'abandonna au bon plaisir de Dieu et partit pour Leysin. Les espérances, ou plutôt les illusions, s'il en eut, ne durèrent pas longtemps : «  La pauvre plante humaine, quand elle a été déracinée, écrivait-il quelques jours après son arrivée à Leysin, a bien de la peine à reprendre, même sous le plus beau ciel et avec les caresses de la plus douce rosée, la vigueur qu'elle a perdue. » Bien que se conformant, avec une conscience exacte et presque minutieuse, aux prescriptions des médecins, il ne s'exagérait pas l'efficacité du remède ni la bienfaisance de cet air vivifiant qu'il était venu demander à la nature alpestre. Il avait senti, dès les premières atteintes, la gravité du mal qui le frappait, et il se préparait à faire à Dieu, entier, complet et généreux le sacrifice qu'il lui demandait : «  Priez bien pour moi, écrivait-il à un ami, je suis plein de bonne volonté, je veux travailler. Mais peut-être Dieu ne le veut-il pas ? Priez pour que j'accepte sa volonté, quelle qu'elle puisse être, avec joie et reconnaissance. Peut-être me faudra-t-il dire avec le poète dont je vous entretenais tout à l'heure, - Sully-Prudhomme -
«  Au combat de la vie,
Bientôt je suis tombé vaincu ;
L'âme pourtant inassouvie,
Je meurs et je n'ai pas vécu. »
Et encore, quelques jours après: «  Heureux êtes-vous d'avoir pu vivre votre rêve et faire du travail la loi de votre vie ! Il me faudra peut-être renoncer au mien : je le ferai avec la résignation d'un soldat désireux de combattre et à qui son prince imposerait l'inaction. Entre nous, je crois que cette disposition, bien imparfaite, n'est pas cependant pour déplaire à mon Prince. » Et il ajoutait: «  Que la volonté de Dieu se fasse, seulement j'aimerais à la connaître afin de m'y mieux préparer. »
Son désir fut exaucé : il ne tarda pas à voir clairement cette volonté de Dieu, car la maladie, malgré peut-être des apparences trompeuses, suivait son cours et il en mesurait les progrès avec la même clairvoyance et la même précision que s'il se fût agi d'un autre : «  En dépit de l'optimisme qui est dans ma nature et de l'euphorie qui est dans les exigences de la maladie dont je suis frappé, je vois clairement que la lutte est inégale et presque impossible contre ces ennemis invisibles qui sont légion. Le dénoûment pourra se faire attendre, ce qui est certain c'est qu'il viendra et que l'épreuve aura une fin. «  Cela change bien un peu mon centre de perspective, ajoutait-il ensuite avec une pointe de mélancolique tristesse, et cela dérange mes plans, mais qu'importe, puisqu'ils n'étaient que les miens. L'avenir semble se dérober, mais ce n'est que l'avenir immédiat et terrestre : eh bien ! en route pour l'autre et bravement ! »
Et cependant, les soucis d'une santé misérable et précaire n'avaient pu l'arracher complètement aux études qu'il affectionnait; la flamme intérieure animait toujours cette frêle enveloppe du corps que la mort commençait à serrer de son étreinte; et dans ce corps humilié par la souffrance, la pensée avait conservé toute sa vigueur, et le coeur toutes ses délicatesses. De la galerie de Leysin, où il continuait sa cure d'air, étendu sur sa chaise longue de malade, il trouvait encore la force nécessaire pour écrire de nombreux articles critiques que lui réclamaient diverses Revues (2).
Cette activité intellectuelle presque prodigieuse qui débordait sur tous sujets était loin d'ailleurs de dessécher son coeur. Il semble, au contraire, que la maladie dont il souffrait ait encore affiné chez lui la délicatesse du sentiment. Jamais son âme ne fut plus affectueuse, jamais non plus peut-être elle ne fut plus religieuse et plus sacerdotale. Il le constatait dans une sorte de méditation philosophique intime, où il s'observait et se décrivait lui-même: «  Mon âme se fait de jour en jour plus véritablement, plus profondément religieuse ; plus je reviens à moi-même et plus je trouve Dieu. Si je veux me dérober aux distractions des choses extérieures et me chercher moi-même, c'est Dieu que je trouve à la racine de toutes mes énergies comme au terme de toutes mes aspirations; » et encore : «  Jusqu'ici ma vie a été un point d'interrogation anxieux et inexorable. Toujours tendu vers l'avenir et sans aucun regret pour aucun des moments écoulés, je n'ai jamais trouvé ce que je cherchais. Il y a toujours eu dans mon existence, beaucoup de provisoire et d'inachevé. Jamais je n'ai fermé un livre en me disant : Voilà qui est bien! Voilà une question sur laquelle je suis suffisamment édifié ! Non, je me suis dit toujours: C'est bien, il faudra voir, formule des certitudes toujours fuyantes, des convictions indéfiniment ajournées. De même pour le sentiment : je ne puis dire que mon coeur a gouté ici-bas la paix, le bonheur absolu. Et alors, puisque Dieu m'a fait pour la vérité et pour l'amour, puisque d'autre part je n'ai trouvé ni la pleine clarté des solutions définitives, ni la joie de l'indéfectible amour, Dieu me les doit, il me les donnera. L'au-delà est fait de justice, il est surtout fait de bonté.
Mais le sacrifice touchait à sa fin. Revenu en Lorraine au mois de mars, il avait essayé d'y continuer, sous un climat moins heureux, mais entouré de la tendre sollicitude des siens, la cure commencée à Leysin. Un instant le danger avait semblé conjuré, et nous nous reprenions à espérer, quand une violente hémoptysie survenue soudain vers la fin du mois de mai, vint nous rappeler douloureusement aux tristesses de la réalité. Le coup avait été profond, il était irréparable. Désormais les progrès du mal furent rapides. C'est en vain que la tendresse maternelle et les soins empressés et dévoués de savants médecins disputent pendant plusieurs mois notre cher malade à la mort: il n'y avait plus d'espoir, plus d'illusion même possible.
Lui surtout ne s'y trompait pas: avec une clairvoyance sereine et une force d'âme tranquille qui ne l'abandonnèrent pas, même au plus fort des douleurs, il mesurait la marche de la maladie, usant chrétiennement et surnaturellement de ses souffrances comme jadis il avait usé de ses forces, et renouvelant chaque jour, avec une générosité croissante, l'immolation d'une vie dont la prolongation était devenue la prolongation de son martyre. Le fatal dénouement était proche, il le savait : «  L'automne finissant m'emmènera comme tant d'autres », écrivait-il au mois d'août, mais détaché désormais de tout, ne vivant plus qu'en Dieu, il voyait venir la fin de l'épreuve sans effroi, sans faiblesse. Elle arriva plus tôt peut-être qu'il ne l'avait lui-même prévu, et le 7 octobre au soir, après avoir demandé, avec une confiance heureuse et tranquille, et reçu en toute piété les sacrements de l'Eglise, il s'endormait doucement dans la paix du Seigneur. Le sacrifice était consommé: sur sa couche funèbre, l'expression encore souriante et douce de sa physionomie semblait réfléter la tranquillité de l'âme qui venait de s'envoler au ciel.

(1) Voir en particulier les articles Métaphysique et Sociologie, dans l'Enseignement chrétien du 16 mars 1895, et L'obligation morale et l'Idéalisme d'après une thèse récente dans les Annales de philosophie chrétienne de juillet 1895. Voir aussi l'Enseignement du 16 Décembre 1894 et les Annales de Septembre 1895.
(2) Voir notamment les Annales de philosophie chrétienne, livraisons de septembre et novembre 1895, et de janvier, février, avril, juillet et août 1896.
 

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